2013 Directoire prêtres


CongrÉgation pour le clergÉ

DIRECTOIRE

POUR LE MINISTÈRE

ET LA VIE DES PRÊTRES


Nouvelle édition




ISBN
Copyright LEV


PRÉSENTATION

Le phénomène de la “sécularisation” autrement dit, la tendance à vivre dans une projection horizontale, en ignorant ou en neutralisant la dimension transcendante de l’existence tout en acceptant volontiers le discours religieux, concerne tous les baptisés. Ce phénomène a pris tellement d’ampleur au cours des dernières décennies qu’il a obligé ceux qui, par mandat divin, ont pour tâche de guider l’Église, à adopter une position claire. Une de ces répercussions est l’éloignement de la pratique religieuse accompagné d’un refus – parfois conscient, parfois induit par des habitudes imposées sournoisement par une culture décidée à déchristianiser la société civile – tant du depositum fidei tel qu’il est authentiquement enseigné par le Magistère catholique, que de l’autorité et du rôle des ministres sacrés appelés par le Christ (Mc 3,13-19) à coopérer à son dessein salvifique et à conduire les hommes à l’obéissance de la foi (Si 48,10 He 4,1-11 Catéchisme de l’Église Catholique, n. CEC 144ss.) D’où l’engagement particulièrement déployé par Benoît XVI, dès le tout début de son pontificat, à revaloriser la doctrine catholique comme une présentation cohérente de la sagesse révélée authentiquement par Dieu et qui a trouvé dans le Christ son accomplissement, doctrine dont la valeur véridique est à la portée de l’intelligence de tous les hommes (CCC, n. CEC 27ss.).

S’il est vrai que l’Église existe, vit et se perpétue dans le temps dans sa mission évangélisatrice (cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décret Ad Gentes), il apparaît clairement que l’effet le plus délétère de cette sécularisation déferlante est la crise du ministère sacerdotal. Celle-ci se manifeste d’une part, par une diminution sensible des vocations et, de l’autre, par la diffusion à la fois d’une perte du sens du caractère surnaturel de la mission sacerdotale et par la propagation de formes inauthentiques qui souvent, dans leurs manifestations extrêmes, ont créé des situations de grandes souffrances. C’est pour cette raison que la réflexion sur le futur du sacerdoce coïncide avec le futur de l’évangélisation et par conséquent, avec le futur de l’Église elle-même. En 1992, le bienheureux Jean-Paul II avait déjà amplement exposé ce que nous sommes en train d’affirmer dans l’exhortation post-synodale Pastores dabo vobis et avait insisté pour que ce problème soit pris au sérieux. Parmi toutes les initiatives prises ensuite, il convient de rappeler d’une manière spéciale la promulgation de l’Année sacerdotale 2009-2010 en concomitance avec le 150ème anniversaire de la mort de saint Jean-Marie Vianney, patron des curés et des prêtres ayant charge d’âmes.

C’est pour toutes ces principales raisons qu’après une longue série de consultations et d’avis, nous nous sommes trouvés impliqués dans la rédaction de la première édition du Directoire pour le ministère et la vie des prêtres en 1994, un instrument apte à éclairer et servir de guide dans l’engagement du renouvellement spirituel des ministres sacrés, apôtres toujours plus désorientés, plongés dans un monde difficile et en continuelle mutation. L’expérience bénéfique de l’Année sacerdotale (dont l’écho est encore tout proche), la promotion d’une « nouvelle évangélisation », les indications récentes et précieuses du magistère de Benoît XVI, et, hélas, les blessures douloureuses qui ont atteint l’Église suite au comportement de certains de ses ministres, nous ont amenés à envisager une nouvelle édition du Directoire pour mieux répondre au moment historique que nous vivons actuellement. Nous avons conservé la structure originale du document ainsi que, bien entendu, l’enseignement pérenne de la théologie et de la spiritualité du sacerdoce catholique. Les intentions en sont clairement spécifiées dans sa brève introduction : « Il semble dès lors opportun de rappeler quelques éléments doctrinaux fondamentaux qui se trouvent au centre de l’identité, de la spiritualité et de la formation permanente des prêtres pour les aider à approfondir l’essence de leur identité et à grandir dans leur relation exclusive avec Jésus, le Christ, Chef et Pasteur. Toute la personne du prêtre ne pourra qu’en retirer des bienfaits sur le plan de l’être et de l’agir ». Ce texte ne sera pas une élaboration stérile dans la mesure où il sera concrètement accueilli par ses destinataires directs. « Ce Directoire est un document d’édification et de sanctification pour les prêtres qui vivent dans un monde en grande partie sécularisé et indifférent ».

