Bible chrétienne Actes 15

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§ 15. paul À Athènes: Ac 17,16-34


Ac 17,16 // Ez 8,3 Ez 8,10-11 Ez 8,4 Sg 14,8-11 — Si Jérusalem est la ville sainte d'Israël, Athènes est la capitale de la philosophie. Et si Rome est le centre du pouvoir, Athènes demeure celui du paganisme, qui a même, en diverses périodes, contaminé jusqu'au Temple de Jérusalem (// Ez 8). C'est ce que rappelle concrètement ici l'expression: ville pleine d'idoles.

Paul... sentait son esprit frémir en lui: Non seulement son intelligence et sa religion de Juif, monothéiste, mais sans doute aussi l'Esprit qui animait les prophètes dans leurs anathèmes contre l'idolâtrie (// Sg 14 cf. Sg 15,11 Is 44,6-20 Jr 10,1-16, etc. ). Il est important de noter cette violente réprobation intérieure, pour bien comprendre le sens du discours de Paul devant l'Aréopage (v. 19* et suiv.).

Ac 17,17-18 // Rm 1,16 Ici encore, Paul commence à la synagogue. Mais contrairement au « scénario » habituel (Ac 13,40-48*), Paul s'adresse non plus successivement mais conjointement au tout venant, sur l'agora, grande place centrale la cité grecque pour les affaires ou la justice (Ac 16,19); s'y trouvaient notamment les «portiques» chers aux stoïciens (v. 18).

épicuriens ou stoïciens : Paul rencontre donc les tenants des deux principales écoles philosophiques de l'Antiquité (avec le platonisme et l'aristotélisme qui, plus tard, seraient mises au service de la révélation chrétienne). Dès ce premier contact va éclater l'ambivalence qui grève tout rapprochement du christianisme avec l'humanisme païen, dans la mesure où celui-ci s'en tient aux limites de la philosophie naturelle (// Rm 1 à ). N'empêche qu'il n'y a pas contradiction entre sagesse grecque et révélation du Christ, comme en assure la Sagesse — Livre vétéro-testamentaire, mais sous influence de l'hellénisme (// Sg 6).

Il discutait (voir Ac 17,1-4*): Même si, avec ces philosophes, Paul recourt comme il convient au raisonnement, son propos n'en est pas moins toujours à'évangéliser, par le kérygme*, dont le point essentiel est la résurrection. Pas question de s'amuser à une dialectique valant pour elle-même : cela aussi nous prépare à ne pas trop nous arrêter aux considérants philosophiques des versets 24-29*. Et ses interlocuteurs ne s'y trompent pas, puisqu'ils se demandent soit « où il veut en venir », soit pour quel dieu il prêche. semeur de paroles : Plutôt que « ramasseur de graines » (tob), « Spermologos », en grec, ou « seminiverbius », en latin, peuvent être pris en un sens étymologique. Péjorativement, ils pourraient donc se traduire par : « Où veut en venir ce beau parleur » ; et une telle dérision conviendrait assez aux épicuriens. Mais pour mieux respecter la valeur surnaturelle et proprement « évangélique » de cette prédication — que ne savent pas reconnaître ses interlocuteurs, mais qui peut très bien être sous-entendue par une expression conjuguant le « semeur » de la parabole et la « Parole » en son sens divin de Logos — , nous donnons à ce terme le beau sens qu'il avait dans la pensée du pape Urbain h, quand il mandait Robert d'Arbrissel comme « seminiverbius » (Cf. j.m. bienvenu: L'Étonnant Fondateur de Fontevraud..., Nouv. Ed. Latines, 1981, p. 42-44). Cf. hymne du Saint-Sacrement : Sparso verbi semine ; et Vatican ii Ad Gentes 15 : L'Esprit Saint appelle tous les hommes au Christ par les semences du Verbe et la prédication de l'Évangile.

annoncer des divinités étrangères : Soupçon que l'on attribuerait plutôt à des stoïciens qu'aux épicuriens, plus enclins au scepticisme, voire à la dérision pour le « semeur de paroles ». Mais ce n'était pas là une imputation sans danger, car c'est pour cette raison que Socrate avait été jadis condamné à mort... Cela explique pourquoi on en réfère à l'Aréopage, et pourquoi saint Paul fait preuve de prudence dans l'exorde de son discours (v. 23*).

Ac 17,19-21L'Aréopage : Colline à l'ouest de l'Acropole, qui avait donné son nom au « Conseil d'en haut ». Celui-ci, au temps de saint Paul, était descendu sous le portique royal, en bordure de l'agora. Il avait perdu ses fonctions juridiques, mais gardait un caractère plus officiel aux débats doctrinaux.

plaisir... d'entendre quelque chose de nouveau : Sous le trait caractéristique du tempérament athénien, on sent une critique implicite : on est loin de la recherche assidue louée par le parallèle Sg 6 ; le « plaisir d'entendre », pas plus que l'attrait de la «nouveauté» ne dépassent une curiosité superficielle.

Ac 17,22-23 // Sg 7,15-16 Sg 7,21 Ps 76,2 Dt 4,7 Ml 1,11Paul, s'étant levé: Le ton sera moins d'un accusé ou même d'une simple «confession de foi », que d'une exhortation à se convertir (v. 30*). C'est le même mouvement que celui du Christ qui «debout, s'écrie: < Si quelqu'un soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive... > » (Jn 7,37).

