Bible chrétienne Evang. - § 359. Les saintes femmes au tombeau: Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1 // Ct 4,12-14 Ct 5,1)

§ 359. Les saintes femmes au tombeau: Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1 // Ct 4,12-14 Ct 5,1)


(Mt 28,1-8 Mc 16,1-8 Lc 24,1-11 Jn 20,1) // Ct 4,12-14 Ct 5,1)

— En liaison avec le thème du < Jardin > § 357 — in fine), le Cantique nous offre une équivalence mystique du recueillement et de l'attente secrète qui préparent à la Révélation de Pâques non seulement les saintes femmes, mais tous disciples du Christ, présents et à venir. Ce n'est pas moins important que les faits extérieurs.

Mt 28,1 Mc 16,1-2 Lc 24,1 et Lc 24,10 Jn 20,1 — Passé le sabbat, et pour cause § 357Lc 23,56*). C'est donc bien « le 3° jour » (Lc 24,7*).

L'heure est indécise, comme le degré de lumière — extérieure, mais aussi intérieure sans doute, si l'on compare le « il faisait encore sombre » de Jn 20,1 au « c'était la nuit » de Judas § 317Jn 13,30*). Que ce soit « à l'aube » (Mt), « le soleil levé » (Mc) ou seulement au tout petit jour (Jn et peut-être Lc), en tous cas c'est le plus tôt possible, « de bon matin » (Jn, ou équivaiemment Mc et Lc) : on sent la hâte d'une fidélité indéfectible, celle de l'amour.

Le nom et le nombre de ces femmes n'est pas non plus absolument déterminé. Jn ne nomme que Marie de Magdala; Mt y ajoute « l'autre Marie » (cf. § 354Jn 19,25*) ; Mc : Marie mère de Jacques, et Salome, la mère des fils de Zébédée ; Lc (v. 10), sans parler de Salome, ajoute Jeanne, sans doute la femme de l'intendant d'Hérode § 124Lc 8,3). Faut-il voir en ces femmes la représentation des deux types d'accompagnatrices de Jésus : soit de sa famille — qui jouera un grand rôle dans la communauté judéo-chrétienne primitive, et par conséquent dans la transmission de l'événement de Pâques — soit des miraculées et converties? Quoi qu'il en soit, Marie de Magdala, seule nommée par les 4 Évangélistes, y tient le rôle principal : Cf. J. Daniélou: La Résurrection, p. 13-14.

Leur but : Visiter (litt. « contempler ») le sépulcre (Mt) ; y faire entendre les lamentations rituelles (Év. de Pierre, apocryphe du n° siècle, n° 50-52); ou (et) embaumer le corps (Mc-Lc): de toute façon, pour un hommage à Celui qui est mort vendredi: Sa résurrection ne leur viendrait pas à l'esprit.

Mt 28,2-4 Mc 16,3-5 Lc 24,2-5a; Jn 20,1b — Aucun des Évangélistes n'a tenté d'imaginer le mystère lui-même de la Résurrection du Christ, comme le font au contraire les Apocryphes (Év. de Pierre, n° 34-40; Actes de Pilate, 13,1): discrétion de la vérité... Seul Mt évoque le retentissement de la Résurrection, comme il avait indiqué celui de la mort du Christ : par un grand tremblement de terre (v. 2) — à comparer avec § 355 — Mt 27,51*), signe apocalyptique de l'entrée dans l'ère eschatologique (cf. § 141 , in fine; Ex 19,18 1R 19,11 Ps 114,7 Is 13,13 Jl 2,10 He 12,26).

La pierre roulée : La question des femmes à son sujet, en Mc 16,3, intervient trop tardivement pour rendre compte de l'inquiétude qui aurait dû naître bien avant. Comme d'habitude, l'Évangile ne fait pas de psychologie : on suppose plutôt que cette question vise à préparer le v. 4. Au verbe « qui nous roulera... ? » Mt répond en effet : « l'ange fit rouler la pierre ». Par là se trouve d'emblée souligné que la Toute-Puissance divine a répondu par avance — et bien au-delà — aux impossibilités humaines. C'est l'un des thèmes fondamentaux, sous-jacent à la Résurrection : elle est le fait de l'initiative du Père.

L'apparition angélique : Pour Mc, c'est « un jeune homme », qui semble correspondre à l'inconnu de Mc 14,52* § 338 . En Lc, ce sont « deux hommes », peut-être Moïse et Élie comme à la Transfiguration § 169 — Lc 9,30-31* ; cf. J.M. Guillaume : Luc interprète..., p. 38-41). — Ce serait un premier recours à « la preuve par l'Écriture », que le Christ reprendra avec les disciples d'Emmaüs, puis les Apôtres (Lc 24,25-27 et 44-48). Jean parlera de « deux anges » § 361 — Jn 20,12). Mt préfère nommer « l'Ange du Seigneur » qui, d'après l’A.T., est une forme de Yahvé lui-même (BC I*, p. 99-100 et 207). En tous cas, son aspect montre qu'il appartient au monde divin : il « descend du ciel » (Mt), avec aspect fulgurant (Mt-Lc), et vêtement blanc (Mc) comme neige (Mt): images analogues à celles du Christ lors de sa Transfiguration § 169 *). L'attitude aussi est révélatrice. Pour Mt, l'ange s'est assis sur la pierre qu'il a roulée (donc à l'extérieur). L'expression dirait même qu'il siège là-dessus comme sur un trône (F. Neirynck: Les femmes au tombeau, dans NTS 1968-69, p. 171). Suivant Lc et Jn, les deux anges sont à l'intérieur, assis, et même « assis à droite » au dire de Saint-Marc, rappelant le < Siège à ma droite >, signe de la glorification du Christ, d'après le Ps 110 § 376 *). Bref, si tous les détails ne concordent pas matériellement, leur signification est cohérente : c'est une manifestation glorieuse, céleste.

