Brentano: Visions de la Bse Emmerich - TROISIEME CHAPITRE: LA FÊTE DE LA PENTECOTE. Du 20 au 31 mai.
Préparatifs du départ. - Guérison d'un enfant aveugle. - Sur le mot Amen. - Jésus va à Salamine où il s'entretient avec Mercuria et le gouverneur romain. - il va gagner le port, - il débarque à Hepha. - Jésus à Misael, - à Thanach. - Guérison d'un pharisien. - Jésus à Sion près du mont Thabor, - à Naim. - Rencontre des saintes femmes. -Opposition des Pharisiens de Naim. - Jésus à Rimmon, - à Beth-Lachem, - à Azanoth. - il rencontre Lazare à Damna. - Jésus dans la maison de sa sainte mère, à Capharnaüm.
1er et 2 juin.- Ce matin je vis Jésus à son hôtellerie s'entretenir avec plusieurs personnes de la ville : il leur annonça son prochain départ et donna des encouragements à plusieurs d'entre eux qui avaient formé le projet de le suivre, mais qui étaient agités de beaucoup de craintes et d'inquiétudes. Il s'entretint aussi avec plusieurs femmes auxquelles il donna des consolations. Dans l'après-midi il fut principalement dans le jardin voisin de la fontaine avec ceux qui doivent en effet partir d'ici et il leur donna des instructions sur ce qu'ils avaient à faire. Il fut question des arrangements à prendre pour le départ et de la manière dont les voyageurs seraient répartis.
2 juin.- Ce matin Jésus fit une grande instruction près de la fontaine de la ville. Il répéta de nouveau tout ce qu'il leur avait dit, il parla de l'approche du royaume de Dieu, de la nécessité d'aller à sa rencontre, de sa séparation d'avec eux, du peu de temps qu'il avait à rester encore, du pénible accomplissement de sa tâche, de ce qu'il fallait faire pour marcher à sa suite et coopérer avec il parla encore de la destruction prochaine de Jérusalem et du châtiment qui devait frapper cette ville et tous ceux qui repoussaient le royaume de Dieu et qui ne voulaient pas faire pénitence et se convertir, mais, restaient attachés à leurs biens terrestres et à leurs plaisirs, Il leur représenta comment tout ce qui paraissait ici si agréable et si doux, n'était qu'un sépulcre peint au dehors de belles couleurs, mais au dedans plein de pourriture et d'objets repoussants. Il les exhorta à réfléchir sur leur intérieur : à considérer eux-mêmes ce qui se trouvait réellement en eux sous tant de belles apparences. Il parla de l'usure à laquelle ils se livraient, de leur avarice, de leur mélange avec les païens fondé sur l'amour du gain, de l'attachement aux biens de ce monde dont ils étaient les esclaves, de leur hypocrisie, etc. Il leur dit encore de bien regarder tout ce luxe et ce bien-être qui les entourait ; car tout cela devait être anéanti, et un temps viendrait où il n'y aurait plus un Israélite dans ce pays. Il parla en termes très clairs de lui-même et de l'accomplissement des prophéties, toutefois il ne fut compris que d'un petit nombre. Pendant cette instruction les auditeurs s'approchaient successivement, toujours divisés en catégories, vieillards, hommes faits, jeunes gens, femmes, jeunes filles, etc. : tous furent profondément remués, pleurèrent et sanglotèrent.
Après cela Jésus accompagné des disciples et de quelques personnes de Mallep, alla à deux lieues au levant, dans un endroit où l'avaient prié de se rendre les habitants de plusieurs métairies qu'il avait visitées déjà une fois pendant son séjour à Mallep. Il y avait la une jolie colline couverte d'arbres qui servait a la prédication. Il était venu aussi des gens du village des mineurs voisin de Chytrus. Une des principales raisons qui décidèrent Jésus à faire cette excursion fut qu'il devait y rencontrer le disciple de Naïm, Nathanaël de Cana et le fils de Zorobabel, venus de Citium pour le saluer et lui rendre compte des dispositions prises pour son départ de l'île de Chypre. Ils avaient rencontré en route des messagers que le gouverneur de Salamine envoyait à Jésus et avec lesquels ils étaient venus. Ils avaient aussi dans leur compagnie quelques personnes de Citium qui désiraient le baptême. Le gouverneur faisait faire ses compliments à Jésus : il désirait le voir à Salamine et demandait à être baptisé.
Jésus dans l'instruction qu'il fit ici prit congé de ses auditeurs comme à Mallep, puis il visita quelques cabanes et guérit plusieurs malades qui avaient imploré son assistance. Comme il était déjà en train de revenir à Mallep, un vieux paysan le pria de vouloir bien entrer dans sa maison et d'avoir pitié de son enfant qui était aveugle. Il y avait dans cette maison trois familles, en tout douze personnes, les grands parents et deux fils mariés, avec leurs enfants. La mère couverte de son voile apporta à Jésus sur ses bras l'enfant aveugle qui était déjà en état de parler et de courir. Jésus le prit dans ses bras, porta à sa bouche les doigts de sa main droite, lui frotta les yeux avec sa salive, le bénit, le posa à terre et lui mit quelque chose devant les yeux. L'enfant étendit les mains de lui-même pour le prendre, et tous poussèrent des cris de joie. L'enfant courut à la voix de sa mère qu'il embrassa, puis à son père et il passa ainsi des bras de l'un dans ceux de l'autre : après quoi ils le reconduisirent à Jésus et s'agenouillèrent en pleurant pour le remercier. Jésus pressa l'enfant dans ses bras et le rendit aux parents qu'il exhorta à le conduire à la véritable lumière afin qu'ayant les yeux ouverts il ne tombât pas dans des ténèbres pires que celles dont il était sorti. Il bénit aussi les autres enfants et toute la maison. Les assistants pleuraient et l'accompagnaient de leurs chants d'allégresse.
A Mallep, il y eut un repas dans la maison destinée aux fêtes publiques. Tout le monde y prit part. On donna à manger aux pauvres et on leur fit des présents : Jésus et ses disciples allaient et venaient, servaient à table et enseignant.
Jésus fit en dernier lieu une grande instruction sur le mot AMEN. Il dit que c'était le résultat de toute la prière. Quiconque le prononce légèrement met sa prière à néant.
La prière invoque Dieu, nous met en union avec Dieu, ouvre pour nous les trésors de sa miséricorde et par le mot amen s'il est dit comme il doit l'être, nous prenons possession de ces dons. Il parla admirablement de la vertu du mot amen. Il l'appela le commencement et la fin de toutes choses, et il s'exprima presque comme si c'était avec ce mot que Dieu avait créé le monde. Il prononça aussi l'amen comme le dernier mot de tout ce qu'il leur avait enseigné, comme la conclusion des adieux qu'il leur faisait et de ceux qu'il ferait au monde après avoir accompli sa mission et il termina par un amen solennel.
Cette instruction se prolongea assez avant dans la nuit. Il bénit tous ses auditeurs qui versèrent des Larmes en lui adressant leurs adieux.
Après cela Jésus se retira et quitta la ville avec ses disciples. Barnabé et Mnason ne partiront que le lendemain. Je crois qu'ils se sont un peu reposés sur la route. Ils laissèrent Chytrus à main droite, et suivant des sentiers peu fréquentés à travers des champs et des landes, ils se dirigèrent en droite ligne vers la montagne qu'ils franchirent. Jésus a payé son écot à l'hôtellerie le jour d'avant son départ : le disciple de Naïm avait apporté de l'argent. Comme on ne voulait pas le prendre, il fut distribué aux pauvres.
Voici ce que j'ai vu touchant Mercuria et son départ de Salamine. Elle a des parents à Tyr : il y aura prochainement dans cette ville une fête où elle doit paraître. Elle partira sans son mari, avec ses deux filles et des serviteurs dévoués, mais elle n'ira pas jusqu'à Tyr : des hommes d'Ornithopolis, si je ne me trompe, l'attendront avec un petit navire sur lequel elle montera avant d'arriver a Tyr, et qui la conduira en lieu de sûreté.
De même tous ceux qui dès à présent et plus tard doivent de Mallep, de Chytrus et de Salamine, se rendre en Palestine à la suite de Jésus, auront à prendre diverses voies qui leur sont assignées. Quelques-uns s'embarqueront au nord-est de Salamine, d'autres qui font des affaires avec Tyr partiront de Salamine même, d'autres enfin s'embarqueront ailleurs. Les païens baptisés se rendront pour la plupart à Gessur.
3 juin. -- Aujourd'hui, vers deux heures après midi, je vis Jésus et ses compagnons arriver près de Salamine, à la maison d'école ou il avait logé habituellement lors de son arrivée à Chypre. Ils y sont arrivés par le nord-ouest, ayant à main droite l'aqueduc et à gauche la ville juive. Je les vis, ayant encore leurs robes relevées, s'asseoir trois par trois, dans l'avant-cour de la maison, au bord d'un bassin entouré de petits fossés dans lesquels on se lave les pieds. On verse de l'eau du bassin dans ces fossés. Ils se servirent successivement d'un long morceau d'étoffe brune pour s'essuyer les pieds. Jésus ne permettait pas que d'autres lui lavassent les pieds : le plus souvent tous se les lavaient eux-mêmes. On les attendait et on leur donna à manger.