Il convient de reprendre certains thèmes traditionnels qui ont, petit à petit, été relégués dans l’ombre ou parfois même rejetés en faveur d’une vision fonctionnaliste du prêtre comme « professionnel du sacré », ou d’une conception “politique” qui ne lui reconnaît dignité et valeur que dans la mesure où il est actif dans le social. Tout cela a fréquemment dévalorisé la dimension plus spécifique que l’on pourrait définir “sacramentelle”, du ministre qui, lorsqu’il dispense les trésors de la grâce divine, devient un autre Christ, mystérieuse présence dans le monde, tout en conservant les limites d’une humanité blessée par le péché.

Avant toute chose, la relation du prêtre avec le Dieu-Trinité. La révélation de Dieu comme Père, Fils et Esprit Saint est liée à la manifestation de Dieu comme l’Amour qui crée et sauve. Or donc, si la rédemption est une sorte de création et son prolongement (on la déclare en effet “nouvelle”), alors le prêtre, ministre de la rédemption, étant par son être source de vie nouvelle, devient lui-même instrument de la nouvelle création. Cela seul suffirait pour réfléchir sur la grandeur du ministre ordonné, indépendamment de ses capacités et de ses talents, de ses limites et de ses misères. C’est ce qui poussa saint François d’Assise à déclarer dans son testament : « Eux et tous les autres, je veux les respecter, les aimer et les honorer comme mes seigneurs. Je ne veux pas considérer en eux le péché ; car c’est le Fils de Dieu que je discerne en eux et ils sont réellement mes seigneurs. Si je fais cela, c’est parce que, du très haut Fils de Dieu, je ne vois rien de sensible en ce monde, si ce n’est son Corps et son Sang très saints, que les prêtres reçoivent et dont ils sont les seuls ministres ». Ce Corps et ce Sang qui régénèrent le genre humain.

Un autre point important sur lequel on insiste peu d’habitude mais d’où découlent toutes les implications pratiques, est celui de la dimension ontologique de la prière dans laquelle la liturgie des Heures joue un rôle particulier. On souligne souvent que du point de vue liturgique elle est une sorte de prolongement du sacrifice eucharistique (Ps 49, « Qui offre le sacrifice d’action de grâce, celui-là me rend gloire ») et sur le plan juridique, un devoir incontournable. Mais dans la vision théologique du sacerdoce ordonné comme participation ontologique à la personne du Christ, Chef et Tête, la prière du ministre sacré, quelle que soit sa condition morale, est à tous les effets prière du Christ, avec la même dignité et la même efficacité. En outre, de par l’autorité que les pasteurs ont reçu du Fils de Dieu, de « lier » le ciel pour les questions décidées sur terre pour le bénéfice de la sanctification des croyants (cf. Mt 18,18), celle-ci satisfait pleinement le commandement du Seigneur de prier toujours, en tout moment, sans se lasser (Lc 18,1 Lc 21,36). Ceci est un point sur lequel il convient d’insister. « Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce » (Jn 9,31). Qui donc, plus que le Christ en personne honore le Père et accomplit parfaitement sa volonté ? Si donc le prêtre agit in persona Christi, dans ses activités de participation à la rédemption – avec toutes ses particularités selon qu’il s’agit de l’enseignement, de l’orientation des fidèles vers le salut et de leur sanctification –, rien dans sa nature pécheresse ne peut offusquer la puissance de sa prière. Cela évidemment ne doit pas nous induire à minimiser l’importance pour tout ministre d’un comportement moral sain et droit (comme d’ailleurs pour tout baptisé), dont la mesure doit être la sainteté de Dieu (Lv 20,8 1P 1,15-16). Bien au contraire, cela doit souligner que le salut vient de Dieu qui a besoin de prêtres pour le perpétuer dans le temps. Ceci ne demande pas des pratiques ascétiques compliquées ni des formes particulières de spiritualité pour que tous les hommes puissent jouir, en particulier grâce à la prière des pasteurs choisis pour eux, des effets bénéfiques du sacrifice du Christ.

