Espérance Liban 35

Le Christ, Puissance de Dieu

35 Le drame vécu durant ces dernières années par l’Eglise catholique au Liban fut une occasion cruelle pour elle d’éprouver la nécessité de la conversion, pour vivre l’Evangile, pour demeurer unie, pour dialoguer en vérité avec les autres Eglises et Communautés chrétiennes en vue d’avancer vers la pleine unité, pour construire aussi, avec les autres citoyens, une société capable de dialogue ouvert, de convivialité et d’attention aux autres, surtout aux frères les plus démunis.

Il est évident qu’un tel renouveau dépasse absolument les forces humaines. Cela, les chrétiens le savent et ils tiennent à le proclamer pour que Dieu en soit glorifié. Mais ils mettent leur confiance en Dieu, «riche en grâce et en fidélité» (
Ex 34,6), et dont «les dons et l’appel [...] sont sans repentance» (Rm 11,29), lui qui connaît la profondeur de notre faiblesse. Ils mettent leur confiance en Jésus Christ, car «toutes les promesses de Dieu ont leur oui en lui» (2Co 1,20), et «si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même» (2Tm 2,13). Ils mettent leur confiance dans l’Esprit Saint, qui leur rappelle tout ce que Jésus a enseigné (cf. Jn 14,26), qui donne de se renouveler (cf. Rm 7,6), de former un seul corps (cf. 1Co 12,13) et de grandir dans la communion et l’unique espérance (cf. Ep 4,3-4).

Aussi l’Eglise au Liban doit-elle s’appuyer sur le Christ, au coeur de son espérance, Lui, le Verbe incarné qui a vaincu le péché et la mort. Il est vrai que le mal et la mort ne sont pas éliminés et que tous ressentent les conséquences du péché, que ce soit dans l’être individuel ou dans les relations interpersonnelles et intercommunautaires. Mais, par le Christ, les hommes peuvent être en communion de vie avec Dieu, et les uns avec les autres.

Pour vaincre la peur, pour se convertir à l’humilité, pour être capable de désintéressement, pour surmonter l’égoïsme, pour comprendre «[qu’]il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir» (Ac 20,35), et qu’il est plus heureux de s’occuper de l’autre que de se fermer sur soi-même, personne ne peut compter sur ses seules forces. Le Christ nous a d’ailleurs avertis: «Hors de moi vous ne pouvez rien faire» (Jn 15,5); il a aussi réconforté saint Paul: «Ma grâce te suffit: car la puissance se déploie dans la faiblesse» (2Co 12,9); et il a déclaré à ses disciples: «Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage! J’ai vaincu le monde» (Jn 16,33).


36 C’est pourquoi, chers fils et filles de l’Eglise catholique au Liban, l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques vous exhorte à vous laisser saisir par le Christ pour que vous progressiez dans la communion que Lui seul peut rendre parfaite. Alors vous pourrez poursuivre avec courage un dialogue sincère et constructif avec vos concitoyens. Ce dialogue suppose toute une ascèse de l’écoute et de la parole: vouloir et savoir comprendre le sens profond du discours et du comportement de l’interlocuteur, saisir la source de son expérience et les perspectives humaines dans lesquelles il se situe, s’exprimer de façon que la parole puisse être réellement comprise par l’autre et se conduire selon l’Evangile de manière que le témoignage de la vie rende la parole crédible. Ainsi vous serez fidèles à la mission d’évangélisation confiée par le Seigneur à son Eglise: «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, [...] leur apprenant tout ce que je vous ai prescrit» (Mt 28,19-20).

Du point de vue de la foi et de la charité, aller vers l’autre ne peut se limiter à lui communiquer ce que nous avons compris du Seigneur, mais cela consiste aussi à recevoir de lui le bien et le vrai qu’il lui aura été donné de découvrir. Nous progressons ainsi dans une connaissance toujours plus grande du seul vrai Dieu et de Celui qu’il a envoyé, son Fils Jésus Christ (cf. Jn 17,3). Car si «la grâce et la vérité [nous] sont venues par Jésus Christ» (Jn 1,17), l’Esprit de Dieu, qui souffle dans l’Eglise, souffle aussi dans la communauté humaine en sa totalité. Comme l’enseigne le Concile Vatican II, «nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon connue de Dieu, la possibilité d’être associés au mystère pascal» (69). «Dans le coeur de tous les hommes de bonne volonté, la grâce agit de façon invisible» (70).

