Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XXXIII De la jeunesse de saint Joseph

XXXIII De la jeunesse de saint Joseph

(Raconté le 18 mars 1820 et le 18 mars 1821)


Joseph, dont le père s'appelait Jacob, était le troisième de six frères. Ses parents habitaient un grand bâtiment en avant de Bethléem : ç'avait été autrefois la maison paternelle de David, dont le père, Isaï ou Jessé, en était possesseur. A l'époque de Joseph, il ne restait plus guère que les gros murs de l'ancienne construction. Je crois que je connais mieux ce bâtiment que notre petit village de Flamske.

Devant la maison, il y avait, comme devant les maisons de l'ancienne Rome, une cour antérieure entourée de galeries couvertes. Je vis dans ces galeries des figures semblables à des têtes de vieillards. D'un côté de la cour se trouvait une fontaine sous un petit édifice en pierre. L'eau sortait par des têtes d'animaux. La maison d'habitation n'avait pas de fenêtres au rez-de-chaussée, mais il y avait plus haut des ouvertures rondes. Je vis une porte d'entrée. Autour de la maison régnait une large galerie, aux quatre coins de laquelle se trouvaient de petites tours semblables à de grosses colonnes, qui se terminaient par des espèces de coupoles surmontées de petits drapeaux. Par les ouvertures de ces coupoles, où conduisaient des escaliers pratiqués dans les tourelles, on pouvait voir de loin sans être vu soi-même. Il y avait de semblables tourelles sur le palais de David à Jérusalem, et ce fut de la coupole d'une de ces tourelles qu'il regarda Bethsabée pendant son bain. Dans le haut de la maison, cette galerie régnait autour d'un étage peu élevé, dont la toiture plate supportait une construction terminée par une autre tourelle. Joseph et ses frères habitaient dans le haut, ainsi qu'un vieux Juif qui leur servait de précepteur. Ils couchaient autour d'une chambre placée au centre de l'étage qui dominait la galerie. Leurs lits, consistant en couvertures qu'on roulait contre le mur pendant le jour, étaient séparés par des nattes qu'on pouvait enlever. Je les ai vus jouer dans leurs chambres. Je vis aussi les parents ils ne s'occupaient guère de leurs enfants et avaient peu de rapports avec eux. Ils ne me parurent ni bons ni mauvais.


Joseph, que, dans cette vision, je vis âgé d'environ huit ans, était d'un naturel fort différent de celui de ses frères. Il avait beaucoup d'intelligence et apprenait très bien ; mais il était simple, paisible, pieux et sans ambition. Ses frères lui faisaient toutes sortes de malices et le rudoyaient de temps en temps. Ces enfants avaient de petits jardins divisés en compartiments.


Dans les jardins des enfants, je vis des herbes, des buissons et des arbustes. Je vis que les frères de Joseph allaient souvent en secret dans son jardin pour y faire des dégâts ' ils le faisaient beaucoup souffrir. Je le vis souvent, Sous les galeries de la cour, prier à genoux et les bras étendus ; ses frères se glissaient alors près de lui et le frappaient dans le dos. Je vis une fois, pendant qu'il était ainsi à genoux, qu'un d'entre eux le frappa par derrière, et comme il ne paraissait pas s'en apercevoir, l'autre recommença si souvent que le pauvre Joseph tomba en avant sur les dalles. Je connus par là qu'il avait été ravi en extase pendant son oraison. Quand il revint à lui, il ne se mit pas en colère, il ne pensa pas à se venger, mais il chercha un coin reculé pour y continuer sa prière.


Les parents de Joseph n'étaient pas très satisfaits de lui ; ils auraient voulu qu'il employât ses talents à se faire une position dans le monde ; mais il n'avait aucune inclination de ce côté. Ils le trouvaient trop simple et trop uni, il n'aimait qu'à prier et à travailler tranquillement de ses mains. A une époque où il pouvait bien avoir douze ans, je le vis souvent, pour se dérober aux taquineries continuelles de ses frères, s'en aller de l'autre côté de Bethléem, non loin de ce qui fut plus tard la grotte de la Crèche, et passer quelque temps près de pieuses femmes, qui appartenaient à une petite communauté d'Esséniens. Elles demeuraient contre une carrière pratiquée dans la colline sur laquelle se trouve Bethléem, et habitaient là des chambres creusées dans le roc ; elles cultivaient de petits jardins voisins de leur demeure, et instruisaient les enfants d'autres Esséniens. Souvent, pendant qu'elles récitaient des prières écrites sur un rouleau, à la lueur d'une lampe suspendue à la paroi du rocher, je vis le petit Joseph chercher auprès d'elles un refuge contre les persécutions de ses frères et prier avec elles. Je le vis aussi s'arrêter dans les grottes, dont l'une fut plus tard le lieu de naissance de Notre Seigneur. Il priait seul ou s'exerçait à façonner de petites pièces de bois. Un vieux charpentier avait son atelier dans le voisinage des Esséniens. Joseph allait souvent chez lui et apprenait peu à peu son métier ; il y réussissait a autant mieux qu'il avait appris ; un peu de géométrie avec son précepteur.


