Discours 1982 - Discours aux évêques du Mozambique en visite « ad limina » - 24 septembre


La visite du Pape à Concessiom, pays de Paul VI - 26 septembre


Le 26 septembre, 85e anniversaire de la naissance de Jean-Baptiste Montini, Jean-Paul II a visité Brescia, la ville de la région milanaise connue pour son activité économique et l'engagement social et culturel de sa communauté catholique. Accompagné de Mgr Benelli, archevêque de Florence et ancien collaborateur intime de Paul VI, il a d'abord visité Concesio, son village natal, où il s'est recueilli devant les fonts baptismaux. À Brescia, ensuite, après avoir visité les malades à l'hôpital, il a été reçu par les autorités civiles et est allé s'agenouiller devant le monument commémorant les victimes d'un des plus graves attentats terroristes commis en Italie, le 28 mai 1974. Il a rencontré les jeunes, sur la place de la cathédrale, qui portera désormais le nom de Paul VI. Il a ensuite inauguré le « Centre Paul VI » où est installé l'Institut consacré à l'étude de la pensée, de l'oeuvre et de l'époque contemporaine de ce Pape. Après s'être recueilli au sanctuaire de Notre-Dame-des- Grâces, où J.-B. Montini célébra sa première messe, il a enfin présidé une grande concélébration sur le Champ-de-Mars. Nous reproduisons ici le discours prononcé à Concesio où Jean-Paul II remémore l'enseignement et l'action de Paul VI à la tête de l'Église, et le discours prononcé à l'inauguration de l'Institut Paul-VI où il évoque la relation de celui-ci avec le milieu dans lequel il a grandi (1).

(1) Textes italiens dans l’Osservatore Romano des 27-28 septembre. Traduction, titres et notes de la DC.


Réentendre la parole de son magistère


TRÈS CHERS AMIS,

1. Grande est ma joie de me trouver aujourd'hui ici, à Concesio, où naissait, le 26 septembre, il y a quatre-vingt- cinq ans mon inoubliable prédécesseur Jean-Baptiste Montini, devenu Pape sous le nom de Paul VI.

Je vous salue tous affectueusement : mon cher frère Mgr Luigi Morstabilini, M. le Maire, les prêtres, les religieux, les religieuses, les hommes, les femmes, les jeunes, les enfants de cet heureux village qui a eu l'honneur de donner naissance à un grand Pape. Mon salut s'étend ensuite à chacun de ceux qui sont ici présents, parmi lesquels beaucoup, je le sais, viennent de la Val Trompia.

Très chers amis, il reviendra aux historiens d'analyser les aspects multiformes de ces quinze ans de service pontifical, en une période certainement exaltante pour la vie de l'Église et de l'humanité, mais aussi traversée par des inquiétudes et des tensions dont certaines font encore sentir leur poids.

Nous tous, ici, à Concesio, nous voulons, avant tout, nous souvenir de Paul VI dans la prière, mais en même temps nous voulons revivre certains aspects saillants de son oeuvre riche et complexe, et réentendre la parole de son haut magistère.


Le Pape de l'Église en dialogue

2. Paul VI a été le Pape de l'Église : comme prêtre, comme minutante de la Secrétairerie d'État, comme aumônier national de la FUCI (2), comme substitut de la Secrétairerie d'État, comme prosecrétaire d'État, comme archevêque de Milan, comme Pape, il aima l'Église avec une intensité et un dévouement inépuisables ; il en exposa la nature et les fonctions avec une profondeur qui se nourrissait de la parole de Dieu et de la grande Tradition patristique et théologique ; il travailla inlassablement pour qu'elle apparaisse vraiment comme l'épouse immaculée du Christ, sans tache ni ride (cf. Ep Ep 5,27). Dans sa première encyclique, il soulignait comment « l'heure sonne pour l'Église d'approfondir la conscience qu'elle a d'elle-même, de méditer sur le mystère qui est le sien, d'explorer, pour sa propre instruction et sa propre édification, la doctrine. concernant sa propre origine, sa propre nature, sa propre mission, son propre sort final ». (Encyclique Ecclesiam suam, n. 10.)

Et voilà que l'Église, dans sa réalité théandrique, vit en pèlerinage sur cette terre. D'où la nécessité du dialogue : « L'Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole, l'Église se fait message, l'Église se fait conversation. » (Ibid. n. 67.)

3. Et Paul VI fut vraiment le Pape du dialogue. Il a dialogué avec l'humanité, même non croyante ; avec ceux qui adorent le Dieu unique et suprême, que nous-mêmes nous adorons, c'est-à-dire avec les fils du peuple hébreu ; et avec les adorateurs de Dieu, selon la conception monothéiste, musulmane en particulier ; avec ceux qui appartiennent aux Églises et communautés non catholiques, favorisant magnifiquement les rapports oecuméniques, spécialement par des rencontres personnelles et des déclarations communes avec les chefs de ces Églises et communautés.

