Espérance Liban 50

Les femmes

50 Les femmes méritent une attention spéciale, pour que leur soient reconnus leur dignité et leurs droits dans les différentes instances de la vie sociale et nationale. En effet, dans son anthropologie et dans sa doctrine, l’Eglise affirme l’égalité des droits entre l’homme et la femme, fondée sur la création de tout être humain à l’image de Dieu. «L’Eglise est fière, vous le savez, d’avoir magnifié et libéré la femme, d’avoir fait resplendir au cours des siècles, dans la diversité des caractères, son égalité foncière avec l’homme » (119). A partir du Christ et du mystère de l’Incarnation, le rôle de la femme est exprimé de manière admirable par la Vierge Marie, dont la tradition orientale à souvent mis en valeur la place unique, car elle est celle par qui «nous est donné l’arbre de l’immortalité» (120). A juste titre et en vérité, nous appelons sainte Marie Mère de Dieu, car ce nom contient tout le mystère du salut (121).

«La force morale de la femme, sa force spirituelle, rejoint la conscience du fait que Dieu lui confie l’homme, l’être humain, d’une manière spécifique.Naturellement, Dieu confie tout homme à tous et à chacun. Toutefois cela concerne la femme d’une façon spécifique — précisément en raison de sa féminité — et cela détermine en particulier sa vocation» (122). Les femmes ont une conscience aiguë de ce qui leur est confié et elles ont la capacité de manifester leur «génie » dans les circonstances les plus diverses de la vie humaine.

Il nous faut cependant reconnaître que, au sein de la société et dans les institutions catholiques locales, la place des femmes n’est souvent pas à la mesure de leurs engagements et de leurs efforts. Nous devons tout d’abord nous souvenir que la tradition orientale situe une femme, Marie-Madeleine, à un rang important à côté des Apôtres, car, après avoir suivi Jésus, elle fut la première à se rendre au tombeau, à accueillir la Bonne Nouvelle de la Résurrection et à l’annoncer aux disciples (123). Il convient donc d’offrir aux femmes des participations plus importantes et des responsabilités dans la vie et dans les décisions ecclésiales, et de leur donner la possibilité d’acquérir la formation nécessaire. Leur rôle dans l’éducation de la jeunesse, en particulier dans les domaines catéchétique, spirituel, moral et affectif (124), est de tout premier plan, car «l’âme de l’enfant est une cité, une cité récemment fondée et organisée », qui demande une patience et une attention de tous les instants (125). Elles ont aussi joué et jouent encore un rôle déterminant dans la vie ecclésiale et dans la société libanaise, manifestant ainsi que le don de soi par amour appartient à la vraie nature de la personne humaine. Durant les années de guerre, elles se sont spécialement dépensées pour sauvegarder la vie et pour entretenir l’espérance de la paix. Comme je le rappelais récemment, elles ont aussi pour vocation d’être des éducatrices de la paix, «dans les relations entre personnes et entre générations, dans la famille, dans la vie culturelle, sociale et politique des nations» (126). Elles sont particulièrement actives dans les services de santé, dans les services sociaux et dans l’éducation. Je me réjouis que les Pères du Synode aient voulu leur donner la possibilité d’être plus actives au sein des différentes structures ecclésiales des paroisses, des éparchies et des instances patriarcales et inter-patriarcales, dans les domaines spirituel, intellectuel, éducatif, humanitaire, social, administratif. Elles peuvent y rendre de grands services par leurs qualités personnelles spécifiques.

