Hilaire Psaumes 13829

L’Église est l’os du Christ. Les mystères sont révélés à l’Église.

13829 Parce que son âme connaît très fortement toutes les admirables oeuvres de Dieu, il rappelle pour nous la science de sa doctrine, par laquelle les mystères de l’oeuvre paternelle ne sont plus cachés pour nous, disant : Mes os, que Tu as faits dans le secret, ne Te sont pas cachés (v. 15a). L’os du Christ, c’est l’Église ; c’est l’autorité prophétique et apostolique. Selon ce qui est écrit dans le livre de la Génèse : Voici maintenant que ceci est l’os de mes os et la chair de ma chair (Gn 2,28), l’Apôtre en parlait au sujet d’Adam et d’Ève ; après l’exposé de ces paroles, il ajoute : Ce mystère est grand ; je le dis par rapport au Christ et à l’Église (Ep 5,32). Cependant que ces réalités de l’Église aient été cachées par la miséricorde de Dieu le Père, le Seigneur lui-même l’atteste dans l’Évangile, lorsqu’il dit : Père, je Te loue, Seigneur du ciel et de la terre, parce que Tu as caché cela aux sages et aux prudents, et l’a révélé aux petits. Ainsi, Père, tel a été devant Toi Ton bon plaisir (Mt 11,25-26). Donc, par lui, ces mystères, qui sont réalisés en secret, ne sont plus cachés. À la vérité, pour nous, ils ne sont plus cachés, mais à cause des prudents de ce siècle ils ont été réalisés dans le secret.

D’abord, ils étaient dans le secret.

13830 Que tous ces mystères de l’espérance de l’Église fussent d’abord réalisés dans le secret, l’Apôtre en témoigne : Vous pouvez vous rendre compte de l’intelligence que j’aie du mystère du Christ ; ce mystère qui ne fut pas connu des hommes des temps passés comme il vient d’être révélé à ses saints apôtres et prophètes dans l’Esprit : les païens sont admis au même héritage, membres du même corps, bénéficiaires de la même promesse, dans le Christ (Ep 3,4). Et, de nouveau : Selon l’économie de Dieu et de la charge qu’Il m’a confiée pour vous de réaliser chez vous l’avènement de la Parole de Dieu, ce mystère qui fut caché depuis les siècles et les générations, et qui maintenant vient d’être manifesté à ses saints ; Dieu ayant voulu leur faire connaître de quelle gloire est riche ce mystère chez les païens : c’est le Christ parmi vous ! L’espérance de la gloire ! (Col 1,25-27). C’est pourquoi, c’est un mystère caché qui fut révélé : que les païens soient pour Dieu cohéritiers, associés au même corps, et participants à la même promesse en Christ. Encore caché, il le reste même pour ceux auxquels le Psalmiste veut montrer les richesses de gloire de ce mystère de Dieu pour les païens : le Christ parmi nous, espérance de la gloire.

Le Père les a révélés (ces mystères) jusqu’aux extrémités de la terre.

13831 Ce mystère fut donc caché : il était celui du Christ parmi nous. Cela, le Père l’a révélé. En effet, il a dit à Pierre : Ce n’est pas la chair ni le sang qui te l’a révélé, mais mon Père qui est aux cieux (Mt 16,17). Cependant, il est révélé comme étant le Christ parmi nous, dans les pauvres d’esprit, dans les tourmentés en leur coeur, dans les humbles de la terre, dans ceux que le monde rejette comme déchets, dans ceux qui, au sein de l’Église, se trouvent dans une situation la plus basse ; le Christ parmi nous étant en effet, abaissé sous une extrême humiliation. C’est donc là le mystère caché qui a été révélé : le Christ parmi nous ! Le Seigneur le révèle non seulement par son Apôtre, mais encore dans ce même psaume où il parle ainsi : Mes os ne Te sont pas cachés ; Tu les as faits dans le secret ainsi que tout mon être, dans les profondeurs de la terre (v. 15c). Non pas dans les enfers - comme lorsque, plus haut, il traitait de la Passion -, mais dans les profondeurs de la terre, lorsqu’il annonçait au sujet des mystères révélés qu’ils l’avaient été dans le secret. Ce mystère du Christ parmi nous, il aura cependant été caché, à savoir que la substance même de mon être l’aura été dans les profondeurs de la terre, pour remplir les charges inhérentes à la bassesse de condition de tous.

"Non encore formé", selon la puissance du mot grec, ne convient qu’à Dieu seul.