Une fois de plus nous insistons sur l’importance de la formation du prêtre qui doit être intégrale, sans privilégier un aspect au détriment d’un autre. L’essence de la formation chrétienne, de toute manière, ne peut pas être comprise comme “un entrainement” qui touche les facultés spirituelles humaines (intelligence et volonté) dans, pour ainsi dire, leur manifestation extérieure. Il s’agit là de la transformation de l’être même de l’homme, et tout changement ontologique ne peut venir que de Dieu, par l’action de son Esprit dont la fonction, comme nous le dit le Credo, est de “donner la vie”. “Former” signifie donner l’aspect de quelque chose et dans notre cas de Quelqu’un. « Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. Ceux qu’il connaissait par avance, il les a aussi destinés à être l’image de son Fils » (Rm 8,28-29). La formation spécifique du prêtre requiert donc, parce qu’il est, comme nous l’avons dit plus haut, une sorte de “co-créateur”, un abandon singulier à l’action de l’Esprit Saint, en évitant, tout en valorisant ses propres talents, de tomber dans le piège de l’activisme et de penser que l’efficacité de son action pastorale dépend de ses propres prouesses. Un tel abandon redonnera confiance à ceux qui, dans un monde largement sécularisé et sourd aux instances de la foi, pourraient rapidement glisser dans le découragement et, de ce fait, dans une médiocrité pastorale, dans la tiédeur et, enfin, dans la mise en cause de cette mission qu’ils avaient accueillie au début avec un enthousiasme très sincère.

Une bonne connaissance des sciences humaines (en particulier de la philosophie et de la bioéthique) pour relever à tête haute les défis du laïcisme ; la valorisation et l’utilisation des moyens de communication de masse comme concours efficace pour annoncer la Parole ; la spiritualité eucharistique comme élément spécifique de la spiritualité sacerdotale (l’Eucharistie est le sacrement du Christ, amour total et inconditionné pour le Père et les frères et doit l’être également pour celui qui est participation du Christ-don) et dont dépend le sens du célibat (auquel beaucoup s’opposent parce qu’ils ne le comprennent pas) ; la relation avec la hiérarchie ecclésiastique et la fraternité sacerdotale ; l’amour pour Marie, Mère des prêtres dont le rôle dans l’économie du salut est au premier plan, non pas comme un élément décoratif ou optionnel, mais essentiel. Ces points et bien d’autres encore seront examinés successivement dans le présent Directoire, dans une démarche claire et complète, utile pour purifier les idées équivoques ou déformées sur l’identité et la fonction du ministre de Dieu dans l’Église et dans le monde. Puisse-t-il être réellement utile à chaque prêtre et l’aider à se sentir fier d’être un membre spécial de ce merveilleux plan d’amour de Dieu qu’est le salut du genre humain.

Mauro Card. Piacenza

Préfet


+ Celso Morga Iruzubieta

Archevêque tit. de Alba marittima

Secrétaire


INTRODUCTION

999 Dans son discours aux participants du Congrès promu par la Congrégation pour le Clergé le 12 mars 2010, Benoît XVI a rappelé que « le thème de l’identité sacerdotale […] est déterminant pour l’exercice du sacerdoce ministériel à l’heure actuelle et à l’avenir ». Ces paroles soulignent une des questions centrales pour la vie de l’Église, celle de la compréhension du ministère ordonné.

Il y a plusieurs années, en s’inspirant de la riche expérience de l’Église sur le ministère et la vie des prêtres, condensée dans divers documents du Magistère[1] et en particulier dans l’Exhortation post-synodale Pastores dabo vobis,[2] ce Dicastère avait présenté le Directoire pour le Ministère et la Vie des Prêtres.[3]

      La publication de ce document répondait alors à une exigence fondamentale : « La tâche pastorale prioritaire de la nouvelle évangélisation incombe à tout le peuple de Dieu, et demande une nouvelle ardeur, de nouvelles méthodes et un nouveau langage pour l’annonce et le témoignage évangéliques. Il exige que les prêtres soient radicalement et totalement plongés dans le mystère du Christ et capables de réaliser un nouveau style de vie pastorale ».[4] Le Directoire à peine cité, était en 1994 une réponse à cette exigence ainsi qu’aux demandes avancées par de nombreux évêques au cours du Synode de 1990 et lors de la consultation générale de l’épiscopat promue par ce Dicastère.

