
Faustine journal 371
Jésus, Roi de Miséricorde, voici revenu le moment où je reste en tête avec Vous, c’est pourquoi je Vous supplie par tout l’amour dont brûle Votre divin Coeur, détruisez en moi, tout amour propre et, par contre, enflammez mon coeur du feu de Votre très pur amour.
372 Le soir, la conférence finie, j’ai entendu ces mots : « Je suis avec toi. Pendant cette retraite, je t’affermirai dans la paix et le courage, pour que les forces ne te manquent pas dans l’accomplissement de Mes desseins. C’est pourquoi tu vas absolument renoncer à ta propre volonté pendant cette retraite et ainsi toute Ma volonté s’accomplira en toi. Sache que cela va te coûter beaucoup, c’est pourquoi écris sur une carte blanche ces mots : « A partir d’aujourd’hui ma volonté propre n’existe plus. » Et raye la carte.
De l’autre côté, écrit ces mots : « A partir d’aujourd’hui j’accomplis la volonté de Dieu, partout, toujours, en tout. » Ne t’effraie de rien. L’amour t’en donnera la force et en facilitera l’accomplissement. »
373 Méditation fondamentale sur le but c’est-à-dire sur les choix de l’Amour. L’âme doit aimer, elle a besoin d’aimer. L’âme doit déverser son amour, non pas dans la boue, ni dans le vide, mais en Dieu. Comme je me réjouis quand je réfléchis là-dessus, car je sens réellement que Lui seul est dans mon coeur. Jésus, Seul, Unique. J’aime les créatures en tant qu’elles m’aident à m’unir à Dieu. J’aime tous les hommes parce que je vois en eux l’image divine.
374 J.M.J. Wilno, 4.11.1935
A partir d’aujourd’hui ma volonté propre n’existe plus
Au moment où je m’agenouillais pour rayer ma volonté propre, comme le Seigneur m’a dit de le faire, j’ai entendu dans mon âme cette voix : « A partir d’aujourd’hui, n’aie pas peur des jugements de Dieu, car tu ne seras pas jugée. »
J.M.J. Wilno, 4.11 1935
A partir d’aujourd’hui j’accomplis la volonté de Dieu, partout, toujours, en tout.
J.M.J. Wilno, 8.11.1935
375 I Le renoncement de la raison : c’est-à-dire soumettre ma raison à celle de ceux qui remplacent Dieu sur terre auprès de moi.
II Le renoncement de la volonté : c’est-à-dire, accomplir la volonté de Dieu qui se manifeste à moi dans la volonté de ceux qui tiennent la place de Dieu auprès de moi, ainsi que dans le règlement de notre ordre religieux.
III Le renoncement du jugement : c’est-à-dire accepter immédiatement, sans réfléchir, sans analyser, ni raisonner chaque ordre, qui m’est donné par ceux qui tiennent la place de Dieu auprès de moi.
IV Le renoncement de ma langue. Je ne lui donnerai aucune liberté. En un seul cas, elle sera totalement libre : pour la proclamation de la gloire de Dieu. A chaque fois que je communie, je prie Jésus qu’il daigne fortifier et purifier ma langue, pour que je ne blesse pas mon prochain. C’est pour cela que j’ai le plus grand respect pour la règle qui parle du silence.
376 Mon Jésus, j’ai confiance que Votre grâce m’aidera à tenir ces résolutions. Bien que ces articles soient contenus dans le voeu d’obéissance, je veux pourtant m’y exercer d’une manière particulière, car c’est l’essence de la vie religieuse. Miséricordieux Jésus, je Vous en prie ardemment, éclairez mon esprit pour que je puisse mieux Vous connaître, Vous qui êtes l’Être infini, et pour que je puisse mieux me connaître, moi qui suis le néant même.
377 De la Sainte confession. Nous devrions tirer deux profits de la Sainte Confession. Nous allons nous confesser :
1. Pour la guérison.
2. Pour l’éducation. Notre âme a besoin, comme un petit enfant, d’une éducation continuelle. O mon Jésus, je comprends ces mots à fond et je sais, par expérience, que l’âme n’arrivera pas loin par ses propres forces. Elle peinera beaucoup et ne fera rien pour la gloire de Dieu. Elle va s’égarer constamment, car mon esprit est obscur et ne sait pas discerner en ce qui le concerne. Je vais appliquer mon attention spécialement sur deux points :
1. Choisir en me confessant, ce qui m’humilie le plus, serais-ce une chose minime, pourvu que cela me coûte beaucoup et voilà pourquoi je le dirai.