La réaction des assistants le confirme. Mt peut jouer du contraste entre les gardes et les saintes femmes. Les premiers tremblèrent (même mot que le < tremblement > de terre : c'est pour eux un < Séisme > intérieur); et ils devinrent comme morts, par antithèse avec les nombreux « corps des saints » qui revivent après le tremblement de terre du Vendredi-Saint § 355 — Mt 27,51-54*).

N'ayant pas parlé de ces gardes, Mc et Lc signalent cette même crainte sacrée* à propos des femmes, entrées dans le tombeau. Le verbe employé par Mc, très fort, est le même que pour Jésus à Gethsémani et pour les Apôtres suivant le Maître qui monte à Jérusalem pour sa Passion (Mc 14,33* et 10,32*). Quant à Lc, s'il ajoute que « remplies de crainte, les femmes baissaient le visage vers la terre », c'est qu'on « ne peut voir Dieu et vivre » (Ex 3,6 — BC I*, p. 208): c'est le même réflexe que les 3 apôtres prosternés à la Transfiguration § 169 *). Il s'agit donc bien de la crainte révérencielle qu'éprouve l'homme en présence du divin. L'ange d'ailleurs tente de les rassurer d'un « ne craignez pas », par quoi commence tout dialogue avec un envoyé céleste (cf. § 3 — Lc 1,13*).

Notre anthropocentrisme a de la peine à admettre parfois, même l'existence, l'omniprésence et la toute-puissance de Dieu; rien d'étonnant que l'on ait tendance à minimiser le monde des anges, « ordre de réalités personnelles, en deçà de Dieu mais au-delà de l'homme », qui nous relient au ciel, suivant l'image de l'échelle de Jacob (Gn 28,12), ou suivant la théologie mystique de Denys (ds hi, 264-286). Comme l'a montré K.L. Schmidt (twnt 1P 83), « la présence des anges signifie que Dieu et son Royaume sont présents dans le Christ ». D'où leur manifestation aux temps forts de l'Évangile (J. Daniélou: La Résurrection, p. 31-37) :

Jérôme: Sur Mt L.IV, ch. 28 (PL 26,216) : Notre-Seigneur, un seul et même Fils de Dieu et Fils de l'homme, selon ses deux natures la divine et l'humaine, manifeste tantôt les signes de sa grandeur et tantôt ceux de son humilité. [Outre les phénomènes de la nature, tremblement de terre, etc.] le ministère des anges, depuis sa nativité, démontre qu il est Dieu : Gabriel vient à Marie, un ange parle à Joseph, un ange annonce la naissance aux bergers, et le choeur des anges chante : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. » Le Christ est tenté dans le désert : et après sa victoire, aussitôt, des anges le servent. Dans le verset qui nous occupe c'est encore un ange qui vient comme gardien du sépulcre du Seigneur, et ses vêtements blancs expriment la gloire du Triomphateur. Enfin, quand le Seigneur monte aux cieux, deux anges apparaissent sur le Mont des Oliviers, promettant aux Apôtres le second Avènement du Seigneur.

Mais ils ne sont que des annonciateurs, qui s'effacent dès que paraît le Soleil du Christ, naissant ou ressuscité (cf. § 361 -362*).

Les // Ps 68,8-9 Ps 96,9 Is 2,10-11 Ps 76,2 Ps 76,6 Ps 76,9-10 cette crainte sacrée, avec les mêmes images : terre qui tremble, humiliation des < puissants >, exaltation de Dieu par le « salut des humbles de la terre ».

Mt 28,5-6 ; Mc 16,5-6 ; Lc 24,5b-8 et 3) — « Ne craignez pas vous » (Litt, de Mt) : par opposition aux gardes. La différence est aussitôt précisée : les femmes, elles, cherchent Jésus, non pas tant matériellement — puisqu'en Mt et Mc, elles n'ont pas encore constaté que son corps n'y était plus — que spirituellement (voir < Chercher-trouver >*). En Luc, par contre, le constat a précédé l'apparition, laissant les femmes « désemparées ». D'où la nuance réprobative du «Pourquoi chercher parmi les morts... », plutôt que, suivant Mt (et moins expressément dans Mc), c'était plutôt une louange de la quête spirituelle de ces femmes: « Je sais que vous cherchez... »

