Catena Aurea 12102

v. 2

12102 Jn 1,2


Il était au commencement avec Dieu.


S. Hil. (De la Trin., 2). Ces paroles: «Et le Verbe était Dieu», m'étonnent, et cette locution inusitée me jette dans le trouble, lorsque je me rappelle que les prophètes ont annoncé un seul Dieu. Mais notre pêcheur calme bientôt ce trouble en donnant la raison d'un si grand mystère; il rapporte tout à un seul Dieu, et fait ainsi disparaître toute idée injurieuse à la divinité, toute pensée d'amoindrissement ou de succession de temps, en ajoutant: «Il était au commencement avec Dieu», avec Dieu qui n'a pas été engendré, et dont il est proclamé seul le Fils unique, qui est Dieu. - Théophyl. Ou encore, c'est pour prévenir ce soupçon diabolique qui pouvait en troubler plusieurs, que le Seigneur étant Dieu, s'était déclaré contre son Père (comme l'ont imaginé les fables des païens), et séparé de son Père pour se mettre en opposition avec lui, que l'Évangéliste ajoute: «Il était au commencement avec Dieu», c'est-à-dire, le Verbe de Dieu n'a jamais eu d'existence séparée de celle de Dieu.

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Jean). Ou bien encore ces paroles: «Au commencement était le Verbe», tout en établissant l'éternité du Verbe, pouvaient laisser croire que la vie du Père avait précédé, ne fût-ce que d'un moment la vie du Fils; saint Jean va au-devant de cette pensée, et se hâte de dire: «Il était dans le commencement avec Dieu», il n'en a jamais été séparé, mais il était toujours Dieu avec Dieu. Ou encore, comme ces paroles: «Et le Verbe était Dieu», pouvaient donner à penser que la divinité du Fils était moindre que celle du Père, il apporte aussitôt un des attributs particuliers de la divinité, c'est-à-dire, l'éternité, en disant: «Il était au commencement avec Dieu; et il fait ensuite connaître quelle a été son oeuvre, en ajoutant: «Toutes choses ont été faites par lui».

Orig. Ou bien encore, l'Évangéliste résume les trois propositions qui précèdent dans cette seule proposition: «Il était au commencement avec Dieu». La première de ces propositions nous a appris quand était le Verbe, il était au commencement; la seconde, avec qui il était, avec Dieu; la troisième, ce qu'il était, il était Dieu. Voulant donc démontrer que le Verbe dont il vient de parler est vraiment Dieu, et résumer dans une quatrième proposition les trois qui précèdent: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu», il ajoute: «Il était au commencement avec Dieu». Demandera-t-on pourquoi l'Évangéliste n'a pas dit: «au commencement était le Verbe de Dieu, et le Verbe de Dieu était avec Dieu, et le Verbe de Dieu était Dieu ?» Nous répondons que pour tout homme qui reconnaît que la vérité est une, il est évident que la manifestation de la vérité, manifestation qui est la sagesse, doit être également une. Or, s'il n'y a qu'une seule vérité et qu'une seule sagesse, la parole qui est l'expression de la vérité, et qui répand la sagesse dans ceux qui sont capables de la recevoir, doit aussi être une. En donnant cette réponse, nous sommes loin de dire que le Verbe n'est pas le Verbe de Dieu, mais nous voulons simplement montrer l'utilité de l'omission du mot Dieu. D'ailleurs, saint Jean lui-même dit dans l'Apocalypse: «Et son nom est le Verbe de Dieu» (Ap 19,13). - Alcuin. Mais pourquoi s'est-il servi du verbe substantif, «il était ?» Pour vous faire comprendre que le Verbe de Dieu, coéternel à Dieu le Père, précède tous les temps.


v. 3

12103 Jn 1,3

Toutes choses ont été faites par lui.


Alcuin. Après avoir exposé la nature du Fils, l'Évangéliste fait connaître ses oeuvres: «Toutes choses ont été faites par lui», c'est-à-dire, tout ce qui existe comme substance ou comme propriété. - S. Hil. (De la Trin., 2). On pouvait dire encore: Le Verbe était au commencement, mais il a pu ne pas exister avant le commencement? Saint Jean répond: «Toutes choses ont été faites par lui». Celui par qui a été fait tout ce qui est fait est un être infini, et comme toutes choses viennent de lui, il est aussi le principe du temps.