Il a recommandé et réalisé le dialogue à l'intérieur de l'Église catholique, confirmant pour tous ses membres la grande responsabilité qui découle du fait d' « être Église ». Ainsi, il ne se lassa pas de parler aux prêtres de leur sublime et exigeante mission ecclésiale. « La vie sacerdotale, disait-il, exige une intensité spirituelle authentique et solide, pour vivre de l'Esprit et se conformer à l'Esprit, une ascèse intérieure et extérieure vraiment virile. » (Encyclique Sacerdotalis caelibatus, n. 78.)

De même, il adressait aux religieux une invitation pressante à donner le témoignage que le Peuple de Dieu attend d'eux : « Des hommes et des femmes capables d'accepter l'inconnue de la pauvreté, d'être épris de sincérité et d'humilité, amants de la paix, purs de compromissions, décidés à l'abnégation totale, à la fois libres et obéissants, spontanés et tenaces, doux et forts dans la certitude de la foi : cette grâce vous sera donnée par le Christ Jésus, en proportion du don radical que vous aurez fait de vous-mêmes et que vous ne reprendrez plus (3). »

Et aux laïcs, hommes et femmes, il ne se lassait pas d'expliquer en les exhortant qu'ils vivent leur vocation spécifique et qu'ils exercent une forme spécifique d'évangélisa- tion. Leur tâche primaire et immédiate est « la mise en oeuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives, dans les choses du monde ». (Exhortation Evangelii nuntiandi EN 70)

Pour Paul VI, cette Église qui se fait dialogue, qui se fait conversation, est aussi une Église essentiellement missionnaire. De son premier radio-message pour la Journée missionnaire mondiale (19 août 1963) jusqu'à la grandiose Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, du 8 décembre 1975, Paul VI a infusé dans le coeur de ses frères — evêques, prêtres, religieux, laïcs — son incoercible ardeur missionnaire. « Évangéliser [...] est la grâce et la vocation propres de l'Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c'est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse. » (Ibid, n. 14.)

4. Dans cette perspective ecclésiologique doit être considérée et exaltée l'oeuvre extraordinaire que Paul VI a accomplie par rapport au Concile oecuménique Vatican II. Il l'a continué, l'a conduit a son terme et l'a appliqué avec une constance et une clairvoyance vraiment surprenantes. Il réalisa la réforme liturgique, celle de la Curie romaine, la création de nouveaux organismes — Secrétariats, Conseils, Commissions — qui, adjoints aux dicastères déjà existants, fassent avancer la réalisation des indications ressortant des débats et des décisions conciliaires ; il institua le « Synode des évêques » — expression de la collégialité — qui, sous son pontificat, ne tint pas moins de quatre assemblées générales ; et, d'une main solide et ferme, il sut maintenir, dans la juste route, la barque de Pierre au milieu des marées et des bourrasques, qui auraient pu rendre vaines les intentions authentiques du Concile.

Pour tout cela, l'Église lui doit une gratitude éternelle.

(2) Mouvement des étudiants catholiques d'ltalie.
(3) Exhortation Evangelica testificatio, n. 31 ; DC 1971, n° 1590, p. 658.
(4) DC 1965, n° 1457, col. 1734-5.


Pour la paix, la justice et le respect de l'homme

5. Paul VI a été le Pape de l'humanité : s'il a aimé intensément l'Église, il a aimé, respecté, exalté et défendu l'homme avec une sincérité qui n'était pas moindre.

Il s'est vraiment fait tout à tous pour porter à tous le salut dans le Christ (cf. 1Co 9,22) parce que, comme il disait, « personne n'est étranger dans la maison du Père » (discours du 24 octobre 1963).

En chacun, il a vu le reflet de l'image de Dieu. C'est pourquoi il accueillit l'invitation à se rendre au siège des Nations Unies, pour parler de l'homme et de la paix. Avec de vibrants et puissants accents prophétiques, en ce lieu prestigieux, il fit entendre la voix de l'Église et de son chef visible : « Pas l'un au-dessus de l'autre ! Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais ! Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C'est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l'humanité !... Si vous voulez être frères, laissez tomber les armes de vos mains : on ne peut pas aimer avec des armes offensives dans les mains (4). »

Et l'annuelle Journée mondiale de la paix — instituée par lui sur une heureuse intuition — est devenue pour tous l'occasion de réfléchir sur ces sujets dont dépend le destin même de l'humanité sur la terre.

Pour la défense de l'homme exploité, humilié et atteint dans ses droits fondamentaux, il prenait en compte le cri et l'angoisse des pauvres et souhaita la promotion, sur une échelle universelle, d'un « humanisme plénier », c'est-à-dire du « développement de tout l'homme et de tous les hommes » (encyclique Populorum progressio, PP 42). Poussé par ce souci, il ne manqua pas pendant tout le cours de son pontificat d'accorder une attention spéciale aux problèmes du monde du travail, développant une action constante pour la défense et la promotion des droits des travailleurs.

Il avait d'ailleurs toujours regardé le monde du travail avec une vive sympathie et une sincère amitié depuis le temps où il était Substitut de la Secrétairerie d'État, puis comme archevêque de Milan. Quand il devint Pape, il ne se contenta pas de recevoir des ouvriers, mais il alla les visiter lui-même dans leurs lieux de travail : aux chantiers de construction de Pietralata à Rome, au centre sidérurgique de Tarente, où il passa la Noël de 1968, et puis parmi les mineurs du tunnel du mont Soracte à Noël 1972.