Il y avait la beaucoup de gens de ses amis auxquels Jésus fit une instruction qui dura bien deux heures. Il prit congé des parents du disciple de Jonas : puis il eut un long entretien avec le gouverneur romain 1, celui-ci lui présenta deux jeunes gens païens qui demandaient aussi à être instruits et baptisés. Jésus s'entretint d'abord avec eux deux, puis il parla à chacun en particulier. Ils lui firent en pleurant l'aveu de leurs péchés, et il les leur remit.
Note : Le 25 novembre 1823 Anne-Catherine ayant eu une vision très détaillée touchant l'origine et la vie de sainte Catherine, fit mention du gouverneur et raconta de lui ce qui suit : Sa femme qui habitait Rome était une païenne très zélée. Lors du voyage qu'il fit dans cette ville, il lui raconta sa conversion et l'engagea à l'imiter, voulant se séparer d'elle si elle ne le faisait. Il a favorisé sous main tous ceux qui ont quitté Chypre pour suivre Jésus en Palestine. Plus tard, cette émigration ayant fait du bruit, on le déposa : cependant il resta obscurément à Salamine. Lorsque saint Paul prêcha dans l'île de Chypre douze ans après le voyage qu'y avait fait Jésus, il emmena avec lui cet ancien gouverneur qui devint un disciple important et travailla beaucoup pour l'Eglise. C'est un homme fort et vigoureux, âgé de quarante ans tout au plus. Son fils, né d'un commerce adultère avec Mercuria et qui resta avec le mari de celle ci, épousa la plus jeune soeur de sa mère, et c'est de ce couple que la mère de sainte Catherine tirait son origine.
Dans la soirée ils furent baptisés secrètement dans l'avant-cour de la maison d'école. Ils se tenaient debout dans les fossés, appuyés sur une balustrade placée au-dessus du bassin où était l'eau. Jacques le Mineur les baptisa, le disciple de Naïm et Nathaniel ayant les mains placées sur leurs épaules. Ces deux jeunes néophytes suivront les philosophes à Gessur.
Mercuria fit prier Jésus de vouloir bien lui accorder un entretien dans le jardin voisin de l'aqueduc. Jésus s'y rendit avec le serviteur qu'elle avait envoyé, et elle s'approcha de lui, ayant son voile baissé et tenant par la main ses deux petites filles qui étaient habillées d'une façon singulière ; l'une d'elles était déjà assez grande et assez formée. Elles n'avaient que de petites robes descendant à peine jusqu'aux genoux, le reste du corps était enveloppé d'une belle étoffe transparente, garnie par endroits de franges ou de guirlandes en laine ou en plumes. Leurs bras étaient libres, leurs pieds enveloppés de bandelettes, et leurs cheveux flottants. Elles ressemblaient un peu aux anges qui figurent dans nos représentations de la crèche.
Jésus s'entretint longtemps et amicalement avec Mercuria. Elle était très affligée et pleurait beaucoup parce qu'il lui fallait laisser ici son fils, et aussi parce que ses parents tenaient éloignée d'elle sa jeune soeur, qui resterait ainsi dans son aveuglement. Elle pleura aussi sur ses péchés, mais Jésus la consola et l'assura de nouveau qu'ils lui étaient remis. Les deux petites filles ne comprenant rien à tout cela, regardaient leur mère, pleuraient avec elle et se serraient étroitement contre elle. Mais Jésus attira à lui ces enfants, les bénit et les consola. Il fut aussi question de la manière dont elle quitterait Salamine et du séjour qui lui serait assigné. Enfin Jésus la quitta et retourna à la maison d'école.
Barnabé et Mnason revinrent de Chytrus et de Cerynia : Mnason amena un de ses frères qui voulait, lui aussi, Suivre le Seigneur en Palestine. Il y eut un repas d'adieu après lequel Jésus enseigna encore : il consola et bénit tous les assistants.
Ils se rendirent alors à un endroit peu éloigné où le gouverneur romain avait envoyé d'avance quelques-uns de ses gens avec une quantité d'ânes de grande taille tout sellés. Chacun s'établit sur sa monture : je vis Jésus s'asseoir de côté sur une selle garnie d'un dossier. Le gouverneur aussi était de la partie. Ils passèrent sous les aqueducs et, longeant Salamine par derrière, ils traversèrent le fleuve Poedius. Ils suivirent un chemin de traverse assez étroit. La route ordinaire fait un coude et se rapproche de la mer. La nuit était belle : le gouverneur se tenait le plus souvent auprès de Jésus. Je vis en avant une troupe de douze personnes, suivie d'une troupe de neuf, parmi lesquelles Jésus et le gouverneur, un peu séparés des autres : un dernier groupe de douze fermait la marche. Je ne me souviens pas d'avoir vu Jésus faire usage d'une monture en aucune autre occasion, si ce n'est le dimanche des rameaux. Lorsque le jour commença à poindre, ils étaient encore à trois lieues de la mer ; alors le gouverneur, pour ne pas attirer l'attention, prit congé de Jésus avec quelques personnes qui l'accompagnaient : Jésus lui tendit la main et le bénit. Il descendit de sa monture et voulut baiser les pieds de Jésus ; puis il lui fit un profond salut qu'il renouvela après avoir fait quelques pas plus loin (ce devait être un usage du pays) ; après quoi il remonta sur sa bête et s'en retourna. Les deux païens nouvellement baptisés l'accompagnèrent. Jésus resta sur sa monture et continua son chemin jusqu'à une lieue environ de l'endroit où ils allaient ; alors tous mirent pied à terre et renvoyèrent les ânes avec les serviteurs. Ils suivirent ensuite des chemins creux qui passaient à travers les collines où étaient les mines de sel. Le pays est très aride en cet endroit.
4 juin. -- Ce matin ils ont rencontré les mariniers qui les attendaient près d'un long édifice, situé à quelques centaines de pas des bords de la mer, à une lieue environ à l'est de Citium, non loin des collines où se trouvent les mines de sel. Cette partie du littoral est calme et solitaire. Il y a peu d'arbres : on rencontre seulement parfois quelques troncs d'une grosseur énorme, semblables à des souches à moitié brûlées sur lesquels poussent beaucoup de jeunes rejetons. On ne voit rien d'abord qu'un rempart d'une longueur surprenante au-dessus duquel il y a du gazon, des jardins et des arbres. Du côté de la mer, on trouve une certaine quantité d'habitations et de grands hangars où demeurent de pauvres familles juives ; à l'autre extrémité habitent quelques familles païennes. Sur certains points du rivage où la mer a plus de profondeur, il y a plusieurs anses revêtues de maçonnerie avec des escaliers ; il s'y trouvait, outre quelques autres navires, trois petits bâtiments frétés pour le voyage de Jésus. L'atterrage y est facile, et je crois que c'est ici qu'on charge le sel pour le porter aux villes du littoral. Les Juifs très misérables qui demeurent ici ont l'apparence de gens rejetés de la société et comme bannis ; ce ne sont peut-être que de pauvres malheureux au service des gens qui exploitent les mines de sel. Il y a là une hôtellerie à l'usage des marins et des ouvriers.
Jésus était attendu : les gens des navires avaient fait préparer une collation. On mangea du poisson, du miel, du pain et des fruits ; l'eau est très mauvaise ici, et on la corrige en y jetant quelque chose : ce sont, je crois, des fruits (peut-être des amandes). On la conserve dans des cruches et dans des outres. Sept Juifs appartenant à l'équipage des navires furent baptisés avec de l'eau qu'on apporta dans un bassin. Je ne me souviens plus qui ils étaient ; ils sont venus avec les disciples : peut-être étaient ce des Juifs revenant des fêtes de la Pentecôte et qui n'avaient pas encore reçu le baptême.
Jésus prit en pitié les pauvres habitants de cet endroit ; il visita successivement leurs habitations, les consola et leur fit des présents ; il en guérit quelques-uns qui avaient reçu des blessures en travaillant aux mines de sel, ainsi que d'autres malades qui lui tendaient des mains suppliantes. Il leur demanda seulement s'ils croyaient qu'il pût les guérir ; ils répondirent : " Oui, Seigneur, nous le croyons ", et il les guérit. Il alla jusqu'à l'extrémité du long retranchement ; il visita aussi les demeures des païens, lesquels se montraient très craintifs. Il leur adressa quelques paroles amicales pour les encourager ; il bénit aussi les enfants pauvres, enseigna devant tous les habitants rassemblés et raconta une parabole où il était parlé du sel de la terre.
Lorsqu'ils prirent le repas qui avait été commandé pour eux, Jésus envoya des aliments à ces pauvres gens.
