Catena Aurea 10711

vv. 11-19

10711 Lc 17,11-19

S. Ambr. A la suite de cette parabole, Notre-Seigneur reproche aux Juifs leur ingratitude: «Il arriva qu'en allant à Jérusalem, Jésus traversait le pays de Samarie», etc. - Tite de Bostr. (Ch. des Pèr. gr). Son dessein est de faire ressortir la reconnaissance des samaritains comparée à l'ingratitude des Juifs pour les bienfaits qu'ils ont reçus. L'inimitié la plus grande existait entre les Samaritains et les Juifs, Notre-Seigneur voulant les pacifier passe entre les deux pour les réunir en un seul homme (Ep 2,14). - S. Cyr. Il manifeste ensuite sa gloire pour attirer les Israélites à la foi: «Et comme il entrait dans un village, il rencontra dix lépreux», etc., expulsés des villes et des villages, et regardés comme immondes d'après la loi de Moïse.

Tite de Bostr. Ces dix lépreux vivaient ensemble, unis entre eux par la communauté de souffrances, et ils attendaient le passage de Jésus, pleins d'impatience de le voir venir: «Et ils se tenaient éloignés», parce que la loi des Juifs regardait la lèpre comme une impureté, tandis que la loi de l'Évangile ne regarde comme impure que la lèpre intérieure, et non celle qui n'est qu'extérieure.

Théophyl. Ces lépreux se tiennent éloignés, honteux pour ainsi dire de cette maladie qui les faisait regarder comme impurs; car ils pensaient que Jésus-Christ aurait pour eux la même horreur que les autres; ils se tiennent donc éloignés extérieurement, mais ils s'approchent de lui par leurs prières: car le Seigneur est proche de tous ceux qui l'invoquent dans la vérité (Ps 145,18). «Et ils élevèrent la voix en disant: Jésus, Maître, ayez pitié de nous». - Tite de Bostr. Ils prononcent le nom de Jésus, et méritent d'en éprouver l'efficacité, car le nom de Jésus veut dire Sauveur. Ils lui disent: «Ayez pitié de nous»; pour ressentir les effets de sa puissance, ils ne lui demandent ni or ni argent, mais qu'il guérisse et purifie leur corps. - Théophyl. Ils ne lui adressent pas leurs prières et leurs supplications comme à un simple mortel; ils l'appellent Maître, c'est-à-dire Seigneur, et ils ne sont pas loin de le regarder comme Dieu. Jésus leur commande d'aller se montrer aux prêtres: «Dès qu'il les vit, il leur dit: Allez, montrez-vous aux prêtres», car c'était à eux de vérifier si la guérison de la lèpre était véritable ou non.

S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). La loi ordonnait aussi à ceux qui étaient purifiés de la lèpre d'offrir un sacrifice en reconnaissance de leur guérison. - Théophyl. En leur commandant d'aller se montrer aux prêtres, le Sauveur leur donnait à entendre qu'ils seraient guéris: «Et il arriva, pendant qu'ils y allaient, qu'ils furent purifiés». - S. Cyr. Les prêtres des Juifs, jaloux de la gloire de Jésus, avaient une preuve certaine que Jésus les avait guéris soudainement et miraculeusement par un acte de sa toute-puissance.

Théophyl. Parmi ces dix lépreux, les neuf qui étaient Israélites se montrèrent ingrats, l'étranger seul qui était samaritain revint pour exprimer hautement sa reconnaissance: «Un d'eux se voyant guéri, revint sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix». - Tite de Bostr. La guérison qui lui est rendue lui donne la confiance d'approcher du Sauveur: «Et il se prosterna la face contre terre aux pieds de Jésus, en lui rendant grâces», et il manifeste ainsi doublement sa foi et sa reconnaissance.

«Et c'était un Samaritain». - Théophyl. Nous pouvons conclure de là que rien n'empêche qu'on soit agréable à Dieu, fût-on descendu d'une race coupable, pourvu qu'on fasse preuve de bonne volonté. Que personne aussi ne s'enorgueillisse d'avoir des saints comme ancêtres, puisque ces neuf qui étaient Israélites, furent des ingrats. «Alors Jésus dit: Est-ce que les dix n'ont pas été guéris», etc.? - Tite de Bostr. Nous voyons ici que les étrangers étaient bien plus empressés que les Israélites pour embrasser la foi: «Et Jésus lui dit: Levez-vous, allez, votre foi vous a sauvé».