Jésus le Nazaréen : § 17 — Mt 2,23*. Le crucifié : il est ressuscité (Mc) : La juxtaposition rend plus éclatante l'opposition entre ces deux états extrêmes du Christ, et le renversement qui est le mystère pascal même (Ph 2,8-9, en // au § 353 . Il n'est pas ici: En Mc, la découverte du tombeau vide ne vient qu'à la suite de l'annonce de la Résurrection, et sur la remarque de l'ange lui-même. En Mt, cette remarque vient avant « Il est ressuscité » ; mais la constatation n'est faite qu'après : « Venez voir le lieu... » En Lc, la découverte a bien été faite, dès le v. 3 : « Elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus » ; mais le titre de « Seigneur » ajouté ici à la simple désignation du « corps de Jésus » (en Mt 27,58 Mc 15,43 Jn 19,38 Jn 19,40 Jn 20,12 et en Lc même, Lc 23,52) « énonce dès le début du ch. 24, le thème dominant de son exposé sur l'événement de Pâques : par sa résurrection, Jésus entre en possession d'une vie nouvelle, glorieuse » (J. Schmitt :le récit de la Résurrection dans l'Évangile de Luc, Rech. sr 1951, p. 136). Cette même expression « le Seigneur Jésus » se retrouve en Mc 16,19 (Ascension) et devient habituelle dans les Actes (1,21; 8,16; 9,17; 11,20; 15,11; 16,31; 19,5.13; 20,21.24.35; 21,13) : < Seigneur > étant titre divin, donner à Jésus ce Nom, c'est reconnaître que cet homme est entré dans la vie divine, et même qu'il est Dieu (voir au § 364 — Lc 24,34*). Cf. I. de la Potterie: Le titre de Kyrios..., p. 121-124.

Ce tombeau vide a été l'un des points de la discussion sur la réalité de la Résurrection. Mais l. schenke a conclu qu'il fallait se garder de lui attribuer une importance qu'à vrai dire, les Évangiles ne lui donnent pas :

« La parole de l'ange ne veut absolument pas dire : < du fait que le crucifié n'est plus ici et que son tombeau est vide, vous pouvez en déduire qu'il a été ressuscité >... Ne serait-ce pas diminuer ce message au point que ce qui provoque la foi, ce ne serait plus la seule parole de l'ange mais les déductions personnelles des femmes ? Or l'ange à lui seul constitue déjà < un signe contraignant de la part de Dieu » (Le tombeau vide et l'annonce..., p. 108).

Ce qui est premier, pour la foi, c'est la Parole révélante de Dieu. Et c'est à elle que l'on fait confiance. Le tombeau vide est tout au plus un signe, au sens biblique du mot, c'est-à-dire qu'il n'est pas fait pour démontrer ou appuyer la révélation, mais illustre l'efficacité de la Parole de Dieu: cf. pour l'A.T., Ex 3,12 (BC I*, p. 209) ; et pour le N.T., § 4 — Lc 1,36*. C'est capital, pour que la foi ne soit pas basée sur un constat ou un raisonnement humains, toujours faillibles, mais sur Dieu s'engageant dans sa Parole.

Cette Parole que « le Crucifié est ressuscité » trouve en elle-même sa justification. Non seulement, en effet, l'aspect glorieux de l'ange témoigne qu'il vient de Dieu, en messager, mais il se réfère expressément à l'annonce que Jésus lui-même avait faite de sa Résurrection, à l'avance : « Comme Il l'avait dit » (Mc). Lc répète même cette prédiction, faite par 3 fois, en 9,22.44 et 18,31-33. Plus loin, Lc 24,25-27* et 45-47* insistera plus encore sur le recours à la Parole de Dieu dans l'Écriture comme base de la foi. Mais ce v. 7 tire déjà argument du fait que sa Résurrection témoignait à quel point la Parole du Christ, même dans une prédiction si déroutante et si aventureuse, était digne de foi. C'était le thème n° 5 du Discours après la Cène (cf. Introduction aux § 325 -328, et § 316 — Jn 13,19*). L'appel au « souvenir » (Lc 24,6b et 8) s'y trouvait aussi : § 330 — Jn 16, l-4a*.

Le tombeau vide a pourtant son importance, ne serait-ce que comme preuve 755 par l'absurde: car si le corps était resté là, les adversaires du Christ auraient eu beau jeu de nier la Résurrection. Et puis surtout, comment les chrétiens n'auraient-ils pas vénéré, sans doute des origines jusqu'à notre temps, le lieu où Jésus « avait été enseveli » et d'où « Il était ressuscité des morts » : le < Saint-Sépulcre > devenu < l'Anastasis > !

Heureux es-tu, humble tombeau,
auprès de toi les anges veillent ;
en toi s'endort le Roi des rois,
puis se relève et monte aux cieux.

Toi qui cherchais le mort vivant,
heureuse es-tu, ô Madeleine,
qui suppliant le jardinier
as rencontré le Fils de Dieu.

Aujourd'hui dans tous les pays
se réjouit la Sainte Eglise:
aujourd'hui est ressuscité
le Premier-né d'entre les morts.

De son sang il nous racheta,
prépara le festin des noces.

Avec lui nous ressuscitons,
entrons au Royaume aujourd'hui.

Gloire à toi, Christ ressuscité
qui nous précède auprès du Père,
avec l'Esprit Consolateur
dans tous les siècles éternels (Ephrem).

Mais que faut-il entendre par « Il est ressuscité » ? — D'abord que le verbe est au passif, comme un < passivum divinum >*, c'est-à-dire que l'événement est attribué à Dieu, tout en évitant de le nommer pour en respecter le mystère. La catéchèse apostolique le dira d'ailleurs expressément : « Dieu l'a ressuscité » (Ac 2,24 Ac 2,32 Ac 3,15 Ac 3,26 etc… Rm 4,24 etc... Une seule fois, on trouve « Je ressusciterai », mais c'est une déformation calomnieuse § 358Mt 27,63).

Les deux mots grecs qui traduisent < Ressusciter > ou < Résurrection > (< Egeirô > et < An-(h)istèmi >, d'où vient < an astasis >) signifient d'abord: se lever (au sens de: se dresser) et se réveiller, suivant une image naturelle, qui donne par exemple sa valeur prophétique à la bénédiction de Juda par Jacob en Gn 49,9 (cf. BC I*, p. 189-190).