119) Conc. oecum. Vat. II, Message aux femmes (8 décembre 1965); cf. Const. past. Gaudium et spes, n.
GS 29; Jean-Paul II, Lettre aux femmes, n. 3: La Documentation catholique 92 (1995), p. 718; S. Basile le Grand, Homélie sur le Psaume 1, 3: PG 29, 214- 218.
120) Catholicos Isaac III, Laudes et hymni ad SS. Mariae Virginis honorem ex Armenorum breviario excerpta, Venise (1877), p. 89.
121) Cf. S. Jean Damascène, De fide orthodoxa, III, 2: PG 94, 983-988; S. Grégoire de Narek, 80e prière: SC 78, Paris (1961), pp. 428-431; Agatangelo, Prière du martyr Grégoire l’Illuminateur: Testi mariani del primo millennio, Rome (1991), p. 552; Hymne liturgique pour le mois de kðnak dans la liturgie copte: I Copti, Libreria Editrice Vaticana (1994), pp. 165-166.
122) Jean-Paul II, Lettre apost. Mulieris dignitatem, n. MD 30: AAS 80 (1988), p. 1725.
123) Cf. Jean-Paul II, Lettre aux Prêtres à l’occasion du Jeudi Saint 1995, n. 6: AAS 87 (1995), pp. 801-802.
124) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio, n. FC 37: AAS 74 (1982), pp. 127-129.
125) S. Jean Chrysostome, Sur l’éducation des enfants, n. 25: SC 188, Paris (1972), p. 113.
126) Message pour la Journée mondiale de la Paix 1995, n. 2: AAS 87 (1995), p. 360.


Les jeunes

51 Les jeunes Libanais sont «déçus par la génération qui les a précédés et qui ne leur a pas permis de faire l’expérience de la paix, mais de la guerre et de la haine» (127). Durant l’Assemblée synodale, ils ont fait part aux Pères de leurs critiques et de leurs exigences, avec franchise et courage, manifestant ainsi qu’ils attendaient des changements décisifs dans l’Eglise. Ils ont réclamé des actions concertées au nom de l’Evangile et ils ont exprimé leurs souffrances devant les divisions ecclésiales qui entravent la mission. Ils souhaitent une Eglise qui montre son unité dans la diversité, qui soit un véritable lieu de vie fraternelle, de partage, de ressourcement et d’espérance.

Dans la conscience de la nation libanaise et au sein de l’Eglise au Liban, les jeunes doivent avoir une place importante et être une force de renouvellement national et ecclésial, en participant aux différentes structures de la vie sociale et aux instances de décision. Il faut les aider à vaincre les tentations d’extrémisme et de laxisme qui peuvent les guetter, ainsi qu’à refuser les différentes formes de vie qui sont opposées à une saine moralité. D’autre part, il convient de les éclairer sur les principes et les valeurs de la vie personnelle et sociale. Ils deviendront ainsi des partenaires à part entière, soucieux de poursuivre inlassablement le dialogue avec leurs frères désireux de parvenir à des compromis pour que la convivialité soit possible, mais sans que cela n’aboutisse à des concessions sur les principes et les valeurs.

L’Eglise compte sur les jeunes pour donner un nouvel élan à la vie ecclésiale et à la vie sociale. Les communautés chrétiennes sont donc invitées à les intégrer davantage dans toutes leurs activités, pour qu’ils soient des acteurs de la «nouvelle évangélisation», des semeurs de la Parole auprès d’autres jeunes, apportant leur dynamisme particulier en vue du renouveau ecclésial (128). De même, ils sont appelés à être des partenaires à part entière dans l’édification de la société. Pour cela, il convient de leur donner une formation intellectuelle et spirituelle solide, qui réponde ainsi à leur soif d’absolu et de vérité. Là où ils s’engagent, ils doivent pouvoir trouver l’accompagnement spirituel dont ils ont besoin. Le rôle des conseillers religieux, dans les mouvements et sur les campus universitaires, qu’ils soient prêtres, diacres, religieux, religieuses ou laïcs, est d’une grande importance pour leur croissance et leur maturation humaine et spirituelle, afin de les aider à discerner leur vocation et à trouver leur place dans la société (129).

127) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, n. 8.
128) Cf. Proposition 10.
129) Cf. Ibid.


