Bible chrétienne Pentat. 2200

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II. LA SORTIE D'EGYPTE - EX 12-18


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1. LA PÂQUE ET LE DÉPART

Ex 12-13)

Le récit proprement dit ne commence qu'au v. 29, et ne va que jusqu'au verset 42. Avant et après, c'est une collection de prescriptions rituelles, pour assurer à toutes les générations le bénéfice de participer à cette première Pâque, par son Mémorial liturgique. De même, à la veille de « passer » lui-même de cette terre à son Père, le Christ a institué le « mémorial » du sacrifice eucharistique — « Faites ceci en mémoire de moi » — pour nous associer à son mystère pascal.

Cette relation entre la Pâque juive, la sortie d'Egypte, le passage de la Mer, la manne au désert, la Pentecôte du Sinaï d'une part, et de l'autre les mystères ou sacrements chrétiens, est si patente, elle a été tellement soulignée, répétée, expliquée au cours de la Réforme liturgique, depuis surtout le livre du Père L. Bouyer sur Le mystère pascal (1945) et celui du Père Daniélou sur Bible et Liturgie (1951) qu'il semble suffisant de se référer à tous ces commentaires d'une ‘tradition’ si hautement proclamée. Donnons seulement quelques textes plus anciens, montrant que cette perspective est bien celle de toute la Tradition chrétienne, depuis ses origines — et d'autant plus qu'en même temps, les // montrent qu'elle commence avec les premiers écrits du N.T.

Ex 12,1Cyrille d'alexandrie: Sur Ex 12, Le temps du sacrifice pascal marque le début de l'année, le premier mois. Car le Christ est le principe de tout (Col 1,18): Il n'est pas récent (Ps 81,10), celui qui naît de Dieu avant tous les siècles; et c'est lui qui sanctifie toutes choses à travers les temps, depuis le commencement jusqu'à la fin, et particulièrement en cette fête qui marque le premier mois. Il fait « toutes choses nouvelles » (2Co 5,17): la nature humaine refleurit dans le Christ: en lui elle redevient ce quelle était au commencement.
La victime pascale est prise parmi les agneaux ou les chevreaux. D'après la Loi, l'agneau est un sacrifice pur et immaculé; le bouc, par contre, est offert pour le péché. Tu trouveras l'un et l'autre dans le Christ; car il était lui-même un sacrifice immaculé, et il s'offrait à Dieu en odeur de suavité, mais il était mis à mort pour nos péchés, comme le bouc. Ensuite Dieu ordonne que les montants et le seuil de la porte soient signés du sang de l'agneau, ce qui veut dire que notre habitation terrestre — notre corps — doit être protégé et défendu par le sang précieux du Christ. En participant à Celui qui est la Vie, nous repousserons la mort que nous avons méritée pour nos péchés. La communion au Christ est en effet pour nous « la vie et la sanctification » ... Dieu ordonne aussi que la chair (de l'agneau )soit mangée « pendant cette nuit », c'est-à-dire pendant ce siècle qui est le nôtre, et dont saint Paul écrit: « La nuit a précédé, mais le jour approche » (Rm 13,12). Le «jour » dont il parle est le siècle futur, illuminé par le Christ. On mangera donc la chair en ce siècle, ce qui veut dire: pendant que nous sommes dans cette vie, nous communions au Christ par sa sainte chair et son sang précieux, mais quand nous arriverons au jour de sa puissance et de sa gloire, comme dit le psaume, quand nous monterons jusqu'à la clarté des saints, alors nous serons sanctifiés d'une autre manière, que connaît le dispensateur des biens futurs. La communion à sa chair et à son sang sacrés contient une confession de la mort du Christ, puisqu'il dit lui-même: « Toutes les fois que vous mangerez ce pain et boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur » (1Co 11,26). Dans le siècle présent, nous annonçons donc sa mort: mais dans la gloire du Père nous n'aurons plus à confesser sa Passion: simplement nous le connaîtrons comme Dieu, face à face. Nous le glorifierons, dit saint Paul. Alors cesseront tous les discours: une meilleure connaissance commencera, et l'intelligence divine de son Salut resplendira en nous.

Rupert de Deutz: De Trinitate, (PL 167,610-613): (Dieu, en parlant de l'agneau, ) dit « Vous l'immolerez », au singulier, parce qu'en tous les agneaux devait se trouver l'unité du sacrement à venir, qui serait un seul en tous...
Nous savons qui est notre Pâque — c'est-à-dire notre Passage — puisque l'Apôtre dit: « Notre Pâque a été immolée, c'est le Christ » (1Co 5,7). Jadis la figure, ici la vérité. Mais, diras-tu, ils furent sauvés par la même foi qui nous sauve nous aussi. — Je le concède: par la même foi, mais non par la même connaissance de la foi, non par la même confession de la foi. Aujourd'hui il est ouvertement exigé que tu croies de coeur pour ta justification, et que tu confesses de bouche pour ton salut (Rm 10), que l'Agneau véritable est le Christ Fils de Dieu, et que par sa mort il nous a rachetés de la mort, et que par son sang il nous a consacrés, et que par sa résurrection il nous a re-créés pour que nous vivions. Il est manifeste que tout ceci était préfiguré dans l'immolation de l'agneau pascal, dans le passage des fils d'Israël, dans la submersion des chars et de l'armée du Pharaon quand les fils d'Israël traversèrent la mer — mais avaient-ils alors la connaissance de la foi ou de la confession? Oui: Moïse et les prophètes — les uns plus, les autres moins, suivant qu'il plaisait à l'Esprit Saint « distribuant à chacun comme il veut » — avaient connaissance du mystère; mais ils devaient le cacher au peuple dans une certaine mesure, et cela fut signifié pour tous dans la personne du seul Moïse: quand il reçut, en effet, la connaissance des secrets célestes, son visage devint resplendissant du reflet de son esprit, et il le couvrit d'un voile parce que les fils d'Israël n'étaient pas capables d'en supporter l'éclat (Ex 34). Peut-on croire qu'il voila ce visage resplendissant et découvrit à tous la cause de la splendeur, c'est-à-dire la connaissance des mystères du Christ Fils de Dieu? Évidemment non. Mais en cachant son visage sous un voile, il cacha aussi le secret de l'esprit sous l'enveloppe de la lettre...
Tout ce que voulait signifier cet agneau devient parfaitement clair quand Jean-Baptiste montre le Christ du doigt: « Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde » (Jn 1). Jean-Baptiste qui est «la lampe ardente et brillante » (Jn 5) éclaire pour nous ce «soir » où la multitude des fils d'Israël immola, en sacrifice rituel, l'agneau. Tout ce que l'on fit alors dans les ténèbres se montre maintenant sous le vrai jour, la vraie lumière. Tout est resplendissant, tout est plein de la sagesse divine...
L'Agneau véritable pourvut lui-même à tous les détails de sa propre immolation, et les prescrivit dans l'agneau figuratif. Au premier mois, au dixième jour du mois — où chaque maison, suivant la Loi, «prenait un agneau » — il entra dans la sainte Cité de Jérusalem sous les acclamations de la foule; et pendant le temps exact où l'on « gardait » l'agneau, suivant la Loi, lui-même demeura aux alentours de la Cité et du Temple ... Enfin le quatorzième jour, vers le soir, quand il mangea avec ses disciples l'agneau de l'ancienne Pâque, alors l'Agneau du nouveau sacrifice, qui allait être conduit à l'immolation, qui déjà agonisait dans l'angoisse de sa Passion, s'offrit en sacrifice au Père, de ses propres mains: il prit le pain et le vin, et par un étonnant pouvoir de consécration, le changea dans le sacrement de son corps et de son sang.

