Discours 1983 - Samedi, 11 juin 1983


À UNE DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

Jeudi, 30 juin 1983




Eminence,
et chers Frères dans le Christ,

La présence à Rome d’une délégation de l’Eglise soeur de Constantinople augmente encore notre joie en ce jour où nous célébrons les saints apôtres Pierre et Paul. Je tiens à vous en dire ma vive gratitude. Cette nouvelle tradition de fêter ensemble ici, à Rome, les saints Pierre et Paul et, au Patriarcat oecuménique, saint André, frère de Pierre, comble d’une certaine manière le vide qu’a laissé s’établir entre nos Eglises leur communion incomplète. Elle le fait par le désir qu’elle donne d’arriver au jour où nous pourrons finalement célébrer ensemble l’Eucharistie comme des disciples fidèles autour de leur commun Seigneur. Cette participation réciproque à la fête des apôtres est l’expression de notre commun engagement de préparer dans l’unité et dans la charité cette cène de communion que le Seigneur veut que nous célébrions comme mémorial de sa mort et de sa résurrection, comme gage dé vie éternelle.

La célébration de ce jour nous rappelle la vocation des premiers disciples. “Comme Jésus marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon appelé Pierre et André, son frère, en train de jeter le filet dans la mer: c’étaient des pécheurs. Il leur dit: «Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes». Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent” (Mt 4,18-20). Depuis lors, Pierre et André sont unis plus profondément que par les liens du sang, dans une vocation qui va au-delà des nécessités contingentes, mais aussi impérieuses, de leur travail quotidien.

Le Seigneur les a appelés à le suivre pour leur confier une mission parmi les hommes; il s’agit de faire de toutes les nations des disciples du Seigneur (Cfr. ibid. Mt 28,19). C’est la vocation et la mission permanente, à notre époque aussi, de tous ceux qui se réclament des apôtres et se considèrent leurs successeurs dans une lignée ininterrompue qui traverse les siècles. Notre temps riche de dynamismes variés, de nouvelles et imprévisibles conquêtes de l’esprit humain, mais aussi chargé de profondes inquiétudes intérieures et troublé de tragiques tentations de mort, a besoin plus que jamais d’un vivant témoignage de foi, d’unité et d’amour; ce témoignage, il l’attend de nous qui croyons en celui qui a donné sa vie pour le salut du monde. En effet, l’unité que, en obéissance à la volonté du Seigneur, nous cherchons à rétablir entre nos Eglises, est Ordonnée à l’annonce de cette bonne nouvelle à l’humanité entière “afin que le monde croie” (Jn 17,21), qu’il ait la paix et que sa joie soit pleine. L’unité des croyants dans le Christ est une condition de la crédibilité de notre annonce de l’Evangile en notre temps.

Chaque année, notre célébration commune des apôtres nous permet, certes, d’approfondir la connaissance que nous avons les uns des autres et la charité fraternelle qui nous anime, mais elle nous offre encore l’occasion de rendre grâce ensemble au Seigneur qui nous fait progresser, lentement mais sûrement, vers la pleine communion ecclésiale.

Entre nos Eglises se développe aussi une attentive solidarité, fruit d’un sentiment de communion qui s’étend entre Catholiques et Orthodoxes à tous les niveaux. Ces sentiments devraient se concrétiser toujours davantage en actes de collaboration dans le domaine des études comme aussi dans certains secteurs de l’action pastorale, là où Catholiques et Orthodoxes vivent ensemble dans le même lieu.

Dans cet ensemble d’initiatives tendant à rétablir entre nous l’esprit qui doit régner entre des frères, le dialogue théologique poursuit son cours. Avec joie, j’apprends qu’après la seconde session plénière de la commission mixte de dialogue qui s’est tenue il y a exactement un an, les sous-commissions d’étude ont déjà accompli leur travail et que le comité mixte de coordination s’est déjà réuni pour préparer la convocation de la troisième session. Avec dévouement et compétence, des évêques et des spécialistes, catholiques et orthodoxes, animés d’un même zèle, se sont engagés dans ce dialogue avec toutes les ressources de leur intelligence et de leur coeur. Plusieurs fois, j’ai demandé que tous prient pour ce dialogue afin que le Seigneur le rende fécond, car “c’est Lui seul qui fait croître” (1Co 3,7). La prière de tous est nécessaire pour éliminer ces réticences diffuses qui peuvent encore exister ça et là et surtout pour surmonter toutes les difficultés doctrinales que le dialogue devra inévitablement affronter.

