Catéchisme C. Trente 2608

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§ VIII. - DEGRÉS eT FONCTIONS DU SACERDOCE

Les Fonctions du Prêtre sont d'offrir à Dieu le St Sacrifice de la Messe et d'administrer les Sacrements de l'Eglise. C'est ce qu'il est facile de voir par les Cérémonies mêmes de son Ordination.

D'abord, lorsque l'Evêque ordonne un Prêtre, il lui impose les mains, ainsi que tous les autres prêtres qui sont présents à la Cérémonie.

Ensuite il lui met sur les épaules une étole qu'il ramène et dispose sur sa poitrine en forme de croix pour lui faire entendre qu'il est revêtu de la Fonce d'en haut avec laquelle il pourra porter la Croix de Jésus-Christ et le joug, plein de douceur, de la Loi divine, et aussi enseigner cette Loi non seulement par ses paroles mais encore par l'exemple d'une vie très sainte et très pure.

Après cela, il fait sur ses mains l'Onction de l'Huile sainte ; puis il lui remet le Calice avec du vin et la patène avec une hostie, en disant: " recevez le pouvoir d'offrir à Dieu le Sacrifice, et de célébrer la Messe tant pour les vivants que pour les morts. " Ces cérémonies et ces paroles font du Prêtre l'interprète et le médiateur entre Dieu et les hommes: ce qui est sa principale Fonction.

Enfin l'Evêque impose une seconde fois les mains sur sa tête, en lui disant: " Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous tes retiendrez. " C'est par là qu'il lui communique le pouvoir divin de remettre et de retenir les péchés que Notre-Seigneur donna à ses Apôtres.

Telles sont les Fonctions propres et les principaux apanages de l'ordre sacerdotal. Cet Ordre est un en lui-même. toutefois cette unité n'exclut pas différents degrés de dignité et de puissance.

Le premier de ces degrés est celui de la Prêtrise proprement dite. Nous venons d'en parler.

Le second est celui de l'Episcopat. Les Evêques sont placés à la tête des Diocèses, pour gouverner non seulement les autres Ministres de l'Eglise, mais encore le peuple fidèle et pour s'occuper de leur salut avec une vigilance et un soin extrêmes. C'est ce qui les a fait appeler souvent dans l'Ecriture les Pasteurs des brebis ; et Saint Paul a tracé leurs devoirs et leurs fonctions dans ce discours qu'il adressa aux Ephésiens, et que nous lisons dans les Actes des Apôtres. [844]

[844] Ac 20,28.

Saint Pierre a donné aussi lui-même une règle toute divine pour l'exercice du ministère épiscopal, et si les Evêques s'étudient à y conformer leur conduite, il est impossible qu'ils ne soient pas de bons Pasteurs, et qu'ils ne passent pour tels.

Les Evêques s'appellent encore Pontifes. Ce nom vient des païens. C'est ainsi qu'ils nommaient les premiers de leurs prêtres.

Le troisième degré est celui des Archevêques. Ils sont à la tête d'un certain nombre d'Evêques. Ils portent aussi le nom de Métropolitains, parce que les villes dont ils sont Evêques sont considérées comme les mères de la province. Leur dignité est plus élevée et leur puissance plus étendue que celle des Evêques, quoique leur Ordination soit absolument la même.

En quatrième lieu viennent les Patriarches, c'est-à-dire les premiers et les plus élevés des Pères. Autrefois, en dehors du Pontife de Rome, on ne comptait que quatre Patriarches dans l'Eglise universelle. Mais ils n'étaient pas tous égaux en dignité. Celui de Constantinople, bien qu'il n'eût obtenu cet honneur qu'après tous les autres, avait le premier rang, à cause de la majesté de la Capitale de l'empire. Le second était celui d'Alexandrie dont l'Eglise avait été fondée par S: Marc l'Evangéliste, et sur l'ordre du prince des Apôtres. Le troisième était celui d'Antioche où Saint Pierre avait établi son premier siège. Enfin le quatrième était celui de Jérusalem, dont l'Eglise avait été gouvernée d'abord par Saint Jacques, frère du Seigneur.

Mais au-dessus de tous, l'Eglise catholique a toujours placé le Pontife Romain, que Saint Cyrille d'Alexandrie, au concile d'Ephèse, appelait le Père et le Patriarche de tout l'univers. En effet, il est assis sur le siège de Saint Pierre, sur lequel il est certain que le prince des Apôtres demeura jusqu'à la fin de sa vie. Et c'est pour cette raison que l'Eglise reconnaît en lui la Primauté d'honneur et l'universalité de Juridiction qu'il tient, non des décrets des Conciles, ou d'autres constitutions humaines, mais de Dieu Lui-même. Il est le Père et le Guide de tous les Fidèles, de tous les Evêques et de tous les autres Prélats, quelles que soient leurs dignités et leurs fonctions. Et en cette qualité, comme successeur de Saint Pierre, comme Vicaire légitime et véritable de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il gouverne l'Eglise tout entière.