C'était ici que le disciple de Naim était venu le mercredi ; il y avait entendu les deux autres disciples qui étaient arrivés plus tard, et tous ensemble étaient venus à Mallep ; je ne sais plus où ils s'étaient arrêtés en chemin pour célébrer le sabbat. Ces disciples se sont déjà embarqués ce matin pour aller annoncer en Palestine l'arrivée de Jésus.
Jésus était accompagné d'environ vingt-sept personnes. Le soir, à la chute du jour, ils s'embarquèrent sur trois petits navires : celui de Jésus était le plus petit. Il s'y trouvait quatre disciples et quelques rameurs. Sur tous ces navires s'élevaient autour du mât des appentis avec de petits compartiments dans lesquels on se couchait pour dormir. Si les rameurs n'eussent pas été en haut sur leurs bancs, on n'aurait vu personne.
Je vis le navire de Jésus aller en avant, et, à mon grand étonnement, les autres prirent une autre direction ; mais je les vis, comme il était déjà nuit, engravés, chacun de leur côte, à une demi-lieue du rivage : ils attachèrent des fanaux au mat en signe de détresse. Alors Jésus ordonna à ses matelots de revenir en arrière : ils s'approchèrent d'abord de l'un des navires auquel ils jetèrent une corde, le dégagèrent et s'avancèrent avec lui jusqu'à l'autre auquel ils rendirent le même service ; tous deux furent ensuite attachés au navire de Jésus qu'ils suivirent. Jésus reprocha à ceux qui les dirigeaient leur excès de confiance en eux-mêmes, et il parla, à cette occasion, de la présomption et de la docilité. Ils avaient donné dans un tourbillon qui les avait jetés sur des bancs de sable.
5 juin. Aujourd'hui, vers midi, je vis Jésus faisant sa traversée. On distribua des vivres ; les navires étaient attachés les uns aux autres, et Jésus enseignait. Le soir, comme on était déjà assez près du large golfe que forme la mer au pied du Carmel, entre Ptolémaïde et Hapha, je vis les trois navires de Jésus revenir à force de rames vers la pleine mer ; car, à l'entrée du golfe, un grand et un petit navire étaient engagés dans un combat avec plusieurs autres petits bâtiments. Le grand navire eut le dessus, les petits s'enfuirent et on jeta à la mer plusieurs cadavres. Lorsque les navires de Jésus se rapprochèrent de celui qui livrait cette bataille, Jésus leva la main et bénit du côté des combattants, lesquels se séparèrent bientôt après. Ils ne virent pas les navires de Jésus qui attendaient l'issue du combat à une certaine distance. Ce n'était pas une guerre, mais une querelle privée qui avait pris naissance dans l'île de Chypre, à propos du chargement des navires. Les petits bâtiments guettaient le grand navire : ils s'étaient abordés et l'on se frappait les uns les autres avec de longues barres de bois ; on aurait pu croire que personne ne resterait en vie, car le combat dura bien deux heures. Le grand navire s'empara des petits qu'il traîna à la remorque ; je ne sais plus au juste quelle était la cause de ce combat.
Lorsque ces bâtiments se furent éloignés, Jésus avec les siens entra dans le golfe par le côté du midi, et débarqua à l'est d'Hepha, qui est dans le voisinage de la mer. Ils ne débarquèrent pas à la ville même, ils passèrent devant et descendirent sur des marches attenantes à des constructions en pierre : ce devait être une dépendance du débarcadère. Il y avait en haut des places entourées de murs et des allées.
Jésus fut reçu sur le rivage par plusieurs apôtres et disciples, au nombre de vingt et quelques : c'étaient Thomas, Simon, Thaddée, Judas et Nathanaël-Khased ; en outre, si je ne me trompe, Philippe, Jacques le Majeur, Éliacin, les fils de la soeur aînée de Marie, les disciples de Jean et des disciples de la famille de saint Joseph ; j'ai oublié leurs noms. Il y eut une joie indicible : ils embrassèrent Jésus et les autres arrivants ; puis, lorsqu'on eut tout réglé avec les navires, ils suivirent le rivage pendant une demi-lieue par un chemin où il y avait des degrés ; ils s'arrêtèrent ensuite sous des arbres dans un endroit où ils prirent une réfection que les apôtres avaient apportée. Ici je perdis de vue cette scène.
6 juin. -- Jésus est débarqué précisément à l'embouchure du Cison, qu'il a laissé derrière lui en s'avançant ; il fit environ trois lieues et demie en longeant les contours du golfe ; puis, se dirigeant au nord, il passa, sur un pont très long' semblable à une chaussée, une rivière peu profonde qui se jette dans le golfe de Ptolémaïs. Ce pont arrive jusqu'au pied de la hauteur derrière laquelle est le marais de Cendevia. Ils gravirent cette hauteur et arrivèrent au faubourg de Misael, ville de Lévites, laquelle est séparée de ce faubourg par un pli de terrain. Élisabeth, la mère de Jean, a résidé à Misael dans sa jeunesse. Le faubourg, a vue sur la mer du côté de l'ouest, et du côté du sud sur une vallée verdoyante et sur le Carmel il ne se compose que d'une hôtellerie et d'une rue qui s'étend sur la hauteur.
Sur le chemin, près d'un beau puits auquel on descend par plusieurs degrés, Jésus vit venir à sa rencontre une procession de gens de l'endroit, parmi lesquels étaient beaucoup d'enfants. Ils portaient des branches de palmier auxquelles pendaient encore des dattes et ils le saluèrent en chantant un cantique dont j'ai bien compris le sens, mais que j'ai oublié : il y était question de l'innocence. Parmi eux était avec toute sa famille Siméon, ce père de famille de Libnath, la ville aquatique, que Jésus avait baptisé l'année précédente (tome II, page 17). Depuis ce temps il est venu à Misael, car ses enfants ne lui laissaient pas de repos qu'il ne se fût entièrement réuni aux Juifs. Il avait converti beaucoup d'autres personnes.
Note : Hérold fait mention d'un pont sur le fleuve Belus, à peu de distance de Ptolémaide, dans la continuation de la guerre sainte de Guillaume de Tyr. Le Pèlerin trouva ce renseignement en mai 1838 dans la description de la Terre Sainte, par Adrichomius.
Il a cinq enfants, dont quelques-uns sont encore très jeunes, et il a organisé à ses frais toute cette réception pour Jésus. Après cela, on lava les pieds à Jésus et tous se purifièrent. Ils entrèrent ensuite dans une hôtellerie : on nettoya leurs habits, on leur donna d'autres chaussures et ils prirent une réfection. Je vis alors neuf lévites, rangés trois par trois, venir de la ville vers Jésus ; ils le saluèrent et s'entretinrent avec lui. Dans l'après-midi, il y eut un repas où les lévites assistèrent ; après quoi, ils s'en retournèrent.
Jésus se rendit avec ses disciples à un joli jardin de plaisance situé sur le penchant de la hauteur, au nord du faubourg, et d'où la vue s'étendait à l'ouest. C'était un jardin public dépendant de la ville ; car ce fut de la ville qu'on apporta la clef ; et il s'y trouvait des enclos réservés appartenant à des particuliers qui s'en servaient pour des réunions pieuses ou pour tout autre usage. Ce jardin était planté de très beaux arbres, orné de salles et de berceaux de verdure, et on y avait une magnifique vue sur le golfe. Il est situé à mi hauteur de la colline Tout au haut de cette colline, on voit le lac ou le marais de Cendevia, et, en s'avançant un peu, Libnath, la ville aquatique, à un angle du marais Elle est à une demi-lieue d'ici et se trouve plus rapprochée de la mer qui entre là dans les terres, que Misaël qui en est à deux bonnes lieues. Dabbeseth est à cinq lieues à l'est, sur le bord du Cison ; Nazareth à sept lieues environ.
Jésus se promena et se reposa avec les disciples dans le jardin, tantôt enseignant, tantôt écoutant leurs récits. L'un d'eux parla de la sédition qui avait eu lieu récemment à Jérusalem et raconta la défaite d'Hérode qui avait voulu s'emparer de Jésus, avec une sorte de joie malicieuse ; ce qui lui attira des reproches de la part de Jésus.
Jésus leur raconta ici une parabole touchant un pêcheur qui traversa la mer pour pêcher, et qui prit cinq cent soixante-dix poissons. Il dit comment un pêcheur entendu transporte les bons poissons de la mauvaise eau dans la bonne ; comment il améliore les fontaines, ainsi que fit Elie ; et comment, enfin, il retiré les bons poissons de la mauvaise eau où les poissons qui vivent de proie les dévoreraient, et leur prépare de nouveaux réservoirs d'eau vive. Dans la suite de cette parabole il y eut une allusion à ceux que leur présomption avait fait échouer l'avant-veille sur un banc de sable parce qu'ils n'avaient pas suivi le maître pécheur. C'était une grande et belle parabole ; mais je ne puis pas la reproduire dans son ensemble. Plusieurs des hommes de l'île de Chypre qu'il avait emmenés avec lui, versèrent des larmes, lorsqu'il parla des poissons transportés à grand peine dans une eau plus pure. Jésus parla en termes exprès de cinq cent soixante-dix bons poissons ainsi sauvés, et dit qu'à ce prix le travail était suffisamment payé. Quelques-uns des Chypriotes venus ici s'en retournèrent parce qu'ils avaient à s'occuper de faire faire la traversée à d'autres.
