Catena Aurea 6943

vv. 43-50

6943 Mc 9,43-50

Bède. Notre-Seigneur vient de nous recommander de ne point scandaliser ceux qui croient en lui; il nous avertit maintenant de nous tenir en garde contre ceux qui tenteraient de nous scandaliser, c'est-à-dire qui, par leurs paroles ou leurs exemples, nous pousseraient à notre ruine en nous faisant commettre le péché: «Si votre main est pour vous une occasion de péché, dit-il, coupez-la». - S. Chrys. (hom. 60 sur S. Matth). Ce n'est pas des membres de notre corps que le Sauveur veut parler ici, mais de nos amis intimes, qui nous sont aussi chers et aussi nécessaires que les membres de notre corps; rien de plus nuisible, en effet, qu'une liaison dangereuse. - Bède. Ce que le Sauveur appelle notre main, c'est notre intime ami dont tous les jours nous réclamons les bons offices. Si cet ami veut attenter à la vie de notre âme, brisons tous les liens qui nous attachent à lui, car si durant cette vie nous nous attachons à un méchant, nous périrons éternellement avec lui; c'est la vérité qu'expriment les paroles qui suivent: «Il vaut mieux pour vous entrer dans la vie ayant un membre de moins». - La Glose. Cet homme à qui il manque un membre, c'est celui qui est privé du secours d'un ami; il vaut mieux, sans avoir d'ami, jouir de la vie éternelle, que d'être précipité avec cet ami dans les flammes de l'enfer. - S. Jér. Ou bien il vaut mieux entrer dans la vie éternelle étant mutilé, c'est-à-dire sans ce pouvoir, objet de vos désirs ambitieux, que d'être précipité avec vos deux mains dans le feu éternel. Le pouvoir a deux mains, l'humilité et l'orgueil; retranchez celle de l'orgueil, et ne vous réservez que celle d'une autorité humble et modeste.

S. Chrys. Le Sauveur cite à l'appui ce témoignage du prophète Isaïe (Is 66,24): «Où le ver qui les ronge ne meurt point, où le feu ne s'éteint jamais». Ce ver n'est pas un ver extérieur et sensible; c'est la conscience qui déchire l'âme coupable, parce qu'elle n'a point fait le bien. Chacun sera alors son propre accusateur, par le souvenir de ce qu'il aura fait pendant sa vie; c'est en ce sens que le ver ne meurt point. - Bède. Le ver, c'est la douleur poignante qui accuse au-dedans; le feu, c'est le supplice qui tourmente au dehors. Ou bien on peut voir dans le ver la pourriture de l'enfer, et dans le feu son ardeur dévorante. - S. Aug. (Cité de Dieu, 21, 9). Ceux qui prétendent que le feu et le ver désignent seulement le châtiment particulier de l'âme et non celui du corps, disent que les réprouvés séparés de Dieu sont brûlés par la douleur à laquelle est en proie une âme qui ressent un repentir tardif et infructueux; cette douleur intérieure, disent-ils, est parfaitement représentée par le feu, selon les paroles de l'Apôtre (2Co 11,29): «Qui est scandalisé sans que je brûle ?» et par le ver, d'après ces paroles des Proverbes: «Comme la teigne dévore les vêtements et le ver le bois, de même le chagrin déchire le coeur de l'homme» (Pr 25,20). Ceux qui soutiennent qu'il y a dans l'enfer un supplice pour l'âme, et un autre pour le corps, disent que le feu est la peine du corps, et que celle de l'âme est la douleur qui est semblable à un ver qui ronge. Cette interprétation est plus vraisemblable; car il serait absurde de prétendre que dans l'enfer le corps ou l'âme seront exempts de souffrances. Cependant j'aime mieux penser que ces deux peines se rapportent au corps, plutôt que de soutenir qu'on ne peut lui faire application ni de l'une, ni de l'autre. Donc dans ces paroles de l'Évangile, il n'est pas question du supplice de l'âme; on le déduit seulement comme conséquence, le corps ne pouvant souffrir sans que l'âme elle-même soit soumise à la douleur. Que chacun adopte l'interprétation qui lui paraît la plus probable; qu'il dise que le feu est le supplice du corps, et le ver celui de l'âme, en conservant au feu son sens naturel, et prenant le ver dans un sens figuré; ou bien qu'il applique au corps l'un et l'autre supplice. Car la toute-puissance du Créateur peut permettre miraculeusement que les êtres animés vivent dans le feu, qu'ils brûlent sans se consumer, qu'ils y souffrent sans mourir.