Dans ces sentiments de joie et de communion, d’engagement et d’espérance, nous vous accueillons vous-même, Eminence, et la délégation que le Patriarche Dimitrios a voulu, cette année encore, envoyer à Rome.

Je vous prie de porter à Sa Sainteté l’expression de ma fraternelle gratitude et de lui dire le vif souvenir que je garde de la visite que je lui ai faite justement pour la fête de saint André. Dieu fasse qu’encore une fois nous puissions nous unir dans la récitation d’une prière commune! Moi-même et l’Eglise de Rome serions profondément heureux que cela puisse avoir lieu à Rome sur la tombe des saints apôtres Pierre et Paul



Juillet 1983

AUX MEMBRES DE L'ASSOCIATION «LUMEN GENTIUM»

Vendredi, 1 juillet 1983




Chers Frères dans le sacerdoce,
Président et membres de l’Association “Lumen Gentium”,

C’est une joie réconfortante pour le Pape de savoir que, depuis dix ans, vous avez créé et développé, dans un esprit de service du clergé français, d’amour profond de la “Mater Ecclesia” et de communion croissant avec les évêques de votre pays, une concertation entre prêtres visant essentiellement à approfondir la très riche Tradition vivante de l’Eglise, toujours génératrice de vie spirituelle et apostolique intense. Vos statuts expriment clairement vos intentions.

En Eglise, le goût des sources, jaillies récemment comme celles du Concile Vatican II, ou plus anciennes mais encore fraîches et vivifiantes comme celles des autres Conciles - il y a peu, on m’a offert la nouvelle et admirable collection des Conciles! -, ou abondamment ouvertes par les Pères de l’Eglise et les grands Docteurs du Moyen-Age, le goût des sources, dis-je, est absolument indispensable à la santé et à la croissance de la foi du peuple chrétien. Et il est bien évident que les théologiens de métier qui animent votre Association, et les prêtres qui en sont les disciples, sont les premiers bénéficiaires de cette meilleure intelligence de la foi et de la tradition ecclésiales. Sans prétendre à aucun monopole, vous voulez contribuer à ce que l’Eglise grandisse toujours comme un arbre en pleine sève. Je vous félicite et je vous encourage à accréditer qu’il ne saurait y avoir de dichotomie entre la pensée théologique spéculative, absolument nécessaire et exprimée dans un langage accessible au public chrétien, et la recherche concrète de projets pastoraux patiemment réalisés.

Chers Frères dans le sacerdoce, demeurez très unis entre vous et autour de vos évêques. Dialoguez et collaborez avec les autres instances de formation permanente du clergé. C’est la clef de votre bonheur et de votre efficacité! De tout coeur, j’invoque sur chacun de vous ici présents et sur tous les membres de “Lumen Gentium” l’abondance de dons de l’Esprit Saint.


Août 1983

MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX HABITANTS DE FRANCE

Mercredi, 10 août 1983




Chers habitants de France,

Dans quelques jours, j’aurai la grande joie de répondre à une invitation des évêques français en me rendant à Lourdes. Beaucoup de vos compatriotes, je le sais, le souhaitent aussi, et les plus hautes Autorités civiles françaises y ont volontiers donné leur agrément. Ce projet me tenait très à coeur depuis des années; l’événement que vous savez m’avait empêché de le réaliser au moment du Congrès eucharistique international. Je remercie déjà tous ceux qui m’accueilleront ou s’uniront à cette démarche, par la prière ou la sympathie; et je sais gré à tous ceux qui sacrifient en partie leurs propres vacances, pour en préparer avec soin le déroulement.

Il ne s’agit pas cette fois d’un voyage pastoral comme je l’ai fait à Paris ou Lisieux - heureux souvenir! - mais essentiellement d’un pèlerinage d’une journée, dans cette cité mariale de Lourdes justement célèbre dans le monde entier, le jour de la plus grande fête de la Sainte Vierge, et au coeur de l’Année jubilaire de la Rédemption. Avec tout le peuple chrétien présent à Lourdes - et ceux qui en seront proches par la radio et la télévision -, je désire participer simplement aux manifestations de foi et de prière, telles qu’elles s’y déroulent chaque jour, depuis plus d’un siècle, pour le plus grand bien des pèlerins de France et de tout l’univers.