Rupert de Deutz : Sur // Jn 1,29 (PL 169,240-241 ) : « Le lendemain il le vit, venant à lui ». « Le lendemain; et donc après qu'il eût rendu témoignage à la Vérité. Sa foi fut récompensée par Celui qui a dit : « Si quelqu'un m'aime, je me manifesterai à lui ». Comment, en effet, Jean aurait-il reconnu le Seigneur à première vue, si Jésus ne s'était pas manifesté à lui? L'aurait-il reconnu, si Jésus, en l'approchant, lui avait manifesté seulement sa forme d'esclave? Non, puisque Jean lui-même atteste que sous sa forme d'homme il ne le connaissait pas encore. Il le vit donc sous sa forme d'homme; il le vit et dit: « Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ». Par ces mots, il exprima merveilleusement ce qu'il vit. La douceur de Dieu, qu'avec délices il goûta doublement devant cette épiphanie à la fois corporelle et spirituelle, il la fit rejaillir sur nous par cette effusion de son action de grâces. Celui qui dès le sein de sa mère avait tressailli de joie à l'approche du Roi des siècles, comment n'aurait-il pas exulté, adulte, quand le même roi paraissait devant lui et qu'il allait lui parler? Et lui qui avait rendu un si beau témoignage alors qu'il voyait le Christ en esprit seulement et le cherchait des yeux, qu'allait-il dire, quand il le trouva ! Il s'exclama, mû par l'impétuosité de l'Esprit Saint; et comme une perle précieuse vient couronner un bijou d'or, il ajouta à ses premières paroles cette perle dont la Sainte Église s'est saisie pour la fixer sur son front et sur sa poitrine, à la louange du Christ: « Voici l'Agneau de Dieu ».
Quand tu entends « Agneau », tu es sur le seuil d'un grand mystère. On sait que par l'immolation de l'agneau le peuple de Dieu fut délivré de la servitude d'Egypte, et que seul, le sang de l'agneau, la vertu mystérieuse du sacrifice du soir, brisa la dureté de Pharaon que les dix plaies n'avaient pu vaincre, et fit passer la mer à Israël. Cette figure du salut à venir, que le Christ allait bientôt accomplir en vérité, Jean, prophète et plus que prophète, la montra du doigt: « Voici l'Agneau de Dieu, voici Celui qui enlève les péchés du monde. »
... Le sang de cet Agneau vraiment «sans défaut » nous fera «passer » dans cette patrie de lumière, dans cette vraie Terre Promise que perdirent nos premiers parents; car nous n'avons pu être justifiés par les dix commandements, mais cet Agneau enlèvera les péchés du monde quand, suspendu à la Croix, il purifiera, par le sang et l'eau jaillissant de son côté, l'Église universelle, quel que soit le nombre de ses enfants depuis l'origine jusqu'à la fin du monde. Il voyait tout cela, ce même Jean-Baptiste, quand il disait: «Je dois être baptisé par toi ». Oui, il devait, aussi bien que les autres élus, être baptisé dans le sang du Christ... Car la grandeur, l'éternité de la gloire céleste, n'est pas affaire de mérite mais de grâce. Gratuitement, elle fut donnée aux saints anges, non moins gratuitement aux premiers parents du genre humain; et elle nous est rendue en toute gratuité, c'est-à-dire par la seule grâce du Christ, à nous qui recevons maintenant par lui la réconciliation. Il est donc le seul et vrai « Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde ».
Jean exprime admirablement les deux natures dans l'unité d'une Personne: parce que le Christ est Homme, il a pu, comme un agneau, se laisser conduire au sacrifice (Is 53); il a livré son corps pour nous en nourrir, son sang pour en marquer nos fronts (Ex 12). Parce que le Christ est Dieu, il a pu enlever les péchés du monde, bondissant sur la proie comme un jeune lion.

Ephrem: trad. J. Gribomont: Le triomphe de Pâques d'après saint Éphrem, dans « Parole de l'Orient » 1973/1.2, p. 164 ss (nos l ,2,6,9,13-16):
Louange au Fils, Seigneur des mystères,
qui accomplit en sa crucifixion tous les mystères. Voici, tué en Egypte, l'agneau pascal;
immolé en Sion l'Agneau véritable. Contemplons, Frères, ces deux agneaux;
voyons-en les similitudes, et surtout les oppositions. Pesons, comparons les merveilles
de cet agneau typique et du véritable. Regardons le symbole comme une ombre,
le véritable comme un accomplissement. Écoutez les symboles simples de l'ancienne Pâque,
les merveilles redoublées de notre Pâque...

Il y eut, hors d'Egypte, grâce à l'agneau pascal,
Exode du peuple, sans retour. De même, libérant de l'erreur, l'Agneau de vérité,
Exode pour les peuples, sans retour. Enfin, hors du shéol l'Agneau vivant,
donne Exode aux morts, comme hors d'Egypte...

L'Egypte dessine un double symbole ;
du shéol et de l'erreur elle est miroir. L'avidité égyptienne, grâce à l'agneau pascal
apprit à restituer, contre son habitude. L'appétit du shéol, grâce à l'Agneau vivant,
rendit et restitua, contre sa nature. L'erreur dévorante a délié, grâce à l'Agneau de vérité;
elle a remis et renvoyé les peuples vivifiés...

Grâce à cet agneau pascal, pharaon a restitué
le peuple auquel, comme la mort, il avait imposé ses chaînes. Grâce à cet Agneau vivant, la Mort a restitué
les justes, issus de leurs tombeaux. Grâce à cet Agneau de vérité, Satan a rendu les peuples
auxquels, comme Pharaon, il avait imposé ses chaînes. Pharaon dessine un double type:
de la Mort et de Satan il est exemple. L'Egypte s'ouvrit grâce à l'agneau pascal,
et devant les Hébreux la route s'aplanit. Grâce à l'Agneau de vérité, la voie de vérité;

Satan la rouvrit, après l'avoir bloquée. L'Agneau vivant fraya aux défunts
une voie hors des tombes, par son cri retentissant.

Ephrem : Hymne 3 de la crucifixion (Lamy i, 656) :
Bienheureuse es-tu, ô soirée dernière !
car en toi s'accomplit la soirée d'Egypte. En toi notre Seigneur mangea la petite Pâque
et devint la Grande Pâque: Pâque insérée dans la Pâque,
et Fête dans la fête. Voyez la Pâque qui passe et celle qui ne passe pas,
Voyez la figure, et son accomplissement.

Bienheureux Cénacle, où l'agneau du «passage »
accourut vers l'Agneau de vérité. Le symbole du monde lassé
entra dans le sein paisible et s'y enferma. Bienheureux Cénacle, où fut célébrée
la Pâque sans égale ! L'agneau de la fête passagère se dépouilla de son prestige
et en fit hommage à l'Agneau de Dieu.

Ephrem : Hymne des Azymes (Lamy l, 592) :
Les disciples se trouvèrent entre deux agneaux:
ils mangèrent l'agneau pascal et l'Agneau véritable. Placés entre la figure et la Vérité,
ils virent s'effacer la figure et advenir la Vérité. Bienheureux ! qui possédèrent et la fin de la figure
et le commencement de la Vérité.

