Catéchisme C. Trente 2705

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§ V. - DES AVANTAGES eT DES BIENS DU MARIAGE.

Le premier c'est de faire comprendre aux Fidèles que dans un Mariage à conclure on doit considérer la vertu et la conformité de moeurs, plutôt que les richesses et la beauté: Rien n'est plus propre évidemment à entretenir la bonne harmonie entre le mari et la femme.

D'ailleurs si le Mariage pouvait se dissoudre par le divorce, les Epoux ne manqueraient presque jamais de raisons pour se séparer. L'antique ennemi de la paix et de la vertu leur en fournirait tous les jours de nouvelles. Mais quand ils viennent à réfléchir que même en cessant la vie commune, et tous les rapports de l'union conjugale, ils n'en restent pas moins enchaînés par les liens du Mariage, sans aucune espérance de pouvoir jamais se marier à d'autres, cette pensée les rend moins prompts à se diviser et à se fâcher l'un contre l'autre. Si même il arrive qu'ils se séparent, et qu'ils ne puissent supporter longtemps la privation du Mariage, ils se laissent réconcilier par des amis, et reprennent la vie commune.

Les Pasteurs ne doivent pas omettre ici l'exhortation si salutaire de Saint Augustin. Pour montrer aux Fidèles qu'ils ne devaient pas faire trop de difficultés pour se réconcilier avec leurs épouses, lorsqu'ils s'en étaient séparés pour cause d'infidélité, et qu'elles se repentaient de leur crime [867]: " Pourquoi, disait-il, le mari fidèle ne recevrait-il pas une épouse que l'Eglise reçoit ? et pourquoi l'épouse ne pardonnerait-elle pas à son mari coupable, mais repentant, lui à qui Jésus-Christ même a pardonné ? " - Quand l'Ecriture [868] appelle insensé celui qui garde une femme adultère, elle a en vue celle qui, après sa faute, refuse de se repentir et de sortir de sa honte et de son péché.

D'après tout ce que nous venons de dire il est bien évident que le Mariage des chrétiens est infiniment plus parfait et plus digne que celui des infidèles et même des Juifs.

Il y a de plus trois biens particuliers propres au Mariage, et dont il faut parler aux Fidèles ; c'est à savoir les enfants, la fidélité et le Sacrement, qui sont comme une compensation des peines et des ennuis dont parle l'Apôtre, quand il dit [869]: " Les personnes mariées éprouveront des tribulations de toutes sortes. " De là encore il résulte que l'union de l'homme et de la femme qui serait condamnable à juste titre en dehors du Mariage, est permise et légitime entre les Epoux.

Le premier bien du Mariage, c'est la famille, c'est-à-dire les enfants nés d'une épouse légitime et véritable. L'Apôtre Saint Paul l'élève si haut qu'il va jusqu'à dire [870]: " La femme sera sauvée par les enfants qu'elle mettra au monde. " Paroles qui doivent s'entendre, non pas seulement de la génération des enfants, mais encore de leur éducation et du soin de les former à la piété ; car il ajoute aussitôt " s'ils persévèrent dans la Foi. " D'ailleurs, l'Ecriture dit positivement: [871] " Avez-vous des enfants ? sachez les instruire, et les plier au joug dés leur enfance. " L'Apôtre Saint Paul enseigne la même doctrine, et l'Histoire sainte nous montre dans le saint homme Job, dans Tobie, et dans plusieurs autres saints Patriarches, des exemples admirables de l'éducation que les parents doivent donner à leurs enfants, - Au reste, nous exposerons plus longuement, au quatrième Commandement de Dieu, les devoirs des parents et des enfants.

Le second bien du Mariage, c'est la Foi ; non pas cette vertu de Foi que nous recevons, et qui nous pénètre, en quelque sorte, dans le Baptême ; mais cette Foi mutuelle qui lie si étroitement le mari à l'épouse, et l'épouse au mari, qu'ils se donnent entièrement l'un à l'autre, avec la promesse de ne jamais violer la sainte alliance du Mariage. Cette conclusion se déduit aisément des paroles prononcées par notre premier père en recevant Eve pour son épouse, paroles que Notre-Seigneur a confirmées Lui-même dans l'Evangile, en les répétant [872]: " L'homme, dit-il, abandonnera son père et sa mère, et il s'attachera à son épouse, et ils seront deux ne faisant qu'un. "

De même l'Apôtre déclare que [873] " La femme ne s'appartient pas, mais qu'elle appartient à son mari ; et que l'homme ne s'appartient pas, mais qu'il appartient à sa femme. " C'est donc avec une parfaite justice que, dans la Loi ancienne, le Seigneur avait porté des peines si sévères contre les coupables qui violeraient la foi conjugale.