13832 Ensuite, la parole du psaume va plus avant, selon une progression évangélique, lorsque le Psalmiste dit : Encore non formé, Tes yeux m’ont vu, et sur Ton Livre, ils étaient tous inscrits les jours que Tu ferais ; nul n’était absent (v. 16). Et pour que nous puissions tout comprendre selon la doctrine céleste, ce qui fait difficulté doit être démêlé par une interprétation appropriée. Ce que les traducteurs latins comprennent en rendant le terme grec par imperfectum, non encore formé (informe), correspond dans les manuscrits grecs au terme akatergaston (non achevé, non accompli parfaitement). Nous ne contesterons pas le choix des traducteurs ; je crains fort que nul autre mot eût pu être trouvé par eux. Cependant, ce terme-là (en grec,akatergaston)signifie « ce qui demeure sans intervention », inachevé, imparfait. Non encore formé cependant, pour nous cela s’applique à ce qui a été commencé et n’a pas été achevé. Mais si nous examinons avec soin, au sens profond, la portée de ce mot, il ne peut pas être dissocié de ce qu’est proprement le mot grec et être traduit diversement. Mais c’est à Dieu seul que ce terme correspond en propre en sorte qu’il soit et qu’il soit « non fait » ; car ce qui est n’implique pas qu’il « soit fait ». Mais « que cela soit » n’équivaut pas à « qu’il soit fait ». Et Celui qui est éternel demeure, et n’est pas fait. Donc, pour que l’intelligence du sens progresse, nous osons le dire « encore non formé », et les yeux du Psalmiste le voient comme une oeuvre non totalement achevée de Dieu.

"Non encore formé", en effet, "Tes yeux m’ont vu".

13833 Mais quels yeux, enfin ? Est-ce que ce ne serait pas ces yeux spirituels et divins par lesquels le seul Unique-Engendré voit Dieu le Père ? Mais ces yeux-là ne manquent pas aux jours inscrits dans le Livre. Et dans Ton Livre, ils étaient tous inscrits, mes jours, et pas un qui n’y manquât.Cette nature de l’Unique-Engendré ne sollicite pas un progrès dans l’immutabilité. Et quel progrès y aurait-t-il pour lui alors que tous ses yeux étaient inscrits et tous ses jours comptés, sans qu’aucun ne manquât ? Tout cela est outrageant et relève d’une impudente pensée.

13834 Les yeux du corps du Christ, ce sont les apôtres et les prêtres (ou les évêques). Contre eux se dressent ceux qui s’adonnent aux affaires du siècle.

De même que les os, par lesquels est désigné le corps de l’Église, os qui constituent un mystère mais ne sont pas cachés, ainsi ses yeux (dit le Psalmiste) ont vu ce qui est non encore formé en Dieu. Cependant, l’os se réfère à l’Église qui est le corps du Christ ; nous l’avons rappelé plus haut. Dans le corps, les yeux tiennent la première place pour ce qui est du devoir et de la vertu : personne n’en doutera. Que les yeux soient des membres remarquables et éminents en qui sont désignés les apôtres, cela ne fait pas de doute. Par eux, la lumière de l’Église et les divins mystères de l’oeuvre salutaire sont manifestés. Cela le Seigneur le montre à l’évidence dans les Évangiles. En effet, lorsqu’il appelle les apôtres sel de la terre, lumière du monde, lumière posée sur le candélabre dans la Maison - à titre d’exemples-, il rend manifestes les oeuvres de leur foi. De nouveau, les appelant des trésors terrestres et corruptibles ainsi que des profits du siècle, à être les yeux du corps, il leur a dit : La lampe de ton corps c’est ton oeil ; si ton oeil est simple, tout ton corps sera dans la lumière ; mais si ton oeil est mauvais, ton corps tout entier sera plongé dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, que de ténèbres il y aura ! (
Mt 6,22-23).
Ce passage est à prendre par-delà le sens corporel et doit être entendu au sens spirituel. C’est pourquoi, les Apôtres qui sont de l’Église, à savoir les yeux du corps du Christ, reçoivent l’ordre d’être lumineux et simples, par un corps d’où émane la lumière, persévérant dans un agir de simplicité. Mais s’ils deviennent mauvais, par tout le corps ils deviendront nécessairement ténèbre. Aucune espérance résiduelle de lumière dans des ténèbres, si la lumière même se trouve plongée dans les ténèbres. De cela il ressort que c’est la cause d’un très grand péril que des prêtres (ou des évêques) qui sont les yeux de l’Église, se préoccupent de satisfaire les appétits de jouissance de leur commensaux en s’adonnant aux affaires du siècle, aux profits monétaires et à l’accroissement de biens familiaux. En effet, ils sont la lumière de l’Église, c’est-à-dire les yeux du corps. Et si la lumière même s’enténébrait dans la nuit de l’avarice et l’excès de jouissance des biens de ce monde, c’est au corps - à l’Église - de par sa nature, que ces ténèbres seraient transmises, et combien plus de ténèbres ne seraient-elles pas transplantées par cet exemple de lumière enténébrée ? Ces yeux-là donc verront « l’inachèvement » de Dieu ; mais si nous avons parlé de l’ « inachèvement » d’un Dieu, c’est à entendre d’un Dieu « qui ne soit pas fait » et qui demeure ; un Dieu en qui, pourtant, l’Éternité de la divinité se fait entrevoir comme « inachevée ».

13835 Les Apôtres ont vu le Père dans le Fils. Non par une contemplation selon la nature, mais par une contemplation des oeuvres.

