Discours 1986 - Mardi, 7 octobre 1986

N’ayez pas peur. Ne vous laissez pas arrêter par les raisonnements qui, au dire du Père Chevrier, “tuent l’Evangile” (Le véritable disciple, pp. PP 127). Parlez, interpellez ceux qui s’habituent à l’injustice, s’installent dans l’indifférence et l’incroyance. Le monde a besoin de connaître par vous l’absolu de l’Evangile. Sans vous départir de la douceur et de l’humilité du bienheureux Antoine Chevrier, sans ignorer les conditions complexes de l’évangélisation, ni la pédagogie, montrez Jésus-Christ. Qu’il sorte en quelque manière de votre bouche et de toute votre existence. Oui, allez aux pauvres, pour que Jésus-Christ puisse être reconnu et accueilli.

4. Que votre caractère distinctif soit toujours la simplicité et la pauvreté. Au sein de l’Eglise, nous avons besoin d’hommes et de femmes qui nous rappellent la force et la liberté que donne la pauvreté apostolique. Soyez pauvres et simples dans votre style de vie, de telle sorte que les hommes saisissent la beauté de la pauvreté évangélique. Soyez désintéressés. a Donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement”.

5. Parlez de Jésus-Christ avec la même intensité de toi que le Père Chevrier. Celui qui connaît Jésus-Christ – de cette connaissance au sens johannique qui comprend l’amour – ne vit plus pour lui-même, mais pour Jésus-Christ et pour le faire connaître aux autres. Les pauvres ont le droit qu’on leur parle de Jésus-Christ. Ils ont droit à l’Evangile et à la totalité de l’Evangile. Vous vous rappelez la consigne du Père Chevrier: “Catéchiser les hommes, c’est la grande mission du prêtre aujourd’hui” (Lettres, p. 70). Nous devons annoncer explicitement l’Evangile avec fidélité, simplicité, autorité et fermeté. a Que les mystères de notre Seigneur vous soient si familiers que vous puissiez en parler comme d’une chose qui vous est propre, comme les gens savent parler de leur état, de leurs affaires” (Lettres, p. 47). Que votre prédication à la portée des simples éclaire l’intelligence, touche le coeur et fasse vivre la nouveauté de l’Evangile au milieu des hommes.

6. Appuyez-vous toujours sur Jésus-Christ et sur l’Eglise. Vous devez prendre des initiatives et aller à la rencontre de ceux qui sont loin. Mais nous ne pouvons pas oublier que nous allons au nom du Christ et de l’Eglise. L’obéissance de l’envoyé est la condition de sa fécondité apostolique. Une vie livrée aux pauvres n’est pas toujours facile. Pour se laisser conduire par l’Esprit de Dieu au milieu des tanisons et des ambiguïtés de l’existence, il est nécessaire de fréquenter assidûment la Parole de Dieu et de demeurer dans la communion avec vos évêques et avec le Pape.

Le Père Chevrier a voulu que ses premiers séminaristes terminent à Rome leur formation, et il les y a rejoints. Il était très conscient de la nécessité de travailler en Eglise. Il disait: L’Esprit de Dieu est dans l’Eglise, dans le Pape, dans les saints, dans un bon règlement tiré de l’Evangile et approuvé par l’Eglise.

Chers amis, comme lui, aimez l’Eglise, travaillez avec elle, pour elle. Il n’y a pas de disciples ou de témoins en dehors de l’Eglise. D’ailleurs, à condition de garder votre charisme et d’être disponibles pour les pauvres dans l’Eglise universelle, vous tenez beaucoup à demeurer liés aux Eglises diocésaines dont vous partagez et stimulez l’élan missionnaire. La mission est l’oeuvre de toute l’Eglise.

Benedictio pauperibus, disait Pie IX en accueillant les quatre premiers diacres du Prado à Rome, en novembre 1876. Son successeur est heureux aujourd’hui d’encourager, au lieu même de sa première implantation, toute la famille du Prado.

A vous tous, prêtres, frères, soeurs et laïques du Prado, ainsi qu’à tous ceux auxquels vous êtes envoyés. A tous les gens qui habitent aujourd’hui le quartier de La Guillotière, je donne mon affectueuse Bénédiction Apostolique.