L'inimitié de ses frères lui rendit à la fin impossible de rester plus longtemps dans la maison paternelle. Je vis un ami de Bethléem, qui n'était séparé de l'habitation de son père que par un petit ruisseau, lui donner des habits avec lesquels il se déguisa, et quitta la maison pendant la nuit pour aller ailleurs gagner sa vie à l'aide de son métier de charpentier. Il pouvait avoir alors de dix-huit à vingt ans.


Je le vis d'abord travailler chez un charpentier, près de Libonah '. Ce fut là, qu'à vrai dire, il apprit son métier. La demeure de son maître était contre de vieux murs qui conduisaient de à ville à un château en ruines le long d'une crête de montagne. Beaucoup de pauvres gens habitaient là dans la muraille. Je vis Joseph, entre de grands murs où le jour pénétrait par des ouvertures pratiquées en haut, façonner de longues barres de bois. C'étaient des cadres dans lesquels on faisait entrer des cloisons en clayonnage. Son maître était un pauvre homme qui ne faisait guère que des ouvrages grossiers et de peu de valeur.


Joseph était pieux, bon et simple ; tout le monde l'aimait. Je le vis rendre, avec une parfaite humilité, toutes sortes de services à son maître, ramasser des copeaux, rassembler des morceaux de bois et les rapporter sur ses épaules. Plus tard, il passa une fois par cet endroit avec la sainte Vierge, et, si je ne me trompe, il visita avec elle son ancien atelier.


Il résulte de plusieurs communications de la soeur sur les années de la prédication de Jésus que la ville où travailla d'abord saint Joseph n'est pas Libnah, située dans la tribu de Juda, quelques lieues à l'ouest. de Bethléem, mais Lebonah sur le versant méridional du mont Garizini. Elle est citée dans le livre des Juges, XXI, 19, et, d'après ce passage, il faut la chercher au nord de Silo.


Ses parents crurent d'abord qu'il avait été enlevé par des bandits. Je vis plus tard que ses frères découvrirent où il était et lui firent de vifs reproches ; car ils avaient honte de la basse condition à laquelle il s'était réduit. Il y resta par humilité ; seulement il quitta ce lieu et travailla dans la suite à Thanath (Thaanach), près de Megiddo, au bord d'une petite rivière (le Kison), qui se jette dans la mer. Cet endroit n'est pas loin d'Apheké, ville natale de l'apôtre saint Thomas. Il vécut là chez un maître assez riche ; on y faisait des travaux plus soignés.


Je le vis plus tard, à Tibériade, travailler pour un autre maître. Il demeurait seul dans une maison au bord de l'eau. Il pouvait alors avoir trente-trois ans. Ses parents étaient morts depuis longtemps à Bethléem, deux de ses frères habitaient encore à Bethléem, les autres étaient dispersés. Leur maison paternelle avait passé en d'autres mains, et la famille était promptement tombée en déchéance.


Joseph était très pieux et priait ardemment pour la venue du Messie. Il était occupé à arranger auprès de sa demeure un oratoire où il pût prier dans une plus grande solitude, lorsqu'un ange lui apparut et lui dit de cesser ce travail ; car, de même qu'autrefois Dieu avait confié au patriarche Joseph l'administration des blés de l'Egypte, de même le grenier qui renfermait la moisson du salut allait être confié à sa garde.


Joseph, dans son humilité, ne comprit pas ces paroles et continua à prier avec ferveur, jusqu'au moment où il fut appelé à se rendre au temple de Jérusalem pour y devenir, en vertu d'une prescription d'en haut, l'époux de la sainte Vierge. Je ne l'ai jamais vu marié antérieurement. Il vivait très retiré et évitait la société des femmes.


