Bible chrétienne Pentat. 1516

1516

élévation de joseph

Gn 41,37-56)


 — Comme les épreuves de Joseph préfiguraient la passion du Christ, son élévation est une image où nous reconnaissons l'autre face du mystère pascal, tel que le formule Ph 2,6-11, repris par la liturgie chrétienne de la Semaine Sainte comme l'expression même de ce mystère. Ce n'est d'ailleurs pas le seul exemple qu'on puisse citer au cours de l'Ancien Testament: le triomphe de Daniel est du même genre (5,29), et plus encore celui de Mardochée (Est 6). Ce n'est pas étonnant puisque l'Évangile en fait une loi de la vie spirituelle: « Car tout homme qui s'élève sera abaissé, et qui s'abaisse sera élevé » (Lc 14,11 ou 18,14 et Syn.). À prendre au sens moral bien entendu, comme l'indique la parabole du choix des places au festin, dont cette sentence est la conclusion. Mais c'est surtout le retournement messianique de situation, chanté par le Magnificat, annoncé par le cantique d'Anne (// 1S 2,6-8). Si le propre des chrétiens est de suivre le Christ jusque dans sa mort et sa résurrection (Rm 6,8-11 Ph 3,7-16), cette participation au mystère pascal n'a pas été offerte seulement à ceux qui viennent après le Christ, mais aux Justes de l'Ancienne Alliance qui devaient eux aussi être sauvés de par cette participation en quelque sorte anticipée. Tant il est vrai qu'avant comme après Lui, il n'y a pas d'autre Sauveur (// Ac 4,12).

C'est donc bien à tort que l'on repousserait le // entre Joseph et le Christ parce qu'on refuserait de voir dans ces chapitres de la Genèse une ’prophétie' proprement dite. Bien sûr, ni Joseph, ni le rédacteur de ce Livre ne cherchait à tracer un modèle des faits à venir ! C'est bien plutôt la passion — résurrection qui est le modèle, unique, central, dont s'approchent plus ou moins nos propres itinéraires spirituels. Et l'on voit bien que l'histoire de Joseph suit celle du Christ, de façon particulièrement parlante.

Gn 41,38-39Il a en lui l'esprit de Dieu: Cette mention expresse de ’l'esprit de Dieu' se retrouve à propos de cet autre interprète inspiré des songes qu'est Daniel (Dn grec 13,45; cf. 5,11-14), mais aussi de Saul (1S 10,6 1S 11,6) et David (1S 16,13), et d'abord des artisans de la ’Tente de la Rencontre', qui reçoivent avec l'esprit de Dieu, les dons d'intelligence et de sagesse (Ex 31,1-6) reconnus par Pharaon en Joseph (v. 39 ; cf. v. 33 * ).

Gn 41,40-41Par le trône seulement, je serai au-dessus de toi: On pense évidemment au «paulo minus » du Ps 8, mais plus encore au Christ qui, tout en proclamant que son Père lui a tout donné (// Jn 3,35) afin que « tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Jn 5,23 et passim), n'en tient pas moins à reconnaître que « le Père est plus grand que moi » (Jn 14,28). Telle est la hiérarchie: « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu... et quand toutes choses auront été soumises au Christ (cf. ici le v. 44), alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous » (1Co 3,22-23 1Co 15,28).

Gn 41,42-44L'anneau: celui qui porte le sceau royal. Pharaon délègue à Joseph son pouvoir absolu, comme il le confirmera au v. 44 (cf. 42,1-5*). Les habits, le collier d'or: ainsi est parée, glorifiée l'âme que Dieu sauve, comme il est annoncé au cantique d'Isaïe 61,10-11, déjà donné en // à propos de Rébecca, qui en était la première illustration (Gn 24,53 / Cx). Quant au parcours en char, il se trouve remplacé dans le triomphe de Mardochée par un parcours à cheval plus semblable au triomphe du Christ: encore celui-ci voulut-il que ce fût seulement sur un ânon, mieux accordé à son humilité et à la douceur de son Règne (Za 9,9).

Conseiller du roi: L'hébreu ’abrêk' transcrit l'égyptien ’ab-r-k1 « coeur à toi », « à ton coeur », pour signifier: « attention ! » (Dhorme, au lieu cité). Ce que l'on pourrait traduire par : « Place, place ! » Mais la suite même du verset montre qu'il s'agit d'une sorte d'investiture, et de la notification à tous de la nouvelle dignité de Joseph. Si impérative soit-elle, à elle seule l'interjection serait donc insuffisante à en faire comprendre tout le sens ; elle doit être explicitée par le titre : « conseiller du roi ».

// 1S 2,6-8 — De préférence aux exemples évoqués dans les notes précédentes, nous mettons ici en // la prophétie messianique d'Anne, mère de Samuel, appliquée par la Vierge Marie à l'Enfant qu'elle portait (Magnificat).