La fidélité du Mariage demande en outre que le mari et la femme s'aiment d'un amour particulier, tout chaste et tout pur, bien différent de l'amour déréglé,. mais d'un amour semblable à celui de Jésus-Christ pour son Eglise. C'est la règle que prescrit l'Apôtre quand il dit [874] " Maris, aimez vos épouses comme Jésus-Christ a aimé son Eglise. " Or si Jésus-Christ a eu pour son Eglise un amour si grand et si étendu, ce n'est point assurément pour son propre avantage, mais uniquement pour le bien de son épouse.

Le troisième bien du Mariage, c'est le Sacrement, c'est-à-dire, le lien indissoluble qui unit les Epoux. Ainsi que nous le lisons dans l'Apôtre [875], " Le Seigneur a ordonné à l'épouse de ne point se séparer de son Epoux ; ou si elle vient à s'en séparer, de rester sans mari ou de se réconcilier avec le premier, et au mari de ne point renvoyer son épouse. " En effet, si le Mariage en tant que Sacrement représente l'Union de Jésus-Christ avec son Eglise, n'est-il pas nécessaire que comme Jésus-Christ n'abandonne jamais son Eglise, l'épouse ne puisse jamais non plus être séparée de son Epoux, au point de vue du lien conjugal.

Mais pour conserver plus aisément la paix dans cette sainte société, il y aura lieu de faire connaître les devoirs du mari et de la femme, tels qu'ils nous ont été transmis par Saint Paul, et par Saint Pierre le prince des Apôtres.

[867] Lib. de adult. C.,6 et 9.
[868] Pr 18,22.
[869] 1Co 7,28.
[870] 1Tm 2,15.
[871] Si 7,25.
[872] Gn 2,25 Mt 10,5.
[873] 1Co 7,4.
[874] Ep 5,25.
[875] 1Co 7,10.


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§ VI. - DEVOIRS RÉCIPROQUES DES ÉPOUX.

Le premier devoir du mari est de traiter sa femme avec douceur et d'une manière honorable. Il doit se souvenir qu'Adam appela Eve sa compagne, quand il dit [876]: " La femme que Vous m'avez donnée pour compagne. " C'est pour cette raison, disent quelques saints Pères, que la femme ne fut pas tirée des pieds de l'homme, mais de son côté: comme aussi elle ne fut point tirée de sa tête, afin qu'elle comprit bien qu'elle ne devait point dominer son mari, mais plutôt lui être soumise

En second lieu, il convient que le mari soit occupé à quelque travail honnête, tant pour fournir à sa famille ce qui est nécessaire à son entretien, que pour ne point languir dans une molle oisiveté, source de tous les vices.

Enfin il doit régler sa famille, corriger et former les moeurs de tous ceux qui la composent, et contenir chacun dans son devoir.

Quant à la femme, voici quelles sont ses obligations, d'après l'Apôtre Saint Pierre [877]: " Que les femmes soient soumises à leurs maris, afin que, s'il en est qui ne croient point à la Parole, ils soient gagnés, sans la Parole, par la bonne vie de leurs femmes, lorsqu'ils considéreront la pureté de vos moeurs unie au respect que vous avez pour eux. Ne vous parez pas au dehors par l'art de votre chevelure, par les ornements d'or ni par la beauté des vêtements ; mais ornez l'homme invisible caché dans le coeur, par la pureté incorruptible d'un esprit de douceur et de paix: ce qui est un riche ornement aux yeux de Dieu. Car c'est ainsi que se paraient autrefois les saintes femmes qui espéraient en Dieu, et qui obéissaient à leurs maris. telle était Sara qui obéissait à Abraham, qu'elle appelait son Seigneur. "

[876] Gn 3,12.
[877] 1P 3,1-2 et seq.

Un autre devoir essentiel des femmes c'est l'éducation religieuse des enfants, et le soin assidu des choses domestiques. Elles aimeront aussi à rester chez elles, à moins que la nécessité ne les oblige à sortir, et même alors elles, devront avoir l'autorisation de leurs maris.