S. Aug. (quest. Evang., 2, 40). Dans le sens figuré les lépreux représentent ceux qui, n'ayant point la science de la vraie foi, professent les doctrines si variées de l'erreur. Loin de cacher leur ignorance, ils la font paraître au grand jour comme une souveraine habileté, et la font valoir dans des discours pleins d'ostentation. La lèpre vicie et altère la couleur du corps; or, ce mélange incohérent de vérités et d'erreurs qui se produit dans une seule discussion, dans un seul et même discours, comme dans la couleur extérieure d'un seul et même corps, figure la lèpre qui altère et flétrit le corps de l'homme par les nuances vraies et fausses de ses diverses couleurs. L'Église doit éviter la société de tels hommes, qui doivent être tenus au loin, et invoquer de là le Sauveur à grands cris. Le nom de Maître (cf. Mt 8,2 Mc 1 Lc 5,12), qu'ils lui donnent, me paraît indiquer que la lèpre est la figure des fausses doctrines qu'il n'appartient qu'au bon Maître de faire disparaître. À l'exception de ces lépreux, nous ne voyons pas que Notre-Seigneur ait envoyé vers les prêtres aucun de ceux auxquels il avait rendu la santé du corps. Le sacerdoce des Juifs a été la figure du sacerdoce qui est dans l'Église; le Seigneur guérit et corrige par lui-même tous les autres vices dans l'intérieur de la conscience: mais le pouvoir d'instruire et de sanctifier les âmes par l'administration des sacrements et d'enseigner par la prédication extérieure a été donné à l'Église. «Pendant qu'ils y allaient, ils furent guéris»; en effet les Gentils que Pierre vint trouver, avant d'avoir reçu le sacrement de baptême, qui nous fait parvenir spirituellement jusqu'aux prêtres, furent manifestement purifiés par l'effusion de l'Esprit saint. Tout fidèle donc qui dans la société de l'Église possède la doctrine de la foi dans sa vérité et dans son intégrité, et qui n'a pas été souillé par les taches si variées de l'erreur comme par une lèpre, et qui par un sentiment d'ingratitude pour le Dieu qui l'a purifié ne se prosterne pas humblement à ses pieds, est semblable à ceux dont parle l'apôtre saint Paul: «Qui ayant connu Dieu, ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces». Ils sont au nombre de neuf, signe qu'ils resteront dans leur imperfection, car le nombre neuf a besoin d'un pour former une espèce d'unité qui est le nombre dix. Au contraire celui qui vient rendre grâces, reçoit des éloges parce qu'il est la figure de l'Église qui est une. Quant aux neuf qui étaient Juifs, Notre-Seigneur déclare qu'ils ont perdu par leur orgueil le royaume des cieux, où règne la plus parfaite unité; tandis que ce Samaritain qui veut dire gardien, rendant grâces à Dieu de ce qu'il avait reçu selon ces paroles du Psalmiste: «C'est en vous que je conserverai ma force», (Ps 58) a gardé l'unité du royaume par son humble reconnaissance. - Bède. Il se prosterne la face contre terre, parce qu'il est couvert de honte au souvenir des fautes qu'il a commises, Notre-Seigneur lui ordonne de se lever et d'aller trouver les prêtres parce que celui qui s'humilie profondément dans la connaissance qu'il a de sa faiblesse, reçoit avec la consolation de la parole divine l'ordre de se porter à des oeuvres plus parfaites. Or, si la foi a sauvé celui qui s'est ainsi prosterné pour rendre grâces, c'est donc l'infidélité qui a perdu ceux qui négligèrent de rendre gloire à Dieu pour les bienfaits qu'ils en avaient reçus. Le Sauveur démontre donc ici par les faits ce qu'il avait enseigné dans la parabole précédente que la foi s'augmente et s'accroît par la pratique de l'humilité.


vv. 20-21

10720 Lc 17,20-21

S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Comme le Sauveur, dans les discours qu'il adressait au peuple, parlait fréquemment du royaume de Dieu, les pharisiens prenaient occasion de là pour se moquer de lui: «Interrogé par les pharisiens, quand viendrait le royaume de Dieu». Ils semblaient lui dire comme par dérision: Avant que vienne ce royaume dont vous parlez, vous finirez vos jours sur la croix». Mais le Seigneur voulant nous montrer toute sa patience, au lieu de repousser cette injure par de violents reproches, ne dédaigne pas de répondre directement aux méchants: «Il leur répondit: Le royaume de Dieu ne vient point d'une manière qui frappe les regards». Paroles qui reviennent à celles-ci: «Ne cherchez pas à connaître le temps où viendra le royaume des cieux», car il ne peut être connu ni par les anges ni par les hommes, comme l'a été le temps de l'incarnation, qui a été prédit et annoncé par les oracles des prophètes et par la voix des anges. Aussi le Sauveur ajoute: «On ne dira point: Il est ici, ou il est là». Ou bien encore, ils l'interrogent sur le temps où viendra le royaume de Dieu, parce qu'ils pensaient (comme il est dit plus bas), que le royaume de Dieu se manifesterait à l'entrée du Seigneur dans la ville de Jérusalem. C'est pour cela qu'il leur répond: «Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à être remarqué». - S. Cyr. Il fait seulement cette déclaration pour la consolation de chacun: «Le royaume de Dieu est au milieu de vous», c'est-à-dire, il dépend de vos affections, il est en votre pouvoir de l'obtenir, car tout homme justifié par la foi et par la grâce de Jésus-Christ, et orné des vertus chrétiennes, peut établir en lui-même le royaume des cieux. - S. Grég. de Nysse. (du but que doit se propos. le chrét). Peut-être aussi entend-il par ce royaume qui est au dedans de nous la joie que l'Esprit saint répand dans nos âmes, car cette joie est la figure et le gage de la joie éternelle qui est le partage des âmes saintes dans la vie future. - Bède. Ou bien encore, ce royaume de Dieu, c'est lui-même qui demeure au milieu d'eux, c'est-à-dire, qui règne dans leurs coeurs par la foi.