Résurrection implique en outre un retour à la vie, comme le fait sentir l'apostrophe de l’ange : «Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant » (Lc), l'attribut prenant ici valeur absolue : Être vivant devient son nom propre, comme pour Dieu, comme pour le Verbe (Jn 1,4*). Vont dans le même sens les énoncés du mystère sous forme antithétique, soit binaire comme ici (« crucifié — ressuscité »), soit ternaire comme dans la profession de foi de 1Co 15,3-4, en // au § 360 (mort-enseveli-ressuscité). Et de même l'expression renforcée : « ressusciter des morts » ou : « d'entre les morts » (Mt).

Le troisième jour (Lc — Ac 10,40) : Le Christ lui-même l'avait en effet précisé dans les annonces de sa Passion (Mt 16,21 Mt 17,23 Mt 20,19). Paul ajoute: « selon les Écritures » (1Co 15,4). A quels textes de l'A.T. réfère-t-il ? — D'abord l'Évangile nous dit que Jésus s'était comparé à Jonas § 120Mt 12,40* // Jon 2,1-7, également reproduit au § 358 . En outre I. de la Potterie (dans « Biblica » 1959, p. 742-761) allègue l'annonce d'Isaïe au roi Ezechias que « le 3° jour, il monterait au Temple », guéri (2R 20,5); et c'est d'autant plus indiqué, semble-t-il, que l'action de grâces d'Ezéchias joue sur le renversement < pascal > : parvenu aux portes du Shéol, il revit (Is 38,10-20, en // au § 34 . Mais la prophétie visée en premier lieu doit être celle d'Os 6,1-2, même si le sens premier de l'oracle est beaucoup plus général et moralisant.

Quoi qu'il en soit, il est certain que < le troisième jour > tendait à prendre un sens décisif, marquant parfois l'aboutissement d'un processus (cf. § 221Lc 13,32*, où se trouve aussi le // Os 6,1-2), ou encore soulignant « que l'événement qualifié était un tournant dans l'histoire du Salut » (X. Léon-Dufour, dans Rech. SR 1969, p. 607-608, résumant les conclusions de K. Lehmann sur cette expression. Cf. Ex 19,10-11, en // à ce même § 221 % Si le Credo a gardé dans sa totalité : « Il ressuscita le troisième jour, suivant les Écritures », c'est que l'Église y voit d'abord une confirmation (la preuve par l'accomplissement des prophéties — cf. § 364Lc 24,25-27*) ; mais on ne doit pas oublier non plus le sens théologique et triomphal de ce < 3° jour >, où ce qui a été gagné le Vendredi-Saint éclate en une Pâque définitive.

Et c'est là que, pour entrer dans le mystère de cette Résurrection, davantage encore que de scruter les précisions de l'Évangile — si lacunaires à notre gré — il faut ressentir cette < aura > de gloire, dont la présence angélique emplit le tombeau vide. Car c'est bien le propre de cette Résurrection : d'elle rayonne la Gloire divine. Si « le Christ est vivant », c'est de la Vie divine. Certes ! Il était, Verbe de Dieu et Dieu de toujours (Jn 1,1*). La nouveauté de Pâques, c'est que son humanité elle-même se trouve maintenant < élevée >, entrée dans la vie divine, divinisée. Le thème < abaissement-exaltation > va de pair avec celui de < mort-résurrection >: on a même compté que sur 100 passages où le N.T. parle de l'exaltation du Christ, 3 seulement n'ont pas de lien avec la Résurrection, si bien que « l'exaltation serait proprement une interprétation de la Résurrection », et ce dès la première décennie du christianisme (E. Rùckstûhl, résumé par XLD, dans Rech. SR 1969, p. 611-612; cf. p. 600-602, seidensticker).

De cette glorification de l'humanité du Christ, les apparitions donneront quelques aperçus, qui seront à méditer en leur lieu. Mais d'ores et déjà, l'un des fruits de ce mystère nous apparaît : Jésus entrant dans la Vie divine tout entier, corps et âme, son humanité aussi bénéficie d'une existence éternelle. Ce qui veut dire non seulement qu'« Il ne meurt plus », mais que, parvenu au centre d'où part et où aboutit tout ce qui existe, le Christ rejoint désormais en cette « tota simul et perfecta possessio » d'une vie sans limites, tout le grand cercle de tous les temps : ceux de sa propre vie terrestre, de sa conception et de sa naissance à sa mort, comme ceux des siècles avant et après Lui. Rien n'est plus un passé révolu, ni un à-venir encore inaccessible : tout lui est présent, et Il est présent à tous les lieux et tous les temps, jusque dans son corps glorifié et dans son âme. L'eucharistie en est le signe efficient, proposé à notre attention et vénération. C'est l'éternisation de son corps et de son sang qui rend possible Sa Présence réelle simultanée dans tous les tabernacles du monde (cf. § 370Mt 28,20b*).

// Ps 139,1-2 Ps 139,10-11 Ps 139,18 Ps 16,8-11Ps 139,18 a été choisi dans la liturgie catholique, comme chant d'entrée à la messe du jour de Pâques. Quant au Ps 16, Pierre le cite comme un oracle prophétique de la Résurrection dans son 1° sermon au matin de la Pentecôte (Ac 2,23-32, en // au § 360 . Comme les psaumes de la Passion, ceux-ci peuvent nous révéler quelque chose de l'âme du Christ ressuscitant, et d'abord son intimité confiante avec le Père, que rien n'a pu rompre. La Résurrection accomplit ce vers quoi Jésus tendait depuis son enfance § 18Lc 2,49*). Elle est cette rencontre éternelle du Fils incarné avec son Père, mission accomplie...