Jésus alla ensuite visiter l'école de ce faubourg, qui contenait au plus une vingtaine de familles. Les lévites y faisaient le service divin quand des étrangers venaient célébrer le sabbat dans l'hôtellerie d'ici, où l'on était plus près de la grande route. Jésus enseigna sur la lecture du sabbat. C'étaient des passages du Lévitique sur le sacrifice pour le péché et du livre des Juges sur l'histoire de Samson (Lv 4,21 Lv 8 Jg 13)
Avant le sabbat, il vint deux disciples porteurs d'un message de la Syrophénicienne d'Ornithopolis. Plusieurs Juifs qui habitaient près d'Ornithopolis sont déjà partis : ils ont gagné le Jourdain par Samarie, et l'ayant traversé, ont remonté le Jabok jusque par delà Ramoth-Galaad où Joseph et Joachim avaient des champs.
7 juin. -- Jésus resta ce matin dans le faubourg de Misaël, et, sur la demande des habitants, il fit l'instruction du sabbat. Il reçut ensuite la visite des lévites qui allèrent avec lui au jardin de plaisance. Jésus parla de l'île de Chypre. Ses auditeurs se réjouirent de ce que les Juifs de ce pays le quittaient pour retourner en Palestine. Il en viendra plusieurs par Ptolémaïde, quelques-uns viendront ici. On s'entretint de quelques dispositions à prendre. Jésus parla du danger qui les menaçait dans cette île.
Les assistants lui demandèrent avec anxiété si les païens devaient aussi devenir assez puissants en Palestine pour qu'il y eût des dangers a courir. Jésus parla du jugement qui devait frapper tout le pays. A l'occasion d'une fête qui doit bientôt avoir lieu, des Juifs viendront de Chypre à Jérusalem et ne s'en retourneront pas. Il parla aussi des dangers que lui-même aurait à courir, et de la punition de Jérusalem. Ils ne pouvaient pas comprendre qu'il voulût y aller de nouveau ; mais il dit qu'il avait encore beaucoup à faire et qu'ensuite il accomplirait sa tâche.
Jésus s'entretint aussi avec les disciples qui étaient venus la veille de la part de la Syrophénicienne d'Ornithopolis. Ils avaient apporté de petits lingots d'or et des plaques du même métal attachés ensemble par une chaîne. Ils rapportèrent à Jésus que la Syrophénicienne voulait envoyer un de ses navires pour aider Mercuria à s'enfuir de Chypre ; j'ai oublié comment cela devait se faire, cela m'est sorti de la tête. Il y eut ensuite un repas auquel les lévites assistèrent : il y en a douze à Misael.
Après le repas, Jésus, sur leur demande, alla à la ville. Elle est très vieille et entourée de murs avec des tours : quelques païens ont leurs habitations dans les murs. Jésus alla avec les lévites jusqu'à leur maison qui est un édifice à angles arrondis ; au milieu se trouve le foyer avec quelques chambres détachées ; des constructions moins importantes, attenantes au bâtiment principal, servent d'habitation aux lévites.
Élisabeth a demeuré un certain temps dans cette ville, près de son père qui y remplissait les fonctions de lévite ; Zacharie y vint aussi une fois ; Élisabeth est née à deux lieues d'ici, dans la plaine d'Esdrelon, dans une métairie isolée qui appartenait à ses parents et dont elle hérita plus tard. Elle alla résider au temple dans sa cinquième année. Lorsqu'elle fut sortie, elle séjourna encore quelque temps à Misaël et dans la métairie en question, après quoi elle alla en Judée habiter la maison de Zacharie. Jésus parla d'elle et de Jean ; il s'exprima si clairement sur celui-ci comme précurseur du Messie qu'il leur fut facile de deviner qui il était lui-même.
Ensuite Jésus parcourut la ville avec les lévites qui le prièrent d'entrer dans plusieurs maisons où il y avait des malades. Il guérit des enfants, et, entre autres malades, plusieurs paralytiques qui lui tendaient leurs mains entourées de bandages. Il pouvait bien y en avoir seize. Il visita aussi, dans sa maison, ce Simon de Libnath qui, la veille, lui avait fait une réception si amicale. Il alla ensuite à la synagogue et fit la clôture du sabbat ; ici les femmes se tenaient dans une espèce de tribune à peu de distance de la chaire. Il parla du sacrifice pour le péché et de Samson : il donna beaucoup d'explications touchant les faits de la vie de Samson, et parla de lui comme d'un saint homme dont la vie était prophétique. Il n'avait pas, disait-il, perdu toute sa force, il avait conservé la force de faire pénitence : c'était par une inspiration divine qu'il avait fait écrouler sur lui le temple des païens. Il dit qu'étant voué à Dieu, Samson s'était affaibli par le commerce avec les femmes. Il parla du miel trouve dans la gueule du lion, du secret que Samson avait gardé à cet égard vis-à-vis de ses parents et expliqua un mystère qui s'y rapportait. Il parla aussi de la mâchoire d'âne, etc. ; mais j'ai oublié tout cela. J'ai reçu antérieurement plusieurs explications touchant Samson, mais j'en ai oublié la plus grande partie. Je sais que le miel dans la gueule du loup, la source d'eau sortie de la dent de l'âne, l'enlèvement des portes de Gaza et d'autres choses encore étaient des figures qui avaient rapport à Jésus. Samson a jugé dix ans et fait la guerre dix ans. Il avait quinze ans lorsqu'il devint Juge. Il était d'une force, d'une beauté, d'une intelligence merveilleuses : il indiquait aux Juges comment ils devaient s'y prendre pour tromper les Philistins et les forcer à se tenir en repos ; alors on lui donna à lui-même la charge de Juge. Son mariage avec la Philistine, la mort de celle-ci, la vengeance qu'il en tira, tout cela lui avait été montré et prescrit, par des visions, et il savait d'avance ce qu'il avait à faire. Il s'agissait d'engager la lutte avec les Philistins. A Gaza, il s'était seulement caché chez la mauvaise femme parce qu'on cherchait à le perdre, mais il n'était pas tombé dans le péché ; et c'est pourquoi il avait conservé sa force jusqu'à pouvoir enlever et emporter les portes de la ville. Il transgressa son voeu de continence avec Dalila, but des boissons enivrantes et se plongea dans le péché. Les sept boucles de cheveux se rapportent aux sept dons du Saint Esprit qu'il perdit successivement. Le jeu auquel on voulait qu'il se livrât dans le temple était une moquerie insultante qu'on lui faisait subir ; mais il avait recouvré sa force par la pénitence.
L'endroit appelé Lechi (à cause de la mâchoire d'âne) se trouvait à l'extrême frontière de la Judée. Lors de la fuite en Égypte, Marie et Joseph furent dans une grande anxiété jusqu'à ce qu'ils eussent atteint cet endroit, parce que c'était là seulement qu'ils quittaient le territoire d'Hérode.
Après l'instruction, Jésus revint à l'hôtellerie ; les disciples qui l'avaient accompagné en Chypre partirent après le sabbat en deux troupes : l'une se dirigeant vers Capharnaüm, l'autre vers Dabrath, au pied du Thabor.
8 juin. -- Cette nuit j'ai reçu divers renseignements sur le cours de plusieurs rivières et ruisseaux qui arrosent la Terre promise ; la seule chose dont je me souvienne encore, c'est qu'il y a un cours d'eau qui se jette dans la mer de Galilée par la vallée de Magdalum et un autre qui va de Thirza au Jourdain. La rivière (si l'on peut donner ce nom à un mince filet d'eau) que Jésus a traversée sur un pont avant d'arriver à Misaël, n'a que deux lieues de cours. Sa source est surmontée par un édifice singulier (note) : c'est un grand bâtiment carré ; on y monte par des degrés et il est surmonté par des espèces de tours. Ce cours d'eau coule dans la direction de Ptolémaïde et il est en communication avec le marais ou le lac je Cendevia. Il n'existe plus aujourd'hui.
Note : Le 29 mai 1838, le Pèlerin lut dans l'ouvrage de Flavius Josèphe sur la guerre des Juifs (traduction de Friese, liv. II chap. 10), qu'il y a près du petit fleuve Belus un monument élevé à la mémoire de Memnon.
Aujourd'hui Jésus alla avec les lévites à environ une demi-lieue au sud-est dans un petit endroit qui a une synagogue et deux cents habitants lesquels demeurent à l'entour dans des maisons semblables à des chaumières de paysans. Il est contre une hauteur et fermé du côté du midi par une montagne ; à quelque distance, dans la vallée, se trouve une jolie colline où Jésus a enseigné devant deux cents auditeurs environ.