Au v. 8, on peut comprendre aussi « les piliers » (bj) ou « les colonnes » (tob) soutenant la terre: image plus classique, tellement même qu'elle ferait ici cliché. Or la même expression peut s'entendre non de ce qui est fort, comme les piliers, mais des « meurtris de la terre ». C'est évidemment plus inattendu que Dieu s'appuie ainsi sur ce qui est faible. Mais c'est bien cette interprétation qui est seule cohérente avec les versets précédents — et avec le retournement messianique, également prêché par saint Paul aux Corinthiens (1°, 1,18-30). Quand c'est Dieu qui parle, la meilleure interprétation risque bien de n'être pas celle qui serait davangage à la mesure de notre raison, mais plutôt celle qui nous dépasse (cf. Is Is 55,8-9).

/ Sg 10,13-14 — L'interprétation inspirée (donc garantie) de l'histoire de Joseph par le Livre de la Sagesse prépare l'énoncé du mystère pascal par Ph 2,6-11, en dégageant les deux faces du mystère d'abaissement et d'élévation. Mais elle précise que c'était bien pour Joseph une participation à ce mystère du Christ, puisque « la Sagesse » était, nous dit-on « descendue avec lui dans la fosse » comme, de fait, le Fils de Dieu s'incarna jusqu'à passer par la mort (la ’fosse' — cf. Gn 37,23-30*) et la mort de la Croix. D'où « la gloire éternelle » qui s'en suit pour Joseph comme pour le Christ, comme pour nous, et non pas seulement l'établissement ’à la droite' de Pharaon, qui n'en était que l'image temporelle:

Rupert de Deutz: De Trinitate vm, 40 (PL 167,526): Joseph portant les insignes royaux, établi Prince de la Maison du roi (Ps 105,21), et appelé en langue égyptienne « Sauveur du monde » pour avoir épargné à la terre entière les ravages de la famine, Joseph qui s'avance sur un char royal, précédé d'un héraut pour que devant lui tout genou fléchisse, est comme la belle image et le miroir très clair de Jésus-Christ Fils de Dieu, revêtu de la robe d'immortalité, et que le Père a couronné de gloire et d'honneur, l'établissant sur toutes les oeuvres de ses mains. (Ps 8).

Sauveur du monde: Le sens du nom égyptien de Joseph demeure énigmatique, encore qu'il parle sûrement de vie. C'est la Vulgate qui en donne cette interprétation, évidemment favorable au parallèle Joseph — Jésus (dont le nom même signifie: ‘Yahvé sauve', Mt 1,21 Lc 2,11 Jn 4,14).

Gn 41,46 — Verset ’généalogique'. Mais Rupert de Deutz s'intéresse plutôt à la blessure que Joseph pouvait garder au coeur jusque dans son triomphe. Est-il abusif de supposer que, là encore, il annonce le souci et la patience que, jusque dans sa gloire céleste, le Christ a au coeur, pour nous amener enfin, nous aussi, à partager sa joie éternelle?

Dans l'élévation, les honneurs et la gloire, Joseph garde la modestie et l'humilité de l'âme. Ne pouvait-il, avec les chars du roi, aller se montrer triomphalement à ses frères, et inviter son vieux père à partager sa félicité? Il le pouvait. Mais ne présumant rien de lui-même, attendant un signe de la volonté divine, il remettait le temps et l'heure entre les mains de Dieu qui toujours avait pris soin de lui. Tout ce que l'Apôtre dit à la louange d'Abraham, d'Isaac et de Jacob: « Par la foi ils demeurèrent en la terre de la promesse comme en terre étrangère, vivant sous la tente et confessant qu'ils sont pèlerins et hôtes sur la terre » (He 11,8-10), tout cela, dis-je, est dépassé par la patience ou plutôt la « passion » de Joseph. Car il est plus dur d'être vendu comme esclave que de voyager comme un pèlerin libre, plus dur d'être humilié sous les fers que de vivre sous la tente.

Porté par la même espérance qui avait fait embrasser à ses pères leur condition d'exilés, ce juste embrassait son esclavage. Autrement, il aurait eu le temps de convoquer son père — comme dit l'Apôtre « ils auraient eu le temps de retourner dans leur pays d'origine ». Mais de même que ses pères aspiraient à une cité meilleure, Joseph désirait lui aussi un Père excellent, tout en espérant de la bonté divine la consolation de son père terrestre. Ayant été vendu comme esclave, Joseph reconnaissait appartenir, selon la loi humaine, à ceux qui l'avaient acheté. C'est donc en toute justice, et avec une foi digne de louange, que Joseph servit humblement et fidèlement, aussi bien sur le char du Pharaon que dans la prison: il considérait qu'il était un esclave acheté, et non que son éminente sagesse avait fait de lui « le père du Pharaon »...

Sur un char royal Joseph parcourt l'Egypte: ce sont les quadriges de l'Évangile dont parle Habaquq: « Tes chars apportent le salut » (Ha 3,8). Et quand Pharaon change le nom de Joseph et l'appelle « Sauveur du monde », il ne dit pas cela de son propre mouvement mais il prophétise le salut du Christ (De Trinitate, vm, 40-41 (PL 167,526-527).