Tout cela, l’Eglise l’a appris du Christ, Bon Pasteur, et elle reçoit de lui la force d’en vivre, afin que les hommes croient en lui et qu’ils entrent dans la vie nouvelle. Comme Jean le Baptiste, elle est là pour «rendre témoignage à la lumière» (Jn 1,7), car l’Esprit lui a révélé que «le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme» (Jn 1,9), et qu’il est l’unique «Puissance de Dieuet Sagesse de Dieu» (1Co 1,24). En lui et par lui, l’homme se connaît, découvre le sens de la vie et acquiert la capacité de s’engager dans la vraie vie et d’y entraîner les autres.

69) Const. past. Gaudium et spes, n. GS 22.
70) Ibid. GS 22


CHAPITRE III

Synode pour le renouveau de l’Eglise

Convocation et travaux du Synode

37 L’Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques a été convoquée d’abord pour que l’Eglise catholique au Liban soit renouvelée dans le Christ notre espérance, par l’Esprit Saint, c’est-à-dire qu’elle soit fidèle à sa vocation, à sa mission, et à sa raison d’être dans le dessein d’amour du Père pour le salut de tous les hommes. En réponse à l’invitation que j’avais faite dans ma Lettre aux patriarches, archevêques et évêques catholiques du Liban (71), lesLineamenta proposaient à tous les catholiques libanais une recherche sérieuse sur leur fidélité à la mission voulue par le Seigneur. «Dans la situation actuelle, [...] l’Eglise au Liban se demande si elle a été fidèle, si elle est encore fidèle à ce que le Christ lui a réservé, en elle-même et pour sa mission» (72).

Les réflexions à partir des Lineamenta ont été synthétisées dans l’Instrumentum laboris, et, sur cette base, les Pères du Synode ont indiqué, dans les grandes lignes, des domaines où le renouveau est nécessaire et où de profondes conversions sont indispensables; cela exige avant tout un cheminement continu de prière, de sacrifice et de réflexion, pour se mettre sous la mouvance de l’Esprit et pour faire la volonté de Dieu, car c’est Lui qui donne la croissance et nous sommes ses coopérateurs (cf.
1Co 3,5-9).

Dans un premier temps, les Pères ont déterminé ce que signifie «être renouvelés par l’Esprit du Christ». Puis, sous le regard du Christ, ils se sont demandé en vérité à quel renouveau sont appelés tous les catholiques libanais, chacun selon son propre charisme au sein de son Eglise particulière comme dans l’ensemble de l’Eglise catholique. Ensuite, ils ont recherché les transformations à opérer dans les principales structures des institutions ecclésiales. Enfin, avec un grand souci pastoral, ils ont envisagé comment engager ce renouveau et comment y former les fidèles.

71) La Documentation catholique 88 (1991), p. 770.
72) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 29.


L’Esprit Saint, agent du renouveau

38 «L’espérance ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été réps nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné» (Rm 5,5). Le Christ ne nous laisse pas orphelins dans nos tribulations; il vient au secours de notre faiblesse, pour faire de nous des disciples selon son coeur. Il nous a donné son Esprit comme Consolateur et source de vérité: «Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui provient du Père, il me rendra témoignage » (Jn 15,26). «Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; [...] il vous dévoilera les choses à venir» (Jn 16,13). Pour affermir la foi, l’espérance et la charité des fidèles et pour raviver leur ardeur missionnaire, c’est vers ces «choses à venir» qu’il convient de porter son regard, car c’est en fonction du sens de l’histoire, dont le Christ est l’alpha et l’oméga, et en fonction du bonheur auquel il nous convie, que les catholiques libanais sont appelés à se convertir et à changer de vie sous la motion de l’Esprit; ainsi, peu à peu, un monde nouveau apparaîtra sur cette terre, avec l’aide de l’Esprit Saint, qui nous communique la vie nouvelle qui vient de Dieu (73).