Enfin, - et ceci est le point capital dans le Mariage - elles se souviendront que, selon Dieu, elles ne doivent ni aimer ni estimer personne plus que leurs maris, et qu'elles sont obligées, en tout ce qui n'est point contraire à la piété chrétienne, de leur être soumises et de leur obéir avec joie et empressement.



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§ VII. - DES FORMALITÉS DU MARIAGE.

Comme complément naturel des explications qui précèdent, les Pasteurs auront à faire connaître les formalités que l'on doit observer en contractant Mariage. Mais il ne faut pas s'attendre que nous parlions ici de ces règles, car le Concile de Trente les a déterminées en détail et avec la plus grande exactitude, au moins dans leurs points principaux. Et les Pasteurs ne peuvent ignorer ce qu'il a prescrit à cet égard. Il suffit donc de les avertir en ce moment qu'ils doivent s'appliquer à étudier la doctrine du Saint Concile sur cette matière, et puis de l'exposer aux Fidèles avec le soin qu'elle mérite.

Et pour empêcher les jeunes gens et les jeunes filles - qui réfléchissent si peu - de se laisser tromper par une fausse apparence de Mariage, et d'ériger en alliance des relations qui ne seraient pas légitimes, ils ne se lasseront point de répéter qu'il ne peut y avoir de légitime et véritable Mariage que celui qui est contracté en présence du propre Curé, ou d'un autre Prêtre délégué par lui, ou par l'Ordinaire, et devant un certain nombre de témoins.

Il ne faut pas oublier non plus les empêchement du Mariage. C'est un sujet qui a été traité avec tant de soin par la plupart des Docteurs les plus savants, (qui ont écrit sur les vices et sur les vertus), que chacun pourra aisément se servir ici de ce qu'ils ont laissé sur ce point, d'autant plus que leurs livres doivent rester entre les mains des Pasteurs. Ils les liront donc avec la même attention sérieuse que les décrets du Concile de Trente sur les empêchements qui naissent de la parenté spirituelle, ou de l'honnêteté publique, ou de l'adultère, pour pouvoir en instruire ensuite les Fidèles.

D'après ce que nous venons de dire, il est facile de voir dans quelles dispositions il faut être pour s'engager dans le Mariage. Les Fidèles doivent se rappeler que cette union n'est point une chose purement humaine. Non, le Mariage est une alliance toute divine qui exige une grande pureté de coeur, et une piété toute particulière. C'est ce que nous montrent clairement les exemples des Patriarches de l'ancienne Loi. Car, bien que leurs Mariages ne fussent point élevés à la dignité de Sacrement, cependant ils ne les célébraient qu'avec une religion profonde et une pureté parfaite.

Il faut encore, entr'autres recommandations, exhorter les fils de famille à témoigner à leurs parents, ou à ceux qui les remplacent, assez de considération pour ne jamais

contracter de Mariages à leur insu, ni, à plus forte raison, contre leur volonté et malgré leur opposition. Nous voyons que dans l'Ancien testament c'étaient toujours les parents qui mariaient eux-mêmes leurs enfants. Et l'Apôtre fait bien entendre que leur volonté en cette matière mérite la plus grande déférence, lorsqu'il dit [878]: " Celui qui marie sa fille fait bien ; et celui qui ne la marie pas, fait mieux. "

Enfin il nous reste à parler de l'usage du Mariage. En traitant cet article, les Pasteurs prendront bien garde de ne laisser tomber de leurs lèvres aucune parole indigne d'un auditoire chrétien, capable de blesser les âmes pures, ou d'exciter le rire. De même que les paroles du Seigneur sont des paroles chastes [879], de même aussi il convient que celui qui est chargé d'instruire le peuple chrétien ne tienne que des discours qui montrent une gravité d'esprit et une pureté de coeur toutes particulières. Voici donc sur ce sujet la double recommandation à faire aux Fidèles

D'abord, ils ne doivent point user de leurs droits pour leur seule satisfaction ; mais suivant les fins que Dieu Lui-même a prescrites, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Ils ne doivent pas non plus oublier cette exhortation de Saint Paul [880]: " Que ceux qui ont des épouses, soient comme n'en ayant point. " " L'homme sage, dit Saint Jérôme [881], aimera son épouse par raison, et non par passion ; il maîtrisera les entraînements de la nature, et ne se laissera point emporter par un aveuglement coupable ; car il n'y a rien de plus honorable que d'aimer son épouse d'un amour toujours digne. "

D'autre part, comme tous les biens s'obtiennent du Seigneur par de saintes prières, il faut enseigner aux Fidèles qu'il est à propos de vivre dans leur état de manière à accomplir leurs exercices religieux et spécialement la fréquentation des Sacrements. Il convient aussi de ne pas perdre de vue les lois de la Pénitence et des temps qui lui sont consacrés. telle est la sainte et excellence inspiration souvent suggérée par les Pères de l'Eglise.