Mais c’est on ne peut plus audacieux que d’affirmer un commencement de vision de l’éternité de Dieu le Père par les Apôtres ; oui, très grande audace, alors qu’il est dit que Dieu, personne ne l’a jamais vu, si ce n’est le Fils Unique Engendré qui est dans le sein du Père (
Jn 1,18). Cependant, nous ne disons rien qui soit nôtre, rien de présomptueux que nous proclamions ; qu’il le dise lui-même celui qui a dit : Qui me voit, voit le Père (Jn 14,9) ; non qu’il veuille signifier qu’il soit lui-même le Père. En effet, interrogé par Philippe lui demandant de lui montrer le Père, il ne répondit pas : ’Moi, je suis le Père’, mais Qui me voit, voit le Père. Par la puissance de la nature commune, il répondit au sujet de Celui qui était cherché, que le Père se faisait voir en son être même, à lui. Et il ajoute ceci de très éclairant : Pourquoi dis-tu ’Montre-nous le Père ? Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais le Père qui demeure en moi, accomplit lui-même ses propres oeuvres. Croyez-moi, je suis dans le Père et le Père est en moi. Du moins, croyez à cause des oeuvres (Jn 14,9 ss). Il démontre ici qu’il ne se situe pas là comme celui qui comprend le Père, ni comme celui qui se met à sa recherche, ni comme celui qui, Unique-engendré, le scrute par le moyen de la puissance efficiente des oeuvres du Père. En effet, il demeure en Lui ; car il est engendré de Lui ; il n’y a pas en lui la nature étrangère d’une création nouvelle ; il est Fils par la puissance, il est Fils par la divinité, il est Fils par la substance, il est Fils par la génération. Les oeuvres en témoignent, les puissances (célestes) en parlent ; le Père est dans le Fils par une lignée de nature et par la substance d’une origine légitime ; il est Fils dans le Père. Cette noblesse née de l’Inengendré ne contredit pas le fait que, tous deux ensemble, ils soient un. Le Père est vu dans le Fils ; et il est vu non pas par une contemplation de sa nature qui reste pour nous invisible, mais par la considération émerveillée des oeuvres opérées. En effet, les oeuvres du Fils sont les oeuvres du Père, non qu’elles doivent être effectuées par un Fils impuissant (imbecillus), ni parce qu’il serait d’une puissance de nature divergente de celle du Père. Mais cela se réalise par un Fils efficient, bien que ce qu’il effectue vienne de Celui dont lui-même est engendré. Et c’est pourquoi, du fait que le Fils est contemplé dans la grandeur des oeuvres réalisées, le Père aussi est vu dans le Fils.

13836 Le Livre de Dieu est sa mémoire éternelle. Et dans ce Livre de Dieu n’est conservé que ce qui est inscrit dans le Livre des vivants.

Donc, pour ces yeux qui perçoivent l’éternité de la puissance paternelle dans le Fils, c’est-à-dire - et cela est annoncé par les apôtres -, pour qu’ils soient inscrits dans le Livre de Dieu, pour qu’ils demeurent, bien entendu, dans la mémoire éternelle, le Seigneur a formulé pour eux, dans les Évangiles, cette prière : Père, j’ai manifesté ton nom aux hommes que Tu m’as donnés de ce siècle ; ils étaient à Toi, et Tu me les as donnés, et ils ont gardé Ta Parole. Maintenant, ils ont connu que tout ce que Tu m’as donné, je le leur ai donné ; et ceux-ci l’ont reçu, et ils ont su vraiment que je suis venu de Toi, et ils ont cru que Tu m’as envoyé. Je prie pour eux ; je ne pris pas pour le siècle, mais pour ceux que Tu m’as donnés (
Jn 17,6 ss). Il prie donc pour eux afin qu’ils soient inscrits dans le Livre de Dieu.

Aux jours inscrits dans le Livre de Dieu correspond le jour perpétuel et sans nuit.