Voilà cent vingt-cinq ans que Marie, l’Immaculée Conception, suscitait elle-même ce mouvement, par l’intermédiaire de l’humble Bernadette Soubirous. “Allez dire aux prêtres de faire bâtir une chapelle et d’y venir en procession”. A mon tour, j’accomplis personnellement ce voeu. Mais, plus encore que ce jubilé et d’autres anniversaires, c’est l’Année Sainte de la Rédemption qui fournira le thème de ce premier pèlerinage d’un Pape à Lourdes. Jésus-Christ est mort et ressuscité pour nous racheter voilà mil neuf cent cinquante ans. Cette année, les chrétiens de toute l’Eglise, dans chaque pays, sont invités à mieux accueillir le Don du Christ et plus précisément son pardon, à mener avec Lui, dans l’Esprit Saint, une vie nouvelle, soulevée par l’amour de Dieu et un esprit plus fraternel envers tout homme. Racheter, c’est en même temps redonner Dieu à l’homme et l’homme à Dieu; c’est rendre l’homme à lui-même, lui faire retrouver sa ressemblance avec Dieu. Où le faire mieux qu’à Lourdes, où Marie a indiqué les voies de ce renouveau, et ouvert une source permanente de grâces? Et qui est le plus intéressé à ce renouveau des consciences, sinon le Successeur de Pierre, premier Responsable de l’unité, de là fidélité et du progrès des disciples du Christ?

Pour l’automne prochain, j’ai appelé mes Frères les Evêques à se réunir en Synode à Rome sur la Réconciliation et la Pénitence. A Lourdes, nous prierons pour le succès de cette mission fondamentale de l’Eglise.

J’invite donc les catholiques à s’y préparer avec moi, dans les paroisses, les diocèses, les mouvements de jeunes et d’adultes. A la grotte de Lourdes, je ferai miennes toutes vos intentions, notamment de ceux qui souffrent, ou cherchent à améliorer leur vie, à tous les plans. J’y porterai les intentions de l’Eglise universelle, avec une pensée spéciale pour l’Eglise en France, et aussi pour tout le peuple français auquel vont mes meilleurs souhaits. Puisse ce pèlerinage contribuer à ouvrir, pour un grand nombre d’entre vous, une nouvelle espérance!



PÈLERINAGE APOSTOLIQUE À LOURDES


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LE PRÉSIDENT FRANÇOIS MITTERRAND

Aéroport International Tarbes-Lourdes-Pyrénées, Dimanche, 14 août 1983




Monsieur le Président, je suis très touché des paroles que vous m’adressez au nom du peuple et du gouvernement français, et je suis sensible à l’hommage que vous rendez à ma mission spirituelle envers l’ensemble des catholiques - de votre pays et de tout l’univers - ainsi qu’aux efforts qu’entraîne cette mission en faveur de la paix et de la justice dans le monde. Je vous remercie tout spécialement d’avoir tenu à venir en personne me saluer et converser avec moi sur d’importantes questions, avant que je ne commence le pèlerinage proprement dit pour lequel je suis venu.

Je remercie également l’Episcopat français qui m’a invité à plusieurs reprises à me rendre à Lourdes, et que je salue ici en la personne de Messieurs les Cardinaux, du Président et du Vice-Président de la Conférence, avant de rencontrer leurs confrères à Lourdes même. Le Seigneur me permet d’accomplir ainsi un voeu qui m’était très cher, depuis des années: un voeu que beaucoup de chrétiens aspirent à réaliser dans leur vie, à plus forte raison un Pape.

Comptant sur la fidélité d’une humble enfant de ce pays à transmettre un message venu d’en haut, la Vierge a fait de ce lieu un rendez-vous mondial de ceux qui croient en l’Evangile, de ceux qui prient, de ceux qui souffrent, de ceux qui veulent être délivrés de leur péché, de ceux qui aspirent à retrouver dans l’Eglise les racines de leur communion de foi et de charité. Je vais donc m’unir à la prière, aux gestes religieux de ces pèlerins de tous pays, réunis chez vous.