L'introduction au discours est une classique « captatio benevolentioe » (v. 22) — mais qui n'en déjoue pas moins habilement l'accusation d'annoncer « des divinités étrangères ».

vous êtes pénétrés de révérence pour les dieux : Ce qu'il y a de négatif dans ce polythéisme était souligné au verset 16*. Mais Paul n'en retient ici que ce qu'a de positif le paganisme des Athéniens, leur « révérence » pouvant être apparentée, en ce qu'elle a de meilleur, à cette « crainte révérencielle de Dieu » qui est l'un des sept dons du Saint-Esprit. Et du même coup, l'Apôtre passe de l'idolâtrie populaire à ce que cette «révérence» visait, plus haut que la multiplicité des idoles : le Dieu unique discerné par le meilleur de la philosophie grecque, de Parménide à Platon, Aristote et les stoïciens.

Au Dieu inconnu... vous rendez un culte sans le connaître : C'est encore sur cette ignorance que Paul reviendra pour conclure son discours, aux versets 30-31*. Sorte d'inclusion* délimitant les considérants (v. 24-29), qui seront donc tout polarisés vers cette conclusion. Ce discours vise tout entier à faire cesser « l'ignorance » des auditeurs.

Mais cette «inconnaissance» est en elle-même déjà positive dans la mesure où, déniant les grossièretés et les limites de la représentation idolâtrique de Dieu, elle le déclare « au-delà de tout nom » et par conséquent dépassant tellement la raison humaine — capable de conclure seulement à son existence — que seule une révélation divine peut nous faire connaître quelque chose du « mystère » de Dieu (cf. Rm 1,20*). C'est cette « inconnaissance » purificatrice des images trop anthropomorphiques (réduisant Dieu aux limites seulement élargies de la forme et de l'être de l'homme) que l'on appelle « la voie apopha-tique* » de connaissance, par négation de tout ce que l'imagination, l'intelligence et donc la parole humaines ont de toujours trop limité pour embrasser Dieu en sa transcendance.

moi, je vous l'annonce: Ce serait bien prétentieux si l'Apôtre n'était intimement persuadé qu'il est porte-parole du Verbe, animé de son Esprit (// Sg 7), pour proclamer la révélation jusque-là confiée à Israël (// Ps 76 Ps 147 Dt 4), mais promise «aux nations» (// Ml 1). Or justement, la caractéristique de ce discours, c'est que Paul n'y fait pas la moindre mention de l'Ancien Testament, pour situer l'Evangile directement dans la ligne de la philosophie des Grecs, en «l'exhaussant» au-delà même de ce qu'elle postulait «à tâtons» (v. 27), jusqu'à la plénitude qui ne se trouve que dans le Christ ressuscité.

Ac 17,24 // — On est bien revenu des thèses de norden ou même de dibélius qui, EN 1913 et EN 1939, virent dans ces versets une interpolation ou du moins un emprunt direct à la pensée stoïcienne. Même si l'on peut trouver des affirmations parallèles, par exemple dans Sénèque, contemporain de saint Paul, la similitude ne prouve pas que l'Apôtre s'y réfère, et l'on peut même constater qu'il s'inspire plutôt de la révélation biblique, en particulier du premier chapitre de la Genèse, même s'il emploie un mot typiquement grec tel que « kosmos », puisqu'il y ajoute « et tout qui est dans le monde », comme le fait la Bible et non la philosophie grecque. De même pour l'expression « du ciel et de la terre » (cf. j. dupont : Nom Etudes, p. 408).

En réalité, Paul n'en montre que mieux la voie à toute apologétique chrétienne, en coulant cette révélation qui vient de l'Ecriture sainte dans une formulation où les Athéniens peuvent retrouver une pensée philosophique familière : exemple de cette « inculturation » sur laquelle on insiste tant aujourd'hui, mais n'en appelant que mieux à une véritable « conversion », comme on le verra aux versets 30-31 *.

n'habite pas dans des temples faits de main d'homme: C'est là-dessus que porte le poids de la phrase, que les deux propositions initiales ont seulement introduite. Affirmation classique de la foi judaïque (// — cité par Etienne en Ac EN 7,48), corroborée par le fait que la « Tente de la Rencontre », durant l'Exode, devait être construite « conformément au modèle céleste » (Ex 25-31cf. bc i*, p. 256-260). Suivant cette même pensée, le N.T. oppose aux temples « faits de main d'homme » le vrai Temple, qui est le Christ, « non fait de main d'homme» (Mc 14,58), et la demeure céleste où il nous introduit (). Ce disant, la révélation judéo-chrétienne rejoignait les hautes déductions grecques, notamment du stoïcisme.

Ac 17,25 // Is 37,19 Is 44,9 Sg 13,10 — Phrase parallèle à la précédente, dans sa construction comme dans sa signification. La proposition principale, explicitée par les deux subordonnées qui la suivent, reprend le « n'habite pas... » du verset LE 24 en l'élargissant à toute pratique idolâtrique (// Is 37 ; 44 ; Sg 13) ; même l'expression de «main d'homme» s'y retrouve. L'Apôtre insiste donc sur la transcendance absolue de ce Dieu unique et souverain, qui n'a aucun besoin de nos services, alors même qu'il nous demande le culte qu'il convient que nous lui rendions — non pour son avantage mais pour le nôtre.

comme s'il avait besoin de quelque chose : Encore un thème de l’A.T.(// ), qui correspond à une affirmation de la philosophie stoïcienne.

c’est lui qui donne à tous la vie, le souffle et toutes choses : Même si la référence au parallèle Gn 2,7 est évidente, Paul se garde bien de citer une Écriture inconnue de ses auditeurs. Loin de s'appuyer sur la révélation faite par Dieu au seul peuple juif, l'Apôtre insiste au contraire sur l'universalisme de ce Créateur, en répétant avec force le mot « tout » : « à tous... toutes choses... toute la race des hommes, sur toute la face de la terre» (v. 26). Il ne s'agit pas seulement de l'Alliance mosaïque, mais de la bénédiction originelle et universelle à toute l'humanité, que ce soit en Adam ou bien au recommencement, après le Déluge (// Gn 1 et 9), valant donc pour tout homme. Cette égalité originelle était aussi une idée stoïcienne.