Son enseignement dans ce domaine, si plein de sincère affection pour les travailleurs, et de solidarité avec leurs préoccupations et leurs légitimes aspirations, trouva son sommet dans l'encyclique Populorumprogressio (26 mars 1967), pour le développement intégral de l'homme et le développement solidaire de l'humanité, ainsi que dans la lettre apostolique Octogesima adveniens, écrite pour le 80e anniversaire de Rerum novarum.

Ce fut encore pour protéger la dignité de l'homme que Paul VI réaffirma la très haute valeur de l'amour conjugal, qui « révèle sa vraie nature et sa noblesse quand il est considéré dans sa source suprême, Dieu qui est amour, le Père duquel toute paternité tire son nom au ciel et sur la terre » (encyclique Humanae vitae, HV 8).

L'ardeur apostolique d'annoncer le message du Christ au monde entier poussa Paul VI à entreprendre de mémorables voyages dans des continents et des pays où jamais un Pape n'était allé. Sur ses traces et à son exemple, j'ai voulu moi aussi poursuivre de tels pèlerinages, comme messager de paix pour tous les hommes.


La grandeur de Paul VI

6. Repensant au chemin terrestre de ce Pape, on voit apparaître la grandeur qui l'a caractérisé. L'Église lui doit beaucoup.

Si nous nous demandons quel a été le ressort secret de son action de Pape, je pense que la réponse n'est pas difficile : le pontificat de Paul VI fut un pontificat éminemment « christo-centrique ». « Il a vécu profondément en union avec Jésus ; il a infatigablement annoncé Jésus. » Rappelons ses vibrantes paroles à l'ouverture de la deuxième session du Concile Vatican II : « C'est le Christ qui est notre principe, le Christ qui est notre voie et notre guide, le Christ qui est notre espérance et notre fin. Que sur cette assemblée ne brille d'autre lumière que le Christ, lumière du monde. Que nulle vérité ne retienne notre intérêt hormis les paroles du Seigneur, notre maître unique. Qu'une seule aspiration nous dirige : le désir de lui être absolument fidèles (5). »

Le thème de la Réconciliation dans le Christ, en même temps que celui du renouveau intérieur, fut le but spirituel de l'Année sainte 1975, pendant laquelle des millions de pèlerins se réunirent autour de Paul VI pour accueillir son invitation à l'amour, à l'union réciproque, dans le lien de l'unique charité du Christ.

Dans ses homélies, dans ses catéchèses du mercredi, il parlait du Christ avec des accents dignes de l'apôtre Paul.

Mais à côté de Jésus voici qu'apparaît la figure de sa Mère Marie. Paul VI eut pour Notre-Dame, qu'il proclama « Mère de l'Église », une dévotion tendre et forte. Pour en témoigner, qu'il suffise de rappeler sa visite à la basilique libérienne, le 11 octobre 1963, où, entouré des Pères du Concile, il alla rendre hommage à Marie très sainte, « salut du peuple romain », un an après l'ouverture du Concile

Vatican II. Et comment ne pas rappeler sa prière mariale hebdomadaire à l'Angélus dominical, ses documents sur Notre-Dame, et enfin son admirable Exhortation apostolique Marialis cultus de 1974 ?

Fondé sur ces sereines certitudes, Paul VI sut aussi regarder la mort en face et l'affronter, il alla au-devant d'elle en homme, en chrétien, en Pape !

En observant que « le jour baisse, et tout finit et se dissout sur cette scène temporelle et terrestre, splendide et dramatique », il remerciait le Seigneur et écrivait dans son testament : « Je ferme les yeux sur cette terre douloureuse, dramatique et magnifique, appelant encore une fois sur elle la divine bonté. »


7. Très chers frères et soeurs de Concesio !

Dans cette rencontre entre nous, ici, dans le village où il a ouvert les yeux à la lumière du soleil et où il est né à la grâce du baptême, si nous voulions synthétiser, pour notre réconfort et notre instruction, les quinze années du pontificat de Paul VI, nous pourrions dire qu'elles ont été un message d'espérance, et aussi de joie : « La joie d'être chrétien, étroitement uni à l'Église « dans le Christ », en état de grâce avec Dieu, est vraiment capable de remplir le coeur de l'homme » : ainsi écrivait-il pendant l'Année sainte 1975, dans l'Exhortation apostolique Gaudete in domino. Peu comme lui ont autant aimé et estimé leur temps, en désirant ardemment le conduire au Christ.

À vous, qui avez le privilège d'être ses concitoyens, revient la tâche d'être dignes d'un aussi grand pontife, accueillant et mettant en pratique le précieux héritage d'enseignements qu'il nous a laissés par sa parole et son exemple.

À cela veulent vous encourager ma visite et ma bénédiction.

(5) DC 1963, n° 1410, col. 1349.




L’inauguration de l’Institut Paul VI à Brescia


FRÈRES ET SOEURS DANS LE SEIGNEUR

1. « À vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jesus-Christ. » (Ph 1,2) Ces paroles de salut, que saint Paul aimait, je les répète aujourd'hui pour vous tous avec une affection profonde et une joie sincère. Je remercie le Dr Giuseppe Camadini, président de l' « Institut Paul-VI », pour les mots aimables qu'il m'a adressés en interprétant les sentiments de tous. Je vous remercie tous pour votre présence et pour votre accueil si émouvant.