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Jean). Moïse commence l'histoire de l'Ancien Testament, par le récit détaillé de la création des choses extérieures: «Au commencement, dit-il, Dieu fit le ciel et la terre» (Gn 1,1); paroles qu'il fait suivre de la création de la lumière, du firmament, des étoiles et des différentes espèces d'animaux. L'Évangéliste, au contraire, abrège et résume tout ce récit en un seul mot, comme étant connu de ses auditeurs; il entreprend un sujet plus sublime, et consacre tout son Évangile, non aux oeuvres de la création, mais à la gloire du Créateur. - S. Aug. (de la Gen., à la lett. 2). Ces paroles: «Toutes choses ont été faites par lui», nous prouvent suffisamment que la lumière elle-même a été faite par lui, lorsque Dieu dit: «Que la lumière soit» (Gn 1,3), de même que tous les autres ouvrages de la création. Mais s'il en est ainsi, puisque le Verbe de Dieu, qui est Dieu lui-même, est coéternel à Dieu le Père, cette parole que Dieu prononce: «Que la lumière soit», est éternelle, bien que la créature n'ait été faite que dans le temps. Ces expressions que nous employons, quand, alors, désignent un temps déterminé, mais quand une chose doit être faite par Dieu, elle est éternelle dans le Verbe de Dieu, et elle est faite au moment où le Verbe a résolu de la faire, car dans ce Verbe, il n'y a aucune de ces successions de temps indiquées par ces expressions quand, alors, parce que le Verbe tout entier est éternel.

S. Aug. (Traité 1 sur S. Jean). Comment donc pourrait-il se faire que le Verbe de Dieu ait été fait, alors que c'est par le Verbe que Dieu a fait toutes choses? Et si ce Verbe a été fait, par quel autre Verbe a-t-il été fait? Si vous dites qu'il est le Verbe du Verbe par lequel il a été fait, moi je l'appelle le Fils unique de Dieu. Mais si vous ne l'appelez pas le Verbe du Verbe, reconnaissez qu'il n'a pas été fait, puisque toutes choses ont été faites par lui. - S. Aug. (De la Trin., 6). S'il n'a pas été fait, il n'est pas créature, il a la même nature que son Père, car toute substance qui n'est pas Dieu est créature, et la substance qui n'a pas été créée est nécessairement la nature divine.

Théophyl. Tel est le langage que tiennent les Ariens; tout a été fait par le Fils, comme nous disons qu'une porte a été faite avec une scie qui a servi d'instrument à l'ouvrier, c'est-à-dire, qu'il n'a pas agi comme créateur, mais comme instrument. Et ils prétendent que le Fils a été fait pour servir d'instrument à la création des autres êtres. Nous répondons simplement aux auteurs de ce mensonge: Si, comme vous le dites, le Père avait créé le Fils pour s'en servir comme d'un instrument, la nature du Fils serait beaucoup moins noble que celle des autres créatures qui ont été faites par lui. De même qu'une scie est d'un rang inférieur à celui des ouvrages qu'elle sert à faire, puisqu'elle n'existe que pour eux; c'est par le même dessein, disent-ils, que Dieu a créé le Fils, comme si Dieu n'eût jamais produit son Fils, dans l'hypothèse où il n'aurait pas dû créer l'univers. Peut-on tenir un raisonnement plus insensé? Mais, ajoutent-ils, pourquoi l'Évangéliste n'a-t-il pas dit que le Verbe a fait toutes choses, et s'est-il servi de la préposition par: «Toutes choses ont été faites par lui ?» C'est afin que vous ne croyez pas que le Fils n'a pas été engendré, qu'il est sans principe, et comme le créateur de Dieu. - S. Chrys. (hom. 5 sur S. Jean). Si du reste cette expression: «Par lui» vous déconcerte, et que vous vouliez trouver dans l'Ecriture un témoignage que le Verbe a tout fait lui-même, écoutez David: «Au commencement, Seigneur, vous avez créé la terre, et les cieux sont les oeuvres de vos mains» (Ps 101,26). C'est du Fils que le Roi-prophète parle ainsi, comme vous l'apprend l'apôtre saint Paul, qui lui applique ces paroles dans son Epître aux Hébreux (He 1,10). Si vous prétendez que c'est du Père que le Roi-prophète a voulu parler, et que saint Paul applique ces paroles au Fils, notre raisonnement conserve toute sa force, car saint Paul ne les aurait jamais appliquées au Fils, s'il n'avait été profondément convaincu que le Père et le Fils ont la même puissance et la même divinité. Si la préposition par vous parait indiquer une infériorité quelconque, pourquoi saint Paul l'emploie-t-il à l'occasion du Père? «Dieu, écrit-il aux Corinthiens, par lequel vous avez été appelés à la société de son Fils Jésus-Christ, Notre-Seigneur, est fidèle»; (1Co 1,9) et encore: «Paul, Apôtre par la volonté de Dieu ?» (2Co 1,1)- Orig. Valentin est aussi tombé dans l'erreur, en disant que le Verbe avait été pour le Créateur la cause de la création du monde. Car si les choses étaient telles qu'il les affirme, l'Évangéliste aurait dû dire: que le Verbe a tout fait par le Créateur, et non que le Créateur a tout fait par le Verbe.

Et sans lui rien n'a été fait.