Ac 17,26 // Gn 1,27-28 Gn 9,1-2 Si 17,2 Dt 32,8Et il fait: répond au « Dieu qui fait le monde », du verset LE 24 Du Dieu de la création, c'est passer au Dieu de l'homme.

À partir d'un seul évoque Adam et Noé (// Gn 1 et 9 — cf. bc i*, p. 72-73), mais rencontre aussi la conviction stoïcienne de l'unité du genre humain. Et de même, que l'histoire des hommes soit déterminée par la providence divine (// Si 17 Dt 32) rend raison de l'ordre du monde qui avait une telle importance dans la morale des stoïciens.

Ac 17,27-28 // Dt 4,29 Is 55,6 Sg 13,1 Sg 13,5 pour qu’ils cherchent Dieu , C'est l'articulation principale cette longue phrase, dont le reste n'est qu'une série d'« attendus »: «l'homme est créé pour chercher Dieu». C'est exactement ce qu'explicitait l'ancien catéchisme : Dieu nous a créés pour le connaître, l'aimer, et le servir comme un Père, et obtenir ainsi le bonheur du ciel. En écho à Jésus lui-même: La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé: Jésus-Christ (Jn 17,3). Comme c'est simple, éclairant, encourageant!... Et si quelqu'un veut être moine, qu'on examine avec soin si le jeune frère cherche vraiment Dieu, s'il est empressé à l'OEuvre de Dieu, à l'obéissance, aux humiliations, moyens essentiels d'une authentique recherche de Dieu à tout prix (benoît : Règle des moines, chapitre 58).

s'ils peuvent le saisir à tâtons : C'est possible à tous, grâce à la « révélation » diffuse d'un Créateur tout-puissant, comme le précisera Rm 1,19-20. Mais, livrée à ses forces naturelles, l'intelligence humaine est si dépassée par la transcendance divine qu'elle en est réduite à chercher en aveugle, « à tâtons », le profond mystère d'où Dieu rayonne (Is 45,15-26). Même la grâce nous laisse dans l'obscurité de la foi (// ), et Moïse lui-même, pourtant favorisé de conversations et de visions divines (// Nb 12,7-8 — bc i*, p. 320), ne put voir Yahvé que «par-derrière» (Ex 33,18-20 — bc i*, p. 268-272). Il n'est donc pas étonnant que l'homme, livré à lui-même, ait tant erré dans cette quête de Dieu, tombant dans une idolâtrie trompeuse, même chez des païens aussi «religieux» que l'étaient les Athéniens ou les Egyptiens (Rm 1,21-23).

et le trouver: C'est le couple «chercher-trouver» (BC II*, table). Voir un peu plus loin le témoignage de Bernard de clairvaux.

La fin de ce verset 27 et tout le verset 28 sont une incise, à la fois explicative du mode par lequel on peut trouver Dieu, et réconfortante puisque si Dieu ne se laisse percevoir qu'à tâtons, c'est précisément parce qu'il est trop proche de nous et intime à nous-mêmes : pour voir, il faut un minimum de recul — que nous n'avons pas avec Dieu.

En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être : Citation explicite du poète Epiménide (vie siècle av. J.-C), répondant à: «donne à tous la vie, le souffle et toutes choses » du verset 25b. Mais c'est aussi une affirmation fréquente de la Bible (// Jn 1,3-4 Ps 36,10 Sg 7,24 Sg 7,27 Jdt 16,14). Comment comprendre qu’en Dieu nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes, si ce n’est qu’il enserre et maintient le monde par sa puissance (origène : De Principiis, il, 1, 3 — SC 252, p. 238).

C’est vivimus qu’il y a d'abord, et après vient le mouvement, et c’est tout à la fin qu’il n'y a pas moyen de ne pas nous apercevoir, et comment ! que nous existons... mettant en premier la vie, ce que nous tenons de la conception, et puis un pouvoir d'action autonome, et enfin, la réalisation en une personne consciente, avec un visage et un nom, ordonnée dans l'affirmation... Quand donc saint Paul nous dit que nous vivons en Dieu, est-ce que c’est vrai, oui ou non ? Et j'ajoute : de Dieu. Et j'ajoute pour Dieu (p. Claudel : xxii, 180 : xxi, 404; xxiii, 219).

Voilà comment un mystique rend compte d'une telle expérience.

bernard de clairvaux : Sur le Cantique, S. 74, 5 (Ed. J. Leclercq n, p. 242-243) — J'avoue qu'à moi aussi le Verbe est advenu«je le dis comme dans ma folie » () — et plusieurs fois. Cependant, bien qu'il soit entré souvent en moi, je n’ai jamais pu sentir de quelle façon. J'ai senti sa présence ; je me rappelle qu'il était là; parfois j'ai pu pressentir sa venue, mais je n'ai jamais senti son entrée, pas plus que sa sortie. Conformément à ce que disait Jésus à Nicodème : « Tu ne sais d'où il vient ni où il va » (Jn 3,8)... Par où est-il donc entré ? — Il n’avait pas à entrer, puisqu’il ne venait pas du dehors : rien ne lui est en effet « du dehors ». Mais il n’est pas non plus venu du dedans, car il est bon, et je sais qu’il n’est en moi rien de bon. Je suis même monté plus haut que moi, et voici que le Verbe était plus haut encore. Explorant en moi les profondeurs, je l'ai trouvé plus profond. Si j'ai cherché hors de moi, je l'ai découvert bien au-delà; à l'intérieur, à moi plus intime que moi-même. Ainsi ai-je su qu'était vrai ce que j'avais lu: «En lui nous avons la vie, le mouvement et l'être » ; et celui-là est bienheureux qui est en lui, vit pour lui, est mû par lui.