«Et si votre pied vous scandalise, coupez-le», etc. - Bède. Le pied figure un ami, parce qu'il nous sert pour marcher et qu'il n'existe que pour notre utilité. «Et si votre oeil vous scandalise», etc. L'oeil aussi représente un ami utile, vigilant, habile à découvrir les moindres dangers. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 4, 6). Une vérité ressort de ces paroles, c'est que souvent des hommes dévoués au nom chrétien, avant même d'appartenir à la grande famille chrétienne, rendent plus de services que d'autres qui, portant le titre de chrétiens et nourris des sacrements de l'Eglise, donnent cependant de si mauvais conseils qu'ils entraînent avec eux dans la damnation éternelle ceux qui ont le malheur de les écouter. Ce sont ces hommes que Notre-Seigneur compare aux membres du corps, à la main ou à l'oeil qui scandalisent; il veut que ces hommes soient impitoyablement retranchés du corps, c'est-à-dire de l'unité de l'Eglise, de sorte que nous entrions sans eux dans la vie, au lieu d'être précipités avec eux dans la mort éternelle. Les retrancher du corps, c'est refuser son assentiment à leurs mauvais conseil, c'est-à-dire à leurs scandales. Si leur perversion vient à se manifester aux âmes fidèles avec qui ils sont en relation, il faut briser tout lien avec eux et les exclure de la participation aux sacrements. Si au contraire ils ne sont connus que d'un petit nombre, si le plus grand nombre ignore leurs dispositions criminelles, il faut les tolérer avec patience, mais sans participer en rien à leur vie criminelle, et d'un autre côté, sans sacrifier pour eux la communion avec les bons.

Bède. Notre-Seigneur, qui vient trois fois de suite de parler de ver et de feu, pour nous déterminer à éviter ce terrible supplice, ajoute: «Tout homme sera salé par le feu». Le ver naît de la corruption de la chair et du sang; aussi sale-t-on la chair des animaux qu'on vient de tuer, afin que le sang étant absorbé, elle ne puisse produire de vers. Aussi tout ce qui est salé est à l'abri de la putréfaction. Mais ce qui est salé par le feu, c'est-à-dire couvert de feux assaisonnés de sel, non seulement éloigne les vers, mais consume la chair elle-même. La chair et le sang produisent donc les vers, en ce sens que la volupté charnelle qui n'est pas repoussée par l'assaisonnement de la chasteté produit pour les impudiques la corruption éternelle. Voulez-vous éviter la puanteur de cette corruption? Assaisonnez les membres de votre corps du sel de la continence, et que le sel de la sagesse préserve votre âme de toute souillure d'erreurs ou de vices; car le sel signifie la douceur de la sagesse, et le feu la grâce du Saint-Esprit. Ces paroles: «Tout homme sera salé par le feu», signifient donc que tout élu doit se préserver par la sagesse spirituelle de la corruption de la concupiscence charnelle. Ou bien il s'agit ici du feu de la tribulation qui aide le juste à perfectionner ses oeuvres par la patience (Jc 3,3).

S. Chrys. Ces paroles ont quelque analogie avec celle de saint Paul: «Le feu éprouvera l'ouvrage de chacun» (1Co 3,13). Les paroles qui suivent sont tirées du Lévitique: «Et toute victime sera assaisonnée de sel» (Lv 2,13). - S. Jér. La victime du Seigneur, c'est le genre humain tout entier; ici-bas, il est assaisonné du sel de la sagesse, jusqu'à ce que la corruption du sang (qui conserve la pourriture et engendre les vers) soit détruite et qu'il soit purifié dans l'autre monde par les flammes du purgatoire. - Bède. Nous pouvons encore considérer le coeur des élus comme l'autel de Dieu; les hosties et les sacrifices qui doivent être offerts sur cet autel sont les bonnes oeuvres des fidèles. Le sel doit entrer dans tous les sacrifices, c'est-à-dire qu'aucune oeuvre n'est parfaitement bonne, si le sel de la sagesse ne l'a purifiée de la corruption de la vaine gloire ou des autres pensées mauvaises ou inutiles. - S. Chrys. Ou bien ces paroles signifient que toute victime que nous offrons, soit la prière adressée à Dieu, soit l'aumône faite au prochain doit être salée de ce feu divin, dont le Sauveur a dit: «Je suis venu apporter le feu sur la terre» (Lc 12,49). Il ajoute: «Le sel est bon», c'est-à-dire le feu de l'amour divin; mais si le sel s'affadit, c'est-à-dire s'il perd la saveur qui lui est propre, et à laquelle il doit d'être bon, comment lui rendrez-vous cette saveur? Il y a en effet des sels qui ont de la saveur, image des âmes qui possèdent la plénitude de la grâce; et il y a des sels fades, qui figurent les âmes où ne règne pas l'amour de la paix.