Ex 12,12 — Même si l'on ne sait pas l'origine du mot ‘Pâque', le sens que lui donne le Livre de l'Exode ressort du texte même: C'est la Pâque... Je passerai (avec un autre sens de ‘passer', presqu'en jeu de mots, aux v. Ex 12,23 Ex 12,27). Ce Passage divin prend en effet des sens bien différents: terrible pour les Égyptiens s'opposant à Dieu, miséricordieux pour les maisons israélites signées du sang de l'Agneau, mystique ou sacramentel dans le ’passage' de la Mer en signe du passage de la mort à la vie pour Dieu, par lequel nous font ‘passer’ les sacrements, à commencer par le baptême :

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,621): «C'est la Pâque, c'est-à-dire le Passage du Seigneur : je passerai par la terre d'Egypte cette-nuit-là, et je frapperai tout premier-né... Mais pour vous, le sang sera un signe sur les maisons où vous vous trouverez: Je verrai le sang, et la plaie ne sera pas pour vous »... .« Je passerai », c'est-à-dire je sortirai à la manière d'un géant qui fait irruption, et après son départ laisse pour traces des plaintes sans fin. C'est pourquoi le Livre de la Sagesse dit: « Quand toutes choses gardaient un silence tranquille, et que la nuit parvenait au milieu de son cours, ta Parole toute-puissante vint du ciel, bondissant du trône royal comme un guerrier impitoyable, et remplit toutes choses de mort » (Sg 18). Ce passage était la figure d'un autre dont l'Évangéliste écrit: «Jésus, sachant que son heure était venue dépasser de ce monde au Père... » C'est celui-là, le vrai passage du Seigneur, et c'est notre passage à tous; car quand lui-même est passé de ce monde au Père, nous sommes passés nous aussi par la grâce de ce même Père, de l'esclavage à la liberté, des ténèbres au « visage découvert ».
Le Christ passa dans l'Egypte inférieure, c'est-à-dire l'enfer... et tous les « dignes fils d'Israël » qu'il y trouva, signés par la foi en son sang — depuis le juste Abel, qui en figure du Christ offrit le premier agneau, jusqu'au larron que lui-même signa de son sang à l'heure de son passage — il les délivra tous.

Sur le sens général, et profond, du « Dieu passe » dans la Bible, cf. L. Bouyer, en Ex 24,9-11 *.

Ex 12,14Un mémorial: Cf. l'introduction à ce chapitre.

Ex 12,15Les azymes: Ici encore, la prescription rituelle précède la raison occasionnelle qui empêcha Israël d'avoir du pain fermenté lors de la première Pâque (v. 34 et 39*). Ceci afin que ressorte mieux la valeur symbolique, donnant au rite sa signification spirituelle (// 2Co 5 / Jj). C'est aussi la raison de la sévérité du châtiment pour quiconque manquerait à cette prescription: « Il sera retranché de l'assemblée » (cf. 1Co 11,28-31).

Ex 12,16Aucun travail: Comme au Sabbat, afin d'entrer « dans le Repos de Dieu » (Ps 95,8-11 /Oh — cf. Ex 33,12-17 * aelred).

Ex 12,21-23 // Ez 9,4-6 Ap 7,9-10 Ap 7,14-17 Le sang de l'agneau, le Tau (à forme de croix), la robe blanchie dans le sang de l'Agneau, pour nous sauver de l'Exterminateur: de l'Exode à l'Apocalypse, en passant par les prophètes ou l'Évangile de la robe nuptiale, c'est donc une constante. Moïse en avait fait l'expérience lui-même, au moment de rentrer en Egypte , « Prépare-toi, Israël à rencontrer ton Dieu... » (Am 4,12). L'hysope (v. 22) plante aromatique employée dans les rites purificatoires: cf. Lv 14,4-49 Nb 19,18 Ps 51,9 Ps 51,

// Ap 7,15Dieu étendra sur eux sa Tente: ’Étendra', puisqu'il y a mouvement. Mais l'image signifie aussi que Dieu séjournera, habitera avec eux. L'Apocalypse parle donc ici de la communion éternelle de ceux qui seront ‘sauvés', avec Dieu leur Sauveur. Mais cette présence, cette habitation de Dieu au milieu de son peuple vaut dès cette terre: c'est la Shekinah,’ l'habitacle de lumière' que manifeste dans l'Exode non seulement la colonne de feu (Ex 13,21-22*), mais la Tente de la Rencontre, le Tabernacle, signe suprême de l'Alliance (ch. 25 ss. Cf. D. Barsotti, à la fin de l'Introduction à l'Exode).

Ex 12,24-27 — Cf 10,1-3*.

Ex 12,29 // Sg 18,13-16Au milieu de la nuit: La messe est célébrée à minuit, pour fêter la Nativité du Christ, afin de mettre en rapport les deux événements. La messe du 2° dimanche après Noël applique Sg 18,14-15 au Verbe incarné. Unité des deux Testaments, mais transcendance divine de l'accomplissement du Salut, non plus dans la mort des premiers-nés de l'Egypte, mais dans le sacrifice de l’Unigenitus du Père, pour épargner cette mort à tous ceux qui se fieront en Lui.

Ex 12,31-33Et bénissez-moi: Pharaon ne se débarrasse pas seulement d'une cause de fléaux: il reconnaît en ce peuple l'Élu de Dieu, l'héritier de la bénédiction d'Abraham (Gn 12,3*).

Ex 12,34-39 // lCo 5,6-8 — Cf 12,15* . Ephrem: Hymne de la crucifixion n(Lamy i, 650 ss):
L'Agneau ordonna que son image
fût mangée avec des azymes: il voulut pain nouveau et chair nouvelle
pour signifier le sacrement de la rénovation.

Car se renforçait le ferment mauvais, de l'antique serpent
qui avait envieilli le monde entier: tout était fané;
de vieillesse, tout tombait en poussière.

Par les azymes, qui rendent toutes choses nouvelles,
le ferment est annulé, qui tout entraîne à la vieillesse. Béni soit le pain qui tout renouvelle!

Baudouin de Ford: Le Sacrement de l'autel (SC 94,316-318): Les fils d'Israël furent alors empêchés de laisser le pain lever, à la fois par l'ordre divin et par le manque de temps. Mais la contrainte du temps ne faisait que servir la dispensation divine ... Ainsi arrive-t-il souvent, quand on quitte le règne du péché: souvent, cet éloignement est à la fois imposé par Dieu et par les circonstances. Mais à la longue, ce qui avait d'abord été comme extorqué devient entièrement volontaire. Le vieux levain dont il faut s'abstenir pendant sept jours, c'est le péché. Par ce ferment toute la masse fut corrompue, en Adam le prévaricateur et en ses descendants ; c'est pourquoi on l'appelle « vieux levain » — et il appartient au vieil homme.
Mais la pâte peut se faire avec la farine agglutinée par le liquide, sans ferment: c'est alors «l'azyme». Le Christ est cette pâte nouvelle, ce pain azyme exempt de toute corruption du péché. Et nous-mêmes, si nous sommes broyés par la crainte de Dieu et l'humilité, pénétrés par les eaux du baptême, de la pénitence et de la grâce céleste, agglutinés par la charité — qui nous empêche de nous diviser suivant les convoitises de l'erreur — alors nous sommes la pâte nouvelle, nous sommes les azymes. Purifiés du vieux levain, nous recevons avec les Corinthiens cet avertissement d'être la pâte nouvelle, et de marcher selon la vie nouvelle.

Ex 12,35-36 — Cf Ex 11,2-3*.