Les religieux et les religieuses

52 Aujourd’hui, les religieux et les religieuses sont présents dans tous les domaines de l’Eglise et de la société. Ils sont donc bien placés pour continuer à être un point de référence pour leurs frères, en configurant étroitement leur vie au Christ et en approfondissant leur charisme spécifique, pour le bien de toute l’Eglise et pour le salut du monde (130). Pour cela, il est demandé aux personnes qui s’engagent dans la vie consacrée de s’attacher à vivre une profonde expérience de Dieu (131), pour manifester que le Seigneur est le terme de l’histoire et qu’il aime le monde. En effet, «grâce à la profession des conseils évangéliques, les traits caractéristiques de Jésus — chaste, pauvre et obéissant — deviennent “visibles” au milieu du monde de manière exemplaire et permanente et le regard des fidèles est appelé à revenir vers le mystère du Royaume de Dieu, qui agit déjà dans l’histoire, mais qui attend de prendre sa pleine dimension dans les cieux» (132).

Les religieux et les religieuses qui sont au Liban et dans tout le Moyen-Orient sont invités à analyser en vérité leurs modes de vie et leurs façons de témoigner de l’Evangile et d’accomplir les missions qui leur sont confiées. Ils s’assureront ainsi qu’ils restent fidèles aux intuitions d’origine de leurs fondateurs et qu’ils demeurent pour les hommes de leur temps des témoins du Christ et des exemples de vie chrétienne, par la vie communautaire et par la pratique des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Le Seigneur nous ordonne, en effet, de soigner ceux qui chancellent et de viser d’abord le profit du prochain avant ce qui nous plaît (cf.
Tt 2,12) (133). D’autre part, leur mission exige une grande fidélité à l’idéal de toute vie consacrée et à l’orientation propre des fondateurs, ainsi qu’un esprit créatif pour répondre aux attentes des hommes et pour faire face aux besoins spécifiques de l’Eglise.

Par vocation, les personnes consacrées proclament l’Evangile et témoignent du primat de l’Absolu sur toutes les réalités humaines, par la parole et par leur vie exemplaire, car elles appartiennent au Seigneur. De ce fait, leur relation avec Dieu s’accompagne d’un comportement moral en harmonie avec l’engagement pris, car c’est en «vivant dans la vertu, que nous sommes reliés à Dieu» (134) et que nous marchons dans la voie de la filiation divine (135). Toutes les personnes vertueuses, en particulier celles qui sont consacrées, donnent une dimension oblative à leur vie, reflètent la gloire de Dieu et font triompher le sens profond et véritable de l’existence (136). Dans un monde qui se tourne de plus en plus vers le matérialisme et vers de nombreuses idoles, cela est d’autant plus urgent. Que le témoignage des personnes consacrées soit crédible, car «l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres» (137); car, par leur façon d’être et la fidélité à leurs promesses, ils montrent la voie du bonheur et sont reconnus comme de véritables guides spirituels dont le peuple a besoin, sur le modèle de saint Antoine, le père des moines (138).

130) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 410; Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 39.
131) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata, n. VC 73: AAS 88 (1996), pp. 448-449.
132) Ibid., n. VC 1: l.c., p. 377.
133) Cf. S. Nil l’Ascète, Discours ascétique: PG 79, 719-747; S. Basile le Grand, Regulae fusius tractatae, q. 7: PG 31, 927-934; q. 41: PG 31, 1021-1024.
134) S. Antoine le Grand, Exhortations, n. 150: La philocalie I, Paris (1995), p. 62; cf. Lettre, n. 4: PG 40, 1008; S. Nil l’Ascète, Sur le Cantique des Cantiques, 1, 8, 2: SC 403, Paris (1994), pp. 179-181; S. Athanase d’Alexandrie, Vie d’Antoine, 20, 4: SC 400, Paris (1994), p. 189.
135) Cf. S. Jean Chrysostome, Homélie sur 1 Tm, 8, 8: PG 52, 539-540.
136) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Veritatis splendor, nn. VS 90-94: AAS 85 (1993), pp. 1205-1208.
137) Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi, n. 41: AAS 68 (1976), p. 31; cf. Exhort. Apost. Evangelica testificatio, nn. 30-31. 52-53: AAS 63 (1971), pp. 514. 523-524; Allocution au Conseil pour les Laïcs (2 octobre 1974): AAS 66 (1974), p. 568; S. Cyrille d’Alexandrie, IV festales, n. 2: SC 372, Paris (1991), pp. 245-253; S. Grégoire de Nysse, Homélies sur l’Ecclésiaste, IV, 5: SC 416, Paris (1996), pp. 251-259; S. Nil l’Ascète, Discours ascétique, n. 25: PG 79, 719-810; Théolepte de Philadelphie, Sur la profession monastique: La philocalie II, Paris (1995), p. 349.
138) Cf. S. Athanase d’Alexandrie, Vie d’Antoine, 55, 1-13: SC 400, Paris (1994), pp. 281-287.