vv. 22-25

10722 Lc 17,22-25

S. Cyr. Le Seigneur qui venait de dire: «Le royaume de Dieu est en vous-mêmes», voulut préparer ses disciples à la patience, et les remplir de courage pour qu'ils pussent entrer dans le royaume de Dieu. Il leur prédit donc qu'avant qu'il descende des cieux, à la fin du monde, la persécution fondra sur eux: «Et il dit à ses disciples: Viendra un temps», etc. C'est-à-dire, que la persécution sera si grande, qu'ils désireront voir un de ces jours où ils avaient le bonheur de vivre dans la société du Christ, Sans doute, les Juifs avaient accablé le Sauveur de mille outrages et de mille injures, ils avaient voulu le lapider et le précipiter du haut d'une montagne, mais ces épreuves étaient désirables en comparaison des persécutions bien plus grandes qui les attendaient. - Théophyl. Ils vivaient alors sans aucune sollicitude sous la providence, et la protection de Jésus-Christ, mais il devait venir un temps où, séparés de lui, ils seraient livrés à tous les dangers, conduits devant les rois et les princes, et alors ils regretteraient les premiers temps comme des jours de tranquillité. - Bède. Ou bien par ce jour du Christ, il veut parler de son règne dont nous attendons l'avènement, et il dit très-justement «Un jour», parce que, dans ce bienheureux séjour de la gloire éternelle, il n'y aura plus d'alternative de jour et de nuit. Il est bon de désirer le jour du Christ, mais il ne faut pas que la vivacité de ce désir nous jette dans des illusions et des songes, comme si ce jour du Seigneur était proche. C'est contre ces illusions que le Sauveur ajoute: «Et on vous dira: Il est ici, il est là, gardez-vous d'y aller». - Eusèbe. (Ch. des Pèr. gr). C'est-à-dire, si à la venue de l'Antéchrist, le bruit se répand que c'est le Christ qui apparaît, ne sortez point, ne marchez pas à sa suite, car il est impossible que celui qui s'est manifesté une fois clairement aux hommes, puisse revenir se renfermer dans quelque lieu particulier de la terre. Ce sera donc celui dont on doit dire: Ce n'est pas le vrai Christ. Un signe évident du second avènement de notre Sauveur, c'est que l'éclat de son arrivée remplira tout à coup l'univers tout entier: «Comme l'éclair brille soudain d'une extrémité du ciel à l'autre, ainsi paraîtra le Fils de l'homme en son jour». Car on ne le verra pas marchant sur la terre comme un homme ordinaire, mais il répandra sur nous tous les rayons de sa gloire et fera briller à tous les yeux les splendeurs de sa divinité.

Bède. Il dit avec raison: «Comme l'éclair qui brille sous un côté du ciel», parce que le jugement dernier se fera sous le ciel (c'est-à-dire, au milieu des airs), D'après ces paroles de l'Apôtre: «Nous qui vivons, qui sommes restés, nous serons emportés avec eux dans les nuées au-devant du Christ dans les airs». (1Th 4). Or, si le Seigneur apparaît alors comme l'éclair, personne donc ne pourra demeurer caché dans son intérieur, pénétré qu'il sera par cette lumière éclatante qui environnera le juge. On peut encore entendre ces paroles de cet avènement du Sauveur qui se fait tous les jours dans l'Église. En effet, en proclamant que leur doctrine seule conservait la foi de Jésus-Christ, les hérétiques ont souvent troublé l'Église à ce point, que les fidèles qui vivaient alors ont désiré que le Sauveur revint, s'il était possible, un seul jour sur la terre, pour déclarer lui-même quelle était la foi véritable: «Et vous ne le verrez pas», ajoute-t-il, parce qu'il n'est pas nécessaire que le Seigneur revienne visiblement pour enseigner de nouveau la doctrine qu'il a répandue par tout l'univers par les divines clartés de l'Évangile.

S. Cyr. Les disciples de Jésus pensaient qu'aussitôt son arrivée à Jérusalem, il leur manifesterait le royaume de Dieu. Pour détruire cette opinion, il leur fait connaître qu'il doit d'abord souffrir pour notre salut, remonter vers son Père, et descendre du ciel dans tout l'éclat de sa gloire pour juger l'univers dans la justice: «Il faut auparavant que le Fils de l'homme souffre beaucoup, et qu'il soit rejeté par cette génération». - Bède. Par cette génération, il entend non seulement les Juifs, mais tous les réprouvés qui, maintenant encore, rejettent et persécutent le Fils de l'homme dans son corps, c'est-à-dire dans l'Église. Il mêle à la prédiction de sa passion, celle de son glorieux avènement, afin d'adoucir pour eux la douleur qu'ils éprouveraient de sa passion par la promesse de la gloire qui devait la suivre, et les préparer en même temps à braver la mort la plus affreuse, s'ils voulaient jouir eux-mêmes un jour de la gloire du royaume.