2. Je vais m’exercer à la contrition, non seulement pendant la confession, mais à chaque examen de conscience. Je vais éveiller en moi la contrition parfaite, surtout au moment d’aller me coucher.
Encore un mot : l’âme, qui désire sincèrement avancer dans la perfection, doit s’en tenir strictement aux conseils que lui donne son conseiller spirituel. Autant de sainteté que de dépendance.
378 Un jour où je causais avec mon directeur, j’aperçus intérieurement, et dans un éclair, son âme en proie à une grande souffrance, à un supplice tel que rares sont les âmes que Dieu touche d’un pareil feu. Cette oeuvre en était la cause. Un jour viendra où cette oeuvre tant recommandée par Dieu paraissant presque réduite à néant, resurgira soudain sous l’action de Dieu avec une grande force qui témoignera de sa vérité. Et bien qu’elle existât depuis longtemps déjà, elle donnera une nouvelle splendeur à l’Eglise. Personne ne peut nier que Dieu est infiniment miséricordieux. Il désire que tout le monde le sache, avant qu’il ne revienne comme Juge. Il veut que les âmes Le connaissent d’abord comme Roi de Miséricorde. Quand viendra ce triomphe, nous serons déjà dans cette vie nouvelle où il n’y a plus de souffrance. Mais, avant cela, « votre âme sera abreuvée d’amertume devant l’anéantissement de vos efforts. » Cependant cet anéantissement ne sera qu’apparent, car Dieu ne change pas ce qu’Il a une fois décidé. Mais bien que l’anéantissement ne soit qu’apparent, pourtant la souffrance sera bien réelle.
Quand cela arrivera-t-il ? Je ne le sais pas. Combien de temps cela durera-t-il ? Je l’ignore. Mais Dieu m’a promis une grande grâce particulière ainsi qu’à tous ceux qui proclameront la grandeur de Sa Miséricorde. Il les défendra à l’heure de la mort. Lorsqu’un pécheur se tourne vers Sa Miséricorde, même si ses péchés étaient noirs comme la nuit, il Lui rend la plus grande gloire et fait honneur à Sa Passion. Lorsqu’une âme glorifie Sa bonté, alors le démon tremble à cette vue et s’enfuit au fond de l’enfer.
379 Au cours d’une adoration, Jésus m’a promis : « J’agirai, à l’heure de leur mort, selon Mon infinie Miséricorde, envers les âmes qui auront recours à Ma Miséricorde, et envers celle qui la glorifieront et en parleront aux autres. »
« Mon Coeur souffre, dit Jésus, à cause des âmes choisies, qui ne comprennent pas elles-mêmes l’immensité de Ma Miséricorde. Leur relation envers Moi, d’une certaine manière, comporte de la méfiance. Oh ! Comme cela blesse Mon Coeur ! Souvenez-vous de Ma Passion et si vous ne croyez pas à Mes paroles, croyez au moins à mes plaies. »
#379
Je ne ferai aucune démarche, aucun geste, selon ma propre inclination, car je suis liée par la grâce. Je suis constamment attentive à ce qui est le plus agréable à Jésus.
380 Pendant§ une méditation sur l’obéissance, j’ai entendu ces paroles : « Le prêtre parle, ici, exceptionnellement pour toi, sache que J’emprunte sa bouche. » Je m’efforçais d’écouter avec la plus grande attention, et j’appliquais tout à mon coeur comme pour chaque méditation. Lorsque le prêtre a dit que l’âme obéissante se remplit de la force de Dieu – « Oui quand tu es obéissante, Je t’enlève ta faiblesse et en échange Je te donne Ma force. Cela m’étonne que les âmes ne veuillent pas faire cet échange avec Moi. » J’ai dit : « Jésus, éclairez mon âme, sinon, moi non plus, je ne comprendrai pas bien ces paroles. »
381 « Je sais que je ne vis pas pour moi, mais pour un grand nombre d’âmes. Je sais que les grâces, qui me sont accordées, ne sont pas seulement pour moi, mais aussi pour les autres. O Jésus, l’immensité de Votre Miséricorde se déverse en mon âme qui est le gouffre même de la misère. Je Vous remercie Jésus, pour les grâces et les parcelles de la Croix que Vous me donnez à chaque instant de ma vie. »
382 Au commencement de la retraite, j’ai aperçu Jésus cloué à la Croix, sur le plafond de la chapelle. Il regardait les Soeurs avec un grand amour, mais pas toutes. Il y a trois Soeurs sur lesquelles Jésus jetait un regard sévère, je ne sais pour quelle raison. Je sais seulement qu’il est terrible de rencontrer un tel regard qui est celui d’un Juge sévère. Ce regard ne me concernait pas et cependant je fus saisie de crainte et de frayeur. J’en frémis encore tout en écrivant ces mots. Je n’ai pas osé en dire le moindre mot à Jésus. Mes forces s’en allaient et je craignis ne plus pouvoir rester jusqu’à la fin de la conférence.