S. Chrys. (hom. 5 sur S. Jean,) Ces paroles: «Toutes choses ont été faites par lui», ne comprennent pas seulement les êtres dont Moïse nous rapporte la création; aussi saint Jean ajoute-t-il expressément: «Et sans lui rien n'a été fait», soit des choses visibles, soit des invisibles. Ou encore: c'est afin qu'on ne fût point tenté de restreindre aux miracles racontés par les autres évangélistes, ces paroles: «Toutes choses ont été faites par lui», qu'il ajoute: «Et sans lui rien n'a été fait». - S. Hil. (De la Trin., 2). Ou encore: Ces paroles: «Toutes choses ont été faites par lui», ont un sens indéterminé. Or, il y a un être qui n'a pas été engendré et qui n'a été fait par personne; il y a un Fils qui a été engendré par celui qui n'a pas eu de naissance, et l'Évangéliste fait nécessairement supposer que le Père est l'auteur de toutes choses, en parlant de celui qui lui est si étroitement associé, et en disant: «Sans lui rien n'a été fait». Car puisque rien n'a été fait sans lui, je conclus nécessairement qu'il n'est pas seul, mais qu'il y eu a un par qui tout a été fait, et un autre sans lequel rien n'a été fait. - Orig. (homélie 2 sur divers sujets). Ou encore: L'Évangéliste veut aller au-devant de cette pensée qu'il y a des choses qui sont faites par le Verbe, et d'autres qui existent par elles-mêmes indépendamment du Verbe, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et sans lui rien n'a été fait», c'est-à-dire, rien n'a été fait en dehors de lui, car il embrasse, contient et conserve toutes choses. - S. Aug. (Quest. sur l'An c. et le Nouv. Test., 97). Ou bien encore: Ces paroles: «Sans lui rien n'a été fait», éloignent de nous jusqu'à l'idée que le Verbe soit une simple créature. Comment soutenir, en effet, qu'il est une créature, lorsque l'Évangéliste affirme que Dieu n'a rien fait sans lui ?

Orig. (Traité sur S. Jean). Ou bien encore, si toutes choses ont été faites par le Verbe, et qu'au nombre de ces choses se trouve le mal et tout le malheureux courant du péché, le Verbe serait donc l'auteur du mal et du péché, ce qu'il est impossible d'admettre. Le néant et le non être sont deux termes qui ont la même signification. L'Apôtre lui-même semble appeler le mal le non être, lorsqu'il dit: «Dieu appelle les choses qui sont comme celles qui ne sont pas»; (Rm 4,17) ainsi sous le nom de rien, il faut comprendre le mal qui a été fait sans le Verbe. - S. Aug. (Traité 1 sur S. Jean). En effet, le péché n'a point été fait par le Verbe, et il est évident que le péché c'est le rien, ou le non être, et que les hommes tombent dans le rien, lorsqu'ils commettent le péché. L'idole, non plus, n'a pas été faite par le Verbe; elle a bien une forme humaine, et c'est par le Verbe que l'homme a été fait. Mais la forme humaine n'a pas été donnée à l'idole par le Verbe, car il est écrit: «Nous savons qu'une idole n'est rien». (1Co 8) Donc aucune de ces choses n'a été faite par le Verbe, mais il est l'auteur de tout ce qui existe dans la nature, et de tout l'ensemble des créatures depuis l'ange jusqu'au vermisseau.

Orig. (Traité 2 sur S. Jean). Valentin retranche du nombre des choses qui ont été faites par le Verbe, celles qui ont été faites dans les siècles, et dont il fait remonter l'existence avant le Verbe; opinion contraire à toute évidence; car les choses qu'il regarde comme divines ne sont point comprises dans toutes ces choses qui ont été faites par le Verbe, et celles qui, de son avis, sont sujettes à la destruction, en font évidemment partie. Quelques-uns prétendent, mais à tort, que le démon n'est pas une créature de Dieu; ce n'est qu'en tant qu'il est démon, qu'il n'est pas créature de Dieu, mais celui qui a eu le malheur de devenir un démon, est vraiment l'oeuvre de Dieu; ainsi, disons-nous qu'un homicide n'est point l'oeuvre et la créature de Dieu, bien cependant que comme homme il soit véritablement son oeuvre.

S. Aug. (de la nature du bien, 25). Il ne faut point s'arrêter à l'opinion absurde de ceux qui prétendent qu'il faut entendre ici le rien d'un certain ordre d'êtres, parce que ce mot rien se trouve placé à la fin de la phrase; ils ne comprennent pas qu'il n'y a aucune différence entre ces deux manières de s'exprimer: «Sans lui, rien n'a été fait», ou: «Sans lui n'a été fait rien».