Comme Thanach ou Thaanath (Jos 16,6) est située selon Eusèbe à douze milles à l'est de Naplouse, vers le Jourdain, et comme le lieu cité ici doit, d'après la soeur, se trouver au couchant de Naplouse, elle a sans doute voulu dire Thaanach au lieu de Thanath. Peut-être aussi l'a-t-elle dit et a-t-elle été mal comprise de l'écrivain, qui n'avait alors ni connaissances géographiques sur la Palestine ni moyens de les acquérir. Cela a été d'autant plus facile que dans son état de maladie ou d'extase elle prononçait souvent les noms avec son accent patois de Munster d'une façon peu intelligible. Il est d'autant plus certain qu'ici elle voulait dire Thaanach qu'en 1823, rapportant les incidents de la troisième année de la prédication de Jésus, elle raconta que, le 25 et le 26 suivant, Jésus avait enseigne à Thannach, ville de lévites près de Megiddo, et visité là l'ancien atelier de son père nourricier, saint Joseph.



XXXIV Jean est promis à Zacharie.


Je vis Zacharie dire à Elisabeth qu'il voyait avec peine arriver le moment où il irait faire son service au temple de Jérusalem ; il lui en coûtait toujours d'y aller, parce qu'on l'y méprisait, à cause de la stérilité de son mariage. Zacharie était de service au temple deux fois par an.


Ils n'habitaient pas à Hébron même, mais à une lieue de là, à Jutta. Il y avait entre Jutta et Hébron beaucoup d'anciens murs. Peut-être qu'autrefois ces deux endroits étaient réunis. Des autres côtés d'Hébron, on trouvait aussi beaucoup d'édifices et de maisons disséminées, comme des restes de l'ancienne ville, qui était autrefois aussi grande que Jérusalem. Les prêtres qui habitaient Hébron étaient moins élevés en dignité que ceux qui habitaient Jutta. Zacharie était comme le chef de ceux-ci. Elisabeth et lui étaient très respectés à cause de leur vertu et de la pureté de leur lignage depuis Aaron, leur aïeul.


Je vis ensuite Zacharie visiter, avec plusieurs autres prêtres du pays, un petit bien qu'il possédait dans le voisinage de Jutta. C'était un jardin avec des arbres de toute espèce et une petite maison. Zacharie y pria avec ses compagnons, et fit une instruction à ceux-ci. C'était une sorte de préparation au service du temple, qui allait bientôt commencer pour eux. Je l'entendis aussi parler de sa tristesse et d'un pressentiment qu'il avait que quelque chose allait lui arriver.


Je le vis aussitôt après aller avec ces prêtres à Jérusalem, et y attendre quatre jours jusqu'à ce que vint son tour d'offrir le sacrifice. Pendant ce temps, il priait continuellement dans le temple. Quand vint son tour de présenter l'encens, je le vis entrer dans le sanctuaire où se trouvait l'autel des parfums, devant l'entrée du Saint des saints. Le toit était ouvert au-dessus de lui, en sorte qu'on pouvait voir le ciel. On ne pouvait pas apercevoir le prêtre du dehors. Quand il entra, un autre prêtre lui dit quelque chose et se retira ensuite'.


Celui-ci lui dit vraisemblablement : "Allume l'encens. Voyez la Michnah, traduc. Tamid 6, 55, 3. ed. Surenh., p, 305.


Quand Zacharie fut seul, je le vis lever un rideau et entrer dans un lieu où il faisait sombre. Il prit là quelque chose qu'il plaça sur l'autel, et alluma de l'encens. Je vis alors à droite de l'autel une lumière descendre sur lui et une forme brillante s'approcher de lui. le je vis, effrayé et ravi en extase, tomber du côté droit de l'autel. L'ange le releva, lui parla longtemps, et Zacharie répondit. Je vis au-dessus de Zacharie le ciel ouvert, et deux anges monter et descendre comme sur une échelle. Sa ceinture était détachée et sa robe ouverte, et je vis qu'un des anges semblait retirer quelque chose de son corps, tandis que l'autre lui mettait dans le côté comme un objet lumineux. C'était quelque chose de semblable à ce qui se passa lorsque Joachim reçut la bénédiction de l'ange pour la conception de la sainte Vierge.


Les prêtres avaient coutume de sortir du sanctuaire aussitôt après avoir allumé l'encens. Comme Zacharie tardait beaucoup à revenir, le peuple qui priait au dehors était inquiet ; mais il était devenu muet, et je le vis écrire sur une tablette avant de sortir.