C’est pourquoi le renouveau que le Synode doit favoriser sera, en premier lieu, l’oeuvre de l’Esprit Saint. Tous les membres de l’Eglise ont à se mettre à son écoute, en reconnaissant qu’ils ont péché lorsqu’ils ont fait leur volonté propre au lieu de faire la volonté divine (cf. 1S 7,1-17) et qu’ils ont voulu réaliser leurs projets personnels au lieu de construire le Corps du Christ en suivant humblement Celui qui en est la Tête et qui peut seul conduire l’Eglise à son achèvement (74). La coopération de tous à l’action de l’Esprit Saint est la réponse constante à son grand don du renouveau: «Laissez-vous mener par l’Esprit. [...] Puisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir!» (Ga 5,16 Ga 5,25). A cette fin, l’Assemblée synodale invite instamment tous ceux et celles qui ont été baptisés en un seul Esprit à venir s’abreuver à sa source (cf. 1Co 12,13), afin de porter des fruits dans leur vie personnelle comme pour le renouveau de toute l’Eglise (cf. Ga 5,22-24) (75).

73) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Instrumentum laboris, n. 25.
74) Cf. Idem, Lineamenta, n. 32.
75) Cf. Idem, Rapport après la discussion, I.


I. Les sources et les fruits du renouveau

La Parole de Dieu

39 Au cours de son pèlerinage vers le Royaume, dont elle constitue le germe et le commencement sur la terre (76), l’Eglise est nourrie de la Parole vivante de Dieu par l’Esprit, qui a aussi inspiré les Auteurs sacrés, donnant ainsi chaque jour au peuple de Dieu la possibilité d’accéder à la plénitude du sens de cette Parole et de contempler le Verbe de Dieu qui «s’est fait porteur de la chair pour que nous puissions devenir porteurs de l’Esprit» (77). «Dans les saints Livres, le Père qui est aux cieux vient avec grand amour au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux; or, la force et la puissance qui sont inhérentes à la Parole de Dieu sont si grandes que celle-ci constitue pour l’Eglise soutien et vigueur, et pour les fils de l’Eglise solidité de la foi, nourriture de l’âme, source pure et intarissable de vie spirituelle» (78). A la suite des Pères du Synode, j’invite donc tous les fidèles à une écoute renouvelée de Dieu qui, dans le Verbe fait chair, a tout donné au monde, et «dont l’Ecriture Sainte est le témoin privilégié, fidèle et véridique » (79). Reprenant la mise en garde de saint Jérôme, le deuxième Concile du Vatican n’a pas manqué d’attirer l’attention des chrétiens sur la place qu’il convient d’accorder à la Parole de Dieu, car «l’ignorance des Ecritures, c’est l’ignorance du Christ» (80). Au cours de leur histoire, les Eglises d’Orient ont développé la lecture de la Parole de Dieu, car «chacun, selon ses besoins, apprend de l’Ecriture inspirée » (81), spécialement par la lectio divina qui permet de découvrir avec certitude «qu’il existe dans les Ecritures saintes une sorte de force qui suffit, même sans explication, à celui qui les lit» (82). A l’exemple des Pères, l’Orient chrétien a fait une admirable lecture de l’Ecriture, par une exégèse sapientiale qui lie étroitement la théologie et la vie spirituelle.