13837 Mais il convient d’examiner de quel type de progrès il s’agit, qui sont inscrits dans le Livre de Dieu. Sans doute, ceux-ci sont comblés de jours, sans qu’aucun ne manquât. En quelques manuscrits, nous lisons : Au jour, ils ont été formés. Il n’y a pas grande différence entre « être comblé » et « être achevé » (« complètement formé »). En effet, nous sommes formés pour devenir conformes à la gloire du corps de Dieu [6]. C’est la parole même de l’Apôtre : Petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous (Ga 4,19). Mais d’autre part, nous sommes comblés selon ce que dit le Prophète : Nous sommes comblés de l’abondance des biens de Ta Maison (Ps 64,5). C’est pourquoi, ils ont été comblés de jour, c’est-à-dire par la vraie lumière ; (en effet, le Christ est la lumière (Jn 1,9) : il était la lumière véritable qui éclaire tout homme venant en ce monde (ibid. )) non plus désormais détenus dans la nuit de l’ignorance, non plus rendus aveugles par les ténèbres du siècle, mais illuminés par la lumière de la vérité et comblés de jour. Cependant ce qui est comblé ce n’est rien d’autre que ce qu’il reçoit de Celui qui est rempli. En effet, la nuit ne pénètre pas en celui qui est comblé de jour, selon ce que dit l’Apôtre : Quel rapport de participation entre la lumière et les ténèbres ? (2Co 6,14). Et l’Esprit du Christ ne se porte pas vers la demeure de l’esprit du monde, comme il est écrit : Car vous n’avez pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu (1Co 2,12) ; Et celui qui est mort au monde ne vit plus pour lui ; comme dit encore l’Apôtre : Je vis, mais désormais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20). Celui qui est comblé de jour, possède en lui ce seul jour ; c’est pourquoi le Psalmiste dit : Ils seront comblés de jour, et pas un ne manquera. Pas un ne sera sans jour, ce jour dont ils seront comblés, et qui ne sera ni l’embrasement de la richesse, ni l’aiguillon des voluptés, ni l’ardeur de l’ambition, ni la méchanceté des haineux, ni la pique de l’envie, ni la fureur des clameurs, ni la folie de l’orgueil, rien de ce qui constitue la panoplie et la puissance du diable, mais la lumière véritable, le seul jour dont ils soient remplis. Ainsi désarmées, toutes les autres réalités sont devenues caduques ; et ils en rendent un témoignage pleinement digne ceux-là qui sont comblés de ce seul jour.

13838 Nimis (à l’excès), c’est-à-dire ualde (extrêmement). Les amis de Dieu, Abraham et Moïse sont, en termes appropriés, les disciples du Christ. La souveraineté leur appartient.

Le Psaume se poursuit ainsi : Pour moi, ô Dieu, Tes amis ont beaucoup de prix ; leur souveraineté a été extrêmement affermie. Je les compterai, et ils seront plus nombreux que le sable (v. 17). Comment de telles paroles pourraient-elles être attribuées à un homme du commun pour qu’il puisse dénombrer ceux qui se sont multipliés comme les grains de sable ? Il convient de les attribuer à celui-là seul auquel appartient, sans recensement ni calcul, la connaissance de la multiplicité des nombres. Néanmoins, ses amis sont extrêmement honorés,extrêmement (nimis), comme il est dit, ce qui ne doit pas être compris selon la coutume d’interprétation des latins. En effet, extrêmement (nimis), pour nous, a l’habitude de signifier ce qui excède inutilement la mesure appropriée ; mais, pour les grecs, ils rendent par lian ce que nous traduisons nimis. Dans ce terme lian, se trouve davantage contenu le sens de ualde(beaucoup, très grand) que de nimis (extrêmement).
Donc, ses amis sont extrêmement honorés. À la vérité, nous reconnaissons qu’Abraham fut un ami pour Dieu ainsi que Moïse : la Loi en porte le témoignage écrit. Il est vrai que les Évangiles annoncent enfin que plus nombreux encore ont été les amis de Dieu, le Seigneur le signifiant quand il dit : Je ne vous appelle plus maintenant ’serviteurs’, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; mais je vous appelle ’amis’, car vous m’avez assisté en toutes mes épreuves(
Jn 15,15). Ceux-là donc qu’il appelle maintenant ses ’amis’ - comme nous l’indiquions plus haut -, lui ont été donnés par le Père et lui appartiennent, confesse-t-il, en conformité avec ce qu’il dit : Et tout ce qui est à Toi est à moi, et tout ce qui est à moi est à Toi (Jn 17,10). Ceux-là, ils les dit ’amis’ du Père. Ils sont non seulement honorés, mais encore leur souveraineté a été solidement affermie ; c’est à partir d’eux que l’Église a commencé, c’est à eux que furent remis les principes fondamentaux, pour constituer ensemble de solides bases de départ.

13839 Le nombre des élus est déterminé. Ce nombre, plus grand que les grains de sable, se rapporte aux anges.

Que les peuples doivent être référés à l’Église, ce qui est ajouté ensuite le fera comprendre : Je les compterai ; et ils seront plus nombreux que les grains de sable (v. 17c). Pourquoi leur nombre serait-il indéterminé, alors qu’ils sont inscrits dans le Livre de Dieu ? Donc, nulle difficulté sur cette question du nombre des élus dont la réalité se trouve conservée par écrit. Mais quelques-uns ont estimé que ce qui est dit par l’expression : ils seront plus nombreux que les grains de sable, ne se réfèrerait pas tant aux hommes - et cela est bien dit d’Abraham : ta descendance sera comme les grains de sable de la mer ; elle multipliera au-delà du nombre des grains de sable -, qu’à la multitude des anges qui accèdent eux aussi au nombre des amis de Dieu. En effet, à nulle autre catégorie d’êtres ne peut convenir de se joindre à Abraham comme le nombre des grains de sable de la mer et au-delà, si ce n’est l’abondance des anges jointe à la multitude dénombrée des hommes. Nous ne nous opposons pas au sens que chacun pourra discerner. Cependant, si notre thème interprétatif est conforme au don de la grâce spirituelle, nous en traiterons sans outrager qui que ce soit.