À LA CÉRÉMONIE DE CONGÉ À L'AÉROPORT DE SATOLAS

Lyon, Mardi, 7 octobre 1986



Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames, Messieurs,
Chers Frères et Soeurs,

1. Je suis heureux d’exprimer en votre présence ma gratitude et ma satisfaction.

Je vous remercie, Monsieur le Premier Ministre, d’être venu en personne me saluer au moment où s’achève ce troisième voyage pastoral en France. Je remercie le Gouvernement français de tout ce qui a été fait pour le bon déroulement de ces journées. Je suis très conscient des efforts onéreux qui ont été demandés aux Autorités civiles et militaires, à tout le personnel de la sécurité, pour que les déplacements et les rassemblements se déroulent dans l’ordre et dans la paix, à l’abri des risques que certains redoutaient pour la personne du Pape et pour les foules massivement réunies. Aux très nombreuses personnes qui ont participé à ces services, dans la discrétion, j’exprime, au nom de tous, un grand merci, avec mes excuses pour le surcroît de travail et de fatigue qui leur a été imposé. Ainsi le but spirituel de cette visite pastorale a pu être atteint, pour la grande joie des catholiques de France qui désiraient vivement célébrer leur foi, ensemble avec moi, dans ce pays qui a la chance de connaître la liberté religieuse et le respect des convictions, et, je crois aussi, pour la satisfaction de leurs concitoyens de bonne volonté, accueillants à tout message qui élève l’homme, donne un sens à la vie, fortifie l’espérance et stimule la fraternité.

Ma gratitude va évidemment à mes Frères dans l’épiscopat, notamment à ceux des quatre diocèses visités, à tous les chrétiens qui autour d’eux ont préparé activement ces rencontres et pris en charge tout ce qu’elles nécessitaient.

J’inclus encore dans mes remerciements les artisans des communications sociales, de la radio, de la télévision et de la presse, qui ont essayé de rendre compte de ces événements spirituels pour les mettre à la portée du public.

2. Monsieur le Premier Ministre, vous qui assumez une très haute charge au service des Français, je vous assure de tous mes voeux pour ce cher pays.

Je désire d’abord que la France connaisse la paix à laquelle elle a droit, à l’abri des troubles d’un terrorisme international qui doit être réprouvé par l’humanité entière, par les Etats et les Organisations internationales. Je souhaite avec vous un effort concerté de tous les citoyens pour ne pas laisser en marge de nouveaux pauvres. Puisse le respect des autres dans leurs différences affermir un climat de tolérance et de coopération, cependant que chacun accepte les devoirs qui lui incombent en même temps qu’il revendique ses droits! J’encourage encore l’effort – que les Français ont si bien réalisé dans leur histoire – d’inventer des gestes solidaires pour les pays plus démunis que le leur, même lorsqu’ils se sentent plus limités dans leurs possibilités. Je souhaite que la France continue à faire honneur au génie de l’esprit et au génie du coeur.

3. En ce qui concerne la foi, chers Frères et Soeurs chrétiens, il m’a semblé rejoindre l’âme profonde de la France, dont les fils et les filles n’ont pas oublié leur histoire chrétienne, leur vocation de baptisés, même environnés par le brouillard de l’indifférence religieuse, du doute ou du respect humain qui trop souvent tend à les replier su eux-mêmes. Le jeunes ont manifesté une belle confiance. Nombre de prêtres, de religieux, de laïcs, redisent fermement leur volonté de remplir totalement leur vocation. Un nouvel élan spirituel et apostolique est possible pour l’Eglise en France.

“Quand le saints passent, Dieu passe avec eux...”. Vous avez la chance, chers amis, d’avoir en France des hauts lieux de sainteté. Ne voyez-vous pas que les pèlerins des autres pays, que le Pape, viennent s’y retremper? Les saints nous montrent le chemin du vrai renouveau. Ayez un coeur de pauvre, nous dit le bienheureux Père Chevrier. Ouvrez-vous à la miséricorde et au pardon de Dieu, insiste le Curé d’Ars. Approchez-vous du Coeur du Christ, nous suggère Marguerite-Marie, pour changer votre coeur de pierre en un coeur de chair. Faites l’expérience de la joie que donne l’amour fraternel, rappelle saint François de Sales.