Après 1994, le magistère du bienheureux Jean-Paul II a offert de riches contenus sur le sacerdoce, thème que le pape Benoît XVI a approfondi avec ses nombreux enseignements. L’Année Sacerdotale 2009-2010 fut un temps particulièrement propice pour méditer sur le ministère sacerdotal et pour promouvoir un authentique renouvellement spirituel des prêtres.

Et enfin, avec la compétence pour les séminaires qui est passée de la Congrégation pour l’Éducation Catholique à celle pour le Clergé, Benoît XVI a voulu souligner le lien incontournable entre l’identité sacerdotale et la formation de ceux qui sont appelés au ministère sacré.

Il nous semblait dès lors opportun d’élaborer une nouvelle version du Directoire qui reprenne les richesses du magistère récent.[5]

La nouvelle rédaction respecte bien entendu, le schéma du document original qui avait été bien accueilli par l’Église et particulièrement par les prêtres. En articulant les divers contenus, on avait tenu compte des suggestions de l’épiscopat mondial expressément consulté, ainsi que des idées issues des travaux de la réunion plénière de la Congrégation qui eut lieu au Vatican en octobre 1993 et finalement des réflexions de nombreux théologiens, canonistes et experts en la matière provenant des divers horizons géographiques et insérés dans les situations pastorales actuelles.

Dans la nouvelle version du Directoire, l’accent est mis sur les aspects les plus importants de l’enseignement magistériel relatif au ministère sacré de 1994 à nos jours, avec des références aux principaux documents du bienheureux Jean-Paul II et de Benoît XVI. Les indications pratiques utiles pour lancer des initiatives ont été gardées, tout en évitant d’entrer dans ces détails laissés à la prudence et au zèle des Pasteurs et qui relèvent des pratiques locales légitimes ainsi que des conditions réelles de chaque diocèse et conférence épiscopale.

Dans le climat culturel actuel il convient d’affirmer que l’identité du prêtre comme homme de Dieu n’est pas obsolète. Il semble dès lors opportun de rappeler quelques éléments doctrinaux fondamentaux qui se trouvent au centre de l’identité, de la spiritualité et de la formation permanente des prêtres pour les aider à approfondir l’essence de leur identité de prêtre et à grandir dans leur relation exclusive avec Jésus Christ, Chef et Pasteur. Toute la personne du prêtre ne pourra qu’en retirer des bienfaits sur le plan de l’être et de l’agir.

Et enfin, comme le disait aussi l’introduction à la première édition du Directoire, la présente version mise à jour ne se veut pas un exposé exhaustif sur le sacerdoce ordonné, ni ne veut se limiter à une simple répétition de ce qui est authentiquement déclaré par le Magistère de l’Église ; elle souhaite plutôt répondre aux principales questions d’ordre doctrinal, disciplinaire et pastoral que les défis de la nouvelle évangélisation – pour laquelle Benoît XVI a institué un nouveau Conseil pontifical – posent aux prêtres.[6]

Par exemple, un accent particulier a été mis sur la dimension christologique de l’identité du prêtre ainsi que sur la communion, l’amitié et la fraternité sacerdotales, considérées comme des biens d’importance vitale au vu de leur incidence sur la vie du prêtre. La même chose peut être dite de la spiritualité presbytérale fondée sur la Parole et les sacrements, en particulier celui de l’Eucharistie. Finalement, il est apparu nécessaire d’offrir quelques conseils pour une formation permanente appropriée pour aider les prêtres à vivre leur vocation avec joie et responsabilité.

Ce Directoire est un document d’édification et de sanctification pour les prêtres qui vivent dans un monde en grande partie sécularisé et indifférent. Ce texte est avant tout destiné, par le biais des évêques, aux prêtres de l’Église latine, même si nombre de ses contenus peuvent s’avérer bénéfiques à ceux qui appartiennent à d’autres rites. Ses directives s’adressent en particulier aux prêtres du clergé séculier diocésain, bien que, nombre d’entre elles doivent être tenues en compte avec les adaptations nécessaires, par les prêtres membres des Instituts religieux et des Sociétés de vie apostolique.