Le lendemain, j’ai vu de nouveau la même chose que la première fois. Et j’ai osé dire : « Jésus, comme Votre Miséricorde est grande. »
Le troisième jour, le regard bienveillant sur toutes les Soeurs, excepté ces trois, se reproduisit encore. Alors je pris mon courage à deux mains, et mue par l’amour du prochain je dis au Seigneur : « Vous qui êtes la Miséricorde même, comme Vous me l’avez affirmé, je Vous supplie, par la puissance de Votre Miséricorde, posez aussi Votre regard bienveillant sur ces trois Soeurs. Si cela ne s’accorde pas avec Votre Sagesse, je Vous en prie, faisons un échange : que le regard bienveillant que Vous portez sur mon âme soit pour elles, et que le regard sévère que Vous portez sur leur âme, soit pour moi. » Alors Jésus me dit : « Ma fille, pour ton amour sincère et magnanime, Je leur accorde beaucoup de grâces, bien qu’elles ne Me prient pas. Mais c’est à cause de la promesse que Je t’ai faite. » Et, au même instant Il embrassa aussi du regard ces trois Soeurs. Une grande joie me fit battre le coeur, à la vue de la Bonté divine.
383 Je suis restée en adoration de 9 heures à 10 heures, ainsi que quatre autres Soeurs. M’approchant de l’autel, j’ai commencé à méditer la Passion de Jésus. Au même instant une terrible douleur inonda mon âme à cause de l’ingratitude d’un si grand nombre d’âmes qui vivent dans le monde. Et plus encore à cause de celle des âmes spécialement choisies par Dieu. On ne peut s’en faire une idée ni tenter de comparaison. A la vue de cette ingratitude des plus noires, je sentis comme si mon coeur se déchirait. Mes forces physiques m’abandonnaient complètement. Je me suis prosternée et sans me cacher, je pleurais tout haut. Chaque fois que je pensais à la grande Miséricorde de Dieu et à l’ingratitude des âmes, la douleur transperçait mon coeur. J’ai compris aussi combien le Doux Coeur de Jésus en est douloureusement blessé. J’ai renouvelé d’un coeur ardent mon acte d’offrande pour les pécheurs.
384 Avec joie et envie j’ai pressé mes lèvres à l’amertume du calice que je prends chaque jour pendant la Sainte Messe.. Je ne la donnerai à personne, la goutte que Jésus me réserve à chaque moment. Je vais consoler le très doux Coeur Eucharistique de Jésus. Je jouerai de belles mélodies sur les cordes de mon coeur, la souffrance est la plus douce musique. Je vais assidûment rechercher ce qui peut aujourd’hui réjouir Son Coeur.
Les jours de la vie ne sont pas monotones. Quand les nuages noirs me cacheront le soleil, je fendrai les nuées comme un aigle et je signalerai à tos que le soleil ne s’éteint pas.
385 Je sens que Dieu me permettra de soulever le voile pour que la terre ne doute pas de Sa bonté. Dieu n’est sujet ni à éclipse, ni à changement, Il est pour tous les siècles Un et Le Même. Rien ne peut s’opposer à Sa volonté. Je sens en moi une force plus grande que la force humaine : un courage et une force issus de la grâce qui demeure en moi. Je comprends les âmes qui souffrent du manque d’espoir, j’ai moi-même expérimenté ce feu. Mais Dieu, n’impose rien au delà de nos forces. J’ai longtemps vécu dans l’espérance contre toute espérance et j’ai ainsi fait naître l’espérance jusqu’à la confiance totale en Dieu. Qu’il m’arrive ce qu’Il a décidé depuis tous les siècles.
Le principe général.
386 Il serait bien laid pour une religieuse de chercher du soulagement dans la souffrance.
387 Voici ce qu’on fait la grâce et la méditation, d’un très grand criminel. Celui qui meurt a beaucoup d’amour. « Souvenez-Vous de moi lorsque Vous serez dans Votre Royaume. » La vraie contrition change l’âme immédiatement. Il faut diriger la vie spirituelle sérieusement et sincèrement.
388 L’amour doit être réciproque. Si Jésus a bu pour moi toute l’amertume, moi, Son épouse, j’accepterai toutes les amertumes pour Lui prouver mon amour.
390 Celui qui sait pardonner se prépare beaucoup grâces divines. Chaque fois que je regarderai la croix, je pardonnerai avec sincérité.
