I-II (trad. Drioux 1852) Qu.101 a.4

ARTICLE IV.-les cérémonies de l'ancienne loi sont-elles convenablement divisées en sacrifices, sacrements, choses sacrées et observances (1) ?


Objections: 1. Il semble que les cérémonies de l'ancienne loi soient divisées à tort en sacrifices, sacrements, choses sacrées et observances. Caries cérémonies de l'ancienne loi figuraient le Christ. Or, il n'y avait de figuratifs que les sacrifices qui représentaient le sacrifice par lequel le Christ s'est offert comme oblation et comme hostie à Dieu, selon l'expression de l'Apôtre (Ep 5,2). Donc il n'y avait que les sacrifices qui fussent des préceptes cérémoniels.

2. La loi ancienne se rapportait à la loi nouvelle. Or, dans la loi nouvelle le sacrifice est le sacrement de l'autel. Donc dans la loi ancienne on n'aurait pas dû distinguer les sacrements des sacrifices.

3. On appelle sacré ce qui a été dédié à Dieu. C'est dans ce sens qu'on disait que le tabernacle et ses vases étaient sacrés. Or, tous les préceptes cérémoniels se rapportaient au culte de Dieu, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.). Donc tous les préceptes cérémoniels étaient sacrés, et par conséquent on n'aurait pas dû faire une distinction spéciale pour les choses sacrées.

4. Les observances viennent du verbe observer. Or, on devait observer tous les préceptes de la loi. Car il est dit (Dt 8,11) : Observez et prenez bien garde d'oublier jamais le Seigneur votre Dieu, et de négliger ses préceptes, ses lois et ses cérémonies. On ne doit donc pas considérer les observances comme une partie des préceptes cérémoniels.

5. On place parmi les préceptes cérémoniels les solennités, puisqu'elles étaient une ombre de l'avenir, comme on le voit (Col 2). On y place aussi les oblations et les présents, comme le dit saint Paul (He 9), et cependant ces choses ne paraissent renfermées dans aucune partie de la division précitée. Donc cette division n'est pas exacte.

En sens contraire Mais c'est lc contraire. Dans l'ancienne loi on appelle cérémonie chacune des choses que nous avons désignées. En effet on appelle ainsi les sacrifices (Nb 15,24) : Ils offriront un veau avec l'oblation de la farine, comme le prescrivent les cérémonies. Il est dit du sacrement de l'ordre (Lv 7,35, Voici l'onction d'Aaron et de ses fils dans les cérémonies du Seigneur. On lit aussi à l'égard des choses sacrées (Ex 38,21) : Ce sont là tous les instruments de l'arche d'alliance énumérés par l’ordre de Moïse dans les cérémonies des lévites. Enfin au sujet des observances on trouve (1R 9,6) : Si vous vous écartez en ne me suivant pas et en n'observant pas les cérémonies que je vous ai prescrites.

CONCLUSION. — Les cérémonies de l'ancienne loi sont ou les sacrifices dans lesquels consiste tout particulièrement lc culte de Dieu, ou les choses sacrées qui appartiennent aux instruments du culte divin; ou les sacrements qui se rapportent à la sanctification du peuple ou des prêtres ; ou enfin les observances par lesquelles on distingue ceux qui honorent Dieu de ceux qui ne l'honorent pas.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 1 et 2 huj. quaest.), les préceptes cérémoniels se rapportent au culte de Dieu. On peut considérer dans le culte le culte lui-même, les individus qui le pratiquent, et les instruments dont ils se servent. Le culte lui-même consiste spécialement dans les sacrifices que l'on offre par respect pour Dieu. Les instruments du culte appartiennent aux choses sacrées, comme le tabernacle, les vases, etc. Par rapport aux individus on peut considérer deux choses : leur institution pour le culte divin, ce qui se fait par une consécration du peuple ou des ministres, et c'est à cela que se rapportent les sacrements; et enlin leur manière de vivre par laquelle on les distingue de ceux qui n'adorent pas Dieu, et c'est à cette dernière chose qu'appartiennent les observances qui regardent la nourriture, les vêtements, etc.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que les sacrifices devaient être offerts dans certains lieux et par des personnes déterminées et que tout cela appartient au culte de Dieu. Par conséquent comme les sacrifices figurent le Christ immolé, de même les sacrements et les choses sacrées de la loi ancienne figuraient les sacrements et les choses sacrées de la loi nouvelle, et les observances figuraient la vie que devait mener le peuple sous la loi évangélique (1); ainsi toutes ces choses se rapportent au Christ.

2. Il faut répondre au second, que le sacrifice de la loi nouvelle, c'est-à-dire l'eucharistie, renferme le Christ qui est l'auteur de la sanctification. Car il a sanctifié le peuple par son sang, comme le dit l'Apôtre (He 13,12). C'est pourquoi ce sacrifice est aussi un sacrement. Mais les sacrifices de la loi ancienne ne renfermaient pas le Christ, ils le figuraient seulement, et c'est pour cette raison qu'on ne les appelle pas des sacrements. D'ailleurs il y avait dans la loi ancienne des sacrements qui étaient la figure des nôtres, bien qu'il y eût des sacrifices qui s'adjoignissent à certaines consécrations.

3. Il faut répondre au troisième, que les sacrifices et les sacrements étaient aussi des choses sacrées, mais il y avait des choses sacrées, c'est-à-dire dédiées au culte de Dieu, qui n'étaient ni des sacrifices, ni des sacrements : c'est pour ce motif qu'elles conservaient le nom de choses sacrées.