Pour connaître l'oeuvre et la pensée de Paul Vl

2. Cette rencontre a pour moi une signification particulière. Elle se produit à l'ocasion de l'inauguration officielle de l'Institut Paul-VI », le Centre international creé par l'OEuvre pour l'éducation de Brescia dans le but de recueillir la documentation et de promouvoir l'étude sur la vie et la pensée de mon cher prédécesseur, Paul VI. Pour cette judicieuse institution, je renouvelle mes compliments aux catholiques brescians et à leur évêque vénéré. À tous ceux qui, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, offrent à l'Institut la contribution de leur compétence, je désire confirmer ma cordiale estime. Tout ce qui sera fait pour que le souvenir de Paul VI reste vivant et pour que la lumière de son témoignage continue à éclairer le chemin de l'Église pourra compter sur mon adhésion.

Les premiers pas de l'Institut méritent toute louange. Les publications scientifiques ; les Cahiers, les fascicules du Notiziario ; le premier Colloque international consacré à l'encylique Ecclesiam suam, tenu à Rome en 1980, témoignent déjà du sérieux des efforts de l'Institut et de la rigueur avec laquelle il procède. Je suis sûr que le développement de la recherche, si heureusement mise en route, rendra possible une connaissance toujours plus complète de l'oeuvre de Paul VI et de son époque. Aussi bien les études historiques que la vie de l'Église en tireront profit. Voilà pourquoi, inaugurant officiellement l'Institut, j'aime à le concevoir comme un monument inspiré, dynamique, érigé à la mémoire de Paul VI ; et je me plais à formuler le voeu qu'il soit toujours un instrument de vérité et d'amour de l'Église.


Un don du Seigneur à l'Église et à l'humanité

3. Un tel monument, comme tout autre initiative promue où que ce soit pour honorer sa mémoire représente une contribution de la pensée, mais aussi une exigence de la foi et du coeur.

Paul VI fut un don du Seigneur à son Église. Comme je le disais lors du premier anniversaire de sa mort, il avait reçu du Saint-Esprit, comme Jean XXIII, si vénéré par lui et par moi « le charisme de la transformation, grâce auquel la figure de l'Église, telle que tous la connaissent, est apparue à la fois égale et diverse ». (Audience générale, 1er août 1979.) L'Église, fidèle au Seigneur, demeure toujours identique à elle- même ; mais l'Église, continuellement poussée par l'amour pour le Seigneur, ne cesse jamais d'approfondir sa conscience d'elle-même. Plus elle connaît le dessein divin et se conforme à lui, plus elle se renouvelle et peut accomplir efficacement dans le monde la mission que le Christ lui a confiée.

Tel fut le programme providentiel du Concile Vatican II, que Paul VI conduisit à son accomplissement, et qu'il fut le premier à annoncer et à réaliser. Nous n'évaluerons jamais suffisamment les problèmes et les difficultés qu'il dut affronter pour que l'identité de l'Église ne soit pas entamée par une « transformation » mal comprise. Nous ne remercions jamais assez le Christ Seigneur d'avoir choisi Paul VI pour guider la mystique barque de Pierre en un temps où les vagues la secouaient de toutes parts.

Aujourd'hui, nous comprenons mieux combien sa foi était ferme, combien son amour pour l'Église était grand ; combien sa spiritualité était profonde, mais combien clairvoyantes étaient ses décisions ; combien sa sagesse était éclairante. Sa vie s'érige pour nous en démonstration qu'il n'y a pas de « transformation » de l'Église qui ne passe à travers notre sanctification personnelle. Il nous a enseigné par sa vie et par sa mort comment on doit aimer le Christ ; comment on doit servir l'Église ; comment on doit se donner à la cause du salut de l'humanité.

Paul VI a été aussi un don du Seigneur à l'humanité. Il comprit l'homme de notre temps, et il l'aima d'un amour surnaturel, le regardant avec les yeux miséricordieux du Christ. Ouvrant la quatrième session, après avoir défini le Concile comme « un acte solennel d'amour envers l'humanité », il poursuivit : « Encore et surtout amour ; amour des hommes d'aujourd'hui, tels qu'ils sont, là où ils sont tous. » (14 septembre 1965.) Son intelligence et sa culture lui donnèrent un sens aigu de la grandeur et de la misère de l'homme, dans une situation contradictoire comme celle de notre génération ; mais sa foi et sa charité lui inspirèrent cette « civilisation de l'amour » sans laquelle, aujourd'hui comme jamais, l'humanité pourra difficilement trouver la solution des problèmes qui la troublent profondément. Il comprit l'homme, parce qu'il le regarda avec les yeux du Christ. Il aida l'homme, parce qu'il l'aima de l'amour du Christ. Il servit l'homme parce qu'il lui montra la vérité du Christ dans toute sa plénitude.