391 L’union avec les âmes nous a été donnée au Sacrement du Saint-Baptême. La mort resserre l’amour. Je devrai toujours être une aide pour les autres. Si je suis une bonne religieuse, je serai utile non seulement à notre Ordre, mais aussi à ma Patrie.
392 Dieu donne Ses grâces de deux façons : par l’inspiration et par l’illumination. Si nous prions pour obtenir la grâce, Dieu nous la donnera. Il suffit de l’accepter, mais pour cela, il faut de l'abnégation. L’amour ne réside ni dans les mots, ni dans les sentiments, mais dans les actes. C’est un acte de volonté, c’est un don, c’est-à-dire une donation.
Raison, volonté, coeur : nous devons exercer ces trois facultés dans la prière. Je ressusciterai en Jésus, mais d’abord je dois vivre en Lui. Si je ne me sépare pas de la croix, alors l’Evangile fera son chemin en moi. Jésus efface en moi toutes mes imperfections. Sa grâce agit sans cesse. La Sainte Trinité m’accorde Sa vie en plénitude par le don de l’Esprit Saint. Les Trois Personnes Divines demeurent en moi. Lorsque Dieu aime, Il le fait de tout Son Etre, de toute la puissance de Son Etre. Si Dieu m’a tant aimée, que dois-je faire, moi, Son épouse ?
393 Pendant une des conférences, Jésus me dit : « Dans la petite grappe élue, tu es une douce baie, Je désire que la sève, qui circule en toi, se communique aux autres âmes. »
394 Pendant le renouvellement des voeux, j’aperçus Jésus du côté de l’Epître, dans un vêtement blanc, ceint d’une ceinture dorée, Il tenait à la main un terrible glaive. Cela dura jusqu’au moment où les Soeurs commencèrent à renouveler leurs voeux
Soudain je vis une clarté insoutenable, et en avant de cette clarté, un plateau de nuage blanc en forme de balance. Jésus s’approcha et mis le glaive sur un plateau de la balance, qui tomba sous son poids, vers la terre, et faillit la toucher complètement. A ce moment les Soeurs finissaient le renouvellement de leurs voeux. Et je vis des Anges prendre à chaque Soeur quelque chose qu’ils mettaient dans un vase d’or, qui avait la forme d’un encensoir. Lorsqu’ils eurent fait le tour de toutes les Soeurs, ils déposèrent sur le second plateau de la balance le vase dont le poids l’emporta tout de suite sur celui du plateau avec le glaive. Alors une flamme jaillit de l’encensoir et monta jusqu’à la clarté. Et soudain j’entendis une voix venant de cette clarté : « Remettez le glaive à sa place, il a moins de poids que le sacrifice. » A ce moment Jésus nous accorda Sa bénédiction, et tout ce que j’avais vu, disparut.
Les Soeurs avaient déjà commencé à communier. Quand j’ai reçu la Sainte Communion, la joie inonda mon âme, une joie si grande que je ne pourrais la décrire.
395 Départ pour quelques jours à la maison paternelle chez ma mère qui se mourait.. J’ai appris que ma mère est très gravement malade, q’elle est mourante, et qu’elle me prie de venir, car elle veut me voir avant de mourir. Alors ce réveillèrent tous les sentiments de mon coeur. Comme une enfant aimant sincèrement sa mère, je désirais exaucer son désir. Mais j’ai laissé à Dieu la liberté d’agir et je me suis livrée complètement à Sa volonté. Sans faire attention à la douleur de mon coeur, je suivais la volonté divine.
Le jour de ma fête, le 15 février au matin, la Mère Supérieure me remit une seconde lettre de ma famille et m’accorda la permission de retourner à la maison pour exaucer le désir et les prières de ma mère mourante. Tout de suite, j’ai fait les préparatifs nécessaires et le soir j’ai quitté Wilno. J’ai offert toute cette nuit pour ma mère gravement malade, afin que Dieu lui accorde la grâce de ne rien perdre des mérites de ses souffrances.
396 Mes compagnes de voyage étaient bien gentilles; plusieurs dames de la Congrégation mariale se trouvaient dans le même compartiment ; j’ai senti que l’une d’elle souffrait beaucoup et qu’un combat acharné se livrait dans son âme. J’ai prié pour cette âme. A onze heures, ces dames passèrent dans un autre compartiment pour causer et en attendant nous sommes restées toutes les deux seules, dans le wagon. Je sentis que ma prière augmentait encore le combat de cette âme. Je ne la consolais pas, aussi je priais encore plus ardemment. Enfin cette personne s’adressant à moi me pria de lui dire si elle devait accomplir une certaine promesse faite à Dieu. A ce moment, j’ai eu intérieurement connaissance de cette promesse et lui ai répondu : « Vous êtes obligée, Madame, d’accomplir cette promesse, car autrement, vous serez malheureuse toute votre vie. Cette pensée ne vous laissera pas en paix. » Etonnée de cette réponse, elle le dévoila toute son âme.