Ex 12,37-43 — La sortie de l'Egypte, non seulement des Israélites (v. 37), mais d'une mystérieuse « foule nombreuse » (v. 38) — dont nous sommes. Et de fait, nous avons le pain azyme eucharistique (v. 39), la vigile pascale (v. 42-43), et l'Agneau dont pas un os ne fut brisé (v. 46 et // Jn 19).

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Consécration des premiers-nés

(Ex 13)


 (Ex 13,1-9 — Ultime reprise rituelle, où se retrouvent la loi du Souvenir (v. 3) ou du Mémorial (v. 9,16), ou de l’a tradition (v. 8,14-15). Mais surtout, institution du rite de rachat des premiers-nés. Toujours l'alternative: on n'échappe à la mort (des Égyptiens) ou à l'esclavage (des Hébreux) qu'une fois racheté par le sang de l'agneau (12,21-24) ou d'autres animaux, pour être consacré au service de Dieu (v. 1 et 11-12). En spécifiant que Jésus s'est soumis à ce rite (// Lc 2), l'Évangile nous montre en lui le premier-né, dont les autres n'étaient que figure: le parfait ‘saint de Dieu', consacré à Dieu, et nous sauvant tous par son propre sacrifice rédempteur. C'est Lui que Dieu voyait déjà se profiler, en ce premier Exode.

Rupert de Deutz: Op. cit. (PL 167,634): Il y aurait, plus tard, un premier-né qui serait «prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech »... qui ne se rachèterait pas, mais en vertu de son propre sang se tiendrait debout devant le Seigneur, et prendrait le sacerdoce qui lui revient selon l'ordre de Melchisédech.

D. Barsotti: Meditazione sull’Esodo (p. 111-113): Tout premier-né doit être consacré à Dieu. Les premiers-nés des Egyptiens lui appartiennent: Dieu les a sacrifiés, consumés, détruits; il les a arrachés au peuple égyptien; mais les fils d'Israël surtout lui appartiennent. Appartenir à Dieu, cela veut dire être sacrifié, immolé. Quand Dieu prend possession d'une chose, elle est soustraite à l'usage profane... mais une créature ne peut être soustraite totalement que par l'immolateur.
... Saint Paul appelle Jésus « le Premier-né d'une multitude de frères » (Rm 8,29). Les premiers-nés dont parle l'Exode ne sont que l'image et le signe, la prophétie et l'annonce du Premier-né de toute créature, qui est Jésus ... Le Christ est le fruit de toute la terre: « terra nostra dabit fructum suum » (Ps 85,13); et le Christ doit être offert au Seigneur. Dans l'Israël antique, le premier-né était racheté; dans chaque famille un agneau était offert en échange du premier-né; la substitution était possible parce que le premier-né n'était qu'une figure. Mais Dieu n'apas voulu de substitution pour Jésus : c'est Jésus même qui a dû être immolé.
Aux anciens sacrifices, qui étaient une figure, a succédé le vrai sacrifice : Jésus est offert, il est immolé, il meurt. Toute la vie de l'univers se couronne dans l'offrande de ce Fils Unique au Père.

Basile: Traité du Saint-Esprit (SC, 17 — 162 et 168 ss): La figure est une manière d'exposer, par imitation, les choses que nous attendons : par exemple, Adam est la figure de l'Adam qui devait venir, et « la pierre » est le Christ figurativement, et l'eau qui coule de la pierre est figure de la puissance vivifiante du Verbe — car il a dit: « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ». La manne est le type du pain vivant qui est descendu du ciel ; et le serpent placé sur une hampe est le type de la Passion salutaire consommée sur la croix, puisque ceux qui le regardaient étaient sauvés. De même, ce que dit l'Ecriture des Israélites sortant d'Egypte a été raconté comme une figure de ceux qui sont sauvés par le baptême ; car les premiers-nés des Israélites furent sauvés, tout comme le corps des baptisés, la grâce étant accordée à ceux qui sont marqués du sang. Car le sang de l'agneau figurait le sang du Christ, les premiers-nés figuraient l'homme qui fut créé le premier : et comme il subsiste nécessairement en nous par la succession de la transmission jusqu à la fin, nous mourons tous en Adam, et la mort a régné jusqu à la consommation de la Loi et à l’avènement du Christ. Les premiers-nés furent préservés par Dieu pour que l’Exterminateur ne les touchât pas : cela signifie que nous ne mourons plus en Adam, nous qui avons été vivifiés dans le Christ. Quant à la mer et à la nuée, en ce temps-là elles conduisaient à la foi par l'admiration; mais pour le futur, elles figuraient en quelque manière la grâce qui devait venir. Qui est sage ? Il comprendra ces choses! Il comprendra que la mer, figurant le baptême, séparait de Pharaon comme le baptême nous fait échapper à la tyrannie du diable. La mer, jadis, étouffa en elle l'ennemi: aujourd'hui meurt l'inimitié qui nous séparait de Dieu. De la mer, le peuple sortit sain et sauf: et nous aussi, nous remontons des eaux comme revivant d'entre les morts, sauvés par la grâce de Celui qui nous a appelés. Quant à la nuée, elle était l'ombre du don de l'Esprit, qui rafraîchit nos membres en éteignant la flamme des passions.

Croyez-vous par hasard que la grâce du baptême perd de sa valeur sous prétexte que, typiquement, «ils furent baptisés en Moïse»? Alors, il ne restera rien de grand dans nos mystères, si nous rabaissons au niveau de leurs figures antiques ce qu'il y a d'auguste dans chacun d'eux. On en arrivera à mépriser même l'immense amour de Dieu donnant son Fils pour nos péchés, sous prétexte qu'Abraham, lui non plus, n'a pas épargné son fils ; parce qu'un bélier a pris la place d'Isaac comme victime, la Passion du Christ ne comptera plus — ni la descente aux enfers, parce que Jonas pendant trois jours et trois nuits a, le premier, figuré la mort. Tel est le raisonnement de ceux qui élèvent Moïse et la Mer Rouge à la hauteur de l'Évangile... Moïse et la mer procurèrent-ils donc la rémission des péchés? et la vie nouvelle et le don de l'Esprit? Les Hébreux ne sont pas morts avec le Christ, et par conséquent ils ne sont pas ressuscités avec lui. Ils ne portaient pas l'image de l'Homme céleste (1Co 15,49), ni dans leur corps la mort de Jésus (2Co 4,10). Ils n'ont pas dépouillé le vieil homme, ils n'ont pas revêtu le nouveau, « celui qui se renouvelle jusqu'à devenir l'image intelligible de son Créateur » (Col 3,9-10)...

Le dessein de notre Dieu et Sauveur est de rappeler l'homme de sa chute, et du pays lointain où l'avait conduit sa désobéissance, et qu'il revienne dans la famille de Dieu. Si le Christ est venu dans la chair, s'il a vécu tout ce que raconte l'Évangile, s'il a souffert la Passion, la Croix, l'ensevelissement, s'il est ressuscité, c'est pour que l'homme soit sauvé en reproduisant en lui le Christ, et que lui soit rendue l'antique adoption des fils. Il faut donc que l'homme, pour accomplir sa vie, imite le Christ: non seulement en suivant les exemples de douceur, d'humilité et de patience qu'il a donnés dans sa vie terrestre, mais en le suivant dans sa mort comme l'a dit saint Paul: « conformé à sa mort, avec l'espérance de parvenir à la résurrection des morts ». Mais comment pouvons nous devenir « à la ressemblance de sa mort »?...