4. Il faut répondre au quatrième, que les prescriptions qui concernaient la manière de vivre du peuple de Dieu conservaient en général le nom d'observances ,^avce qu'elles étaient inférieures aux choses sacrées. Car on ne les appelait pas des choses sacrées, parce qu'elles n'avaient pas un rapport immédiat au culte de Dieu, comme le tabernacle et ses vases, mais elles se rattachaient par voie de conséquence aux préceptes cérémoniels parce, qu'elles servaient à rendre le peuple propre au culte de Dieu.

5. Il faut répondre au cinquième, que comme on offrait les sacrifices dans un lieu déterminé, de même on les offrait aussi à des époques particulières. Par conséquent les solennités paraissent être rangées parmi les choses sacrées. Les oblations et les présents sont comptés parmi les sacrifices, parce qu'on les offrait à Dieu. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (He 5,1) : Tout Pontife est pris d'entre les hommes et est établi pour eux, en ce qui regarde le culte de Dieu, afin qu'il offre des dons et des sacrifices pour les péchés.

(1) La division indiquée ici par saint Thomas est suivie par la plupart des théologiens, et le pape Eugène IV l'a adoptée au coucile de Florence : Sacrosancta Romana Ecclesia firmiter credit, profitetur et docet legalia Veteris Testamenti seu Mosaica! legis : quae dividuntur in coeremonias, sacra, sacrificia, sacramenta, cessasse.
(I) C'est ce qui se trouve démontré dans la question suivante.



QUESTION CII.

DES CAUSES DES PRÉCEPTES CÉRÉMONIELS.


Nous avons maintenant à nous occuper des causes des préceptes cérémoniels. A ce sujet six questions se présentent : i°Les préceptes cérémoniels ont-ils une cause ? — 2° Ont-ils une cause littérale ou figurative ? — 3° Des causes des sacrifices. — 4° Des causes des choses sacrées. — 5° Des causes des sacrements. — 6° Des causes des observances.


ARTICLE I. — les préceptes cérémoniels ont-ils une cause (1)?


Objections: 1. Il semble que les préceptes cérémoniels n'aient pas de cause. Car à l'occasion de ces paroles de l'Apôtre (Ep 2,15) : Legem mandatorum decretis evacuans la glose dit (interi.): annulant la loi ancienne quant aux observances charnelles par les décrets, ou les préceptes évangéliques qui sont conformes à la raison. Or, si les observances de l'ancienne loi avaient eu une raison d'être, les décrets raisonnables de la loi nouvelle les auraient en vain annulés. Donc ces observances cérémonielles n'en avaient pas.

2. La loi ancienne a succédé à la loi de nature. Or, dans la loi de nature il y eut un précepte qui n'avait pas d'autre raison que d'éprouver l'obéissance de l'homme, comme le remarque saint Augustin (Sup. Gen. ad litt. lib. viii, cap. 6 et 13) en parlant de la défense qui portait sur l'arbre de vie. Il devait donc y avoir aussi dans la loi ancienne des préceptes qui eussent seulement pour objet d'éprouver l'homme et qui fussent par eux-mêmes sans raison.

3. On dit que les oeuvres de l'homme sont morales, selon qu'elles procèdent de la raison. Par conséquent si les préceptes cérémoniels existaient pour une raison quelconque, ils ne différeraient pas des préceptes moraux. Il semble donc qu'ils n'aient pas de cause, car la raison du précepte se tire de sa cause.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit (Ps 18,9) : Le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux. Or, les préceptes cérémoniels sont des préceptes de Dieu. Donc ils sont lumineux. Ce qui n'aurait pas lieu, s'ils n'avaient une cause raisonnable.

CONCLUSION. — Puisque d'après l'Apôtre tout ce qui vient de Dieu est ordonné, il est nécessaire que les préceptes cérémoniels se rapportent à une fin d'après laquelle on puisse leur assigner des causes raisonnables.

Réponse Il faut répondre que puisque le sage ordonne toutes choses, d'après Aristote (Met. lib. i, cap. 2), il faut que ce qui procède de la divine sagesse ait été ordonné, comme le dit saint Paul (Rom. xiii). Or, pour que des choses soient ordonnées il faut deux conditions. La première c'est qu'elles se rapportent à la fin légitime qui est le principe de tout ordre en matière pratique; car les choses qui arrivent par hasard, contrairement à l'intention finale qu'on avait, ou celles qui ne se font pas sérieusement, mais en plaisantant, nous disons qu'elles n'ont pas été ordonnées. La seconde c'est que le moyen soit proportionné à la fin. D'où il suit que la raison des moyens se tire de la fin, comme la raison de la disposition d'une scie provient de l'intention qu'on a eu de la faire couper, ce qui est la fin qu'on s'est proposée, comme le dit Aristote (Phys. lib. n, text. 88). Or, il est évident que les préceptes cérémoniels, comme tous les autres préceptes de la loi, ont été établis par la divine sagesse. C'est pourquoi il est dit (Dt 4,8) : C'est votre loi qui fera paraître votre sagesse et votre intelligence devant les peuples. Il est donc nécessaire de reconnaître que les préceptes cérémoniels ont été établis pour une fin, d'après laquelle on peut assigner leurs causes raisonnables (2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que les observances de l'ancienne loi considérées en elles-mêmes n'avaient pas de raison, par exemple il n'y avait pas de raison pour qu'un vêtement ne fût pas de laine et de lin. Mais considérées par rapport à leur fin, elles avaient une raison ; ainsi elles figuraient une chose ou excluaient une autre ; tandis que les décrets de la loi nouvelle, qui consistent principalement dans la foi et l'amour de Dieu, sont par par la nature même de leur acte des choses raisonnables.