Quand il vint du temple dans le vestibule, beaucoup de personnes se pressèrent autour de lui, lui demandant pourquoi il était resté si longtemps ; mais il ne pouvait pas parler, et fit des signes avec la main, montrant sa bouche et la tablette, qu'il envoya aussitôt à Jutta, chez Elisabeth, pour lui annoncer que Dieu lui avait fait une promesse, et qu'il avait perdu la parole. Il partit lui-même au bout de quelque temps pour revenir chez lui ; mais Élisabeth, aussi, avait eu une révélation, dont je ne me souviens plus.


Nous venons de communiquer ce que la soeur Emmerich raconta succinctement étant fort malade ; mais, pour que le lecteur se rende compte de l'entretien de l'ange avec Zacharie et des paroles d'Élisabeth, nous joignons ici le récit de l'Evangile selon saint (Lc 1,5-25).


Au temps d'Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, de la famille sacerdotale d'Abia, l'une de celles qui servaient dans le temple chacune à son tour ; sa femme était aussi de la race d'Aaron, et s'appelait Élisabeth. Ils étaient tous deux justes devant Dieu, et ils marchaient dans tous les commandements et les ordonnances du Seigneur d'une manière irrépréhensible. Ils n'avaient point d'enfants parce qu'Elisabeth était stérile, et qu'ils étaient tous deux avancés en âge. Or, Zacharie faisant sa fonction de prêtre devant Dieu dans le rang de sa famille, il arriva par le sort, selon ce qui s'observait entre les prêtres, que ce fut à lui à entrer dans le temple du Seigneur pour y offrir les parfums. Et toute la multitude du peuple était dehors, faisant sa prière à l'heure qu'on offrait les parfums Et un ange du Seigneur apparut, se tenant debout à la droite de l'autel des parfums. Zacharie le voyant en fut tout troublé, et la frayeur le saisit. Mais l'ange lui dit : Ne crains point, Zacharie, parce que ta prière a été exaucée, et ta femme Elisabeth t'enfantera un fils, auquel tu donneras le nom de Jean. Tu en seras dans la joie et dans le ravissement, et beaucoup de gens se réjouiront de sa naissance ; car il sera grand devant le Seigneur. Il ne boira point de vin ni rien de ce qui peut enivrer, et il sera rempli du Saint Esprit dès le sein de sa mère. Il convertira plusieurs des enfants d'Israël au Seigneur leur Dieu, et il marchera devant lui dans l'esprit et dans la vertu d'Élie pour réunir les coeurs des pères avec leurs enfants, et rappeler les incrédules à la prudence des justes, afin de préparer au Seigneur un peuple partait. Et Zacharie dit à l'ange : Comment connaîtrai-je la vérité de vos paroles car je suis déjà vieux, et ma femme est avancée en âge. L'ange lui répondit : Je suis Gabriel, qui suis toujours présent devant Dieu ; j'ai été envoyé pour te parler et te porter cette bonne nouvelle. Et, dès à présent, tu seras muet et tu ne pourras pas parler jusqu'au jour où cela arrivera, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui s'accompliront dans leur temps. Cependant le peuple attendait Zacharie et s'étonnait qu'il demeurât si longtemps dans le temple. Mais, étant sorti, il ne pouvait pas leur parler : et comme il leur faisait des signes, ils connurent qu'il avait eu une vision dans le temple ; et il demeura muet Et quand les jours de son ministère furent accomplis, il s'en retourna dans sa maison. Quelque temps après, Élisabeth sa femme conçut, et elle se tenait cachée durant cinq mois, disant : C'est là la grâce que le Seigneur m'a faite en ce temps où il m'a regardée pour me retirer de l'opprobre où j'étais devant les hommes.


XXXV Fiançailles de la Sainte Vierge.


La sainte Vierge vivait dans le temple avec plusieurs autres vierges sous la surveillance de pieuses matrones. Ces vierges s'occupaient de broderies et d'ouvrages du même genre pour les tentures du temple et les vêtements sacerdotaux ; elles étaient aussi chargées de nettoyer ces vêtements et d'autres objets servant au culte divin. Elles avaient de petites cellules d'où elles avaient vue sur l'intérieur du temple et où elles priaient et méditaient Quand elles étaient arrivées à l'âge nubile, on les mariait. Leurs parents les avaient entièrement données à Dieu en les conduisant au temple, et il y avait chez les plus pieux d'entre les Israélites un pressentiment secret qu'un de ces mariages produirait un jour l'avènement du Messie '.