Bède. Ou bien le sel est bon, c'est-à-dire il est bon d'entendre fréquemment la parole de Dieu et de préserver les secrets de son coeur à l'aide du sel de la sagesse spirituelle. - Théophyl. Comme le sel conserve les chairs et empêche les vers de s'engendrer; ainsi la parole de celui qui enseigne, si elle a la puissance de dessécher les mauvaises humeurs, réprime les convoitises des hommes charnels, et empêche ce ver qui ronge éternellement de s'engendrer au fond de leur coeur. Mais si cette parole est fade, c'est-à-dire si elle n'a pas la puissance de dessécher et de conserver, où est le sel qui donnera l'assaisonnement? - S. Chrys. Ou bien, selon saint Matthieu, ce sont les Apôtres de Jésus-Christ qui sont le sel de la terre, en la préservant de la pourriture qu'y introduit l'idolâtrie et la corruption du péché. On peut encore entendre ces paroles en ce sens que chacun de nous est un sel dans la mesure de grâces qu'il reçoit. Aussi l'Apôtre unit-il la grâce et le sel, quand il dit: «Que vos paroles soit assaisonnées de sel dans la grâce de Dieu» (Col 4,6). Enfin, Jésus-Christ est lui même un sel; il a pu préserver la terre entière et produire même un grand nombre d'autres sels; ceux de ces sels qui viendraient à se corrompre (car des sels bons aujourd'hui peuvent changer et devenir eux-mêmes des germes de pourriture), il faut les jeter dehors. - S. Jér. Ou bien le sel affadi, c'est l'homme qui aime l'exercice du pouvoir, et qui n'ose réprimander le vice. Aussi le Sauveur dit-il: «Conservez en vous le sel», etc., de manière que l'amour du prochain tempère l'amertume de la correction, et qu'il soit lui-même assaisonné par le sel de la justice. - S. Grég. (sur Ezéchiel). Ou bien le divin Maître a ici en vue ces hommes qui, élevés au-dessus de leurs frères par une science plus profonde, se séparent de leur société, et qui s'éloignent d'autant plus de la vertu de charité qu'ils font de plus grands progrès dans la science. - S. Grég. (Pastoral). Celui qui vient parler le langage de la science doit veiller soigneusement à ce que ses paroles ne brisent pas l'unité parmi les auditeurs, et à ne pas rompre imprudemment ce lien de l'unité en prétendant à la réputation de savant. - Théophyl. Ou bien encore, celui qui s'attache au prochain par le lien de la charité a le sel recommandé par le Sauveur et par conséquent la paix avec son frère. - S. Aug. (De l'acc. des Evang. 4, 6). Saint Marc rapporte toutes ces paroles de Notre-Seigneur comme ayant été dites sans interruption les unes après les autres; il en rapporte quelques-unes qu'on ne trouve dans aucun des trois autres Évangélistes, d'autres qui sont rapportées soit par saint Matthieu, soit par saint Luc, mais dans des circonstances différentes et dans un tout autre ordre. Je pense donc que Notre-Seigneur renouvelle ici les recommandations qu'il avait faites dans d'autres circonstances, parce qu'elles se rapportaient parfaitement à la défense qu'il venait de faire à ses disciples, de ne point empêcher un homme qui ne marchait pas avec eux à sa suite de faire des miracles en son nom.



CHAPITRE X


vv. 1-12

7001 Mc 10,1-12

Bède. Jusqu'ici saint Marc a rapporté les actions et les enseignements du Sauveur dans la Galilée; il va maintenant nous présenter le récit de ce qu'il a fait, enseigné et souffert dans la Judée: d'abord, au-delà du Jourdain à l'Orient: «Et Jésus étant parti de ce lieu, se dirigea vers les confins de la Judée», etc. Puis en deçà du Jourdain, à Jéricho, à Béthanie, à Jérusalem. Tout le pays habité par les Juifs, porte le nom général de Judée, nom qui le distingue des nations voisines; mais on donne spécialement le nom de Judée à la partie méridionale de ce pays, pour la distinguer de la Samarie, de la Galilée, de la Décapole, et des autres provinces du même royaume. - Théophyl. Jésus-Christ visite la Judée, dont il s'était souvent éloigné à cause de la jalousie des Juifs, parce que c'est là que sa passion devait s'accomplir. Cependant il ne s'avance pas encore jusqu'à Jérusalem, mais il demeure sur les confins, pour utiliser son ministère en faveur du peuple simple et sans malice, tandis que la malveillance des Juifs faisait de Jérusalem un centre de complots criminels. «Et le peuple, dit l'Évangéliste, s'assembla autour de lui», etc.

Bède. Remarquez comme le peuple et les pharisiens sont animés d'intentions différentes; le peuple s'assemble pour recueillir l'enseignement, et obtenir la guérison de ses malades, comme nous le rapporte saint Matthieu (Mt 19,2); les pharisiens s'approchent du Sauveur pour le tenter et le perdre. «Les pharisiens s'approchant», etc. - Théophyl. Les pharisiens n'ont garde de s'éloigner de Jésus, dans la crainte que le peuple ne croie en lui; ils l'entourent continuellement, persuadés qu'ils viendront à bout de l'embarrasser et de le confondre par leurs questions. Celle qu'ils lui font en ce moment, cache un double piége. Que le Sauveur réponde qu'il est permis ou qu'il est défendu à un homme marié de renvoyer sa femme, ils ont à lui opposer un texte de la loi de Moïse, qui le contredit et le condamne. Mais Jésus, qui est la sagesse même, leur fait une réponse qui échappe aux filets dans lesquels ils veulent le faire tomber. - S. Chrys. (hom. 63 sur S. Matth). A cette question: «Est-il permis ?» Il ne répond pas aussitôt, non, cela n'est pas permis; ce qui aurait amené de l'agitation parmi eux, mais il veut leur opposer d'abord le texte de la loi, afin de les forcer à donner eux-mêmes la réponse qu'il se disposait à leur faire. «Il leur répondit: Que vous a ordonné Moïse? Moïse, disent-ils, a permis à l'homme de renvoyer sa femme, en lui donnant un écrit de répudiation». Ils apportent cette permission donnée par Moïse, ou à cause de la question du Sauveur, ou pour soulever contre lui la colère de la multitude; car les Juifs regardaient ce point comme indifférent, et rien n'était plus ordinaire parmi eux que cette conduite qu'ils croyaient autorisée par la loi.