Mais je sais que la majorité d’entre eux sera venue de France en coïncidence avec le Pèlerinage National annuel. Je prierai donc tout spécialement avec le peuple chrétien de ce pays, aux intentions de la nation française tout entière et de ceux qui ont la charge de la gouverner et de la servir. Je connais son passé, ses mérites et les efforts de vos concitoyens -chrétiens ou non - aujourd’hui comme hier, pour qu’elle demeure digne de ses traditions de liberté et de fraternité, et de son souci de paix équitable entre les différents pays du monde. Je devine aussi les difficultés qu’elle rencontre et auxquelles chacun doit faire face selon ses responsabilités spirituelles et civiques. Sans nier la complexité des problèmes économiques et sociaux, il convient de mesurer en premier lieu le grave enjeu spirituel qui leur est sous-jacent, comme je le disais il y a à peine deux mois dans mon propre pays: leur solution correcte suppose la fidélité de chacun à sa conscience, une conscience bien formée à discerner le bien et le mal, éprise de justice, d’amour et de vérité; une conscience respectueuse du mystère de Dieu, qui seul donne un sens plénier aux exigences morales comme à l’existence elle-même; une conscience sensible au message de l’Evangile, transmis par l’Eglise de génération en génération au sein de votre nation et qui a marqué de ses valeurs sa culture, son art et ses moeurs. Lourdes est précisément cette source où la conscience devient ou redevient limpide et retrouve son orientation première, avec Marie, si vénérée dans ce pays et depuis si longtemps, que ce soit au Puy, à Fourvière ou en tant d’autres lieux.

C’est donc un moment privilégié que je vais vivre ici, pour le progrès de l’Eglise et pour le bien de la France que je demande à Dieu de bénir par l’intercession de Notre-Dame!



RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LE MAIRE FRANÇOIS AMADIE

Lourdes (France), Dimanche 14 août 1983



Monsieur le Maire,

Vos aimables paroles me touchent profondément, et la remise de cette magnifique médaille d’or de la ville de Lourdes contribuera à me rappeler l’heureux souvenir de cette visite. Je vous exprime ma vive gratitude.

Je vous prie de m’excuser si je ne pousse pas plus avant la visite de votre belle ville, riche de témoignages du passé et d’aménagements modernes. En bon pèlerin, je dois d’abord me rendre dans l’enceinte des sanctuaires et mon court séjour ne me donnera pas le loisir d’en sortir.

Mais je sais ce que les autorités municipales de Lourdes et les différents services de la ville ont su réaliser pour faire face à l’afflux énorme des pèlerins, aujourd’hui comme en d’autres circonstances. Car, sans oublier les autres aspects de la vie de votre cité, on peut dire que la destinée de Lourdes a été substantiellement modifiée depuis que les événements imprévisibles de 1858 ont attiré des foules de croyants, bien portants et malades, de tous pays. L’histoire nous rapporte que, dans sa propre ville, Bernadette Soubirous rencontra, au début, bien des difficultés pour être fidèle à sa mission reçue de Marie; aujourd’hui son témoignage n’en est que mieux attesté, plus émouvant. En tout cas, depuis longtemps, les responsables de la cité ont compris les services que les pèlerins attendaient d’eux. Et je n’ignore pas, Monsieur le Maire, la part active que vous y prenez, avec votre Conseil municipal. Non seulement il vous faut résoudre les multiples problèmes pratiques qui sont posés quotidiennement par les pèlerinages. Mais le fait que votre ville s’est acquis le titre de cité mariale au plan de l’univers requiert que soit facilitée, sous différents aspects, la tâche spirituelle que l’Eglise a à accomplir en ce lieu.

En vous remerciant, je remercie également tous les Lourdais qui concourent à cet accueil, et notamment les hôteliers qui doivent faire preuve, avec leur personnel, d’une grande disponibilité, durant des périodes d’activité très chargée - comme celle-ci - ou au contraire plus ralentie. Ensemble, vous êtes les héritiers d’une tradition d’hospitalité envers les pèlerins qui caractérise la région des Pyrénées et qui remonte sans doute au temps des déplacements des foules vers Saint Jacques de Compostelle. Les pèlerins ne sont pas des touristes comme les autres; beaucoup sont de situation modeste; et surtout ils ont des exigences particulières en ce qui concerne le respect de leur démarche religieuse.

Dieu a donné à cette ville une si noble vocation! Puissent ses habitants, qui en sont légitimement fiers, y répondre toujours aussi noblement! Que la Vierge vous y aide! Et je dis aux Lourdais: que le Seigneur vous bénisse, vous et vos familles!



