I pars (Drioux 1852) Qu.34 a.3


QUESTION XXXV. : DE L'IMAGE.


Nous allons ensuite parler de l'image. — A cet égard deux questions se présentent : Le mot image est-il dans la Trinité un nom personnel? — T Est-ce un nom propre au Fils.

ARTICLE I. — LE MOT IMAGE EST-IL DANS LA TRINITÉ UN NOM PERSONNEL (1)?


(1) Dans l'Ecriture, le nom d'image est particulièrement attribue au Fils (Colos. I, Io) : Qui est imago Dei invisibilis, primogenitus omnis creatura. (Hebr.i, 5): Qui nunc sit splendor gloriae et figura substantiae ejus. [Sap. vii, 26) : Candor est enim lucis aeternae et speculum sine macula Dei majestatis et imago bonitatis illius.

Objections: 1.. Il semble que le mot image ne soit pas dans la Trinité un nom personnel. Car saint Augustin dit (De fid. ad Pet. cap. 1) : La sainte Trinité est une seule divinité, une seule image d'après laquelle l'homme a été formé. Donc le mot image se rapporte à l'essence et non à la personne.

2.. Saint Hilaire dit (De Stjnod. lib.) que l'image est l'espèce ou la forme parfaitement ressemblante d'une chose. Or, en Dieu l'espèce ou la forme se rapporte à l'essence. Donc aussi l'image.

3.. Une image est une imitation -, elle implique par conséquent un avant et un après. Or, dans les personnes divines il n'y a ni avant, ni après. Donc le mot image n'est pas un nom personnel.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. vu, cap. 1) : Qu'y a-t-il de plus absurde que de dire qu'on est à soi-même son image? Donc le mot image est en Dieu un nom relatif et par conséquent un nom personnel.

CONCLUSION. — Puisque le mot image exprime une origine, c'est par conséquent un nom personnel.

11 faut répondre que la nature de l'image est la ressemblance. Une ressemblance quelconque ne suffît cependant pas pour produire une image, il faut une ressemblance fondée sur l'espèce même de la chose ou sur un signe de cette espèce. Or, dans les choses corporelles, ce signe paraît être surtout la figure. Car nous voyons que les figures des animaux varient avec leur espèce, et qu'il n'en est pas de même de leurs couleurs. C'est pourquoi quand on peint la couleur d'une chose sur un mur, on ne dit pas que c'est son image. L'image n'existe qu'autant qu'on peint sa figure. Mais pour que l'image soit parfaite ce n'est pas assez qu'elle représente l'espèce ou la figure d'une chose, il faut encore qu'elle ait en elle son origine. Car, comme le dit saint Augustin (in lib. lxxxhi [Quaest. quaest. 73 et 74), un oeuf n'est pas l'image d'un autre oeuf, parce qu'il ne sort pas de lui. Pour qu'une image soit vraie et parfaite il faut qu'elle procède d'un autre être qui lui ressemble dans son espèce, ou au moins dans le signe de l'espèce (1). Or, toutes les choses qui supposent en Dieu procession et origine sont personnelles. Donc le mot image est un nom personnel.

(1) Ainsi, pour qu'il y ait image il faut trois choses : 1° il faut que l'image s'accorde sous un rapport avec l'objet qu'elle représente et qu'elle en diffère sous un autre ; 2° il faut qu'elle tire de lui son origine; 3° il faut qu'elle tire sa ressemblance de la force même de sa procession.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on appelle image, à proprement parler, ce qui procède d'après la ressemblance d'un autre. Mais l'être, à la ressemblance duquel celui qui procède est formé, reçoit à proprement parler le nom de type ou d'exemplaire, et ce n'est qu'improprement qu'on lui donne le nom d'image. Saint Augustin (loc. cit.) se sert cependant de ce mot quand il dit que la divine Trinité est l'image d'après laquelle l'homme a été formé.

2. Il faut répondre au second, que le mot espèce, tel que l'entend saint Hilaire (loc. cit.) dans la définition de i'image, est une forme produite dans un être qui émane d'un autre. On dit dans ce sens que l'image d'une chose est son espèce, comme on dit de ce qui ressemble à un être que c'est sa forme, parce qu'il a une forme semblable à lui.

3. Il faut répondre au troisième, que dans les personnes divines l'imitation n'indique aucune espèce de postériorité ; efle exprime seulement une assimilation.


ARTICLE II. — le mot image est-il propre au fils (2)?


(2) Nous avons indiqué, à i'oecasion de l'article précédent, les passages de l'Ecriture qui montrent que le mot image est un nom propre au Fi 1s.

Objections: 1.. Il semble que le mot image ne soit pas propre au Fils. Car saint Jean Damascône dit (De fid. orth. lib. i, cap. 18) : L'Esprit-Saint est l'image du Fils. Donc ce mot n'est pas propre au Fils.

2.. L'image est par sa nature l'expression d'une ressemblance, comme le dit saint Augustin [Quaest., lib. lxxxhi quaest. 73 et 74). Or, l'Esprit-Saint a ce caractère puisqu'il procède d'un autre par manière de ressemblance. Donc l'Esprit-Saint est une image, etpar conséquent ce mot n'est pas propre au Fils.