L’Assemblée synodale a souligné de manière particulière le lien vital qui unit la Parole de Dieu et l’Eglise dans le mystère du Christ, mort et ressuscité, Pain de Vie pour ceux qui croient en Lui (cf.
Jn 6). C’est le Christ, Verbe de Dieu, qui est proclamé dans l’Eglise et c’est Lui qui la nourrit aux deux tables de la Parole et de son Corps, et qui, ainsi, la construit (83). «Nous avons la nourriture fournie par les Apôtres [la Parole de Dieu]; mangez-la et vous ne défaillirez pas. Cette nourriture, mangez-la d’abord afin de pouvoir venir ensuite à la nourriture du Christ, à la nourriture du Corps du Seigneur» (84). C’est pourquoi l’Eglise au Liban est poussée aujourd’hui par l’Esprit Saint à accueillir la Parole de Dieu, à l’annoncer et à la mettre en pratique. Aussi, dans le ministère des prêtres, l’enseignement du mystère chrétien doit-il occuper une place prépondérante et faire l’objet d’une préparation minutieuse. En effet, affrontés à des cultures et à des sciences qui posent des questions importantes à la foi, nos contemporains ont besoin d’une formation structurée, d’une culture religieuse sérieuse et d’une vie spirituelle forte, s’ils veulent suivre le Christ. J’attire particulièrement l’attention des pasteurs sur les homélies dominicales, qui doivent donc être préparées avec beaucoup de soin, par la prière et par l’étude. A ce propos, j’encourage vivement l’initiative d’offrir aux prêtres des dossiers comportant des analyses exégétiques qui sont suggestives pour la méditation personnelle et qui permettent de préparer plus intensément les homélies. Ces dernières ont avant tout pour fonction d’aider les fidèles à vivre leur foi dans leur existence quotidienne et à entrer en dialogue avec leurs frères. De même, la diffusion de la Bible imprimée et la faculté pour les laïcs de participer à des sessions de formation exégétique permettent à «un plus grand nombre de lire la Parole de Dieu, de la méditer, de la prier et de la vivre» (85).

76) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 5.
77) S. Athanase d’Alexandrie, De l’Incarnation et contre les Ariens, 8: PG 26, 995-996.
78) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 21.
79) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 22.
80) S. Jérôme, Commentaire sur le livre d’Isaïe, Prol.: PL 24, 17; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. DV 25.
81) S. Basile de Césarée, Règles brèves, 95: PG 31, 1059.
82) Origène, Homélies sur Josué, 20, 2: SC 71, Paris (1960), p. 417. 83) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, nn. 24-26.
84) S. Ambroise de Milan, Commentaire sur le Ps. 108, 15, n. 28: PL 15, 1420.
85) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, I, 1.


La Tradition apostolique

40 C’est par l’assistance indéfectible de l’Esprit Saint que se transmet dans l’Eglise la Tradition reçue des Apôtres, cette «mémoire vivante du Ressuscité» (86). Sous diverses formes, la Tradition apostolique a évangélisé les cultures présentes au Liban, en ayant soin de prendre en compte les riches sensibilités spirituelles et les langues locales. A côté de la tradition arménienne qui, tout en étant originale, n’est pas sans lien avec les Pères cappadociens et syriaques, il y a la très ancienne tradition antiochienne, d’origine à la fois araméenne et hellénistique. Toutes ces racines sont communes aux Eglises orientales catholiques et aux Eglises orthodoxes. Cette sainte et vivante Tradition pluriforme s’est transmise par les Pères de l’Eglise et par les auteurs spirituels, par la divine Liturgie, par l’exemple des martyrs, des saints et des saintes. La fidélité à la Tradition permet un véritable «retour aux sources» par lequel l’Esprit Saint veut renouveler chaque Eglise particulière, ainsi que développer la communion entre toutes (87). Dans la docilité au Dieu Trinité, le courant de la grande Tradition vivante anime l’Eglise, pour qu’elle annonce dans chaque culture et à chaque époque le mystère chrétien. «A mesure que l’Eglise s’est développée dans le temps et dans l’espace, l’intelligence de la Tradition dont elle est porteuse a, elle aussi, connu les étapes d’un développement dont l’étude constitue, pour le dialogue oecuménique et pour toute réflexion théologique authentique, le parcours obligatoire» (88).

86) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 8: AAS 87 (1995), p. 752; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n.
DV 8.
87) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 28; Instrumentum laboris, n. 27.
88) Jean-Paul II, Lettre apost. pour le douzième centenaire du deuxième Concile de Nicée Duodecimum saeculum (4 décembre 1987), n. 5: AAS 80 (1988), p. 245.