À partir de la citation du Ps 16,10, Grégoire de Nysse explique aussi le rapport entre le corps, l'âme et la divinité du Christ, dans sa mort et sa résurrection: « Non seulement l'âme n'est pas restée au séjour des morts, mais la chair elle-même n'a pas vu la corruption. Quant à la divinité du Christ, elle reste identique à elle-même : avant la chair, dans la chair, et après la Passion... Mais lors de la Passion, elle a accompli son dessein de Rédemption en disjoignant l'âme du corps, pour un temps — elle-même, la divinité, ne se séparait alors ni de l'un ni de l'autre. Puis elle a réuni le corps et l'âme, pour donner à toute la nature humaine le principe et l'argument de sa résurrection d'entre les morts : afin que tout le corruptible revête l'incorruptibilité, et que tout ce qui est mortel revête l'immortalité » (Contra Eunomium II — Éd. Morel II, p. 483; PG 45,548).

Mt 28,7 Mc 16,7 Lc 24,6 — Allez : C'est un ordre de mission. Le message, destiné aux disciples « et à Pierre » (Mc) qui se détache donc déjà, est double : annoncer la Résurrection (Mt), et donner rendez-vous en Galilée. Le Christ (757) les y précède : Il est toujours le Maître qui va devant, et qu'il faut suivre*.

Là vous le verrez comme Il vous l'a dit (Mc) : Encore une de ces divergences caractéristiques, mais qui ne doivent pas masquer l'essentiel. Le Christ ayant, suivant Mc 14,28, prédit cette réunion en Galilée après sa résurrection, et dans ces mêmes termes : « Je vous précéderai » § 336 , il est normal que le « comme Il vous l'a dit » de l'ange réfère à cette promesse. Mais comme Luc a choisi de ne parler des apparitions qu'autour du pôle < Jérusalem >, il cite la mention de la Galilée de façon qu'elle ne désigne plus que le lieu des prédictions sur la Passion et la Résurrection (v. 6b-7). Quant à Mt, bien qu'il ait cité lui aussi la Parole prophétique de Jésus au § 336 , il préfère appliquer le « Il dit » de Jésus à l'ange lui-même : Litt. « Voici : je vous ai dit ». Cela pourrait n'être que le < satisfecit > d'une commission intégralement transmise. Mais le < voici >* initial — qui introduit habituellement un événement d'importance pour l'histoire du Salut (cf. ici même Mt 28,2 et 7a) — vise à mettre en relief soit le message en son entier, soit plutôt sans doute sa finale: « vous le verrez ».

C'est dire en effet qu'à la Révélation angélique de l'initiative du Père qui a ressuscité « le Seigneur Jésus », Dieu veut ajouter la confirmation de témoins patentés. Et pour témoigner, il faut avoir vu : « Il a été vu par Cephas (< Kêfa > = pierre en araméen : cf. § 165Mt 16,18*), puis par les Douze, puis... » poursuit 1Co 15,5-8.

Il a été vu, en grec < ôphthè >, est un terme technique: « Biblisme d'une attestation assez fréquente, il traduit la perception visuelle d'une personne ou d'un objet qui, appartenant au monde réel mais invisible du divin, ne peut devenir perceptible à l'homme que par une disposition gracieuse, levant pour un moment son invisibilité essentielle... La forme passive souligne que, dans les théophanies comme dans la Résurrection, l'initiative vient de Dieu qui « a donné » que le Ressuscité devînt visible » (Ac 10,40J. Schmitt, dans DBS x, 543).

J. Ratzinger: Le Dieu de Jésus-Christ, p. 104 et 103: Résurrection et apparitions sont des éléments nettement séparés et autonomes de la profession de foi. La Résurrection ne se dissout pas dans les apparitions. Les apparitions ne sont pas la Résurrection, mais seulement son reflet. Elle est en premier lieu un événement, qui se produit en Jésus lui-même, entre le Père et lui, par la puissance de l'Esprit Saint ; ensuite, cet événement arrivé à Jésus devient accessible aux hommes parce qu'il le rend accessible.

...il ne fait plus partie du monde perceptible par les sens, mais du monde de Dieu. Ainsi ne peut-Il être vu que par celui à qui Il se laisse voir lui-même. Pour le voir de cette manière, le coeur, l'esprit de l'homme ainsi que l'ouverture intérieure sont mis à contribution... Le Seigneur ressuscité se montre aux sens, et cependant il ne peut s'adresser qu'aux sens qui regardent au-delà du sensible...

Mt 28,8 Mc 16,8 Lc 24,9 — Mc surprend. Certes ! la contradiction avec les 3 autres Evangiles ne saurait être qu'apparente — car si les femmes « ne dirent rien à personne » de ce qui précède, d'où le sait-on? Ce silence n'a dû être que temporaire — mais la brutalité et la négativité de cette finale semblent couper court; et ce d'autant plus que les v. 9 à 20 sont généralement reconnus comme une addition ultérieure (preuve que l'on ressentait le besoin de ce complément). Aussi a-t-on souvent supposé que ce paragraphe, Mc 16,1-8, serait tronqué, les versets disparus témoignant sans doute de quelque apparition du Ressuscité. Mais nul n'a pu le prouver...