Les Pasteurs se serviront de cet exposé. pour enseigner aux Fidèles quels sont les principaux devoirs et les principales attributions des différents Ordres ecclésiastiques. Et aussi quel en est le véritable Ministre.

Ce Ministre, c'est l'Evêque. Car il est certain qu'il n'appartient qu'à lui de conférer les saints Ordres. On le prouve de la manière la plus facile et la plus incontestable par l'autorité de la sainte Ecriture, par la tradition, par les saints Pères, par les décisions des Conciles, et par l'usage et la coutume de l'Eglise. Il est vrai que certains Abbés dans leurs monastères, ont été autorisés parfois à conférer les ordres mineurs, à l'exclusion des Ordres sacrés. Mais cette Fonction n'en est pas moins réservée absolument à l'Evêque, qui d'ailleurs peut seul conférer les Ordres majeurs ou sacrés. Pour ordonner les Sous-Diacres, les Diacres et les Prêtres, un seul Evêque suffit ; mais pour consacrer les Evêques, une tradition apostolique, qui s'est toujours maintenue dans l'Eglise, veut qu'il y en ait trois.



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§ IX. - DES DISPOSITIONS nÉCESSAIRES POUR LES ORDRES.

Il nous reste maintenant à parler de ceux qui sont aptes à recevoir le sacrement de l'Ordre et spécialement la Prêtrise, ainsi que des dispositions que l'on doit exiger d'eux. Ce que nous dirons de ces dispositions suffira pour faire aisément concevoir celles que demandent les autres Ordres, chacun suivant son rang et sa dignité. Or, ce qui nous montre combien il faut prendre de précautions pour administrer l'Ordination, c'est que tous les autres Sacrements donnent à ceux qui les reçoivent des Grâces de sanctification et d'utilité personnelles, tandis que ceux qui sont initiés aux Ordres sacrés participent à la Grâce céleste pour que leur ministère profite au salut de l'Eglise et de tous les hommes.

C'est pour cela qu'il y a eu de tout temps dans l'Eglise des jours spécialement marqués pour les Ordinations, et même selon un antique usage, des jeûnes solennels attachés à ces jours-là. On a voulu porter les Fidèles à demander à Dieu, par de saintes et ferventes prières, des Ministres sacrés capables d'exercer dignement, et pour le bien de l'Eglise, la puissance que donne un ministère aussi sublime.

La première qualité requise dans celui qui aspire au Sacerdoce, c'est la pureté de vie et de moeurs. En effet celui qui se ferait ou seulement se laisserait ordonner dans l'état de péché mortel, se rendrait coupable d'un crime nouveau et très grave. Mais de plus le Prêtre est obligé de donner aux autres l'exemple d'une vie vertueuse et innocente. Les Pasteurs auront donc soin de faire connaître les règles que Saint Paul prescrivait à cet égard à Tite et à Timothée. Ils enseigneront en même temps que les défauts corporels qui excluaient du service des Autels d'après les prescriptions du Seigneur dans la Loi ancienne doivent s'entendre des vices de l'âme dans la Loi Evangélique. C'est pourquoi cette sainte coutume s'est établie dans l'Eglise de n'admettre aux Ordres sacrés que ceux qui auparavant purifient soigneusement leur conscience dans le sacrement de Pénitence.

En second lieu le Prêtre est obligé non seulement de connaître ce qui regarde l'usage et l'administration des Sacrements, mais encore d'être assez versé dans la science des saintes Ecritures, pour pouvoir apprendre au peuple les Mystères de la Foi chrétienne avec les préceptes de la Loi divine, l'exhorter à la Piété et à la Vertu, le retirer et l'éloigner du vice. Car le Prêtre a deux grands devoirs à remplir: l'un de produire et d'administrer les sacrements, l'autre d'enseigner aux Fidèles confiés à sa garde les choses et les règles de conduite nécessaires au salut. Ainsi le demande le Prophète Malachie: [845]" Les lèvres du Prêtre, dit-il, seront dépositaires de la science ; c'est de sa bouche qu'on attendra l'explication de la Loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. "

[845] Ml 2,7.