53 La vie religieuse est fondée sur la double fidélité au Christ et à son Eglise (139). Son renouvellement suppose l’attention à l’Evangile, l’amour de l’Eglise et le développement du charisme propre à chaque Institut. Des jeunes cherchent comment répondre à l’appel du Seigneur. Les Instituts et les pasteurs portent donc ensemble, dans une collaboration étroite, le souci de lapromotion et du discernement des vocations (140), pour orienter les jeunes là où Dieu les appelle réellement, sans vouloir les détourner de leur libre engagement dans une spiritualité particulière et pour leur assurer la formation nécessaire, en tenant compte du contexte socio-culturel libanais.

Il est très important, pour des raisons théologiques et pastorales, que les religieux et les religieuses soient effectivement bien intégrés dans la vie ecclésiale. Ils donneront ainsi l’exemple à tous leurs frères de l’unité nécessaire entre la vie spirituelle et la vie caritative (141). Tout en jouissant d’une juste autonomie pour ce qui concerne les questions internes de leurs Instituts, ils font partie intégrante de l’Eglise particulière et leur action ne peut être conduite qu’en harmonie et en étroite collaboration avec l’ensemble de l’Eglise (142), dans une communion toujours plus confiante avec «le Pontife romain en tant que Supérieur suprême de tous les religieux» (143) et avec les évêques et en obéissance à leur égard (144); une telle nécessité est encore plus impérative lorsqu’il s’agit d’une activité liée à la vie pastorale d’une manière ou d’une autre (145). En effet, la mission de l’Eglise, Corps du Christ, repose sur les successeurs des Apôtres, par la volonté même du Seigneur.

Dans bien des cas, prenant une conscience nouvelle de la conception de la vie religieuse telle qu’elle est ici présentée, les religieux et les religieuses du Liban ressentiront le besoin d’une réforme, parfois profonde, de leurs manières de vivre et d’exprimer la sequela Christi, conformément au décret du Concile Vatican II Perfectae caritatis sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse. Cette réforme devra concerner particulièrement les nouveaux membres des Instituts, auxquels sera proposée, avec l’appui de l’exemple authentique de leurs formateurs, une conception de la vie consacrée qui les engage à répondre à l’appel du Seigneur dans l’Eglise de manière cohérente et crédible. Pour leur formation, il conviendra de faire appel à des religieux et à des religieuses qui donnent un témoignage de sainteté personnelle, de profondeur de la vie intérieure, de fidélité joyeuse à leurs voeux (146). Commençant par les membres les plus jeunes, une telle réforme pourra transformer progressivement la vie de toute la communauté religieuse et sera une contribution notable à la transformation de la vie sociale; car, comme l’écrivait affectueusement saint Basile à ses moines qu’il invitait à la perfection dans la pratique des conseils évangéliques, c’est une vie morale et une vie ascétique conformes à l’engagement pris qui provoquent à la réconciliation entre les personnes (147).

139) Cf. IXe Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, «La vie consacrée et sa mission dans l’Eglise et dans le monde», Instrumentum laboris, n. 14.
140) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can.
CIO 195 CIO 329.
141) Cf. S. Ephrem le Syrien, Hymne n. 6: PO 30, 142-143.
142) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 416.
143) Ibid., can. CIO 412, § 1.
144) Cf. Ibid., can. CIO 414-417.
145) Cf. Ibid., can. CIO 413-415.
146) Cf. Ibid., can. CIO 457, § 1; CIO 524, § 1.
147) Cf. Lettre, n. 22: PG 32, 287- 294.