vv. 26-30

10726 Lc 17,26-30

Bède. Notre-Seigneur avait comparé son avènement à l'éclair qui traverse rapidement les airs, il le compare maintenant à ce qui arriva aux jours de Noé et de Loth, lorsque les hommes furent surpris par une ruine soudaine: «Et comme il est arrivé aux jours de Noé», etc. - S. Chrys. (hom. 2 sur la 1 Epît. aux Thessal). Ils n'ont point ajouté foi aux menaces qui leur étaient faites, et ils furent tout à coup frappés d'un châtiment trop véritable. (hom. 2 sur l'Epît. aux Coloss). Leur incrédulité venait de leur vie oisive et dissolue, car l'homme n'attend ordinairement que ce qui fait l'objet habituel de ses pensées et de ses désirs: «Ils mangeaient et ils buvaient», dit Notre-Seigneur. - S. Ambr. Il a soin de faire remarquer que ce sont les péchés des hommes qui ont été la cause du déluge, car Dieu n'est pas l'auteur du mal, ce sont nos péchés qui nous l'ont attiré. Ce n'est pas non plus qu'il condamne ni le mariage qui est le moyen donné de Dieu pour la perpétuité du genre humain, ni la nourriture nécessaire pour son existence, mais il veut qu'on observe en tout une juste mesure, et tout ce qui la dépasse vient d'un mauvais principe.

Bède. Dans le sens allégorique, Noé qui construit l'arche, est la figure du Seigneur qui bâtit l'Église avec les fidèles du Christ, unis ensemble comme des bois parfaitement travaillés. Quand cette arche est entièrement terminée, il y entre, lorsqu'au jour du jugement il vient y habiter pour l'éternité et y répandre les clartés de sa divine présence. Pendant qu'il construit cette arche, les méchants se livrent aux excès d'une vie dissolue, mais lorsqu'il y entre, ils sont frappés de mort, parce qu'en effet, ceux qui outragent les saints pendant leur vie de luttes et de combats, seront punis d'un éternel supplice, alors que les saints recevront leurs couronnes immortelles.

Eusèbe. (Ch. des Pèr. gr). Le déluge que Notre-Seigneur vient d'apporter en exemple, pouvait donner la pensée que le déluge à venir serait un déluge d'eau; il cite donc en second lieu l'exemple de Loth, pour nous apprendre quel sera le genre de supplice des méchants, c'est-à-dire que la colère de Dieu fera tomber sur eux un feu descendu du ciel: «Et comme il est arrivé encore aux jours de Loth», etc. Il passe sous silence le crime infâme de Sodome, et ne parle que de ces fautes qu'on regarde ordinairement comme légères ou comme nulles, pour nous faire comprendre quel sera le châtiment des actions criminelles, puisque l'usage immodéré des choses permises sera puni par le feu et par le souffre: «Le jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de souffre tomba du ciel, qui les fit périr tous». Remarquez que le feu ne tomba du ciel sur les infâmes habitants de Sodome, que lorsque Loth en fut sorti, de même que le déluge ne fit périr les habitants de la terre que lorsque Noé fut entré dans l'arche; car tant que Noé et Loth vivaient au milieu des impies, Dieu suspendait les effets de sa colère pour ne pas confondre dans un même supplice les justes et les pécheurs. Mais quand il voulut faire périr les pécheurs, il retira le juste du milieu d'eux; de même à la consommation des siècles, le supplice des méchants ne commencera qu'après leur séparation d'avec les justes: «Ainsi en sera-t-il au jour où le Fils de l'homme sera révélé». - Bède. Car celui qui voit tout maintenant sans être visible lui-même, apparaîtra alors pour juger tous les hommes, et il choisira pour cette manifestation le temps où les hommes oublieux de ses jugements seront asservis sous le joug des choses de ce monde. - Théophyl. En effet, lorsque l'Antéchrist sera venu, les hommes se jetteront dans les plus honteux excès de la débauche, et deviendront «plus amateurs de la volupté que de Dieu». (2Tm 3). Car si l'Antéchrist est comme le réceptacle de tous les vices, qu'inspirera-t-il aux hommes dans ces temps malheureux que l'amour du vice? C'est ce que le Sauveur veut nous faire entendre par les exemples du déluge et du châtiment des habitants de Sodome.