2. Il faut répondre au second, qu'on ne défendit pas à nos premiers parents de toucher à l'arbre de la science du bien et du mal, parce que cet arbre était naturellement mauvais, mais cette défense eut sa raison par rapport à la fin à laquelle cet arbre se rapportait, c'est-à-dire relativement à ce qu'il avait de figuratif. C'est ainsi que les préceptes cérémoniels ont une raison d'être quand on les considère par rapport à leur fin.

3. Il faut répondre au troisième, que les préceptes moraux considérés en eux-mêmes ont des causes raisonnables, comme ces préceptes : Vous ne tuerez, pas, vous ne volerez pas, tandis que les préceptes cérémoniels n'ont de causes raisonnables qu'autant qu'on les considère par rapport à leur fin, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

(I) It n'y a rien dans les oeuvres de Dieu qui n'ait une cause Nihil in terrd $ine causd fit (Job, V).
(2) Dans l'article suivant saint Thomas détermine quelle est la nature de ces causes.


ARTICLE II. — les préceptes cérémoniels ont-ils une cause littérale ou seulement figurative?


Objections: 1. Il semble que les préceptes cérémoniels n'aient pas de cause littérale, mais qu'ils n'aient qu'une cause figurative. Car les principaux d'entre ces préceptes étaient la circoncision et l'immolation de l'agneau pascal. Or, ces deux choses n'avaient qu'une cause figurative, puisqu'elles avaient été données l'une et l'autre comme signe. En effet on lit dans la Genèse (Gn 17,11) : Vous circoncirez votre chair, afin que cette circoncision soit la marque de V alliance que je fais avec vous. Et il est dit à l'égard de la célébration de la Pâque (Ex 13,9) : Elle sera comme un signe dans votre main et comme un monument devant vos yeux. Donc à plus forte raison les autres préceptes cérémoniels n'ont-ils qu'une cause figurative.

2. L'effet est proportionné à sa cause. Or, tous les préceptes cérémoniels sont figuratifs, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 2). Donc ils n'ont qu'une cause figurative.

3. Ce qui de soi peut être indifféremment d'une manière ou d'une autre, ne paraît pas avoir une cause littérale. Or, parmi les préceptes cérémoniels il y en a qui peuvent être exécutés indifféremment d'une manière ou d'une autre ; tel est, par exemple, le nombre des animaux qu'on doit offrir et toute autre circonstance particulière de cette nature. Donc les préceptes de l'ancienne loi n'ont pas une raison littérale.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Comme les préceptes cérémoniels figuraient le Christ, de même aussi les histoires de l'Ancien Testament (1). Car il est dit (1Co 10,11) que tout se passait en figures. Or, dans les histoires de l'Ancien Testament, indépendamment du sens mystique ou figuré il y a encore le sens littéral. Donc les préceptes cérémoniels indépendamment des causes figuratives avaient encore des causes littérales.

CONCLUSION. — Puisque la raison des moyens doit se prendre de la fin, les cérémonies de l'ancienne loi doivent avoir une raison littérale, selon qu'elles se rapportent au culte de Dieu, et elles doivent avoir une raison mystique, selon qu'elles figurent le Christ.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), la raison des moyens doit se prendre de la fin. Or, les préceptes cérémoniels avaient deux sortes de fin. Ils étaient établis pour honorer Dieu dans un temps et pour figurer le Christ; comme les paroles des prophètes regardaient le temps présent et étaient à la fois la figure de l'avenir, selon la remarque de saint Jérôme (Sup. Os. cap. i Abiit et accepit). On peut donc par conséquent considérer les raisons des préceptes cérémoniels de l'ancienne loi de deux manières : 1° par rapport au culte divin que l'on devait observer à cette époque; et ces raisons sont littérales, soit qu'elles aient pour but d'éviter l'idolâtrie, soit qu'elles rappellent quelques-uns des bienfaits de Dieu ; soit qu'elles manifestent l'excellence de la Divinité; soit qu'elles indiquent la disposition d'esprit qui était alors exigée des adorateurs de Dieu (1). 2° On peut assigner leurs causes ou leurs raisons selon qu'ils étaient établis pour figurer le Christ. Sous ce rapport leurs raisons étaient figuratives et mystiques, soit qu'on les applique au Christ et à l'Eglise, ce qui appartient au sens allégorique, soit qu'on les applique aux moeurs des chrétiens, ce qui constitue le sens moral, soit qu'on les rapporte à la gloire future où le Christ doit nous introduire, ce qui revient au sens anagogique.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme l'intelligence du sens métaphorique dans les Ecritures est littéral, parce que les mots ont été employés précisément pour qu'ils aient cette signification, de même  le sens des cérémonies légales qui sont commémoratives des bienfaits de Dieu ou de toute autre chose qui appartient à l'état présent de ce monde, ne sortent pas de l'ordre des causes littérales. Il faut donc qu'on dise de la célébration de la Pâque qu'elle est le signe de la délivrance de l'Egypte, et qu'on dise de la circoncision qu'elle est le signe de l'alliance que Dieu a faite avec Abraham ; ce qui se rapporte à la cause littérale.

2. Il faut répondre au second, que cette raison serait concluante, si les préceptes cérémoniels avaient été donnés exclusivement pour figurer l'avenir mais non pour honorer Dieu dans le présent.