Gn 41,55Allez à Joseph: Le // avec Jn 3,35 et Ac 4,12 est familier à la tradition chrétienne. Mais terminons plutôt ce récit de la passion et de l'élévation de Joseph par son parallèle avec le Joseph de l'Évangile, annoncé au ch.39:

Bernard de clairvaux : Hom. sur le « Missus est », il (PL 183,69-70): Réfléchis à cette appellation dont Dieu daigna honorer saint Joseph quand on l'appelait et le considérait comme le ’père’ du Christ. Réfléchis à son nom (qui veut dire ’accroissement'), et tu comprendras qui fut saint Joseph, et quelle sorte d'homme. Souviens-toi aussi de ce grand patriarche vendu jadis en Egypte (Gn 37,27), et sache que saint Joseph ne porta pas seulement le même nom que lui, mais reçut les mêmes dons de chasteté, d'innocence et de grâce. Le Joseph d'autrefois, vendu par l'envie de ses frères et conduit en Egypte, préfigura le Christ vendu par son disciple; le Joseph de la Nouvelle Alliance, fuyant l'envie d'Hérode, porta le Christ en Egypte (Mt 2,14). L'ancien Joseph, loyal envers son maître, refusa d'avoir commerce avec la femme de celui-ci (Gn 39,12); le Joseph de l'Evangile, reconnaissant que sa Souveraine, Mère de son Seigneur, était vierge, la garda fidèlement en observant lui-même la chasteté. Au premier fut donnée l'intelligence du mystère des songes (Gn 40-41); au second, Dieu donna de connaître les mystères célestes et d'y participer (Mt 1,20). L'un garda le froment, non pour lui mais pour tout le peuple (Gn 40-41); l'autre reçut le Pain vivant, le pain du ciel, avec charge de le garder tant pour lui-même que pour le monde entier. On ne peut douter qu'il fut un homme sage et fidèle, ce Joseph à qui fut donnée comme épouse la Mère du Sauveur: bon et fidèle serviteur, que le Seigneur établit pour être le soutien de sa Mère, le père nourricier de sa chair: le seul sur terre qui fut introduit dans le Grand Conseil pour y coopérer très fidèlement.

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2. LE PARDON DE JOSEPH

Gn 42-47)


Les ch. 42-44 nous donnent un bel exemple de ce que doit être une véritable réconciliation. Si affectueux que soit Joseph, et pressé de retrouver sa famille, il n'est pas venu les retrouver. Et quand ses frères viennent à lui, retenant à grand peine sa tendresse — qui n'en éclatera que mieux au ch. 45 — il s'ingénie à provoquer une confession pleine de contrition (42,21-22), et à susciter une conversion réparatrice, puisque là où ils avaient précédemment livré leur jeune frère Joseph en esclave, ils vont, en la personne de Juda, se livrer eux-mêmes en esclave, pour sauvegarder Benjamin (44,18-34). Alors seulement, comme il arrive de nous avec Dieu, Joseph se fait reconnaître, du mouvement même où il pardonne, et il introduit sa famille repentante (cf. 50,18-21) dans la terre d'abondance.

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Le premier voyage

Gn 42)


Gn 42,1-5) // Jn 6,27 Jn 6,37-40 — Nous savons par les sources égyptiennes elles-mêmes que l'arrivée de sémites en quête de vivres ne s'est pas produite seulement pour les fils de Jacob. Image de l'Église universelle où les peuples viendront chercher non plus une nourriture périssable délivrée par Joseph, prince de l'Egypte, mais le Corps et le Sang du Christ, accueillant Lui-même quiconque vient à Lui, puisqu'il est envoyé pour cela par le Père, et marqué par Lui du sceau de l'amour (Jn 6,27 cf. 2Co 1,22 comparer avec Gn 41,42 * ).

Gn 42,6-9 — Rupert de Deutz: De Trinitate ix, 2 (PL 167,530): * Dès leur arrivée, les frères se prosternèrent », pour obtenir la bienveillance du prince. Cette prostration avait été annoncée par le songe de Joseph, prédite en ses propres termes: «Ma gerbe se dressait, et toutes les vôtres adoraient la mienne ». Pourquoi, en effet, adoraient-ils ce prince d'Egypte, sinon parce que leurs gerbes étaient épuisées, alors qu'il en avait plein ses greniers? La gerbe de Joseph se dressait, haute et sublime, et les gerbes de ses frères, défaillantes, l'adoraient (Sur l’accomplissement du 2e songe, cf. 43,26).

Gn 42,15-16Envoyez chercher votre jeune frère: Cyrille d'alexandrie: Sur Gn, vi (pg 69,325): Joseph ne veut pas revoir ses frères sans Benjamin. Benjamin est le type du peuple nouveau. Dans les derniers temps, Israël reviendra, dans un même esprit avec lui, et le Christ les recevra dans sa maison, c'est-à-dire dans son Église. Car l'héritage que nous espérons ne nous sera pas donné sans que les saints patriarches soient avec nous. Comme le dit saint Paul, ceux qui sont morts dans la foi n'ont pas reçu l'accomplissement des promesses, car Dieu voulait qu'ils n'arrivent pas à l'achèvement sans nous (He 11,39). Et maintenant c'est nous qui attendons nos pères, afin que nous n'arrivions pas sans eux à l'accomplissement. Cet héritage du royaume des cieux, qui dépasse toute chose humaine, nous le recevrons ensemble, avec tous les saints pères (Sur le sens de l'entrée en Egypte, cf.ch.47*).