Ce ne sont que quelques sources de sainteté, a côté de celles qui existent dans vos autres régions. Elle sont toujours à votre portée pour votre vie quotidienne. Puissiez-vous avoir compris ces jours-ci que la sainteté n’est pas le privilège de quelques-uns, que la douceur évangélique n’est pas une faiblesse, que parler du “coeur” selon Dieu n’est pas un sentimentalisme éphémère! C’est un amour fort, de la force de Dieu, qui change le cours d’une vie, qui soulève la torpeur de la société. “Si tu savais le don de Dieu!” (Jn 4,10). Tels est le chemin qui conduit à la vie. Sur ce chemin, le Christ vous bénit. Et moi, par l’affection et la prière, je demeure proche de vous.




À LA IVème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

10 octobre 1986

Monsieur le Cardinal,

chers Frères dans l’épiscopat,
chers amis,

1. Je suis heureux de vous recevoir. Je constate que le Conseil pontifical pour la Famille tient régulièrement son Assemblée plénière, et peut ainsi bénéficier de l’apport de tous ses membres, et notamment de l’expérience des foyers des divers pays, tout en approfondissant une recherche doctrinale sur les valeurs de la famille qu’il importe tant de promouvoir.

Le thème central choisi pour vos réflexions en cette quatrième Assemblée plénière, “le sacrement du mariage et la mission éducatrice”, aidera sans aucun doute à approfondir les aspects importants de la mission des laïcs dans l’Eglise. Douze mois seulement nous séparent du prochain Synode des Evêques qui traitera précisément de la vocation et de la mission des laïcs, et cette tâche de l’éducation revêt une importance particulière pour le bien de l’Eglise et de la société elle-même.

2. La Constitution du Concile Vatican II sur l’Eglise, rappelant que les laïcs sont “engagés... dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale”, affirme qu’ils “sont appelés par Dieu pour travailler comme du dedans à la sanctification du monde, à la façon d’un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l’esprit évangélique”.

Or l’un des éléments propres à la vie familiale est la tâche de l’éducation des enfants. Les parents, qui sont les premiers et principaux responsables de l’éducation de leurs enfants, deviennent ainsi leurs premiers évangélisateurs, en conformité avec la vocation du mariage. Ils ont été appelés par Dieu à transmettre la vie humaine et ils contribuent en outre à la régénération que Dieu opère en eux par la foi et par le baptême qui leur donne la vie divine. Ainsi donc – comme le rappelle l’Exhortation apostolique Familiaris Consortio” – “grâce au sacrement de mariage, la mission éducative est élevée à la dignité et à la vocation d’un "ministère" authentique de l’Eglise au service de l’édification de ses membres”.

3. Affirmer la valeur des enfants, c’est, logiquement, reconnaître en même temps les deux aspects inséparables que sont leur procréation et leur éducation. La Constitution pastorale “Gaudium et Spes” présente la procréation et l’éducation des enfants comme le couronnement de l’institution du mariage et de l’amour conjugal. L’importance que la doctrine chrétienne sur le mariage attribue à la procréation n’a jamais été et ne peut être reliée au seul aspect génétique ou biologique. Ce qui est demandé dans la constitution du mariage, et pour cette raison exigé dans l’intimité conjugale même, c’est une ouverture à l’enfant auquel on donne la vie et que l’on éduque. L’amour même qui unit les époux les ouvre à l’enfant, qui est le fruit de leur amour. “Le don de soi qui anime les époux entre eux se présente comme le modèle et la norme de celui qui doit se réaliser dans les rapports entre frères et soeurs, et entre les diverses générations qui partagent la vie familiale”. Et pour remplir une telle mission, les époux chrétiens “sont fortifiés et comme consacrés par un sacrement spécial”.