Richesse des traditions du laïcat de Brescia

4. Notre rencontre actuelle revêt aussi pour moi une signification particulière parce que, avec les doctes membres des divers organismes de l'« Institut Paul VI », sont présents les représentants du laïcat catholique de l'Église bresciane. Une telle présence est singulièrement significative et constitue, elle aussi, un pieux hommage à la mémoire de Paul VI.

Si, dans le peuple de Brescia, la foi est encore profondément enracinée, si même à travers les difficultés provoquées par des changements souvent traumatisants des mentalités et des moeurs, elle est encore vivante et active, on le doit certainement à un clergé fidèle et généreux, mais aussi à l'action d'un laïcat qui a vécu la foi chrétienne avec une conviction profonde, avec une adhésion sans réserve, avec une présence et une activité courageuses. Paul VI eut dans sa famille elle-même l'exemple d'un tel laïcat : dans sa mère très aimée, Giuditta Alghisi, et surtout dans son père vénéré, Giorgio Montini qui, au cours de longues et difficiles années, fut le guide reconnu des catholiques de Brescia.

En famille, précisément, il commença bien vite à connaître et à estimer les protagonistes du glorieux mouvement catholique brescian : le serviteur de Dieu Giuseppe Tovini, Luigi Bazoli, Giovanni Longinotti, Emilio Bonomelli, Carlo Bresciani, et tant d'autres, moins connus mais également importants, hommes de foi intrépides, courageux, infatigables. Il suivit depuis les années de son adolescence, avec admiration et affection, leurs initiatives : les journaux ; les écoles catholiques ; les maisons d'édition ; l'école de vie familiale ; les bonnes oeuvres ; les associations de jeunes et d'ouvriers ; la participation à l'administration publique ; l'engagement politique lui-même, conçu avant tout comme témoignage de la valeur du christianisme pour l'organisation de la société.

Paul VI porta dans son coeur pendant toute sa vie le souvenir de ces hommes et de leurs entreprises très remarquables. Il leur fut toujours reconnaissant pour tout ce qu'ils avaient donné pour défendre la foi du peuple brescian et pour assurer la présence catholique dans la société. Il acquit ainsi la conviction que l'expérience bresciane avait une portée allant bien au-delà du cercle restreint d'une ville et d'une province. Certaines caractéristiques de cette expérience, à son avis, avaient anticipé de nombreuses décennies l'enseignement du Concile sur les laïcs, et mériteraient d'être considérées comme le propre de toute action qui veut se qualifier aujourd'hui comme catholique.


Une foi engagée dans la vie

5. Le temps ne me permet pas de m'étendre sur les caractéristiques de ces catholiques qui lancèrent des initiatives importantes. Je me bornerai à dire qu'ils furent des hommes de prière. Comment ne pas rappeler la pratique du chapelet quotidien en famille ou le fait que Giuseppe Tovini suscita un groupe pour l'adoration nocturne de la Sainte Eucharistie de la part des laïcs ?

La prière et la foi alimentèrent en eux la certitude que le christianisme est le bien le plus précieux non seulement dans la vie de chaque personne, mais aussi dans celle de toute la société. C'est là le pôle qui orienta toute leur action, dont le but ultime fut toujours de nature religieuse, même lorsqu'ils cherchèrent les moyens d'une action efficace dans un contexte souvent hostile à la présence catholique.

Ils comprirent l'importance que l'école et les problèmes de l'éducation devaient prendre dans le développement de la société moderne, et donnèrent naissance aux initiatives que vous connaissez bien, dont la croissance a pris des proportions inimaginables au début, et qui continuent d'assurer un service de l'Église et de l'école italienne, dont je vous félicite sincèrement en vous encourageant à rester fidèles à l'inspiration chrétienne des origines. Ils étaient unis entre eux par une sincère amitié : dans l'amitié, ils préparaient leur action, et dans cette amitié ils agissaient.

Très chers frères et soeurs, soyez conscients du trésor inestimable que vous avez reçu en héritage d'une histoire particulièrement riche d'engagement catholique, qui a en Paul VI un fils incomparable. Souvenez-vous de votre expérience passée, même si vous devez oeuvrer dans un aujourd'hui bien différent. N'hésitez jamais à mettre le Christ au centre de votre vie et au fondement de votre action. Vous érigerez ainsi un monument vivant à la mémoire de Paul VI qui, à juste titre, vous a tant estimés et aimés.

Sachez que le Pape vous connaît et vous aime, et qu'il attend beaucoup de vous, pour l'avantage commun de l'oeuvre des laïcs catholiques de Brescia.

Avec ma bénédiction apostolique.




Octobre 1982



AUX ÉVÊQUES DE LA RÉGION ECCLÉSIASTIQUE PARISIENNE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Vendredi, 1 octobre 1982




Chers Frères de l’Ile-de-France,

1. Je vous accueille avec une joie toute spéciale, vous qui êtes les fils de cette France qui, naguère, fêtait mon passage chez elle avec un sincère enthousiasme! Je garde un souvenir ému des rencontres très variées et de tous les rassemblements qui ont jalonné ma visite pastorale dans la cité de Paris et ses environs, en somme dans vos diocèses, en compagnie des chers Cardinaux Marty et Etchegaray: avec l’ensemble du peuple de Dieu à Notre-Dame et au Bourget, avec les ouvriers à Saint-Denis, avec mes compatriotes au Champ-de-Mars, avec les jeunes à l’inoubliable Parc des Princes, et encore au Sacré-Coeur, à la rue du Bac, à l’Institut catholique, et surtout avec tous les Evêques au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. Toutes les paroles alors prononcées et échangées doivent continuer d’éclairer et d’orienter la marche de l’Eglise en France. J’espère bien avoir l’occasion d’étendre cette visite à d’autres régions de votre pays, pour jouir du témoignage de votre foi, vous apporter le mien (Cfr. Rm 1,11-13) et resserrer ensemble notre unité autour du Seigneur Jésus-Christ.