13840 D’un signe, le Psalmiste indique que les Gentils croiront et que les Juifs s’écarteront (de la foi).

Dans le ivre de la Genèse, nous relevons deux promesses faites à Abraham ; une avant l’engendrement d’Ismaël, Dieu disant à Abraham : Toute cette terre que tu vois, je te la donnerai, à toi et à ta descendance à jamais, et je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les grains de sable de la mer. Si quelqu’un peut dénombrer les grains de sable de la mer, eh bien il dénombrera alors ta descendance (
Gn 13,15-16). Isaac étant né, et comme il considéra qu’il devait l’offrir en oblation, une nouvelle promesse lui fut adressée ensuite : Te bénissant, je te bénirai, et multipliant ta descendance, je la multiplierai autant que les étoiles du ciel et les grains de sable de la mer (Gn 22,17). Et si, selon l’Apôtre, ces deux Testaments sont conclus, l’un selon Ismaël, engendrant pour la servitude, l’autre selon Isaac, pour le liberté de notre mère la Jérusalem qui est dans les cieux, c’est pour instruire : il est nécessaire qu’il y ait deux semences, leur multiplication féconde étant annoncée par le nombre des étoiles et celui des grains de sable de la mer. Qui en effet mettrait en doute que dans l’Église, déployée en nombreuses communautés à travers le monde entier, la multiplication du peuple de Judée est surpassée en se réalisant en surabondance dans le Christ. Et c’est pourquoi, ceux qui appartiennent au Christ seront multipliés plus que le sable, car ceux-ci seront plus abondants que ceux qui, sortis du peuple impie de la loi terrestre et desséchée, sont désignés par le sable.

La future résurrection du Christ est annoncée comme étant déjà réalisée.

13841 Le Psalmiste poursuit : Je me suis éveillé, et je suis encore avec Toi. Je me suis éveillé ; cela se rapporte à la gloire de la résurrection. Mais, selon la prescience de Dieu, il parle de ce qui est futur comme d’un événement qui a déjà eu lieu ; car, pour Dieu, à cause de sa connaissance et de sa puissance, les événements qui se réaliseront dans le futur se sont déjà réalisés, de sorte que, même pour nous-mêmes, nous estimons réalisés les événements du futur, en ayant en leur accomplissement une parfaite confiance. Quant à l’expression : Et je suis encore avec Toi, elle signifie que ce n’est pas encore l’heure pour ressusciter, puisque ce n’est pas encore le temps de la Passion, et que le Christ se reconnaît encore avec Dieu. Lui-même dit en effet : Je suis sorti de Dieu et je suis venu (Jn 16,28). Donc, je suis encore avec Toi ; car ce n’est pas encore le temps pour que je vienne à Toi ; c’est le temps pour moi de venir dans le monde afin d’accomplir les prophéties.

Celui que le Christ tue, c’est pour le vivifier.

13842 Mais voici ce qu’il dit ensuite : Dieu, si tu tuais le pécheur (v. 19a). Pourquoi celui qui vient sauver ce qui aurait péri et racheter le pécheur, est prié de le tuer ? Loin de nous de penser qu’il veuille tuer. Cependant, le pécheur est tué lorsqu’il est mort au monde, lorsqu’il meurt avec le Christ pour vivre dans le Christ. Le bienheureux Apôtre dit : Chaque jour, je meurs (1Co 15,31) ; et encore : Je suis mort à la Loi pour vivre du Christ (Ga 2,19). Nous, nous mourons ainsi : quand en nous, par la foi, les péchés mis à mort sont effectivement morts. Nous osons même dire comment Dieu tue les pécheurs en empruntant ce qui est dit : Mortifiez donc vos membres sur cette terre : fornication, impudicité, désirs charnels entretenus, concupiscence et avarice (Col 3,5). C’est ainsi que le pécheur est tué : quand l’engendrement à la vie spirituelle est ravivé par la mort de tous les vices et des péchés.


Le Psalmiste reconnaît davantage la valeur des efforts pour atteindre le but que celle des querelles de mots.

13843 Fait suite : Hommes de sang, éloignez-vous de moi, car vous êtes querelleurs en votre pensée(v. 19bc). C’est par vanité qu’ils s’emparent de Tes cités, Seigneur ! (cf. v. 20). En ignorant la puissance du vocable, la traduction latine introduit une grande obscurité en ne discernant pas la particularité propre d’une parole ambivalente. Ce qui, en effet, est écrit pour nous (latins) : Car vous êtes querelleurs en votre pensée, l’est, pour les Grecs, de cette manière : oti èreis eis dialogismon, et ce terme èreis (vous êtes querelleurs) n’est pas clairement déterminant quant au sens à donner à ce mot, de sorte que, ou bien il est compris comme dicis (querelles), ou bien comme contentio (effort pour l’emporter) ; ce terme grec renferme les deux acceptions. Mais ceux qui se reportent au terme hébreu, ne retiennent pas dicis mais contentiones en cohérence avec la traduction du terme hébreu par èreis. Ce sage discernement a montré que c’était là une option conforme à la raison et à l’intelligence.