C’était une maîtresse d’école qui, lorsqu’elle devait passer un examen, promit à Dieu de se consacrer à Son service, c’est-à-dire entrer au couvent si elle était reçue à cet examen. Elle réussit très bien l’examen. Mais, dit-elle, « Je suis entrée dans le tourbillon du monde et je ne veux plus entrer au couvent. Cependant ma conscience ne me laisse pas en paix et malgré les distractions, je suis toujours mécontente. »
Après une assez longue conversation cette personne changea du tout au tout et me dit qu’elle allait tout de suite faire des démarches pour se faire religieuse. Elle me demanda de prier pour elle. Je sentais que Dieu ne lui épargnait pas ses grâces.
397 Le matin, j’arrivais à Varsovie et le soir à 8 heures, j’étais à la maison. Il est difficile de décrire quelle joie ce fut pour mes parents et pour toute la famille.
Ma mère se trouvait un peu mieux, cependant le médecin ne laissait aucun espoir quant à la guérison complète. Après nous être salués, nous sommes tous tombés à genoux pour remercier Dieu de la grâce de pouvoir nous rencontrer tous encore une fois dans cette vie.
398 En voyant prier mon père, j’étais bien honteuse, après tant d’années passées au couvent, de ne pas savoir prier avec autant de sincérité et de ferveur. Je ne cesse de rendre grâces à Dieu pour de tels parents.
399 Oh ! Comme tout avait changé en dix ans ! Impossible de rien reconnaître. Le jardin était si petit maintenant que je ne pouvais le reconnaître. Mes frères et soeurs que j’avais quittés encore enfants, étaient maintenant tous adultes… Je m’étonnais de ne pas les retrouver tels que lors de notre séparation.
400 Stasio m’accompagnait chaque jour à l’église. Je sentais que cette âme était très agréable à Dieu. Le dernier jour, quand il n’y avait plus personne à l’église, je suis allée devant le Saint Sacrement, et nous avons récité ensemble le Te Deum. Après un moment de silence j’ai offert cette âme au Très Doux Coeur de Jésus. Comme il m’était bon de prier dans cette petite église ! Je me suis souvenue de touts les grâces que j’y avais reçues, grâces que je ne comprenais pas alors et dont j’avais si souvent abusé, et je m’étonnais moi-même d’avoir pu être aussi aveugle. Je regrettais vivement mon aveuglement et, soudain j’ai vu Jésus, éclatant d’une beauté indicible. Il me dit gracieusement : « Mon élue, Je t’accorderai de plus grâces encore, pour que tu sois pendant toute l’éternité témoin de Mon Infinie Miséricorde. »
401 Ces jours à la maison passaient pour moi en grande compagnie, car chacun voulait me voir et causer un peu. Souvent je comptais jusqu’à vingt-cinq personnes. Elles écoutaient avec curiosité mes récits de la vie des saints. Je m’imaginais que notre maison était vraiment la maison de Dieu, car jusqu’au soir on ne parlait que de Lui. Lorsque, fatiguée par ces récits et soupirant après la solitude et le silence, je m’échappais le soir au jardin afin de pouvoir parler avec Dieu en tête-à-tête, cela non plus ne me réussissait pas. Mes frères et soeurs venaient tout de suite et me reconduisaient à la maison où, de nouveau, il me fallait parler avec tant d’yeux fixés sur moi !
Mais je parvins à trouver un peu de répit, et je priais mes frères, qui avaient de très belles voix, de chanter. De plus, l’un d’entre eux jouait du violon, le second de la mandoline.. Ce qui me permettait de prier spirituellement sans fuir leur société
Ce qui me coûtait beaucoup, c’étais d’embrasser les enfants. Des femmes de ma connaissance venaient avec leurs enfants et me priaient de les prendre dans mes bras ne serais-ce que pour un instant, et les embrasser. Elles considéraient cela comme une grande grâce. Pour moi c’était une occasion de m’exercer à la vertu, car plus d’un enfant était assez sale. Mais pour me vaincre et ne montrer aucune répugnance, je baisai deux fois un enfant sale. L’une d’elle apporta son enfant, qui avait les yeux malades et purulents, et me dit « Prenez-le un instant dans vos bras, ma Soeur. » Ma nature ressentait du dégoût, mais sans y prêter attention, je pris l’enfant dans mes bras, et je le baisai deux fois, juste à l’endroit purulent de l’oeil, en demandant à Dieu une amélioration. J’avais ainsi beaucoup d’occasions de m’exercer à la vertu.