Les Epoux fidèles à ces recommandations verront s'accroître de jour en jour les biens du Mariage par une plus grande abondance de Grâces divines. Et tout en remplissant leurs devoirs avec une vraie piété, non seulement ils passeront cette vie dans la tranquillité et dans la paix. mais encore ils se reposeront dans cette véritable et ferme espérance, qui ne trompe point [882], d'obtenir de la bonté de Dieu la félicité éternelle.

[878] 1Co 7,38.
[879] Ps 11,7.
[880] 1Co 7,29.
[881] Lib. I. Cont. Jovin.
[882] Rm 5,5.


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Troisième partie - Du Décalogue


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Chapitre vingt-huitième - Des Commandements de Dieu en général

Saint Augustin n'a pas craint de dire que le Décalogue est le sommaire et l'abrégé de toutes les Lois. Bien que Dieu eût fait pour son peuple un grand nombre de prescriptions, néanmoins Il ne donne à Moïse que les deux tables de pierre, appelées les tables du témoignage, pour être déposées dans l'Arche. Et en effet, il est facile de constater que tous les autres Commandements de Dieu dépendent des dix qui furent gravés sur les tables de pierre, si on les examine de près, et si on les entend comme il convient. Et ces dix Commandements dépendent eux-mêmes des deux préceptes de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain, dans lesquels sont renfermés la Loi et les Prophètes. [883]

[883] Mt 22,40.


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§ I. - NÉCESSITÉ D'ÉTUDIER eT D'EXPLIQUER LE DÉCALOGUE.

Le Décalogue étant l'abrégé de tous les devoirs, les Pasteurs sont obligés de le méditer jour et nuit, non seulement pour y conformer leur propre vie, mais encore pour instruire dans la Loi du Seigneur le peuple qui leur est confié. Car [884] " les lèvres du Prêtre sont dépositaires de la science, et les peuples recevront de sa bouche l'explication de la Loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées. " Ces paroles s'appliquent admirablement aux Prêtres de la Loi nouvelle, parce qu'étant plus rapprochés de Dieu que ceux de la Loi ancienne, ils doivent [885] " se transformer de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur. " D'ailleurs, puisque Jésus-Christ Lui-même leur a donné le nom de [886] " lumière ", leur devoir et leur rôle, c'est d'être [887] " la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, les docteurs des ignorants, les maures des enfants ; et si [888] quelqu'un tombe par surprise dans quelque péché, c'est à ceux qui sont spirituels à le relever. "

Au tribunal de la Pénitence ils sont de véritables juges, et la sentence qu'ils portent est en raison de l'espèce et de la grandeur des fautes. Si donc ils ne veulent ni s'abuser eux-mêmes, ni abuser les autres par leur ignorance, il est nécessaire qu'ils étudient la Loi de Dieu avec le plus grand soin, et qu'ils sachent l'interpréter avec sagesse, afin de pouvoir rendre sur toute faute, action ou omission, un jugement conforme à cette règle divine, et encore comme dit l'Apôtre [889] afin de pouvoir donner " la saine Doctrine ", c'est-à-dire, une doctrine exempte de toute erreur, et capable de guérir les maladies de l'âme, qui sont les péchés, et de faire des Fidèles [890] " un peuple agréable à Dieu par la pratique des bonnes oeuvres. "

[884] Ml 2,7.
[885] 1Co 3,18.
[886] Mt 5,14.
[887] Rm 2,20.
[888] Ga 6,1.
[889] 2Tm 4,3.
[890] Tt 2,14.


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§ II. - DIEU AUTEUR DU DÉCALOGUE.