PRIÈRE DU PAPE JEAN-PAUL II À LA GROTTE DE MASSABIELLE

Lourdes (France), Dimanche, 14 août 1983



Dieu soit béni! Oui, Dieu soit béni, Père, Fils et Saint-Esprit, d’avoir préparé ici, pour la Bigorre et les Pyrénées, pour la France, pour l’Eglise entière, un tel lieu de prière, de rassemblements de croyants, de réconciliation! Dieu soit béni d’avoir fait jaillir ici, depuis 125 ans, en même temps que la petite source de Massabielle, une source vive où la foi se retrempe, où les corps et les âmes guérissent, où le sens de l’Eglise se fortifie! Dieu soit béni d’avoir réalisé cela, une fois de plus, par la Vierge Marie, qui attire ici les foules, comme elle a attiré Bernadette, pour les conduire au Christ! Béni soit Notre-Dame, qui nous obtient tant de grâces et qui m’a permis à moi-même, après un attentat dont j’ai été sauvé, de venir enfin jusqu’ici pour puiser à mon tour à la source, et y rassembler les fidèles, selon la mission de Pasteur universel confiée à l’Apôtre Pierre.

Et vous, chers Frères et Soeurs, merci d’avoir répondu si nombreux à l’appel de ce pèlerinage, merci de tout ce que vous avez préparé, merci de votre accueil. Au-delà de Monseigneur Donze, le cher Evêque de ce lieu, - que je remercie de son touchant hommage de bienvenue - je salue l’Episcopat de France et tous les Evêques qui se sont joints à eux, de nombreux pays! Je salue les prêtres qui trouvent ici un lieu privilégié pour leur ministère d’éducation de la foi, de la prière, et de la réconciliation, et notamment les chapelains qui animent quotidiennement les pèlerinages. Je salue les religieux, les religieuses, les personnes consacrées, dont le témoignage de gratuité dans l’amour est essentiel au milieu de l’Eglise! Je salue les personnes et les associations qui se dévouent au service des malades-pèlerins dans ce sanctuaire. Je salue tous les fidèles, les pères et mères de famille, les personnes âgées, les infirmes et les malades qui doivent toujours être à l’honneur en ce lieu. Je salue les pauvres de toute sorte pour lesquels la cité mariale de Lourdes doit être particulièrement accueillante, comme l’avait si bien compris Monseigneur Rodhain, fondateur du Secours Catholique et de la cité Saint-Pierre (Cfr. 1P 2,11). Je salue les jeunes, en me souvenant de la jeune Bernadette à laquelle la Vierge s’est adressé avec tant de bonté, de respect, de confiance. Je salue tous ceux qui sont venus ici vivre leur foi ou en quête de la foi, d’un supplément d’âme.

Avec vous tous, je me suis fait pèlerin. Sur cette terre, nous sommes toujours, d’une certaine façon, pèlerins et voyageurs, comme disait saint Pierre. Et je vais vivre avec vous une journée typique de pèlerinage, très simplement, à travers des gestes et des manifestations de piété qui font ici, tous les jours, la preuve de leur authenticité évangélique et ecclésiale, de leur adaptation aux personnes et aux foules, de leur fécondité spirituelle. J’avais désiré d’un grand désir ce pèlerinage. Dieu me comble aujourd’hui, au milieu de vous.

Quel message, quelle Bonne Nouvelle, vous dire dès ce soir, pour orienter toutes nos démarches?

Je dirai simplement: La Vierge sans péché vient au secours des pécheurs.

1. La Vierge, Notre-Dame de Lourdes! Demain, nous la célébrerons dans sa gloire de ressuscitée, associée dans son corps et son âme à la vie céleste de son Fils. La femme revêtue de la vie divine comme du soleil et couronnée d’étoiles, pour parler comme l’Apocalypse. A Bernadette Soubirous, elle est bien apparue rayonnante de ce bonheur, mais elle évoquait plutôt la jeune fille de l’Annonciation, jeune, toujours jeune, plus jeune que le péché, comme l’a bien fait comprendre un de vos écrivains, Georges Bernanos. Elle évoquait les préludes de l’Incarnation du Christ, la préparation à sa venue par le baptême et la pénitence, l’Avent. Et surtout elle rappelait la grâce de sa propre conception immaculée, qui avait fait d’elle le signe avant-coureur de l’humanité rachetée par le Christ, la préservant du péché originel, c’est-à-dire de cette séparation d’avec Dieu qui atteint tous les hommes à leur naissance et qui laisse dans leur coeur une tendance au soupçon, à la méfiance, à la désobéissance, à la révolte, à la rupture avec ce Dieu qui n’a jamais cessé de les aimer. La Vierge a été établie d’emblée dans la relation aimante avec Dieu.