Gn 42,17-18En prison pour 3 jours : Encore ce nombre 3, comme pour Joseph lui-même et ses compagnons de prison (cf. Gn 40,9-13* et 19-20), comme pour la Résurrection du Christ...

Gn 42,21-24 // 2Co 7,8Nous expions: Préalable à la réconciliation, cette expiation, avec l'aveu qu'elle implique. L'angoisse des frères répond à l'angoisse passée de Joseph, tant il est vrai qu'il y a une tristesse nécessaire à la ‘pénitence’ ; mais ‘tristesse selon Dieu’ (2Co) ; et le Père, pour notre bien, en souffre Lui-même comme Joseph ici en pleure (v. 24 -cf. 43-30*).

chrysostome: Hom 64 in Gn (pg 54,550): Voyez maintenant comment la conscience — le juge incorruptible! — se dresse contre eux: personne ne les attaque, mais ils deviennent leurs propres accusateurs : ils se dirent en effet l'un à l'autre: «C'est notre faute. Nous avons péché contre notre frère; nous avons méprisé l'affliction de son âme quand il nous suppliait. C'est pour cela que le malheur vient sur nous. » Tel est le fruit habituel du péché: quand il est consommé, quand tout est fini, on reconnaît sa folie; mais jusque là, il enténèbre et aveugle l'esprit. Les frères de Joseph prennent donc conscience de leur péché, ils le confessent enfin: C'est notre faute!

Gn 42,25-36 — // Is 55,1-2, — Même si le stratagème de Joseph pour obliger ses frères n'a pas en vue l'annonce d'Isaïe, elle-même prophétique, c'est le même processus: nous croyions devoir apporter une ’expiation', une ’réparation' à nos torts passés. Cela est juste. Mais il est vrai aussi que le Christ a payé pour nos fautes, qu'il nous a ’rachetés', si bien qu'en Lui nous trouvons gratuitement, inépuisablement, le pain de vie comme les eaux vives. Ils furent remplis de crainte (v. 35): réaction bien naturelle; mais aussi sentiment d'un châtiment divin, la crainte prenant alors valeur de crainte de Dieu, comme tob n'a pas tort de le supposer.

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Le second voyage

Gn 43-44)


 — Juda prend ici à nouveau le premier rôle.

Gn 43,14Que El Shaddaï: Cl Gn 11,1*. Je resterai sans enfants: Ces quelques mots nous montrent l'amour de choix que Jacob avait pour Joseph : même si Benjamin et Siméon reviennent, Jacob reste en deuil. Entouré de onze fils, c'est quand même comme s'il avait tout perdu (chrysostome : Hom 64 sur la Gn (pg 54,553).

// Lc 19,8 — Autre exemple de la surabondance voulue de la réparation: car si elle est affaire de justice, le mobile en est l'amour de charité (c'est-à-dire de don), avec sa merveilleuse générosité.

Gn 43,26-28 — Nouveau prosternement, nouvelle réalisation des songes d'autrefois / Rupert de Deutz: De Trinitate ix, 6 (PL 167,533) Le premier songe est donc déjà accompli (Cf. à 42,6-9 * ); reste le second: il est temps que le soleil, la lune et onze étoiles adorent Joseph. Et voilà que les onze étoiles sont parties pour l'Egypte: tous ses frères, des présents plein les mains, se prosternent devant Joseph; le soleil, c'est-à-dire le père — et en lui l'affection maternelle de la lune, c'est à dire Rachel — le soleil, dis-je, reste à la maison, il est donc absent de corps, mais il se prosterne lui aussi quand il dit: « Que mon Dieu vous fasse trouver grâce devant cet homme, et qu'il renvoie avec vous votre frère qu'il a gardé, et Benjamin ». Et le soleil, c'est-à-dire Jacob, se prosterne encore devant Joseph lorsqu'à la question « Votre vieux père vit-il encore? » les frères répondent: « Ton serviteur est en bonne santé » — et ils se prosternèrent au nom de leur père. Vraiment, mes amis, vous avez vu alors à quoi lui avaient servi ses songes !

Gn 43,29-31 // Jn 11,34 — Les pleurs de Joseph et ceux de Jésus devant le tombeau de Lazare: témoignage ici et là de l'amour. Mais en outre, sinon pour Benjamin, du moins pour les autres frères coupables, il s'agit aussi de sortir du tombeau de leur ancien péché, ‘fosse' plus mortelle que celle où ils avaient jeté Joseph (37,23-30*), puisqu'ils s'étaient enfermés eux-mêmes dans leur crime. Et la réconciliation se scelle au cours d'un repas, comme toute alliance, comme, pour nous, dans l'Eucharistie, sacrement de notre Alliance avec Dieu qui, par le Christ, nous a réconciliés avec Lui.