3.. Il est dit que l'homme est l'image de Dieu dans ce passage de saint Paul : L'homme ne doit pas couvrir sa tête parce qu'il est l'image et la gloire de Dieu (I. Cor. xi, 7). Donc ce nom n'est pas propre au Fils.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. vu, cap. 11) que le Fils seul est l'image du Père.

CONCLUSION. — Puisque dans la Trinité le Fils procède en tant que Acerbe et le Saint-Esprit en tant qu'amour, le nom d'image est propre au Fils et non au Saint-Esprit.

Il faut répondre que les docteurs grecs disent ordinairement que le Saint-Esprit est l'image du Père et du Fils (1), mais que les docteurs latins n'attribuent ce nom qu'au Fils exclusivement, parce que dans les saintes Ecritures il n'y a que le Fils qui soit ainsi appelé. En effet, saint Paul dit du Fils : Qu'il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de la création (Colos,. i, 15). Et ailleurs : Qu'il est. la splendeur de sa gloire et la figure de sa substance (Heb. i, 3). — Les uns disent, pour appuyer l'opinion des docteurs latins, que le Fils est non-seulement delamême nature que le Père, mais qu'ils ont encore la même notion de principe, tandis que l'Esprit-Saint n'a point de notion commune ni avec le Père, ni avec le Fils. Mais cette raison nous paraît insuffisante: Car, comme l'égalité ou l'inégalité ne se fonde pas dans la Trinité sur les relations, suivant la remarque de saint Augustin (De Trin. lib. v, cap. 6), de même la ressemblance qui est la condition essentielle de l'image ne s'y fonde pas non plus. — D'autres disent que le Saint-Esprit ne peut être appelé l'image du Fils parce qu'il serait l'image d'une image, ce qui est impossible. Il ne peut pas être l'image du Père, parce qu'une image doit se rapporter immédiatement à son objet, et le Saint-Esprit ne se rapporte au Père que par le Fils. Une peut pas être l'image du Père et du Fils, parce qu'il serait l'image de deux types, ce qui semble impossible. Il ne peut donc être une image d'aucune manière. Mais cette explication est nulle, parce que le Père etleFils étant le principe unique du Saint-Esprit, comme nous le prouverons (quest. xxxvi, art. 4), rien n'empêche, puisqu'ils sont un, qu'il soiti'image de l'un et de l'autre, car l'homme est l'image unique de la Trinité entière. — II faut plutôt dire, que comme l'Esprit-Saint qui reçoit par sa procession la nature du Père aussi bien que le Fils, n'est pas appelé né ; de même, quoiqu'il reçoive la ressemblance spéciale du Père, on ne dit pas qu'il est son image. La raison en est que le Fils procède comme Verbe, et qu'il est dans sa nature de ressembler parfaitement au principe dont il procède, tandis que le Saint-Esprit procède par amour, et qu'il n'est pas^dans sa nature de représenter, mais d'attirer à lui l'objet aimé (2).

(1) C'est ce que dit saint Athanase dans son Epître à Sèrapion, saint Basile dans son ouvrage contre Eunoniius (lib. T ), saint Cyrille d'Alexandrie (In Joan. lib. n).

(2) Ainsi, le mot image ne convient pas au Saint-Esprit, parce qu'il ne remplit pas la troisième condition que nous avons exigée pour que l'image existe (Voyez pag. 519., note.t).


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Jean Damascène et les autres docteurs grecs emploient ordinairement le mot image pour exprimer une ressemblance parfaite.

2. Il faut répondre au second, que, quoique l'Esprit-Saint soit semblable au Père et au Fils, il ne suit pas de là qu'il soit son image par la raison que nous venons de donner (in corp. art.).

3. Il faut répondre au troisième, que l'image d'une chose peut exister en une autre de deux manières : 1° L'image peut être spécifiquement de même nature que ce qu'elle représente. C'est ainsi que l'image d'un roi existe dans son fils. 2° L'image peut exister dans une chose d'une autre nature. C'est ainsi qu'on voit l'image d'un roi sur une pièce de monnaie. Dans le premier cas, le Fils est en Dieu l'image du Père ; dans le second, l'homme est l'image de Dieu. C'est pourquoi, pour désigner ce qu'il y a d'imperfection dans l'image que l'homme reproduit, on ne dit pas qu'il est l'image, mais qu'il est à l'image de Dieu. On indique par là un effort qui tend à la perfection. Mais on ne peut pas dire du Fils de Dieu qu'il est à l'image du Père, parce qu'il est véritablement son image parfaite.



QUESTION XXXVI. DE LA PERSONNE DE L'ESPRIT SAINT.


Après avoir parlé du Père et du Fils, nous devons maintenant examiner ce qui regarde l'Esprit-Saint qui porte non-seulement ce nom, mais qui est encore appelé Amour et Don de Dieu.—A l'égard de l'Esprit ou doit se faire quatre questions : fLenomd'Es-prit-Saint est-il un nom propre àuue personne divine?—2° Cette personne divine qu'on appelle Esprit-Saint procède-t-ellc du Père et du Fifs? — 3° Procède-1-elle du Père par le Fifs?— 4" Le Père et le Fils sont-ils un seul et même principe de l'Esprit-Saint?