Pour remplir le premier de ces devoirs, il n'est pas besoin, il est vrai, d'une science extraordinaire, mais d'autre part une science commune ne suffit point pour s'acquitter convenablement du second. Cependant on ne demande pas également à tous les Prêtres de savoir le dernier mot sur les points les plus obscurs. C'est assez que chacun connaisse ce qui est indispensable pour l'exercice de sa charge et de son ministère. On ne doit point conférer les saints Ordres aux enfants, ni aux frénétiques, ni aux insensés, parce qu'ils sont tous privés de l'usage de la raison. Néanmoins s'ils venaient à les recevoir, ils en recevraient aussi le caractère, qui demeurerait imprimé en eux.

Quant à l'âge précis qu'il faut avoir pour s'approcher de chacun de ces Ordres, nous renvoyons aux décrets du saint Concile de Trente.

On n'ordonne pas davantage les esclaves, car on ne peut vouer au service divin ceux qui ne s'appartiennent pas, et qui sont en puissance d'un autre ; ni les homicides et les hommes de sang, la Loi de l'Eglise les repousse et les déclare irréguliers ; ni ceux dont les parents n'ont pas été mariés selon les lois de l'Eglise ; il convient que ceux qui sont attachés au service divin n'aient rien en eux qui puisse les exposer d'une manière quelconque à la déconsidération et au mépris publics.

Enfin on n'ordonne pas non plus les estropiés, ni ceux qui ont quelque difformité corporelle considérable. Une laideur et une infirmité de cette nature, ont, l'une, quelque chose de choquant, et l'autre, quelque chose de gênant dans l'administration des Sacrements.



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§ X. - DES eFFETS DE L'ORDRE.

Ces explications données, les Pasteurs n'ont plus qu'à faire connaître les effets de ce Sacrement. Or il est certain que l'Ordre, quoique destiné directement, comme nous l'avons dit, au bien et à l'avantage de l'Eglise, produit néanmoins dans l'âme de celui qui le reçoit, la Grâce de la sanctification qui le rend propre et habile à remplir ses Fonctions et à administrer les Sacrements d'une manière convenable, de même que la grâce du Baptême rend propre à recevoir tous les autres Sacrements.

Il est encore une autre Grâce que l'Ordre confère, c'est une puissance particulière par rapport au très saint sacrement de l'Eucharistie ; puissance pleine et parfaite dans le Prêtre, parce qu'il peut seul consacrer le Corps et le Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais plus ou moins grande dans les Ordres inférieurs, selon que leur ministère les rapproche plus ou moins du sacrement de l'Autel. C'est

cette grâce que l'on appelle caractère spirituel, parce qu'elle est comme une marque imprimée dans l'âme de ceux qui ont été ordonnés, qui sert à les distinguer des simples Fidèles, et qui les consacre au service divin. C'est cette Grâce que l'Apôtre avait sans doute en vue, quand il écrivait à Timothée [846]: " Ne négligez pas la Grâce qui est en vous, qui vous a été donnée suivant une révélation prophétique, avec l'imposition des mains des Prêtres ; " et encore [847]: " Je vous avertis de ressusciter la Grâce de Dieu qui est en vous par l'imposition de mes mains. "

Nous en avons assez dit sur le sacrement de l'Ordre, ne voulant présenter ici que les points principaux de la doctrine qui s'y rapporte, et fournir aux Pasteurs un moyen d'instruire les Fidèles à cet égard, en les formant à la Piété chrétienne.

[846] 1Tm 4,14.
[847] .


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Chapitre vingt-septième - Du sacrement de Mariage

S'il est vrai que les Pasteurs ne doivent se proposer que le bonheur et la perfection des Fidèles, leur voeu le plus ardent pour eux devrait être celui de l'Apôtre écrivant aux Corinthiens [848]: " Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi, " c'est-à-dire, je voudrais les voir vivre toujours chastes. Il n'y a pas en effet de bonheur plus grand en ce monde que d'avoir l'âme tranquille, dégagée des soins et des soucis de ce monde, en paix du côté de la concupiscence et des convoitises coupables, uniquement occupée de la piété et de la méditation des choses du ciel.