Puisse cette nouvelle édition du Directoire pour le Ministère et la Vie des Prêtres constituer pour chaque prêtre un outil dans l’approfondissement de son identité et de sa spiritualité. Puisse-t-il être pour chacun un encouragement dans son ministère et un soutien pour sa formation permanente dont chacun est le premier responsable ; puisse-t-il être une référence pour un apostolat riche et authentique pour le bien de l’Église et du monde entier.

Puisse Marie faire résonner dans nos coeurs chaque jour et spécialement lorsque nous nous préparons à célébrer le Sacrifice de l’autel, l’invitation faite aux noces de Cana de Galilée : « Faites tout ce qu’Il vous dira » (
Jn 2,5). Faisons confiance à Marie, Mère des prêtres, avec la prière du Pape Benoît XVI :



Mère de l’Église,
nous, prêtres,
nous voulons être des pasteurs
qui ne paissent pas pour eux-mêmes,
mais qui se donnent à Dieu pour leurs frères,
trouvant en cela leur bonheur.
Non seulement en paroles, mais par notre vie,
nous voulons répéter humblement,
jour après jour,
notre “me voici”.

Guidés par toi,
nous voulons être des Apôtres
de la Miséricorde Divine,
heureux de célébrer chaque jour
le Saint Sacrifice de l’Autel
et d’offrir à tous ceux qui nous le demandent
le Sacrement de la Réconciliation.

Avocate et Médiatrice de la grâce,
Toi qui es entièrement immergée
dans l’unique médiation universelle du Christ,
demande à Dieu, pour nous,
un coeur complètement renouvelé,
qui aime Dieu de toutes ses forces
et serve l’humanité comme toi-même tu l’as fait.

Redis au Seigneur
cette parole efficace :
« ils n’ont pas de vin » (Jn 2,3),
afin que le Père et le Fils répandent sur nous,
comme dans une nouvelle effusion
l’Esprit Saint.[7]


[1]     Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium: AAS 57 (1965), LG 28; Décret sur la formation sacerdotale Optatam totius: AAS 58 (1966), OT 22; Décret sur la charge pastorale des Évêques Christus Dominus: AAS 58 (1966), CD 16; Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis: AAS 58 (1966), 991-1024 ; Paul VI, Encycl. Sacerdotalis caelibatus (24 juin 1967): AAS 59 (1967), 657-697; S. Congrégation pour le Clergé, Lettre circulaire Inter ea (4 novembre 1969): AAS 62 (1970), 123-134; Synode des Évêques, Document sur le sacerdoce ministriel Ultimis temporibus (30 novembre 1971): AAS 63 (1971), 898-922; Codex Iuris Canonici (25 janvier 1983), can. 273-289; 232-264; 1008-1054; Sacrée Congrégation pour l'éducation catholique, Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis (19 mars 1985), 101; Jean-Paul II, Lettre aux Prêtres à l’occasion du Jeudi saint; Catéchèse sur les prêtres, dans les Audiences générales du 31 mars au 22 septembre 1993.
[2]     Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars, 1992) : AAS 84 (1992), 657-804.
[3]     Congrégation pour le Clergé, Directoire Dives Ecclesiae pour le Ministère et la Vie des Prêtres (31 mars 1994).
[4]     Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 18.
[5]     Cf. par exemple Jean-Paul II, Lettre ap. sous forme de motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002) : AAS 94 (2002), 452-459 ; Lettre encyclique Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003) : AAS 95 (2003), 443-475 ; Exhort. ap. post-synodale Pastores gregis, (16 octobre 2003) : AAS 96 (2004), 825-924 ; Lettre aux Prêtres (1995-2002 ; 2004-2005) ; Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007) : AAS 99 (2007), 105-180 ; Message aux participants du XXème cours sur le for interne promu par la Pénitencerie Apostolique (12 mars 2009) ; Enseignements V/1 (2009), 374-377 ; Discours aux participants à la plénière de la Congrégation pour le Clergé (16 mars 2009) :
[6]     Cf. Benoît XVI, Lettre apostolique sous forme de motu proprio Ubicumque et semper, par laquelle le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation est institué (21 septembre 2010) : AAS 102 (2010), 788-792.
[7]     Benoît XVI, Acte de confiance et de consécration des prêtres au coeur immaculé de Marie (12 mai 2010) : Enseignements VI/1 (2010), 690-691.