2. Pourquoi donc a-t-elle choisi ce visage et ce nom pour se révéler ici?

Disons-le franchement: notre monde a besoin de conversion.

A toute époque, il en est d’ailleurs ainsi. Au milieu du XIXème siècle, ce besoin se manifestait d’une façon particulière, dans l’incroyance de certains milieux scientistes, devant certaines philosophies, ou dans la vie pratique. Aujourd’hui, le sens même du péché a en partie disparu, parce que le sens de Dieu se perd. On a pensé bâtir un humanisme sans Dieu, et la foi risque sans cesse d’apparaître comme une originalité de quelques-uns, sans rôle nécessaire pour le salut de tous. Les consciences se sont obscurcies, comme lors du premier péché, ne distinguant plus le bien et le mal. Beaucoup ne savent plus ce qu’est le péché, ou n’osent plus le savoir, comme si cette connaissance allait aliéner leur liberté. Et pourtant, que d’efforts admirables nos contemporains ne tentent-ils pas pour épanouir les capacités humaines que Dieu leur a données, et créer de meilleures conditions de vie pour eux et pour les autres! Mais il demeure difficile de convaincre ce monde de la misère de son propre péché, et du salut que Dieu lui offre sans cesse dans la réconciliation acquise par la Rédemption. C’est toute la démarche que l’Eglise a entreprise et cette Année jubilaire de la Rédemption.

Or la Vierge sans péché nous rappelle ici ce besoin primordial: elle nous dit, comme à Bernadette: priez pour les pécheurs, venez vous laver, vous purifier, puiser une nouvelle vie. “Convertissez-vous et croyez à l’Evangile” (Mc 1,15). A ces tout premiers mots de Jésus dans l’Evangile, elle donne une nouvelle actualité.

3. Car si Marie représente bien l’ennemi de Satan, le contraire du péché, elle se montre ici l’amie des pécheurs, comme le Christ qui mangeait et vivait au milieu d’eux, lui le “Saint de Dieu”. C’est la Bonne Nouvelle qu’elle redit à ce monde, à chacun de nous. Il est possible, il est bienfaisant, il est vital de trouver, de retrouver le chemin de Dieu.

Oui, la prise de conscience du péché est possible, en même temps que celle de l’amour miséricordieux de Dieu ou plutôt grâce à lui, car c’est lui qui change le coeur du pécheur, le rend lucide et repentant. Ce n’est pas humiliant, ce n’est pas traumatisant, c’est libérateur. Seul l’orgueil y ferait obstacle. Et Bernadette rappelle, par toute sa vie, ce que Marie avait proclamé dans son “Magnificat”: “Il a jeté les yeux sur son humble servante... élevé les humbles” (Lc 1,48-52). Apparemment, les obstacles à la conversion, intérieurs et extérieurs, pourraient aujourd’hui sembler insurmontables. Mais tout est possible à Dieu. Il s’agit d’un don de Dieu, que nous allons demander. Il en va comme de la source qui jaillit, imprévue, entre les doigts de Bernadette, et qui ne cessera plus de couler. Il faut s’y laver. “Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme la neige” (Is 1,18). Et il faut s’y disposer par l’humilité, les gestes de pénitence, la prière, la demande de pardon: il n’y a pas d’autres voies; c’est ce qu’ont annoncé les prophètes qui ont précédé le Christ, notamment Jean-Baptiste; c’est ce qu’a affirmé le Christ lui-même; c’est ce que répètent l’Eglise et Marie qui nous apportent son message, et Bernadette qui nous le transmet si simplement, si fidèlement.

Cette démarche de conversion et de pénitence est spécialement en harmonie avec cette année sainte, où nous célébrons le jubilé de la Rédemption. Le Christ est mort et ressuscité pour nous arracher à l’état de: pécheurs et nous communiquer une vie nouvelle. Par là, il a redonné Dieu à l’homme et l’homme à Dieu. Lourdes est un lieu où l’on comprend sans doute mieux qu’ailleurs cette Rédemption, et où des millions de pèlerins vivront ce jubilé.