Mais, dit le même Apôtre [849]: " Chacun a reçu de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, et l'autre d'une autre. " D'ailleurs le Mariage possède des grâces et des biens tout célestes ; il est devenu l'un des sept Sacrements de l'Eglise catholique ; Notre-Seigneur voulut bien un jour honorer de sa présence la solennité des noces. tous ces motifs nous prouvent suffisamment que les Pasteurs doivent instruire les Fidèles sur cette matière, surtout en voyant Saint Paul et le Prince des Apôtres consigner avec le plus grand soin dans plusieurs passages de leurs écrits ce qui a rapport non seulement à la dignité mais encore aux devoirs du Mariage. Inspirés tous deux par le Saint-Esprit, ils comprenaient très bien les immenses avantages qui rejailliraient sur la société chrétienne, si les Fidèles connaissaient et conservaient sans tache la sainteté de cet état, comme aussi ils pouvaient prévoir combien l'ignorance et les fautes, à cet égard, seraient funestes à l'Eglise, et attireraient sur elle les plus grandes calamités.

[848] 1Co 7,7.
[849] 1Co 7,7 ibid.


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§ I. - QU'EST-CE QUE LE MARIAGE

Parlons d'abord de la nature et des propriétés du Mariage. Le vice se cache souvent sous les dehors de la vertu, et il est à craindre que les Fidèles trompés par une fausse apparence de Mariage, ne vivent dans le péché en suivant l'entraînement de leurs caprices. Mais pour donner ces explications il faut voir d'abord ce que signifie ce mot de Mariage.

Le Mariage s'appelle en latin matrimonium, du mot mater, mère, parce que la femme se marie surtout pour devenir mère, ou bien de ces deux mots: matris munus, fonction de la mère, parce que en raison de la maternité elle doit supporter les plus lourdes charges que lui imposent les enfants.

On l'appelle aussi conjugium, union conjugale, d'un mot latin qui veut dire: placer sous le joug, parce que le même joug lie entre eux la femme et le mari légitimes.

Enfin on le nomme encore nuptiae, noces, qui signifie voiler, soit parce que les jeunes filles en se mariant se voilaient par modestie, comme dit Saint Ambroise ; soit pour marquer par là l'obéissance et la soumission que la femme doit au mari.

Voici maintenant la définition ordinaire que les Théologiens nous en donnent: le Mariage est l'union conjugale de l'homme et de la femme, contractée selon les Lois de l'Eglise, et constituant une communauté de vie inséparable.

Pour bien comprendre toutes les parties de cette définition, il faut remarquer que si, dans un Mariage parfait, on trouve tout d'abord le consentement intérieur des personnes, puis un pacte, ou convention extérieure exprimée par des paroles, ensuite l'obligation et le lien qui naît de la convention, et enfin les rapports des Epoux qui achèvent le Mariage, rien de tout cela cependant n'en renferme la nature et l'essence, excepté cette obligation, ce lien qui est indiqué dans le mot d'union.

On ajoute le mot conjugale, parce que les autres contrats ou conventions pour lesquels l'homme et la femme s'obligent à se prêter un mutuel secours, par argent, ou autrement, n'ont rien de commun avec le Mariage.

Ces mots qui viennent ensuite, contractée suivant les lois, ou bien, entre personnes légitimes, nous montrent qu'il est des personnes à qui les lois interdisent absolument le Mariage, et par conséquent qui ne peuvent contracter validement cette sorte d'union ; et celle qu'elles tenteraient serait nulle. Ainsi par exemple le Mariage ne peut être contracté légitimement ni validement entre personnes parentes au quatrième degré, ni entre celles qui n'auraient point l'âge fixé par les lois [850] qui régissent la matière et que l'on doit toujours observer fidèlement.

[850] Il s'agit ici uniquement des Lois de l'Eglise.

Enfin nous avons dit que le Mariage oblige l'homme et la femme à vivre dans une communauté inséparable, parce que le lien qu'il établit entre eux est absolument indissoluble.

D'où il suit nécessairement que l'essence même du Mariage est dans ce lien dont nous parlons. Et si quelques théologiens, et non des moindres, semblent la faire consister dans le consentement, lorsqu'ils disent que l'union conjugale, c'est le consentement de l'homme et de la femme, cela doit s'entendre en ce sens que c'est le consentement qui est la cause efficiente du Mariage. Ainsi l'ont enseigné les Pères du Concile de Florence. Et en effet il n'y a ni obligation, ni lien possibles sans consentement, et sans pacte.

Mais il est essentiel que le consentement soit exprimé par des paroles qui marquent un temps présent. Le Mariage n'est pas une simple donation, c'est un pacte mutuel, par conséquent le consentement d'un seul ne saurait suffire pour le former, il faut le consentement des deus parties. Or il est clair que la parole est nécessaire pour manifester le consentement réciproque des coeurs.