Gn 43,33-34Cinq portions pour une: Ici l'abondance, ailleurs le choix des portions (par exemple pour Saul, descendant de Benjamin, reçu par Samuel (1S 9,23-24) — en signe de faveur.

// Ct 5,1 Ep 5,18 — Pour souligner cette invitation à découvrir (sous le signe du vin) la plénitude de l'Esprit, comme les Apôtres en firent l'expérience au matin de la Pentecôte (Ac 2,13-21).

Gn 44,1-12 // Si 7,1-5 1Co 4,5 Ps 40,10 Ps 40,12 — À ce nouveau subterfuge de Joseph, ses frères répondent par une proposition dont l'imprudence témoigne de leur innocence, ou plutôt de leur inconscience du crime oublié d'autrefois. Sirac le Sage nous invite à découvrir nous-mêmes nos inconsciences « devant le Seigneur » (v. 5). Et que celui qui n'a jamais péché contre la charité jette la première pierre aux frères de Joseph ! Mieux vaut s'en remettre au jugement du Christ — c'est ce que l'on fait par le sacrement de la pénitence — car Il est juste en justifiant, en remettant nos péchés, si bien que nous soyons complètement justifiés, rendus justes (1Co 4,5 Ps 40,10-12).

Gn 44,13-17 // Dn 13,42-43 — Entre les frères de Joseph injustement accusés de vol, mais coupables du crime d'autrefois contre leur cadet, et Suzanne elle aussi injustement accusée, mais par ailleurs aussi purement innocente, il y a plus d'opposition que de ressemblance. Aussi leur recours à Dieu n'est pas le même. Suzanne en appelle du jugement injuste des hommes au jugement de Dieu. Tandis que Juda — qui prend à partir d'ici le premier rôle — reconnaît dans l'accusation injuste la main de Dieu (indirectement, par le truchement de Joseph). Car, bien mieux que Joseph, qu'il inspire dans l'interprétation des songes, Dieu sait « les choses cachées » (v. 15).

Gn 44,18Tu es comme Pharaon: Aurait-on pu rêver plus totale réalisation des vieux rêves (// Gn 37,8)? Le piquant est que les frères l'avouent sans le savoir, puisqu'ils n'ont pas encore reconnu en ce « comme Pharaon », leur jeune frère.

Gn 44,30-34 // Si 8,13 — Conclusion du discours de Juda qui, après avoir résumé toute l'histoire de leur voyage, se sacrifie à la place de Benjamin, moins pour celui-ci du reste, que pour éviter à Jacob de perdre le second et dernier fils de Rachel. Sublime acte de charité, comme on en a vu dans certaines substitutions entre condamnés, dans les camps de concentration. Ce faisant, Juda n'est pas seulement honnête, puisqu'il s'était porté caution pour Benjamin devant son père (43,8-9) — et Ben Sira nous avertit que c'est toujours à nos risques et périls (// Si 8,13) — Juda accomplit héroïquement le plus haut précepte de la charité, en donnant sa vie, sa liberté en échange de celle de son frère (1 Jn 1Jn 3,14-18). Or « la charité couvre une multitude de péchés » (1P 4,8, reprenant Pr 10,12 — l'Ancien Testament n'étant pas moins que le Nouveau dominé par le précepte de la charité).

Descendre au Shéol (v. 31): «Comme beaucoup d'autres peuples, Israël imagine la survie des morts comme une ombre d'existence, sans valeur et sans joie. Le "Shéol" est le cadre qui rassemble les ombres; on l'imagine comme une tombe,’un trou', ’un puits', ’une fosse'... » (vtb). Pour l'âme religieuse israélite, le plus désolant était que la mémoire, la louange et la bénédiction de Dieu semblaient s'arrêter avec la mort: « Nul dans la mort ne se souvient de Toi » (Ps 6,6). « Les morts ne te loueront pas / tous ceux qui descendent au silence » (Ps 115,17). « Parlent-ils de ta miséricorde dans la tombe / de ta fidélité au lieu où tout se perd » (Ps 88,11-12). L'admirable c'est que pourtant, comme d'instinct, l'espérance devinait que l'Alliance avec le Dieu éternel ne pouvait s'en tenir à la vie d'ici-bas: « L'amour n'est-il pas fort comme la mort » (cf. Ct Ct 8,6)? « Je m'éveille et je suis encore avec Toi! » (Ps 139,18 — tenu par la liturgie comme annonçant la résurrection). « Au réveil, je me rassasierai de ton visage » (Ps 17,15). « Plénitude de joie dans le face à face / extase en ta droite pour l'éternité » (Ps 16,11). « Seigneur mon Dieu, éternellement je te confesserai ! » (Ps 30,13).