La vie religieuse apostolique

54 Les communautés religieuses sont une grande richesse et une source de grâce et de dynamisme pour les diocèses. Par leurs différentes activités apostoliques, elles participent à la démarche pastorale voulue par les évêques et, de ce fait, sont intégrées aux différentes instances diocésaines (148). Je rends grâce à Dieu pour ce qu’elles ont accompli durant les douloureuses années de la guerre, dans les services sanitaires, éducatifs et sociaux, parfois au risque de la vie de leurs membres. Je remercie le Seigneur de ce qu’elles continuent à réaliser avec dévouement et désintéressement, sans méconnaître leurs lourdes tâches et leurs effectifs réduits. Avec le souci de l’unité dans la diversité qui a été une des lignes directrices de l’Assemblée spéciale, les religieux et les religieuses sont invités à travailler toujours en étroite collaboration, montrant ainsi la complémentarité des charismes. Dans cet esprit, ils auront à être attentifs à une bonne répartition des personnes et des institutions en fonction des priorités pastorales, dans une totale disponibilité au service du peuple libanais et de la mission universelle de l’Eglise, au-delà des frontières du pays. Cette ouverture donnera un élan nouveau à la vie religieuse apostolique au Liban et suscitera de nouvelles vocations (149). Il convient que tous ceux qui sont engagés dans la vie apostolique «trouvent un juste et fécond équilibre entre l’action et la contemplation, entre la prière et la charité, entre l’engagement dans l’histoire et l’attente eschatologique» (150).

148) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, II, 4.
149) Cf. Proposition 11.
150) Jean-Paul II, Message pour la Journée de la Vie consacrée (1997), n. 6: L’Osservatore Romano (19 janvier 1997), p. 5; cf. Proposition 11, 9.


55 En particulier, la présence visible de l’Eglise est requise auprès de ceux qui sont dans le besoin. Les religieux et les religieuses sont appelés à être les témoins de l’amour préférentiel du Christ pour les pauvres à travers leurs services diversifiés et par leur vie de pauvreté et de communion fraternelle. Il est aussi souhaitable que les Instituts religieux renforcent leur présence et leur mission dans les régions éprouvées et périphériques du pays, aidant chacun à demeurer dans la terre de ses ancêtres, pour en prendre soin et y vivre décemment.

Dans les institutions dont les religieux ou les religieuses ont la responsabilité, des laïcs accomplissent souvent une très grande partie du travail. On doit pleinement reconnaître leur place, y compris en leur confiant des postes de responsabilité en fonction de leurs compétences.


La vie monastique

56 Le monachisme n’a «pas été considéré en Orient uniquement comme une condition à part, propre à une catégorie de chrétiens, mais de façon plus particulière, comme un point de référence pour tous les baptisés, selon les dons offerts à chacun par le Seigneur, se présentant comme une synthèse emblématique du christianisme» (151). Paradoxalement, en Orient, la vie religieuse apostolique est actuellement bien plus développée que la vie monastique dans ses différentes expressions, du cénobitisme strict, ainsi que le concevaient Pacôme ou Basile, à l’érémitisme plus rigoureux d’un Antoine ou d’un Macaire l’Egyptien (152), qui sont pourtant intimement liées aux traditions propres de l’Orient chrétien. Dans sa forme traditionnelle, «le monachisme oriental privilégie la conversion, le renoncement à soi-même et la componction du coeur, la recherche de l’hésychia, c’est-à-dire de la paix intérieure, et la prière continuelle, le jeûne et les veilles, le combat spirituel et le silence, la joie pascale dans la présence du Seigneur et dans l’attente de sa venue définitive, l’offrande de soi et de ses propres biens, vécue dans la sainte communion du monastère ou dans la solitude érémitique» (153).