Si le mariage pouvait exister avec un consentement purement intérieur, et sans aucun signe sensible, il s'en suivrait par exemple, que si deux personnes habitant des pays très éloignés et très différents, venaient à avoir la volonté de s'épouser, il y aurait réellement Mariage entre eux dès ce moment, et Mariage réel et solide, avant même de s'être fait connaître réciproquement leur volonté, par lettre ou autrement. Ce qui est contraire à la raison, à la coutume et aux ordonnances de l'Eglise.

Mais de plus il est nécessaire que le consentement mutuel se donne en des termes qui indiquent le présent. Des paroles qui marqueraient le futur promettraient simplement le Mariage, mais ne le formeraient point. D'ailleurs ce qui est à venir, n'existe pas encore ; et ce qui n'est pas encore doit être considéré comme ayant peu ou point de consistance et de stabilité. C'est pourquoi celui qui a seulement promis d'épouser une femme, n'a point encore acquis à son égard les droits du Mariage, puisque ce qu'il a promis n'est pas exécuté: Cependant il doit tenir sa parole, autrement il commettrait le crime de parjure.

Quant à celui que le pacte du Mariage a une fois uni à une autre, il ne peut plus dans la suite ni changer, ni invalider, ni annuler cette alliance, quand même il se repentirait de l'avoir contractée. L'obligation du Mariage n'est donc point une simple promesse ; c'est une cession véritable que l'homme et la femme se font mutuellement d'eux-mêmes ; et par conséquent elle doit être nécessairement formulée par des paroles qui indiquent le présent ; paroles dont l'effet subsiste ensuite d'une manière permanente, puisqu'elles tiennent l'Epoux et l'Epouse enchaînés dans un indissoluble lien. Cependant ces paroles peuvent être remplacées par des signes et des mouvements, qui exprimeraient clairement le consentement intérieur. Le silence même suffirait, si, par exemple, une jeune fille ne répondait point par modestie, et si ses parents parlaient pour elle en sa présence.

Les Pasteurs enseigneront donc aux Fidèles, d'après ce que nous venons de dire, que le Mariage consiste essentiellement dans l'obligation ou lien qui unit les Epoux ; que le consentement, exprimé comme nous l'avons dit, suffit pour produire un véritable Mariage, et qu'il n'est point nécessaire pour cela que le Mariage soit effectif. Avant leur péché, nos premiers parents étaient certainement unis par un mariage réel, et cependant ce Mariage n'avait point reçu son achèvement. C'est l'enseignement formel des Saints Pères. Aussi n'hésitent-ils pas à dire que le Mariage consiste non dans l'usage mais dans le consentement. Ainsi le répète entre autres Saint Ambroise dans son Livre des Vierges.

Après ces explications il faudra faire remarquer que le Mariage a un double caractère: on peut le considérer comme une union naturelle, (car ce n'est pas une invention des hommes, mais une institution de la nature), ou bien comme un Sacrement, dont la vertu est supérieure aux choses purement naturelles. Et comme la grâce perfectionne la nature, et que, au témoignage de l'Apôtre " le spirituel ne précède point ce qui est animal, mais qu'il ne vient qu'après ", l'ordre logique demande que nous traitions d'abord du Mariage, en tant qu'il est fondé sur la nature et qu'il produit des obligations naturelles. Nous exposerons ensuite ce qu'il est comme Sacrement.



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§ II. - DU MARIAGE CONSIDÉRÉ PAR RAPPORT A LA nATURE.

Les Fidèles doivent savoir tout d'abord que le Mariage a été institué par Dieu. En effet nous lisons dans la Genèse: [851] " Dieu créa l'homme et la femme. Il les bénit et leur dit: croissez et multipliez. Et encore: Il n'est pas bon que l'homme soit seul: faisons-lui un aide qui lui ressemble. Puis un peu plus loin: Il ne se trouvait point pour Adam d'aide qui fut semblable à lui. Le Seigneur lui envoya un doux sommeil, et pendant qu'il dormait Il lui tira une côte, et mit de la chair à la place, et de la côte qu'Il venait d'enlever à Adam Il forma la femme qu'Il lui présenta, et Adam, la voyant, s'écria: c'est l'os de mes os et la chair de ma chair. Elle sera appelée d'un nom pris de l'homme parce qu'elle a été tirée de l'homme. C'est pourquoi l'homme abandonnera son père et sa mère, et il s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une même chair. "

Ces paroles, selon le témoignage même de notre Sauveur dans Saint Matthieu [852], prouvent que Dieu Lui-même est l'Auteur du Mariage. Et non seulement Dieu est l'Auteur du Mariage, mais encore, comme l'enseigne le Concile de Trente [853], Il a voulu que cette union eût un lien perpétuel et indissoluble. " Ce que Dieu a joint, dit le Sauveur Lui-même [854], que l'homme ne le sépare point ! " Bien que l'indissolubilité convienne parfaitement au Mariage comme oeuvre de la nature, c'est surtout à son titre de Sacrement qu'il la doit. C'est ce même titre qui élève à leur haute perfection toutes ses propriétés naturelles. toutefois, l'éducation des enfants et les autres fins du Mariage répugnent à la dissolution du lien qui le constitue.