Orig. (Traité 2 sur S. Jean). Si l'on prend le verbe dans le sens qu'il se trouve en chacun de nous, et qu'il nous a été donné par le Verbe qui était au commencement, ou peut dire que nous ne faisons rien sans ce verbe, en prenant le mot rien dans son sens le plus simple. L'Apôtre dit: «Que sans la loi, le péché était mort, mais que le commandement étant survenu, le péché est ressuscité»; (Rm 7,8-9) car le péché n'est pas imputé, lorsque la loi n'est pas encore. Le péché n'existait pas non plus, avant que le Verbe descendît sur la terre, au témoignage de Notre-Seigneur lui-même: «Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient pas de péché (Jn 15) En effet, il ne reste aucune excuse à celui qui veut se justifier de ses fautes, alors qu'il a refusé d'obéir au Verbe qui était présent, et qui lui indiquait ce qu'il devait faire. Nous ne devons cependant ni inculper ni accuser le Verbe, pas plus qu'on ne peut accuser un maître dont les leçons ont ôté à son élève tout moyen de rejeter ses fautes sur son ignorance. Donc toutes choses ont été faites par le Verbe, non seulement les choses de la nature, mais tous les êtres privés de raison.


v. 4

12104 Jn 1,4

Ce qui a été fait était vie en lui.


Bède. L'Évangéliste vient de dire que toute créature a été faite par le Verbe; mais afin qu'on ne pût supposer dans le Verbe une volonté changeante (comme si par exemple il avait voulu faire une créature à laquelle il n'aurait jamais songé de toute éternité), il prend soin de nous enseigner que la création a eu lieu, il est vrai, dans le temps, mais que le moment et l'objet de la création ont toujours existé dans la pensée de l'éternelle sagesse, vérité qu'expriment ces paroles: «Ce qui a été fait était vie en lui».

S. Aug. (Traité 1 sur S. Jean) On peut ainsi ponctuer ce texte: «Ce qui a été fait en lui, était vie», et si nous adoptons cette ponctuation, il faut dire: Tout était vie, car qu'y a-t-il qui ne soit fait par lui? Il est la sagesse de Dieu, et nous lisons dans le Psaume 103: «Vous avez tout fait dans la sagesse». Toutes choses ont donc été faites en lui comme elles ont été faites par lui. Mais si tout ce qui a été fait en lui est vie, donc la terre est vie, donc la pierre est vie aussi. Gardons-nous de cette interprétation inconvenante qui nous serait commune avec les manichéens, et nous ferait tenir avec eux ce langage absurde, qu'une pierre, qu'une muraille ont en elles la vie. Essaie-t-on de les reprendre et de les réfuter? ils cherchent à s'appuyer sur les Écritures et nous disent: Pourquoi est-il écrit: «Ce qui a été fait en lui, était vie ?» Il faut donc préférer cette ponctuation: «Ce qui a été fait, était vie en lui». Quel est le sens de ces paroles? La terre a été faite, mais la terre qui a été faite n'est point la vie; ce qui est vie, c'est cette raison, cette pensée éternelle qui existent dans la sagesse de Dieu, et en vertu de laquelle la terre a été faite. Ainsi la vie n'est point dans un meuble quelconque, lorsqu'il est exécuté; ce meuble, ce bâtiment, si l'on veut, est vie dans son plan, parce qu'il est vivant dans la pensée, dans le dessein de l'ouvrier ou de l'architecte; de même comme la sagesse de Dieu, par laquelle toutes choses ont été faites, contient dans ses plans éternels tout ce qui se fait d'après ces plans, bien que ces choses ne soient point en elles-mêmes la vie, elles sont vivantes dans celui qui les a faites.

Orig. (hom. sur div. suj). On peut donc sans craindre d'erreur séparer ainsi les deux membres de cette phrase: «Ce qui a été fait en lui, était vie», et voici quel serait le sens: Toutes les choses qui ont été faites par lui et en lui sont vivantes et une même chose en lui. Car elles étaient, c'est-à-dire elles existaient en lui, comme dans leur cause, avant d'exister effectivement en elles-mêmes. Demandera-t-on comment toutes les choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes eu lui, et subsistent en lui d'une manière uniforme comme dans leur cause? La nature des êtres créés vous en offre des exemples. Voyez comment toutes les choses que renferme la sphère de ce monde visible subsistent comme dans leur cause et d'une manière uniforme dans le soleil, qui est le plus grand des astres; comment le nombre infini des végétaux et des fruits est contenu dans chacune des semences; comment les règles multipliées viennent se réduire à l'unité dans l'art de l'ouvrier, et sont comme vivantes dans l'esprit qui les met en ordre; comment enfin le nombre infini des lignes subsiste comme une seule unité dans un seul point. De ces différents exemples puisés dans la nature, vous pourriez vous élever comme sur les ailes de la contemplation du monde physique jusqu'aux oracles du Verbe, pour les considérer avec toute la pénétration de l'esprit, et pour voir autant que cela est donné à des intelligences créées, comment toutes les choses qui ont été faites par le Verbe sont vivantes et ont été faites en lui.