Mais dans ces sortes d'explications, le Pasteur doit rechercher, tant pour lui-même que pour les autres, les motifs les plus propres à obtenir l'obéissance à cette Loi. Or, parmi ces motifs, le plus puissant pour déterminer le coeur humain à observer les prescriptions dont nous parlons, c'est la pensée que Dieu Lui-même en est l'Auteur. Bien qu'il soit dit [891] " que la Loi a été donnée par le ministère des Anges ", nul ne peut douter qu'elle n'ait Dieu Lui-même pour auteur. Nous en avons une preuve plus que suffisante, non seulement dans les paroles du législateur que nous allons expliquer, mais encore dans une multitude de passages des saintes Ecritures, qui sont assez connus des Pasteurs.

Il n'est personne en effet qui ne sente au fond du coeur une Loi que Dieu Lui-même y a gravée, et qui lui fait discerner le bien du mal, le juste de l'injuste, l'honnête de ce qui ne l'est pas. Or la nature et la portée de cette Loi ne diffèrent en rien de la Loi écrite, par conséquent il est nécessaire que Dieu, Auteur de la seconde, soit en même temps l'Auteur de la première.

Il faut donc enseigner que cette Loi intérieure, au moment où Dieu donna à Moise la Loi écrite, était obscurcie et presque éteinte dans tous les esprits par la corruption des moeurs, et par une dépravation invétérée ; on conçoit dès lors que Dieu ait voulu renouveler et faire revivre une Loi déjà existante plutôt que de porter une Loi nouvelle. Les Fidèles ne doivent donc pas s'imaginer qu'ils ne sont pas tenus d'accomplir le Décalogue, parce qu'ils ont entendu dire que la Loi de Moïse était abrogée. Car il est bien certain qu'on doit se soumettre à ces divins préceptes, non pas parce que Moïse les a promulgués, mais parce qu'ils sont gravés dans tous les coeur ", et qu'ils ont été expliqués et confirmés par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même.

Toutefois, (et cette pensée aura une grande force de persuasion), il sera très utile d'engager les Fidèles à se rappeler que Dieu Lui-même est l'Auteur de la Loi ; Dieu dont nous ne pouvons révoquer en doute la Sagesse et l'équité, Dieu enfin dont la Force et la Puissance sont telles qu'il nous est impossible d'y échapper. Aussi, quand Il ordonne par ses Prophètes l'observation de sa Loi, nous l'entendons dire: " Je suis le Seigneur Dieu. " Et au commencement du Décalogue: [892] " Je suis le Seigneur votre Dieu " et ailleurs: [893] " si Je suis le Seigneur, où est la crainte que vous avez de moi " ?

Mais cette pensée n'excitera pas seulement les Fidèles à garder les Commandements de Dieu, elle les portera encore à Le remercier d'avoir fait connaître ses volontés qui nous donnent les moyens d'opérer notre salut. L'Ecriture, dans beaucoup d'endroits, rappelle aux hommes ce grand bienfait, et les exhorte à sentir tout ensemble leur propre dignité et la bonté de Dieu comme dans ce passage du Deutéronome: [894] " Telle sera votre Sagesse et votre Intelligence devant nous les peuples, que tous ceux qui auront connaissance de ces commandements diront: voilà un peuple sage et intelligent, voilà une grande nation. " Et dans celui-ci du Psalmiste: [895] " Il n'a pas agi de la sorte avec toutes les nations ; Il ne leur a pas ainsi manifesté ses jugements. "

Si le Pasteur a soin de rapporter et de dépeindre ensuite, d'après l'autorité de la Sainte Ecriture, la manière dont la Loi fut donnée, les Fidèles n'auront pas de peine à comprendre avec quelle piété et quelle soumission ils doivent accomplir des Commandements qui leur viennent de Dieu.

Trois jours avant la promulgation du Décalogue, sur l'ordre formel de Dieu, tous les Hébreux furent obligés de laver leurs vêtements et de garder la continence, afin d'être purs et plus prêts à recevoir la Loi du Seigneur. Quand les trois jours de préparation furent passés, ils vinrent tous au pied de la montagne, où Dieu avait résolu de leur donner sa Loi par l'intermédiaire de Moise. Moise en effet fut appelé seul sur la Montagne. Alors Dieu lui apparut dans tout l'éclat de sa Majesté. Il se mit à parler avec lui et lui donna les préceptes du Décalogue au milieu des tonnerres, des feux, des éclairs, et d'un nuage épais qui couvrit toute la Montagne. Or, que voulait la Sagesse divine par tous ces prodiges ? Sinon de montrer avec quelle pureté de coeur et quelle humilité nous devons accueillir sa Loi, et quels châtiments terribles sa justice nous réserve, si nous n'y faisons pas attention.