Bède. Dans le sens allégorique, Loth, dont le nom veut dire qui s'écarte, représente le peuple des élus, qui vit comme un étranger dans Sodome, c'est-à-dire au milieu des réprouvés, et se détourne autant qu'il peut des crimes dont il est témoin. A peine Loth est-il sorti de Sodome, que le feu du ciel tombe sur cette ville; c'est ainsi qu'à la consommation des siècles les anges viendront et sépareront les méchants du milieu des justes, et les jetteront dans la fournaise de feu (Mt 3). Cependant cette pluie de feu et de souffre qui tombe du ciel n'est pas la figure du feu éternel de l'enfer, mais représente l'arrivée soudaine et imprévue de ce jour terrible.


vv. 31-32

10731 Lc 17,31-32

S. Ambr. Comme les bons, par suite de leur mélange avec les méchants, doivent nécessairement souffrir en ce monde de grandes tribulations de coeur et d'esprit pour mériter dans l'autre vie une récompense plus abondante, Notre-Seigneur leur donne par avance quelques conseils utiles: «En ce jour-là, que celui qui se trouvera sur le toit, ne descende point», etc. C'est-à-dire que celui qui sera déjà monté au faîte de sa maison et jusqu'au sommet des plus hautes vertus, ne se laisse pas retomber dans les occupations toutes terrestres de ce monde misérable. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 41). Être sur le toit, c'est s'élever au-dessus des jouissances charnelles, et vivre comme en liberté dans la sphère d'une vie toute spirituelle. Les meubles qui sont dans la maison, sont les sens de la chair qui ont souvent égaré le grand nombre de ceux qui les ont pris pour guide dans la recherche de la vérité qu'on ne peut découvrir que par l'intelligence. Que l'homme spirituel prenne donc garde de se laisser entraîner au jour de la tribulation par la vie de la chair qui se nourrit par les sens du corps, et de descendre pour goûter les jouissances de ce monde: «Et que celui qui est dans les champs ne retourne point non plus en arrière», c'est-à-dire que celui qui travaille dans l'Église, à l'exemple de Paul qui plante et d'Apollo qui arrose (1Co 3,6), ne jette pas un oeil de regret sur les espérances du siècle auxquelles il a renoncé.

Théophyl. Saint Matthieu rapporte ces conseils du Sauveur au temps où Jérusalem devait être prise et détruite à l'approche des Romains; ceux qui étaient dans leurs maisons devaient prendre aussitôt la fuite sans vouloir emporter aucune des choses même nécessaires; et ceux qui étaient dans les champs, ne devaient point retourner dans leurs demeures. C'est ce qui eut lieu, en effet, lors de la ruine de Jérusalem, c'est ce qui doit arriver encore au temps de l'Antéchrist; mais bien plus encore à la fin des temps, lorsque les tribulations seront parvenues à leur comble.

Eusèbe. Notre-Seigneur nous apprend par là que le fils de perdition soulèvera une violente persécution contre les fidèles disciples du Christ. Ce jour dont il parle, c'est le temps qui précédera la fin du monde; temps où celui qui prendra la fuite ne devra ni revenir sur ses pas, ni s'inquiéter des biens qu'il perd, et ne point imiter la femme de Loth qui, s'étant retournée lorsqu'elle fuyait de la ville de Sodome, fut frappée de mort et changée en colonne de sel: «Souvenez-vous de la femme de Loth», dit Notre-Seigneur. - S. Ambr. C'est pour avoir jeté un regard en arrière qu'elle a perdu le privilège de sa nature; car Satan, comme Sodome, est en arrière: fuyez donc l'intempérance, évitez toute dissolution, souvenez-vous que Loth se sauva et parvint jusqu'à la montagne, parce qu'il n'a point jeté un regard en arrière sur les occupations de sa vie passée; sa femme, au contraire, cédant au mouvement qui la fit regarder en arrière, ne put parvenir à cette montagne même avec le secours de son mari, et resta en chemin. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 43). La femme de Loth signifie donc ceux qui, dans la tribulation, regardent en arrière, et détournent les yeux de l'espérance des promesses divines; elle fut changée en statue de sel pour avertir les hommes de ne point imiter son exemple, devenant pour ainsi dire le sel qui préserve leur coeur de l'affadissement et de la corruption.

Théophyl. Notre-Seigneur tire ensuite la conclusion de ce qu'il vient de dire, en ajoutant: «Quiconque cherchera à sauver sa vie la perdra», comme s'il disait: Que personne ne cherche à sauver sa vie dans les persécutions de l'Antéchrist, car il la perdra; celui, au contraire, qui bravera les persécutions et les dangers, la conservera: «Et quiconque l'aura perdue, la sauvera», en ne cédant pas aux menaces du tyran, dans la crainte de perdre la vie. - S. Cyr. Saint Paul nous apprend comment on doit perdre sa vie pour la sauver, lorsqu'il, parle de ceux qui ont crucifié leur chair avec ses vices et ses concupiscences (Ga 5,24), c'est-à-dire qui soutiennent avec courage et piété les combats de la vie chrétienne.


vv. 34-37

10734 Lc 17,34-37

Bède. Notre-Seigneur avait recommandé plus haut à celui qui serait dans les champs, de ne point revenir dans sa maison; paroles qui ne s'adressaient pas seulement à ceux qui devaient revenir ouvertement des champs, c'est-à-dire à ceux qui devaient hautement nier le Seigneur, comme le Sauveur le démontre, en ajoutant qu'il en est dont le coeur regarde en arrière, bien qu'extérieurement ils semblent jeter les yeux en avant: «Je vous le dis: En cette nuit-là, deux personnes seront dans un lit; l'une sera prise, et l'autre laissée». - S. Ambr. C'est bien avec raison qu'il dit: «Dans cette nuit», car l'heure de l'Antéchrist est l'heure des ténèbres, parce que l'Antéchrist répand d'épaisses ténèbres sur le coeur des hommes, en affirmant qu'il est le Christ. Le Christ, au contraire, brillera comme la foudre étincelante, afin que dans cette nuit nous puissions voir la gloire de la résurrection. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 44). Ou bien: «dans cette nuit», c'est-à-dire dans cette tribulation.