3. Il faut répondre au troisième, que, comme dans les lois humaines nous avons dit (quest. xcvi, art. 1) qu'elles ont en général une raison, mais que relativement à leurs conditions particulières elles dépendent de la volonté de ceux qui les instituent, de même il y a dans les cérémonies de l'ancienne loi une foule de déterminations particulières, qui n'ont pas de cause littérale, mais qui n'ont qu'une cause figurative (2), bien que considérées en général ces mêmes cérémonies aient une cause littérale.

(I) La manière dont Eve fut formée de la cote d'Adam, l'arche de Noé et le sacrifice d'Abraham, sont autant de faits figuratifs.
(1) Toutes ces disjonctions indiquent autant de points de vue particuliers sous lesquels on peut envisager les préceptes cérémoniels dans leur sens littéral.
(2) C'est ce qui a égaré souvent les incrédules et ce qui les a empêchés de saisir le véritable sens de ces cérémonies. Alors ils en ont pris occasion de blasphémer ce qu'ils ignoraient.


ARTICLE III. — peut-on assigner une raison convenable des cérémonies qui appartiennent aux sacrifices (3) ?


Objections: 1. Il semble qu'on ne puisse pas assigner une raison convenable des cérémonies qui appartiennent aux sacrifices. Car on offrait en sacrifice ce qui est nécessaire pour soutenir la vie de l'homme, comme des animaux et des pains. Or, Dieu n'a pas besoin d'un tel soutien, suivant ces paroles du Psalmiste (Ps 49,13) : Mangerai-je les chairs de vos taureaux ou boirai-je le sang de vos boucs ? Donc c'est à tort qu'on offrait à Dieu ces sacrifices.

2. On n'offrait pour le sacrifice divin que trois genres de quadrupèdes, des boeufs, des brebis et des boucs ; en fait d'oiseaux on offrait en général des tourterelles et des colombes ; sauf pour la purification des lépreux où l'on faisait un sacrifice de passereaux. Or, il y a beaucoup d'autres animaux plus nobles que ceux-là, et puisqu'on doit offrir à Dieu ce qu'il y a de meilleur, il semble qu'on n'aurait pas dû seulement offrir ces choses en sacrifices.

3. Comme l'homme tient de Dieu l'empire qu'il exerce sur les oiseaux du ciel et sur les bêtes de la terre, de même celui qu'il a sur les poissons. Donc c'est à tort que les poissons étaient exclus des sacrifices divins.

4. La loi ordonnait indifféremment d'offrir des tourterelles et des colombes. Par conséquent, comme il était commandé d'offrir les petits des colombes, on aurait dû de même offrir aussi les petits des tourterelles.

5. Dieu est l'auteur de la vie non-seulement des hommes, mais encore des animaux, comme on le voit par ce qui est dit (Gn 1). Or, la mort étant opposée à la vie, on n'aurait donc pas dû offrir à Dieu des animaux tués, mais des animaux vivants; surtout puisque l'Apôtre nous exhorte (Rm 12,1) à lui offrir nos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux.

6. Si les animaux n'étaient offerts à Dieu qu'après qu'ils étaient tués, il semble qu'il était indifférent de les faire périr d'une manière ou d'une autre. C'est donc à tort que l'on détermine le mode d'immolation, surtout à l'égard des oiseaux, comme on le voit (Lv 1).

7. Tout défaut dans un animal mène à la corruption et à la mort. Si donc on offrait à Dieu des animaux tués, on a eu tort de défendre l'immolation d'un animal imparfait, tel que d'un animal boiteux, ou aveugle, ou qui eût quelque tache.

8. Ceux qui offrent des hosties à Dieu doivent y participer, d'après ce mot, de l'Apôtre (1Co 10,18): Ceux qui mangent les hosties ne participent-ils pas de l'autel? C'est donc à tort que l'on enlevait certaines parties des victimes à ceux qui les offraient, comme le sang, la graisse, la poitrine et l'épaule droite.

9. Comme on offrait les holocaustes pour honorer Dieu, de même aussi les hosties pacifiques et les hosties pour le péché. Or, on n'offrait à Dieu en holocauste aucun animal du sexe féminin, bien qu'on eût offert des holocaustes de quadrupèdes aussi bien que d'oiseaux. Donc on avait tort, dans les hosties pacifiques et dans les sacrifices pour le péché, d'offrir des animaux du sexe féminin, et de ne pas offrir des oiseaux pour des hosties pacifiques.

0. Toutes les hosties pacifiques paraissent être du même genre. On n'aurait donc pas dû établir cette différence, c'est qu'on ne pourrait pas manger la chair de certaines hosties pacifiques le lendemain, tandis qu'on pourrait manger celles d'autres hosties, comme on le voit (Lv 7).

1. Tous les péchés ont ceci de commun, c'est qu'ils éloignent de Dieu. Donc pour tous les péchés on n'aurait dû offrir qu'un seul genre de sacrifice pour se réconcilier avec lui.

2. Tous les animaux qu'on offrait en sacrifice, on ne les offrait que d'une seule manière, c'est-à-dire après qu'ils étaient tués. Il ne semble donc pas convenable qu'on ait offert de différentes manières les fruits de la terre. Ainsi tantôt on offrait les épis, tantôt la farine, tantôt le pain, qui avait été cuit quelquefois dans le four, d'autres fois dans la poêle ou sur le gril.

3. Nous devons rendre hommage à Dieu pour toutes les choses dont nous faisons usage. C'est donc à tort qu'indépendamment des animaux on n'ait offert à Dieu que le pain, le vin, l'huile, l'encens et le sel.