Avec les Pères synodaux, je souhaite que la vie monastique retrouve la place qui lui revient (154); et je suis heureux de constater qu’il y a aujourd’hui dans certains ordres religieux un désir sincère de renouer avec ces traditions authentiques et de revenir aux valeurs monastiques traditionnelles, rappelant ainsi à tous les hommes l’importance de la prière, de la liturgie, de la lectio divina, de l’ascèse, du service et de la vie communautaire. Ces éléments sont souvent appelés par les Pères d’Orient «les armes spirituelles » puissantes (155), indispensables dans le combat pour la perfection. La vie monastique est à la fois un chemin de sanctification personnelle et, à l’exemple de l’Apôtre, une contribution à la sanctification du peuple de Dieu et de tous les hommes, en complétant «en [sa] chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Eglise» (
Col 1,24). Ainsi, par sa vie orante, l’Eglise répand des germes de perfection et soutient ceux qui oeuvrent dans le champ du monde, car la proximité de Dieu fait découvrir la vérité et la beauté des mystères divins et rend solidaire de ses frères (156).

151) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 9: AAS 87 (1995), p. 754.
152) Cf. Ibid.
153) Jean-Paul II, Exhort. apost. postsynodale Vita consecrata, n. VC 6: AAS 88 (1996), p. 381; cf. S. Basile le Grand, Regulae fusius tractatae, 8-9: PG 31, 934- 945.
154) Cf. Proposition 12, 1.
155) Cf. S. Athanase d’Alexandrie, Vie d’Antoine, 30, 1: SC 400, Paris (1994), p. 219; Théodore d’Edesse, Cent chapitres, n. 1: La Philocalie I, Paris (1995), p. 342; Gérassime, Dialogues oecuméniques de guérison, V: Paris (1996), p. 207.
156) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, V.


57 J’invite les Eglises orientales à puiser aux sources du monachisme antique, pour retrouver la ferveur spirituelle des origines, qui est une part importante de leur trésor et de leurs traditions. Elles proposeront de nouveau à des hommes et à des femmes la vie monastique comme une des formes éminentes de vie chrétienne, pour veiller sur leur âme et former leur être intérieur (157). Cela rejaillira sur tout le peuple, pour encourager leurs frères chrétiens à «s’engager avec ardeur dans le combat intérieur» (158) et pour témoigner d’une façon exemplaire de la grandeur de la vie fraternelle, invitant ainsi les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté à vivre de nouvelles formes de relations humaines, fondées sur la charité et sur l’amour.

Les monastères pourront devenir des lieux prophétiques dans lesquels «la création devient louange de Dieu et le commandement de la charité vécue de façon concrète devient un idéal de coexistence humaine, au sein [desquels] l’être humain cherche Dieu sans barrière ni obstacle, devenant une référence pour tous, les portant dans son coeur et les aidant à chercher Dieu» (159). Ils manifesteront que la prière est une des responsabilités majeures des moines et de l’ensemble des chrétiens. Par le renoncement total à eux-mêmes, ils seront les témoins de l’invisible et de ce qui est essentiel dans l’existence. «Renoncer à soi-même: considère que c’est cela: s’abandonner en tout à la fraternité, ne suivre en rien sa volonté propre, ne rien posséder d’autre que le seul vêtement, afin, libre de toutes parts, de s’attacher avec joie à cela seul qui a été ordonné, prenant en considération tous les frères» (160).

Il est souhaitable que les communautés monastiques aient leur place dans l’Eglise au Liban, pour faire resplendir la glorieuse tradition des Pères, pour partager les trésors de grâce qui ont été communs aux Eglises antiques, afin de redonner à toute l’Eglise aujourd’hui un témoignage profondément enraciné dans l’Orient chrétien, en quelque sorte le lieu élevé d’où il peut être contemplé dans toute sa beauté.

Dans la mesure où la vie communautaire, qui rend visible la communion ecclésiale, deviendra florissante et prophétique, on espère aussi un nouveau développement de la vie ascétique et de l’expérience érémitique (161). Les moines seront, comme ils l’étaient autrefois, des guides et des maîtres spirituels, et leurs monastères des lieux de rencontre oecuméniques et inter-religieux (162).