S. Hil. (de la Trin., 2). On peut encore lire et entendre ces paroles d'une autre manière. En entendant l'Évangéliste dire: «Sans lui rien n'a été fait», quelque esprit troublé pourrait dire: II y a donc quelque chose qui a été fait par un autre, et qui cependant n'a pas été fait sans lui, et si quelque chose a été fait par un autre, bien que non sans lui, toutes choses n'ont pas été faites par lui; car il y a une grande différence entre faire soi-même, et s'associer à l'opération d'un autre. L'Évangéliste expose donc que rien n'a été fait sans lui en disant: «Ce qui a été fait en lui», donc ce qui a été fait en lui n'a pas été fait sans lui. Car ce qui a été fait en lui, a été fait aussi par lui, au témoignage de l'Apôtre: «Toutes choses ont été créées par lui et en lui. (Col 1,16). C'est pour lui aussi que toutes choses ont été créées, parce que le Dieu créateur s'est soumis à une naissance temporelle; mais ici rien n'a été fait sans lui de ce qui a été fait en lui, parce que le Dieu qui voulait naître parmi nous était la vie; et celui qui était la vie, n'a pas attendu sa naissance pour devenir la vie. Rien donc de ce qui se faisait en lui, ne se faisait sans lui, parce qu'il est la vie qui produisait ces choses, et le Dieu qui a consenti à naître parmi nous, n'a pas attendu sa naissance pour exister, mais il existait aussi en naissant.

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Jean). Ou encore dans un autre sens, ne plaçons pas après ces paroles: «Sans lui rien n'a été fait», le point qui termine la phrase, comme font les hérétiques qui prétendent que l'Esprit saint a été créé, et qui lui appliquent celles qui suivent: «Ce qui a été fait en lui, était la vie». En effet, cette explication est inadmissible. D'abord ce n'était pas le moment de parler de l'Esprit saint; mais supposons qu'il soit question de l'Esprit saint, et admettons leur manière de lire le texte, leur explication n'en sera ni moins absurde ni moins inconvenante. Ils prétendent donc que ces paroles: «Ce qui a été fait en lui était la vie», s'appliquent à l'Esprit saint qui est la vie. Mais cette vie est en même temps la lumière, car nous lisons à la suite: «Et la vie était la lumière des hommes». Donc d'après ces hérétiques, c'est l'Esprit saint qui est appelé ici la lumière de tous. Mais ce que l'Évangéliste appelait plus haut le Verbe, c'est ce qu'il appelle ici Dieu, la vie et la lumière. Or, comme le Verbe s'est fait chair, ce sera donc l'Esprit saint qui se sera incarné et non le Fils. Il faut donc renoncer à cette manière de lire le texte, et adopter une lecture et une explication plus raisonnables. Or, voici comme on doit lire: «Toutes choses ont été faites par lui, et sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait», et arrêter là le sens de la phrase, puis recommencer ensuite: «En lui était la vie, comme s'il disait: «Sans lui rien n'a été fait de ce qui a été fait», c'est-à-dire de tout ce qui devait être fait. Vous voyez comment en ajoutant deux mots au premier membre de phrase, on fait disparaître toute difficulté. En effet, en disant: «Sans lui rien n'a été fait», et en ajoutant: «De ce qui a été fait», l'Évangéliste embrasse toutes les créatures visibles et invisibles, et exclut évidemment l'Esprit saint, car l'Esprit saint ne peut être compris parmi les créatures qui pouvaient être faites et appelées à la vie. Ces paroles de saint Jean ont donc pour objet la création de l'univers; il en vient ensuite à l'idée de la Providence dont il parle en ces termes: «En lui était la vie». De même que vous ne pouvez épuiser ni diminuer une de ces sources profondes qui donnent naissance aux grands fleuves et alimentent les mers, ainsi vous ne pouvez supposer la moindre altération dans le Fils unique, quelles que soient les oeuvres que vous croyiez qu'il ait faites. Ces paroles: «En lui était la vie», ne se rapportent pas seulement à la création, mais à la Providence qui conserve l'existence aux choses qui ont été créées. Gardez-vous toutefois de supposer rien de composé ou de créé dans le Fils, en entendant l'Évangéliste tous dire: «En lui était la vie», car «comme le Père a en soi la vie, ainsi a-t-il donné au Fils d'avoir la vie en soi» (Jn 5). Ne supposez donc rien de créé dans le Fils, pas plus que vous ne le supposez dans le Père.