Ce n'est pas assez ; le Pasteur devra faire voir aussi que cette Loi n'est pas difficile à accomplir. Il lui suffira pour cela d'apporter cette raison donnée par Saint Augustin: [896] " Comment, dit-il, peut-il être impossible à l'homme d'aimer son Créateur qui le comble de tant de biens, d'aimer un père qui l'a tant aimé, d'aimer sa propre chair dans ses frères ? Or, celui qui aime accomplit la Loi. " C'est ce qui faisait dire à l'Apôtre Saint Jean: [897] " Les Commandements de Dieu ne sont point pénibles. " En effet, dit à son tour Saint Bernard, [898] " on ne pouvait exiger de l'homme rien de plus juste, rien de plus digne, rien de plus avantageux pour lui. " De là aussi cette exclamation de Saint Augustin, admirant la Bonté infinie de Dieu: [899] " Qu'est-ce que l'homme, ô mon Dieu, pour que Vous lui ordonniez de Vous aimer, et que Vous le menaciez des plus grands châtiments, s'il ne Vous aime pas ? n'est-ce pas déjà un assez grand châtiment de ne Vous aimer pas ? "

Si quelqu'un s'excusait de ne pouvoir aimer Dieu, en alléguant la faiblesse de sa nature, il faudrait lui apprendre que Dieu qui exige que nous L'aimions, allume Lui-même le feu de son Amour dans nos coeurs par le Saint-Esprit, et que le Père céleste communique toujours cet esprit de bonté et d'amour à ceux qui le Lui demandent. Saint Augustin avait donc bien raison de dire: [900] " Seigneur, donnez-moi tout ce que Vous exigez, et exigez tout ce que Vous voulez. " Ainsi donc, puisque Dieu est toujours disposé à nous aider, surtout depuis que son divin Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort pour nous, et a chassé loin de nous par sa Mort le prince des ténèbres, personne ne peut plus s'écarter de la Loi de Dieu par la difficulté de l'observer. Il n'y a rien de difficile pour celui qui aime.

[891] Ga 2,14.
[892] Ex 20,1.
[893] Ml 1,6.
[894] Dt 4,6.
[895] Ps 147,20.
[896] Serm.,47.
[897] 1Jn 5,3.
[898] Lib. de dilig. Deo.
[899] Serm. 6 de Temp.
[900] Lib. x. Conf.


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§ III. - nÉCESSITÉ DE GARDER LES COMMANDEMENTS.

Le Pasteur disposera d'un moyen très puissant pour obtenir ce qu'il demande ici, s'il a soin de bien montrer que l'observation des Commandements de Dieu est d'une nécessité absolue. Et il insistera d'autant plus sur ce point qu'aujourd'hui il ne manque pas d'hommes, qui ne craignent pas de soutenir, pour leur malheur, que cette Loi, facile ou difficile, n'est pas nécessaire au salut. Pour réfuter cette doctrine impie et criminelle, il n'aura qu'à invoquer le témoignage de la Sainte Ecriture, et particulièrement de ce même Apôtre sur l'autorité duquel on s'efforce d'appuyer cette erreur funeste. Que dit en effet l'Apôtre: [901] " Il importe peu d'être circoncis, ou incirconcis, ce qui est absolument nécessaire, c'est l'observation des Commandements de Dieu. " Quand ensuite il répète ailleurs la même maxime et nous dit que [902] " La nouvelle créature en Jésus-Christ vaut seule quelque chose ", il nous fait clairement entendre que par cette nouvelle créature en Jésus-Christ il veut signifier celui qui observe les Commandements de Dieu. Car avoir reçu les Commandements de Dieu et les observer, c'est L'aimer, d'après ce témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même dans Saint Jean: [903] " Celui qui M'aime gardera ma parole. " En effet, quoique l'homme puisse cesser d'être impie, avant d'avoir accompli des actes extérieurs de chaque précepte de la Loi, cependant il est impossible à celui qui a l'usage de sa raison, de passer de l'impiété à la justice, sans avoir le coeur disposé à garder tous les Commandements de Dieu.

[901] 1Co 7,19.
[902] Ga 6,15.
[903] Jn 14,21-23.