Comme je l’exprimai alors à plusieurs reprises, j’admire le magnifique passé chrétien de votre nation, son génie, sa passion pout la cause de l’homme, dont elle a tant de fois proclamé la dignité et la liberté, et défendu les droits. Ainsi a-t-elle souvent aidé l’Eglise à marcher sur cette “route de l’homme” qui correspond à la volonté de Dieu et plus que jamais à l’attente du monde contemporain. Comme un défi à l’amour prêché par l’Evangile, on voit se multiplier en ce monde les attentats contre la vie, tandis que les idéologies réductrices contrarient, au point de l’annihiler, l’épanouissement auquel tout homme aspire et qui ne peut trouver sa plénitude que dans l’acceptation de la Bonne Nouvelle que nous avons la charge de lui proposer sans relâche.

2. Poursuivre l’évangélisation dans tous les milieux, ouvrier et étudiant, chez les migrants et les prisonniers, telle est bien la volonté qui ressort de tous vos rapports que j’ai lus attentivement, y compris celui que le regretté Monseigneur Delarue m’avait adressé quelques jours avant sa mort. Plutôt que de reprendre tous ces aspects importants, et chacune des questions formulées - pour lesquelles votre responsabilité de pasteurs, de docteurs de la foi, vous fera trouver une réponse ecclésiale - je m’attarde aujourd’hui au problème que votre Président vient d’exposer au nom de tous.

Je sais en effet toute l’importance que vous attachez à la catéchèse, en particulier à celle des enfants. Elle représente pour vous un enjeu essentiel pour l’évangélisation de vos diocèses.

Votre recherche patiente et inventive de nouveaux instruments de transmission de la foi, le nombre grandissant des catéchistes laïcs dont vous tenez à assurer la formation, témoignent de votre souci missionnaire afin d’ouvrir au message de l’Evangile les enfants et les jeunes qui grandissent le plus souvent dans un climat d’incroyance.

C’est pour affermir votre espérance, pour confirmer votre zèle, pour souligner votre responsabilité et appuyer votre autorité en ce domaine, pour resserrer toujours plus étroitement vos liens de communion avec le Siège de Pierre que je souhaite évoquer avec vous cette fonction si essentielle de notre ministère apostolique qu’est l’éducation de la foi par la catéchèse, sans oublier bien sûr celle qui se fait aussi en famille, dans les mouvements d’apostolat et par la liturgie.

3. Je ne veux pas ignorer les multiples changements qui se sont produits dans la société de votre pays depuis plus de vingt années; ces changements n’ont pas manqué de provoquer une révision de pratiques pastorales, et singulièrement celles de la catéchèse des enfants.

Vous venez d’exposer les principales conditions qui rendent cette tâche plus difficile. Il y a d’abord le fait massif de l’urbanisation qui a contribué à l’éclatement du cadre ancien de la paroisse rurale et à la concentration démographique dans les zones urbaines, où le milieu familial est déraciné, coupé de ses liens naturels et soumis à une mobilité permanente.

Parallèlement, le processus de sécularisation s’est accentué; dans une vie encombrée de tant de choses étrangères à la foi, il tend de plus en plus à limiter l’expression des croyances dans la sphère du privé, ôtant ainsi à beaucoup de familles le soutien religieux que pouvait apporter le cadre traditionnel avec sa visibilité sociale.

Il faudrait sans doute noter encore les conditions de la scolarité, lesquelles maintiennent les enfants à l’école jusqu’à leur seizième année et les font entrer dans un champ culturel qui, avec les pédagogies modernes, développe le sens critique de la raison et accorde le primat à la vérité qui se prouve sur la vérité qui se transmet.

Ce sont tous ces changements, avec leurs conséquences sur la vie concrète des enfants, qui vous ont déterminés à renouveler les pratiques de la catéchèse à laquelle demeurent attachés, dans leur grande majorité, les parents des diocèses de France, même s’ils ne gardent pas toutes les obligations de la vie chrétienne, et si vous observez, malheureusement, en certaines de vos cités, un rapide et inquiétant fléchissement en ce domaine.

4. Après un long effort de réflexion et de recherche, vous avez donc prescrit des directives et donné des orientations en vue d’une catéchèse qui réponde à une situation dont on peut dire globalement qu’elle est une situation missionnaire. Ainsi avez-vous tenu à ce que, dans une certaine mesure, la catéchèse des enfants s’apparent à une démarche catéchuménale, puisque l’un de ses buts est de les préparer aux sacrements: pour certaines, le baptême; pour tous, la réconciliation, l’Eucharistie, la confirmation.