41 Durant l’Assemblée synodale, plusieurs intervenants ont déploré que les fidèles ignorent leur tradition ecclésiale et celles de leurs frères. D’autres ont affirmé que l’enracinement des Eglises d’Antioche dans leur tradition commune est une exigence vitale pour leur renouveau, pour la communion entre les Eglises patriarcales catholiques qui en dépendent, pour le dialogue oecuménique et pour la mission (89). C’est pourquoi il est important d’insister sur la remise en valeur des traditions patristiques, liturgiques et iconographiques de l’Eglise catholique au Liban, qui offre au peuple libanais des chemins spirituels pour rencontrer le Dieu vivant et vrai, et pour devenir la vivante icône du Christ (90). Il faudra aussi poursuivre la mise en valeur des écrits arabes chrétiens dans les domaines de la théologie, de la spiritualité, de la liturgie et de la culture générale; autant de trésors qui ont enrichi la tradition antiochienne à partir du VIIe siècle. Enfin, au niveau des moyens, beaucoup d’initiatives sont à promouvoir ou à encourager: des recherches scientifiques, des traductions, des programmes rénovés dans les organismes de formation théologique et catéchétique, des propositions de formation pour adultes et jeunes, ainsi que la diffusion de biographies des témoins de la foi de tous les temps, la connaissance des hauts lieux de la tradition et le souci de faire connaître les traditions des Eglises orientales dans les communautés catholiques de la diaspora (91).

89) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, I.
90) Cf. Proposition 4.
91) Cf. Proposition 4. C’est aussi le propos de la Lettre apostolique Orientale lumen: AAS 87 (1995), pp. 745-774.


La Liturgie

42 C’est surtout dans la célébration eucharistique que l’Esprit Saint renouvelle l’Eglise en la conformant toujours davantage à son Seigneur. L’Eucharistie est le pain quotidien qui nous unit au Christ, qui fait de nous des membres vivants de son Corps et qui nous maintient dans l’unité (92). Ainsi, nous devenons ce que nous recevons pour, «le visage découvert en une conscience pure, réfléchir comme un miroir la gloire du Seigneur» (93). La liturgie, source et sommet de la vie et de l’action de l’Eglise, est la célébration du mystère pascal, spécialement dans l’Eucharistie, mais aussi dans les autres sacrements et dans l’office divin, encore appelé la «liturgie des heures». Tout au long de l’année, en particulier dans les églises paroissiales où s’assemble la communauté chrétienne, c’est dans la célébration des «Saints Mystères» que la parole de Dieu est efficacement «esprit et vie» (Jn 6,63) et que la sainte Tradition manifeste le plus sa force vivifiante. La connaissance intime de la Trinité sainte se réalise particulièrement dans la prière constante de l’Eglise, par le Christ, seul médiateur entre Dieu et les hommes, et par l’Esprit qui nous pousse à redire sans cesse Abba, Père (94). Au long des siècles, s’est développée la «très riche hymnographie liturgique: [...] ces hymnes sont en grande partie des paraphrases sublimes du texte biblique» (95), que les fidèles assimilent pour nourrir leur prière.

Participation à la liturgie céleste et anticipation du «monde qui vient», la Divine Liturgie est le don grâce auquel les Eglises orientales ont pu tenir ferme dans l’espérance à travers des siècles de tribulations. Source permanente qui a nourri et animé la foi, elle nécessite aujourd’hui une approche pastorale nouvelle conforme aux orientations du Concile oecuménique Vatican II, dans la fidélité aux traditions spirituelles spécifiques. Cette attention nouvelle est essentielle, afin que se développe la pastorale liturgique et sacramentelle et que tous les fidèles puissent participer plus activement à la vie liturgique; ainsi, les célébrations deviendront toujours plus vraies et plus significatives (96). Je recommande aux pasteurs de veiller à ce que les réformes liturgiques entreprises maintiennent la beauté et la dignité des célébrations, qui forment un patrimoine commun aux Eglises orientales; il est indispensable que ces réformes ne dénaturent pas le sens théologique des Saints Mystères et que, selon les normes de l’Eglise catholique et dans le respect des traditions ecclésiales propres, les différentes Eglises particulières aient conscience d’être en communion et en harmonie avec toute l’Eglise (97). Pour mener à bien les réformes, il sera bon de suivre les critères donnés par l’Instruction pour l’Application des Règles liturgiques du Code des Canons des Eglises orientales, publiée par la Congrégation pour les Eglises orientales (98). Pour que soit mis en oeuvre ce renouveau, les Pères du Synode ont insisté sur des conditions indispensables: le travail de commissions liturgiques au niveau des Synodes des évêques des Eglises patriarcales, des éparchies ou des paroisses, la formation initiale et permanente des prêtres, des diacres et des responsables laïcs, ainsi que la connaissance des traditions et de la pastorale liturgiques. Loin de toute recherche de prestige, tous auront à coeur de faire apparaître la vérité profonde et la beauté du mystère de la foi qui est célébré (99).