I. IDENTITÉ DU PRÊTRE


Dans son exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, le bienheureux Jean-Paul II présente et définit l’identité du prêtre : « Dans l’Église et pour l’Église, les prêtres représentent sacramentellement Jésus Christ Tête et Pasteur, ils proclament authentiquement la Parole, ils répètent ses gestes de pardon et d’offre du salut, surtout par le Baptême, la Pénitence et l’Eucharistie, ils exercent sa sollicitude pleine d’amour, jusqu’au don total d’eux-mêmes, pour le troupeau qu’ils rassemblent dans l’unité et conduisent au Père par le Christ dans l’Esprit ».[8]

[8]     Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 15.


Le sacerdoce comme don

1 L’Église tout entière participe de l’onction sacerdotale du Christ dans l’Esprit Saint. Dans l’Église, en effet « tous les chrétiens deviennent un sacerdoce saint et royal, offrant des sacrifices spirituels à Dieu par Jésus-Christ, et proclamant les hauts faits de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière (cf. 1P 2,5 1P 2,9) ».[9] Dans le Christ, tout le Corps mystique est uni au Père par le Saint-Esprit, en vue du salut de tous les hommes.

L’Église, cependant, ne peut remplir seule cette mission : toute son activité a intrinsèquement besoin de la communion avec le Christ, Tête de son Corps. Indissolublement liée à son Seigneur, elle reçoit constamment la grâce et la vérité, le gouvernement et le soutien, (cf. Col Col 2,19) afin de pouvoir être pour tous et pour chacun « signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».[10]

Le sacerdoce ministériel trouve sa raison d’être dans cette perspective de l’union vitale et opérationnelle de l’Église avec le Christ. En effet, grâce à ce ministère, le Seigneur continue à exercer au milieu de son Peuple les fonctions qui ne reviennent qu’à Lui en tant que Tête de son Corps. Par conséquent, le sacerdoce ministériel rend tangible l’activité propre du Christ-Tête, et prouve que le Christ n’a pas abandonné son Église mais qu’il continue à lui donner la vie grâce à son sacerdoce éternel. Pour cette raison, L’Église considère le sacerdoce ministériel comme un don qui lui est fait dans le ministère de certains de ses fidèles.

Ce don, institué par le Christ pour continuer sa mission salvifique, a d’abord été conféré aux apôtres et se continue dans l’Église, à travers leurs successeurs, les évêques qui le transmettent à un degré subordonné aux prêtres en tant que coopérateurs de l’ordre épiscopal. C’est pour cette raison que l’identité de ces derniers dans l’Église découle de leur conformation à la mission de l’Eglise qui, pour le prêtre, se réalise  dans la communion avec son Evêque.[11] « La vocation du prêtre est donc une très haute vocation qui reste un grand mystère, également pour ceux qui l’ont reçue en don. Nos limites et nos faiblesses doivent nous pousser à vivre et à conserver avec une foi profonde ce don précieux avec lequel le Christ nous a configurés à Lui en nous faisant participer à sa mission salvifique ».[12]

[9]     Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2.
[10]    Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, LG 1.
[11]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2.
[12]    Benoît XVI, Discours aux participants du Congrès théologique promu par la Congrégation pour le Clergé (12 mars 2010) ; l.c., 325.


Fondement sacramentel

2 Par l’ordination sacramentelle, réalisée par l’imposition des mains et la prière consécratoire prononcée par l’Évêque, il se produit dans le prêtre « un lien ontologique spécifique qui unit le prêtre au Christ, Prêtre Suprême et Bon Pasteur ».[13]