Car nous sommes de lui et de sa propre race : Citation des Phénomènes d'Aratos (uf siècle av. J.C.), proche d'une pensée du stoïcien Cléanthe. Le texte d'Aratos signifie : « nous tirons de lui notre origine. » Le sens en est donc «accommodé», sans doute pour un rapprochement avec l'idée d'image de Dieu (Note tob. // Gn 1,26-27 Si 17,3 cf. 2P 1 Jn 1Jn 3,2).

En tout cas, on voit que dans tout le corps de son discours (v. 24-28), Paul ne s'est pas appuyé sur la révélation judéo-chrétienne mais — implicitement ou explicitement — sur la culture grecque. Les Pères l'avaient bien vu, en même temps que le sens donné par l'Apôtre à cette « inculturation ».

origène : Sur Luc, hom. 31, 3 (SC 87, p. 379-381) — Paul, dans l'intérêt de ses auditeurs, en appelle au témoignage non seulement de l'Ecriture, mais encore des livres profanes... Mais c'est pour les sanctifier que Paul a pris à son compte les paroles même de ceux qui ne sont pas des nôtres.

didyme laveugle : Sur Gn 12,11 (SC 244, p. 182) — L'homme vertueux « entre en Egypte » en ce sens qu’il se sert souvent de la culture étrangère pour en tirer quelque chose d'utile, comme Paul, le bienheureux Apôtre, l'a fait en citant le vers d'Aratos... Il nous exhorte à «capturer toute pensée pour la mettre au service du Christ » ().

On peut même dire que cette rencontre avec la culture grecque apporte un correctif (à une accentuation unilatérale de la transcendance divine, mise en valeur par la révélation biblique) en rappelant que ce pôle ne représente qu’un aspect, en face de l'autre pôle, celui de l'immanence, avec lequel il doit toujours rester en tension. Le Dieu transcendant n’est pas seulement celui qui intervient dans l'histoire en des circonstances exceptionnelles ; il est partout présent dans le monde et au plus intime de chaque homme... La théologie s'oriente ici vers la mystique (Conclusion de j. dupont : Nouv. Études, p. 423). Il )' a des protestants qui n’acceptent pas comme authentique le discours à l'Aréopage, et le disent écrit après l'époque apostolique, parce qu'ils ne peuvent reconnaître une « praeparatio evangelica » dans la culture grecque. Pour eux, l'expérience mystique est une expression de vie religieuse dans le paganisme ; et par contre ce qui distingue la vie religieuse dans le christianisme comme dans l'antique Israël serait non l'expérience mystique mais l'expérience prophétique, l’expérience d'une altérité, d'un rapport de la créature au Créateur, rapport du pécheur au «Tout Saint». L'unique réalisation d'un rapport avec Dieu serait alors dans la pure obéissance, jamais dans l'expérience d'une certaine unité, car l'unité nierait la transcendance divine.

Dans le discours à l'Aréopage, Paul reconnaît la légitimité d'une expérience religieuse de l'immanence de Dieu... Il parle d'une présence intime au coeur de l'homme. C'est bien ce qu'avaient enseigné les stoïciens: Epictète, Sénèque... Le stoïcisme et le platonisme connaissent l'expérience mystique: une expérience de Dieu vivant dans le coeur de l'homme, investissant l'homme et le transformant par l'intérieur. Bien avant le discours à l'Aréopage, on trouve cette expérience dans un livre de l’A.T., le Livre de la Sagesse (lui aussi imprégné de culture grecque) ; les protestants ne l'acceptent pas comme livre canonique : la sagesse n'est certainement pas « l'âme du monde » des stoïciens (entachée de panthéisme) ; mais la révélation divine accepte une certaine immanence de Dieu au sein de la création, et surtout l'immanence de Dieu dans le coeur de l'homme (n. barsotti).

C'est la base même de l'humanisme chrétien qu'il puisse intégrer de la sorte toutes les valeurs positives et les expériences religieuses du monde. Mais il ne le fait pas en mettant les différentes cultures à égalité, et en admettant également ce qu'elles ont d'insuffisant ou, pire, d'erroné, comme le prétendent certains partisans inconditionnels de l'inculturation. La conclusion même du discours à l'Aréopage témoigne précisément que les cultures ne peuvent entrer dans les perspectives universalistes de la révélation judéo-chrétienne qu'à la condition d'accepter leur indispensable «conversion».

Ac 17,29 // Sg 13,10 Sg 13,13-14 Sg 14,19-21 — Le verset se rattache non seulement à la citation d'Aratos par le mot « race », mais aussi au début de l'incise (v. 27b) par le mot « hyparcontes » , se trouvant, étant — Il n'est pas loin. Par conséquent, cette incise une fois bien délimitée, l'enchaînement se fait directement entre « créés pour chercher Dieu, à tâtons, le trouver » et « nous ne devons pas penser». C'est à cette proposition principale que nous mène donc qui précède (v. 26-28) ; et n'est sans doute pas par hasard qu'elle est négative, comme les deux principales des versets Est 24-25, l'essentiel qu'annonce Paul aux Athéniens est donc: « Dieu n'habite pas... ne se fait pas servir... n'est pas une idole. » Au surplus, le terme commun de « la divinité », pouvant désigner ce qu'on adorait dans les différentes idoles, permet à l'Apôtre de refuser toute idolâtrie, thème fréquent de la polémique des prophètes (// Sg 13 et 14 — voir Is 37 et 44 en parallèle au v. 25). Il faut bien saisir cette « construction » des versets LE 24-29 pour définir leur sens et par conséquent leur cohérence avec la dureté « prophétique » de la conclusion.