Tout prochainement, à Rome, se tiendra d’ailleurs le Synode des Évêques, que j’ai convoqué sur le thème de la Réconciliation et de la Pénitence, et qui se prépare actuellement dans les diocèses. C’est un événement capital à mes yeux. Et je viens à Lourdes prier pour que ce Synode se déroule au mieux et porte beaucoup de fruits, dans toute l’Eglise. Je confie cette intention à l’Immaculée Conception. Et je la confie aussi à votre prière.

4. Pour l’instant, Frères et Soeurs, préparons nos coeurs à la rencontre avec le Seigneur, comme Marie nous y invite; préparons-nous à la fête de l’Assomption. Et remercions Dieu de la grâce qu’il nous fait en ce lieu. Depuis plus d’un siècle, - n’y-a-t-il pas juste cent ans que la première pierre de la basilique ancienne était posée? - le monde entier a les yeux tournés vers Lourdes. Certes, chaque pays a ses sanctuaires célèbres, où la présence de Marie est particulièrement honorée et invoquée. J’en ai déjà visité en pèlerin un certain nombre, car je suis persuadé que l’Eglise doit puiser à ces sources: je pense évidemment à Czstochowa, mais aussi à Guadalupe, à Ephèse, à Fatima, à Knoch en Irlande, à Aparecida au Brésil, à Montserrat et Saragosse en Espagne, à Lorette et Pompei en Italie.

Il me semble qu’il y a une grâce particulière à Lourdes. Le message est sobre et clair mais fondamental. Il a été transmis d’une façon spécialement forte, pure et transparente, par une adolescente à l’âme limpide et courageuse. Les signes sont simples: le vent qui évoque l’Esprit de la Pentecôte, l’eau de la purification et de la vie, la lumière, le signe de la croix, la prière du rosaire. Dès le début, les chrétiens sont invités à y venir en foule, en Eglise. Et de fait, c’est comme si, ici, le respect humain et toutes les réticences - qui trop souvent bloquent la conversion et l’expression religieuse - étaient naturellement surmontés. Ici, on prie, on aime prier, on aime se réconcilier avec Dieu, on aime vénérer l’Eucharistie, on fait une place d’honneur aux pauvres, aux malades. C’est un lieu exceptionnel de grâces. Dieu soit loué.

Louons-le avec les paroles de Marie:

Magnificat anima mea Dominum!”.

“Mon âme exalte le Seigneur! Il s’est souvenu de son amour”.

Entendons le Seigneur nous dire: “Je t’aime, je n’ai jamais cessé de t’aimer”.

Ecoutons-le nous poser, comme à Pierre, la question toujours fondamentale: “Aimes-tu? M’aimes-tu?”.

Sans lui, sans sa présence, nous serions incapables de répondre. Mais l’Esprit Saint peut vivifier en nous l’amour et la foi: Accueillons l’Esprit qui est venu en Marie en plénitude:

“Le Puissant fit pour moi des merveilles!”.

Magnificat anima mea Dominum.



RÉCITATION DU ROSAIRE

Grotte de Lourdes, Dimanche, 14 août 1983

MYSTÈRES GLORIEUX


Avec la simplicité et la ferveur de sainte Bernadette, récitons notre chapelet!

Première dizaine: pour honorer la Résurrection du Seigneur Jésus.

— Bénissons la Mère du Vainqueur de la mort et du péché.

— Avec elle, bénissons le Christ ressuscité.

— Prions Marie d’affermir la foi des communautés chrétiennes de France et de l’univers.

Deuxième dizaine: pour honorer l’Exaltation du Christ dans la gloire divine, le mystère de l’Ascension.

— Réjouissons-nous avec Notre-Dame pour la glorification céleste de son Fils.

— Louons le Christ, nouvel Adam, d’avoir rouvert aux hommes un destin d’immortalité et de vie avec Dieu.

— Confions à Marie les hommes et les peuples qui ont perdu, ou qui ignorent, ou qui combattent l’espérance chrétienne.

Troisième dizaine: pour honorer l’Evénement de la Pentecôte.

— Louons Marie, en qui l’Esprit Saint a donné naissance au Rédempteur du monde.

— Louons Jésus d’avoir envoyé son Esprit aux premiers disciples, comme il le donne à ceux d’aujourd’hui.