Article I.— le nom d'esprit-saint est-il un nom propre a une personne divine (1)?


(1) Les hérétiques qui ont nié la divinité de l'Esprit-Saint, ce sont les saducéens, qui n'admettaient l'existence d'aucun esprit; Valenti n, qui confondait l'Esprit-Saint avec les anges ; les montanistes , qui prenaient Montan lui-même pour l'Esprit-Saint; les sahelliens, qui niaient la trinité des personnes : Kunomhts. le chef des anoméens, qui faisait de l'Esprit-Saint une créature ; Macédonius, qui nia directement la troisième personne de la sainte Trinité, et qui fut expressément condamné dans le second concile oecuménique ; enfin les socipiens, qui n'ont pas voulu reconnaître dans l'Esprit-Suint une personne divine.

Objections: 1.. Il semble que le nom d'Esprit-Saint ne soit pas un nom propre à une personne divine. Car tout nom qui est commun aux trois personnes n'est pas propre à l'une d'elles. Or, le nom d'Esprit-Saint est commun aux trois personnes. En effet, saint Hilaire prouve (De Trin. Mb. vm) que par Esprit de Dieu on entend dans les saintes Ecritures, tantôt le Père, comme dans ce passage où il est dit : L'Esprit du Seigneur est sur moi (Is. lxi, 1), tantôt le Fils, comme lorsque Jésus-Christ dit lui-même : Je chasse les démons par l'Esprit de Dieu (Matth, xn, 28), voulant montrer qu'il les chassait parla puissance de sa nature, tantôt l'Esprit-Saint, comme dans ces paroles : Je répandrai démon Esprit sur toute chair (Joël, n, 28). Donc le nom d'Esprit-Saint n'est pas un nom propre à l'une des personnes divines.

2.. Les noms des personnes divines, dit Boëce (De Trin.), sont relatifs. Or, le nom d'Esprit-Saint n'est pas un nom relatif. Donc ce n'est pas un nom propre à une personne divine.

3.. Le nom de Fils étant le nom d'une personne divine, on ne peut pas dire qu'il est le Fils de celui-ci ou de celui-là. Or, on dit que l'Esprit appartient à tel ou tel individu. Car le Seigneur dit à Moïse : Je recevrai de votre esprit et je leur donnerai (Num. xi, 17). Et ailleurs : L'esprit d'Elle se reposa sur Elisée (IV. Reg. n, 15). Donc l'Esprit-Saint ne semble pas être le nom propre d'une personne divine.


Mais c'est le contraire. Car saint Jean dit : II y en a trois qui rendent témoignage au ciel, le Père, le Ferbeet l'Esprit-Saint (\. Joan, v, 7), et saint Augustin se demandant qu'est-ce que ces trois? Il répond que ce sont trois personnes (De Trin. lib. vu, cap. 4). Donc l'Esprit-Saint est le nom d'une personne divine.

CONCLUSION. — Le nom d'Esprit-Saint est le nom propre de la personne divine qui procède de l'amour.

II faut répondre que dans la Trinité il y a deux processions, mais que l'une d'elles, celle qui procède de l'amour, n'a pas de nom propre, comme nous l'avons observé (quest. xxvii, art. 4 ad 3). Par conséquent les relations qui se rapportent à cette procession sont également restées sans nom, comme nous l'avons dit aussi (quest. xxviii, art. 4). Pour la même raison, la personne qui procède ainsi n'a pas de nom propre. Mais l'usage ayant consacré pour exprimer ces relations les noms de procession et de spiration, bien qu'ils paraissent plus propres pour exprimer des actes notionnels que des relations, il a également autorisé l'emploi du mot Esprit-Saint pour signifier la personne divine qui procède de l'amour, et il paraît en cela fondé sur le teste même des saintes Ecritures. II y a d'ailleurs deux raisons pour justifier cet usage. La première se déduit de ce que le Saint-Esprit est commun aux deux autres personnes. C'est saint Augustin qui la donne (De Trin. lib. v, cap. 11) : Le Saint-Esprit, dit-il, étant commun aux deux autres personnes, il peut donc prendre pour son nom propre ce qu'elles ont toutes deux de commun. Car le Père est Esprit et le Fils est Esprit; le Père est saint et le Fils est saint. La seconde raison est prise de la signification propre du nom. En effet, le mot esprit [spiritus) paraît signifier dans le monde matériel un certain moteur qui donne l'impulsion. Ainsi, nous donnons ce nom au souffle et au vent. Or, le propre de l'amour est de mouvoir et de pousser la volonté de celui qui aime vers l'objet aimé. D'un autre côté, nous attribuons la sainteté à tout ce qui se rapporte à Dieu comme à sa fin. Il était donc convenable de donner le nom d'Esprit-Saint à la personne divine qui procède de l'amour par lequel Dieu s'aime.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que si l'on décompose le nom d'Esprit-Saint, et qu'on prenne à part chacun des mots dont il est formé, on trouvera qu'il est commun à la Trinité tout entière. En effet, le mot esprit signifie l'immatérialité de la substance divine. L'esprit corporel étant invisible, et ne renfermant presque pas de matière, nous nous sommes emparés de ce mot pour l'appliquer aux substances invisibles et immatérielles. Le mot saint exprime la pureté de la bonté divine. — Mais si on ne décompose pas ce.nom, et qu'on en fasse, pour ainsi dire, un seul mot, l'Eglise a l'usage de signifier par là une des trois personnes divines, celle qui procède de l'amour pour les raisons que nous avons données (in corp. art.) (\).