Votre premier objectif est de susciter les conditions d’une première expérience de la foi pour des enfants qui viennent au catéchisme, bien souvent sans aucune connaissance religieuse antécédente - alors que l’idéal serait toujours qu’une initiation soit donnée dès le plus jeune âge dans les familles chrétiennes. D’où une patiente pédagogie qui ouvre la conscience de l’enfant à l’intériorité et à l’accueil de l’Evangile et des mystères de la Révélation.

Le second obiectif vise à tenir le plus grand compte des situations humaines vécues par l’enfant dans son milieu familial et social, et dans son environnement scolaire et culturel. L’acte de catéchèse, ainsi que le rappelle le Directoire catéchétique général, ne saurait dissocier d’une part la transmission du message - transmission qui doit évidemment ne rien sacrifier du contenu doctrinal - et d’autre part l’aptitude et les dispositions du sujet à l’accueillir. Votre catéchèse se veut en effet attentive à la diversité des groupes d’enfants et vise à offrir des moyens de pédagogie appropriés.

Le troisième objectif fondamental que vous vous proposez est de faire en sorte que l’enfant puisse faire lui-même l’expérience d’une communauté d’Eglise. Le groupe de catéchèse ne sera pas seulement un groupe de didactique religieuse où l’on apprend un savoir, mais une cellule de vie d’Eglise dans laquelle les enfants, avec leur catéchiste, découvrent l’identité d’une vie chrétienne où la relation au Christ se vive personnellement et ensemble. C’est dans ce cadre que l’enfant apprend le language de la foi, donne sens à l’Evangile et au mystère révélé, fait son initiation à la prière, à la vie liturgique et sacramentelle, tout en étant appelé à vivre cette foi en famille et dans des communautés plus larges, paroissiales ou autres, comprenant des aînés et des adultes.

5. Pour réaliser ces objectifs, vous avez tenu à proposer aux catéchistes des instruments de travail qui ont fait l’objet de nombreuses recherches et mises au point. Il faudra toujours les parfaire, en tenant compte de l’expérience et des sages remarques formulées en ce domaine.

Ces programmes de catéchèse peuvent donner l’impression d’un certain foisonnement. Vous pensez qu’ils répondent à l’attente des pasteurs et des catéchistes en offrant, selon une diversité sagement comprise, les moyens d’une authentique transmission de la foi, différenciés selon les niveaux des enfants et appropriés à des situations pastorales contrastées. Ces instruments ont donc été conçus en vue d’une pédagogie renouvelée et active à laquelle sont accoutumés aujourd’hui les enfants dans leurs travaux scolaires. Vous veillez en même temps à ce qu’ils permettent aux diverses catégories d’enfants d’accéder à l’intégralité et à la spécificité de la doctrine révélée.

C’est ainsi que vous avez été amenés - et c’est la phase actuelle - à promulguer vous-mêmes des livres de catéchèse en chacun de vos diocèses. Révisés sous votre contrôle au plan dogmatique, et évalués avec votre discernement pastoral, ils engagent votre magistère ecclésial et cela en lien avec notre Dicastère compétent. Oui, comme le dit l’exhortation apostolique “Catechesi Tradendae” (IOANNIS PAULI PP. II Catechesi Tradendae CTR 63)- dont toutes les dispositions donnent la ligne à suivre en ce domaine - “vous êtes les tout premiers responsables de la catéchèse”, pour mener à bien l’élaboration des instruments catéchétiques - comme vous venez d’en réaffirmer l’intention - et pour veiller ensuite à ce que la transmission de la foi se fasse à tous les niveaux dans la vérité, dans la charité, dans l’unité.

6. Je sais que certaines productions catéchétiques ou certaines conditions nouvelles de catéchèse ont soulevé ça et là des inquiétudes et des critiques de la part de certains chrétiens. Ce n’est pas le lieu de juger ici de la justesse de certaines réactions prises en elles-mêmes, ni de l’injustice de certaines critiques devenues parfois campagnes d’opinion. Je comprends que ces dernières vous fassent souffrir, car elles vous atteignent dans votre conscience d’évêques responsables. Pourtant, vous ne devez pas en concevoir trop d’amertume. Accueillez-les avec sérénité; qu’elles contribuent à accroître votre vigilance sur la qualité des catéchismes, à affermir votre zèle pastoral, et à renouveler votre communion avec le Siège Apostolique! Sur ce dernier point, je sais votre travail entrepris en commun avec la Congrégation pour le Clergé et je vous encourage dans cette voie. Mais, dans les diocèses dont vous avez la charge, aucune personne ni aucun groupe privé ne saurait suspecter ni remettre en question votre responsabilité primordiale en ce domaine, ni l’autorité qui lui est inhérente.

J’exhorte donc tous les fils de France à réagir avec sérénité, confiance et unité autour de leurs évêques. Et je vous souhaite à vous de continuer dans l’esprit dont nous venons de parler ce service de la Parole de Dieu, qui révèle le mystère du Dieu vivant en même temps qu’il révèle l’homme à lui-même (Cfr. IOANNIS PAULI PP. II Redemptor Hominis RH 4). “Non seulement le message évangélique est adressé à l’homme, mais c’est un grand message messianique sur l’homme: c’est la révélation à l’homme de la vérité totale sur lui-même et sur sa vocation dans le Christ” (EIUSDEM Allocutio ad Episcopos in urbe «Issy-les-Moulineaux» habita, 3, die 1 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1597).