4. On ne peut établir une spiritualité du mariage en négligeant ce que sont ses tâches primordiales.

La spiritualité conjugale suppose que l’on assume consciemment et volontairement les aspects liés à la vocation d’époux et de parents, qu’on les vive dans la foi, l’espérance et la charité. Ce sont les réalités propres au mariage, telles que l’amour humain, la procréation et l’éducation des enfants, la fidélité, avec chacun des devoirs qu’elles requièrent, qui, vécues dans l’esprit du Christ, sanctifient les époux comme tels. On ne peut non plus opposer les éléments essentiels de cette mission conjugale, ils sont liés les uns aux autres. On ne saurait craindre qu’une attitude responsable dans la transmission de la vie puisse porter directement préjudice à l’amour que les époux ont l’un pour l’autre, à l’éducation des enfants ou encore à la fidélité elle-même. Lorsque, sous prétexte d’être plus attentif à l’un de ces aspects, on en délaisse d’autres, celui-là même que l’on a voulu privilégier n’en est pas pour autant amélioré.

5. Ce même ensemble de vertus humaines et chrétiennes, propres aux époux qui assument leur mission devant la société civile et devant l’Eglise, doit être transmis avant toute chose aux enfants. Bien plus, par une sorte d’osmose, les enfants intègrent dans leur vie et leur personnalité ce qu’ils respirent dans le milieu familial et qui est le fruit des vertus que les parents ont mises en oeuvre dans leur propre vie. Le meilleur moyen de ciseler ces vertus dans le coeur des enfants, c’est de les leur présenter gravées dans la vie des parents. Vertus humaines et vertus chrétiennes, harmonieusement et solidement unies, rendent désirable l’idéal perçu chez les parents, et stimulent les enfants à en entreprendre la conquête. C’est ce que dit encore le Concile Vatican II: “Le rôle éducatif des parents est d’une telle importance que, en cas de défaillance, il peut difficilement être suppléé.

C’est aux parents, en effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l’amour et le respect envers Dieu et les hommes, telle qu’elle favorise l’éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales nécessaires à toute société”.

6. Les parents ne sont pas seuls. Pour transmettre les valeurs en faisant découvrir les racines et les fondements, ils ont à collaborer avec l’école. L’école, en effet, en accomplissant sa mission en accord avec les parents, doit inciter les élèves à acquérir une liberté responsable qui les rende capables de vivre dans des milieux et des cultures différents avec la solidité et la cohérence de la vision chrétienne. Aux participants d’un Colloque juridique, à Rome, je rappelais que, “de leur côté, les pouvoirs publics, reconnaissant ce droit-devoir des parents doivent favoriser la véritable liberté d’enseignement, afin que l’école coopère, comme un prolongement du foyer familial, à faire grandir les élèves dans ces valeurs fondamentales voulues par ceux qui leur ont donné la vie.

Malheureusement, la liberté d’enseignement est en pratique limitée lorsque, à cause de difficultés économiques, les familles ne sont plus à même de choisir l’orientation de formation qui pourrait prolonger leur propre oeuvre éducative. Quand, par ailleurs, l’école choisie se déclara catholique, les parents ont le devoir de veiller à ce que l’éducation qui y est dispensée soit conforme à l’enseignement du Magistère de l’Eglise, et ils peuvent donc l’exiger. S’il en était autrement, ce serait un abus de confiance qui blesserait la vertu même de la justice”.

7. Dans l’accomplissement de ce devoir de formation de leurs enfants, les parents chrétiens trouveront une source d’énergie dans le mystère auquel ils participent par leur mariage et qui est rendu présent dans l’Eucharistie: le Christ qui s’est donné en sacrifice agréable au Père par amour pour l’Eglise. La vie quotidienne des époux et parents passe à travers la puissance du mystère eucharistique, se transforme en culte spirituel, agréable à Dieu qui oriente à son tour toutes les réalités du foyer et de la famille vers le sommet du culte chrétien, le don de Jésus-Christ au Père.

Adorateurs en esprit et vérité, ils exercent leur sacerdoce commun de baptisés en imprégnant leurs activités quotidiennes des vertus théologales, et ils rapportent à Dieu le Père ces valeurs du mariage en union avec le sacrifice du Christ qui se renouvelle dans l’Eglise par le ministère sacerdotal.