(1) Le mot Spiritus sanctus n'a pas toujours été exclusivement affecté à la troisième personne de la sainte Trinité. Les anciens Pères, et même quelques-uns de ceux qui ont vécu après le concile de Nicée, l'ont appliqué au Fils. C'est ce qu'ont fait saint Barnabe (Epist, num. G1, Hermas (lib. in, simil.ró\, saint Ignace lEpist.adSmyrn.),saint Institi (Apolog. II), Tatien ( Orat, ad Groec. I ), Tertuîlien ( Apolog. ch. 211, saint Cypricn ( De idolor. vanit.), Lactance ( liv. IV, ch. G et 8), etc. On a même accusé plusieurs d'entre eux d'être tombés dans l'erreur à propos de la sainte Trinité, par suite de la confusion d'idées qui est résultée de cette confusion de mots.

2. Il faut répondre au second, que, quoique le nom à'Esprit-Saitit ne soit pas un nom relatif, on le prend dans ce sens du mêment où on lui fait signifier une personne qui n'est distincte des autres que par la relation. On peut cependant entendre ce nom dans un sens relatif, si par Esprit-Saint on entend la spiration passive (spiritus-spiratus).

3. Il faut répondre au troisième, que par le nom de Fils on ne comprend que la relation qu'il a avec son principe qui est le Père, tandis que par le nom de Père on désigne une relation de principe en général (2). De même par le nom d'Esprit-Saint on comprend une certaine force motrice. Or, la créature ne peut être principe par rapport à une personne divine (3), mais une personne divine peut être principe par rapport aux créatures. C'est pour cette raison que nous pouvons dire : Notre Père, notre Esprit; mais que nous ne pouvons pas dire : Notre Fils.

(2) Par conséquent on le considère non-seulement comme le principe du Fils, mais encore comme le principe de toutes les créatures.

(3) C'est pour cela que nous ne disons pasiVotre Fils.

ARTICLE II. — l'espwt-saint procède-t-il du fils (4)?


(4) Cet article a pour but de réfuter l'erreur des Grecs et des Arméniens, qui ne veulent pas que le Saint-Esprit procède du Fils, et qui font un reproche à l'Eglise romaine d'avoir ajouté à son Symbole Filioque.

Objections: 1.. Il semble que l'Esprit-Saint ne procède pas du Fils. Car, d'après saint Denis, il ne faut pas avoir la témérité d'affirmer de la Divinité autre chose que ce qu'en disent les saintes Ecritures (De div. nom. cap. 1). Or, dans les saintes Ecritures il n'est pas dit que le Saint-Esprit procède du Fils, mais seulement du Père, comme on le voit dans ce passage de saint Jean : Je vous enverrai l'Esprit de vérité qui procède du Père (Joan, xv, 26). Donc l'Esprit-Saint ne procède pas du Fils.

2.. Dans le Symbole dressé au concile oecuménique de Constantinople, on lit (can. 7) : Nous croyons au Saint-Esprit, Seigneur et vivifiant, qui pro--cède du Père, et qu'on doit adorer et glorifier avec le Père et le Fils. On ne devait donc pas ajouter à notre Symbole qu'il procède aussi du Fils, et ceux qui ont fait cette addition paraissent mériter l'anathème.

3.. Saint Jean Damascène dit [De orth. fid. lib. i, cap. 11) : Nous disons que le Saint-Esprit vient du Père, et nous l'appelons l'Esprit du Père ; nous ne disons pas qu'il vient du Fils, mais nous l'appelons l'Esprit du Fils. Donc l'Esprit-Saint ne procède pas du Fils.

4.. Un être ne procède pas de l'être dans lequel il repose. Or, l'Esprit-Saint repose dans le Fils. Car il est dit dans la légende de saint André : Que la paix soit avec vous et avec tous ceux qui croient en un seul Dieu le Père et en son Fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, et enun seul Esprit-Saint qui procède du Père etqui réside dans le Fils. Donc l'Esprit-Saint ne procède pasdu Fils.

5.. Le Fils procède comme Verbe. Or, notre esprit ne semble pas procéder en nous de notre verbe. Donc l'Esprit-Saint ne procède pas du Fils.

6.. L'Esprit-Saint procède parfaitement du Père. Donc il est inutile de dire qu'il procède du Fils.