92) Cf. S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Ephésiens, 13, 1: SC 10, Paris (1969), p. 69; Didachè, 9, 4: SC 248, Paris (1978), p. 177; S. Justin, Apologies 65, 6: PG 6, 427.
93) S. Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, 4, 9: SC 126bis, Paris (1988), p. 145.
94) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Instrumentum laboris, n. 26.
95) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 10: AAS 87 (1995), pp. 755-756.
96) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, I; Proposition 5.
97) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 40, § 1; 667-669.
98) Cf. en particulier les numéros 13 à 21, qui rappellent la richesse du patrimoine liturgique des Eglises orientales, l’importance de la tradition en ce domaine, l’esprit dans lequel doivent s’effectuer les réformes et la valeur oecuménique du patrimoine liturgique.
99) Cf. Proposition 5.


La prière personnelle et communautaire

43 Au terme des interventions en session plénière, le Rapport de synthèse de l’Assemblée synodale rappelait avec courage que les transformations dans la vie personnelle et dans la vie sociale nécessitent une libération profonde au sein même de l’Eglise catholique au Liban, lalibération intérieure qui nous vient du Christ à travers la vie spirituelle. Avant donc de transformer ses structures, il est urgent que l’Eglise au Liban se laisse transformer par le Christ et que s’accomplisse pleinement en chaque fidèle l’oeuvre de la déification, thème si cher à la théologie orientale (100). «Par la puissance de l’Esprit qui demeure dans l’homme, la déificationcommence déjà sur la terre, la créature est transfigurée et le Royaume de Dieu est inauguré» (101). Il est donc important que tout soit mis en oeuvre pour que les fidèles soient guidés dans l’initiation à la prière personnelle et communautaire, et qu’ils puissent raviver leur vie spirituelle dans leur cadre quotidien et dans des lieux de silence et d’accueil, et dans les monastères. On se réjouit aussi que se développent des groupes de prière, appelés à être d’authentiques communautés ecclésiales et des témoins de la force obtenue par la prière.

100) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, Introduction.
101) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 6: AAS 87 (1995), p. 750.


II. Le renouveau des personnes

L’unité dans la diversité

44 Un des thèmes majeurs de cette Assemblée synodale consacrée au Liban est celui de l’unité dans la diversité. Les Pères ont voulu souligner à plusieurs reprises le respect nécessaire de l’identité de chaque groupe et de chaque personne, ainsi que le besoin urgent de dépasser les barrières que l’histoire a élevées entre les communautés chrétiennes libanaises, afin que tous ensemble deviennent «les pierres de construction d’une tour [...] construite sur le rocher de la foi» (102). Ce désir de collaboration et d’ouverture ne s’est pas seulement manifesté au niveau des diverses Eglises locales dans leur ensemble, mais aussi au niveau des différentes catégories qui composent le peuple de Dieu. Chacun a le droit d’être respecté dans sa démarche spirituelle propre, mais tous doivent aussi s’engager dans la voie du dialogue avec leurs frères. Les charismes et les dons confiés aux uns sont à mettre au service de tous, par une recherche commune de vérité, dans l’amour.

102) Gérassime, Traité sur la Trinité: Paris (1996), p. 229.


Les fidèles laïcs

45 Durant le Synode, les laïcs présents ont largement exprimé le désir que les fidèles puissent participer de manière active et responsable à la vie ecclésiale, au sein des différentes structures et des divers conseils pastoraux (103), à la mesure de leurs compétences. Ils devraient s’engager dans la vie de l’Eglise, à tous les niveaux, mais ils attendent souvent qu’elle fasse appel à eux et leur témoigne sa confiance. Les missions des laïcs sont vastes. Il leur appartient, «en raison de leur vocation propre, de chercher le Royaume de Dieu en gérant les affaires temporelles et en les ordonnant selon Dieu. [...]. C’est à cette place qu’ils sont appelés par Dieu, pour que, en accomplissant leur charge propre, en se laissant conduire par l’esprit évangélique, ils contribuent à la sanctification du monde comme du dedans, à la manière d’un ferment, et qu’ils manifestent ainsi le Christ aux autres, avant tout par le témoignage de leur vie, dans le rayonnement de leur foi, de leur espérance et de leur charité» (104), qui les unissent à leur Seigneur. La gestion des affaires publiques et le gouvernement de la cité sont cette scientia civilis (105), qui permet d’unir entre eux les hommes par les liens de l’amitié, avec le souci de construire ensemble une communauté de destin et d’intérêt, dont la vocation est le bien des personnes et le service de la vérité (106), et de donner à chaque citoyen l’amour de sa patrie.