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 62). Peu importe à la vérité, que ce soit les Juifs qui, comme le rapporte saint Matthieu (Mt 19), entendant le Sauveur proclamer l'indissolubilité du mariage, et appuyer sa décision sur le texte même de la loi, l'aient interrogé sur l'écrit de répudiation autorisé par Moïse; ou bien qu'il les ait amenés lui-même à lui faire cette réponse en les questionnant sur cet acte de répudiation, comme le dit saint Marc. L'intention du divin Maître était de n'expliquer l'autorisation accordée par Moïse, qu'après que les Juifs auraient d'eux-mêmes cité ce texte de la loi. Dès lors que les deux Évangélistes nous ont également fait connaître l'intention des personnes (intention qui doit déterminer le sens des paroles), peu importe une variante dans la manière de s'exprimer. On peut dire d'ailleurs avec saint Marc, que les Juifs commencèrent par demander au Sauveur s'il est permis de renvoyer son épouse, et qu'il leur demande à son tour ce que Moïse leur a ordonné; sur la réponse qu'ils lui font, que Moïse le permettait en donnant un acte de répudiation, Notre-Seigneur leur répond, comme le rapporte saint Matthieu (Mt 19,4), en leur rappelant la loi donnée par Moïse, où l'on voit l'institution divine de l'union de l'homme et de la femme; et c'est après cette réponse du Sauveur, qu'ils seraient revenus à leur première question, et lui auraient demandé: «Quel est donc le sens de l'autorisation donnée par Moïse».

S. Aug. (contre Fauste, 19, 26). Certes, il était loin d'approuver le divorce, le législateur qui réprimait la fougue d'un esprit trop prompt à désirer la séparation par la sage lenteur que demande la rédaction d'un acte; car chez les Hébreux, les scribes seuls avaient le droit d'écrire l'hébreu. C'était donc devant ces sages interprètes de la loi, à qui il appartenait de dissuader d'une séparation trop peu fondée, que devait se présenter celui à qui la loi ne permettait de renvoyer sa femme qu'en lui donnant un acte de répudiation. Ceux qui pouvaient seuls rédiger cet acte, trouvaient dans la nécessité où on était de recourir à leur ministère, une occasion de donner un conseil utile, et de travailler à rétablir entre l'homme et la femme l'affection et la concorde. Si la haine était si forte, qu'il fut impossible de l'éteindre ou de l'apaiser, l'acte était rédigé, la loi jugeant que la séparation était devenue nécessaire, puisque la haine avait atteint un degré qui ne permettait pas aux conseils de la sagesse de rappeler les époux aux sentiments d'affection qu'ils se doivent mutuellement. Voilà pourquoi le Sauveur répond: «C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse a fait cette ordonnance». Quelle dureté, en effet, que celle qui ne se laissait ni vaincre ni adoucir, soit par les difficultés de cet acte, soit par les conseils des hommes justes et sages, qui cherchaient à faire renaître ou à réveiller dans ce coeur l'affection conjugale? - S. Chrys. Ou bien ces paroles: «A cause de la dureté de votre coeur», signifient qu'une âme libre de toute colère et de désirs mauvais, serait capable de supporter la femme la plus méchante; mais si ces passions viennent à se développer et à exercer leur empire dans l'âme, elles deviendront le germe d'une infinité de maux, qui rendront souverainement odieux tout rapport entre les époux. Cette réponse justifie Moïse, qui leur avait donné cette loi et retourne contre eux l'accusation qu'ils semblaient porter contre lui. Mais comme l'explication que le Sauveur venait de donner, pouvait leur paraître sévère, il ramène leur attention sur la loi qui fut donnée dès l'origine. «Au commencement que le monde fut créé, Dieu forma un homme et une femme». - Bède. Il ne dit pas un seul homme et plusieurs femmes, ce qui était le but et la fin du divorce, mais «un seul homme et une seule femme», pour exprimer l'unité du lien conjugal. - S. Chrys. (hom. 62 sur S. Matth). Si l'intention de Dieu eût été que l'homme put renvoyer sa femme pour en épouser une autre, il aurait créé plusieurs femmes en même temps qu'un seul homme. Mais au contraire, non seulement Dieu unit l'homme à une seule femme, mais il veut que, pour s'attacher plus complètement à elle, il abandonne même les auteurs de ses jours: «L'homme abandonnera son père et sa mère, dit Dieu par la bouche d'Adam, et il s'attachera à son épouse»; cette expression, «il s'attachera», indique assez nettement l'indissolubilité du mariage. - Bède. Il faut dire la même chose de l'expression suivante, «il s'attachera à son épouse» et non à ses épouses.