7.. Dans ce qui est perpétuel, l'être et la possibilité ne diffèrent pas, comme le dit Aristote (Phys. lib. m, text. 32), à plus forte raison se confondent-ils quand il s'agit de la Divinité. Or, l'Esprit-Saint peut être distingué du Fils sans procéder de lui. Car saint Anselme dit dans son livre de la procession de l'Esprit-Saint : Le Fils et le Saint-Esprit reçoivent l'être l'un et l'autre du Père, mais de différente manière, l'un en naissant et l'autre en procédant, de telle sorte qu'ils sont par là même distincts l'un de l'autre. Et il ajoute plus loin : Que quand il n'y aurait pas autre chose pour établir une distinction entre le Fils et le Saint-Esprit, cela seul suffirait. Donc l'Esprit-Saint est distinct du Fils, bien qu'il ne procède pas de lui.


Mais c'est le contraire. Car nous lisons dans le Symbole de saint Athanase : Le Saint-Esprit est produit par le Père et le Fils ; il n'a été ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède.

CONCLUSION. — Le Saint-Esprit procède du Fils, et il en procède si nécessairement que sans cela on ne le distinguerait pas de lui personnellement.

Il faut répondre que le Saint-Esprit doit nécessairement procéder du Fils. Car s'il n'en procédait pas, on ne pourrait pas l'en distinguer personnellement. Ce qui résulte évidemment de ce que nous avons dit (quest. xxvii, art. 3, et quest. xxx, art. 2). En effet, on ne peut pas dire que les personnes divines se distinguent l'une de l'autre par quelque chose d'absolu; parce qu'il suivrait delà que les trois ne formeraient pas une seule et même essence. Car tout ce qu'il y a d'absolu en Dieu se rapporte à l'unité de l'essence. Il faut donc que les personnes divines soient seulement distinguées entre elles par leurs relations. Or, les relations ne peuvent distinguer les personnes qu'autant qu'elles sont opposées. Ainsi, par exemple, le Père a deux relations, dont l'une se rapporte au Fils et l'autre au Saint-Esprit-, ces reiations ne constituent cependant pas deux personnes, parce qu'elles ne sont pas opposées, elles appartiennent à une seule et même personne qui est la personne du Père. Si donc le Fils et le Saint-Esprit n'avaient que deux relations, qui les mettent l'un et l'autre en rapport avec le Père, ces relations ne seraient pas plus opposées entre elles que les deux relations

par lesquelles le Père se rapporte à eux. Par conséquent, comme la personne du Père est une, il suivrait de là que la personne du Fils et du Saint-Esprit serait aussi une seule et même personne qui aurait deux relations opposées aux deux relations du Père. Ce qui est hérétique, puisque le dogme de la Trinité serait par là même détruit (1). Il faut donc que le Fils et le Saint-Esprit se rapportent l'un à l'autre par deux relations opposées. — Or, il ne peut y avoir en Dieu d'autres relations opposées que des relations d'origine, comme nous l'avons prouvé (quest. xxviii, art. 4). Et les relations d'origine ne peuvent être opposées qu'en raison du principe qui produit et du terme qu'il produit. On est donc obligé de dire ou que le Fils procède de l'Esprit-Saint, ce que personne n'avance, ou que le Saint-Esprit procède du Fils, comme nous le prétendons, et comme la nature de la procession de l'un et de l'autre autorise à le croire. — En effet, nous avons dit (quest. xxvii, art. 2 et 4, et quest. xxviii, art. 4) que le Fils procède de l'intelligence, comme Verbe, et que le Saint-Esprit procède de la volonté, comme amour. Or, l'amour doit nécessairement procéder du Verbe. Car nous n'aimons une chose qu'autant que notre esprit en a la conception. D'où il est évident que l'Esprit-Saint procède du Fils. — C'est encore ce que nous apprend l'ordre de la nature. Car nous ne voyons nulle part que plusieurs choses procèdent d'une seule sans qu'il y ait de rapport entre elles, sauf quand il s'agit d'objets qui diffèrent les uns des autres matériellement. Ainsi, un coutelier fabrique beaucoup de couteaux qui sont distincts les uns des autres matériellement, et qui, pour ce motif, n'ont point de rapports réciproques. Mais dans les choses qui ne sont pas ainsi matériellement distinctes, il y a toujours dans la pluralité des objets produits un rapport qui les ordonne les uns à l'égard des autres. C'est ce qui manifeste dans la création l'éclat de la divine sagesse. Donc, s'il y a deux personnes qui procèdent du Père, le Fils et le Saint-Esprit, il faut qu'il y ait un rapport entre ces deux personnes. Et comme il ne peut y avoir d'autre rapport que la relation qui fait que l'un procède de l'autre, il n'est pas possible de ne pas admettre cette procession, et de dire que le Fils et le Saint-Esprit procèdent du Père, sans que l'un procède de l'autre. Car, en se refusant d'admettre cette relation, il faudrait, pour ne pas les confondre, avoir recours à une distinction matérielle, ce qui est impossible.— Aussi les Grecs, tout en niant que le Saint-Esprit procède du Fils, ont-ils néanmoins voulu reconnaître qu'il avait avec le Fils un certain rapport. Car ils accordent quele Saint-Esprit est l'esprit du Fils, et qu'il vient du Père par le Fils. Quelques-uns d'entre eux admettent qu'il vient du Fils ou qu'il en découle, mais, par ignorance ou par entêtement, ils ne veulent pas qu'il en procède. Car, si on approfondit convenablement la question, on verra que le mot de procession est, de tous les mots qui expriment une relation quelconque, le plus commun, puisque nous l'employons pour exprimer une origine quelconque. Nous disons, par exemple, que la ligne procède du point, le rayon du soleil, le ruisseau de la source, et ainsi du reste. On peut donc dire delà même manière que le Saint-Esprit procède du Fils (2).