Le Seigneur qui organise notre vie a établi pour nous ce pacte, que l'eau remplit pour nous le rôle de la mort, et que l'Esprit nous donne les arrhes de la vie. Ainsi se résout la question: « Pourquoi l'eau est-elle jointe à l'Esprit? » C'est que le baptême devant atteindre deux buts, à savoir que le corps du péché soit détruit — pour ne plus porter ses fruits de mort — et que nous vivions selon l'Esprit — pour porter des fruits de sainteté — l'eau présente l'image de la mort en recevant le corps comme dans un tombeau, et l'Esprit infuse sa force vivifiante, renouvelant nos âmes et les faisant passer de la mort du péché à la vie des origines.

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2. le passage de la mer

Ex 13,19-22 Ex 14-15)


Ex 13,19-22 — Israël sort d'Egypte avec son grand ancêtre, garant de son élection, et avec Dieu (Ex 3,12*), dont la présence est, suivant le besoin, colonne de feu ou de nuée. En 14,19, cette colonne va de pair avec ’l'Ange du Seigneur', tant elle est sacrement de sa présence. Protectrice contre toute adversité ( 14,20) ; mais signe aussi que la transcendance de Dieu est pour nous à la fois lumière et nuée, lumière dans la nuée, comme le montre l'expérience mystique de ‘la nuée obscure', et d'abord celle de Moïse au Sinaï (Ex 19 ss).

Mais, si impénétrable soit-elle, cette colonne n'en est pas moins présence réconfortante de Dieu avec nous, préfigurant donc le Christ :

rupert: Op. cit. (PL 167,636): Qu'est-ce donc que cette nuée, sinon notre guide et notre Voie, Jésus-Christ, Fils de Dieu? Colonne de feu parce qu'il est vrai Dieu, colonne de nuée parce qu'il est vrai homme... Le soleil vint dans la nuée pour que nous puissions porter son éclat — Dieu, pour vivre avec les hommes, vint dans la chair. Ajoutons ce témoignage du prophète Isaïe: « Le Seigneur s'élève sur un nuage léger » (Is 19).

Ainsi apparaîtra-t-il, jusque dans sa Transfiguration, Lumière au sein de la nuée, d'où Dieu parle (Lc 9,34-35). Cf 14,19-21 *.

// He 11,27 — La traduction habituelle : « Comme s'il voyait l'invisible, il tint ferme », loue seulement Moïse pour son courage et sa persévérance devant Pharaon, aussi fermement que s'il s'appuyait sur des assurances tangibles. Mais « l'invisible » peut être complément de « il tint ferme » aussi bien que de « il voyait ». Dans ce cas, Moïse serait loué d'avoir « soutenu l'Invisible » avec la même force que s'il le voyait : épreuve du Spirituel en même temps qu'oeuvre apostolique. Avec la note d'espérance fréquente dans les psaumes: « Attends le Seigneur: que ton coeur s'affermisse. Sois fort ! Et patiente (sustine) avec le Seigneur (Ps 27,14). Ou le De Profundis: Domine, quis sustinebit?... propter legem tuam sustinui te Domine. Sustinuit anima mea in verbo ejus, speravit anima mea in Domino.

Ex 14,5-9 // Sg 19,1-5 Sg 19,13 Dernière antithèse entre le sort des Égyptiens et du Peuple élu (cf. Introduction aux Plaies d'Egypte, Ex 7-10*; et sur l'endurcissement de Pharaon, Ex 5 * ).

Ex 14,10-14 — Comme la première intervention de Moïse avait provoqué seulement un redoublement de la misère, donc l'appel à un redoublement de l'espérance (Ex 5,*), de même la sortie de l'Egypte, loin de conduire directement à la Terre promise, enferme le peuple élu dans un cul-de-sac, entre la Mer et l'armée de Pharaon. Réaction naturelle: Mieux vaut servir que mourir (v. 12). Réaction surnaturelle de la foi: Yahvé combattra pour vous (sur ce ‘combat', cf. ch. 15*); donc: ne craignez pas (v. 13), restez tranquille (v. 14), et tenez bon (comme plus haut, Ps 27,14). Apparaît aussi le thème de l'Aujourd'hui, deux fois répété au v. 13. Thème du 'kairos', du temps favorable: « le jour du Salut, c'est maintenant », c'est aujourd'hui (Dt 5,2-3). La liturgie de Noël applique le verset/' d'Ex 16,6-7 à cette fête: « Aujourd'hui vous saurez que vient le Seigneur; au matin, vous verrez sa Gloire ». Plus encore le refrain de Pâques, emprunté au Ps 118 : C'est « l'Aujourd'hui que le Seigneur a fait; célébrons cet Aujourd'hui ». Et de fait, qu'est-ce que la liturgie, sinon la célébration de l'unique Salut qui, venant de Dieu, ne passe pas. Nous retrouverons l'Aujourd'hui du Salut en Ex 17,7*.

// Mt 14,24-33 — L'Évangile semble tout différent, et pourtant, là aussi, les Apôtres s'effraient d'être rejoints, par ce qu'ils craignent un fantôme. L'exhortation est la même: N'ayez pas peur, je viens avec vous, courage. Là aussi, Pierre veut passer sur les eaux, et ne le peut qu'à la condition de maintenir sa foi intrépide: les circonstances ont changé; la réalité spirituelle est la même.

Ex 14,19-20 — Cf 13,19-22*. Grégoire de nysse: Vie de Moïse (pg 44,361) : Si quelqu'un fuit l'Égyptien, et au sortir de ses frontières est terrorisé devant l'assaut des tentations, le guide du peuple hébreu lui montre que le salut inespéré vient d'en haut. Une fois cerné par la troupe ennemie, s'il n'a plus devant lui que la mer, la mer se retire en cette extrême nécessité, afin qu'il puisse avancer, et la nuée le conduit.

Car « la nuée » est le nom du guide; et ceux qui sont venus avant nous l'ont entendue avec raison de la grâce du Saint Esprit. C'est par l'Esprit, en effet, que s'opère pour les justes le retour vers le bien. L'homme qui suit l'Esprit passe l'eau; l'Esprit qui le conduit prépare le chemin; l'Esprit assure la libération, tandis que disparaît dans les eaux le séducteur qui s'efforçait de nous entraîner en servitude.

Baudouin de ford (SC 94,326-330): Historiquement, tous les Hébreux sortis d'Egypte furent sous la nuée, car jamais ne manqua la colonne de nuée pendant le jour. Spirituellement, tous les justes antiques furent sous la nuée: car la nuée, c'est l'obscurité des figures, la nuée c'est le Christ ou l'Esprit Saint déployant son ombre. La nuée, c'est encore le Christ caché, avant qu'il ne se révèle. La nuée, c'est encore la foi enveloppée des mystères figuratifs, en suspens dans l'attente des biens à venir...
« Tous furent baptisés en Moïse, dans la nuée et dans la mer » (1Co 10,2): Par toutes les merveilles qu'il fit en Moïse, Dieu voulait que (les Hébreux) croient en ce vrai Dieu qui mandatait Moïse, et que, confirmés dans la foi en l'unique vrai Dieu, ils croient en Celui qui devait venir, qui apporterait la bénédiction et le salut... Pendant cette longue attente, n'auraient-ils pas désespéré des promesses s'ils n'avaient reçu aucune consolation? En multipliant les signes et les bienfaits. Dieu leur rappelait la promesse, et leur montrait d'avance les biens futurs.