"Hommes de sang", ceux dont la doctrine est flatteuse et mensongère.

13844 Je pense à la parole d’Ézéchiel : Fils d’homme, je t’établis guetteur pour la Maison d’Israël ; tu entendras une parole de ma bouche, et tu les avertiras de ma part ; si tu ne tranches pas et ne parles pas à celui qui doit être repris pour sa mauvaise conduite afin qu’il vive, celui-ci mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang (Ez 3,17). Et je trouve un autrehomme de sang, dont il est parlé au Ps 5, 8 : L’homme de sang et de ruse, Dieu le déteste.Donc, les hommes de sang, ce sont ceux dont la doctrine est flatteuse et l’enseignement mensonger.

Les hérétiques, voilà les "hommes de sang".

13845 La doctrine de mensonge est celle des hérétiques ; doctrine qui, sous le nom de Dieu, est blasphème, qui, sous le nom de religion, est impie, et qui, sous une forme de prétendue vérité, est mensonge. La seule recherche de la contention mobilise leur âme et leur pensée. Ils ne travaillent en rien pour le salut des hommes, en rien pour l’acquisition du salut ; ils ne pensent à rien de pacifique, de sorte que toute leur entreprise soit investie dans les querelles et méditent de donner la bastonnade. Ces hérétiques font périr les âmes malheureuses, et se rassemblent en vain, pour eux-mêmes, dans les églises : « cités de Dieu » que, selon la coutume prophétique et évangélique, l’autorité très grande (du Magistère) appelle ainsi fréquemment.
C’est bien cela que signifient ces mots : Hommes de sang, allez-vous en loin de moi, car c’est pour la vanité que, querelleurs dans vos pensées, vous vous emparerez de leurs « cités » (v. 20). Ce sont des hommes de sang, à cause de l’état d’accusation dans lequel ils maintiennent les âmes perdues ; ils leur prescrivent de s’incliner (dans la pénitence) parce qu’ils sont en opposition zélée dans leur pensée. Ceux-ci s’emparent en vain des « cités de Dieu », rendant l’union des Églises infructueuse à cause des déchirures provoquées par les ruptures schismatiques.

La haine envers les hommes pieux.

13846 Mais avec sagesse, le Psalmiste montre sa disposition d’âme envers eux - elle est paix, justice et vérité -, en disant : N’ai-je pas haï, Seigneur, ceux qui Te haïssaient, et ne me suis-je pas consumé de zèle à cause de Tes ennemis ? Je les ai haïs d’une haine parfaite ; pour moi, ils sont devenus mes ennemis (vv. 21-22). Il s’agit d’une haine religieuse chaque fois qu’en nous, par la haine, nous sommes portés à haïr qui hait Dieu. À la vérité, nous sommes tenus à aimer nos ennemis (cf. Mt Mt 5,44) ; mais, nos ennemis, pas ceux de Dieu. En effet, selon Dieu, c’est un acte de piété que d’avoir haï son père et sa mère, son conjoint, ses enfants et ses frères (cf. Lc Lc 14,26). Donc, le Psalmiste hait ceux qui haïssent Dieu, et se consume de zèle par la haine envers les ennemis de Dieu ; il hait d’une haine parfaite ; les ennemis de Dieu sont devenus ses propres ennemis.En effet, le Fils n’est pas opposé à son Père, de telle sorte qu’on ne puisse se faire ennemi de l’un des deux, sans être ennemi de l’un et de l’autre.

Ces paroles sont celles du Christ.

13847 Ensuite, le Psalmiste conclut par un gage de confiance en sa liberté. De même que, par sa prescience, il avait fait mémoire des merveilleuses actions de Dieu, maintenant il va montrer, pour que nous comprenions avec quel sens du devoir nous devons remplir nos fonctions dans le temps, il a dit aux vv. 23-24 : Éprouve-moi, ô Dieu, et connais mon coeur ; interroge-moi et connais mes sentiers. Vois s’il y a en moi un chemin d’iniquité, et conduis-moi sur le chemin d’éternité.
Il n’y a pas de confiance en l’humaine nature qui ne se veuille être éprouvée, qui ne demande que son coeur soit connu, qui n’attende que ses chemins soient connus, qui n’appréhende d’être inspectée pour savoir s’il y a un chemin d’impiété en elle-même, et que, par cette connaissance, elle soit conduite sur le chemin d’éternité.
Cette voix ne peut être que celle de celui qui a dit : Voici qu’il vient le Prince de ce monde ; il n’a aucune prise sur moi (
Jn 14,30). Seul, en effet, est sans péché Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est béni dans les siècles des siècles. Amen.



Traduction d’après l’édition de J. P. Migne, PL 9, 561 D-583 D



[1] C’est-à-dire 1000 pas

[2] Le plus grand nombre des hérétiques réfèrent ces paroles, nous sommes un, au seul accord des volontés - le Livre VIII du De Trinitate tout entier leur répond).