8. Nombreuses sont les conséquences pratiques et les orientations pastorales qui découlent de ces vérités pour la vie concrète des couples et des foyers chrétiens. Il conviendra de soutenir toutes les initiatives qui, en accord avec la doctrine de l’Eglise, promeuvent l’un ou l’autre des aspects de la pastorale familiale. En union avec la hiérarchie de chacun de vos pays, il sera bon de développer les expériences apostoliques de présence sociale qui seront les plus appropriées aux véritables nécessités locales. Dans une liberté authentique, les laïcs chrétiens pourront alors promouvoir les initiatives concrètes, confessionnelles ou non, qui s’adaptent le mieux à leur compétence professionnelle et à leurs divers milieux culturels.

Votre présence ici, comme membres d’un Dicastère de l’Eglise, confirme cette richesse des initiatives apostoliques qui, pour le bien du mariage et de la famille, se réalisent dans le peuple de Dieu. Certes, vous ne représentez pas directement tous les pays ni tous les mouvements apostoliques. Il n’empêche qu’en tant que Conseil pour la Famille, organisme du Saint-Siège, vous devez accueillir les justes aspirations de tous les fidèles qui, personnellement ou au sein d’associations, se préoccupent du bien de la famille et oeuvrent en ce sens.

9. Concluons cette rencontre annuelle en rappelant ce passage de “Familiaris Consortio” qui résume bien ce que je vous ai exposé et le thème de vos réflexions: “La conscience aiguë et vigilante de la mission conférée par le sacrement de mariage aidera les parents chrétiens à se consacrer au service éducatif des enfants avec une grande sérénité, et en même temps avec le sens de leur responsabilité devant Dieu qui les appelle et leur confie le soin d’édifier l’Eglise dans leurs enfants. Ainsi la famille des baptisés, assemblée en tant qu’Eglise domestique par la Parole et par le sacrement, devient en même temps, comme l’Eglise dans son ensemble, mère et éducatrice”.

C’est dans cette espérance que je forme de fervents souhaits pour les activités de ce Conseil pontifical au service de la famille. Je salue et je bénis affectueusement vos personnes et tous les foyers que vous représentez, particulièrement les enfants qui ont été au centre de votre sollicitude pastorale. Que l’Esprit Saint vous soutienne de sa lumière et de sa force! Que la Vierge Marie veille sur vous avec toute sa tendresse!



VISITE PASTORALE À FIESOLE ET FLORENCE


AUX PARLEMENTAIRES EUROPÉENS DU PARTI POPULAIRE

Florence - Samedi 18 octobre 1986


  Mesdames, Messieurs,

JE SUIS HEUREUX de répondre à votre désir d’avoir avec moi une rencontre spéciale, si brève soit-elle. Je sais que votre groupe de parlementaires du Parti Populaire Européen vient d’organiser ici un séminaire sur la dignité de l’homme et le droit à la vie dans les pays de la communauté européenne. Je vous encourage volontiers à poursuivre ce travail et ce témoignage.

Démocrates chrétiens, vous êtes attachés à la démocratie, au sens d’une participation libre et correcte des citoyens à la vie de la communauté politique, au service du bien commun de tous (cf. Redemptor Hominis RH 17). En face de trop de régimes totalitaires ou anarchiques, où le pouvoir est imposé par un groupe déterminé ou en faveur d’un groupe restreint, vous tenez, à bon droit, à une préparation loyale de l’opinion publique, à une expression libre des votes dans les élections, à une juste répartition du pouvoir en fonction du choix des citoyens, à la libre défense, dans les débats parlementaires, de ce qui vous apparaît le bien profond du peuple, à la mise en place de structures de participation, à l’initiative des corps intermédiaires, à une application équitable des lois, dans le respect des personnes, le leurs convictions et de leurs droits fondamentaux.

Mais, conformément au caractère de vos partis, plus ou moins reliés à la démocratie chrétienne, les valeurs spirituelles et morales du christianisme doivent également déterminer votre engagement dans la politique.