En les écoutant tous exprimer leurs griefs, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de coeur joyeux, car il n’y avait pas de coeurs aimant sincèrement Dieu et cela ne m’a pas du tout étonnée. Je fus très peinée de ne pas voir deux de mes soeurs. Je sentis intérieurement que leur âme était en grand danger. Lorsque je pensais à elles, la douleur me serrait le coeur. Un jour, me sentant très près de Dieu, je priais ardemment le Seigneur de leur accorder Sa grâce. Le Seigneur me répondit : « Je leur accorde non seulement les grâces nécessaires, mais aussi des grâces particulières. » J’ai compris que le Seigneur les appellerait à une plus grande union avec Lui et je me réjouis profondément qu’un si grand amour règne dans notre famille.
402 Quand vint le moment de dire adieu à mes parents, je les priai de me bénir : j’ai senti la puissance de la grâce divine qui se déversa dans mon âme. Mon père, ma mère et ma marraine en me bénissant, les larmes aux yeux, me souhaitèrent la plus grande fidélité à la grâce divine. Ils me priaient de ne jamais oublier combien de grâces Dieu m’avait accordées en m’appelant à la vie religieuse et me demandaient de prier pour eux.
Tous pleuraient, mais moi, je ‘ai pas versé une seule larme. Je tâchais d’être courageuse et je les consolais tous de mon mieux, leur rappelant qu’au ciel il n’y aura plus de séparation. Stasio m’a reconduite jusqu’à la voiture. Je lui dis que Dieu aime beaucoup les âmes pures et l’assurai qu’il était content de lui Lorsque je lui parlai de la bonté divine et à quel point Dieu pense à nous, il se mit à pleurer comme un petit enfant. Je n’en fus pas étonnée, car c’était une âme pure, capable de reconnaître Dieu facilement.
#402
Une fois installée dans la voiture, j’ai soulagé mon coeur et j’ai pleuré aussi comme une enfant, mais de joie parce que Dieu accordait tant de grâces à notre famille. Puis je me suis plongée dans l’action de grâces.. Le soir j’étais à Varsovie. J’ai d’abord salué le Maître de la maison, puis toute la communauté
403 Avant d’aller dormir, je suis venue dire bonsoir au Seigneur lui demandant pardon d’avoir si peu parlé avec Lui pendant mon séjour à la maison. J’entendis une voix dans mon âme : « Je suis très content que tu n’aies pas parlé avec Moi, car tu as fait connaître Ma bonté aux âmes, et tu les as éveillées à Mon amour. »
404 La Mère Supérieure me dit que, le lendemain, nous irions toutes deux à Jozefinek et que nous aurions l’occasion de parler avec la Mère Générale. J’en étais très contente. La Mère Générale est toujours la même, pleine de bonté, de paix et remplie de l’Esprit Divin. J’ai longuement parlé’avec elle. Nous avons assisté à la bénédiction de l’après-midi.
404. On a chanté les litanies du Très Doux Coeur de Jésus. Le Seigneur était exposé dans l’ostensoir, et au bout d’un moment, je vis le Petit Jésus sortir de l’Hostie, et venir Lui-même reposer dans mes bras. Cela dura un court instant. Une grande joie inonda mon âme. L’enfant Jésus avait la même apparence qu’au moment où nous sommes entrées dans la petite chapelle : la Mère Supérieure, mon ancienne Maîtresse, Mère Marie Josèphe, et moi-même.
406 Le lendemain, je me trouvais déjà à mon cher Wilno. Oh ! Comme je me sentais heureuse d’être de retour dans notre couvent. Il me semblait que j’y entrais pour la deuxième fois. Je ne pouvais assez jouir du calme et du silence où l’âme se plonge si facilement en Dieu. Tout y aide et personne ne la dérange.