Ce qui doit frapper dans ce v. 8, c'est d'abord l'insistance. Quatre termes de crainte : les femmes s'enfuient, pénétrées de crainte, hors d'elles-mêmes, ayant peur. De même, le silence gardé est redoublé : « rien à personne » (en grec, c'est encore plus sensible : < oudéni oudén >). On s'est demandé si ce ne serait pas une dernière manifestation du < secret messianique >, particulièrement souligné par Saint-Marc. Mais précisément, le temps des équivoques possibles sur la Royauté du Messie est passé : à présent, les femmes viennent au contraire de recevoir de l'ange mission « d'aller dire » la Bonne Nouvelle aux disciples.

Il est pourtant vrai qu'un précédent peut nous éclairer sur cette contradiction entre l'ordre et sa non-exécution, trop évidente pour n'être pas voulue, donc significative. On trouve en effet le même redoublement, dans l'injonction du Christ au lépreux guéri : « Garde-toi de rien dire à personne ; mais va, montre-toi au prêtre... » § 39Mc 1,44). L'absolu de la négation porte donc seulement sur < tout autre que qui de droit > : prêtres de l'Ancienne Alliance dans le cas du lépreux, disciples unis autour de Pierre dans le cas de ces femmes effrayées. En clair: loin de claironner la nouvelle, Marie de Magdala et les autres ne l'ont rapportée « qu'aux Onze et à tous les autres » (= Mt-Lc-Jn).

D'autre part, ce n'est pas pour rien que Marc multiplie les termes de crainte. Entre la cause, très générale : « elles avaient peur », et son effet le plus extérieur : « elles prirent la fuite », Marc définit cette crainte par un couple de mots caractéristique : le tremblement et la stupeur émerveillée (< ek-stasis > = hors de soi, mais de là aussi vient le mot < extase >). C'est le < tremendum et fascinendum > que la présence du Sacré provoque en tout être humain (R. Otto) ; ou encore, comme le dit si admirablement le Ps 2,11, l'adoration « dans la crainte et le ravissement ». Cela concorde fort bien avec Mt : « crainte et grande joie ». S'il est vrai que, tout au long de son Évangile, Mc insiste sur « l'impuissance humaine à pénétrer le mystère révélé de Jésus-Christ », auquel on ne peut adhérer que par l'acte de foi final du centurion :« Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15,39), alors Mc 16,1-8 est bien dans la même ligne: « Tout le récit s'ordonne autour de la révélation, venue de Dieu, du mystère de la résurrection du Crucifié... Nous sommes très loin d'un récit circonstancié d'une expérience (psychologique). La signification théologique de la scène éclipse tout autre intérêt : la résurrection du Crucifié n'est pas une idée d'homme, mais un acte de Dieu, elle ne peut être que révélée, à l'encontre de toute attente humaine. Le second Évangile atteint là son sommet » Q. Delorme, dans La Résurrection du Christ et l'exégèse moderne, p. 110-111).

Lc 24,11 // Gn 45,25-26 — Réaction naturelle du < c'est trop beau pour être vrai >. Ce fut celle de Jacob à l'annonce de Joseph retrouvé — dans sa gloire comme Jésus (// Gn 45) ; c'est ce qui fit « rire » Abraham, incapable d'imaginer que de lui, un vieillard « comme mort », et du sein de Sara qui était lui aussi « comme mort », la vie puisse naître: seules sa foi et son espérance pouvaient « rendre gloire à Dieu, assez puissant pour accomplir sa promesse », faite à Abraham, Jacob et Jésus (Gn 17,17 // Rm 4,18-21 — dans BC I/Bx). La réaction des Apôtres, qui ne s'emballent pas aussitôt, est d'ailleurs saine et recommandable. Elle est positive aussi, puisqu'ils vont chercher à se renseigner, comme le montrent Jn, au § 360 , et Lc 24,22-24 au § 364 .

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§ 360. Pierre et l'autre disciple au tombeau : Lc 24,12; Jn 20,2-10


(Lc 24,12 Jn 20,2-10)

— Jn n'a parlé que de Marie de Magdala au v. 1 ; mais au v. 2 elle dit : « nous ne savons pas... » ce qui sous-entend qu'il y avait plusieurs femmes, comme l'ont précisé les Synoptiques. De son côté, Lc ne nomme que Pierre au v. 12; mais au v. 24, les disciples d'Emmaús, référant à ce même épisode, disent plus généralement: « certains des nôtres », ce qui laisse place à « l'autre disciple » (Jn). Sans tomber dans le < concordisme > à tout prix, on est en droit d'admirer cette < cohérence > impressionnante. Voir le tableau général qu'en dresse B. de Solages, dans son livre, remarquablement clair : Christ est ressuscité, p. 139-145.