Ac 17,30-31 // Am 5,15 Am 5,18 Si 51,29-30 Jn 5,22 Jn 5,27-30 Le verset LE 30 fait doublement inclusion* avec le verset LE 23, «ces temps d'ignorance» répond à « sans le connaître », et « Dieu annonce... » confirme le «je vous l'annonce». Tout le corps humaniste du discours est donc bien englobé dans une prédication évangélique, lui donnant son vrai sens: l'Apôtre n'est pas là pour faire l'éloge de la philosophie grecque ; bien plutôt il se sert de celle-ci pour préparer et entraîner le «changement de voie » qu'il demande à ses auditeurs avec une force excluant tout atermoiement: c'est maintenant, un devoir, pour tous et partout.

parce qu'il... : Ce verset 31 donne la raison pour laquelle Paul presse les païens de se convertir — « caritas urget nos» (): on y retrouve les trois points du kérygme* (cf. Ac 2,22-39*) : expressément le premier et le troisième : résurrection et adhésion par la foi ; implicitement la rémission des péchés par l'appel à la conversion du verset 30, et la perspective d'un jugement confié au Christ, en son humanité Rédempteur et Sauveur (// Jn 5). Comme le dit l'Apôtre aux Athéniens... le Christ nous jugera, revêtu de notre nature humaine, car invisible est la nature de la divinité. D'où le nom de « Fils de l'homme » qu'il s'est donné à lui-même, parce que c’est la nature humaine que contemplent ceux qui sont jugés (théodorrt dh cyr : Thérapeutique... xi, 68 — SC 57, p. 414).

Il est pourtant notable que l'ordre habituel soit ici renversé, la résurrection ne venant pas en premier comme dans l'annonce aux Juifs, parce que saint Paul n'ignorait pas la difficulté pour des Grecs d'admettre ce mystère non moins que «la folie de la Croix» (). Donc il préfère en appeler au jugement, que les religions païennes admettaient ; et il ne fait mention de la résurrection qu'à propos de cet Homme, accrédité par elle à la tâche proprement divine d'être juste Juge « de la terre entière ».

Ce mystère de la résurrection dépasse tellement « la sagesse grecque » que l'intelligence humaine doit ici être éclairée par la foi. Dieu, qui «accrédite» Jésus en le ressuscitant des morts et qui « annonce » la Bonne Nouvelle du Royaume par ses Apôtres (v. 30 et 23b), « offre corrélativement à tous la foi », pour que la surélévation des facultés de connaissance du sujet, précisément grâce à la foi, les mette à la hauteur de l’objet, surnaturel, divin, de notre croyance. Si en effet cette « annonce » est Parole de Dieu, parce que Dieu l'a donnée ; Parole des Apôtres parce que d'abord confiée à eux, avec mission de

la proclamer... (augustin : Sur Jean, tr. 109, 5 — pl 35, 1919), elle ne peut être reçue, de Dieu et de l'Église, que dans la foi.

Mais celle-ci, impliquant la liberté de l'homme, ne peut être qu'offerte : d'où les réactions diverses des auditeurs.

Ac 17,32-34 // Jn 6,60 Jn 6,65-68 Denys l'Aréopagite , Même s'il faut renoncer à en faire l'auteur mystique du «Corpus dionysien» — dont l'influence fut immense au Moyen Âge, mais qui remonte à la fin du ve siècle tout au plus — , c'était un converti notable, par la suite premier évêque d'Athènes (d'après eusèbe: Hist. EccL, iv, xxm, 3 — SC 31, p. 202). Les premiers chrétiens n'étaient pas tous des pauvres et des simples. Les Actes insistent même à plusieurs reprises sur l'adhésion de personnages importants à la foi (Ac 8,13.38; 13,12; 17,4). Paul était lui-même de ceux-là.

Sur ce point, on peut relever un nouveau parallèle avec le Christ, échouant auprès de la multitude, mais s'attachant un Nicodème et un Joseph d'Arimathie (Jn 3 et 19,38), ou la femme de Chouza, intendant du roi Hérode (Lc 8,3). Si le disciple fera même des oeuvres plus grandes que celles du Maître (cf. Jn 14,12), il n'est pas pour autant plus grand que le Maître (Jn 15,20), et si le grand nombre a trouvé « trop dure » la Parole du Christ (// Jn 6), son Apôtre ne peut s'attrister de n'avoir converti que bien peu d'Athéniens — quelle qu'ait été son habileté à s'appuyer sur la philosophie pour préparer les esprits. La conversion ne s'obtient pas seulement par des moyens humains : c'est ce que rappellera saint Paul aux Corinthiens, trop imbus de sagesse hellénique. Il n'empêche que la prédication apostolique vient d'atteindre, dès à présent, l'un des centres reconnus du paganisme, et d'y poser au moins les premiers jalons humains du lointain mariage de l'Évangile avec la culture grecque...