Le Carême
407 Quand je me plonge dans la Passion du Seigneur, je vois souvent, pendant mon adoration, Jésus se présenter tel qu’Il était après la flagellation, lorsque les bourreaux l’emmenèrent et Lui ôtèrent Son vêtement, qui déjà collait à Ses Plaies. Celles-ci se rouvrirent pendant qu’ils ôtaient le vêtement. Alors on jeta sur les épaules du Seigneur et sur ses Plaies ouvertes un manteau rouge, sale et déchiré. Le manteau atteignait à peine les genoux.. On fit asseoir le Seigneur sur une poutre, puis on tressa une couronne d’épines, qu’on Lui posa sur la tête. On Lui mit en main un roseau et tous se moquaient de Lui et Lui rendaient hommage comme à un roi. Ils Lui crachaient au Visage d’autres prenaient le roseau et Le frappaient à la Tête, d’autres encore Lui voilaient la Face et le frappaient à coups de poings. Jésus supportait tout avec douceur. Qui le comprendra, qui comprendra Sa douleur ? Jésus avait le regard baissé à terre. J’ai ressenti ce qui se passait alors dans Son Coeur très doux. Que chaque âme considère ce que Jésus souffrait à cet instant. Ils s’acharnaient à insulter Jésus et je me demandais d’où venait une telle méchanceté dans l’homme. C’est le péché qui agit ainsi : l’Amour et le péché se sont rencontrés.
408 Un jour où je me trouvais dans une certaine église avec une Soeur, pendant la Sainte Messe, j’ai éprouvé la grandeur et la Majesté de Dieu. Je sentais que cette église était imprégnée de Dieu… Sa Majesté m’enveloppait, elle m’effrayait et cependant, me remplissait de paix et de joie. J’ai vu que rien ne pouvait s’opposer à Sa Volonté. Oh ! i toutes les âmes savaient Qui demeure dans nos sanctuaires ! Il n’y aurait pas tant d’outrages ni de manque de respect dans les endroits sacrés.
409 O Eternel et inconcevable Amour, je vous prie de m’accorder une grâce, éclairez ma raison de la lumière d’en haut, faites-moi connaître et apprécier toutes les choses d’après leur valeur. La plus grande joie de mon âme est de connaître la vérité.
410 21.III.35. Souvent, pendant la Sainte Messe, je vois le Seigneur en mon âme, je sens sa présence qui me transperce. Je sens Son divin regard, je converse avec Lui, sans dire un mot. Je sais ce que désire Son Divin Coeur, et j’accomplis toujours ce qui Lui plait le plus. Je L’aime à la folie et je sens que je suis aimée de Dieu. Dans les moments où je Le rencontre dans les profondeurs de mon âme, je me sens si heureuse que je ne peux l’exprimer. Ce sont de courts instants car l’âme ne pourrait les supporter plus longtemps : la séparation d’avec le corps devrait suivre un si grand bonheur. Ces moments sont très courts, mais leur puissance se communique à l’âme et s’y prolonge longtemps. Sans le moindre effort je sens qu’un profond recueillement s’empare alors de moi qui ne diminue pas, même si je parle avec des gens. Il ne me dérange pas non plus dans l’accomplissement de mes devoirs.. Je sens la continuelle présence de Dieu, sans aucun effort, je sais que je Lui suis unie aussi étroitement que la goutte d’eau à l’insondable océan.
Jeudi dernier, vers la fin des prières, j’ai senti cette grâce qui a duré, exceptionnellement, pendant toute la Sainte Messe. Je pensais qu j’allais mourir de joie. Dans ces moments-là, j’apprends à mieux connaître Dieu et Ses attributs, ainsi que moi-même et ma misère, et je m’étonne de l’immense abaissement de Dieu envers une âme aussi misérable que la mienne. Après la Sainte Messe, je me sentais toute plongée en Dieu et chacun de ses regards dans le fond de mon être reste présent à mon esprit.
411 Vers midi, j’ai passé un instant à la chapelle et de nouveau la puissance de la grâce frappa mon coeur. Alors que je persévérais dans le recueillement, Satan pris un pot de fleurs et le jeta ç terre de toutes ses forces avec colère. Je vis tout son acharnement et sa jalousie ! Il n’y avait personne à la chapelle, je me suis donc levée, j’ai ramassé le pot brisé, j’ai replanté la fleur et je voulais la remettre à sa place, avant que quelqu’un ne vienne à la chapelle. Je n’y suis pas arrivée : car aussitôt la Mère Supérieure, la Soeur sacristine et plusieurs autres Soeurs entrèrent.
La Mère Supérieure s’étonna que je touche à quelque chose sur le petit autel, et que le pot de fleurs soit tombé. La Soeur sacristine montra du mécontentement, mais je tâchai de ne pas m’expliquer, ni me justifier.
Cependant le soir, me sentant tout à fait épuisée et incapable de faire mon Heure Sainte, j’ai prié la Mère Supérieure de me permettre d’aller me coucher plus tôt.. Je m’endormi aussitôt. Cependant vers onze heures, Satan secoua mon lit. Je me suis tout de suite réveillée, et j’ai commencé tranquillement à prier mon Ange Gardien. Soudain je vis des âmes du Purgatoire, qui faisaient pénitence. Leur aspect était celui d’une ombre et parmi elles, j’ai vu beaucoup de démons. L’un d’eux tâchait de me vexer sous l’aspect d’un chat. Il se lançait sur mon lit et sur mes pieds, et pesait très lourd.. Je priais pendant tout ce temps, récitant le rosaire. Vers le matin, ces êtres disparurent et j’ai pu m’endormir.