Maxime de turin: Hom. p. l'Epiphanie (ccl 23,400): C'est le Christ, le Seigneur, qui a réalisé tout cela. C'était Lui, jadis, qui précéda les fils d'Israël, à travers la mer, dans la colonne de feu. De même, c'est Lui maintenant qui, par son baptême, précède les peuples chrétiens en son propre corps. Il est cette colonne qui, alors, présenta sa lumière aux coeurs des croyants. Alors, il offrit un chemin à travers les eaux; maintenant il fortifie notre marche dans le bain (sacramentel) de la foi.

Ambroise : Des Mystères 12 (SC 25 bis, 162): Dans ce passage de la Mer, se trouve préfiguré le sacrement du baptême. Alors l'Égyptien périt et l'Hébreu fut libre; et qu'apprenons-nous maintenant chaque jour dans le sacrement, si ce n'est que le péché y est englouti, l'erreur abolie, tandis que la piété, l'innocence en ressortent, entières.

Ephrem : Hymne 5 sur l'Epiphanie (Lamy i, 50-54) :
Descendez, mes Frères,
et des eaux du baptême revêtez l'Esprit Saint :
unissez-vous aux esprits qui sont ministres de Dieu.

Moïse baptisa dans la mer le peuple d'Israël, mais ne put laver leurs coeurs, pleins des souillures du péché. Voici qu'un prêtre, semblable à Moïse, a lavé les taches des âmes; et il signe de son onction les agneaux nouveaux pour le Royaume de Dieu.
Par les eaux qui coulaient de la pierre fut calmée la soif des Israélites; Voici que du côté du Christ coule la source de vie.

L'assimilation de la vie chrétienne à l'Exode s'appuie, faut-il le rappeler, sur 1Co 10, où nous est divinement assurée la portée exemplaire des événements de l'Exode, « pour notre instruction, à nous qui touchons à la fin des temps ». Pour ne pas enlever la force de ce texte en le divisant pour le répartir entre chacune des étapes de l'Exode, nous l'avons mis en parallèle seulement un peu plus loin (/ Jw), mais d'abord en exergue au Livre de l'Exode, pour qu'il en éclaire toute la lecture, depuis le début.

Et voici comment Chrysostome, en un commentaire également capital, explique les rapports entre les figures (ou 'types') de l'Ancien Testament et leur accomplissement dans le Nouveau: Hom. sur 1Co 10 (Ed. Montfaucon, Hom. 21, § 4 — Gaume, m, 280 ss): Comment le passé peut-il être le type du présent? Si tu apprends d'abord ce qu'est le type et ce qu'est la vérité, alors je répondrai à ta question.
Qu'est-ce que l'ombre, et qu'est-ce que la vérité? Eh bien, pensons aux images que dessinent les peintres; tu as souvent vu l'image de l'empereur teintée de couleur bleue. Ensuite, le peintre trace des lignes blanches, et il dessine l'empereur, son trône, des chevaux, des officiers, et les ennemis vaincus. Quand tu vois ce tracé, tu ne sais pas encore tout, mais tu n'ignores pas tout non plus; tu reconnais vaguement un homme, un cheval — mais comment se présente l'empereur, ou à quoi ressemble l'ennemi, tu ne le vois pas clairement jusqu'à ce que les couleurs de la vérité te renseignent. Or, de même que tu ne peux tout distinguer sur cette image avant que ne viennent les couleurs, mais qu'un tracé te donne une connaissance suffisante, comprends donc qu'il en est ainsi de l'Ancien et du Nouveau Testament, et n'exige pas de trouver dans le type tous les détails de la vérité. Alors, je pourrai t'enseigner l'harmonie des deux Testaments, et comment le passage de la Mer Rouge a une parenté avec notre baptême.
Jadis, de l'eau — aujourd'hui, de l'eau. Ici, une piscine — là-bas, la mer. Aujourd'hui comme jadis, nous entrons tous dans l'eau. Jusqu'ici, c'est ressemblant. Veux-tu maintenant que nous ajoutions les vraies couleurs? Dans l'Ancien Testament, la mer délivrait de l'Egypte — dans le Nouveau, elle délivre de l'idolâtrie. Là-bas, c'était le Pharaon qui était jeté à la mer, ici c'est le diable. Là-bas on étouffait les Égyptiens, ici on ensevelit le vieil homme. Et discerne bien quel est le rapport de la figure à la vérité et de la vérité à la figure: car il ne convient pas que le type soit entièrement différent de la vérité — ou alors il n’en serait pas le type — et il ne faut pas non plus que le type ressemble exactement à la vérité — car alors il serait la vérité même: mais il doit garder son mode, n'avoir pas tout ce que possède la vérité, mais en avoir une partie et lui en réserver une autre. Donc, ne me demande pas de trouver tout dans l'Ancien Testament: mais si tu en saisis quelques énigmes, même chétives et obscures, estime-toi heureux.
Dans ces lignes de saint Paul, où est donc le rapport du type avec la vérité? En ceci, que tous traversent l'eau, tous sont délivrés de la servitude — mais pas de la même ! Nos pères sont délivrés de l'esclavage d'Egypte, et nous de celui du diable: eux de la servitude sous des étrangers, nous de la servitude sous le péché. Tous sont rendus à la liberté — mais pas à la même! Car la nôtre est beaucoup plus belle. Et si tout est plus beau et plus excellent chez nous, n'en sois pas étonné: car il appartient, par dessus tout, à la vérité, qu'elle dépasse de loin le type, — mais qu'elle ne lui soit pas contraire, ou incompatible.
Que veut dire: « Tous, en suivant Moïse, furent baptisés »? (Eis ton Moùsèn). Cette parole semble obscure, mais je m'efforcerai de l'éclairer. La mer s'étendait devant leurs yeux, et on leur donnait l'ordre de la traverser par une voie étrange et inouïe. Personne n'avait jamais traversé ainsi. Ils hésitaient, se dérobaient, faisaient difficulté. Moïse passa le premier, et tous suivirent. C'est ce que veut dire « Tous, en suivant Moïse, furent baptisés »: ils crurent en lui, et, sous sa conduite, parce qu'ils avaient confiance en lui, ils osèrent entrer dans l'eau. C'est cela même qui arrive avec le Christ... Il nous a ouvert la voie, il est monté aux cieux le premier. Donc, comme les Hébreux se fiant à Moïse osèrent entreprendre leur voyage, nous aussi, nous fiant au Christ, nous entreprenons avec confiance notre pèlerinage.

Ex 14,21-31 // Sg 10 et 19; Ps 77 — Les rappels du passage de la Mer sont innombrables dans l'Ancien et le Nouveau Testaments, car c'est la référence centrale, le type même du Salut, sous quelque forme qu'il se propose par la suite, soit dans les prophètes, soit dans son accomplissement par la Passion et la Résurrection du Christ. Aussi convenait-il que l'événement prenne ce caractère simple et merveilleux. Au départ de tout son cheminement spirituel vers une foi de plus en plus purifiée, Israël aura pu voir, toucher du doigt les Mirabilia Dei (c'est avant tout ce passage de la Mer que cette expression évoquera par la suite); de même au départ de notre foi, il y a « ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie » (1Jn 1,1).