C'est donc une première légitimation de « l'humanisme chrétien », ratifiée par Vatican ii : Tout ce qui, chez (ceux qui ignorent l'Evangile) , peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une «préparation évangélique ». Mais c'est si fragile, souvent accompagné d'erreurs et d'incertitudes, que « l'inculturation », loin de rendre inutile la mission, la rend plus indispensable, comme l'ajoute aussitôt la Constitution sur l'Église «Lumen Gentium» (h, 16). Et saint Paul nous donne le premier l'exemple du véritable humanisme, dont la condition sine qua non est de se référer et de se convertir tout entier à l'Évangile...


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§ 16. paul à corinthe: Ac 18,1-28


Ac 18,1-3 — Introduction qui, dans sa brièveté, nous donne de précieuses indications sur la vie de saint Paul.

Se retirant d'Athènes, Paul vint à Corinthe : Paul n'a fait que passer à Athènes, y laissant peu de disciples; à Corinthe, il restera un an et demi (v. 11), y reviendra durant l'hiver 57-58 (1Co 16,5-6 et Ac 20,3), et enverra de là ses premières lettres (1 et 2 Th), qui datent par conséquent de 51 ou 52. Autant Athènes était la cité des philosophes, autant Corinthe, profitant de son double port des deux côtés de l'isthme, était populeuse, vouée au commerce et de moeurs fort libres. Reconstruite par César et devenue colonie romaine, c'était la capitale administrative de l'Achaïe. Ce sera vraiment l'Église des Gentils, sur laquelle nous renseignent les deux Épîtres qui leur furent adressées d'Éphèse, entre 54 et 57.

Aquilas, originaire du Pont (province du nord-est de l'Asie mineure, en bordure de la mer Noire ou Pont-Euxin) et Priscille : Collaborateurs de Paul, qui le suivront à Éphèse (Ac 18,18-19 Ac 18,26 ; 1Co 16,19 cf. Rm 16,3 et 2Tm 4,19).

(L'empereur) Claude avait prescrit... : Corroboré par Suétone, qui précise que c'était à la suite d'agitations provoquées par un certain « Chrestos » (indice de la présence de chrétiens à Rome). Datant de 49-50, ce décret n'était déjà plus appliqué en 61-63, lorsque Paul vint à Rome (Ac 28,17 cf. Rm 16,3).

fabricants de tentes : Le tissage d'étoffes en poils de chèvre était une spécialité de la Cilicie, d'où venait Paul ; mais sur ce en quoi consistait exactement son travail, on hésite (voir J. Dupont : Milet, p. 300). Du même métier, il resta chez eux à travailler : Bien qu’il reconnaisse le droit des missionnaires à leur subsistance (1Co 9,6-14 Ga 6,6 2Th 3,9 cf. Lc 10,7), Paul a toujours tenu à travailler de ses mains (1Co 4,12), pour n'être à charge de personne (1Th 2,9 2Th 3,8 2Co 12,13 s), et prouver son désintéressement (Ac 20,33 s ; 1Co 9,15-18 2Co 11,7-12). Il n'a accepté de secours que des Philippiens (Ph 4,10-19 2Co 11,8 s ; cf. Ac 16,15). À ses fidèles il recommande de même de travailler pour subvenir à leurs besoins (1Th 4,11 s ; 2Th 3,10-12), et à ceux des indigents (Ac 20,35 Ep 4,28). (Note BJ.) — Mais la vraie vie de Paul est intérieure (v. 9*).

Ac 18,4-8 // Si 1,30-31 ; Ex 28,1 Ex 28,3 Ex 30,30 Ne 5,13 Mt 27,25Il discutait , Ac 17,1-4*. Publiant dans son discours le nom de Jésus , La précision vient de la v.o., qui ajoute au verset 6, « Comme il y avait force discussion et interprétation des Ecritures. » Silas et Timothée, En effet laissés à Bérée 1 et 2 Th 2Th 1,1 sont signées de Paul et de ses deux disciples.

Paul se consacra tout entier à la Parole : Au sens habituel de donner tout son temps à la prédication (// Si), et au sens plus spécialisé d'une «consécration» habilitant et dévouant un homme ou un objet à être « porteur de Dieu » : tel est bien le prêtre, de l'ancienne et a fortiori de la nouvelle Alliance (// Ex 28 Ex 30) ; tels sont les Apôtres (Ac 6,4*). Tel est Paul, chef de la phalange céleste, voix vivante du Christ, ayant en lui sa grâce jaillissante, le grand docteur de l'Église qui chaque jour subit pour elle mille morts, persécuteur jadis, aujourd'hui persécuté, pécheur jadis, aujourd'hui gracié... (cosmas indicopleustes : Topographie chrétienne, u, 5, 215 — SC 159, p. 321).

jean chrysostome : Sur le sacerdoce, îv, 3 (SC 272, p. 248-250) — L'enseignement de la Parole, voilà l'organe, voilà la nourriture, voilà la meilleure ambiance avec le ciel ; cela tient lieu de remède, cela tient lieu de feu, cela tient lieu de fer : pour brûler, pour trancher on doit prendre ce moyen ; s'il n’a pas d'effet, tout le reste sera vain. C'est par là que nous réveillons l'âme endormie, que nous apaisons son excitation, que nous retranchons le superflu, comblons les déficiences et travaillons à tout ce qui procure la santé de l'âme... Et lorsqu’une âme erre sur les dogmes, il est grand besoin de la Parole, non seulement pour la sécurité de ceux qui sont à l'intérieur de la maison (de l'Église) , mais aussi contre les attaques venues de l'extérieur... Même le bienheureux Paul eut recours à la Parole, bien qu’il suscitât partout l'admiration pour ses miracles...

attestant aux Juifs que Jésus est le Christ : cf. Ac 9,20 ; 2,36, etc. L'annonce du «Messie» s'adresse évidemment aux Juifs, qui l'attendent depuis si longtemps !

ils le contredisaient et blasphémaient : Tout comme à Antioche de Pisidie (Ac 13,45). C'est «le scénario ordinaire» (cf. Ac Ac 13,40 s*).

il secoua ses vêtements (v. 6 et // Ne 5,13) : Suivant le conseil évangélique de Lc 10,10-12; cf. bc u*, p. 321 : Si le Royaume est refusé, que la rupture soit nette, pour que s'avère la nécessité d'une conversion ultérieure au Royaume toujours offert.