Quant à ces paroles du Seigneur: " Croissez et multipliez ", elles ont pour but de faire connaître la cause de l'institution du Mariage, et non d'en imposer l'obligation à tout le monde. Le genre humain étant multiplié comme il l'est, non seulement personne n'est tenu par aucune loi à se marier, mais encore la virginité est hautement célébrée et conseillée dans nos Saints Livres, comme supérieure à l'état du Mariage, c'est-à-dire plus parfaite et plus sainte. Ainsi l'a enseigné Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même par ces paroles: [855] " Que celui qui peut comprendre, comprenne. " Et Saint Paul a dit après Lui: [856] " Je n'ai point reçu de commandement du Seigneur relativement aux vierges ; mais voici le conseil que je donne, comme ayant reçu de Dieu la grâce d'être son fidèle Ministre. "

[851] Gn 1,27 Gn 2,18 et seq.
[852] Mt 19,6.
[853] Sess.,24.
[854] Mt 19,6.
[855] Mt 19,12.
[856] 1Co 7,25.


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§ III. - DES MOTIFS eT DES FINS DU MARIAGE.

Nous avons maintenant à exposer les motifs qui doivent déterminer l'homme et la femme à se marier.

Le premier, c'est l'instinct naturel, qui porte les deux sexes à s'unir, dans l'espoir de s'aider mutuellement, et de trouver dans cette réciprocité de secours plus de forces pour supporter les incommodités de la vie et les infirmités de la vieillesse.

Le second est le désir d'avoir des enfants, moins il est vrai pour laisser des héritiers de ses biens et de ses richesses, que pour donner à Dieu des serviteurs croyants

et fidèles. telle était, avant tout, l'intention des saints Patriarches de l'ancienne Loi, lorsqu'ils prenaient des épouses. Nos Saints Livres ne nous laissent aucun doute sur ce point. Et c'est pourquoi l'Ange Raphaël, apprenant à Tobie le moyen de se défendre contre les violences du démon, lui disait: [857] " Je vous montrerai qui sont ceux sur qui le démon a de la puissance. Ce sont ceux qui entrent dans le mariage, sans penser à Dieu et à son amour, uniquement pour satisfaire leurs passions, comme des animaux sans raison. Le démon est tout puissant contre eux. " - Puis l'Ange ajoutait: " mais vous, vous prendrez cette jeune fille avec la crainte du Seigneur, dans le désir d'avoir des enfants, et non de satisfaire vos passions, afin que vous obteniez dans vos enfants la bénédiction promise à la race d'Abraham. "

Et c'est là, en effet, la fin véritable pour laquelle Dieu institua le Mariage au commencement. Aussi ceux-là commettent une faute très grave qui s'opposent volontairement à cette fin du mariage ; elle a été voulue et ordonnée par Dieu qui unit inséparablement les droits et les devoirs.

A ces deux premiers motifs un troisième est venu s'adjoindre depuis le péché du premier homme, après qu'il eut perdu l'innocence dans laquelle il avait été créé, et que la concupiscence eut commencé à se révolter contre la droite raison. Dès lors celui qui a conscience de sa faiblesse, et qui ne veut point combattre les révoltes de la chair, doit trouver dans le mariage un secours pour son salut. Et c'est ce qui a fait dire à l'Apôtre [858]: " dans la crainte du péché, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari. " Puis après avoir dit " qu'il est bon de ne pas toujours user de tous ses droits afin de vaquer plus librement au devoir de la prière ", il ajoute encore " que les Epoux ne doivent pas cesser dans leur vie commune de se prêter un mutuel appui contre les tentations et la faiblesse d'ici-bas. "

[857] Tb 6,16.
[858] 1Co 7,2.