Judas qui se mêle volontiers de toutes sortes d'affaires, et Thomas, qui est bien connu parce que sa famille a des trains de bois dans le port, sont allés ce matin à Hepha avec plusieurs autres disciples, afin d'y prendre des mesures relatives aux Chypriotes qui vont arriver. Quelques nouveaux disciples de l'île de Chypre les accompagnèrent. Jésus leur fit la conduite jusqu'au pont de la petite rivière, avant d'aller lui-même à ce petit endroit dont j'ai parlé, avec les lévites et les disciples. Je crois qu'il y avait aujourd'hui une fête ou un jour de jeûne car je n'ai pas vu.
9 juin. -- Aujourd'hui vers midi Jésus est allé à l'endroit dont j'ai dit qu'Élisabeth y avait habité dans sa jeunesse. Cet endroit est plus grand que l'autre ; mais il n'y a pas de synagogue. Jésus y a des parents du côté d'Elisabeth et de saint Joseph : ce sont les père et mère de ce jeune homme qu'on appelle le petit Jacob. Il s'y trouve aussi quelques-uns de ces gens alliés à la famille de Jésus, qui étaient allés le voir le 4 novembre de l'année dernière dans la contrée d'Abès où Saul se donna la mort, et qui avaient voulu lui persuader de renoncer à se montrer en public (voir tome III, page 105). Parmi eux se trouvaient des vieillards qui avaient des fils parmi les disciples. Jésus resta là peu de temps ; il guérit quelques malades : ici encore plusieurs disciples sont venus le rejoindre (voyez page 1.16). Le soir il alla à un petit endroit situé à un quart de lieue de Séphoris, où il avait une fois discuté avec un rabbin sur le mariage (tome II, page 128). Cet endroit est à deux lieues de Nazareth : la plaine de Ghinnim appartient à cette contrée.
Jésus répartit ici dans les environs plusieurs des nouveaux colons d'Ornithopolis.
10 juin. -- Aujourd'hui Jésus est allé des environs de Sephoris à Thanach, qui est à une lieue au sud-ouest de Mageddo. Il a fait environ cinq lieues. Thanach est à deux lieues à l'est de Dabbeseth, qui est sur le bord du Cison. C'est une ancienne résidence des rois chananéen, et il y y eut là un événement (un combat, si je ne me trompe), à la suite duquel un chef célèbre eut la tête traversée par un clou (la bataille livrée contre Sisara). Thanach est une ville de lévites. Jésus n'y était pas encore allé quoiqu'il fût venu antérieurement à Mageddo, où les disciples de Jean vinrent le trouver l'année précédente (tome III, page 177).
On l'attendait ici. Les chefs de la synagogue le reçurent : on lui lava les pieds et on lui offrit une réfection. Aujourd'hui et hier plusieurs disciples sont venus joindre Jésus : il en a avec lui dix environ, parmi lesquels Saturnin, les fils de Marie d'Héli, auquel on donne aussi le nom de frères de Jésus ; quelques-uns venus de Dabrath et des parents de Saint Joseph.
Les Pharisiens de l'endroit ne se montrèrent pas ouvertement hostiles ; toutefois ils étaient malveillants pour Jésus et cherchaient à le prendre en faute ; je m'en aperçus à leur langage équivoque. Ils demandèrent à Jésus s'il ne voulait pas visiter toute espèce de malades, et si, dans ce cas, il ne consentirait pas à voir un des leurs qui avait été à Capharnaüm et qui se trouvait en très mauvais état. Ils croyaient qu'il s'y refuserait parce que cet homme avait fait partie du comité qui surveillait Jésus à Capharnaüm et qu'il s'était montré très hostile. Ce Pharisien, en punition de sa conduite d'alors et de ses invectives contre Jésus à l'occasion du refus qu'avait fait le Seigneur de recevoir certains disciples (voir tome III, page 30), était en proie à une étrange maladie. Il sanglotait continuellement, il éprouvait un tremblement convulsif et vomissait fréquemment : ce qui l'avait réduit à un état de marasme effrayant. C'était un homme de trente à quarante ans, marié et père de famille. Il était étendu sur sa couche, souffrant et gémissant. Jésus lui demanda s'il voulait recouvrer la santé et s'il croyait qu'elle put lui être rendue par lui. Il pouvait à peine parler ; il lui répondit d'une voix faible et tout plein de confusion : " Oui, Seigneur, je le crois ". Alors Jésus lui mit une main sur lu tête, l'autre sur la poitrine ; puis il fit une prière et lui ordonna de se lever et de prendre de la nourriture. Il se leva et remercia Jésus en pleurant, ainsi que sa femme et ses enfants. Jésus leur adressa à tous des paroles amicales et consolantes et ne fit aucune allusion aux procédés de cet homme à son égard.
Jésus visita ensuite plusieurs maisons et guérit des malades. Les Pharisiens perdirent toute envie de le contredire lorsque le soir ils virent le Pharisien guéri paraître à la synagogue. Jésus parla de l'accomplissement des prophéties, de Jean-Baptiste, le précurseur du Messie, et du Messie lui-même, en termes si clairs qu'ils purent deviner sans peine de qui il entendait parler.
11 juin. -- Ce matin Jésus alla à Thanach dans un atelier de charpentier ou Joseph avait travaillé après s'être enfui de Bethléem. C'était un édifice où demeuraient, autour d'une cour, une douzaine de personnes qui faisaient le commerce de bois de charpente et de menuiserie. L'atelier où Joseph avait travaillé servait d'habitation à leurs enfants. Toutefois ils ne travaillaient pas eux-mêmes, mais ils faisaient travailler de pauvres gens et ils avaient un assortiment d'objets de toute espèce dont ils expédiaient une partie par la voie de mer. Il y avait du merrain, des barres de bois, des cloisons portatives en clayonnage. J'entendis des conversations où l'on disait que le père du prophète devait avoir travaillé là ; toutefois ils ne savaient plus bien si c'était ce même Joseph de Nazareth, ou bien quelque autre. Je me dis à cette occasion que, puisque dès lors le souvenir s'en était à peu près perdu, nous ne devions pas nous étonner d'en savoir si peu à cet égard. Jésus visita cette maison et les autres. Ceux qui l'habitaient lui offrirent des rafraîchissements et il enseigna dans la cour sur l'amour du travail et sur l'usure.
Jésus a payé son écot à l'hôtellerie et, vers midi, il est parti pour une vieille et laide bourgade ; appelée Sion, laquelle est située à trois lieues à l'est. Cet endroit consiste en une espèce de château dont les murs sont très épais et en quelques maisons qui l'entourent : il est à peu près à l'ouest du Thabor.
Le Cison prend sa source au Thabor : un de ses bras coule au levant dans la vallée où Saul périt et où il y a un marais Ou un lac, et se dirige vers Scythopolis, l'autre bras coule à l'ouest par la vallée de Jezraël et se jette dans la mer près de Ptolémaïs.
Sion, l'ancienne forteresse avec les maisons qui l'entourent, se trouve sur un point assez élevé. Non loin de là sur le bord du Cison, derrière des remparts plantés d'arbres, se cache, comme dans un trou obscur, une autre agglomération de maisons. C'est une situation malsaine : ils ne peuvent pas voir par dessus ces remparts. Les gens du bas me paraissent à certains égards dépendants de ceux du haut qui les oppriment et les vexent.
Les gens de Sion, quoique pointilleux et malveillants reçurent pourtant Jésus selon la coutume : on lui lava les pieds et on lui offrit une réfection ; il avait ici un logement qu'on était venu retenir de Naïm. Il enseigna dans la synagogue ; il parla contre les Pharisiens qui imposent a autrui de lourds fardeaux qu'eux-mêmes ne veulent pas porter et contre l'oppression et l'esprit de domination ; il parla aussi du Messie, disant qu'il se manifesterait tout autrement qu'ils ne le croyaient. Ils disputèrent avec lui sur ce sujet et il les réduisit au silence.
12 juin. -- Jésus était venu à Sion tout exprès pour consoler les pauvres opprimés qui s'y trouvaient. C'est un endroit dépeuplé et qui semble tomber en ruines : il est situé au midi de la grande route qui passe devant le Thabor. Tout y est à l'abandon ; ce qui, du reste, se voit encore ailleurs, parce que les Juifs contemporains de Jésus sont très négligents et ne se donnent pas la peine de rien maintenir en bon état. Dans l'île de Chypre tout a une bien meilleure apparence.