L’identité du prêtre, par conséquent, découle de sa participation spécifique au Sacerdoce du Christ, par laquelle le sujet ordonné devient, dans l’Église et pour l’Église, image réelle, vivante et transparente du Christ Prêtre, « une représentation sacramentelle du Christ Tête et Pasteur ».[14] Grâce à la consécration, le prêtre « reçoit le don d’un “pouvoir” spirituel qui est participation à l’autorité avec laquelle Jésus Christ, par Son Esprit, guide son Église ».[15] Cette identification sacramentelle avec le Prêtre Suprême et Éternel, insère spécifiquement le prêtre dans le mystère trinitaire et, à travers le mystère du Christ, dans la communion ministérielle de l’Église pour servir le Peuple de Dieu,[16] non comme un fonctionnaire chargé des questions religieuses, mais comme le Christ « qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rachat pour la multitude » (
Mt 20,28). Il ne faut pas s’étonner dès lors que « le principe intérieur, la vertu qui anime et guide la vie spirituelle du prêtre en tant que configuré au Christ, Tête et Pasteur », soit « la charité pastorale, participation à la charité pastorale du Christ Jésus : don gratuit de l’Esprit Saint et, en même temps, engagement et appel à une réponse libre et responsable de la part du prêtre ».[17]

Il ne faut pas oublier en outre, que chaque prêtre, comme toute autre personne, est unique et irremplaçable. Dieu n’efface pas la personnalité du prêtre, au contraire, il la demande totalement pour s’en servir – la grâce construit sur la nature – pour que le prêtre puisse transmettre les vérités les plus profondes et précieuses. Dieu respecte la personnalité de chaque prêtre et demande que les autres le fassent également.

[13]    Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 11.
[14]    Ibid., PDV 15.
[15]    Ibid., PDV 21 ; cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2 PO 12.
[16]    Ibid., PDV 12.
[17]    Ibid., PDV 23.


1.1  Dimension trinitaire


En communion avec le Père, le Fils et l’Esprit Saint

3  Par son baptême, le chrétien entre en communion avec Dieu, Un et Trine qui lui communique sa propre vie divine afin qu’il devienne son fils adoptif dans son unique Fils ; par conséquent il est invité à reconnaître Dieu comme son Père et, par cette filiation divine, à expérimenter la providence paternelle qui n’abandonne jamais ses enfants. Si cela est vrai pour tout chrétien, il est aussi vrai que, grâce à la consécration reçue dans le sacrement de l’Ordre, le prêtre est placé dans une relation particulière et spécifique avec le Père, le Fils, et le Saint-Esprit. En effet, « notre identité a son origine ultime dans la charité du Père. Nous sommes unis au Fils, envoyés par lui, Souverain Prêtre et Bon Pasteur, au moyen du sacerdoce ministériel, par l’action de l’Esprit Saint. La vie et le ministère du prêtre sont une continuation de la vie et de l’action du Christ. C’est cela notre identité, notre véritable dignité, la source de notre joie, la certitude de notre vie ».[18]

L’identité, le ministère et l’existence du prêtre sont donc essentiellement en relation avec la très sainte Trinité, en vue du service sacerdotal de l’Église et de tous les hommes.

[18]    Ibid.,
PDV 18 ; Message des Pères synodaux au Peuple de Dieu (28 octobre 1990), III : “L’Osservatore Romano”, 29-20 octobre 1990.


Dans la dynamique trinitaire du salut

4  Le prêtre, « comme prolongement visible et sacramentel du Christ, et à sa propre place en face de l’Église et du monde, comme origine permanente et toujours nouvelle du salut »[19], se trouve inséré avec une responsabilité particulière dans la dynamique trinitaire. Son identité provient du ministerium Verbi et sacramentorum, qui est en relation essentielle avec le mystère de l’amour salvifique du Père (cf. Jn 17,6-9 Jn 17,24 1Co 1,1 2Co 1,1), avec l’être sacerdotal du Christ – qui choisit et appelle personnellement son ministre pour qu’il demeure avec Lui (cf . Mc 3,15) – et avec le don de l’Esprit (cf. Jn 20,21), qui communique au prêtre la force nécessaire pour donner vie à une multitude de fils de Dieu, convoqués dans son unique Peuple, en chemin vers le Royaume du Père.

[19]    Ibid., PDV 16 : l.c., 682.


Relation intime avec la Trinité

5 On peut en déduire le caractère essentiellement “relationnel” (cf. Jn 17,11 Jn 17,21)[20] de l’identité du prêtre.

La grâce et le caractère indélébile conférés par l’onction sacramentelle du Saint-Esprit [21] mettent par conséquent le prêtre “en relation” personnelle avec la Trinité, puisqu’elle est la source de l’être et de l’agir sacerdotal.