«Que votre sang retombe sur votre tête, j'en suis pur» (v. 6b): Évoque le Christ (// Mt 27,25cf. bc n*, p. 724), et Suzanne (// Dn 13). C'est une même «Passion» en la Tête et en ses membres, qu'ils soient de l'ancienne ou de la nouvelle Alliance.

Titius Justus : Au nom romain, et probablement incirconcis, mais « pieux et craignant Dieu», comme le centurion Corneille (Ac 10,2). Paul vient chez un païen, comme l'avait fait Pierre, en dépit de l'interdiction légale (Ac 10,27-33*), désormais officiellement abolie pour les chrétiens. C'est un nouveau parallèle entre Paul et le prince des Apôtres, d'autant plus voulu qu'au verset suivant, « Crispus... crut au Seigneur avec toute sa maison » correspond à « Corneille avait invité ses parents et ses amis » (Ac 10,24).

On est donc loin d'un rejet total du Christ par les Juifs, puisque Crispus adhère à la foi : mais au verset 17 nous verrons que « le chef de la synagogue » n'est plus Crispus, mais un autre, nommé Sostfiène ; ainsi, judaïsme et christianisme deviennent-ils pratiquement incompatibles...

Ac 18,9-11 // Is 41,9-10 Jr 1,8-9dans une vision: C'est un des nombreux moyens par lesquels Dieu guide visiblement son Apôtre , cf. Ac Ac 9,12 et Ac 26,16 Ac 26,19 Ac 16,7-10 Ac 23,11 Ac 27,23-24 Ac 27, vit une dépendance continuelle du Seigneur, qui opère en lui comme il opère dans le christianisme des origines. La vie de Paul, pleine d'action et de travaux, et si riche dans ses rapports humains, est bien peu de chose si on la compare à son rapport avec le Christ... Sa vraie vie n'est pas dans ce qu'il fait, dans ses voyages continuels, dans les tribulations et les persécutions qu'il souffre: la vie de Paul a son contenu le plus vrai dans son rapport vivant avec le Christ. En ce rapport, il possède une stabilité, une unité admirables. Les événements extérieurs ne peuvent que manifester quelque chose de cette vie profonde de Paul (d. barsotti).

N'aie pas peur: Tout contact avec Dieu suscite la crainte révérencielle de l'adoration ; aussi le premier mot de Dieu ou de son envoyé est-il pour rassurer le voyant (// Is 41 et Jr 1 cf. ii*, p. Jr 36). Je suis avec toi : // Jr 1,8b — le parallèle est d'autant plus évident que, pour Paul comme pour Jérémie, il s'agit du ministère de la Parole (v. 9 et 11).

j'ai un peuple nombreux en cette ville: Comme, par Simon-Pierre, «Dieu a voulu choisir parmi les païens un peuple consacré à son Nom» (Ac 15,14 et 17 — toujours le parallèle entre Pierre et Paul). Mais plus encore, c'est la réalité même de la nouvelle comme de l'ancienne Alliance, d'Ex 19,5 à Ml 3,17 (cf. bc i*, p. 247) : «Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. »

Ac 18,12-17 // Jn 18,29-31 Jn 18,38 Au temps où Gallion. , Nous savons par ailleurs que c'était le frère de Sénèque, et qu'il fut proconsul dans les années LE 51 à LE 53 Son attitude ne témoigne pas seulement la neutralité habituelle du pouvoir de Rome dans les controverses religieuses (// Jn 18), mais d'un certain mépris pour les accusateurs, puisqu'ils peuvent rosser Sosthène — retournement digne d'une comédie ! — sans que Gallion intervienne. Y aurait-il même une certaine estime du proconsul pour Paul, bien qu'elle n'aille pas jusqu'à la conversion comme dans le cas de Sergius Paulus, le proconsul de Chypre (Ac 13,12) ? La rencontre n'en prend pas moins un tour symbolique, et bien dans l'esprit de Luc qui nous présente généralement les magistrats romains sous un jour favorable , comme le remarque d. barsotti, entre cet homme cultivé et l'Apôtre il semble qu'il y ait une entente muette... (et) il n'est pas sans signification que Gallion ait été mis à mort dans cette même persécution où Néron condamne le christianisme, supprime Pierre et Paul, mais aussi les grands hommes du stoïcisme romain: Burrhus, Sénèque et Gallion. Paul et Gallion se sont donc retrouvés dans la mort.

s'il est question de querelles de mots et de noms (v. 15) : Sans doute les titres de « Seigneur et Christ » donnés à Jésus (v. 5b ; cf. Ac Ac 2,36). Or ce ne sont pas seulement « des mots », mais la profession fondamentale de la foi chrétienne ! Par cette expression même, Gallion montre combien il reste en dehors de cette foi.