(1) Cet argument, (ini démontre aux Cirées que leur erreur renverse le dogme de la sainte Trinité , est accepté par le plus grand nombre des théologiens. Il n'f a sucre que Scot, qui a pris à tache de contredire constamment saint Thomas, qui en infirme la valeur.

(2) Entre les Grecs il s'agissait donc beaucoup moins d'une question de doclrine-que d'une affaire d'amour-propre.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que nous ne devons affirmer de Dieu que ce que les Ecritures nous en apprennent, non-seulement quant aux mots, mais encore quant au sens. Ainsi quoique l'Ecriture ne nous dise pas littéralement que le Saint-Esprit procède du Fils, elle nous dit l'équivalent en d'autres termes, surtout dans ce passage de saint Jean où le Fils dit du Saint-Esprit : Il me glorifiera parce qu'il prendra decequi estàmoi(iù&n. xvi, ¦14). D'ailleurs il faut avoir pour règle dans l'explication de la sainte Ecriture d'entendre du Fils ce qui est dit du Père quand même il semblerait que le passage se rapporte exclusivement au Père. Il n'y a d'exception que pour ce qui les distingue l'un de l'autre suivant l'opposition de leurs relations. Par exemple, quand Notre-Seigneur dit : Personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père (Matth, xi, 27), il n'a pas voulu exclure le Fils comme s'il ne se connaissait pas lui-même. Ainsi donc, puisqu'il est dit que le Saint-Esprit procède du Père, quand même il y aurait qu'il ne procède que de lui seul, cette exclusion ne porterait pas sur le Fils, parce que, en tant que principe de l'Esprit-Saint, le Père et le Fils ne sont pas opposés. Il n'y a d'opposition entre eux que celle qui résulte de la relation de paternité et de filiation.

2. Il faut répondre au second, que dans tout concile on a dressé un symbole contre l'erreur qu'on y a condamnée. Par conséquent le dernier concile né faisait pas un autre symbole que le premier, mais il développait ce que celui-ci contenait implicitement et détruisait par quelques additions les subtilités des hérétiques. Ainsi il est dit dans le concile de Chalcédoine que les évoques réunis au concile de Constantinople ont exposé la doctrine de l'Eglise sur l'Esprit-Saint, sans avoir la prétention de rien ajouter aux Pères de Nicée, mais uniquement pour faire connaître leur sentiment contre les hérétiques (1). Comme à l'époque des premiers conciles, l'erreur de ceux qui soutiennent que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils n'avait pas encore paru, il n'a pas été nécessaire d'exprimer explicitement ce point de foi. Mais plus tard cette erreur ayant été soutenue, le souverain pontife par l'autorité duquel les anciens conciles étaient convoqués et confirmés exprima le dogme d'une manière plus positive dans un concile qui se tint en Occident (2). Ce dogme était d'ailleurs implicitement contenu dans la profession de foi qui disait que l'Esprit-Saint procède du Père.

(1) (Vid. Conc, ehalced. art. 5;. Il serait utile de comparer entre elles les décisions du concile de Nieée, de Constantinople , d'Ephèse et de Chalcédoine, pour faire voir que toutes leurs décisions ne sont que le développement d'une même pensée.

(2) Bellarmiu (De Christo, lib. n , cap. 20) et plusieurs autres auteurs ont pensé que l'addition du Filioque avait été faite au vif siècle, vers l'époque du sixième concile oecuménique. Saint Thomas parait avoir été de ce sentiment, car il n'est pas lacile de préciser de quel concile il veut parler. Mais il est certain que cette addition fut d'abord faite en Espagne vers le V* siècle. Elle passa de l'Espagne dans les Gaules vers le Mil" siècle. Elle n'était pas encore en usage à Rome au commencement du IX* siècle, mais elle y était admise sur la fin de ce même siècle.

3. Il faut répondre au troisième, que les partisans de Nestorius ont nié les premiers que le Saint-Esprit procède du Fils (3), comme on peut s'en convaincre par un symbole des nestoriens condamné au concile d'Ephèse. Théodoret (4) le nestorien soutint cette erreur et après lui plusieurs autres l'embrassèrent. Saint Jean Damascène fut du nombre, c'est pourquoi on ne doit pas s'en rapporter à son sentiment. Cependant il y a des auteurs qui disent que si saint Jean Damascène ne reconnaît pas que le Saint-Esprit procède du Fils, il ne résulte pas non plus de ses paroles qu'il le nie.