La sainte Vierge ayant quatorze ans et devant bientôt sortir du temple pour se marier, avec sept autres jeunes filles, je vis sainte Anne venir la visiter. Joachim ne vivait plus. Quand on annonça à Marie qu'elle devait quitter le temple et se marier, je la vis, profondément émue, déclarer au prêtre qu'elle ne désirait pas quitter le temple, qu'elle s'était consacrée à Dieu seul et n'avait pas de goût pour le mariage ; mais on lui répondit qu'elle devait prendre un époux'.


Quoiqu’en général la littérature juive postérieure ne parle pas de femmes ou de jeunes filles employées au service du temple, nous trouvons pourtant, soit dans l'autorité de l'Eglise qui célèbre la fête de la Présentation de Marie (le 21 novembre), soit dans la Bible et dans d'anciens documents, des motifs suffisants pour nous donner l'assurance qu'il y en avait réellement. Déjà du temps de Moise (Ex 38,8) et à la dernière époque des Juges () nous trouvons des femmes ou des jeunes filles employées au service du culte divin. Le (Ps 68) en décrivant l'entrée de l'Arche dans Sion nous montre dans le cortège des jeunes filles frappant sur des timbales. Il y avait des vierges vouées au temple et élevées dans son enceinte, a ce que dit déjà un disciple des apôtres, Evodius, successeur de saint Pierre à Antioche, dans une lettre citée, il est vrai, pour la première fois, par Nicéphore, lli. Il, c. Ill, et où il est parlé de la sainte Vierge. Saint Grégoire de Nysse, saint Jean Damascène et d'autres écrivains en parlent aussi. Le rabbin Azarias, dans son ouvrage intitulé Imreh Binah, C LX, mentionne des femmes employées au service du temple qui restaient vierges et vivaient en communauté. On peut donc citer une autorité juive pour l'existence de ces vierges du temple.


Dans l'ancienne alliance l'état de virginité n'était pas considéré comme méritoire, au moins en général. Parmi les nombreuses espèces de voeux qu'énumère la Michnah comme étant usités chez les Juifs, on ne trouve pas trace du voeu de chasteté. Tant qu'on était encore dans l'attente de la venue du Rédempteur, le mariage avec une nombreuse postérité passait pour l'état le plus heureux et le plus agréable à Dieu sur la terre. "Ceux que Dieu aime, dit le (Ps 126), reçoivent du Seigneur des enfants en héritage : le fruit des entrailles est leur récompense. "Et longtemps avant Dieu avait déjà fait cette promesse : "Tu seras béni entre tous les peuples : il n'y aura point de stérilité chez toi dans l'un l'autre sexe. "(Dt 7,14) Cela explique pourquoi les prêtres n'accédèrent pas au désir de Marie, quoiqu'il y eut des exemples de personnes vivant dans l'état de virginité, spécialement chez les Esséniens.


Je la vis ensuite dans son oratoire prier Dieu avec ferveur. Je me souviens aussi qu'étant très altérée, elle descendit avec sa petite cruche pour puiser de l'eau à une fontaine ou à un réservoir, et que là, sans apparition visible, elle entendit une voix qui la consola et la fortifia, tout en lui faisant connaître qu'elle devait consentir à se marier. Ce ne fut pas là l'Annonciation, car je la vis plus tard à Nazareth. Je crus pourtant pendant un certain temps avoir vu cette fois aussi apparaître un ange ; car, dans ma jeunesse, je confondais souvent cet incident avec l'Annonciation, et je croyais que celle-ci avait eu lieu dans le temple.


Il est remarquable que dans le Protevangelium Jacobi, déclaré apocryphe par l'Eglise, on lit entre autres choses que Marie alla à Nazareth en compagnie d'autres vierges. On leur avait donné au temple des fils d'espèce différente qu'elles devaient filer : la pourpre et l'écarlate étaient échus par le sort à Marie, "et, dit l'Évangile apocryphe, quand elle prit sa cruche et sortit pour aller puiser de l'eau, voilà qu'une voix lui dit : "Je vous salue, Marie, etc. "Marie regarda à droite et à gauche pour savoir d'où venait cette voix ; elle rentra effrayée dans la maison, posa la cruche, prit la pourpre et s'assit pour travailler. Et l'ange du Seigneur se tint debout en sa présence et lui dit : "Ne craignez rien, Marie, etc. "Ici aussi il est question d'une voix qu'elle entend en allant puiser de l'eau, mais tout cela se passe à Nazareth et se lie à l'Annonciation. Cet événement est raconté de la même manière dans un manuscrit latin de la Bibliothèque de Paris, publié par Thilo, et contenant un récit apocryphe intitulé : Histoire de Joachim et d'Anne, de la naissance de la bienheureuse Mère de Dieu, Marie, toujours vierge, et de l'enfance du Rédempteur. Seulement il y a ici un intervalle de trois jours entre la vois entendue à la fontaine et l'apparition de l'ange dans la Salutation angélique.