Voilà donc les motifs qui doivent, l'un ou l'autre, déterminer ceux qui veulent contracter Mariage d'une manière sainte et pieuse, comme il convient aux enfants des Saints. Mais si quelques-uns étaient portés par d'autres causes à se marier, et si dans le choix d'une épouse ils avaient principalement en vue l'espérance de laisser des héritiers, ou encore les richesses, la beauté, l'éclat de la naissance, la ressemblance des caractères. de tels motifs ne seraient point blâmables pour cela, parce qu'ils ne sont pas contraires à la sainteté du Mariage. Ainsi la Sainte Ecriture ne nous dit pas que le patriarche Jacob ait été coupable pour avoir préféré Rachel à Lia, à cause de sa beauté.



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§ IV. - DU SACREMENT DE MARIAGE.

Après avoir expliqué ce qui regarde le Mariage considéré comme union naturelle, il faut l'étudier maintenant comme Sacrement, et montrer que sous ce rapport il est beaucoup plus excellent, et qu'il tend à une fin beaucoup plus élevée. Le but du mariage, en tant qu'union naturelle, c'est la propagation de la race humaine. Dieu l'avait ainsi voulu dès le commencement ; mais ensuite, le Mariage a été élevé à la dignité de Sacrement, afin qu'il en sortit un peuple engendré et formé pour le culte et la religion du vrai Dieu et de Jésus-Christ notre Sauveur. Aussi cette union sainte de l'homme et de la femme est-elle donnée par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même comme le signe visible de cette union si étroite qui existe entre Lui et son Eglise, et de l'immense Charité qu'Il a pour nous. C'est ainsi qu'il a symbolisé la divinité d'un si grand mystère. Et en effet ce choix était de toute convenance, puisque de tous les liens qui enchaînent les hommes entre eux. Et qui les rapprochent les uns des autres, il n'en est pas de plus étroit que le Mariage ; l'Epoux et l'épouse sont attachés l'un à l'autre par la charité et la bonté la plus grande. Voilà pourquoi nos Saints Livres nous représentent si souvent l'Union divine de Jésus-Christ avec son Eglise sous l'image de noces ou Mariage.

Maintenant, que le Mariage soit un Sacrement, l'Eglise, appuyée sur l'autorité de l'Apôtre, l'a toujours tenu pour certain et incontestable. Voici en effet ce que Saint Paul écrivait aux Ephésiens: [859] " Les maris doivent aimer leurs épouses comme leurs propres corps. Celui qui aime son épouse, s'aime lui-même. Car personne ne hait sa propre chair, mais il la nourrit et l'entretient, comme Jésus-Christ fait pour son Eglise, parce que nous sommes les membres de son corps, formés de sa Chair et de ses os. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et il s'attachera à son épouse ; et ils seront deux dans une même chair. Ce Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l'Eglise. " Or ces mots: ce Sacrement est grand se rapportent à coup sûr au Mariage ; puisque l'union de l'homme et de la femme dont Dieu est l'Auteur, est précisément le Sacrement, c'est-à-dire le signe sacré de cet autre lien si saint qui unit Jésus-Christ à son Eglise. Et tous les anciens Pères qui ont interprété ce passage démontrent que c'est là son sens propre et véritable. Et le Saint Concile de Trente l'explique de la même manière. Il est donc certain que l'Apôtre compare " l'homme à Jésus-Christ ", et la femme à l'Eglise ; que l'homme est le chef de la femme, comme Jésus-Christ est le Chef de l'Eglise ; que pour cette raison l'homme doit aimer sa femme, et la femme aimer et respecter son mari car " Jésus-Christ, dit l'Apôtre, a aimé son Eglise, et Il s'est livré pour elle: " et l'Eglise à son tour, selon la doctrine du même Apôtre, est soumise à Jésus-Christ. De plus ce Sacrement signifie et produit la grâce ; deux propriétés qui constituent, à proprement parler, l'essence même du Sacrement. C'est ce que nous enseignent ces paroles du Concile de Trente: [860] " Jésus-Christ Lui-même, Auteur et Instituteur des Sacrements, nous a mérité, par sa Passion, la grâce propre à perfectionner l'amour naturel des Epoux, à affermir l'union indissoluble qui existe entre eux, et à les sanctifier. " Il faut donc enseigner que l'effet de la grâce produite par ce Sacrement, c'est de fixer et d'arrêter dans les douceurs d'un bonheur tranquille la tendresse mutuelle et l'amour réciproque des deux Epoux, de maintenir leur coeur et de le préserver de toute affection déréglée, afin " qu'en toutes choses le Mariage soit honorable, et le foyer toujours digne [861]. "

Il est aisé de juger maintenant combien le Mariage chrétien l'emporte sur ces unions qui se faisaient, soit avant, soit après la Loi de Moise. Sans doute les Gentils étaient convaincus qu'il y avait quelque chose de divin dans le Mariage, aussi réprouvaient-ils comme contraires à la nature les unions qui avaient lieu hors du mariage, et même ils jugeaient dignes de châtiment l'adultère, la violence et les autres genres de libertinage, mais néanmoins le Mariage n'eut jamais chez eux le caractère du Sacrement.