4. Les sacrifices corporels expriment le sacrifice intérieur du coeur par lequel l'homme offre son esprit à Dieu. Or, il y a dans le sacrifice intérieur plus de cette douceur dont le miel est le symbole, qu'il n'y a de cette aigreur que le sel représente. Car il est dit (Eccles. 24, 27) : Mon esprit est plus doux que le miel. C'est donc à tort que dans les sacrifices on défendait de mettre du miel et du levain, ce qui donne au pain un bon goût, et qu'on ordonnait de mettre du sel, ce qui est un mordant, et de l'encens qui a une saveur amère. Il semble donc, que ce qui appartient aux cérémonies des sacrifices n'ait pas une cause raisonnable.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit (Lv 1,9) : Le prêtre brûlera toutes les offrandes sur l'autel pour en faire au Seigneur un holocauste d'agréable odeur. Or, selon l'expression de la Sagesse (Sg 7,28) : Dieu n'aime que celui qui habite avec la sagesse. D'où l'on peut conclure que tout ce qui est agréable à Dieu est sage, et que par conséquent les cérémonies des sacrifices étaient sagement établies, c'est-à-dire qu'elles avaient des causes raisonnables.

CONCLUSION.— Selon que les sacrifices se rapportaient au culte de Dieu, leur cause provenait ou de ce qu'ils élevaient l'âme de l'homme vers lui, ou de ce qu'ils l'éloignaient de l'idolâtrie ; selon qu'ils figuraient le Christ, ils eurent pour cause sa passion et son immolation volontaire qu'ils représentaient.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), les cérémonies de l'ancienne loi avaient une double cause: l'une littérale d'après laquelle elles se rapportaient au culte de Dieu ; l'autre figurative ou mystique, selon qu'elles avaient pour but de figurer le Christ. A ce double point de vue, on peut convenablement assigner la cause des cérémonies qui appartenaient aux sacrifices. Car, suivant que les sacrifices se rapportaient au culte de Dieu, on peut leur assigner deux sortes de cause. La première, c'est qu'ils représentaient le rapport de l'âme à Dieu, et qu'ils excitaient celui qui les offrait à s'unir à lui. Or, pour que l'âme soit en bon rapport avec Dieu, il faut qu'elle reconnaisse qu'elle tient de lui, comme de son premier principe, tout ce qu'elle possède et qu'elle le lui rapporte comme à sa fin dernière. C'est ce que les oblations et les sacrifices (1) représentaient. Car l'homme en offrant à Dieu pour sa gloire différentes choses, reconnaissait qu'il les tenait de lui, d'après ces paroles de David (1Ch 29,14) : Tout est à vous, Seigneur, et nous vous avons donné ce que nous avons reçu de votre main. C'est pourquoi dans l'oblation des sacrifices l'homme protestait que Dieu était le premier principe de la création, et la fin dernière à laquelle tout doit être rapporté. Et parce que la droiture des rapports que l'homme doit avoir avec Dieu exige qu'il ne reconnaisse que lui pour le premier auteur des êtres et qu'il ne place pas sa fin dans un autre, il était défendu dans la loi d'offrir un sacrifice à un autre qu'à Dieu, d'après ces paroles (Ex 22,29) : Celui qui immole à d'autres dieux qu'au Seigneur sera mis à mort (2). On peut donc assigner une première cause raisonnable aux cérémonies qui regardent les sacrifices. — La seconde cause provient de ce qu'ils éloignaient les hommes des sacrifices idolâtriques. Aussi les préceptes qui regardent les sacrifices n'ont-ils été donnés au peuple juif qu'après qu'il se fut laissé entraîner à l'idolâtrie, en adorant le veau d'or; comme si ces sacrifices avaient été établis pour que le peuple, qui avait de la propension à sacrifier, offrît plutôt ses sacrifices à Dieu qu'aux idoles. C'est ce qui fait dire au prophète (Jr 7,22) : Je n'ai pas dit à vos pères et je ne leur ai pas ordonné au jour où je les ai tirés de l'Egypte de m'offrir des holocaustes et des victimes. — Mais parmi tous les dons que Dieu a accordés au genre humain depuis qu'il est tombé dans le péché, le premier de tous est le don qu'il lui a l'ait de son Fils, selon cette parole de saint Jean (Jn 3,16) : Dieu a tellement aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique, afin que celui qui croit en lui ne périsse pas, mais qu'Hait la vie éternelle. C'est pourquoi le plus grand de tous les sacrifices, c'est celui par lequel le Christ s'est offert lui-même à Dieu en odeur de suavité, selon l'expression de saint Paul (Ep 5,2). C'est pour ce motif que tous les autres sacrifices étaient offerts dans l'ancienne loi pour figurer ce sacrifice unique et tout particulier, comme on représente ce qui est parfait par des choses imparfaites. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (He 10,44) que les prêtres de l'ancienne loi offraient plusieurs fois les mêmes hosties qui ne pouvaient jamais effacer les péchés, mais que le Christ n'en a offert qu'une seule pour tous les péchés. Et comme la raison de la figure se prend de l'objet qu'elle représente, il s'ensuit que les raisons des sacrifices figuratifs de l'ancienne loi doivent se prendre du véritable sacrifice du Christ.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que Dieu ne voulait pas qu'on lui offrit ces sacrifices à cause des choses offertes, comme s'il en avait eu besoin. Aussi il dit (Is 1,44) : Les holocaustes de vos béliers, et la graisse de vos troupeaux, et le sang de vos génisses, de vos agneaux et de vos boucs, je n'en veux pas. Mais il voulait qu'on les lui offrit, comme nous l'avons dit (art. préc.), soit pour détourner les Juifs de l'idolâtrie, soit pour exprimer la manière dont le coeur de l'homme devait se rapporter à lui, soit pour figurer le mystère de la Rédemption du genre humain par le Christ.