Orig. (Traité 3 sur S. Jean). On peut donner encore cette autre explication: Il faut se rappeler que dans le Sauveur certains attributs ne sont point pour lui, mais pour les autres, et certains autres sont tout à la fois pour lui et pour les autres. Comment donc doit-on ici entendre ces paroles: «Ce qui a été fait dans le Verbe, était vie en lui ?» Signifient-elles qu'il était la vie pour lui et pour les autres, ou qu'il ne l'était que pour les autres? et s'il ne l'était que pour les autres, quels sont ces autres? Le Verbe est à la fois vie et lumière. Or, il est la lumière des hommes, il est donc aussi la vie de ceux dont il est la lumière, et ainsi lorsque l'Évangéliste dit qu'il est la vie, ce n'est point pour lui, mais pour ceux dont il est la lumière. Cette vie est inséparable du Verbe de Dieu, et elle existe par lui, aussitôt qu'elle a été faite, il faut, en effet, que la raison ou le Verbe soit comme préexistant dans l'âme pour la purifier, et lui donner une pureté exempte de tout péché, afin que la vie puisse s'introduire et se répandre dans celui qui s'est rendu capable de recevoir le Verbe de Dieu. Aussi l'Évangéliste ne dit pas que le Verbe a été fait au commencement; car on ne peut supposer de commencement où le Verbe de Dieu n'existât point, mais la vie des hommes n'était pas toujours dans le Verbe; cette vie des hommes a été faite, parce que cette vie était la lumière des hommes. En effet, avant que l'homme existât, il n'était pas la lumière des hommes, cette lumière ne pouvant se comprendre que dans ses rapports avec les hommes. C'est pourquoi saint Jean dit: «Ce qui a été fait était vie dans le Verbe», et non pas: Ce qui était dans le Verbe était vie. D'après une autre variante qui n'est pas dénuée de fondement, on lit: «Ce qui a été fait en lui, était vie». Or, si nous comprenons que la vie des hommes qui est dans le Verbe, est celle dont il a dit: «Je suis la vie», (Jn 11,14) nous en conclurons qu'aucun de ceux qui refusent de croire à Jésus-Christ n'a la vie en lui, et que tous ceux qui ne vivent pas en Dieu sont morts.

Et la vie était la lumière des hommes.


Théophyl. L'Évangéliste vient de dire: «En lui était la vie», pour éloigner de vous cette pensée, que le Verbe n'avait point la vie. Il vous enseigne maintenant qu'il est la vie spirituelle et la lumière de tous les êtres raisonnables: «Et la vie était la lumière des hommes»; comme s'il disait: Cette lumière n'est point sensible, c'est une lumière toute spirituelle qui éclaire l'âme elle-même. - S. Aug. (Traité 1 sur S. Jean). C'est cette vie qui éclaire tous les hommes; les animaux sont privés de cette lumière, parce qu'ils n'ont point d'âmes raisonnables, capables de voir la sagesse. L'homme, au contraire, qui a été fait à l'image de Dieu, est doué d'une âme raisonnable qui lui permet de comprendre la-sagesse. Ainsi cette vie qui a donné l'existence à toutes choses, est en même temps la lumière, qui éclaire non pas indistinctement tous les animaux, mais les hommes raisonnables.

Théophyl. Il ne dit pas que cette lumière éclaire seulement les Juifs, c'est la lumière de tous les hommes. Tous les hommes, en effet, par là même qu'ils reçoivent l'intelligence et la raison du Verbe qui les a créés, sont éclairés de cette divine lumière; car la raison qui nous a été donnée, et qui fait de nous des êtres raisonnables, est la lumière qui nous éclaire sur ce que nous devons faire et sur ce que nous devons éviter.

Orig. N'oublions pas de remarquer que le Verbe est la vie avant d'être la lumière des hommes; il eût été peu logique de dire qu'il éclairait ceux qui n'avaient point la vie, et de faire précéder la vie par la lumière. Mais si ces paroles: «La vie était la lumière des hommes», doivent s'entendre exclusivement des hommes, il en faudra conclure que Jésus-Christ n'est la lumière et la vie que des hommes seuls, ce qui est contraire à la foi. Lors donc qu'une chose est affirmée de quelques-uns, ce n'est pas à l'exclusion des autres. Ainsi, il est écrit de Dieu, qu'il est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob; évidemment, il n'est pas exclusivement le Dieu de ces patriarches. De ce qu'il est la lumière des hommes, il ne s'ensuit donc point qu'il ne soit pas également la lumière pour d'autres. Il en est qui s'appuient sur ces paroles: «Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance» (Gn 1,26), pour soutenir qu'il faut ici comprendre sous le nom d'hommes tous les êtres qui ont été faits à l'image et à la ressemblance de Dieu; et ainsi la lumière des hommes, c'est la lumière qui éclaire toute créature raisonnable.


v. 5

12105 Jn 1,5

Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise.


S. Aug. (Traité 1 sur S. Jean). Cette vie était donc la lumière des hommes, mais les coeurs des insensés ne peuvent comprendre cette lumière, appesantis qu'ils sont par leurs péchés qui leur dérobent la vue de cette divine lumière. Toutefois, qu'ils ne croient pas que cette lumière est loin d'eux, parce qu'ils ne peuvent la voir: «Et la lumière luit dans les ténèbres, dit l'Évangéliste, et les ténèbres ne l'ont pas comprise». Placez un aveugle devant le soleil, le soleil lui est présent, mais il est comme absent pour le soleil. Or, tout insensé est un aveugle; la sagesse est devant lui, mais comme elle est devant un aveugle, elle ne peut éclairer ses yeux, non parce qu'elle est loin de lui, mais parce qu'il est loin d'elle.