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§ IV. - AVANTAGE DE LA LOI DE DIEU.

Enfin, pour ne rien omettre de ce qui peut amener le peuple chrétien à pratiquer la Loi, le Pasteur aura soin de montrer combien les fruits qu'elle porte sont nombreux et consolants. A cette fin il n'aura qu'à citer le Psaume dix-huitième qui célèbre les mérites de la Loi de Dieu. Et le plus grand des mérites de cette Loi, c'est de révéler la gloire de son Auteur et de faire ressortir sa divine Majesté, bien mieux encore que les corps célestes eux-mêmes dont la beauté éclatante et l'ordre magnifique frappent d'admiration les peuples les plus barbares et les obligent à reconnaître la Gloire, la Sagesse et la Puissance de l'Artiste incomparable, Créateur de toutes choses. Cette Loi [904] élève et convertit les âmes à Dieu ; c'est elle qui nous instruit de ses Voies, nous révèle sa très sainte Volonté, et nous fait marcher dans le chemin que Lui-même nous a tracé. Mais comme il n'y a que ceux qui craignent Dieu qui sont les vrais sages, le Psalmiste attribue encore à la Loi cette vertu singulière " de donner la sagesse aux petits. " [905] Et enfin, dit-il, ceux qui l'observent fidèlement possèdent des joies pures, des consolations abondantes puisées dans la contemplation des divins Mystères, des récompenses infinies en cette vie et en l'autre.

Cependant prenons garde d'accomplir cette sainte Loi moins pour notre avantage que pour l'amour que nous devons à Dieu, précisément parce qu'Il a bien voulu nous exprimer sa Volonté en nous la donnant. Et puisque toutes les autres créatures Lui sont soumises, n'est-il pas bien plus juste encore que nous-mêmes Lui obéissions en toutes choses

Mais il ne faut pas passer sous silence une réflexion qui nous fait sentir vivement la Clémence de Dieu à notre égard, et apprécier les trésors de son infinie Bonté. Ce Dieu pouvait nous obliger à servir les intérêts de sa Gloire, sans aucune récompense, néanmoins il Lui a plu de rapprocher tellement sa Gloire de notre avantage, que ce qui sert à Le glorifier, sert aussi à notre propre bien. Cette considération est très forte et très frappante. Le Pasteur ne manquera pas de montrer aux Fidèles avec le Prophète que [906] " Dans l'accomplissement de la Loi se trouvent d'abondantes récompenses. " Dieu ne nous promet pas seulement les bénédictions qui semblent se rapporter plutôt au bonheur terrestre, comme [907] " les bénédictions de nos villes et de nos champs ", mais Il nous propose encore [908] " un immense trésor dans le ciel, et [909] cette mesure pleine, pressée, entassée, coulant par-dessus les bords ", que nous méritons avec l'aide de sa divine miséricorde, par des oeuvres de justice et de piété.

[904] Ps 18,8.
[905] Ps 18,8 id.
[906] Ps 18,12.
[907] Dt 28,3.
[908] Mt 5,12.
[909] Lc 6,38.


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Chapitre vingt-neuvième - Du premier Commandement

" Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai tiré de la terre d'Egypte, de la maison de servitude ; tu n'auras point de dieux étrangers devant Moi ; tu ne te feras point d'idoles ", etc.

Cette Loi que Dieu donna aux Juifs sur le mont Sinaï, la nature l'avait imprimée et gravée longtemps auparavant dans le coeur de tous les hommes, et tous les hommes pour ce motif étaient obligés de l'accomplir. Dieu l'avait ainsi voulu. Il sera donc très utile d'expliquer avec soin aux Fidèles les termes mêmes dans lesquels elle fut promulguée par Moïse, qui en fut le ministre et l'interprète, et de leur faire connaître l'histoire si pleine de mystères du peuple hébreu.



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§ I. - RÉCIT ABRÉGÉ DE L'HISTOIRE SACRÉE.