[3] cf. De Trin. VIII, 5ss.

[4] Cf. Tract. in Ps. LIV, 7.

[5] Tabitha

[6] Cf. De Trin. XI, 36.


Commentaire sur le Psaume 148

Ps 148

14801 Les trois derniers Psaumes [1] par lesquels la Prophétie nous appelle à la louange ont suivi la répartition de cette bienheureuse espérance qui est nôtre dans l’ordre même de leur position respective. Le premier d’entre eux (Ps 148) en effet, à cause de l’espérance en l’éternité, chante l’attente du Règne céleste. Le second (Ps 149), en référence à l’édification de la Sainte Cité et de l’assemblée des saints qui viennent ensemble pourvoir à la plénitude du développement de la Sainte Cité, fait immédiatement suite. Le troisième de cette série (Ps 150), à cause des heureuses satisfactions éprouvées à la suite de l’achèvement de la construction de la Cité et de l’éternelle paix désormais fondée [2], après l’ardente et brûlante morsure de la froidure du siècle que l’Esprit céleste a tempérée, tout cela se trouve associé dans cet hymne. C’est donc un même enseignement bien ordonné qui lie entre elles toutes ces réalités. En effet, selon la prédication prophétique et apostolique, un principe d’organisation concernant ce Règne bienheureux et la Cité éternelle est établi entre ces réalités dans la transformation opérée par la résurrection, dans la communauté des sanctifiés, dans le rassemblement fréquent de l’habitat des cités du Seigneur pour célébrer (ses louanges).

14802 Notre béatitude, celle que toute réalité créée attend

Après quoi, tous les sanctifiés étant désormais établis dans la béatitude éternelle pour chanter, par ce Psaume qui s’enchaîne avec le suivant, les louanges de Dieu, le choeur des Vertus et des Puissances célestes se trouve rassemblé, afin que toute créature libre des embarras provenant des devoirs imposés par les affaires (du monde) du fait de son rejet de la vanité du siècle, retrouvant souffle de quelque façon déjà dans le bienheureux Règne de l’éternité, joyeuse et apaisée loue son Dieu, étant elle-même assumée dans la gloire de la bienheureuse éternité, selon ce que dit l’Apôtre : « En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu ; car la création a été livrée au pouvoir de la corruption, non parce qu’elle l’a voulu, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle garde l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de l’inévitable dégradation, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu » (
Rm 8,19-21).

Par suite, cet hymne (qu’est le Ps 148) est celui de la bienveillante liberté que, libres des obligations de leurs devoirs alors qu’ils étaient antécédemment soumis au service dévolu à l’esclave dans les choses humaines, enfin conformés à la gloire des fils de Dieu dans l’éternelle béatitude, les éléments de la création nouvellement nés s’apaisent et se reposent. De cette béatitude, objet de leur désir, ils en étaient tenus éloignés depuis un long moment déjà, comme le dit l’Apôtre Pierre : « Et maintenant, cet accomplissement vous a été annoncé par ceux qui vous ont apporté l’Évangile sous l’action de l’Esprit-Saint envoyé du ciel, tandis que les anges eux-mêmes voudraient bien pouvoir scruter ce message » (1P 1,12). C’est pourquoi, la béatitude sur terre est une attente de la béatitude céleste ; et la transformation de notre état de corruption fait attendre les premiers éléments des divines créations. Par le désir, ces rudiments veulent scruter cette espérance contenue dans la prédication évangélique, sa gloire qui procède de la conformation de notre gloire se trouvant encore sur le point de l’accueillir, et par laquelle - une fois acquise -, ces éléments nouvellement créés sont appelés, selon la prophétie du Psaume, à une consonante louange de la béatitude étreinte.

14803 Le monde n’est pas le fruit du hasard ; il n’est pas Dieu. A aucune partie du monde ne doit être rendu un honneur divin.

« Louez le Seigneur du haut des cieux, louez-le dans les hauteurs. Louez-le, tous ses anges ; louez-le, toutes ses puissances. Louez-le soleil et lune ; louez-le, toutes les étoiles et la lumière. Louez-le, cieux des cieux ; et l’eau qui est au-dessus des cieux, qu’elle loue le nom du Seigneur. Car Lui-même a commandé, et elles furent créées toutes ces choses ; Il a parlé, et elles ont été faites ; Il les a établies pour les siècles des siècles ; Il a établi un précepte, et cela ne passera pas » (vv. 1-6).