Ce matin, Jésus alla encore dans cette partie basse de la ville qui est si étroitement resserrée, et il y guérit plusieurs malades dans leurs cabanes : c'étaient pour la plupart des goutteux et des paralytiques. Les Pharisiens envoyaient tous les malades dans ce misérable quartier où ils trouvaient à peine un peu de bon air à respirer. Jésus et les disciples donnèrent ici aux pauvres gens tout ce qu'ils avaient d'argent, de pièces de drap et de bandes d'étoffe, car eux-mêmes n'avaient besoin de rien, vu qu'ils devaient trouver à se pourvoir de tout à Naïm. (Vraisemblablement les disciples qui étaient venus d'abord trouver Jésus, avaient apporté de Naïm tous ces objets pour les distribuer en aumônes.)
Jésus, accompagné des disciples, alla d'ici à Naïm en moins de deux heures. Sion est à l'ouest, Naïm au midi du Thabor. Il ne passa pas le Cison et suivit un chemin montueux, ayant à sa gauche un endroit situé plus haut sur la pente du Thabor, Ou il a fait une instruction le 5 janvier de cette année (tome III, page 330).
Un peu plus au midi, ils passèrent un pont, et comme ils étaient devant Naïm, près d'un puits, plusieurs disciples et d'autres personnes, parmi lesquelles était le jeune homme ressuscité, vinrent à Jésus. Il enseigna en cet endroit : on lui lava les pieds et on lui présenta une réfection ; ils changèrent d'habits et de chaussures. Jésus avait avec lui environ douze disciples, mais aucun des apôtres. Les disciples de Jérusalem étaient venus de cette ville à Naïm avec quelques-unes des saintes femmes : d'autres avaient célébré la Pentecôte à Nazareth avec Marie, et en s'en retournant, ils étaient venus attendre Jésus ici. Jésus entra d'abord dans l'hôtellerie spéciale établie pour son usage à Naïm. Elle était dans un bâtiment appartenant à la veuve : il alla ensuite avec ses disciples voir la veuve elle-même. Les saintes femmes, ayant leur voile baissé, vinrent à sa rencontre dans le vestibule de la cour et se prosternèrent à ses pieds. Il les salua et se rendit avec elles dans la grande salle. Il y avait cinq femmes outre la veuve : Marthe, Madeleine, Véronique, Jeanne Chusa et la Suphanite. Les femmes s'assirent, les jambes croisées, sur des coussins et des tapis qui garnissaient une extrade peu élevée semblable à un long canapé. Elles ne dirent rien à Jésus jusqu'à ce qu'il leur eût adressé la parole, et alors chacune parla à son tour. Elles donnèrent des nouvelles de Jérusalem et d'Hérode, dirent que ce prince avait fait chercher Jésus ; mais bientôt Jésus leva le doigt et leur reprocha de trop se préoccuper des choses de ce monde et de juger trop facilement leur prochain. Je trouvai à faire mon profit de cet avertissement.
Jésus leur parla de l'île de Chypre et de ceux qui avaient reconnu la vérité. Il parla aussi avec prédilection du gouverneur romain de Salamine, et comme les femmes pensaient que cet homme ferait bien de quitter aussi ce pays, Jésus leur répondit qu'il n'en serait pas ainsi : qu'il devait rester là pour porter secours à beaucoup de gens, et que plus tard, quand il aurait achevé son oeuvre, il viendrait là un autre gouverneur qui serait l'ami de la communauté. Je me suis figuré que Jésus entendait parler de ce gouverneur non moins bienveillant que saint Paul trouva dans l'île de Chypre (Sergius Paulus, Ac 13,7-12). Il parla aussi beaucoup de Mercuria, mais j'ai oublié ce qu'il en dit. Je ne dis pas volontiers ce que je ne me rappelle pas bien. Les saintes femmes pleurèrent souvent et je pleurai avec elles. Cela ne me fait pas mal aux yeux et pourtant je m'en inquiétais. Il y eut ensuite un repas.
13 juin. -- Jésus a visité quelques personnes et il s'est trouvé avec les saintes femmes dans la maison de la veuve. Il alla dans le jardin avec elles, et tout en se promenant, Il s'entretint avec chacune d'elles.
Madeleine et la Suphanite ont perdu depuis longtemps la beauté qui les distinguait autrefois. Leur visage est pâle et défait ; leurs yeux sont rougis par les larmes. Elles aiment le silence et la retraite. Marthe est très active et traite les affaires à merveille. Jeanne Chusa est une grande femme pâle, d'un tempérament robuste, d'un caractère sérieux et énergique. Véronique a beaucoup de rapports avec sainte Catherine : elle est résolue, franche et courageuse. Lorsqu'elles sont ainsi réunies, elles cousent, travaillent et préparent pour la communauté toute sorte de choses qu'on dépose dans les différentes hôtelleries et dans des magasins où les disciples et les apôtres les prennent, soit pour leur usage, soit pour en faire des aumônes aux pauvres. Quand la communauté a tout ce qu'il lui faut, elles travaillent aussi pour des synagogues pauvres. Elles ont habituellement avec elles leurs servantes qui les précèdent et les suivent, portant des étoffes soit dans une besace de cuir semblable à une outre, soit sous leur manteau, attachées à la ceinture. Les servantes portent des vêtements plus étroits et des robes plus courtes que leurs maîtresses. Quand elles sont à demeure quelque part, comme à Naïm, par exemple, les servantes les quittent et vont les attendre dans les hôtelleries qui sont sur le chemin. La servante de Véronique était depuis longtemps avec elle, et elle était encore à son service après la passion de Notre Seigneur.
Jésus prit son repas à son hôtellerie. Lorsqu'il alla à la synagogue pour le sabbat, il ne monta pas dans la chaire et resta avec ses disciples à l'endroit où se plaçaient ordinairement les docteurs en voyage. Mais lorsqu'on lui eut souhaité la bienvenue et que les prières furent finies, les rabbins le conduisirent à l'endroit où étaient les livres et l'engagèrent à faire la lecture. Il y était question des lévites, des murmures du peuple hébreu, des cailles, et de la punition de Marie, soeur d'Aaron (Nb 8,1 Nb 13,1 Za 2,10 Za 4,8). Les passages du prophète Zacharie se rapportaient à la vocation des Gentils et au Messie. Jésus parla avec beaucoup de force, et il dit que les païens prendraient dans le royaume du Messie la place des Juifs endurcis. Il dit aussi qu'on ne reconnaîtrait pas le Messie et qu'il se manifesterait tout autrement qu'ils ne le croyaient. Ils furent très piqués et très scandalisés et voulurent le contredire ; mais il les réduisit au silence. Il y avait parmi eux trois gros hommes fort insolents qui avaient fait partie du comité de Capharnaüm : ce furent eux surtout qui disputèrent. Ils étaient très irrites de la guérison du Pharisien de Thanach et ils disaient que si Jésus l'avait guéri, c'était afin que les Pharisiens du pays fermassent les yeux sur ce qu'il pourrait faire. Ils le sommèrent aussi de se tenir en repos et de ne pas troubler le jour du sabbat avec ses guérisons. Il n'avait rien de mieux à faire, selon eux, que de se retirer pour éviter d'agiter les esprits. Jésus leur répondit qu'il ferait ce qu'il avait mission de faire, qu'il continuerait à enseigner jusqu'à ce que son temps fût accompli. Ils ne l'invitèrent à aucun repas : ils étaient animés d'une rage secrète contre lui parce que son enseignement et sa charité attiraient à lui les pauvres, les affligés et les âmes simples pour lesquels eux-mêmes n'avaient que des rebuts.
Le temps fut aujourd'hui admirablement beau à Naïm. Le matin, je vis Jésus accompagne des disciples se promener autour de la ville et enseigner. Il y a là de belles promenades et des maisons de plaisance avec des terrasses où l'on va faire à l'ombre sa promenade du sabbat. C'est maintenant le temps des semailles. La route de Samarie passe par Naim et va rejoindre la grande route au delà du Cison.
Tous les disciples qui sont ici près de Jésus doivent être de ses confidents intimes, car il leur parla de l'avenir qui lui était réservé avec beaucoup de gravité et d'onction. Il les exhorta à rester constants et fidèles, parce que de grandes souffrances et de grandes persécutions l'attendaient. Ils ne devaient pourtant pas se scandaliser à son sujet. Il ne les abandonnerait pas : eux non plus ne devaient pas l'abandonner ; mais il serait tellement maltraité que leur foi serait mise à rude épreuve. Ils furent très touchés et versèrent des larmes.
Ils allèrent dans un beau jardin de plaisance appartenant à la veuve Maroni ; il y avait beaucoup de jolis endroits, d'arbres fruitiers et de berceaux de verdure. On pouvait aussi y prendre des bains : je crois que l'eau y était amenée du Cison ; car le jardin était situé près de la rivière et avait vue sur le Thabor. Naïm est adossé à une colline.