«Et ils seront deux dans une seule chair». - S. Chrys. (hom. 62). C'est-à-dire, que, sortis d'une même racine, ils ne feront qu'un même corps. «C'est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule chair». - Bède. La gloire et le bonheur du mariage est de faire de deux personnes une même chair; et l'union de l'esprit avec un corps chaste, produit l'unité de l'esprit.

S. Chrys. (Ibid). Notre-Seigneur tire enfin de ce qu'il vient de dire cette redoutable conclusion. Il ne dit pas seulement: «Ne séparez pas», mais «que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni». - S. Aug. (contre Fauste, 19, 29). Les Juifs, en usant de la faculté du divorce, prétendaient s'appuyer sur l'autorisation donnée par Moïse; et le Sauveur leur démontre que, d'après les livres de Moïse, l'homme ne doit point se séparer de sa femme. C'est ainsi que nous aussi, chrétiens, nous apprenons par le témoignage de Jésus-Christ lui-même, que c'est Dieu qui a créé et uni l'homme et la femme. Les Manichéens, qui ont nié cette vérité, sont condamnés, non seulement par les livres de Moïse, mais par l'Évangile lui-même. - Bède. Il n'appartient donc pas à l'homme de séparer l'homme de la femme; c'est le droit de Dieu seul (1Co 7,10), qui les avait unis lui-même, en ne faisant de l'homme et de la femme qu'une seule chair. Quand l'homme abandonne sa première femme, par le seul désir d'en épouser une autre, c'est lui-même qui fait la séparation; mais c'est Dieu qui en est l'auteur, lorsque cette séparation consentie (1Co 7,5) n'a pour motif que le désir de mieux servir le Seigneur, en ayant une femme comme n'en ayant pas (1Co 7,29). - S. Chrys. Si c'est un crime de séparer les deux créatures que Dieu lui-même a unies, c'en est un beaucoup plus grand de chercher à séparer l'Eglise de Jésus-Christ, à qui Dieu l'a unie.

Théophyl. La réponse de Jésus-Christ aux pharisiens n'a pas résolu complètement les doutes des disciples, aussi l'interrogent-ils à leur tour: «Ses disciples l'interrogèrent encore dans la maison sur le même objet». - S. Jér. L'Évangéliste dit que les Apôtres l'interrogèrent une seconde fois, parce que leur question n'est que la répétition de celle des pharisiens, et qu'elle a pour objet l'état du mariage. Et cette répétition n'est pas inutile; car la réponse que renouvelle le Verbe, loin de produire l'ennui, est un nouveau stimulant pour la faim et la soif. «Ceux qui me mangent, auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif» (Qo 24,29). Quand une âme a une fois goûté les enseignements de la sagesse, plus doux que le miel, son amour fait qu'elle y trouve une saveur délicieuse. Aussi le Sauveur s'empresse-t-il de renouveler l'instruction qu'il vient de donner: «Quiconque renvoie sa femme pour en épouser une autre, commet un adultère à son égard». - S. Chrys. Habiter avec une femme qui n'est pas la sienne, voilà ce que le Sauveur appelle un adultère; cette seconde femme ne peut être la sienne après qu'il a abandonné la première; il commet donc le crime d'adultère avec elle, c'est-à-dire, avec la seconde; il en est de même de la femme à l'égard de son mari. Et si la femme se sépare de son mari et en épouse un autre, elle devient adultère. Séparée de son mari, elle ne peut donner ce nom à un autre homme, auquel elle s'unit. La loi avait défendu l'adultère public, mais le Sauveur proclame que tout adultère, ne fût-il ni public, ni connu d'un grand nombre de personnes, est contraire à la loi naturelle.

Bède. Saint Matthieu est plus explicite encore: «Quiconque abandonnera sa femme, hors le cas de fornication» (Mt 19,9) La séparation ne peut donc avoir lieu que pour deux causes; la fornication, c'est la raison charnelle, ou la crainte de Dieu, c'est le motif spirituel qui en a déterminé un grand nombre à une séparation mutuelle. Mais aucun motif approuvé de Dieu ne peut autoriser un homme à s'unir à une autre femme, tant que vit la première.