157) Cf. Théodore d’Edesse, Discours sur la contemplation: La Philocalie I, Paris (1995), pp. 361-368.
158) Hésichius de Batos, Sur la sobriété et la vigilance, n. 34: La Philocalie I, Paris (1995), p. 198.
159) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 9: AAS 87 (1995), p. 754; cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. 471, § 1.
160) S. Macaire l’Egyptien, De la perfection en esprit, n. 8: PG 34, 847; cf. Théodore le Studite, Sur S. Arsène l’anachorète, n. 2: PG 99, 862-867.
161) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can.
CIO 570.
162) Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, nn. 23-25: AAS 87 (1995), pp. 770-772; Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, V.


Les ministères ordonnés

58 «Au service du sacerdoce universel de la Nouvelle Alliance, Jésus [...] appelle et institue les Douze «pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons» (Mc 3,14-15)» (163). «A leur tour, les Apôtres, institués par le Seigneur, s’acquitteront progressivement de leur mission en appelant, sous des formes diverses mais finalement convergentes, d’autres hommes, comme évêques, comme prêtres et comme diacres, pour accomplir la mission reçue du Christ ressuscité qui les a envoyés à tous les hommes de tous les temps. [...] Dans l’Eglise et pour l’Eglise, les prêtres représentent sacramentellement Jésus Christ, Tête et Pasteur, ils proclament authentiquement la parole, ils répètent ses gestes de pardon et d’offre du salut, surtout par le Baptême, la Pénitence et l’Eucharistie, [...] jusqu’au don total de soi-même, pour le troupeau qu’ils rassemblent dans l’unité et conduisent au Père par le Christ dans l’Esprit» (164).

«En tant qu’il représente le Christ Tête, Pasteur et Epoux de l’Eglise, le prêtre est placé non seulement dans l’Eglise, mais aussi face à l’Eglise. Le sacerdoce, en même temps que la parole de Dieu et les signes sacramentels dont il est le serviteur, appartient aux éléments constitutifs de l’Eglise. Le ministère du prêtre est entièrement au service de l’Eglise pour promouvoir l’exercice du sacerdoce commun de tout le peuple de Dieu; il est ordonné non seulement à l’Eglise particulière, mais encore à l’Eglise universelle (cf. Presbyterorum ordinis PO 10), en communion avec l’évêque, avec Pierre et sous l’autorité de Pierre» (165).

163) Jean-Paul II, Exhort. apost. postsynodale Pastores dabo vobis, n. PDV 14: AAS 84 (1992), p. 678.
164) Ibid., n. PDV 15: loc. cit., pp. 679- 680.
165) Ibid., n. PDV 16: loc. cit., p. 681.


59 Ces quelques textes du Magistère sur le ministère ordonné doivent éclairer l’ensemble des pasteurs dans leur mission épiscopale, presbytérale ou diaconale. Les patriarches, les évêques avec les prêtres et les diacres, tous participent à l’unique mission du Christ. Pour que la diversité ecclésiale au Liban puisse être perçue par les fidèles comme une véritable richesse, l’unité de la mission confiée à tous ces pasteurs doit devenir visible. Aucun ministre ne peut ignorer les autres ministres qui travaillent sur le même terrain, qu’ils appartiennent à son Eglise patriarcale ou à une autre. Le témoignage d’unité et de fraternité par la collaboration étroite des pasteurs de diverses Eglises particulières est au Liban une nécessité urgente. Beaucoup de choses se réalisent déjà, mais je voudrais demander à chacun de redoubler d’efforts et d’être particulièrement attentif en ce domaine dont les enjeux sont évidents pour l’avenir, comme les Pères du Synode l’ont pour leur part clairement exprimé.

Les ministères ordonnés, dans leur variété, sont là pour édifier l’Eglise et maintenir son unité aussi bien au sein du clergé qu’entre celui- ci et l’ensemble du peuple chrétien, pour former un seul corps (166). En effet, l’Eglise est un corps organique et, dans la mesure où chacun remplit son rôle en harmonie avec les autres, tout le corps sera sain.