Je vis aussi un prêtre très vieux, qui ne pouvait plus marcher ; ce devait être le grand prêtre. Il fut porté par d'autres prêtres dans le Saint des saints, et pendant qu'il allumait un sacrifice d'encens, il lisait des prières sur un rouleau de parchemin placé sur une espèce de pupitre. Je le vis ravi en esprit. Il eut une apparition, et son doigt fut placé sur le passage suivant du prophète Isaïe, qui se trouvait écrit sur le rouleau : " une branche sortira de la racine de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine ". (Is 9,1) Quand le vieux prêtre revint à lui, il lut ce passage et connut quelque chose par là.


Je vis ensuite qu'on envoyait des messagers de tous les cotés dans le pays, et qu'on convoquait au temple tous les hommes de la race de David qui n'étaient pas mariés. Lorsque plusieurs d'entre eux se furent rassemblés dans le temple, en habits de fête, on leur présenta la sainte Vierge ; et je vis parmi eux un jeune homme très pieux de la contrée de Bethléem. Ce jeune homme avait demandé à Dieu avec une grande ferveur l'accomplissement de la promesse, et je vis dans son coeur un grand désir de devenir l'époux de Marie. Quant à celle-ci, elle revint dans sa cellule et versa de saintes larmes, ne pouvant pas s'imaginer qu'elle ne dût pas rester vierge.


Je vis alors le grand prêtre, obéissant à une impulsion intérieure qu'il avait reçue, présenter des branches à chacun des assistants, et leur enjoindre de marquer chacun une branche de leur nom et de la tenir à la main pendant la prière et le sacrifice. Quand ils eurent fait ce qui leur avait été dit, on leur reprit les branches, qui furent mises sur un autel devant le Saint des saints, et il leur fut annoncé que celui d'entre eux dont la branche fleurirait était désigné par le Seigneur pour devenir l'époux de Marie de Nazareth.

Pendant que les branches étaient devant le Saint des saints, on continua le sacrifice et la prière. Je vis durant ce temps le jeune homme, dont le nom me reviendra peut-être 1, crier vers Dieu, les bras étendus, dans une salle du temple, et verser des larmes brûlantes lorsque, après le temps fixé, on leur rendit les branches en leur annonçant qu'aucun d'entre eux n'était désigné par Dieu comme devant être le fiancé de cette vierge. Ces hommes furent alors renvoyés chez eux, et ce jeune homme se retira sur le mont Carmel, auprès des anachorètes qui vivaient là depuis le temps d'Elie ; il y vécut aussi depuis lors, priant continuellement pour l'accomplissement de la promesse.


La tradition le nomme Agabus, et dans le tableau de Raphaël, appelé vulgairement Sposatisio, il est représenté sous la figure d'un jeune homme qui brise un bâton sur son genou.


Je vis ensuite les prêtres du temple chercher de nouveau dans les registres des familles s'il n'existait pas quelque descendant de David qu'on eût oublié 1. Comme ils y trouvèrent l'indication de six frères de Bethléem, dont l'un était inconnu et absent depuis longtemps, ils s'enquirent du séjour de Joseph et le découvrirent à peu de distance de Samarie, dans un lieu situé près d'une petite rivière, où il habitait au bord de l'eau, travaillant pour un maître charpentier.


Sur l'ordre du grand prêtre, Joseph vint à Jérusalem et se présenta au temple. On lui fit, à lui aussi, tenir une branche à la main pendant qu'on priait et qu'on offrait un sacrifice ; comme il se disposait à la poser sur l'autel devant le Saint des saints, il en sortit une fleur blanche semblable à un ils, et je vis une apparition lumineuse descendre sur lui : c'était comme s'il eût reçu le Saint Esprit. On connut donc que Joseph était l'homme désigné par Dieu pour être le fiancé de la sainte Vierge, et les prêtres le présentèrent à Marie en présence de sa mère. Marie, résignée à la volonté de Dieu, l'accepta humblement pour son fiancé, car elle savait que tout est possible Dieu, qui avait reçu son voeu de n'appartenir qu'à lui.