S. Chrys. Saint Matthieu, en disant que Notre-Seigneur donna ces enseignements aux pharisiens, ne contredit pas saint Marc, qui rapporte qu'ils furent donnés aux disciples, car ils ont très bien pu être donnés aux uns d'abord, et ensuite aux autres.


vv. 13-16

7013 Mc 10,13-16


Théophyl. Après nous avoir fait connaître la malice des pharisiens qui tentaient le Sauveur, l'Évangéliste nous montre la foi vive de la multitude, persuadée que par la seule imposition des mains, Jésus-Christ attirerait les bénédictions sur les enfants qu'ils lui présentaient. «Alors on lui présenta de petits enfants, afin qu'il les touchât». - S. Chrys. (hom. 63 sur S. Matth). Les disciples repoussaient ceux qui présentaient ces enfants, par égard pour la dignité de Jésus-Christ. «Les disciples repoussaient par de rudes paroles ceux qui les lui présentaient». Mais le Sauveur voulant enseigner à ses disciples à fuir toute pensée d'orgueil, et à fouler aux pieds toute hauteur mondaine, accueille ces petits enfants, et déclare que le royaume des cieux leur appartient: «Et il leur dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez point», etc. - Orig. (Traité 1 sur S. Matth). Si un disciple qui fait profession de la foi catholique, voit qu'on offre au Sauveur ceux que le monde considère comme des insensés, des hommes ignorés et misérables qui sont appelés pour cette raison de petits enfants, qu'il se garde bien de s'y opposer en accusant d'indiscrétion ceux qui veulent les présenter au Sauveur. Puis il exhorte ses disciples qui sont déjà des hommes faits à condescendre à tout ce qui peut être utile aux enfants, à se faire enfants avec les enfants pour les gagner à Dieu (1Co 9,22), à l'exemple de celui qui étant Dieu lui-même, s'est humilié jusqu'à se faire enfant. «Car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent». - S. Chrys. (hom. 62). En effet, l'âme de l'enfant est libre de toute passion, et nous devons faire par le travail de la volonté ce qu'il fait en suivant l'impulsion de la nature. - Théophyl. Aussi ne dit-il pas: «Le royaume des cieux leur appartient», mais «il appartient à ceux qui leur ressemblent», c'est-à-dire, à ceux qui par des efforts constants parviennent à l'innocence et à la simplicité que les enfants ont par nature. L'enfant n'a point de haine, il agit sans malice, châtié par sa mère il revient près d'elle, il préfère aux vêtements des rois les habits grossiers dont elle le couvre; ainsi, le chrétien docile aux inspirations de l'Eglise, sa mère, ne met rien au-dessus d'elle, pas même la volupté, cette reine, qui en asservit un si grand nombre. «Je vous le dis en vérité, ajoute le Sauveur, quiconque ne recevra point le royaume de Dieu, comme un petit enfant, n'y entrera point». - Bède. C'est-à-dire, si vous n'avez point l'innocence et la pureté de coeur d'un enfant, vous ne pourrez entrer dans le royaume de Dieu. Dans un autre sens, Notre-Seigneur nous commande de recevoir comme un enfant le royaume de Dieu, c'est-à-dire, la doctrine de l'Évangile. Voyez l'enfant qui apprend, il ne contredit pas l'enseignement de ses maîtres, il ne cherche ni raison ni discours pour leur résister, mais il reçoit avec docilité leurs leçons, et leur obéit avec respect. Ainsi devons-nous recevoir la parole de Dieu en lui obéissant avec simplicité et sans résistance.

«Et les ayant embrassés il les bénit en leur imposant les mains». - S. Chrys. Admirez comme il les embrasse pour les bénir; il semble dans sa bonté vouloir ramener jusque dans son sein sa créature qui s'en était séparée dès le commencement par sa chute; il impose les mains aux enfants, comme signe de l'action de la puissance divine. La coutume d'imposer les mains existait avant lui, mais jamais elle n'avait eu l'efficacité que le Sauveur lui communique. Car il était Dieu, mais comme homme, il se conformait aux actions extérieures en usage parmi les hommes. - Bède. Il embrasse et bénit les enfants pour nous apprendre que c'est sur les humbles d'esprit qu'il se plaît à verser sa bénédiction, sa grâce et son amour.



vv. 17-27

7017 Mc 10,17-27

Bède. Ce jeune homme avait entendu le Seigneur déclarer que ceux-là seuls seront dignes d'entrer dans le royaume des cieux, qui travaillent à ressembler aux petits enfants, il demande donc qu'on lui explique, non plus en paraboles, mais en termes précis quelles sont les oeuvres méritoires de la vie éternelle. «Comme il sortait pour se mettre en chemin, une personne accourut, et se jetant à genoux devant lui, dit: Bon maître, que dois-je faire, je vous prie, pour acquérir la vie éternelle ?» - Théophyl. J'admire ce jeune homme, qui, tandis que tous les autres ne viennent trouver le Seigneur que pour la guérison de leurs maladies, ne lui demande que la possession de la vie éternelle, malgré la pernicieuse passion de l'avarice qui, tout à l'heure, le jettera dans la tristesse.