Gn 45,1-17 — Dès lors (mais alors seulement), Joseph peut laisser libre cours à sa tendresse. Il y a beau temps qu'il avait pardonné le passé. À présent il leur ouvre un avenir. Telle est bien la réconciliation que Dieu nous offre.

Rupert de Deutz: De Trinitate IX, 11 (PL 167,538): «Joseph ne put se retenir davantage... » Il eut raison de faire sortir tout le monde, car il ne fallait pas que des étrangers eussent connaissance du crime familial. Joseph, en frère aimant, ne voulut pas dire en public ces paroles si humiliantes pour les frères : « Je suis Joseph, votre frère que vous avez vendu ». Il avait montré une grande modestie en disant d'abord: « Je suis Joseph. Mon père vit-il encore? » Mais les voyant terrifiés, il retint, pour ainsi dire, l'ouragan, et interposa une consolation: «Approchez-vous de moi ». Puis, après les avoir un peu réconfortés par ce geste, il répéta son affirmation et continua ce qu'il avait à dire. Et sa sévérité première fit place à tant de douceur et de sollicitude que l'on peut encore sur ce point comparer Joseph au Bon Samaritain versant le vin et l'huile sur les blessures qu'il voulait guérir, c'est-à-dire sur les péchés des hommes.

Gn 45,5-8 // Jn 3,17 Ps 105,16-23Dieu m'a envoyé devant vous: C'est à ce point de vue de la Providence divine que, visiblement, l'Écriture veut nous faire envisager toute cette histoire. Et c'est bien cette même perspective que retiendra l'Ancien (// Ps 105) comme le Nouveau Testament (// Ac 7,13-15). La Bénédiction d'Abraham s'accomplit en sa Descendance... Au surplus, le terme d'Envoyé dont use Joseph, et que reprend le Ps 105,17, est le titre même dont se nommera le Christ, ’Envoyé du Père' (// Jn 3,17, et passim dans l'Évangile de saint Jean).

Certes, il est surprenant que la Providence passe par de tels détours. Mais c'est largeur divine, jointe à l'infaillible assurance de l'Éternel, que d'accepter ainsi de laisser un temps les mauvais libres de persécuter le juste, pour que ses souffrances même rachètent le Mal et servent à la conversion des pécheurs. Comme Joseph, Jésus le déclarera à Pilate: « Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut » (Jn 19,11).

Maître de toute sa maison : l'expression — peut-être inspirée de la célèbre formule égyptienne faisant de Pharaon ’le maître du double pays’, c'est-à-dire de la Haute et Basse Egypte — rapproche Joseph d'Eliézer, le Serviteur d'Abraham, tous deux jouant le rôle bienfaisant du Christ, ‘Envoyé de Dieu’ et 'Serviteur' (Gn 24,2*).

Rupert de Deutz : De Trinitate ix, 12 (PL 167,539): « Ce n'est pas votre dessein, c'est la volonté de Dieu qui m'a envoyé ici ». Le Christ peut dire, lui aussi, à ses accusateurs : « C'est par la volonté de Dieu, et non par la vôtre, que je devais mourir pour la nation; et non seulement pour la nation, mais afin de rassembler tous les fils de Dieu qui étaient dispersés ».

Quant à la leçon morale de cette histoire, empruntons-là à chrysostome, bien que l'interprétation traditionnelle du v. 24 — « Ne vous querellez pas en route » — soit aujourd'hui contestée. Plutôt que de ’se quereller' ou même de s'exciter mutuellement en se renvoyant la balle (comme avait fait Ruben Gn 42,22), tob interprète: « Ne vous laissez pas ébranler en route » par les difficultés de ce projet d'installation en Egypte:

chrysostome : Hom 64 sur la Gn (pg 54,558) : Ne nous contentons pas d'écouter ce discours, imitons cet exemple: consolons ceux qui nous ont affligés, ne leur imputons pas le mal qu'ils nous ont fait, mais supportons tout avec grande bienveillance, comme cet admirable Joseph ... Il les comble de cadeaux, et les met en chemin avec ces paroles: « Ne vous querellez pas en route! » Non seulement lui-même dépose toute rancune, mais il les avertit d'en faire autant; car devant lui ils s'étaient dit entre eux: « C'est parce que nous avons méprisé l'affliction de notre frère » , et Ruben leur avait reproché: « Ne vous l'avais-je pas dit? » C'est pourquoi Joseph devance leurs mutuelles rancoeurs: «Ne vous querellez pas en chemin, mais témoignez-vous les uns aux autres la même bienveillance que je vous ai montrée ». Le Christ enseigne à ses disciples (Mt 5,44): «Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent » — Ce juste n'a-t-il pas fait beaucoup plus?

Ainsi, quand nous serons dans les tribulations et les épreuves, ce nous doit être un signe de la bienveillance de Dieu à notre égard. Ne cherchons pas incessamment la prospérité ; mais dans l'adversité comme dans le succès rendons grâces également au Seigneur. Sa miséricorde n'en sera que plus large pour nous.