Les saintes femmes vinrent à leur tour dans le jardin Jésus, entouré de ses disciples, fit une instruction entre mêlée de récits sous un berceau de feuillage où les femmes s'assirent toutes du même côté. Il leur parla de la réconciliation opérée entre divers couples d'époux à Mallep, et spécialement de ce couple chez lequel il avait accepté un repas : cette famille était de celles qui devaient venir en Palestine il parti aussi de Mercuria. Celle-ci se rendra d'abord chez la Syrophénicienne, laquelle se prépare actuellement à quitter Ornithopolis. Elles iront d'abord à Gessur et ensuite plus loin. Il est déjà arrivé beaucoup de personnes de l'île de Chypre ; il doit en arriver d'autres qui débarqueront devant Joppé.
Il vint aussi dans ce jardin plusieurs femmes que Jésus avait réconciliées avec leurs maris, le 19 novembre de l'année précédente (tome III, p. 171). Elles sont étroitement liées avec la veuve Maroni, et concourent aux travaux qui se font ici pour des oeuvres de charité. Elles arrivèrent lorsque les saintes femmes s'étaient déjà retirées, et après que Jésus eut pris un petit repas avec les disciples. Il leur donna des avis et des encouragements, après quoi elles firent place à d'autres. Il vint à lui plusieurs veuves et d'autres personnes encore qui lui exposèrent leurs chagrins et leurs doutes, et se plaignirent fit de la manière dont elles étaient vexées et opprimées par les Pharisiens. Il les consola et leur fit des présents.
Lorsque Jésus, au sortir de ce jardin, alla avec ses disciples à la synagogue pour la clôture du sabbat, il trouva sur son chemin plusieurs malades qui s'y étaient fait porter sur des litières : ils tendirent les mains vers lui, implorant son assistance, et il les guérit. Jésus arriva ainsi à la synagogue où quelques autres malades s'étaient également fait porter sur leurs grabats. Il y avait entre autres parmi eux un homme dont les membres étaient tout gonflés. Jésus avait refusé de les guérir lors de son dernier séjour, parce que leur foi n'était pas pure et qu'il leur était bon de souffrir plus longtemps afin qu'ils implorassent leur guérison avec plus d'humilité. Mais les Pharisiens intervinrent et furent particulièrement irrités de ce qu'il voulait guérir ces gens-là, car ils avaient répandu le bruit qu'il n'avait pas pu y réussir précédemment. Ils firent alors grand bruit, criant que Jésus profanait le sabbat. Mais Jésus acheva de guérir ces malades qui étaient au nombre de sept environ. Il répondit en termes sévères aux Pharisiens courroucés et leur demanda s'il était défendu de faire du bien le jour du sabbat ? Si eux-mêmes n'agissaient point et ne s'occupaient pas de certaines choses le jour du sabbat ? Si la guérison de ces malades ne leur rendait pas la possibilité de sanctifier eux-mêmes le sabbat : s'il était aussi interdit de consoler les affligés ce jour-là si l'on devait le jour du sabbat conserver le bien mal acquis ? Si après avoir tourmenté et opprimé dans le courant de la semaine les veuves, les orphelins et les pauvres, ou devait les laisser encore dans la peine le jour du sabbat. Il leur mit ainsi sous les yeux, sans aucun ménagement, leur hypocrisie et leur tyrannie envers les pauvres ; il dit aussi en termes exprès comment ils pressuraient les pauvres, sous prétexte de pourvoir à l'entretien de la synagogue qui pourtant avait au delà de ses besoins ; or, c'était dans cette synagogue même qu'ils voulaient, en leur interdisant de se faire guérir, les empêcher de recevoir la grâce de Dieu le jour du sabbat, tandis qu'eux-mêmes le jour du sabbat mangeaient et buvaient ce qu'ils leur avaient extorqué. Il les réduisit par là au silence et ils allèrent à la synagogue. Lorsque Jésus y fut entré, ils ne laissèrent pas de lui présenter le volume des Écritures et ils le prièrent d'enseigner : car ils étaient bien aises de l'entendre, ayant l'intention perfide d'épier ses paroles, afin de pouvoir lui imputer des doctrines erronées et se porter ses accusateurs. Il enseigna encore sur les murmures des Israélites, sur le châtiment de Marie, soeur d'Aaron, et sur des textes du prophète Zacharie. Quand il parla de l'époque du Messie et dit qu'alors beaucoup de païens se réuniraient au peuple de Dieu, ils lui demandèrent d'un ton railleur si c'était pour recruter des païens qu'il était allé dans l'île de Chypre. Jésus enseigna encore sur la dîme, sur les fardeaux qu'on impose à autrui sans vouloir les porter soi-même, et sur l'oppression des veuves et des orphelins.
Dans l'intervalle qui sépare la Pentecôte de la fête des Tabernacles, on portait à Jérusalem les dîmes destinées au temple. Dans les endroits éloignés de Jérusalem, comme ici, les lévites les recueillaient. Il s'était introduit des abus à cette occasion, parce que les Pharisiens faisaient payer la dîme au peuple et la gardaient pour eux. Jésus les reprit à ce sujet. Cela les rendit furieux ; lorsqu'il eut quitté la synagogue, ils s'élevèrent contre lui avec violence.
Le soir, Jésus assista à un dernier repas chez la veuve et fit ses adieux aux saintes femmes.
Naïm est une jolie ville très riante, qui est bien aussi grande que Munster. Elle s'étend en amphithéâtre sur une colline, et comme les maisons sont séparées par des jardins, elle n'est pas si resserrée que d'autres villes juives où souvent l'on tend des tapis d'une maison à l'autre. en sorte que les rues ressemblent à des couloirs pratiqués sous des tentes et à des berceaux de verdure.
15 juin. -- Dans la matinée, Jésus quitta Naïm et gravit la hauteur située au nord-est, en deçà du Cison. Il n'avait plus avec lui que quelques disciples. Après avoir fait environ une lieue de chemin, il arriva à un petit endroit dont le nom est quelque chose comme Rimmon. Il n'y a pas de synagogue, mais une école dirigée par des lévites qui xicrlnent d'un autre endroit la surveiller. Comme ils se trouvaient présents pour le moment, ils vinrent à la rencontre de Jésus. Jésus enseigna les jeunes gens et les petits garçons, il visita aussi l'école des jeunes filles. Il enseigna devant l'école sur une place où vinrent aussi les gens qui l'avaient déjà entendu à Naïm. Jésus parlait de préférence aux enfants des devoirs généraux tels qu'ils sont traces dans la loi, et n'annonçait pas devant eux comme il le faisait devant le peuple assemblé, les châtiments dont la génération présente était menacée. Il resta ici jusqu'à midi et prit un léger repas.
Cet endroit se compose d'une longue rangée de maisons qui s'étendent sur la pente de la montagne : il est habité surtout par des jardiniers et des vignerons qui portent leurs fruits à Naïm où ils travaillent aussi dans les jardins.
Saul y passa dans les courses qu'il fit avant d'aller consulter la pythonisse d'Endor.
Jésus en partant d'ici se dirigea vers la pente orientale du Thabor, et les lévites l'accompagnèrent quelque temps : ils s'étaient occupés à recueillir la dîme à Rimmon. Jésus traversa deux fois un cours d'eau, et après avoir fait environ trois lieues il arriva à un endroit assez de délabré, don le nom est Beth-Lachem et qui est situé à l'est de la ville de Dabrath. Ce n'était qu'une série de maisons habitées par de pauvres paysans : non loin de là se trouve le champ où Jésus a réglé un différent le 29 août de l'année dernière (tome II, page 187). Jésus n'était pas encore venu ici. Il entra chez plusieurs des habitants, en guérit quelques uns, les consola et les enseigna.
Après cela, les lévites ayant pris congé de lui, il alla quatre lieues plus loin, traversa la vallée dans laquelle se trouve la fontaine de Capharnaüm et arriva à Azanoth à la chute du jour. C'est l'endroit où se trouvaient les saintes femmes et Madeleine le 31 décembre de l'année dernière (tome III, page 306), lorsque Madeleine fut délivrée de sept démons pendant la prédication de Jésus. Cette petite ville est sur le versant nord-est des coteaux qui descendent vers le lac. Elle est dominée au midi par une hauteur et on y voit à peine le Thabor, mais la vue s'étend vers Capharnaüm et en descendant jusque vers Tarichée
Jésus a ici une hôtellerie où il arriva à la nuit tombante. Il s'y trouvait des amis de Capharnaüm qui l'attendaient : ils le saluèrent, lui lavèrent les pieds et lui présentèrent la réfection accoutumée. C'étaient Jaïre et sa fille, l'aveugle guéri à Capharnaüm, une parente de l'hémorroïsse Énoué, et Lia qui s'était écriée : " heureuses les entrailles qui vous ont porté " ! Toutes les femmes ayant leur voile baissé s'agenouillèrent devant Jésus, mais il leur dit de se relever et il les bénit. Elles pleuraient de joie de le revoir. La fille de Jaïre est maintenant fraîche et bien portante : elle est toute autre qu'elle n'était, pleine de piété et d'humilité. Jésus prit un petit repas avec ses disciples et les hommes qui se trouvaient la : les femmes étaient assises à part à un bout de la chambre, mais elles entendaient ce qu'il disait il enseigna, raconta et exhorta jusqu'assez avant dans là nuit.