«Outre cet apostolat qui concerne tous les fidèles sans exception, les laïcs peuvent de surcroît être appelés de diverses manières à apporter une collaboration plus immédiate à l’apostolat de la hiérarchie, à la manière de ces hommes et de ces femmes qui secondaient l’Apôtre Paul dans la proclamation de l’Evangile et qui peinaient lourdement pour le Seigneur (cf.
Ph 4,3 Rm 16,3)» (107). Il est aussi important que des fidèles laïcs s’engagent plus directement dans la recherche intellectuelle et dans l’étude, pour que se développe une véritable culture chrétienne dans le monde arabe, avec le soutien des pasteurs. Afin de pouvoir exercer leurs responsabilités, ils doivent pouvoir trouver dans leurs paroisses et dans leurs mouvements des propositions de formation catéchétique, théologique et spirituelle, qui les aideront à collaborer avec les prêtres dans leurs activités paroissiales, avec le souci de la coresponsabilité (108).

Dans cette perspective, devront être créés des centres de formation pour adultes, auxquels les fidèles auront facilement accès. L’animation et l’administration pourront être prises en charge en commun par l’ensemble des patriarcats, dans leurs différentes instances, ou bien elles pourront être le fruit de la collaboration étroite de plusieurs organismes, dans un esprit de concertation avec les autres centres existants; de telles structures permettront aussi de réaliser des moyens techniques et pédagogiques adaptés aux connaissances des fidèles. En s’appuyant sur leCatéchisme de l’Eglise catholique, les évêques au Liban sont invités à poursuivre la publication d’ouvrages présentant la foi chrétienne dans son ensemble, qui prendront en considération leur diversité culturelle. Je salue les efforts déjà entrepris, avec d’autres catholiques du Moyen-Orient, pour publier en langue arabe des textes du Magistère pontifical et de certains dicastères du Saint-Siège. En outre, une présence plus grande dans les moyens de communication sociale permet de diffuser l’enseignement de l’Eglise, soit par le canal de journaux, de radios et de télévisions, soit en préparant des émissions pour les médias qui n’ont pas un caractère proprement ecclésial, mais qui sont disposés à faire une place aux programmes religieux dans leurs émissions (109).

103) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 408.
104) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 31; cf. S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Tralliens, 8, 1: SC 10, Paris (1969), p. 102.
105) Cf. S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, I-II 92,2.
106) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Centesimus Annus, n. CA 50: AAS 83 (1991), p. 856; Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici, n. CL 42: AAS 81 (1989), pp. 472-476; Conc. oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. GS 75.
107) Ibid., n. CA 33.
108) Cf. Proposition 8.
109) Cf. Proposition 24.


La famille

46 Le Message du Synode a clairement énoncé les menaces qui pèsent sur la famille libanaise: «Démembrement familial à cause de l’émigration du père ou des enfants en quête d’un emploi ou d’une formation; vie familiale compromise par les difficultés matérielles; vie familiale minée par une conception erronée de l’indépendance des conjoints et une mentalité contraceptive » (110). Face à cela, le soutien spirituel, moral et matériel des futurs couples et des familles est une des tâches les plus urgentes.