En arrivant le matin à la chapelle, j’ai entendu une voix : « Tu es à Moi, n’aie peur de rien. Sache cependant, Mon enfant que Satan te hait ; il hait chaque âme, mais envers toi il brûle d’une haine particulière, parce que tu as arraché tant d’âmes à son règne. »
Jeudi Saint 18.IV
412 Ce matin, j’ai entendu ces paroles : « Jusqu’à la cérémonie de la Résurrection, tu n’éprouvera plus Ma présence, mais ton âme sera emplie d’une grande nostalgie. » Et aussitôt une immense nostalgie inonda mon âme. Je sentais la séparation d’avec mon Bien-Aimé Jésus. Et quand approche le moment de la Sainte Communion, je vis dans le calice, sur chaque Hostie, la Face douloureuse de Jésus. Depuis ce moment, j’éprouvai, en mon coeur, une nostalgie plus grande encore.
413 Vendredi Saint à trois heures de l’après-midi, quand je suis entrée à la chapelle, j’ai entendu ces paroles :
« Je désire que cette image soit honorée publiquement. »
Tout d’un coup j’aperçus Jésus agonisant sur la Croix dans de grandes douleurs, de Son Coeur sortirent ces deux rayons qui sont représentés sur l’image.
414 Samedi. Pendant les Vêpres, j’aperçu Jésus resplendissant de lumière comme le soleil, dans un vêtement clair, qui me dit : « Que ton coeur se réjouisse. » - Une grande joie m’inonda et la présence de Dieu me pénétra toute entière : c’est un trésor ineffable pour l’âme.
415 Quand l’image fut exposée, j’ai vu le vif mouvement de la main de Jésus, qui traça un grand signe de croix. Le soir du même jour, quand je fus couchée dans mon lit, je vis cette image survoler la ville qui était elle-même tendue de réseaux et de filets. En passant, Jésus coupait tous les filets et à la fin, Il traça un grand signe de croix et disparut. Je me vis entourée d’un grand nombre d’êtres méchants, brûlants d’une immense haine contre moi.. Leur bouche proférait toutes sortes de menaces, cependant aucun ne m’a touchée. Après un moment, cette apparition disparut, mais je mis longtemps à m’endormir.
416 26.IV. Vendredi, alors que j’étais à Ostra Brama, pour les cérémonies au cours desquelles l’image a été exposée, j’assistai au sermon de mon confesseur. Ce sermon sur la Miséricorde divine était le premier de ceux que Jésus exigeait depuis si longtemps. Quand il commença à parler de cette grande miséricorde du Seigneur, l’image prit un aspect vivant et Ses rayons pénétraient dans les coeurs des personnes rassemblées, mais pas dans la même mesure. Les uns en recevaient plus et d’autres moins. Mon âme fut inondée d’une grande joie à la vue de la grâce de Dieu..
Soudain j’entendis ces paroles : « Tu es le témoin de Ma miséricorde. Tu vas te tenir, pour l’éternité, devant Mon trône comme un vivant témoin de Ma miséricorde. »
417 Le sermon fini, je n’attendis pas la fin des cérémonies, car j’étais pressée de revenir à la maison. Je fis quelques pas, mais un grand nombre de démons me barrèrent la route. Ils me menaçaient de terribles supplices et des voix se firent entendre : « Elle nous a ravi tout ce pourquoi nous avons travaillé pendant tant d’années. » Lorsque je les ai questionnés : « Qui êtes–vous en si grand nombre ? - Les maudits me répondirent : « Des coeurs humains ; ne nous tourmente pas. » Voyant leur terrible haine contre moi, j’ai 418. appelé tout de suite mon Ange Gardien au secours : et immédiatement sa claire et rayonnante apparence se tint près de moi. Et il me dit : « N’aie pas peur, épouse de Mon Seigneur. Sans Sa permission, ces esprits ne te feront aucun mal. » Immédiatement les mauvais esprits disparurent, et le fidèle Ange Gardien m’a accompagné de manière visible, jusqu’au seuil de la maison. Son regard était modeste et paisible ; un rayon de feu jaillissait de son front. O Jésus, je désirerais peiner, me tourmenter et souffrir pendant toute ma vie, pour ce seul moment où je vis, Seigneur, Votre gloire et le salut des âmes.
Faustine journal 371