2. Il faut répondre au second, que relativement à toutes ces choses il y a eu une raison de convenance pour laquelle on offrait à Dieu ces animaux et on ne lui en offrait pas d'autres. 4° C'était pour détourner de l'idolâtrie ; parce que les idolâtres offraient tous les autres animaux à leurs dieux ou s'en servaient pour des maléfices. Les Egyptiens, au milieu desquels les Juifs avaient vécu, avaient en abomination le meurtre des animaux que Moïse fit offrir, et c'est pour cette raison qu'ils ne les sacrifiaient pas à leurs dieux. Aussi est-il dit dans la loi (Ex 8,26) : Nous immolerons au Seigneur notre Dieu les animaux dont la mort est une abomination aux yeux des Egyptiens. Car les Egyptiens adoraient les brebis et les boucs, parce que c'était sous leur figure que les démons leur apparaissaient, et ils se servaient des boeufs pour l'agriculture dont ils faisaient une chose sacrée. 2° Ces sacrifices étaient convenables pour exprimer les rapports qui doivent exister entre l'esprit de l'homme et Dieu, et cela pour deux motifs : d'abord parce que ce sont surtout ces animaux qui soutiennent la vie de l'homme, et que par là même qu'ils sont très-purs ils se nourrissent d'aliments qui sont très-purs aussi. Les autres animaux sont au contraire des animaux sauvages qui ne servent pas généralement à l'usage de l'homme, ou si ce sont des animaux domestiques, ils se nourrissent d'aliments grossiers et immondes, comme le porc et la poule. Or, on ne doit offrir à Dieu que ce qui est pur. On offrait tout particulièrement des colombes et des tourterelles, parce que ces oiseaux étaient très-communs dans la terre promise. Ensuite la pureté de l'esprit est désignée par l'immolation de ces animaux. Car, comme le dit la glose (1) (in prooem. ad Levit. vers, fin.), nous offrons un veau, quand nous triomphons de l'orgueil de la chair; un agneau quand nous réprimons les mouvements contraires à la raison; un bouç quand nous sommes maîtres de nos passions charnelles ; une tourterelle quand nous conservons la chasteté; des pains azymes, quand nous sommes à l'égard de nos semblables remplis de la plus grande sincérité. Quant à la colombe il est évident qu'elle désigne la simplicité et la chasteté du coeur. 3° Il á été convenable d'offrir ces animaux en figure du Christ, parce que, comme on le voit au même endroit de la glose, le Christ est immolé sous la figure du veau à cause de la vertu de la croix, sous celle de l'agneau à cause de son innocence, sous celle du bélier à cause de sa puissance, sous celle du bouc parce qu'il a pris la ressemblance de notre chair de péché. La tourterelle et la colombe montraient l'union des deux natures, ou si l'on veut la tourterelle représentait la chasteté et la colombe la charité, et l'aspersion de la farine de froment figurait les chrétiens qui devaient être lavés par l'eau du baptême.

3. Il faut répondre au troisième, que les poissons qui vivent dans l'eau sont plus étrangers à l'homme que les autres animaux qui vivent dans l'air, comme l'homme lui-même. De plus, une fois que les poissons sont hors de l'eau ils meurent immédiatement; ils ne pouvaient donc pas être offerts dans le temple comme les autres animaux.

4. Il faut répondre au quatrième, que les tourterelles sont meilleures que leurs petits, tandis que c'est le contraire pour les colombes. C'est pourquoi, comme le dit Maimonide ( lib. iii , Dux errant, cap. 47), la loi ordonne d'offrir des tourterelles et les petits des colombes ; parce qu'on doit offrir à Dieu tout ce qu'on a de mieux.

5. Il faut répondre au cinquième, qu'on tuait les animaux offerts en sacrifice parce que les hommes ne les mangent qu'après qu'ils sont tués, et on les faisait passer par le feu, parce que c'est ainsi que se prépare notre nourriture. De même le meurtre des animaux désignait la destruction des péchés, et il indiquait que les hommes avaient mérité la mort par leurs crimes, comme si l'on avait tué ces animaux à leur place pour signifier l'expiation de leurs iniquités. Le meurtre de ces animaux figurait aussi le meurtre du Christ.

6. Il faut répondre au sixième, que la loi déterminait une manière particulière de tuer les animaux immolés, pour exclure celles que les idolâtres employaient en sacrifiant à leurs idoles. Ou bien, d'après Moïse Maimonide (loc. cit. cap. 49), la loi a choisi le genre de mort qui devait le moins faire souffrir les animaux que l'on tuait, et par là elle empêchait ceux qui les offraient d'être cruels, et le corps des animaux était moins dégradé.

7. Il faut répondre au septième, que les animaux qui ont des taches sont ordinairement peu recherchés, et c'est pour cette raison qu'on a défendu à Dieu de les offrir en sacrifices. C'est aussi pour cela qu'il était défendu d'offrir dans la maison de Dieu l'argent d'une prostituée ou le prix d'un chien (Dt 23,48). Pour la même cause on n'offrait pas d'animaux avant leur septième jour, parce que ces animaux étaient encore comme des fruits avortés qui sont sans consistance.