Le Décret conciliaire Presbyterorum Ordinis souligne dès le préambule la relation fondamentale qui existe entre le prêtre et la très sainte Trinité en nommant clairement les trois personnes divines : « La fonction des prêtres, en tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ édifie, sanctifie et gouverne son Corps. C’est pourquoi le sacerdoce des prêtres, s’il repose sur les sacrements de l’initiation chrétienne, est cependant conféré au moyen du sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne […]. Ainsi donc, la fin que les prêtres poursuivent dans leur ministère et dans leur vie, c’est de rendre gloire à Dieu le Père dans le Christ ».[22] 

Cette relation doit donc nécessairement être vécue par le prêtre de manière intime et personnelle, dans un dialogue d’adoration et d’amour avec les trois Personnes divines, conscient que le don reçu lui a été conféré pour le service de tous.

[20]    Cf. Ibid., PDV 12 : l.c., 675-677.
[21]    Cf. Conc. OEcum. Trident. Sessio XXIII, De sacramento Ordinis : DS 1763-1778 ; Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 11-18 ; Audience générale (31 mars 1993) : Enseignements XVI/1, 784 -797.
[22]    Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2.


1.2  Dimension christologique


Identité spécifique

6 La dimension christologique, tout comme la dimension trinitaire, provient directement du sacrement qui le configure ontologiquement au Christ Prêtre, Maître, Sanctificateur et Pasteur de son Peuple.[23] Les prêtres participent en outre à l’unique sacerdoce du Christ en tant que collaborateurs des évêques : ceci relève de l’ordre sacramentel et ne peut, par conséquent, être interprété comme relevant simplement de l’organisation.

Les fidèles qui, tout en restant insérés dans le sacerdoce commun ou baptismal, sont choisis et constitués dans le sacerdoce ministériel, reçoivent une participation indélébile à l’unique sacerdoce du Christ dans la dimension publique de la médiation et de l’autorité pour la sanctification, l’enseignement et le gouvernement de tout le Peuple de Dieu. Ainsi, d’une part, le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique sont nécessairement ordonnés l’un à l’autre parce que l’un et l’autre, chacun à sa manière, participent de l’unique sacerdoce du Christ ; et d’autre part, ils diffèrent essentiellement l’un de l’autre et pas seulement de degré.[24]

Dans ce sens, l’identité du prêtre est « nouvelle » par rapport à celle de tous les chrétiens qui, par le baptême, participent déjà ensemble de l’unique sacerdoce du Christ et sont appelés à lui rendre témoignage sur toute la terre.[25] Toutefois, la spécificité du sacerdoce ministériel se définit non par une soi-disant "supériorité" par rapport au sacerdoce commun, mais par le service qu’il est appelé à réaliser envers tous les fidèles pour qu’ils puissent adhérer à la médiation et à la seigneurie du Christ, rendues visibles par l’exercice du sacerdoce ministériel.

Dans cette identité christologique particulière, le prêtre doit avoir conscience que sa vie est un mystère totalement inséré dans le mystère du Christ et de l’Église, de manière nouvelle et spécifique, et que ceci l’engage totalement dans l’activité pastorale qui donne un sens à son existence.[26] Cette conscience de son identité est particulièrement importante dans le contexte culturel sécularisé actuel où « le prêtre apparaît souvent “étranger” au sentiment commun, précisément en raison des aspects les plus fondamentaux de son ministère, comme ceux d’être l’homme du sacré, en retrait du monde pour intercéder en faveur du monde, constitué, dans cette mission, par Dieu et non par les hommes (cf.
He 5,1) ».[27]

[23]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, LG 18-31 ; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2 ; C.I.C. can. CIC 1008.
[24]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, LG 18-31; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 2.
[25]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, décr. Apostolicam actuositatem. AAS 58 (1966), AA 3 ; Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), CL 14 : AAS 81 (1989), 409-413.
[26]    Cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 11-18 ; Audience générale (31 mars 1993) : l.c., 784-797.
[27]    Benoît XVI, Discours aux participants du Congrès théologique promu par la Congrégation pour le Clergé (12 mars 2010) ; l.c., 324.


2013 Directoire prêtres