Orig. (Traité 3 sur S. Jean). Si la vie est la même chose que la lumière des hommes, aucun de ceux qui sont dans les ténèbres ne vit véritablement, comme aucun de ceux qui sont vivants n'est dans les ténèbres, car tout homme qui a la vie est dans la lumière, comme réciproquement tout homme qui est dans la lumière a la vie en lui. Or, d'après ce que nous avons dit des contraires, nous pouvons comprendre et apprécier ici les contraires dont l'Évangéliste ne parle pas. Le contraire de la vie c'est la mort, et le contraire de la lumière des hommes, ce sont les ténèbres qui couvrent leur intelligence. Donc celui qui est dans les ténèbres est aussi dans la mort, et celui qui fait des oeuvres de mort ne peut être que dans les ténèbres; celui au contraire qui fait des oeuvres de lumière, ou celui dont les oeuvres brillent devant les hommes, et qui a toujours présent le souvenir de Dieu, n'est point dans la mort, d'après cette parole du Psaume sixième: «Celui qui se souvient de vous n'est point redevable à la mort» (Ps 6). Que les ténèbres des hommes et de la mort soient telles de leur nature ou pour d'autres causes, c'est une autre question. Or, nous étions autrefois ténèbres, mais nous sommes devenus lumière en Notre-Seigneur (Ep 5), si nous sommes tant soit peu initiés à la sainteté et à la vie spirituelle. Tout homme qui a été autrefois ténèbres, l'a été comme l'apôtre saint Paul, tout en demeurant capable de devenir lumière dans le Seigneur. - (Hom. 2 sur div. suj). Ou bien encore, dans un autre sens, la lumière des hommes, c'est Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s'est manifesté lui-même dans la nature humaine à toute créature raisonnable et intelligente, et a révélé aux coeurs des fidèles les mystères de sa divinité qui le rend égal au Père; ce que saint Paul exprime en ces termes: «Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur». Dites donc: «La lumière luit dans les ténèbres», parce que le genre humain tout entier était plonge, non par nature, mais par suite du péché originel dans les ténèbres de l'ignorance qui lui dérobaient la connaissance de la vérité; or Jésus-Christ, après être né d'une Vierge, a brillé comme une vive lumière dans le coeur de tous ceux qui veulent le connaître. Il en est toutefois qui persistent à demeurer dans les ténèbres épaisses de l'impiété et de l'incrédulité, voilà pourquoi l'Évangéliste ajoute: «Et les ténèbres ne l'ont point comprise», c'est-à-dire, la lumière luit dans les ténèbres des urnes fidèles, ténèbres qu'elle dissipe en faisant naître la foi et en conduisant à l'espérance. Mais l'ignorance et la perfidie des coeurs privés de la véritable sagesse n'ont pu comprendre la lumière du Verbe de Dieu qui brillait dans une chair mortelle. Telle est l'explication morale de ces paroles; en voici le sens littéral: La nature humaine, en la supposant même exempte de péché, ne pourrait pas luire par ses propres forces, car de sa nature elle n'est pas lumière, mais capable seulement de participer à la lumière; elle peut recevoir la sagesse, mais elle n'est pas la sagesse elle-même. L'air qui nous environne ne luit point par lui-même et ne mérite que le nom de ténèbres. Ainsi notre nature, considérée en elle-même, est une certaine substance ténébreuse, capable d'être éclairée par la lumière de la sagesse. Lorsque l'atmosphère est pénétrée par les rayons du soleil, on ne peut pas dire qu'elle luit par elle-même, mais qu'elle est éclairée par la lumière du soleil; ainsi, lorsque la partie intelligente de notre nature jouit de la présence du Verbe, ce n'est point par elle-même qu'elle arrive à la connaissance de son Dieu et des autres choses intelligibles, mais par la lumière divine, qui l'éclairé de ses rayons. La lumière luit donc dans les ténèbres, parce que le Verbe de Dieu, qui est la vie et la lumière des hommes, ne cesse de répandre cette lumière dans notre nature qui, considérée en elle-même, n'est qu'une substance ténébreuse et informe, et comme la lumière par elle-même est incompréhensible à toute créature, c'est avec raison que l'Évangéliste ajoute: «Et les ténèbres ne l'ont point comprise».

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Jean). On peut encore expliquer ces paroles dans un autre sens: L'Évangéliste a voulu d'abord nous parler de la création, et il nous apprend ensuite les biens spirituels dont le Verbe nous a comblés en venant parmi nous, en disant: «Et la vie était la lumière des hommes». Il ne dit pas: Il était la lumière des Juifs, mais il était la lumière de tous les hommes sans exception; car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais les Gentils, qui sont parvenus à la connaissance du Verbe. S'il n'ajoute pas qu'il était la lumière des anges, c'est qu'il parle seulement ici de la nature humaine à laquelle le Verbe de Dieu est venu annoncer de si grands biens.