Les Juifs, il est vrai, observaient les lois du Mariage avec un respect vraiment religieux, et il n'est pas douteux que leurs alliances eussent un degré de sainteté beaucoup plus élevé. Comme ils avaient reçu de Dieu la promesse [862] " qu'un jour toutes les nations seraient bénies dans la race d'Abraham ", ils considéraient avec raison comme un devoir de haute piété d'avoir des enfants et de contribuer à l'accroissement du peuple choisi d'où Jésus-Christ notre Sauveur, dans sa nature humaine, devait tirer son origine. Mais ces unions-là même ne renfermaient point la véritable essence du Sacrement,

Il faut joindre à cela que, sous la Loi de nature, après le péché de nos premiers parents, soit même sous la loi de Moïse, le Mariage avait singulièrement dégénéré de sa première Sainteté et de sa pureté originelle. Ainsi sous la Loi de nature, nous voyons que beaucoup de Patriarches avaient plusieurs femmes à la fois ; et sous la Loi de Moïse il était permis de répudier une femme pour certaines raisons, en lui délivrant un billet de divorce. Mais la Loi Evangélique a supprimé cette double liberté, et a ramené ainsi le Mariage à son premier état. Ce n'est pas qu'on puisse blâmer ces anciens Patriarches d'avoir eu plusieurs femmes, car ils n'avaient agi ainsi qu'avec la permission divine. Mais Jésus-Christ a montré clairement que la polygamie est contraire à la nature même du Mariage, quand il a dit: " L'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à son épouse, et ils seront deux ne faisant qu'un. "Ainsi, ajoute-t-il, " ils ne sont plus deux, mais un seul [863]. "

Ces paroles font voir évidemment que Dieu a institué le Mariage pour en faire l'union de deux personnes, et non davantage. D'ailleurs Notre-Seigneur Jésus-Christ l'enseigne très nettement dans ce même passage de Saint Matthieu: [864] " Quiconque renvoie sa femme, et en épouse une autre, commet un adultère ; et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, c'est une adultère. " Car s'il était permis à l'homme d'avoir plusieurs femmes, on ne voit pas pour quelle raison il serait moins adultère en épousant une autre femme avec celle qu'il aurait déjà, que s'il en prenait une seconde après avoir renvoyé la première. C'est pour cela que si un infidèle, qui d'après les moeurs et les usages de son pays a épousé plusieurs femmes, vient à se convertir à la vraie Religion, l'Eglise lui ordonne de les renvoyer toutes, à l'exception de celle qu'il a eue la première, et elle veut qu'il tienne celle-ci pour sa véritable et légitime épouse..

Le même témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ prouve également qu'aucun divorce ne saurait rompre le lien du Mariage. Car si le divorce affranchissait la femme de la Loi qui l'attache à son mari, elle pourrait sans adultère se marier à un autre. Or, notre Seigneur dit positivement que [865] " quiconque renvoie sa femme et en prend une autre, commet un adultère. " Il est donc évident que la mort seule peut briser le lien du Mariage. C'est ce que l'Apôtre vient confirmer quand il dit: [866] " La femme est enchaînée à la Loi, tant que son mari est vivant ; s'il vient à mourir, elle est affranchie, elle peut alors se marier à qui elle veut, pourvu que ce soit selon le Seigneur. " Et encore: " Quant à ceux qui sont mariés, j'ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que l'épouse ne se sépare point de son mari ; si elle en est séparée, il faut qu'elle reste sans mari, ou qu'elle se réconcilie avec le premier. " L'Apôtre laisse donc à la femme qui a quitté son mari, pour une cause légitime, cette alternative, ou de vivre comme n'étant point mariée, ou de se réconcilier avec lui. On dit: pour une cause légitime, car la sainte Eglise ne permet point à l'homme et à la femme de se séparer sans les plus graves motifs.

Et pour que personne ne trouve trop dure cette Loi qui rend le Mariage absolument indissoluble, il faut montrer maintenant quels en sont les avantages.

[859] Ep 5,28 et seq.
[860] Sess.,24.
[861] He 13,4.
[862] Gn 12,3 Gn 22,18.
[863] Mt 19,6.
[864] Mt 19,9.
[865] Mt 19,8.
[866] 1Co 7,39 Lc 16,18.



Catéchisme C. Trente 2608