Ex 14,21Et l'eau se divisa: Rappel de la Genèse et de son oeuvre de séparation : au Troisième Jour, Dieu fit apparaître le sol au milieu des eaux. Le // Sg 19,6-13 souligne encore ce passage de la Mer comme une nouvelle création: La terre ferme apparut. . . la plaine verdoyante (v. 7). Aux versets suivants, le rappel des Plaies d'Egypte use d'expressions qui évoquent la Genèse: « que la terre produise... »

Ex 14,28Des chars et cavaliers de Pharaon, il n'en resta pas un seul: GRÉGOIRE de Nysse: Vie de Moïse (PG 44,364): L'histoire nous apprend comment on doit se conduire après avoir passé l'eau: il ne faut rien tirer avec soi de l'armée ennemie quand on émerge. Quiconque permet à l'ennemi de remonter avec lui, reste en esclavage, pour avoir sorti de là son tyran vivant, au lieu de le noyer au fond de l'eau.

Éclairons plus largement le symbole: tous ceux qui traversent l'eau sacramentelle du baptême doivent laisser pour mort au fond de l'eau tout le camp du malin: l'avarice, la convoitise, la luxure, l'orgueil et le besoin de paraître, la violence, la colère, la rancune, l'envie; tout cela et le reste — les mouvements mauvais de l'âme et leurs prolongements — nous devons le laisser noyé au fond de l'eau.

Ex 15,1-21 — Le miracle du Salut va de pair avec le chant d'action de grâces, comme la Passion et la Résurrection rédemptrices du Christ ne font qu'un avec la Cène, comme au ciel même, les élus, ayant passé la Mer, chantent le cantique de Moïse, est-il spécifié — qui est aussi celui de l'Agneau (// Ap 15). Toute la liturgie est eucharistique, et c'est «dans notre remerciement que nous vivons notre salut. Ce n'est que par les sacrements, par la divine Eucharistie que l'Église vit la Rédemption du Christ. Impossible de dissocier le salut de la louange, l'acte par lequel Dieu nous sauve de l'acte qui nous fait l'acclamer et le louer; notre salut et notre louange ne font qu'une seule chose... (parce que) seule la réponse à l'Amour rend présent en nous l'Amour même qui sauve » (D. Barsotti : op. cit. 132).

Il est vrai que le caractère guerrier, violent, de cette hymne, étonnera peut-être, tout comme certains se scandalisent du ton vindicatif, atroce, des cantiques de Débora, ou de Judith, ou de la finale du Ps 137. Grégoire de Nysse l'a déjà expliqué, en en donnant l'interprétation chrétienne (Ex 14,28*). Cf. dans le Psautier chrétien, la Note 10, sur les malédictions et imprécations (m, 99-102), et le commentaire de B. Steidle sur le Ps 137 (iv 332-343 — avec références à la tradition patristique).

L'histoire du Salut, comme celle de la création elle-même, est un combat, où les Puissances du Mal qui essaient de contrecarrer le Dessein éternel se trouvent finalement vaincues par Dieu. Cf. Job, ou les Psaumes 74,12-17; 89,6-14, et surtout 118,10-18, qui est pascal. Nous n'aurions pas à être ’sauvés' si nous n'étions en péril. Que ce soit contre Pharaon, Nabuchodonosor, ou la Bête au service du Dragon et de Satan, Dieu doit intervenir fortement — même si le Nouveau Testament nous apprend que Dieu vainc en se faisant lui-même Agneau. C'est un exemple contre nos violences humaines ; mais c'est dire aussi qu'il s'agit bien d'une lutte à mort. Et qu'on ne parle pas de 'mentalité d'Ancien Testament': l'Apocalypse n'est pas plus tendre que l'Exode pour les armées du Malin! (Il y a d'ailleurs référence implicite d'Ex 15,5 en Ap 18,21, par le relais de Jr 51 Jr 63, c'est la finale même).

Origène: Hom 6 sur l'Exode (SC l6,146-148): Nous lisons dans les Ecritures divines que bien des cantiques furent composés; mais le premier de tous est ce cantique que chanta le peuple de Dieu après sa victoire, quand les Egyptiens et le Pharaon eurent été engloutis dans la mer. C'est l'habitude des saints, quand l adversaire est vaincu, de chanter à Dieu une hymne d'action de grâces, car ils savent que la victoire est due non à leur vertu, mais à la grâce de Dieu. Tout en chantant, ils prennent en mains le tambourin, comme on le rapporte de Marie, soeur de Moïse et d'Aaron.
Et toi, si tu passes la Mer Rouge, si tu vois les Égyptiens noyés dans la mer, et Pharaon précipité dans les profondeurs de l'abîme, tu peux, toi aussi, chanter à Dieu une hymne, tu peux prononcer des paroles d'action de grâces et dire: « Chantons le Seigneur, il s'est magnifiquement glorifié ! Il a jeté dans la mer le cheval et le cavalier! » Tu le diras mieux encore et plus dignement si tu tiens à la main le tambourin, c'est-à-dire si tu crucifies ta chair avec ses vices et ses convoitises, et si tu mortifies tes membres qui sont sur terre.
Examinons ce texte: Chantons le Seigneur: « Il s'est magnifiquement glorifié ». Comme s'il ne suffisait pas de dire « Il s'est glorifié », l'Écriture ajoute: « magnifiquement glorifié ». À vrai dire, il y a une différenceautant que je puis m'en rendre compte — entre « se glorifier » ou « se glorifier magnifiquement ». Car mon Seigneur Jésus-Christ, quand il prit chair de la Vierge Marie pour notre salut, se glorifia, certes, puisqu'il vint chercher ce qui avait péri; mais on ne peut dire qu'alors il se soit « magnifiquement glorifié », puisque le prophète dit de lui: « Nous l'avons vu, il n'avait plus ni apparence ni beauté, et son visage était méprisable pour les fils des hommes » (Is 53,2-3). Il se glorifia encore quand il fut élevé sur la croix et souffrit la mort. Veux-tu savoir s'il s'est alors glorifié? Il dit lui-même: « Père, l'heure vient, glorifie ton Fils pour que ton Fils te glorifie » (Jn 17,1). Même la passion de la Croix fut donc pour lui une gloire ; mais cette gloire n'était pas « magnifique », elle était humble. Et l’Apôtre dit du Christ: « Il s'est humilié jusqu'à la mort, la mort de la Croix » (Ph 2,8). Des prophètes avaient prédit: « Condamnons-le à la mort la plus honteuse » (Sg 2,20), et : « Son jugement fut exalté dans l'humilité » (Is 53,8). Donc en toutes ces occasions le Seigneur s'est glorifié, mais humblement pour ainsi dire — Il ne s'est pas alors magnifiquement glorifié. « Il fallait que le Christ souffrît tout cela, et entrât ainsi dans sa gloire » (Lc 24,26). Mais quand il viendra dans la gloire du Père et des anges saints, quand il viendra en majesté pour juger la terre, quand il tuera du souffle de sa bouche le véritable Pharaon qui est le diable, quand il resplendira dans la majesté de son Père, et qu'après son avènement dans l'humilité il nous manifestera son second avènement dans la gloire, alors nous pourrons dire non seulement que le Seigneur s'est glorifié, mais qu'il s'est magnifiquement glorifié: car tous rendront au Fils le même honneur qu'au Père.

Ex 15,10-11Magnifiques: C'est bien le même mot, pour les eaux vengeresses et la sainteté de Dieu. Il est l'Amour, mais aussi le Redoutable. Nous n'avons pas à choisir, ni à opposer : c'est tout à prendre ou à laisser, de Dieu tel que Lui-même se révèle.