8. Il faut répondre au huitième, qu'il y avait trois genres de sacrifice. L'un qu'on brûlait tout entier et qu'on appelait l'holocauste (1) parce qu'il était tout à fait consumé. On offrait à Dieu ce sacrifice spécialement par respect pour sa majesté et par amour pour sa bonté. Il convenait à l'état de perfection de ceux qui suivent les conseils. C'est pourquoi il était brûlé tout entier, afin de montrer que comme l'animal réduit en vapeurs s'élevait tout entier dans les airs, de même l'homme et tout ce qui lui appartient est soumis au domaine de Dieu et doit lui être offert. — L'autre était le sacrifice pour le péché. On l'offrait à Dieu pour la rémission des péchés. Il convenait à l'état des pénitents qui satisfont pour leurs crimes. Il était divisé en deux parts, dont l'une était brûlée et l'autre servait à l'usage des prêtres pour indiquer que l'expiation des péchés est une oeuvre que Dieu accomplit par le ministère des prêtres. Seulement quand on offrait ce sacrifice pour le péché du peuple entier, ou spécialement pour le péché d'un prêtre, alors on le brûlait tout entier. Car les prêtres ne devaient pas faire usage de ce qu'ils offraient pour leur péché, afin qu'il ne restât rien du péché en eux et parce que dans ce cas il n'y aurait pas eu de satisfaction pour le péché, puisque si ceux qui offrent une chose pour leur péché en faisaient usage, ce serait comme s'ils ne l'offraient pas. — Le troisième sacrifice était appelé l'hostie pacifique (1). On l'offrait à Dieu en action de grâce, ou pour le salut et la prospérité de ceux qui l'offraient, en retour d'un bienfait que l'on devait recevoir ou que l'on avait reçu. Il convenait à l'état de ceux qui progressent en accomplissant les commandements. On le divisait en trois parts : la première était brûlée en l'honneur de Dieu ; la seconde était mangée par les prêtres; la troisième par ceux qui l'offraient pour montrer que le salut de l'homme vient de Dieu, sous la direction de ses ministres et avec la coopération de ceux qui sont sauvés. On avait soin en général que le sang et la graisse ne fussent donnés ni aux prêtres, ni à ceux qui offraient le sacrifice. Le sang était répandu sur le bord de l'autel en l'honneur de Dieu et la graisse était brûlée sur le feu. Ces prescriptions avaient pour but de : 1° détourner de l'idolâtrie. Car les idolâtres buvaient le sang de leurs victimes et en mangeaient les graisses, d'après ces paroles (Dt 32,38) : Ils mangeaient la graisse de leurs victimes et ils buvaient le vin de leurs sacrifices. 2° Elles servaient ensuite à moraliser le peuple. En effet, on défendait aux Juifs l'usage du sang pour qu'ils eussent horreur de le répandre. Ainsi il est dit (Gn 9,4) : Vous ne mangerez pas de chair avec le sang, parce que j'ai en horreur ceux qui le répandent, et je vengerai le vôtre quand il aura été répandu. Ils ne devaient pas manger de la graisse pour éviter la luxure. C'est ce qui fait dire au prophète (Ez 34,3) : Vous tuiez tout ce qui était gras. 3° On recommandait ces choses par respect pour Dieu. Car le sang est surtout nécessaire à la vie (c'est ce qui fait dire que l'âme est dans le sang) et la graisse montre l'abondance de la nourriture. C'est pourquoi pour faire voir que c'est de Dieu que nous tenons la vie et tous les biens que nous possédons, on répandait le sang et on brûlait la graisse par honneur pour lui. 4° Ces choses figuraient l'effusion du sang du Christ et l'abondance de la charité par laquelle il s'est offert à Dieu pour nous. — De ces hosties pacifiques, le prêtre avait la poitrine et l'épaule droite pour exclure une espèce de divination qu'on appelle spatulamantie (2), parce qu'elle se faisait par les pattes des animaux immolés et au moyen d'un os de la poitrine. C'est pourquoi on ne donnait pas ces parties de la victime à ceux qui l'offraient. On indiquait encore par là que la sagesse du coeur était nécessaire au prêtre pour instruire le peuple, ce que représentait la poitrine qui couvre le coeur, et on montrait qu'il lui fallait aussi la force pour supporter ses défauts, ce qui était figuré par l'épaule droite.

9. Il faut répondre au neuvième, que l'holocauste était le plus parfait des sacrifices. On n'offrait en holocauste qu'un male; parce qu'une femelle est un animal imparfait. Les pauvres offraient des tourterelles et des colombes, parce qu'ils ne pouvaient pas offrir d'autres animaux. Comme on offrait gratuitement les hosties pacifiques, personne n'était tenu d'en offrir ; c'était une chose purement volontaire. C'est pourquoi on n'offrait pas ces oiseaux parmi les hosties pacifiques ; on ne les offrait que parmi les holocaustes et les hosties pour le péché qu'il fallait offrir quelquefois. D'ailleurs ces oiseaux conviennent à la perfection des holocaustes, à cause de la hauteur de leur vol, et ils conviennent aussi aux hosties pour le péché, parce qu'ils gémissent au lieu de chanter.

Il faut répondre au dixième, que de tous les sacrifices l'holocauste était le principal, parce qu'on le brûlait tout entier en l'honneur de Dieu et qu'on ne mangeait aucune partie de la victime. L'hostie pour le péché tenait le second rang sous le rapport de la sainteté, parce que les prêtres ne la mangeaient que dans le sanctuaire le jour même du sacrifice. En troisième lieu venaient les hosties pacifiques offertes en action de grâce et que l'on mangeait le jour même, mais dans toute la ville de Jérusalem (1). Enfin au quatrième rang se trouvaient les hosties pacifiques qu'on avait vouées (ex voto) et dont on pouvait manger les chairs le lendemain. La raison de cette gradation, c'est que l'homme est obligé envers Dieu : 1° à cause de sa majesté souveraine; 2° pour les fautes qu'il a commises; 3° pour les bienfaits qu'il en a reçus; 4° pour ceux qu'il en espère.