S. Chrys. (hom. 63). Ce jeune homme interroge le Sauveur comme s'il n'était qu'un homme ordinaire et un des docteurs des Juifs; aussi Jésus-Christ ne lui répond que comme un homme. «Jésus lui répondit: Pourquoi m'appelez-vous bon, il n'y a que Dieu seul qui soit bon». En parlant de la sorte, il ne prétend pas que les hommes ne puissent être bons, mais que leur bonté est nulle en comparaison de celle de Dieu. - Bède. Ce Dieu qui seul est bon, ce n'est pas seulement le Père, mais le Fils qui a dit de lui-même: «Je suis le bon Pasteur» (Jn 10,11), et le Saint-Esprit, dont le Fils a dit: «Le Père enverra du haut des cieux le bon Esprit à ceux qui le demanderont» (Lc 11,13). La Trinité une et indivisible, le Père, le Fils, le Saint-Esprit, sont un seul et unique Dieu bon. Notre-Seigneur ne nie donc point qu'il soit bon, mais il indique qu'il est Dieu; il ne nie pas qu'il soit bon maître, mais il affirme que sans Dieu, nul ne peut être bon maître. - Théophyl. Notre-Seigneur, par ces paroles, voulait élever les pensées de ce jeune homme jusqu'à le reconnaître pour Dieu. Elles renferment encore une autre leçon, c'est, lorsque vous devez conférer avec une personne, de vous garder de toute flatterie, et de tenir les yeux fixés sur Dieu, racine et source de toute bonté, et de lui rendre l'honneur qui lui est dû.

Bède. La fidélité aux prescriptions de la loi donnait droit, non seulement aux biens de la terre comme récompense, mais à la vie éternelle. Aussi, à ce jeune homme qui lui demande les conditions de la vie éternelle, Jésus répond: «Vous connaissez les commandements: Vous ne commettrez point d'adultère, vous ne tuerez point», etc. Voilà cette innocence de l'enfant que nous devons imiter si nous voulons entrer dans le royaume de Dieu. «Ce jeune homme lui répondit: Maître, j'ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse». Ne supposons pas, comme quelques-uns, que ce jeune homme ait voulu tenter le Seigneur, ou qu'il ait exagéré le mérite de sa vie. Non, il a dit simplement ce qu'elle avait été, comme le prouve ce qui suit: «Jésus le regardant l'aima», etc. Or, s'il eût été coupable de mensonge ou de dissimulation, comment Jésus, le scrutateur des coeurs, aurait-il pu l'aimer? - Orig. L'affection que Jésus témoigna à ce jeune homme par le baiser qu'il lui donna atteste la vérité de ce qu'il venait de dire de sa fidélité à garder tous les commandements. Jésus pénétrant dans son âme en vertu de sa science divine, vit que ce témoignage ne pouvait sortir que d'une bonne conscience.

S. Chrys. Il n'est pas sans intérêt d'examiner comment Jésus a pu aimer un homme qui ne devait pas le suivre. Or, voici ce que l'on peut dire: quant à la première partie de sa vie où il avait observé toute la loi dès sa jeunesse, il était digne de l'amour du Sauveur; dans la seconde, il n'a point, il est vrai, embrassé la voie de la perfection, mais il n'a point mérité non plus de voir diminuer l'affection que Jésus lui avait témoignée. Il n'a point dépassé les limites de la faiblesse humaine en refusant de suivre Jésus-Christ, mais il ne s'est rendu coupable d'aucun crime, il a été fidèle observateur de la loi selon la mesure ordinaire, et c'est cette fidélité qui l'a rendu digne de l'amour de Jésus-Christ. - Bède. En effet, le Seigneur aime ceux qui accomplissent fidèlement les commandements de la loi, qui ne sont cependant que le moindre degré de la perfection, mais il ne laisse pas de montrer l'insuffisance de la loi pour ceux qui aspirent à la perfection, car il n'est pas venu détruire la loi, mais l'accomplir (Mt 5,17). «Et Jésus lui dit: Il vous manque encore une chose: Allez, vendez toute ce que vous avez, donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et suivez moi». Car tout homme qui veut être parfait, doit vendre ce qu'il possède, non pas en partie, comme Ananie et Sapphire, mais en totalité. - Théophyl. Et lorsqu'il aura fait cette vente, il doit en distribuer le produit aux pauvres, et non pas aux histrions et aux débauchés.

S. Chrys. (hom. 63 sur S. Matth). Ce n'est pas sans dessein que Notre-Seigneur promet à ce jeune homme, non la vie éternelle, mais un trésor: «Et vous aurez un trésor dans le ciel». Il vient de lui parler du renoncement aux richesses et à tout ce qu'il possède, il lui apprend que les récompenses promises à ceux qui auront pratiqué ce renoncement, seront aussi élevées au-dessus des biens qu'ils auront quittés, que le ciel l'est au-dessus de la terre. - Théophyl. Mais comme parmi les pauvres, il en est qui sont dominés par l'orgueil, par l'intempérance, ou par quelque autre inclination vicieuse, Notre-Seigneur ajoute: «Puis venez et suivez-moi». - Bède. Suivre Notre-Seigneur, c'est l'imiter et marcher sur ses traces.

«Mais ce jeune homme, affligé de ces paroles, s'en alla tout triste». - S. Chrys. L'Évangéliste nous fait connaître la cause de sa tristesse: «Car il avait de grands biens». En effet, les dispositions de notre coeur sont différentes suivant que nous avons beaucoup ou peu de biens; ajouter sans cesse de nouvelles richesses à celles qu'on possède déjà, c'est développer dans son coeur l'ardeur de la convoitise.