Théophyl. Ou bien par ces paroles: «Dans cette nuit», le Sauveur veut nous apprendre qu'il viendra sans être attendu, et comme à l'improviste. Il avait dit aussi précédemment que les riches seraient difficilement sauvés, et il fait voir ici que cependant tous les riches ne seront pas tous réprouvés, de même que tous les pauvres ne seront pas indistinctement sauvés. - S. Cyr. Ces deux personnes qui se trouvent dans le même lit, semblent désigner ceux qui placent leur repos dans les plaisirs du monde; car le lit est l'emblème du repos. Or, tous ceux qui ont de grandes richesses en partage, ne sont pas pour cela des impies (Ps 61), il en est qui sont vertueux et du nombre des élus dans la foi; ceux-là donc seront choisis, et les autres dont les moeurs sont différentes, seront laissés. En effet, lorsque le Seigneur descendra pour juger les hommes, il enverra ses anges qui laisseront sur la terre tous ceux qui sont destinés aux supplices éternels, et amèneront les saints en sa présence, selon ces paroles de l'Apôtre: «Nous serons enlevés avec eux sur les nuées, pour aller dans les airs au-devant de Jésus-Christ». (2Th 4,16). - S. Ambr. Ou bien encore sur le même lit de l'infirmité humaine, l'un est laissé, c'est-à-dire réprouvé; et l'autre est enlevé pour aller dans les airs au-devant de Jésus-Christ: «Deux femmes moudront ensemble», etc. - S. Cyr. Ces deux femmes qui tournent la meule représentent ceux dont la vie s'écoule dans la pauvreté et les pénibles travaux, de même que les deux qui sont dans les champs. Il existe, en effet, une grande différence dans les pauvres; les uns supportent courageusement le fardeau de la pauvreté, mènent une vie vertueuse et humble, et sont du nombre de ceux qui seront choisis; les autres sont toujours prêts à se porter au crime, et seront laissés. - S. Ambr. Peut-être encore ces deux femmes qui tournent la meule, représentent ceux qui cherchent leur nourriture spirituelle dans les choses secrètes, et qui la produisent au dehors des substances où elle était cachée. En effet, on peut comparer ce monde à un moulin; et notre âme est enfermée dans le corps comme dans une prison. Or, dans ce moulin, la synagogue, ou l'âme esclave de ses vices, semblable au blé mouillé et corrompu par une trop grande humidité, ne peut séparer l'intérieur de l'écorce extérieure, et elle est laissée, parce que sa farine est mauvaise. Au contraire, la sainte Église ou l'âme pure de toute faute, qui moud un froment séché aux rayons du soleil éternel, offrent à Dieu une bonne farine, qu'elles tirent du coeur des hommes. Il nous sera facile de comprendre ceux que représentent ceux qui sont dans les champs, si nous nous rappelons que nous avons comme deux hommes en nous (2Co 4,14), l'homme extérieur qui s'altère de jour en jour; l'homme intérieur qui se renouvelle par les sacrements. Ce sont ces deux hommes qui travaillent dans notre champ, l'un produit de bons fruits par son zèle, J'autre le perd par sa négligence. Ou bien encore ces deux hommes qui sont dans les champs, représentent les deux peuples qui sont dans ce monde, l'un qui est fidèle est pris; l'autre qui est infidèle est laissé.

S. Aug. (Quest. évang., 2, 44). Ou bien Notre-Seigneur veut nous représenter ici trois classes différentes d'hommes. La première est composée de ceux qui préfèrent mener une vie de loisir et de repos, affranchie de toute occupation, soit séculière, soit ecclésiastique; leur repos est figuré par le lit. La seconde comprend ceux qui, faisant partie du peuple, sont conduits par les docteurs et sont occupés des choses de ce monde. Ils sont ici figurés par des femmes, parce qu'il leur est avantageux de se laisser diriger par les conseils de leurs supérieurs; et ces femmes tournent la meule, figure de ceux qui sont dans le cercle des affaires de ce monde. Notre-Seigneur les représente comme tournant la meule ensemble, c'est-à-dire qu'ils s'occupent de ces affaires du siècle, en faisant servir leurs biens à l'utilité de l'Église. La troisième classe est composée de ceux qui travaillent dans les divers ministères de l'Église, comme dans le champ de Dieu. Ces trois classes à leur tour en renferment deux autres, c'est-à-dire que les uns demeurent dans l'Église et sont pris et choisis; les autres sont infidèles et sont laissés. - S. Ambr. Dieu, en effet, ne peut être injuste et refuser la même récompense à ceux qui sont unis par une entière conformité de sentiments et d'action. Cependant ce n'est pas la communauté de vie qui produit l'identité de mérites, car tous n'accomplissent pas entièrement ce qu'ils commencent, et celui-là seul qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé (Mt 10,22 Mt 24,43).