Gn 45,25-27 — chrysostome: Hom 65 sur la , «L'esprit de leur père Jacob reprit vie »: Comme la flamme d'une lampe, quand l'huile est épuisée: elle s'éteint déjà — mais qu'on lui donne un peu d'huile, et cette flamme mourante rayonne d'une lumière plus vive.

// Lc 24,9-11 — Comme l'annonce d'Isaac à Sara vieillie, la résurrection de Joseph dépasse trop ce que pouvait naturellement attendre Jacob pour qu'il puisse adhérer aussitôt à la nouvelle. Les Apôtres eux-mêmes eurent cette première réaction spontanée d'incrédulité, qui est d'un autre ordre que l'acte librement surnaturel de la foi.

Gn 45,27 // Ac 10,40-43Ils lui racontèrent toutes les paroles que Joseph avaient dites: Comme le reconnaît la tob, c'est là ce qui convainc Jacob de croire en ses fils. Ainsi, la foi est-elle en la Parole de Dieu ou du Christ; et comme on ne l'a pas plus entendue que Jacob n'avait entendu Joseph, il faut croire sur le témoignage, ici des fils de Jacob, pour nous « des Apôtres que Dieu avait choisis d'avance » (Ac 10,41 — c'est la 1 "e lecture de la messe de Pâques).

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L'établissement en Egypte

Gn 46-47)


 — D. Barsotti: Il Dio di Abramo (p. 323) : Après la mort d'Abraham, l'histoire d'Israël semble répéter l'histoire de l'humanité après l'Éden.

Isaac a deux fils: deux peuples. De même que Dieu avait préféré Abel, le plus jeune, à Caïn le premier-né, ainsi Jacob est préféré à Esaü. Avec la même haine dont Caïn poursuivit Abel, Esaü persécute son cadet qui l'a supplanté dans le droit d'aînesse et a obtenu la bénédiction — mais, bien qu'il cherche à le tuer, il ne pourra y réussir : Dieu préserve Jacob de la mort. Jacob cependant devra s'enfuir de la terre de Canaan qui est son héritage. La fidélité d'Abraham et d'Isaac à Yahvé n’aurait-elle donc servi de rien ?

Quand Israël descend en Egypte, c'est de nouveau la fuite. Mais exactement au moment où il passe les confins de la Terre sacrée, promise par Dieu, Dieu apparaît à Jacob, l'encourage, confirme solennellement l'Alliance contractée avec Abraham, et réitère la promesse. Cette fuite ne répète pas la fuite d'Adam chassé de l'Éden, elle ne répète pas non plus le bannissement de Caïn. Jacob fuit, mais pour une période limitée; et un jour, Dieu lui-même ramènera Israël dans la Terre sacrée.

L'histoire se répétera avec Joseph : Joseph lui aussi devra quitter la Terre de Canaan, par suite de l'envie de ses frères; et il sera emmené au loin. Il descendra en Egypte comme esclave — puis tout Israël descendra. Comme l'a prouvé Cassuto (La questione della Genesi, p. 305-306), l'écrivain sacré a certainement vu et souligné délibérément l'analogie entre la descente d'Israël en Egypte et la descente d'Abraham (Gn 12,10). Ce qui était arrivé à Abraham se reproduit maintenant pour tout Israël: la vie de tout le peuple reproduit la vie, le destin et la grandeur de son fondateur. Apparemment, il semble que le plan divin échoue, que tout soit fini. Et pourtant non: la descente d'Israël en Egypte n'est pas un châtiment. Dans cette descente même, c'est l'itinéraire du retour en Éden qui se continue, car précisément en Egypte, la promesse faite à Abraham commencera de s'accomplir: Et Dieu parla à Israël en vision durant la nuit, et il lui dit: « Jacob, Jacob ! Je suis Dieu, le Dieu de ton père. Ne crains pas de descendre en Egypte, carje ferai de toi une grande nation. Je descendrai avec toi en Egypte et je t'en ferai revenir » (Gn 46,2-4). La descente d'Israël en Egypte ressemble bien moins à la fuite d'Adam qu'à l'exil du peuple, quand Ezéchiel verra la Shekinah accompagner la nation sainte jusqu'à Babylone. La descente en Egypte de Jacob et de tous ses fils avec lui relève moins d'un châtiment que d'une pédagogie divine, voulant apprendre à Israël quelle est la nature de ce Dieu qu'il sert. Quand pour la première fois Jacob quitta la terre de Canaan, il pensa que Yahvé était lié à cette terre, qu'elle était la demeure de Dieu: Dieu veut enseigner aux siens qu'il n'est lié à aucune terre, mais que spontanément et librement il s'est lié pour toujours à Israël.

Sa demeure n'est pas la pierre sacrée de Béthel, mais le coeur d'Israël. Et il a voulu que d'abord Joseph descende en Egypte, et soit élevé comme vice-roi à la tête du pays entier, afin qu'au faîte des honneurs il confesse le Dieu d'Abraham devant les nations.