Il faut répondre au onzième, que les péchés s'aggravent en raison de l'état du pécheur, comme nous l'avons dit (quest. lxxiii, art. 10). C'est pourquoi la loi ordonne d'offrir une autre hostie pour le péché d'un prêtre, et d'un prince ou d'une autre personne privée. Or, il est à remarquer, comme le dit Moïse Maimonide, que plus le péché était grave, et plus était vile l'espèce d'animal offert pour lui. Ainsi la chèvre qui est l'animal le plus vil était offerte pour l'idolâtrie qui est le péché le plus grave; on offrait un veau pour l'ignorance du prêtre et un bouc pour celle du prince.

Il faut répondre au douzième, que la loi sur les sacrifices a voulu pourvoir à la pauvreté de ceux qui les offraient, afin que celui qui ne pourrait pas avoir un quadrupède offrît au moins un oiseau, que celui qui ne pourrait avoir un oiseau offrit un pain, et que s'il ne pouvait offrir un pain , il offrît du moins de la farine ou des épis. La cause figurative de ces choses c'est que le pain signifie le Christ qui est le pain vivant, selon l'expression de saint Jean (Jn 6). Le pain était pour ainsi dire dans l’épi, sous la loi de nature, en la foi des patriarches ; il fut comme la farine sous la loi mosaïque et les prophètes ; il fut un pain formé après que le Verbe se fut uni à notre humanité; il fut brûlé par le feu, c'est-à-dire formé par l'Esprit-Saint dans le sein virginal de sa mère; il fut pour ainsi dire rôti (in sartagine) en passant par les épreuves qu'il eut à souffrir dans le monde ; enfin il fut consumé, comme sur un gril, sur la croix.

Il faut répondre au treizième, que parmi les productions de la terre dont l'homme fait usage, les unes servent à le nourrir, et parmi celles-ci on offrait le pain ; les autres lui servent de boisson, et parmi celles-là on offrait le vin ; d'autres sont un condiment, comme le sel et l'huile qu'on offrait aussi. Enfin il y en a qui sont des remèdes, comme l'encens qu'on offrait et qui est tout à la fois aromatique et fortifiant. Au reste le pain figurait la chair du Christ, le vin son sang par lequel nous avons été rachetés; l'huile la grâce, le sel la science, et l'encens la prière.

Il faut répondre au quatorzième, qu'on n'offrait pas le miel dans les sacrifices à Dieu ; soit parce qu'on avait coutume d'en offrir dans les sacrifices des idoles, soit pour éloigner toute douceur charnelle et tout plaisir sensible de ceux qui veulent sacrifier au Seigneur. On n'offrait pas de levain, pour écarter la corruption, et peut-être (I) aussi parce que les gentils en offraient ordinairement dans leurs sacrifices. Mais on offrait le sel, parce qu'il empêche la putréfaction , et que les sacrifices de Dieu doivent être purs, et parce que le sel désigne aussi le discernement de la sagesse ou la mortification de la chair. On offrait à Dieu de l'encens pour désigner la dévotion de l'esprit qui est nécessaire à ceux qui offrent un sacrifice et aussi pour indiquer l'odeur de la bonne renommée : car l'encens est gras et odoriférant. C'est également pour cette raison que dans le sacrifice de la jalousie on n'offrait point d'encens, parce qu'il provenait plus du soupçon que de la dévotion de celui qui l'offrait.

(3) Nous ferons observer ici que cette explication de la loi ancienne a toujours été considérée par tous les savants comme une des parties les plus admirables de la Somme. C'est le chef-d'oeuvre de celui qui a fait autant de prodiges qu'il a écrit d'articles.
(1) La différence des oblations et des sacrifices est indiquée 2 2"=, quest. lxxxv, art. 5 ad 3).
(2) D' après les Septante l'expression est plus énergique èÇoledpsuOYiaerai : morte eradicabitur, d'après l'édit. sext.
(1) Celle citation est tirée <te la glose manuscrite <VHésycl,ius.
Ce mot vient dos mots eioes D.o-j qui signifie tout entier, ci xx j^ev .brûlé.
(2) Saint Thomas traite en particulier de ce genre de divination et de tous les autres 2* 2", quest. XCV,art. 5 ad I.
(1) A l'égard de tous ces sacrifices on peut consulter avec fruit les explications que donne Mé- zenguy dans son Ancien Testament et le Traité du sacrifice de Jésus-Christ, par Plowden.
(I) C'est-à-dire qu'on pouvait manger l'bostie pacifique, peu importe dans quelle maison, il n'y avait pas de lieu désigné pour cela.
(I) Saint Thomas emploie ici une expression dubitative, parce qu'aucun interprète avant lui n'avait fait la même remarque, et aussi probablement parce que les gentils offraient également du scl et de l'encens, ce qui n'empêchait pas les Hébreux d'en offrir aussi. Homère parle du scl qu'il appelle divin, et Ovide dit en parlant de l'encens (Met. lib. iv) : Templa tibi statuam, solvam tibi Ihuris honores. Il vaut donc mieux s'arrêter à la raison précédente.



I-II (trad. Drioux 1852) Qu.101 a.4