«Alors Jésus jetant ses regards autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans le royaume des cieux !» - Théophyl. Il ne dit pas que les richesses soient mauvaises en elles-mêmes, mais ceux-là seuls sont mauvais qui ne les possèdent que pour les conserver. Car dans les desseins de Dieu, les richesses ne nous sont point données pour les garder et les conserver, mais pour les utiliser dans nos besoins et les faire servir à notre usage. - S. Chrys. Or, Notre-Seigneur tient ce langage à ses disciples, qui étaient pauvres et dénués de tout, pour leur apprendre à ne pas rougir de leur pauvreté, et comme pour s'excuser à leurs yeux de l'indigence où il les laisse. «Et les disciples étaient tout étonnés de ce discours». Il est évident que pauvres qu'ils étaient, ils n'étaient affectés que ce qui intéressait le salut des autres.

Bède. Cependant, il y a une grande différence entre la possession et l'amour des richesses; aussi Salomon ne dit pas: «Celui qui possède», mais «celui qui aime les richesses, n'en retirera aucun fruit» (Qo 5,9). C'est pour la même raison que Jésus explique à ses disciples étonnés le sens de la maxime qu'il vient d'émettre: «Et Jésus ajouta: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui mettent leur confiance dans les richesses d'entrer dans le royaume de Dieu !» Remarquez qu'il ne dit pas: Qu'il est impossible ! mais «qu'il est difficile !» Car ce qui est impossible ne peut se faire en aucune façon, tandis que par de grands efforts, on peut triompher de toute difficulté. - S. Chrys. Ou peut dire aussi que cette difficulté est ici une véritable impossibilité; une impossibilité qui n'est pas ordinaire et dont il fait ressortir la grandeur par la comparaison suivante: «Il est plus aisé qu'un chameau passe par le chas d'une aiguille, qu'il ne l'est à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu». - Théophyl. Par chameau, il faut entendre, ou l'animal qui porte ce nom, ou ce gros câble dont on fait usage pour les grands navires. - Bède. Comment donc voyons-nous, soit dans l'Évangile, Matthieu, Zachée, Joseph d'Arimathie; soit dans l'Ancien Testament, un si grand nombre de riches qui ont entré dans le royaume de Dieu? C'est que l'inspiration divine leur avait appris à compter pour rien leurs richesses, ou même à les abandonner entièrement. Dans un sens plus élevé, il est plus facile à Jésus-Christ de souffrir pour ses amis, qu'aux amateurs du siècle de se convertir à Jésus-Christ. C'est lui que nous devons voir sous l'emblème de ce chameau, parce qu'il a voulu porter sur lui le fardeau de nos péchés. L'aiguille signifie les traits perçants, c'est-à-dire, les douleurs aiguës de sa passion. Le trou de cette aiguille, ce sont les angoisses de sa passion dont il s'est servi pour remettre à neuf les vêtements usés de notre vieille nature: «Ils furent remplis d'un étonnement beaucoup plus grand, et ils se disaient l'un à l'autre: Qui peut donc être sauvé ?» Comme le nombre des pauvres qui peuvent être sauvés est incomparablement plus grand que celui des riches qui se perdent, il est évident que dans la pensée des Apôtres, il faut mettre au nombre des riches, tous ceux qui aiment les richesses, bien qu'ils ne puissent les acquérir. «Mais Jésus les regardant leur dit: Cela est impossible aux hommes, mais non pas à Dieu». Ce qui ne veut pas dire que les avares et les orgueilleux puissent entrer dans le royaume des cieux avec leur avarice et leur orgueil; mais Dieu peut les convertir de la cupidité et de l'orgueil, à la charité et à l'humilité chrétienne.

S. Chrys. (hom. 63). C'est là vraiment, suivant le Sauveur, l'oeuvre de Dieu, c'est-à-dire que celui que Dieu appelle à cette vocation, a besoin d'un secours extraordinaire de la grâce. D'où nous pouvons conclure combien grande sera la récompense des riches qui auront consenti à suivre la divine sagesse de Jésus-Christ.

Théophyl. On peut encore donner un autre sens à ces paroles: «Cela est impossible aux hommes, mais non pas à Dieu». C'est-à-dire que ce qui nous est impossible lorsque nos pensées sont toutes terrestres, nous devient possible lorsque nous écoutons Dieu. «Car toutes choses sont possibles à Dieu». Toutes choses, c'est-à-dire tous les êtres, car le péché n'est pas un être, il n'a ni nature ni substance. Ou bien encore, le péché est le résultat non de la force, mais de la faiblesse, et il est impossible à Dieu aussi bien que la faiblesse. Mais Dieu peut-il donc faire que ce qui a été fait ne l'ait pas été? Je réponds que Dieu est la vérité; or, il est contraire à la vérité de faire que ce qui a été n'ait pas existé. Or, comment la vérité pourrait-elle agir contre la vérité? Il faudrait, comme le disent quelques-uns, qu'elle commençât par détruire sa propre nature. Mais Dieu peut-il cesser d'être Dieu? C'est une absurdité de le penser.



Catena Aurea 6943