J’en évoque quelques-unes. Vous avez un sens aigu de la dignité de l’homme, de tout l’homme, compatriote ou travailleur immigré, des conditions équitables de sa vie, de son travail, avec la préoccupation de mettre le progrès économique au service de l’homme. Vous êtes soucieux de faciliter aux familles – cellules de base de la société – leur vie dans la paix et l’union, et l’accomplissement de leurs tâches essentielles d’époux, de parents, d’éducateurs. Vous êtes au premier rang de ceux qui protègent le droit à la vie, dès la conception, et à tous les âges de la vie, et de même tout ce qui concourt à la dignité éthique de la vie.

Votre action dans le cadre de la démocratie vise à promouvoir de tels biens dans le texte de lois que vous préparez et discutez, en gardant le souci de ce que l’application des lois entraîne concrètement dans les moeurs.

Votre conscience de chrétiens de l’Europe, aux racines de ses cultures, et donc à la cohérence et à la dignité de son avenir. Je forme les meilleurs voeux pour que votre contribution soit efficace et source de progrès social et moral, et je bénis de tout coeur vos personnes et vos familles.




AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ DES MISSIONNAIRES D’AFRIQUE (PÈRES BLANCS)

Jeudi 23 octobre 1986


  Chers Pères et Frères,
Missionnaires d’Afrique,



1. CHAQUE FOIS qu’une famille d’apôtres de l’Evangile, spécialement fondée pour ouvrir les richesses de la Révélation à des peuples qui les ignorent encore ou les connaissent peu, se réunit en chapitre à Rome ou ailleurs, je rends grâce à Dieu pour ce signe de vitalité ecclésiale. Votre démarche auprès du successeur de Pierre manifeste en effet que vous entendez participer à l’évangélisation avec tout le Collège épiscopal dont il est la Tête. En somme, vous avez voulu couronner votre vingt-troisième chapitre général par une profession de foi en l’Eglise.

J’exprime d’abord ma cordiale reconnaissance au Père Robert Gay. Pendant six années, il a administré avec sagesse l’héritage du Cardinal Lavigerie, en s’efforçant d’être l’animateur du projet communautaire que les Pères Blancs offrent aux Eglises d’Afrique. Et j’adresse au nouveau Supérieur général, le Père Etienne Renaud, mes voeux chaleureux avec l’assurance de mes prières. Le chapitre vous a soustrait, cher Père, à l’Institut pontifical d’Etudes Arabes et Islamiques que vous faisiez bénéficier de votre compétence. Je saisis l’occasion pour rendre hommage à cet Institut qui s’apprête à ouvrir ses portes, pour cette année académique, à une quarantaine d’étudiants venant de plusieurs parties du monde. Le choix des capitulants, qui vous confie le responsabilité de la Société des Pères Blancs, m’apparaît comme un signe important de l’attention que les Missionnaires d’Afrique ont toujours portée “aux croyants de l’Islam”, conformément à l’article premier de vos Constitutions.



2. Votre chapitre vient d’accomplir un travail important. Vous avez mis au point vos Constitutions, déjà approuvées voilà cinq ans. Mais, au-delà de cet aspect juridique de votre labeur commun, vous avez confirmé les objectifs essentiels auxquels vous voulez donner une impulsion nouvelle. Je m’en réjouis profondément. Je note d’abord votre volonté résolue de fidélité à votre charisme missionnaire. Malgré vos effectifs limités, vous voulez élargir vos réponses aux nombreuses demandes venant d’Evêques africains, maintenant responsables de diocèses jadis fondés par vous, ou de Pasteurs en train d’instaurer de nouveaux diocèses, ou même affrontés encore à une première évangélisation. Mes voyages apostoliques en Afrique m’ont permis de voir combien ces Eglises, centenaires ou plus récentes, avaient besoin d’un réel soutien, même s’il doit être plus effacé, toujours désintéressé. Je pense notamment à ce que votre expérience peut apporter à la formation du clergé, des congrégations religieuses autochtones, du laïcat et spécialement des catéchistes. De même, votre connaissance particulière de l’islamologie est capable de beaucoup aider les communautés chrétiennes d’Afrique dans leurs relations avec les nombreux disciples du Coran. Vous le savez mieux que quiconque: le dialogue avec “les croyants de l’Islam” est nécessaire, comme je le soulignais le 19 août 1985, à Casablanca, et il doit être mené avec compréhension et lucidité. Par ailleurs – je pense ici à vos Confrères de Jérusalem, en lien avec les Eglises d’Orient sur le plan oecuménique –, continuez de porter, partout où vous êtes présents, ce souci de l’unité entre chrétiens, par les voies du dialogue et d’une action commune dans tous les domaines où cela est possible. Votre charisme missionnaire est également susceptible de procurer un soutien éclairé et patient aux jeunes Eglises d’Afrique qui commencent à découvrir leur vocation missionnaire “ad extra”, en Afrique bien sûr, et, par la suite, pourquoi pas au-delà? Je citerai seulement l’exemple de la première congrégation féminine au Burundi, “les Benetereziya”, actuellement présente en Tanzanie, au Tchad, au Cameroun.