— Supplions Marie, parfaitement fidèle à l’Esprit, d’accorder cette même fidélité aux responsables et aux membres de l’Eglise.

Quatrième dizaine: pour honorer l’Assomption de la Vierge Marie.

— Louons Marie de Nazareth, Marie de Bethléem, de la Présentation au Temple, de Cana, du Calvaire, du Cénacle: elle a été glorifiée directement en son âme et en son corps.

— Remercions Jésus d’avoir fait participer sa Mère à sa vie de Ressuscité.

- Prions Marie de nous donner la joie, et l’espérance, de la rejoindre.

Cinquième dizaine: pour honorer le Couronnement de Notre-Dame.

— Saluons, avec toute la Tradition, Marie participant à la royauté spirituelle du Christ Rédempteur.

— Bénissons Jésus d’avoir associé sa Mère à l’extension de son Règne!

O Mère de l’Eglise, ô Reine de l’univers, nous t’en prions, étends à toute la terre ta maternelle protection!

Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés et ne nous soumets pas à la tentation mais délivre-nous du mal.

Amen.

Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.

Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort.

Amen.

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit
comme il était au commencement, maintenant et toujours
dans les siècles des siècles.

Amen.


PRIÈRE DU PAPE JEAN-PAUL II À MARIE, NOTRE-DAME DE LOURDES

Grotte de Massabielle - Dimanche, 14 août 1983



Devant toi, ô Mère du Christ, devant ton coeur immaculé, je veux aujourd’hui m’unir à nouveau à notre Rédempteur qui s’est consacré pour les hommes, afin de les régénérer par le pardon et de les nourrir de sa Vie. Tu t’es unie, plus que quiconque, à son offrande pour le salut du monde. Et tu nous supplies, par la voix de Bernadette d’accueillir l’invitation à la pénitence, à la conversion, à la prière. Ne permets pas que nous passions notre chemin en oubliant ton appel.

Mère des hommes et des peuples, toi qui connais leurs souffrances et leurs espoirs, qui ressens d’une façon maternelle leurs luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres, écoute notre prière, viens au secours de tes enfants dans l’épreuve. Je te renouvelle à Lourdes pour toute l’Eglise la prière que j’aime t’adresser dans les grands sanctuaires qui te sont dédiés à travers le monde.

Et ici, sur cette terre de France, je confie spécialement à ton amour maternel les et les Elles de ce peuple. Ils n’ont pas cessé de t’honorer, dans leurs traditions, dans l’art de leurs cathédrales, dans leurs pèlerinages, dans la piété populaire comme dans la dévotion des auteurs spirituels, sûrs de demeurer proches du Christ en te contemplant, en t’écoutant, en te priant. Beaucoup ont tenu à se consacrer à toi, y compris des rois, comme l’a fait Louis XIII au nom de son peuple.

Toi-même, tu as donné à Bernadette Soubirous l’expérience de ta douce présence en la chargeant d’un message qui fait écho à la parole de Dieu confiée à l’Eglise. L’offrande que nous faisons de nous-mêmes devant Toi, ô Notre-Dame, doit être l’oeuvre personnelle de chacun, de chaque famille, de chaque communauté ecclésiale et il est bon de la renouveler à chaque génération, dans la forme qui exprime au mieux cette remise confiante.

J’accomplis ce geste aujourd’hui avec tous ceux qui le veulent dans ce pays: afin que leur foi chrétienne triomphe de toutes les embûches, qu’elle soit fidèlement transmise et que les jeunes générations l’accueillent vraiment. Afin qu’ils soient assidus à te prier. Afin que se lèvent toujours des chrétiens convaincus, des saints, qui entraînent leurs frères dans une vie brûlante d’amour de Dieu et du prochain, et de zèle missionnaire. Afin que la charité et l’unité, afin que la joie et l’espérance habitent cette Eglise. Afin que son témoignage aide la nation tout entière dans le progrès véritable que tu désires pour elle.

O Marie, Notre-Dame de Lourdes, obtiens pour ces frères et soeurs de France les dons de l’Esprit Saint, afin de donner une nouvelle jeunesse, la jeunesse de la foi, à ces chrétiens et à leurs communautés, que je confie à ton coeur immaculé, à ton amour maternel.


JEAN-PAUL II


Discours 1983 - Samedi, 11 juin 1983