166) Cf. S. Jean Chrysostome, Homélies sur la première Lettre aux Corinthiens, 18, 3: PG 61, 526.


L’épiscopat

60 Le patriarche est le chef et le père de son Eglise patriarcale; il est, avec le Synode des évêques, le responsable de sa vie et de son renouveau. Comme successeur des Apôtres, l’évêqueexerce «les fonctions d’enseignement, de sanctification et de gouvernement» (167); avec son clergé, il conduit le peuple qui lui est confié sur le chemin de Dieu. Je m’associe aux membres de l’Assemblée synodale pour exhorter les patriarches et évêques du Liban à un examen de conscience en vérité et à un engagement renouvelé sur la voie d’une conversion personnelle nécessaire à un témoignage plus fructueux et à la sanctification des fidèles: d’abord par leur vie de prière, d’abnégation, de sacrifice et d’écoute; puis par leur vie exemplaire d’apôtres et de pasteurs, faite de simplicité, de pauvreté et d’humilité; enfin par leur souci constant de défendre la vérité, la justice, les moeurs et la cause des faibles (168).

167) Conc. oecum. Vat. II, Décret sur la charge des Evêques Christus Dominus, n.
CD 11.
168) Cf. Proposition 13.


61 Dans leur ministère, les évêques ont d’abord le souci de leurs collaborateurs immédiats, les prêtres. Ils ont à discerner la vocation des candidats au sacerdoce, à les accompagner, spirituellement et matériellement, et, enfin, à veiller à leur formation humaine, théologique et pastorale, qui devra être chaque jour plus soignée, pour répondre aux attentes des fidèles et à la complexité des problèmes de notre temps. Si les candidats au sacerdoce qui sont déjà mariés ou qui désirent se marier ne rentrent pas dans un séminaire, il est essentiel de leur assurer un cadre humain et spirituel approprié durant leur temps de formation, qui devra être d’un niveau élevé et semblable à celui des autres candidats, pour qu’ils puissent véritablement accomplir leur ministère dans les conditions spirituelles et culturelles actuelles. Le souhait de temps communs de formationpour les candidats au sacerdoce, les religieux, les religieuses et les laïcs a été exprimé par les Pères du Synode, ainsi que la possibilité pour les séminaristes des différentes traditions liturgiques de vivre en commun au moins une partie de leur période de formation, dans le but de créer des relations d’amitié et d’engager les collaborations pastorales ultérieures.

Ensuite, en ce qui concerne les prêtres, célibataires ou mariés, l’évêque doit être proche d’eux (169), veiller à développer avec eux une collaboration fraternelle et confiante (170), et à prévoir une formation permanente sérieuse pour leur ressourcement spirituel et pour leur action pastorale. Il doit aussi garantir leur sécurité matérielle dans le cadre d’une solidarité ecclésiale institutionnalisée, qui réponde à leurs besoins personnels et pastoraux. Ceci est particulièrement important pour les prêtres mariés qui ont une famille à charge. Il est également demandé aux évêques de se soucier spécialement des prêtres malades, âgés ou en difficulté. Concernant les prêtres mariés (171), il faut envisager pour leurs épouses une formation religieuse et pastorale adaptée (172). Enfin, une collaboration fraternelle entre les évêques de différentes éparchies est nécessaire pour une répartition des prêtres qui corresponde aux besoins des fidèles, en évitant une concentration trop importante dans les villes et leurs banlieues (173).

169) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, n.
CD 28; Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 192, §§ 4-5; CIO 278, § 2.
170) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 192, § 5; CIO 278, § 3; 390.
171) Le ministère des prêtres mariés s’exerce dans les territoires historiques de leur rite, selon la discipline en vigueur rappelée en plusieurs circonstances: cf. S. Congr. pour les Eglises orientales, Décret Qua sollerti (23 décembre 1929): AAS 22 (1930), pp. 99-105; Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 78, § 2; CIO 146, § 2; CIO 150, § 3; CIO 758, § 3 concernant les dispositions spéciales du Siège apostolique.
172) Cf. Proposition 15.
173) Cf. Proposition 14.



Espérance Liban 50