3. Assurément, cette fidélité à votre charisme, c’est-à-dire aux Eglises d’Afrique, a changé de style depuis votre fondation. Pourtant, c’est bien la même fidélité qui vous poussera à coopérer activement et humblement au mouvement de l’inculturation. Dans l’encyclique “Slavorum Apostoli”, je montrais combien les saints Cyrille et Méthode avaient été audacieux et prudents pour bien comprendre la langue, les usages et les traditions des peuples slaves, pour interpréter fidèlement leurs aspirations. Pour vous, Missionnaires d’Afrique, cette perspective vous est familière. Vous avez toujours été fidèles, non seulement à l’intuition géniale du Cardinal Lavigerie, vous demandant d’être Africains avec les Africains, autant que faire se peut, mais vous faisant aussi un devoir d’apprendre la langue et de bien connaître les coutumes au milieu desquelles vous êtes appelés à vivre, pour mieux y insérer le ferment de la Parole de Dieu ou donner un témoignage audible. Je vous y encourage de tout coeur, et je vous exprime ma satisfaction pour les Centres d’étude des langues africaines, fondés en Afrique, comme pour le développement de l’Institut pontifical de Rome. Vous savez l’esprit qui doit présider à cette oeuvre complexe et nécessaire de l’inculturation. J’en ai traité plus spécialement à Yaoundé et à Nairobi, l’an dernier. Puisse votre Société y apporter sa contribution, en étroite union avec les Universités catholiques d’Afrique et le Saint-Siège!



4. Cette fidélité aux Eglises du continent africain passe encore par les chemins d’une coopération judicieuse et désintéressée aux efforts que les diocèses font eux-mêmes, ou accomplissent en lien avec les Gouvernements, afin de conjurer progressivement les misères et les insécurités subies par de nombreuses populations. Il s’agit de remédier à la sous-production alimentaire et donc à la famine, de faire régresser l’analphabétisme, de pallier l’insuffisance de protection sanitaire et aussi de promouvoir la coexistence harmonieuse entre ethnies d’une même nation. En un mot, il s’agit d’oeuvrer partout à l’avènement de la justice et de la paix, comme une conséquence de la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres. Votre longue présence en Afrique vous qualifie pour être aujourd’hui encore des conseillers discrets et des coopérateurs efficaces.



5. Vous pourriez me dire: hélas nous manquons d’ouvriers. Pourtant, je crois savoir que les Pères Blancs et les Soeurs Blanches ont fondé ou soutenu une vingtaine de Congrégations religieuses autochtones. Du reste, les jeunes qui désirent entrer dans votre Société ne sont-ils pas, pour une bonne part, des Africains? Gardez quand même le souci d’éveiller des vocations missionnaires dans les pays où votre Institut s’est d’abord recruté pendant plus de cent ans, et aussi ailleurs. L’échange fraternel entre les Eglises anciennes et les jeunes Eglises est au bénéfice certain des unes et des autres.