Les Pasteurs commenceront par raconter que de toutes les nations qui vivaient sur la terre, Dieu en choisit une qui descendait d'Abraham. Ce saint Patriarche, pour obéir à Dieu, avait habité comme étranger la terre de Chanaan, et Dieu lui avait promis de lui donner cette terre ; mais ni lui ni ses descendants ne la possédèrent qu'après avoir erré pendant plus de quatre cents ans. Durant ce long pèlerinage, Dieu ne les abandonna jamais. Ils allaient de nation en nation, de peuple en peuple, mais nulle part Il ne souffrit qu'on leur fît aucun mal, et même Il punit les rois qui voulaient leur nuire. Avant qu'ils descendissent en Egypte, Il envoya dans ce pays un homme dont la sagesse devait les préserver, eux et les Egyptiens, des suites de la famine. Il les entoura tellement de sa Bonté protectrice, que malgré la résistance de Pharaon et son acharnement à les perdre, ils se multiplièrent prodigieusement. Puis quand Il les vit dans l'affliction et soumis au plus dur esclavage, Il suscita un chef dans la personne de Moïse pour les tirer d'Egypte par la puissance de son bras. C'est de cette délivrance que Dieu fait mention au commencement de la Loi. quand Il dit: [910] " Je suis le Seigneur ton Dieu qui t'ai tiré de la terre d'Egypte, de la maison de servitude. "

Ici le Pasteur fera remarquer avec soin que si Dieu choisit cette nation entre toutes, pour l'appeler son peuple, et pour être plus spécialement connu et servi par elle, ce n'est point qu'elle fût plus nombreuse ou plus juste que les autres, comme Dieu ne manque pas de le lui rappeler ; mais c'est qu'Il le voulut ainsi pour rendre plus sensible et plus éclatante aux yeux de tous sa Puissance et sa Bonté, en comblant de bienfaits et de richesse une nation si peu nombreuse et si pauvre. Quelque misérable que fût l'état des Hébreux, Dieu s'attacha à eux, et les aima, au point que le Maître du ciel et de la terre ne rougit point d'être appelé leur Dieu. [911] Son but était de provoquer les autres peuples à les imiter, et d'amener tous les hommes à embrasser son culte, par le bonheur dont Il comblait les Israélites sous leurs yeux. De même l'Apôtre Saint Paul déclarera plus tard [912] qu'Il a excité l'émulation de son peuple, en lui représentant le bonheur des Gentils, et la connaissance du vrai Dieu qu'Il leur avait donnée.

Ensuite le Pasteur enseignera aux Fidèles que Dieu laissa longtemps les Patriarches hébreux errer comme des voyageurs en pays étranger, et leurs descendants gémir sous l'oppression et l'accablement de la plus dure servitude, pour nous apprendre qu'on ne peut être ami de Dieu, sans être ennemi du monde et étranger sur la terre, et par conséquent qu'il est d'autant plus facile de gagner son amitié qu'on est plus détaché et séparé du monde. En même temps, Il voulait nous faire comprendre, à nous qui Lui rendons le culte qu'Il mérite, qu'il y a infiniment plus de bonheur à Le servir, qu'à servir le monde. C'est ce que l'Ecriture nous rappelle quand elle dit: [913] " Les enfants de Judas seront soumis à Sésac, afin qu'ils apprennent quelle différence il y a entre mon service et le service des rois de fa terre ".

Il expliquera aussi que Dieu n'accomplit sa promesse qu'après plus de quatre cents ans, afin d'entretenir son peuple dans la Foi et l'Espérance. Le Seigneur en effet veut que ses enfants dépendent continuellement de Lui et qu'ils mettent tout leur espoir dans sa bonté, comme nous le dirons en développant le premier Commandement.

Enfin il marquera le temps et le lieu où le peuple d'Israël reçut de Dieu cette Loi. Ce fut après sa sortie d'Egypte et dès qu'il fut entré dans le désert, afin que le souvenir de sa récente délivrance et la vue d'une région si sauvage le rendît plus propre à recevoir ses Commandements. Les hommes en effet s'attachent fortement à ceux dont ils viennent d'éprouver la bonté, et ils se réfugient sous la protection de Dieu, lorsqu'ils se voient privés de tout secours humain. Et c'est ce qui nous fait conclure que nous sommes d'autant mieux disposés à recevoir les Vérités divines, que nous fuyons davantage les attraits du monde et les plaisirs mauvais. Aussi est-il écrit dans le Prophète: [914] " A qui le Seigneur enseignera-t-il sa Loi ? A qui donnera-t-il l'intelligence de sa parole ? Aux enfants sevrés et arrachés du sein de leurs mères. "

[910] Ex 20,2.
[911] Dt 10,15.
[912] Rm 11,14.
[913] 2Ch 12,8.
[914] Is 20,9.



Catéchisme C. Trente 2705