C’est d’abord à partir de la famille que le tissu social se construit, que l’éducation de la jeunesse, demain responsable de la nation, se réalise et que la foi chrétienne se transmet de génération en génération. L’Eglise fait confiance aux familles et compte sur les parents, tout spécialement dans la perspective du troisième millénaire, pour que les jeunes puissent connaître le Christ et le suivre généreusement dans le mariage, dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée. «Le sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour les époux et pour la famille le fondement d’une vocation et d’une mission sacerdotales» (111). Les foyers sont porteurs d’un riche dynamisme spirituel et sont les premiers lieux de maturation des vocations. Par leur façon de vivre, les parents témoignent de la beauté du mariage et du don de soi. L’exemple quotidien de couples unis nourrit chez les jeunes le désir de les imiter. «Petite Eglise», la famille est une école de l’amour (112) et le premier lieu d’un témoignage chrétien et missionnaire, par l’exemple autant que par la parole. Le mystère d’amour qui lie l’homme et la femme est le reflet de l’union entre le Christ et son Eglise (cf.
Ep 5,32). C’est dans la famille que, dès le bas âge, les enfants sont initiés à la présence de Dieu et à la confiance en sa bonté de Père. Une pédagogie toute simple de la prière chrétienne suppose que les adultes donnent l’exemple de la prière personnelle et de la méditation de la parole de Dieu. C’est donc pour soutenir, aider et préserver cette institution primordiale que les participants à l’Assemblée synodale ont souhaité que la pastorale familiale soit développée.

110) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Message, n. 27: La Documentation catholique 93 (1996), p. 39.
111) Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio, n. FC 59: AAS 74 (1982), p. 151.
112) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Instrumentum laboris, n. 53.


47 Dans cet esprit, la préparation au mariage est extrêmement importante. Pour exercer leurs futures responsabilités, les fiancés doivent pouvoir trouver des appuis auprès de l’Eglise locale. Dans chaque paroisse, des couples ayant de l’expérience, en liaison avec le clergé, pourront aider les jeunes à se préparer au mariage; des gens déjà mariés seront d’utiles conseillers; ceux qui ont des difficultés pourront trouver l’écoute attentive et l’aide fraternelle dont ils ont besoin. Pour animer les centres de préparation au mariage et de conseil, il est souhaitable qu’un Institut d’études matrimoniales et familiales soit créé pour former des prêtres et des personnes compétentes. Un tel institut fournira aussi une documentation au service des divers centres, présentant l’enseignement de l’Eglise qui, ces dernières années, a proposé de nombreux textes à la réflexion des chrétiens (113).

Il serait bon de créer un réseau de couples capables d’accompagner ceux qui connaissent des difficultés, de les aider à porter un autre regard sur les problèmes rencontrés et à réinstaurer entre eux un dialogue serein (114). Des réconciliations entre couples deviendront ainsi possibles, avant d’en arriver trop rapidement à des solutions judiciaires (115).

113) Cf. Proposition 7.
114) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, II, 7.
115) Cf. Proposition 7.


48 Devant les difficultés croissantes des couples, il convient que les tribunaux ecclésiastiques travaillent en coordination avec les centres d’aide, en vue de tout tenter pour réconcilier les époux(116). Chaque Eglise patriarcale ayant ses propres tribunaux, une étroite collaboration entre eux est indispensable, afin de garantir une même justice pour tous, à travers la diversité des pouvoirs judiciaires, et d’éviter ainsi que ceux qui s’adressent aux tribunaux puissent manipuler le cours de la justice en jouant sur les divergences entre les juridictions. Cela suppose de la part des juges un esprit pastoral et une parfaite intégrité qui devraient être garantis grâce à la vigilance permanente de la hiérarchie ecclésiastique (117). Il convient aussi que le droit à la défense des personnes nécessiteuses soit bien assuré, notamment en renforçant leur assistance judiciaire par l’exemption des frais et par la mise à leur disposition d’avocats bénévoles (118).

116) Code des Canons des Eglises orientales, can.
CIO 1362 CIO 1381.
117) Ibid., can. CIO 1062.
118) Cf. Proposition 21.


49 Les familles doivent aussi être aidées dans les difficultés économiques qu’elles affrontent. Dans ce domaine, je fais confiance aux différentes institutions catholiques locales pour être inventives, pour s’associer entre elles et pour constituer des réseaux d’aide, en liaison avec les institutions nationales qui ont pour mission de promouvoir une politique familiale, en protégeant chaque membre et en promouvant l’éducation de la jeunesse.



Espérance Liban 35