Toi qui fais les merveilles : voilà donné au passage de la Mer son titre de « Mirabilia Dei ».

Ex 15,13-17Jusqu'à ta Demeure... ton peuple: Rappel du vrai terme de l'Exode: non pas tant la Terre promise que le Tabernacle, la Demeure de Dieu avec les hommes, par l'Alliance et le culte (cf. la fin de l'Introduction à l'Exode).

Origène: Op. cit. : « Tu as conduit dans ta justice ce peuple qui est tien et que tu as délivré. Tu l'as consolé dans ta force, dans ton saint repos ». Le Seigneur a conduit dans la justice son peuple qu'il a délivré par le bain de la régénération. Il l'a consolé par la consolation de l'Esprit Saint dans sa force et dans son repos. Car pour ceux qui peinent, l'espérance des biens futurs est un repos, de même que l'espoir de la couronne adoucit les blessures des athlètes.

Ex 15,16-19 — Origène: Ibid. : « Qu'ils deviennent comme une pierre tandis que passe ton peuple, Seigneur, tandis que passe ton peuple, celui que tu as racheté »... . Certains accusent le Dieu Créateur de sévérité; mais le texte ne dit pas simplement: « Qu'ils deviennent comme une pierre »; il précise aussitôt: «tandis que passe ton peuple, Seigneur» ...On demande encore comment Dieu a pu acquérir ce qui est sien (v. 16); écoute le prophète: « Pour vos péchés, vous avez été vendus ; pour vos iniquités, j’ai renvoyé votre mère » (Is 50,1). Tu vois bien que chacun de nous est vendu pour ses péchés. Nous appartenons à Dieu parce que nous sommes ses créatures, mais nous sommes devenus esclaves du diable parce que vendus pour nos péchés. Le Christ est venu et nous a rachetés: ainsi il nous a repris comme les siens qu'il avait créés, mais il nous a rachetés comme des étrangers qui étaient passés à un autre maître.

Oui, le Christ nous a rachetés parce qu'il a donné son sang comme paiement — mais le diable? Qu'avait-il donc payé, pour son marché? Écoute: La monnaie du diable c'est l'homicide, car il est homicide depuis le commencement (Jn 8,44). Si tu commets un homicide, tu reçois la monnaie du diable. L'adultère est encore la monnaie du diable. Hélas, je crains que même parmi ceux qui sont ici présents et que nous connaissons, il y en ait à qui le diable glisse cette monnaie...

« Conduis-les, plante-les sur la montagne de ton héritage ». Ne dirait-on pas qu'il s'agit d'enfants conduits à l'école? Ecoute comment Dieu plante :
« Tu transportas d'Egypte une vigne,
expulsas les nations pour la replanter.
Devant elle tu fis place nette;
tu enfouis ses racines, elle remplit la terre.
Son ombre couvrit les montagnes,
et ses pampres les cèdres de Dieu » (Ps 80,9-11).
Dieu plante sur les montagnes, sur les lieux élevés. Ceux qu'il a conduits à la foi, il veut que leur vie soit sublime.... jusqu’aux plus hauts cèdres de Dieu.

« ... dans ta Demeure que tu as préparée, ton temple bâti de tes mains ». Écoute encore saint Paul: « Vous êtes la culture de Dieu, vous êtes l'architecture de Dieu ». Quel est donc ce sanctuaire qui n'est pas fait de main d'homme, mais préparé par la main de Dieu? Le livre des Proverbes dit que « la Sagesse s'est bâti une maison »: j'estime que ceci doit s'entendre de l'Incarnation du Seigneur... car ce n'est pas de main d'homme que le temple de sa chair s'est édifié en la Vierge; mais comme l'avait dit le prophète Daniel, la pierre détachée sans qu'une main la touche est devenue une grande montagne: tel est le temple de la chair assumée par le Verbe, détachée de la substance humaine sans l'oeuvre de l'homme.

« Seigneur qui règnes dans les siècles des siècles et au-delà ». Ces mots: « et au-delà » ne laissent subsister aucune idée de limite...

« La cavalerie du Pharaon est entrée dans la mer avec ses chars et ses équipages, et le Seigneur a ramené sur eux les eaux de la mer. Mais les fils d'Israël marchèrent à pied sec au milieu de la mer ». Toi aussi, tu peux marcher à pied sec au milieu de la mer: Quiconque suit le Christ et marche sur ses traces, les eaux deviennent pour lui un mur protecteur à droite et à gauche. Il ne dévie pas, mais débouche enfin sur la liberté et chante l'hymne de victoire: « Chantez le Seigneur, il s'est glorifié magnifiquement ».

// Is 63,11-19 — Exemple, entre autres, du rappel de l'Exode comme espérance du Nouvel Exode, à venir avec la Pâque du Christ et l'Esprit de la Pentecôte:

Jérôme: Sur Isaïe 63 (PL 24,616): Le Seigneur — qui, de protecteur, devint un adversaire pour le peuple Juif, et les combattit parce qu'ils avaient provoqué à la colère son Esprit de Sainteté — le Seigneur lui-même se souvint des jours antiques: de ce jour où Moïse, dans le désert, pria pour eux disant: « Ou bien remets-leur ce péché, ou bien efface-moi du Livre que tu as écrit » (Ex 32)... Où est-il, ce Moïse, ce pasteur des brebis, qui tant peina, avec les autres pasteurs du troupeau? qui par sa prière obtint que l'Esprit de Dieu reposât dans le troupeau du Seigneur? Ou bien, devons-nous comprendre: Où est-elle, cette clémence du Seigneur, cette miséricorde si grande, qu'il daigna leur accorder même la grâce de l'Esprit Saint.

// Is 63,12 — Le bras de Dieu ’passe' par la main ou l'acte de Moïse, comme la Parole de Dieu ’passe' dans ce que redit son prophète. De même, saint Grégoire expliquera que si saint Benoît fut thaumaturge, c'est parce que la puissance du Christ’ passait’ par lui — ce qu'un chapiteau de Saint-Benoît-sur-Loire exprime en ne mettant qu'un seul bras, commun à Benoît et au Christ (qui apparaît entre lui et les religieuses miraculées): Nous sommes le corps et les membres du Christ.

// Is 43,16-19Qui lança en avant: c'est aussi le verbe 'sortir', même si, pour les Égyptiens, cette sortie sera catastrophique. Diversité des effets de l'unique Providence divine...

Ne vous attardez plus: au lieu de la traduction habituelle: « ne vous souvenez plus », qui serait contraire à la « loi du souvenir ». C'est plutôt le conseil des anges aux Apôtres, après l'Ascension: « Pourquoi rester à regarder» vers l'événement passé, alors qu'il sera jusqu'à la fin des temps comme un ’Aujourd'hui', un appel constant à vivre le mystère pascal. Israël sera ainsi dans un ’Entre-deux': entre premier et nouvel Exode, annoncé par les prophètes, réalisé dans le Christ. Et les chrétiens sont eux aussi dans un nouvel ‘Entre-deux’ : entre premier et dernier avènement du Christ.

Dans la steppe, des torrents : Peut se traduire aussi : dans la steppe, des sentiers (tob). Même si cela accentue le parallélisme avec le stique précédent, l'image des eaux jaillissantes est plus parlante encore, et complète mieux le sens, surtout si l'on met cette annonce du Nouvel Exode en // avec le premier, où l'on va bientôt voir jaillir l'eau dans le désert (Ex 17).


Bible chrétienne Pentat. 2200