6. Enfin, vous avez décidé de pousser encore plus avant la fidélité à la vie communautaire. Le Cardinal Lavigerie, avec la fermeté qui était la sienne, voulait qu’elle soit une caractéristique de sa fondation missionnaire, un instrument privilégié d’apostolat au service des Eglises particulières d’Afrique. Peut-être le vieillissement de vos effectifs exige-t-il que des orientations soient définies pour réaliser les regroupements nécessaires. Vos communautés devront sans doute devenir de plus en plus interraciales: vivant au souffle de l’Evangile, elles peuvent alors favoriser l’acceptation enrichissante de la diversité, engendrer une créativité saine, équilibrée du fait qu’elle est régulée par l’humilité évangélique face aux autres. Evidemment, de telles communautés donneront une place privilégiée au temps de prière, à la formation doctrinale et pastorale, sans négliger le dialogue loyal avec les responsables, ni les moments gratuits de fraternité simple et joyeuse. A ce sujet, j’encourage le ressourcement spirituel que, depuis dix ou douze ans, les Pères Blancs peuvent effectuer pendant plusieurs semaines en votre Maison “Sainte Anne” de Jérusalem.

Chers Pères et Frères, votre Société est bien intégrée à l’Afrique et en quelques points du Moyen-Orient. Elle a accompli un travail considérable. Elle a aussi connu, comme tant d’Eglises de ce continent, des obstacles mis à son oeuvre désintéressée d’évangélisation, de très grandes épreuves, qui identifient chrétiens et missionnaires au Christ souffrant sa passion. Au nom de l’Eglise, je vous dis: vivez dans l’espérance. Votre mission en Afrique continue! Accompagnez avec ardeur et compétence ces jeunes Eglises, ce continent, ces civilisations, appelés à prendre de plus en plus leur place sur la scène du monde. C’est dans ces sentiments que j’invoque sur tous les Missionnaires d’Afrique une surabondance de sagesse et de force divines; je confie votre Société, vos familles et vos amis à la protection de Notre-Dame d’Afrique.



À UN GROUPE D'ASSUREURS SUISSES

Samedi 25 octobre 1986


  Messieurs les Présidents et Vice-Présidents,
Mesdames et Messieurs,

Notre rencontre, malgré sa brièveté, me procure le bonheur de vous accueillir. Je souhaite qu’elle soit pour vous l’occasion de raviver votre attachement aux valeurs humaines et aux certitudes de foi qui les fondent. Valeurs morales et certitudes que l’Eglise a mission de promouvoir et, le cas échéant, de défendre pour le plus grand bien des personnes et des peuples.

Vous êtes donc chargés de responsabilités au Conseil d’administration de l’Etablissement cantonal d’assurance des bâtiments à Fribourg. L’importance de votre service social est manifeste: en tout pays, et spécialement en Suisse où la splendeur des montagnes et des vallées est partout, où les forces de la nature et leurs conséquences sont également à craindre, vous apportez aux individus et aux collectivités une sécurité et des dédommagements indispensables à la possession et à la gestion de leurs biens. Les familles, les exploitations rurales, les commerces et les entreprises industrielles vous en savent gré. Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous encourager à faire régner dans votre Conseil d’administration un authentique esprit de service, en même temps que la transparence financière et une créativité susceptible d’améliorer les clauses des contrats passés entre votre Etablissement cantonal et sa très nombreuse clientèle. Vous pouvez avoir votre part d’influence sur l’amélioration de l’habitat et des lieux de travail. Il existe encore dans le monde trop de quartiers urbains ou ruraux qui engendrent la tristesse, un certain dégoût de vivre et, pire encore, la délinquance et autres misères qui font sombrer la dignité humaine. Je tiens aussi à féliciter ceux d’entre vous qui s’imposent généreusement de participer à la bonne marche de leurs communautés paroissiales.

Mesdames et Messieurs, je vous souhaite de retrouver vos obligations professionnelles, votre vie familiale, vos insertions paroissiales, avec la volonté et l’enthousiasme de ceux qui cherchent toujours à mieux servir. Que la lumière et la force de Dieu viennent à votre aide! Je vous bénis, vous et ceux qui vous sont chers, au nom du Seigneur.



Discours 1986 - Mardi, 7 octobre 1986