(3) Pour bien comprendre les passages des Pères sur cette question, il faut se rappeler que l'Eglise eut d'abord à prouver que le Saint-Esprit procède du Père contre Eunomius et les ariens, qui attaquaient le dogme de la Trinité. Les Pères du concile de Nicéc mirent dans le Symbole Qui à Paire procedit sans autre explication, parce qu'ils ne songèrent qu'il condamner ces premiers hérétiques. Ce ne fut qu'au V siècle qu'on mit en question si le Saint-Esprit procède aussi du Fils.

(4) Théodorot fut en effet le premier auteur de cette erreur, d'aprèsRellarmin.(De Christ, lib. II, cap. 21), Pétau (De Trin. lib. m, cap. I), Garnier (De fid. Theodoreti, disserl. m, cap. i ) et plusieurs autres erudito.

4. II faut répondre au quatrième, que de ce que le Saint-Esprit repose ou réside dans le Fils il ne s'ensuit pas qu'il ne procède pas de lui. Car on dit que le Fils réside dans le Père, bien qu'il en procède. On dit aussi que l'Esprit-Saint repose dans le Fils, soit comme l'amour de celui qui aime repose dans l'objet aimé, soit qu'il s'agisse de la nature humaine du Christ dont il est écrit : Celui sur qui vous verrez descendre et demeurer le Saint-Esprit, c'est celui qui baptise, etc. (Joan, i, 33).

5. Il faut répondre au cinquième, que danslaTrinité on n'assimilepas le Verbe à la parole matérielle de laquelle l'Esprit ne procède pas, parce que dans ce cas ce serait donner au mot Verbe un sens métaphorique; on ne le compare qu'au Verbe que nous concevons dans notre esprit, duquel procède l'amour.

6. Il faut répondre au sixième, que de ce que l'Esprit-Saint procède parfaitement du Père, il n'est pas inutile de dire qu'il procède aussi du Fils; c'est au contraire absolument nécessaire, parce que le Père et le Fils ont la même vertu. Ainsi tout ce qui vient du Père doit venir aussi du Fils; il n'y a d'exception que pour ce qui serait contraire à ce qui est propre au Fils, c'est-à-dire à la filiation. Ainsi par là même que le Fils procède du Père, il ne peut avoir comme le Père l'innascibilité et ne relever que de lui-même (I).

(1) C'est-à-dire il n'est pas à se, mais il est ab alio.

7. Il faut répondre au septième, que l'Esprit-Saint se distingue personnellement du Fils en ce que l'origine de l'un se distingue de l'origine de l'autre. Or, cette différence d'origine repose sur ce que le Fils ne procède que du Père, tandis que l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils. Car autrement leurs processions se confondraient, comme nous l'avons prouvé (in corp. art. et quest. xxvii).


ARTICLE III. — le saint-esprit procède-t-il du pere par le fils (2)?


(2) Le eoncile de Florence a déterminé ainsi le sens de cette expression : Definimus quod Spiritus sanctus a Patre et Filio aeternaliter est, etc... Declarantes quod id quod sancti Doctores et Patres dicunt ex Patre per Filium procedere Spiritum sanctum ad hanc intelligentiam tendit ut per hoc significetur Filium quoque esse,secunditm Graecos quidem causam, secundum Latinos vero principium subsistentia Spiritus sancti sicut et Patrem.


Objections: 1.. Il semble que le Saint-Esprit ne procède pas du Père par le Fils. Car ce qui procède d'un être par un autre n'en procède pas immédiatement. Donc si le Saint-Esprit procède du Père par le Fils, il ne procède pas du Père immédiatement, ce qui paraît répugner.

2.. Si l'Esprit-Saint procède du Père par le Fils, il ne procède du Fils qu'à cause du Père. Le Père est donc pour lui plus que le Fils, et par conséquent il procède plus du Père que du Fils.

3.. Le Fils a l'être par voie de génération. Donc si l'Esprit-Saint procède du Père par le Fils, il suit de là que le Fils est d'abord engendré et qu'ensuite l'Esprit procède. Ce qui suppose que la procession de l'Esprit-Saint n'est pas éternelle ; ce qui est une hérésie.

4.. Quand on dit que quelqu'un agit par un autre, on peut retourner la proposition et dire que ce dernier agit par le premier. Ainsi comme nous disons que le roi agit par le bailli, nous pouvons dire aussi que le bailli agit par le roi. Or, nous ne disons pas que le Fils produit l'Esprit-Saint par le Père. Donc nous ne pouvons pas dire non plus que le Père produit l'Esprit-Saint par le F: 1s.


Mais c'est le contraire. Car saint Hilaire dit (De Trin. lib. xii) : Je vous en prie, ô mon Dieu, conservez en moila pureté de la foi, afin que je vous possède, vous le Père, que j'adore avec vous votre Fils et que je sois digne de l'Esprit-Saint qui procède de vous par votre Fils unique.

CONCLUSION. — Puisque le Saiut-Esprit ne procède du Fils que parce que le Fils a reçu l'être du Père, on dit qu'il procède du Père par le Fils.