Orig. (Traité 1 sur S. Jean). On nous demande pourquoi ce n'est point le Verbe qui est appelé la lumière des hommes, mais la vie qui est dans le Verbe? Nous répondons que la vie dont il est ici question n'est pas la vie qui est commune aux créatures raisonnables, mais celle qui est unie au Verbe et qui nous est donnée par la participation à ce Verbe primitif et essentiel, pour nous faire discerner la vie apparente et sans réalité et désirer la véritable vie. Nous participons donc premièrement à la vie qui, pour quelques-uns, n'est point encore la possession actuelle de la lumière, mais la faculté de la recevoir, parce qu'ils n'ont point un désir assez vif de ce qui peut leur donner la science. Pour d'autres, au contraire, cette vie est la participation actuelle à la lumière, ce sont ceux qui, suivant le conseil de l'Apôtre, recherchent les dons les plus parfaits (1Co 12), c'est le Verbe de la sagesse qui est suivi de près par les enseignements de la science.

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Jean). Ou bien encore, la vie dont parle ici l'Évangéliste, n'est pas seulement celle que nous avons reçue par la création, mais la vie éternelle et immortelle qui nous est préparée par la providence de Dieu. Lorsque nous entrons en possession de cette vie, l'empire de la mort est à jamais détruit, et dès que cette lumière brille à nos yeux, les ténèbres disparaissent sans retour; ni la mort ne peut triompher de cette vie qui est éternelle, ni les ténèbres obscurcir cette lumière qui ne s'éteindra jamais. «Et la lumière luit dans les ténèbres». Ces ténèbres, c'est la mort et l'erreur, car la lumière sensible ne luit pas dans les ténèbres, mais elles disparaissent à son approche, tandis que la prédication de Jésus-Christ a brillé au milieu de l'erreur qui étendait son règne sur toute la terre et l'a chassée devant elle; et Jésus-Christ, par sa mort, a changé la mort en vie et a remporté sur elle un triomphe si complet, qu'il a délivré ceux qu'elle retenait captifs. C'est donc parce que cette prédication n'a pu être vaincue ni par la mort, ni par l'erreur, et qu'elle brille de toute part du plus vif éclat et par sa propre force, que l'Évangéliste ajoute: «Et les ténèbres ne l'ont point comprise».

Orig. (Traité 4 sur S. Jean). Il faut savoir que le mot ténèbres, comme le nom d'hommes, signifie deux choses spirituelles. Nous disons d'un homme qui est en possession de la lumière, qu'il fait les oeuvres de la lumière, et qu'il puise la connaissance au sein même de la lumière de la science. Tout au contraire, nous appelons ténèbres les actes coupables et la fausse science qui n'a que l'apparence de la science. Mais de même que le Père est lumière et qu'il n'y a point en lui de ténèbres (1Jn 1,5), ainsi en est-il du Sauveur. Toutefois, comme il a revêtu la ressemblance de la chair du péché (Rm 8), on peut dire sans inconvenance, qu'il y a en lui quelques ténèbres, puisqu'il a pris sur lui nos ténèbres pour les dissiper. Cette lumière, qui est devenue la vie des hommes, brille au milieu des ténèbres de nos âmes, et répand ses clartés là où le prince de ces ténèbres est en guerre avec le genre humain. (Ep 6) Les ténèbres ont persécuté cette lumière, comme le prouve ce que le Sauveur et ses disciples ont eu à souffrir dans ce combat des ténèbres contre les enfants de lumière. Mais grâce à la protection divine, ces ténèbres restent sans force, et ne peuvent s'emparer de la lumière, ou parce que la lenteur naturelle de leur marche ne leur permet pas de suivre la course rapide de la lumière, ou parce qu'elles sont mises en fuite à son approche si elles attendent son arrivée. Remarquons que les ténèbres ne sont pas toujours prises en mauvaise part, et qu'elles sont quelquefois le symbole d'une bonne chose, par exemple, dans ce passage du Psalmiste: «Il a choisi sa retraite dans les ténèbres» (Ps 12,12), c'est-à-dire, que tout ce qui a rapport à Dieu, est comme caché et incompréhensible pour l'intelligence humaine. Les ténèbres, entendues dans ce sens, conduisent à la lumière et finissent par la saisir, car ce que l'ignorance couvrait comme d'un nuage devient une lumière éclatante pour celui qui a cherché à la connaître. - S. Aug. (De la cité de Dieu, 10, 3). Un platonicien a dit que le commencement de ce saint Évangile devrait être écrit en lettres d'or et placé dans l'endroit le plus éminent de toutes les Eglises. - Bède. En effet, les autres Évangélistes racontent la naissance temporelle du Christ; saint Jean nous affirme qu'il était au commencement. Les autres le font descendre aussitôt du haut du ciel parmi les hommes; saint Jean déclare qu'il a toujours été avec Dieu: «Et le Verbe était avec Dieu». Les trois premiers évangélistes décrivent sa vie mortelle au milieu des hommes; saint Jean nous le présente comme Dieu étant avec Dieu au commencement: «Il était au commencement avec Dieu». Les trois autres racontent les grandes choses qu'il a faites comme homme; saint Jean nous enseigne que Dieu le Père a fait toutes choses par lui: «Toutes choses ont été faites par lui, et rien n'a été fait sans lui».



Catena Aurea 12102