L'unité de composition du ch. 20 de Saint-Jean § 360 -61, § 365 , et § 367 -69) est bien établie : Outre B. Standaert: L’Év. selon Mc, p. 184-191 et L. Dupont, C. Lash, G. Lévesque, dans « Biblica » 1973, p. 482-498, cf. D. Mollat: Et. Jo., p. 135-184 : « Le chapitre progresse d'un mouvement continu vers la proclamation finale : < Bienheureux ceux qui, n'ayant pas vu, ont cru >. C est là son point d'aboutissement. Mais la relation entre le voir et le croire se trouve indiquée dès le début ». « Il vit et il crut » (v. 8-9) correspond en effet à « Bienheureux... », comme se répondent les apparitions à Marie-Madeleine (v. 18 : « J'ai vu le Seigneur ») et aux disciples (v. 20.25 : « Nous avons vu le Seigneur »). La composition littéraire centre donc tout le chapitre sur l'affirmation fondamentale : « La foi au Christ ressuscité repose essentiellement sur un double témoignage de l'Écriture d'une part (v. 9), et d'autre part de ceux qui ont vu le tombeau vide et le Seigneur vivant. Bienheureux sont ceux qui croient, appuyés 759 sur ce double témoignage, sans avoir eux-mêmes bénéficié de la vision » (D. MOLLAT, p. 166).

// Ac 2,23-32 1Co 15,3-5 — Dans l'introduction à ces § 359 -376, on a vu que 1Co 15 témoigne de la foi communément professée par l'Eglise naissante, dès ses premiers jours. Or la formulation en est des plus explicites : 1°) sur l'événement et sa valeur rédemptrice : « mort pour nos péchés » — mis au tombeau — ressuscité; 2°) sur sa double confirmation, par les Écritures (alléguées pour la Passion comme pour la Résurrection), et par les Apparitions : c'est-à-dire exactement ce qui (d'après D. Mollat) est l'enseignement du ch. 20 de Saint-Jean, à la fin de cette même période apostolique — et encore aujourd'hui. Sur l'essentiel, la foi chrétienne n'a pas varié d'un pouce.

Quant au // Ac 2,23-32, il montre que, dès le 1° jour, l'Eglise a tenu compte des leçons d'exégèse du Christ ressuscité, apprenant à ses disciples comment lire dans « Moïse, les Prophètes et les psaumes » l'annonce de son mystère pascal, et par conséquent y voir le signe que c'était « dans le Dessein arrêté de Dieu depuis toujours » (= < Il fallait >*). C'est la preuve par les Écritures, qui se rencontre à chaque pas dans ces paragraphes : § 359Mt 28,6 Mc 16,7 Lc 24,7* ; § 360 — Jn 20,9; § 364 et § 366 — Lc 24,25-27* et 44-46*.

Jn 20,1-2 — Marie de Magdala voit la pierre enlevée... Ils ont enlevé le Seigneur : Les Synoptiques disent plus matériellement que la pierre a été « roulée ». Jn préfère « enlever », ici comme au tombeau de Lazare (Jn 11,39 Jn 11,41). C'est qu'il semble mettre beaucoup de choses dans ce verbe : « Jésus est l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29) ; nul ne Lui enlève sa vie, c'est Lui qui la donne » (Jn 10,18). Et encore, chassant les vendeurs du Temple : « Enlevez ça d'ici » (Jn 2,16). La pierre, le cadavre lui-même, le péché ou les biens de ce monde doivent être < enlevés > comme autant d'obstacles, afin d'ouvrir la tombe (= la mort) à la Vie nouvelle.

Marie court donc... Pierre et l'autre disciple couraient ensemble, mais Jean courut plus vite, parce qu'il se souciait moins de rester à côté de Pierre que de « Celui qui l'aimait » : le zèle de l'amour... Il n'est même pas dit que Marie soit entrée pour s'assurer que le tombeau était vide. Cette vérification pour ainsi dire officielle, ce sont les deux Apôtres qui vont y procéder (car seul avait valeur juridique le témoignage des hommes). Mais il est notable que Marie-Madeleine imagine la même explication que les ennemis du Christ — le cadavre a dû être dérobé par « ils » — seule explication naturelle, spontanée.

Nous ne savons pas où... Ils ne savaient pas encore (v. 9*) : Inclusion. Ce paragraphe est celui du non-savoir. La foi n'en sortira donc pas comme par une suite ou une amplification mythique, naturelle, mais par grâce (v. 8b*).

Jn 20,3-8a — Avant tout, comme pour l'introduction de Pierre dans la cour du Grand Prêtre § 339 — Jn 18,15-16*), ces précisions sur le trajet et l'entrée dans le sépulcre ont valeur et « saveur du témoignage direct » (p. Benoît, dans Exégèse et Théologie 11, 274). Jean court-il plus vite parce que le plus jeune ou parce que le plus aimant (D. Mollat, p. 143) ? En tout cas, sa déférence est un premier signe de reconnaissance de la primauté de Pierre (annoncée par le Christ dès < la confession de Césarée > § 165 *); et ceci accroît encore le caractère officiel du constat. Par contre, l'identification de Pierre et Jean avec les deux < peuples > de croyants, issus d'Israël et des païens (ou vice versa, suivant les commentateurs), n'est qu'allégorique.

les linges... le suaire : On discute encore sur le sens de ces mots, et des positions respectives de ces < linteamina > et du < sudarium > : abandonnés... pas déposé avec... mais roulé dans un endroit à part. Il semble acquis que Jean parle de linges, non de < bandelettes >, et que d'autre part le suaire n'est pas un linceul (comme le fait penser le nom donné au < Saint-Suaire >), mais plutôt « une sorte de bandeau ou de mentonnière qui maintenait fermée la bouche du mort ». Ce qui désignerait notre < Saint-Suaire > serait donc en réalité « les linges » (« pluriel d'ampleur ou d'extension se rapportant à un objet en réalité unique, comme nous disons en français < effets, linges, habits >... »).