S. Cyr. Notre-Seigneur ayant dit que les uns seraient choisis et les autres laissés, les disciples sont fondés à lui demander dans quel endroit ils seraient pris: «Ils lui demandèrent: Où sera-ce Seigneur ?» - Bède. Cette demande comprenait ces deux questions: Dans quel endroit les bons devaient être pris et où les méchants devaient être laissés, le Sauveur répond à la première de ces questions, et laisse sous-entendue la réponse à la seconde: «Il leur répondit: Partout où sera le corps, les aigles s'y assembleront». - S. Cyr. C'est-à-dire, de même que les oiseaux carnivores s'assemblent autour d'un cadavre abandonné; ainsi lors de l'avènement du Fils de l'homme, tous les aigles, c'est-à-dire les saints, s'empresseront autour de lui. - S. Ambr. Les âmes des saints sont comparées à des aigles qui s'élèvent sur les hauteurs, s'éloignent de tout ce qui est sur la terre et passent pour vivre très-longtemps. Nous ne pouvons douter quel est ce corps, surtout si nous nous rappelons que Joseph obtint de Pilate le corps de Jésus. Est-ce que vous ne voyez pas les aigles autour du corps dans la personne des femmes et des Apôtres, qui se réunissent autour du tombeau du Sauveur? Ne voyez-vous pas ces aigles autour de son corps, lorsqu'il viendra sur les nuées et que tout oeil le verra? (Ap 5). Or, le corps est celui dont il est écrit: «Ma chair est vraiment une nourriture» (Jn 6). Autour de ce corps sont les aigles qui volent avec les ailes spirituelles. Les aigles autour du corps sont encore ceux qui croient que Jésus-Christ est venu sur la terre dans une chair véritable. C'est aussi l'Église où nous sommes renouvelés dans l'Esprit par la grâce du baptême. - Eusèbe. Ou bien encore, les aigles qui se nourrissent de la chair des animaux morts, figurent les princes de ce monde, et ceux qui persécuteront alors les saints de Dieu, et il laisse en leur pouvoir ceux qui n'ont point mérité d'être pris et auxquels il donne le nom de corps ou de cadavres, ces aigles peuvent encore représenter ces puissances vengeresses qui voleront vers les impies. - S. Aug. (De l'ac. des Evang., 2, 7). Les enseignements que place ici saint Luc (dans un discours différent de celui où saint Matthieu les fait entrer), sont rapportés par avance et n'ont été donnés que plus tard par le Seigneur, ou bien il faut dire qu'il les a donnés deux fois.


CHAPITRE XVIII


vv. 1-8

10801 Lc 18,1-8

Théophyl. Après avoir prédit les persécutions et les souffrances qui attendent ses disciples, Notre-Seigneur en indique le remède, c'est-à-dire une prière continuelle et attentive: «Il leur disait encore cette parabole», etc. - S. Chrys. Celui qui vous a racheté vous enseigne ici ce que vous devez faire. Il ne veut point que vous cessiez de prier, il veut que vous méditiez les bienfaits qui sont l'objet de votre prière, il veut que vous soyez redevable à la prière des grâces que sa bonté désire vous accorder. Comment pourrait-il ne pas exaucer les prières qu'on lui adresse, alors qu'il nous presse par sa miséricorde, de rendre notre prière continuelle? Recevez donc avec amour ces exhortations du Seigneur, sa volonté doit être la règle de votre conduite dans ce qu'elle commande comme dans ce qu'elle défend. D'ailleurs considérez quel honneur vous est accordé de vous entretenir dans la prière avec Dieu, et de pouvoir lui demander tout ce que vous désirez, car si vous n'entendez pas sa voix, il vous répond cependant par les bienfaits qu'il vous accorde. Il ne dédaigne point vos demandes, il n'en témoigne aucun ennui, votre silence seul lui fait peine. - Bède. Celui-là prie toujours et ne cesse point de prier, qui est fidèle à la prière canoniale aux diverses heures de la journée; on peut dire encore que tout ce que le juste fait, ou dit conformément à la volonté de Dieu, peut être assimilé à une prière. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 45). Tantôt le Seigneur tire ses paraboles d'une similitude, comme dans la parabole du créancier qui, ayant remis à ses deux débiteurs ce qu'ils lui devaient, fut plus aimé de celui à qui il avait remis une plus forte dette (Lc 7,42-43). Tantôt il s'appuie sur une opposition, comme dans ces paroles: «Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs qui, aujourd'hui est, et qui demain sera jetée dans le four, combien aura-t-il plus soin de vous vêtir, hommes de peu de foi ?» (Mt 6,30). L'exemple de ce juge impie n'est point un exemple de ressemblance mais bien d'opposition: «Il y avait dans certaine ville un juge», etc. - Théophyl. Voyez comme l'insolence à l'égard des hommes est un indice de souveraine méchanceté. La plupart, en effet, sans craindre Dieu, sont cependant retenus par la crainte des hommes, et sont moins sujets au péché. Mais lorsqu'un homme perd toute pudeur même à l'égard des hommes, alors les vices sont bientôt à leur comble.