Selon l'opinion commune, la conservation des registres généalogiques était l'affaire privée des familles. Le sacerdoce israélite dut néanmoins se mêler du maintien et de la continuation de ces documents : on peut l'induire de cette circonstance qu'on avait à faire des règlements et des arrangements très importants pour la société juive, suivant la manière dont les tribus et les familles étaient réparties. Nous savons, par les anciens documents, qu'au moins depuis la captivité de Babylone on tenait au temple des registres généalogiques exacts. Voyez Lightfoot., Horae hebr., t. I, p. 178, ed. Carpzovi., et Otho. Le rabinico-philos., 1625, p. 250.

XXXVI Du mariage et de l'habit nuptial de Marie et de Joseph.


La soeur Emmerich, dans ses visions quotidiennes sur la prédication de Notre Seigneur, vit, le lundi 26 septembre 1821, Jésus enseigner dans la synagogue de Gophna et y séjourner dans la famille d'un chef de la synagogue, parent de Joachim. Elle entendit à cette occasion deux veuves, filles de cet homme, s'entretenir ensemble du mariage des parents de Jésus, auquel elles avaient assisté dans leur jeunesse avec d'autres parents, et elle communiqua ce qui suit : Comme les deux veuves rappelaient dans leur conversation le mariage de Marie et de Joseph, je vis un tableau de ce mariage et je fus frappée de la beauté de l'habit de noce de la sainte Vierge.


Les noces de Marie et de Joseph, qui durèrent sept à huit jours, furent célébrées à Jérusalem dans une maison près de la montagne de Sion, qu'on louait souvent pour de semblables occasions. Outre les maîtresses et les compagnes de Marie à l'école du temple, il y avait beaucoup de parents d'Anne et de Joachim, entre autres une famille de Gophna avec deux filles. Les noces furent solennelles et somptueuses. Beaucoup d'agneaux furent immolés et offerts en sacrifice.


J'ai très bien vu Marie dans son vêtement de fiancée. Elle avait une robe très ample, ouverte par devant, avec de larges manches. Cette robe était fond bleu, semée de grandes roses rouges, blanches et jaunes, entremêlées de feuilles vertes, comme les riches chasubles des anciens temps. Le bord inférieur était garni de franges et de houppes. Par-dessus sa robe, elle portait un manteau bleu de ciel qui avait la forme d'un grand drap. Outre ce manteau. les femmes juives portaient encore dans certaines occasions une espèce de manteau de deuil à manches. Le manteau de Marie retombait sur les épaules, revenait en avant des deux côtés et se terminait en queue.


Elle portait à la main gauche une petite couronne de roses de soie rouge et blanche ; elle tenait à la main droite, en guise de sceptre un beau chandelier doré, sans pied, surmonté d'un petit plateau, où brûlait quelque chose qui produisait une flamme blanchâtre.


Les vierges du temple arrangèrent la chevelure de Marie : plusieurs d'entre elles s'y employèrent, et cela se fit plus vite qu'on ne pourrait le croire. Anne avait apporté l'habit de noce, et Marie, dans son humilité, ne voulait pas consentir à s'en revêtir après les fiançailles ; ses cheveux furent rattachés autour de sa tête, on lui mit un voile blanc qui pendait jusqu'au dessous des épaules, et une couronne fut placée sur ce voile.


La sainte Vierge avait une chevelure abondante d'un blond doré, des sourcils noirs et élevés, de grands yeux habituellement baissés avec de longs cils noirs, un nez d'une belle forme un peu allongé, une bouche noble et gracieuse' un menton effilé ; sa taille était de moyenne grandeur : elle marchait revêtue de son riche costume avec beaucoup de grâce, de décence et de gravité. Elle mit ensuite pour ses noces un autre habit moins magnifique, dont je possède un petit morceau parmi mes reliques Elle portait cet habit rayé à Cana et dans d'autres occasions solennelles. Elle mettait quelquefois sa robe de noce pour aller au temple. Il y avait des gens riches qui changeaient trois ou quatre fois d'habits pour leur mariage. Dans ces habits de parade, Marie rappelait un peu certaines femmes illustres d'une époque postérieure, par exemple l'impératrice sainte Hélène, et même sainte Cunégonde, quoiqu'elle s'en distinguât par le manteau dans lequel s'enveloppaient ordinairement les femmes juives, et qui ressemblait davantage à celui des dames romaines il y avait à Sion, dans le voisinage du cénacle, un certain nombre de femmes qui apprêtaient de belles étoffes de toute espèce, ce que je remarquai à l'occasion de ces habits