C. LAVERGNE interprète ainsi la disposition de ces < reliquias > : les linges (restés sur place) se sont seulement affaissés (le corps n'étant plus là pour les gonfler) ; et le < suaire >, qui avait été ajusté à sa tête, est resté enroulé, donc saillant et discernable, à sa place (au lieu même où avait reposé la tête). On comprend l'intérêt d'une telle interprétation : le corps de Jésus ressuscitant serait seulement sorti des linges et du suaire, sans les déranger — rien de matériel n'étant imperméable à l'état glorieux de ce corps, comme le signifient ses apparitions dans le Cénacle, portes fermées (Jn 20,19*). C'est à la vue de ces linges intacts que Jean, renonçant à l'explication de voleurs (qui n'auraient pu éviter de changer la disposition primitive), aurait cru en la Résurrection.

A. Feuillet a défendu cette lecture (dans « Esprit et Vie » des 5-12 mai 1977, p. 257-266 et 273-284), avec de bons arguments non seulement philologiques mais exégétiques et généraux. Des premiers, voir la discussion par G. Ro bert, dans le « Bull. G. Budé », mars 1984, p. 40-50. Sans prendre parti dans une controverse très technique, nous avons gardé la traduction habituelle (améliorée), séparant « les linges du < suaire > roulé à part ». Mais il est vrai que le seul soin avec lequel auraient été rangées ces < reliquiae > serait une preuve trop faible pour éliminer la possibilité que le corps ait été dérobé par des émissaires assez assurés de n'être pas dérangés pour laisser tout en ordre...

Même si le débat n'est pas sans importance apologétique — puisque ce serait une nouvelle vérification de la glorification qui transforme le corps du Christ ressuscitant — on aurait tort de trop s'y attacher, car il doit rester clair que l'intention de Saint-Jean porte sur la conclusion:

Jn 20,8b — Il vit et il crut : Nous avions déjà rencontré < voir et croire > à propos de la naissance de Jésus, Verbe incarné § 10Lc 2,15*). Voici le même couple de verbes au sujet du Christ ressuscité, donc à la fois sensible et glorieux. D'où les différents < cas de figure > analysés par L. Dupont (art. cité). Présentement, ce que voient Pierre et Jean n'est pas Jésus lui-même, mais seulement le tombeau vide et la position des linges. C'est pourquoi Pierre ne semble pas avoir cru aussitôt (comme Lc 24,12 le confirme). Jean le devance à nouveau, non plus dans sa course, mais par l'intuition du coeur qui porte à < voir > au-delà de ce que discernerait un autre, comme il arrivera lors de l'apparition du Lac (Jn 21,7). S'il croit, c'est donc en réalité sans avoir vu (le Christ), ce en quoi il est dans le cas (symétrique dans ce ch. 20) de tous les « bienheureux » que louera le v. 29. Ici et là, cette foi se conclut très au-delà du pur sensible ou du raisonnable, la méditation des Écritures devant être son appui le plus ferme (v. 9 et 31).

Jn 20,9-10 — Ils ne savaient pas encore : Ce verbe < Oïda >, « employé négativement, exprime une ignorance radicale, l'absence de cette communion intérieure qui serait nécessaire pour une < saisie > de l'objet » (communion qui sera précisément assurée par le don de l'Esprit Saint, Jn 20,22* et Lc 24,45*). Positivement, ce verbe « met en très fort relief l'aspect immédiat et direct de la connaissance... caractérisé par quelque chose de total et d'absolu » (I. de la Potterie: Oida et Ginoskô..., p. 724-25).

l'Écriture disant qu'il fallait*: H à Lc 24,25-27* et 45-46*.

Ils partirent (cf. Lc), et revinrent chez eux : Même Pierre, si prompt à s'exalter, se montre des plus raisonnables, en se posant des questions.

Lc 24,12 — L'authenticité de ce verset, longtemps contestée (encore non reçue dans la 25° édition de Nestlé), est désormais acquise (J.M. Guillaume, p. 53-56 ; DBS x, p. 535-536). Il y a trop de rencontres de vocabulaire de Lc et Jn pour que les deux récits évangéliques soient indépendants. Mais les différentes hypothèses sur leurs rapports ont toutes été soutenues par des exégètes de marque : développement de Lc par Jn, résumé de Jn par Lc, provenance pré-lucanienne commune à tous deux : fragilité de la critique des sources... Ce que l'on peut retenir, c'est l'accord des deux Évangélistes jusque sur les points où ils semblent différer. Ainsi, pourquoi Lc — qui signalera la présence d'autres disciples au sépulcre (v. 24) — ne nomme-t-il que Pierre au v. 12, sinon pour le mettre en vedette, comme il fera encore au v. 34 en reconnaissant que Pierre a été favorisé d'une apparition particulière, de sorte qu'il soit reconnu comme « le témoin par excellence du Christ ressuscité », ainsi que le confirmeront les premiers chapitres des Actes des Apôtres (J. Schmitt, dans rsr, p. 224). Et bien entendu, ce n'est pas une invention de Lc, puisque la catéchèse de la première décennie en témoigne déjà (// 1Co 15,5). Mais si, de son côté, Jn ne saurait taire sa propre venue au tombeau, il la raconte de façon à reconnaître lui aussi la primauté de Pierre (Jn 20,3-8*): Concordantia discordantium*.

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Bible chrétienne Evang. - § 359. Les saintes femmes au tombeau: Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-11 ; Jn 20,1 // Ct 4,12-14 Ct 5,1)