16 juin. -- Les gens de Capharnaüm repartirent le matin de bonne heure : Jésus resta ici. Il enseigna dans la synagogue et sur une colline, et guérit plusieurs malades qu'il alla visiter dans leurs maisons. Les préposés de l'école de l'endroit se montrèrent bienveillants à son égard et ne le contredirent en rien.
Dans l'après-midi, je vis Jésus à une lieue au nord-est allant à Damna, où il y avait en avant de la ville une hôtellerie à laquelle étaient préposés des alliés de la famille de saint Joseph. Il y était attendu par Lazare et par deux disciples de Jérusalem : c'étaient, je crois, les neveux de Joseph d'Arimathie. Lazare était dans le pays depuis une huitaine de jours. Il avait encore des affaires concernant les terres et les bâtiments de Magdalum, car on n'avait encore vendu que le mobilier de Madeleine et d'autres choses du même genre. Lorsque Jésus vit Lazare, il l'embrassa : ce qu'il ne fait d'ordinaire que pour lui, pour les apôtres et les plus anciens d'entre les disciples ; quant aux autres, il se borne à leur tendre la main. Après le lavement des pieds, ils se reposèrent un moment, puis ils se promenèrent dans le jardin et s'assirent dans la salle. Lazare exposa avec beaucoup de calme l'état des choses à Jérusalem et raconta comment tout s'était passé pour ceux de leurs amis qui s'y trouvaient. Jésus parla des gens de l'île de Chypre, des convertis et de ceux qui venaient en Palestine. J'entendis dire, à cette occasion, que Jacques le Mineur et Thaddée étaient à Gessur pour recevoir et diriger à leur destination les sept philosophes païens qui y arrivaient et d'autres personnes encore. Jésus dit à Lazare combien il y avait de ces gens dont il fallait s'occuper. Il s'entretint très confidentiellement avec Lazare et se promena longtemps seul avec lui.
Lazare est un homme de haute taille, doux, grave, parlant peu, plein de politesse et mesuré en toutes choses ; il conserve toujours quelque chose de distingué jusque dans les relations les plus familières. Ses cheveux sont d'un blond clair et il a quelque ressemblance avec Joseph, le père nourricier de Jésus, seulement il a les traits plus forts et plus prononcés. Joseph avait à un haut degré dans toute sa personne je ne sais quoi de doux, de tendre et de bienveillant : il avait aussi les cheveux d'un blond clair.
Ils mangèrent ensemble ici et y passèrent la nuit.
17 juin. -- Ce matin Jésus accompagné de Lazare, des disciples, de l'intendant de l'hôtellerie et du fils de celui-ci qui se réunira plus tard aux disciples, fit deux petites lieues à l'est de Damna, jusqu'à ce village du centurion Zorobabel où vinrent le trouver deux scribes lépreux qui plus tard furent guéris par lui (tome III, page 187). Il est situé sur le versant méridional de cette colline semée de rochers qui ferme au midi la vallée de Capharnaüm, et sur laquelle s'étendent les jardins et les vignobles du centurion. Elle se termine par des escarpements de rochers du côté de la mer de Galilée, dont le village est éloigné d'une bonne demi-lieue. Du côté du midi, il y a près de ce village une espèce de solitude très riante. Il n'y a d'autres habitants que les serviteurs du centurion Zorobabel et des laboureurs qui cultivent ses terres. Il se trouve parmi eux des païens qu'il amène au judaïsme les uns après les autres.
Jésus trouva à l'hôtellerie qu'il a ici, quelques-uns de ses plus anciens disciples venus pour lui souhaiter la bienvenue, entre autres Nathanaël, le fiancé de Cana : quelques-uns venaient d'auprès des apôtres qui étaient encore dispersés. Pierre est encore de l'autre côté du lac près de Dalmanutha avec Jacques le Majeur : je crois que Jean est en Judée : cependant je ne le sais pas au juste. Pendant l'absence de Jésus, les apôtres avaient beaucoup enseigné, guéri et baptisé, ils avaient surtout baptisé dans les environs de Joppé. Après le lavement des pieds et la réception ordinaire, il leur adressa diverses questions et ils lui firent part de ce qu'ils savaient.
Ensuite Jésus se rendit à l'école. Il y a une école ici, mars pour le sabbat et les fêtes on va à Capharnaüm. Il y a aussi une belle chaire sur une colline. Jésus enseigna sur l'avènement du Messie et l'approche du royaume de Dieu. Il appliqua tous les signes indiqués par les prophètes et qui se manifestaient maintenant. Il exhorta très instamment ses auditeurs à se convertir. Il dit que le Messie ne se montrerait pas tel que les Juifs l'attendaient, et qu'à cause de cela il ne serait reconnu que des coeurs humbles et disposés à la pénitence, lesquels étaient en petit nombre Il dit aussi que le Messie annoncerait sa doctrine par plus d'une bouche, de même qu'autrefois il avait parlé par la bouche de plusieurs prophètes. Ces paroles me frappèrent particulièrement.
Jésus visita encore plusieurs maisons et guérit des malades. On lui amena plusieurs possédés muets et atrabilaires. Jésus ayant mouillé son doigt avec de la salive, le leur mit sous la langue et ordonna à Satan de se retirer : j'en vis alors quelques-uns tomber en défaillance, puis se relever guéris : d'autres éprouvèrent des convulsions de peu de durée et se trouvèrent délivrés : tous glorifièrent Dieu et rendirent grâces.
Jésus prit aucune nourriture dans l'hôtellerie avec ses compagnons. Après le repas arrivèrent le centurion Zorobabel et le centurion Cornélius avec le serviteur guéri pal Jésus. Jésus alla avec eux se promener dans la solitude qui est près du village : vers le soir ils retournèrent à Capharnaüm. Jésus et ses compagnons se partagèrent en groupes séparés (il y avait bien seize à dix-huit personnes) puis Jésus fit le tour de la colline par un sentier solitaire et St' rendit à la maison de sa mère, située dans la vallée à l'est de Capharnaüm, à une distance d'environ trois quarts de lieue.
Cependant les saintes femmes s'y étaient rendues de Naim en droite ligne et elles se trouvaient toutes chez la sainte Vierge. Les femmes ne sortirent pas de la maison pour aller à la rencontre de Jésus : Marie non plus n'alla pas au-devant de son fils. Après s'être lavé et avoir détaché sa robe, il entra dans la pièce principale sur l'un des côtés de laquelle étaient disposées quelques petites cellules. Marie alla à sa rencontre et inclinant humblement la tête sous son voile, elle lui tendit la main qu'il prit dans la sienne. Il la salua affectueusement et gravement. Les autres femmes se tenaient un peu en arrière, voilées ci rangées en demi-cercle. Elles s'inclinèrent profondément, et Jésus salua d'abord celles qu'il n'avait pas vues à Naïm. Quand Jésus fut seul avec Marie, je vis qu'il la pressa contre son sein et lui parla tendrement pour la consoler et la fortifier : quant à elle, depuis qu'il était entré dans sa carrière de prédication, elle le traitait toujours comme on traite un saint et un prophète : elle était vis-à-vis de lui comme serait une mère dont le fils serait devenu évêque, pape ou roi, toutefois avec quelque chose de plus auguste et de plus saint qui ne lui faisait rien perdre de son ineffable simplicité. Elle ne l'embrassait jamais, elle lui présentait seulement la main quand il tendait la sienne. Je ne vis ici aucun des apôtres, non plus que leurs femmes ni celle de Pierre ou d'André, ni celle de Matthieu.
Je vis ensuite Jésus et Marie manger seuls ensemble. Il y avait entre eux une petite table assez basse. Jésus était couché d'un côté, Marie se tenait assise en face de lui. Il y avait sur la table du miel, du poisson, du pain, des gâteaux et deux petites cruches. Les autres saintes femmes étaient deux par deux ou trois par trois dans les petites chambres disposées en tentes, ou dans une salle latérale, occupées du repas des disciples auquel assistaient plusieurs alliés de la sainte famille. Jésus parla à sa mère de l'île de Chypre et des âmes qu'il y avait gagnées. Elle se réjouit en silence et fit peu de questions. Elle lui rapporta ensuite ; diverses choses qui s'étaient passées pendant qu'il était absent, et poussée par ses inquiétudes maternelles, elle parla des dangers dont il était menacé pour l'avenir. Jésus la reprit avec douceur, lui dit qu'elle devait adorer les desseins de Dieu ; que pour lui, il devait remplir sa mission jusqu'à ce que fut venu le temps où il devait retourner à son Père. Quelques-unes des saintes femmes furent appelées il cet entretien les unes après les autres, et elles s'assirent auprès de Marie pendant que Jésus enseignait et racontait.
Brentano: Visions de la Bse Emmerich - TROISIEME CHAPITRE: LA FÊTE DE LA PENTECOTE. Du 20 au 31 mai.