Il faut répondre que toutes les fois que nous voulons exprimer qu'un être agit par un autre, la préposition par désigne dans celui-ci la cause ou le principe de cet acte. Mais quand l'action est médiate entre le sujet qui agit et l'objet qu'il produit, la préposi tion par indique quelquefois la cause de l'action suivant le caractère avec lequel elle sort de l'agent. Alors la cause peut être finale, ou formelle, ou effective, ou motrice. Ainsi elle est finale quand on dit que l'artisan travaille par amour du gain. Elle est formelle si l'on dit qu'il opère par son art. Elle est motrice si on ajoute qu'il travaille par l'ordre d'un autre. Quelquefois la préposition par jointe à l'expression de cause indique le moyen par lequel une chose se fait ; par exemple, quand on dit que l'artisan opère par son marteau, cela ne signifie pas que le marteau est cause de l'action de l'artisan, mais qu'il a contribué à la confection de l'objet que l'artisan a produit, de telle sorte que sans lui cet objet n'aurait pas sa forme. On peut dire encore que la préposition par marque l'autorité, tantôt directement comme quand on dit : le roi opère par le bailli; tantôt indirectement, comme quand on dit : le bailli opère par le roi. Ainsi donc, comme le Saint-Esprit ne procède du Fils que parce que le Fils a reçu l'être du Père, on peut dire que le Père produit l'Esprit-Saint par le Fils, ou que l'Esprit-Saint procède du Père par le Fils, ce qui est la même chose.


Solutions: 1. Il faut répondre an premier argument, qu'en toute action il faut considérer deux choses, le suppôt qui agit et la vertu par laquelle il agit, comme le feu échauffe par la chaleur. Si donc on considère dans le Père et le Fils la vertu par laquelle ils produisent l'Esprit-Saint, il n'y a là rien de médiat, puisque cette vertu est unique et qu'elle est la même dans l'un et l'autre (I). Si on considère les personnes qui produisent l'Esprit-Saint, quoiqu'il procède du Père et du Fils comme d'un seul et même principe, cependant il procède immédiatement du Père et médiatement du Fils, et c'est pour ce motif qu'on dit qu'il procède du Père par le Fils. Ainsi Abel procède immédiatement d'Adam son père et médiatement d'Eve sa mère, parce que Eve procédait elle-même d'Adam. Bien que cet exemple de procession matérielle semble peu convenable pour exprimer la procession spirituelle des personnes divines.

(1) Il faudrait donc bien se garder de dire dans ce sens que le Saint-Esprit procède du Père mé-diatement et du Fils immédiatement, parce qu'alors on donnerait à penser que le Fils est l'instrument ou le ministre et le serviteur du Père.

2. Il faut répondre au second, que si le Fils recevait du Père une vertu numériquement différente de la sienne pour produire l'Esprit-Saint, il s'ensuivrait qu'il serait comme une cause seconde et instrumentale et que par conséquent l'Esprit procéderait du Père plutôt que du Fils. Mais la vertu qui produit l'Esprit-Saint est numériquement la même dans le Père et dans le Fils, elle est unique, et c'est pour cela que l'Esprit-Saint procède également de l'un et de l'autre. Cependant on dit quelquefois qu'il procède principalement et proprement du Père, parce que le Fils reçoit du Père la vertu de le produire.

3. Il faut répondre au troisième, que comme la génération du Fils est naturelle au Père, de telle sorte que le Père n'a point été sans engendrer son Fils, de même la procession du Saint-Esprit est coéternelle à son principe. Par conséquent le Fils n'a point été engendré avant que l'Esprit-Saint ne procédât; ils sont l'un et l'autre éternels.

4. Il faut répondre au quatrième, que-quand on dit que quelqu'un opère par une chose, il n'y a pas toujours lieu de retourner la proposition. Ainsi on ne dit pas que le marteau opère par l'ouvrier, mais on dit que le bailli opère par le roi, parce que le bailli agit lui-même et qu'il est maître de ses actes, tandis que le marteau n'agit pas, mais il est seulement mis en action et n'est pour ce motif que cause instrumentale. Or, on dit que le bailli opère par le roi, quoique la proposition par indique quelque chose de médiat; parce que plus le suppôt est élevé par rapport à l'action et plus sa vertu est immédiate par rapport à l'effet. Car c'est la vertu de la cause première qui joint la cause seconde à son effet. C'est pour cette raison qu'on appelle immédiats les premiers principes dont on se sert dans les sciences de démonstration. Ainsi donc, dans l'ordre des suppôts qui agissent, le bailli est un agent médiat ou intermédiaire, et l'on dit que le roi opère par le bailli. Mais dans l'ordre des vertus ou de la puissance, le bailli opère par le roi, parce que c'est la vertu ou la puissance du roi qui fait que l'action du bailli produit son effet. Or, du Père au Fils il n'y a pas d'ordre à établir quant à la vertu, puisqu'ils ont la même ; on ne peut établir d'ordre que quant aux suppôts, et c'est pourquoi l'on dit que le Père produit l'Esprit-Saint par le Fils et non réciproquement.



I pars (Drioux 1852) Qu.34 a.3