Toutefois, l'interprétation de cette «descente» est-elle aussi simple? Jusqu'à quel point Joseph, en Egypte, rend-il témoignage au Dieu d'Abraham? Parmi le paganisme ambiant, non seulement Joseph mais tout Israël paraît oublier le nom propre de Dieu. « La connaissance d'une idée générale de Dieu demeure, mais on a perdu la connaissance directe de Yahvé, à qui Abraham lui-même n'avait pu rester fidèle qu'en émigrant dans la terre de Canaan » (Cassuto, Op. cit. p. 59). À partir du chapitre trente-neuvième, le nom de Yahvé ne se rencontrera plus dans la Genèse. Le nom suppose chez qui le prononce une communion directe et personnelle avec Dieu: cette communion n'apparaît plus en Israël. C'est seulement avec la vocation de Moïse que Dieu révélera de nouveau son Nom, parce que c'est seulement avec cette vocation que Dieu reprendra un contact direct et personnel avec l'homme. Alors l'histoire de la Révélation continuera, s'acheminant vers son accomplissement, non plus comme l'histoire d'un seul homme mais comme l'histoire de tout un peuple qui, à travers le désert, reprendra sa route vers la terre sacrée.

Nous pouvons abréger beaucoup ces deux chapitres, sur le dénombrement de la famille de Jacob, les tractations entre Joseph et Pharaon pour établir Jacob et sa famille dans le pays d'Egypte (ch. 46), ainsi que « la politique agraire de Joseph » (ch. 47). Retenons surtout la vision initiale de Jacob (46,2-4), qui nous ramène à la Promesse, donc à l'Alliance, donnée capitale autour de laquelle gravite l'histoire d'Abraham, Isaac et Jacob — que l'on retrouve précisément ici, et jusqu'à la fin de la Genèse. L'histoire de Joseph, qui semble relativement latérale, est en réalité la préparation providentielle à l'histoire de Moïse et du Peuple d'Israël, qui prendra la relève à partir du Livre de l'Exode. D'où l'importance de l'interprétation qu'en donne Joseph lui-même, après coup, en 45,5 *.

Gn 46,1-4Il offrit des sacrifices : Sacrifices, vision nocturne, promesse de devenir une « grande nation » nous ramènent en effet à Abraham ou Jacob, alors qu'il n'en a pas été question durant la vie de Joseph (les songes étant tout autre chose que la rencontre avec Dieu). Pour nous relier encore plus expressément au passé, par deux fois, le nom que prend Dieu ici est « le Dieu de ton père » (v. 1 et 3). D'autre part, le « Me voici » de Jacob est la réponse d'Abraham lors de son épreuve majeure (Gn 22,3-8), il est vrai fondamentale à toute créature, d'Eve à Marie (voir Y. fauquet, à Gn 2,18-23 * ). Je suis Élohim: Ce nom qui peut signifier aussi: les dieux (par exemple, Ex 18,11, « Maintenant je sais que Yahvé est plus grand que tous les Élohim ») est souvent un pluriel de majesté, et s'applique alors par excellence au seul vrai Dieu: « ...pour que tu saches que c'est Yahvé qui est le Dieu (Élohim) » (Dt 4,35). Aussi dès le premier chapitre de la Genèse, le Dieu unique par qui tout a été créé est-il appelé ‘Élohim’, de même que, bien entendu, dans tous les textes provenant de la tradition dite, pour cela même ‘Élohiste'.

Ne crains pas: cf. Gn 15,1 *. C'est bien de la crainte sacrée qu'il s'agit en effet ici, comme l'indique la suite de la phrase; mais en un sens plus particulier: la crainte non pas de la présence redoutable de Dieu, mais d'en être privé, si Dieu ne « descendait pas avec lui, Jacob, en Egypte ». Grand péril, dont Yahvé avertira Moïse après le Veau d'Or: « Vous êtes un peuple à la nuque raide. Si un seul instant je montais au milieu de toi, je t'exterminerais » (Ex 33,5). L'intercession de Moïse obtiendra que, non seulement « La Face de Dieu marche devant » Israël, mais qu'« Il vienne Lui-même » avec son peuple (33,14-17). C'est donc désormais le privilège de la Descendance d'Abraham (dont nous sommes !) : non seulement la Promesse de devenir une grande nation (v. 3) mais la présence de Dieu parmi nous. Elle se manifestera ’en chair et en os' par l'incarnation de son Fils. Et Lui-même en assure ses disciples: « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure » (Jn 14,23).

Et Joseph te fermera les yeux: toujours la préférence pour le fils de Rachel !

Gn 46,30 // Lc 2,29-32 — Encore cette fois, Joseph joue dans l'attente de Jacob, exaucée contre toute attente, un rôle parallèle à celui du « Christ du Seigneur » pour le vieillard Syméon qui le reçoit enfin dans ses bras comme Jacob embrassa Joseph. L'un et l'autre peuvent alors chanter leur « Nunc dimittis ». Même joie aussi pour les disciples du Christ ressuscité, de ce qu'« Il vit et que nous avons à vivre en Lui, de cette vie là » (Jn 14,18-20).



Bible chrétienne Pentat. 1516