De tout coeur je vous dis mes encouragements et je bénis les prêtres et les catéchistes, religieux et laïcs, qui consacrent leur temps et leur peine en collaborant avec vous dans ce ministère si important de la catéchèse. Comme vous le dites, il faut agir au mieux avec toutes les ressources dont vous disposez pour ne pas laisser s’installer un vide religieux dans les générations nouvelles.

7. Le temps ne me permet plus de m’étendre sur l’éducation de la foi des adolescents, des étudiants et des adultes. Pourtant c’est aussi fondamental. Je pense par exemple aux aumôneries d’étudiants, d’étudiants français et étrangers - si nombreux à Paris -; aux aumôneries d’écoles secondaires - lycées et collèges d’Etat, établissements catholiques - où des prêtres, des frères, des religieuses, des laïcs, hommes et femmes, s’efforcent, malgré tous les obstacles, de proposer de façon valable la foi aux jeunes, de l’approfondir patiemment avec eux, de les en faire vivre: ils méritent d’être vivement encouragés, vous pourrez le leur dire de ma part. Ne craignons pas d’investir en ce domaine de la pastorale scolaire et universitaire: malheur à l’Eglise si elle n’est pas présente et agissante au sein de ces générations nouvelles qui, par leur culture, tiennent, d’une certaine façon, la clé de la civilisation de demain!

8. Et cela m’amène à une ultime réflexion. Les mots “incroyance massive”, “athéisme”, “indifférence religieuse”, “sécularisation”, reviennent souvent dans vos rapports, à côté de signes d’espérance: sans doute recouvrent-ils des situations et des milieux que vous connaissez bien. Il est bon d’en analyser les causes, et vous le faites souvent, abondamment, avec un esprit d’autocritique très poussé. Il y a d’abord les causes en quelque sorte extérieures à l’identité profonde de l’Eglise, telles les idéologies réductrices qui sapent les convictions de foi ou d’exigence éthique; à Paris, je vous parlais moi-même de la suprême tentation pour l’homme de refuser Dieu au nom de sa propre humanité, comme d’une “méta-tentation”. Ces difficultés ne sont pas seulement intellectuelles: elles sont renforcées par les conditions de vie qui rendent difficile la pratique religieuse - prière, culte, morale -, qu’il s’agisse du déracinement et de la dislocation des familles, ou au contraire du bien-être savouré dans un esprit de matérialisme ou de libéralisme excessif. Mais, en se contentant de désigner de telles causes extérieures, trop réelles, on risquerait sans doute d’accentuer une attitude passive de découragement, ou de juger les personnes qu’il faut au contraire aimer davantage.

Précisément, il faut en arriver à ce que j’appellerais une analyse évangélique des causes. Comme je le disais encore à Issy-les-Moulineaux, il y a une menace intérieure à l’Eglise, qui lui fait perdre sa force, son âme, dans la mesure où elle perd confiance dans la puissance et la sagesse du Message révélé (Cfr 1Co 1,25), dans la force de l’Evangile vécu, dans le véritable bonheur des béatitudes attaché à la pauvreté du coeur, à la douceur, à la soif de justice, à l’oeuvre de paix, à la pureté, à la persécution à cause de Jésus. Oui, il faut admettre que l’Evangile est “un signe de contradiction” comme vous le rappeliez, et il est inséparablement une “Bonne Nouvelle”, qui trouve en elle-même sa continuelle nouveauté et sa force, comme le levain ou le sel, même et surtout dans les conditions extérieures difficiles, parce qu’elle ne s’appuie que sur Dieu, sur la Révélation inouïe de son amour, sur le salut opéré par la Croix et la Résurrection du Christ, sur la prière qui manifeste qu’il ne s’agit pas de notre oeuvre, et sur la pratique de l’éthique chrétienne. Là où des chrétiens, là où des communautés chrétiennes prennent le risque de miser d’abord là-dessus, comme les Apôtres l’ont fait aux origines, les conditions défavorables ou hostiles ne les étouffent pas; elles les stimulent; au lieu de les subir, ce sont eux qui témoignent, tout en s’efforçant de modifier les causes extérieures. Je sais bien que c’est le visage évangélique que vous voulez donner à vos communautés. Pour ma part, tel est mon souhait fervent. Il est tissé d’espérance. Et peut-être retrouverez-vous alors, dans des conditions renouvelées - comme je le disais à tous les évêques français à Issy - (IOANNIS PAULI PP. II Allocutio ad Episcopos in urbe «Issy-les-Moulineaux» habita, 7, die 1 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1603), “la même puissante ossature de l’Evangile et de la sainteté qui constitue un patrimoine particulier de l’Eglise en France”.

Que Notre-Dame vous aide à veiller dans l’éprouve de la foi! Et que Dieu tout-puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit!



Discours 1982 - Discours aux évêques du Mozambique en visite « ad limina » - 24 septembre