Certes, pour comprendre cette parole au sens plénier, il convient de relever que si le Prophète exhorte toutes les puissances célestes à la louange, il ne le fait pas sans un motif résolu d’enseignement. En effet, il se détourne de cette première erreur qu’est l’ignorance humaine, à laquelle, au moyen de rassemblements fortuits, cette manière d’être du monde s’y associe ; ainsi, un certain nombre ont osé faire des conjectures à partir d’une désorganisation pour se faire passer pour respectueux d’un schéma de pensée cohérent. Alors que d’autres estiment que ce monde-même est Dieu, monde qui s’agite et se meut tandis que le tempère le cycle annuel du déroulement du temps en une juste proportion de rationnelle mesure. Bref, ces choses que chacun lit à partir de ces premiers éléments que sont le ciel, le soleil, l’eau, l’air, auxquels, par le moyen d’une religion impie et dépourvue de fondement, cette ignorance première rend un culte honorifique dû à Dieu seul. Donc, le Prophète exclut toute erreur d’ignorance disant : « Car Lui-même l’a dit, et elles furent faites ces choses ; Il commande, et elles existent ». Nul concours d’éléments fortuits, nulle puissance de nature particulière, nulle substance d’éternité sortie d’elle-même dans ces éléments que l’enseignement doctrinal nous dit avoir été créés : rien de cela n’est admis.

14804 Dans ce discours hymnique est encore enseigné ce que la Genèse a discerné, ce dont les évangiles ont témoigné, ce que l’Apôtre a prêché : c’est sur l’ordre de Dieu que tout a été fait ; non que cela ait existé par soi-même, comme si cette matière même naissait d’une soumission vitale alors qu’on lui commandait d’être et de subsister. Pourtant, toutes choses procèdent d’un commandement, et la parole proférée l’a été par Celui qui disait qu’elles fussent [3]. Ainsi parle la Genèse : « Et Dieu dit…, et Dieu fit » (Gn 1,6-7). Maintenant, le Prophète parle ainsi : « Il a dit, et les choses furent faites ». En effet, ce n’est pas qu’il commanda qu’elles fussent pour Lui-même, mais elles furent faites quand Il l’a dit. Elles furent cependant faites par Lui, au sujet de qui l’Évangéliste rend témoignage : « Tout a été fait par Lui, et sans Lui, rien de ce qui existe ne fut fait » (Jn 1,3). Et l’Apôtre dit : « Il est l’Image du Dieu invisible, le Premier-né de toute créature, car par lui-même furent créées toutes choses dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances ; toutes furent créées par Lui et pour Lui (Col 1,15-16). La Sagesse parle ainsi au sujet d’elle-même : »Moi, j’étais auprès de Lui comme le Maître d’oeuvre. Il se réjouissait de moi quand je m’ébattais à la surface du monde entier" (Pr 8, 30). C’est pourquoi, que cesse toute hésitation dans la compréhension (du texte du Psaume) ; elle est confirmée par l’autorité du nouveau et de l’ancien Testament : le Fils, qui demeure avant les siècles, assistait le Père au commencement de la création du monde.

14805 Les créatures qui ne doivent pas être dissoutes, sont invitées à la louange de Dieu. Et celles qui ne seront pas dissoutes, ne le doivent pas à leur propre nature, mais à la prescription de Dieu.

Le Prophète ajoute encore une autre cause justifier l’appel à la louange : « Lui-même l’a dit, et elles existent ; Lui-même commande, et elles sont créées. Il les a établies pour les siècles des siècles » (
Ps 148,5-6). Les choses créées demeurent en effet placées dans l’être à partir de rien (ex nihilo), et la grâce de ce qu’elles sont, elles le doivent à leur Créateur quand elles commencèrent d’être avec la perception de Sa vie, de Sa bonté, et de se sentir par Lui avoir accès à la vie. Mais elles vivent à ce point qu’elles demeurent pour les siècles des siècles, et, selon l’Apôtre, elles attendent la révélation des fils de Dieu (cf. Ro Rm 8,19), tirées de l’esclavage de la corruption pour entrer dans la liberté de gloire. Cependant, il convient de ne considérer dans ces créatures qui ont été établies pour les siècles des siècles, ni le ciel - ce qu’on appelle le firmament -, ni la terre qui fut dite « le sec » (cf. Gn Gn 1,9) n’a été mise au nombre de celles-ci, car il est dit par les Prophètes : « Voici que je fais un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Is 65,17) ; et le Seigneur a déclaré dans l’Évangile : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Mt 25,35) : ce n’est pas le lieu d’en parler. Il nous faut donc rappeler, à titre d’avertissement, que ce ne sont pas les créatures destructibles qui ont été dénombrées à présent pour la louange de Dieu, mais celles qui ont été constituées en vue d’une substance d’éternité.

Et de peur que ce qui demeure éternellement ne soit estimé l’être pour le devoir à une béatitude naturelle liée à sa substance, le psalmiste ajoute : « Il (le Seigneur) a donné un ordre qui ne passera pas » (Ps 148,6) ; cela afin que ce qu’elles sont - à savoir établies pour demeurer éternellement -, ne se comprenne pas comme devoir être dû à leur propre nature, mais soit considéré comme venant du commandement du Seigneur qui peut procurer aux choses contingentes à partir de rien (ex nihilo), une nature d’éternité. En effet, la prescription, dit-il, ne passera pas, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de terme à l’effet de Son commandement ; car, elles demeurent pour toujours ces créatures auxquelles la Puissance de l’éternité a octroyé l’éternité.


Hilaire Psaumes 13829