Joseph avait une longue robe fort ample de couleur bleue ; les manches, qui étaient fort larges, étaient attachées sur le coté par des cordons. Autour du cou, il avait comme un collet brun, ou plutôt une large étole, et sur sa poitrine pendaient deux bandes blanches. J'ai vu toutes les circonstances des fiançailles de Joseph et de Marie, le repas de noces et les autres solennités : mais je vis en même temps tant d'autres choses, et je suis si malade et si dérangée de mille façons, que je ne me hasarde pas à en dire davantage, de peur de mettre trop de confusion dans le récit.

XXXVII De l'anneau nuptial de Marie.


Le 29 juillet 182l, la soeur Emmerich eut une vision relative aux draps mortuaires de Notre Seigneur Jésus-Christ et aux empreintes de son corps qui se manifestèrent miraculeusement sur les linges dont on l'avait enveloppé. Comme à cette occasion elle se trouva conduite en divers lieux où ces saintes reliques se trouvaient, les unes conservées religieusement, les autres oubliées des hommes et honorées seulement par les anges et par quelques âmes saintes, elle crut voir conservé dans un de ces endroits l'anneau nuptial de la sainte Vierge, et elle raconta ce qui suit :


J'ai vu l'anneau nuptial de la sainte Vierge ; il n'est ni d'argent, ni d'or, ni d'autre métal ; il est de couleur sombre avec des reflets changeants : ce n'est pas un petit cercle mince, il est assez épais et large d'un doigt. Je le vis tout uni, et cependant comme incrusté de petits triangles réguliers où se trouvaient des lettres Je le vis conservé sous plusieurs serrures dans une belle église. Il y a des gens pieux qui, avant de célébrer leurs noces, lui font toucher leurs anneaux de mariage.


Le 21 août 1821, elle dit : J'ai su dans ces derniers jours beaucoup de détails relatifs à l'histoire de l'anneau nuptial de Marie ; mais je ne puis plus raconter tout cela avec ordre. J'ai vu aujourd'hui une fête dans une église d'Italie où il se trouve. Il était exposé dans une espèce d'ostensoir qui était placé au-dessus du tabernacle. Il y avait là un grand autel richement paré, avec beaucoup d'ornements en argent. J'ai vu qu'on faisait toucher beaucoup d'anneaux à l'ostensoir.


J'ai vu pendant la fête paraître, des deux côtés de l'anneau, Marie et Joseph dans leurs habits de noce ; il me sembla que saint Joseph mettait l'anneau au doigt de la sainte Vierge. J'ai vu l'anneau tout lumineux et comme en mouvement'.


Je vis à droite et à gauche de cet autel deux autres autels, qui, probablement, ne se trouvaient pas dans la même église, mais qui me furent montrés en même temps dans cette vision. Sur l'autel de droite se trouvait une image de l'Ecce homo, qu'un pieux magistrat romain, ami de saint Pierre, avait reçue par une voie miraculeuse. Sur l'autel de gauche était un des draps mortuaires de Notre Seigneur.


Quand les noces furent finies, Anne revint à Nazareth, et Marie partit aussi en compagnie de plusieurs vierges qui avaient quitté le temple en même temps qu'elle. Je ne sais pas jusqu'où ces jeunes filles lui firent la conduite. Le premier endroit où l'on s'arrêta pour passer la nuit fut encore l'école de lévites de Bethoron. Marie fit le voyage à pied. Joseph, après les noces, était allé à Bethléem pour régler quelques affaires de famille. Ce ne fut que plus tard qu'il se rendit à Nazareth.


Quand l'écrivain recueillit ceci, le 4 août 1821, il ne pouvait deviner pourquoi la soeur avait eu cette vision précisément le 3 août. Il fut fort surpris plusieurs années après lorsqu'il lut dans un écrit latin sur l'anneau de la sainte Vierge conservé à Pérouse, qu'on montrait cet anneau au peuple le 3 août, ce dont vraisemblablement ni lui ni la soeur ne savaient rien. Il trouva cette indication à la page 59 de l'écrit intitulé De annulo pronubo Deiparoe Virginis Perusioe religiosissime asservtur, J. B. Lauri Perusini Commentarius. 1626. Colonie Agrippinae,, apud J. Kinckium.


Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XXXIII De la jeunesse de saint Joseph