«Dans cette même ville était une veuve», etc. - S. Aug. (Quest. évang). Cette veuve peut être considérée comme la figure de l'Église, laquelle est dans la désolation jusqu'à l'avènement du Seigneur, qui la couvre ici-bas de sa protection mystérieuse. La prière que cette femme adresse au juge: «Faites-moi justice de mon adversaire», nous porte à demander pour quel motif les élus de Dieu lui demandent vengeance, comme font les martyrs dans l'Apocalypse de saint Jean (Ap 6,10), bien qu'il nous soit expressément recommandé de prier pour nos ennemis et nos persécuteurs. Il faut donc comprendre que cette vengeance des justes a pour objet la destruction des méchants. Or, cette destruction peut se faire de deux manières, ou par le retour des méchants à la justice, ou par le châtiment qui leur ôte le pouvoir de faire le mal. En supposant que tous les hommes se convertissent à Dieu, resterait encore le démon qui doit être condamné à la fin du monde, et comme les justes désirent ardemment que cette fin du monde arrive, on conçoit qu'ils désirent aussi d'être vengés de leur mortel ennemi. - S. Cyr. Dans un autre sens, on peut dire que toutes les fois qu'une injure s'adresse à nous, nous devons tenir à honneur d'oublier le mal qu'on nous fait; mais lorsque ceux qui font la guerre aux ministres de la vérité divine dirigent leurs outrages contre Dieu lui-même, nous invoquons alors le secours de Dieu, et nous lui demandons hautement vengeance contre les ennemis de sa gloire.

S. Aug. (Quest. évang). Les instances persévérantes de cette femme triomphèrent de ce juge d'iniquité et le déterminèrent à lui accorder ce qu'elle demandait: «Mais enfin il dit à lui-même: Quoique je ne craigne pas Dieu, et que je me soucie peu des hommes», etc. Quelle certitude bien plus grande doivent avoir ceux qui prient avec persévérance le Dieu, qui est la source de la justice et de la miséricorde? «Vous entendez, ajouta le Seigneur, ce que dit ce juge inique». - Théophyl. Comme s'il disait: Si la persévérance de cette femme a pu fléchir ce juge pétri de tous les crimes, combien plus facilement nos prières pourront-elles fléchir en notre faveur le Dieu de toute miséricorde. «Et Dieu ne vengerait pas bientôt ses élus qui, jour et nuit, crient vers lui, et il différerait de les secourir? Je vous le dis, il les vengera bientôt». Il en est qui ont donné de cette parabole une interprétation plus subtile que fondée. Ils prétendaient que cette femme est toute âme qui s'est séparée de son premier époux (c'est-à-dire du démon), lequel se déclare son adversaire, parce qu'elle s'approche de Dieu, le juste Juge par excellence, qui ne peut craindre Dieu, puisqu'il est le seul Dieu, ni les hommes, parce qu'il ne fait pas acception de personne. Or, Dieu, touché de la prière persévérante de cette veuve, c'est-à-dire de l'âme qui le supplie, étend sur elle sa miséricorde et la défend contre le démon.

Après avoir enseigné la nécessité et l'utilité de la prière à la fin des temps pour échapper aux dangers qui surviendront alors, le Sauveur ajoute: «Mais quand le Fils de l'homme viendra, pensez-vous qu'il trouve de la foi sur la terre ?» - S. Aug. (serm. 36 sur les par. du Seig). Notre-Seigneur veut parler ici de la foi parfaite, à peine la trouve-t-on sur la terre; l'Église de Dieu est remplie de fidèles, qui pourrait y entrer sans avoir la foi? Et si la foi était parfaite, qui ne transporterait les montagnes? - Bède. Or, lorsque le Créateur tout-puissant apparaîtra sous la forme du Fils de l'homme, les élus seront en si petit nombre, que la ruine du monde sera comme accélérée, moins par les instantes prières des fidèles que par l'indifférence et la tiédeur des autres. Le Sauveur semble parler ici sous une forme dubitative, mais ne nous y trompons pas, ce n'est pas un doute, c'est un reproche qu'il exprime. C'est ainsi que nous-mêmes, dans les choses que nous tenons pour certaines, nous employons la forme dubitative, par exemple lorsque nous disons à un de nos serviteurs: «Faites-y attention, ne suis-je pas votre maître ?» - S. Aug. (Comme précéd). Notre-Seigneur a voulu ajouter cet avertissement pour nous apprendre que si la foi s'éteint, la prière cesse elle-même d'exister. Croyons donc pour assurer le succès de nos prières, et prions pour que notre foi ne vienne pas à faiblir. La foi produit la prière, et la prière à son tour obtient l'affermissement de la foi.



Catena Aurea 10711