Ac 18,18-23 // Nb 6,1-3 Nb 6,5 Nb 6,13-14 Nb 6,18 Simple «fin tournée», Co-rinthe à Éphèse (réservée pour la troisième mission : v. 21, cf. Ac 19), Césarée, Jérusalem et Antioche. Puis début du troisième voyage, par la Galatie et la Phrygie, « confirmant tous les disciples » (cf. Ac 14,22 ; 15,36-41 *). Entre deux longs séjours — un an et demi à Corinthe, deux à trois ans à Éphèse (Ac 19,1*) — c'est vraiment une vie itinérante. Cenchrées (v. 18) est le port de Corinthe, du côté de la mer Egée.

Paul s'était fait tondre... à cause d'un voeu : Celui du naziréat (// Nb 6), dont la fin était marquée non seulement par la tonte des cheveux mais par des sacrifices purificatoires (// Nb 6,13-14 Nb 6,18 voir aussi Ac Nb 21,24). Ainsi, d'affirmer clairement la liberté chrétienne vis-à-vis de la Loi n'empêchait pas saint Paul de s'y soumettre à l'occasion, mais «librement».

Ac 18,24-28 // Gn 18,19 Ex 18,20 Ex 33,12 Rm 12,9 Rm 12,11 Pr 3,26 Is 63,7 — Notice sur Apollos qui, même que le premier paragraphe du chapitre suivant, nous laisse entrevoir qu'en ces débuts de l'Eglise une progression rapide, multiforme et de provenances diverses de la foi dans le Christ n'allait pas sans de graves lacunes sur la religion chrétienne. Apollos a beau être versé dans les Ecritures (de l’A.T.J et instruit exactement sur Jésus, il en est au baptême de Jean, donc en deçà des sacrements et sans doute de la réalité mystique non moins que de l'organisation de l'Eglise, puisque l'entrée même en était de recevoir le baptême chrétien (Ac 2,38-41 ; cf. 8,35-38 ; 16,30-34). Même les Samaritains, baptisés par le diacre Philippe « au nom du Seigneur Jésus » (Ac 8,5-6.16), n'ont reçu le Saint-Esprit que de l'imposition des mains par les Apôtres Pierre et Jean (Ac 8,14-17). Même l'instruction (Ac 18,24-25a), la ferveur (v. 25b) et l'orthodoxie (v. 25c) d'Apollos ne suffisent pas, ni par conséquent la « Sola Scriptura » , une « initiation* » est nécessaire (bcii*, p. xvm-xx), par transmission ou « tradition », de chrétien déjà confirmé à chrétien récipiendaire: comme ici, de Priscille et Aquilas à Apollos (v. 26). Il n'en est pas moins besoin à présent, comme l'a pressenti le chemin néo-catéchuménal et comme le demande Jean-Paul II pour la nouvelle évangélisation.

la voie* du Seigneur (v. 25 et 26) : Davantage qu'une simple adhésion intellectuelle — ou même seulement par imprégnation culturelle à peine réfléchie et décidée — , la religion est une vie, mais où l'on se convertit progressivement. C'est ce qu'indique précisément ce beau nom de « voie », qui fait si bien image (Ac 2,25-28*) ! Au surplus, cette qualification de la religion comme «voie» remonte à Abraham, et vient de Dieu lui-même (// Gn 18,19 Ex 18,20 Ex 33,13).

et enseignait exactement... exposèrent avec plus d'exactitude : La répétition du même mot, passant la seconde fois au comparatif, fait bien sentir la progression.

dans la ferveur de son esprit: et non «de l'Esprit Saint», car son initiation imparfaite ne lui a pas encore donné de le recevoir (comme en Ac 19,5-6*).

parler avec assurance : Un des mots clés des Actes (Ac 4,13*), mais fondé sur l’A.T.(// Pr 3). Il définit un des caractères fondamentaux de l'espérance, qui est une certitude incassable puisque aussi solide que Dieu même, sur qui elle s'appuie.

Alexandrin d'origine: C'est là, «dans sa patrie», dit la v.o., qu'il aurait reçu une première «instruction relative à la parole du Seigneur». L'annonce de Jésus était donc déjà parvenue en Egypte... Apollos vint à Éphèse (v. 24), puis en Achaïe, donc à Corinthe^ (v. 27). Cela nous rappelle la mobilité des gens de l'Antiquité ou du Moyen Âge, que la lenteur des voyages ne rebutait pas, et qui ne s'attachaient pas à un seul centre, pour la vie. On voit aussi la solidarité et les relations épistolaires unissant les jeunes Eglises (v. 27). v.o. précise : A Ephèse, certains Corinthiens qui y résidaient et l'avaient entendu le priaient de passer avec eux dans leur patrie ; et comme il y avait consenti, ils écrivirent...

éloquent (ou savant), versé dans les Écritures : Apollos avait tout ce qu'il faut pour « discuter* » et démontrer par les Ecritures que Jésus est le Christ — comme il convenait de le faire pour venir à bout des contradicteurs juifs. Mais par le fait même, c'était aussi témoigner que, désormais, il était au coeur de la foi et du mystère chrétien (Ac 2,22-36*). Il deviendra donc une grande figure de l'Église des Corinthiens, où nous le retrouverons en 1Co 1,12; 3,4-6; 16,12; cf. Tt 3,13.

ceux qui, par l'oeuvre de la grâce, avaient cru : La foi est don gratuit de Dieu, comme l'affirmera Paul contre les Pharisiens trop imbus de leurs mérites. Mais ce n'est pas moins l'enseignement de tout l’A.T.(// Is 63), et de l'élection d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Moïse, de Samuel, de David, etc., dont la gratuité est constamment soulignée, puisque c'est le cadet, l'enfant de la femme stérile ou le rejeté, qui se trouve choisi par Dieu « avant même d'exister» (Rm 9,10-13).



Bible chrétienne Actes 15