Discours 1989 - Vendredi, 13 janvier 1989
1. Je remercie Mgr le doyen de ses paroles de salutation et j'exprime mes sentiments d'estime et de reconnaissance à tous ceux qui apportent leur contribution au tribunal apostolique de la Rote romaine: les prélats auditeurs, les promoteurs de justice, les défenseurs du lien, les autres officiers, les avocats, et également les enseignants du Studio.
Conscient que les discours pontificaux à la Rote romaine, comme on le sait, s'adressent en fait à tous ceux qui sont responsables de la justice dans les tribunaux ecclésiastiques, je voudrais, au cours de cette rencontre annuelle, souligner l'importance du droit à la défense dans le jugement canonique, spécialement dans les causes en déclaration de nullité de mariage. Même s'il n'est pas possible de traiter ici et maintenant toute la problématique à cet égard, je voudrais cependant insister sur quelques points d'une certaine importance.
2. Le nouveau Code de droit canonique attribue une grande importance au droit à la défense. En effet, en ce qui concerne les droits et les devoirs de tous les fidèles, le c. (CIC 221), § 1 affirme: «Il appartient aux fidèles de revendiquer légitimement les droits dont ils jouissent dans l'Eglise et de les défendre devant le for ecclésiastique compétent, selon le droit.» Et le § 2 poursuit: «Les fidèles ont aussi le droit, s'ils sont appelés en jugement par l'autorité compétente, d'être jugés selon les dispositions du droit qui doivent être appliquées avec équité.» Le c. (CIC 1620) du même Code déclare explicitement la nullité irrémédiable de la sentence si l'on dénie à l'une ou l'autre partie le droit de se défendre, alors que l'on peut tirer du c. (CIC 1598), § 1, le principe suivant, qui doit guider toute l'activité judiciaire de l'Eglise: «Ius defensionis semper integrum maneat.»
L'exercice concret de la défense
3. Il nous faut tout de suite remarquer que l'absence d'une norme aussi explicite dans le Code de 1917 ne signifie certes pas que le droit à la défense n'ait pas été observé dans l'Eglise sous le régime du Code précédent. Celui-ci donnait, en effet, les dispositions opportunes et nécessaires pour garantir ce droit dans le jugement canonique. Et même si le c. (CIC 1893) de ce Code ne mentionnait pas le «ius defensionis denegatum» parmi les cas de nullité irrémédiable de la sentence, il faut constater que, malgré cela, aussi bien la doctrine que la jurisprudence rotale défendaient la nullité irrémédiable de la sentence dans le cas où le droit de se défendre avait été refusé à l'une ou l'autre partie. On ne peut concevoir un procès équitable sans qu'il soit contradictoire (contraddittorio), c'est-à-dire sans la possibilité concrète accordée à chacune des parties en la cause d'être écoutée et de pouvoir connaître et contredire les requêtes, preuves et conclusions adoptées par la partie adverse ou ex officio.
4. Le droit à la défense de chacune des parties dans le jugement, c'est-à-dire non seulement le défendeur mais aussi le demandeur, doit bien sûr s'exercer selon les justes dispositions de la loi positive, dont le but est, non pas d'ôter l'exercice du droit à la défense, mais de le réglementer de manière qu'il ne puisse dégénérer en abus ou en obstruction systématique, et de garantir en même temps la possibilité concrète de l'exercer. Aussi l'observance fidèle des normes positives à cet égard constitue-t-elle une grave obligation pour les responsables de la justice dans l'Eglise.
5. Evidemment, la défense de fait n'est pas requise pour la validité du procès, pourvu qu'elle demeure toujours une possibilité concrète. Donc, les parties peuvent renoncer à l'exercice du droit de se défendre dans le jugement contentieux; dans le jugement pénal, au contraire, la défense de fait, et même la défense technique, ne doit jamais faire défaut, puisque dans un procès de ce genre l'accusé doit toujours avoir un avocat (cf. CIC CIC 1481 §2 ; 1723).
Il faut tout de suite ajouter une précision en ce qui concerne les causes matrimoniales. Même si une des parties avait renoncé à l'exercice de la défense, en ces causes le devoir grave demeure pour le juge d'effectuer des tentatives sérieuses pour obtenir la déposition en justice de cette partie ainsi que des témoins qu'elle pourrait produire. Le juge doit bien évaluer chaque cas particulier. Parfois, la partie défenderesse ne veut pas se présenter en justice, n'avançant aucun motif valable, précisément parce qu'elle ne comprend pas comment l'Eglise pourrait déclarer la nullité du lien sacré de son mariage après tant d'années de vie commune. En ce cas, la vraie sensibilité pastorale et le respect de la conscience de la partie imposent au juge le devoir de lui présenter toutes les informations opportunes concernant les causes de nullité de mariage et de chercher avec patience sa pleine coopération dans le procès, pour éviter aussi un jugement partial en une matière si grave.
Je pense ensuite qu'il est opportun de rappeler à tous les responsables de la justice que, selon la saine jurisprudence de la Rote romaine, on doit, dans les causes en nullité de mariage, notifier à la partie qui aurait renoncé à l'exercice de son droit à la défense, la formule du doute, éventuellement toute nouvelle demande de la partie adverse, ainsi que la sentence définitive.
6. Le droit à la défense exige, en soi, la possibilité de connaître les preuves alléguées soit par la partie adverse soit ex officio. Le c. (CIC 1598), § 1, dispose pour cela que, une fois les preuves acquises, le juge doit permettre aux parties et à leurs avocats, sous peine de nullité, de prendre connaissance à la chancellerie du tribunal des actes dont ils n'ont pas encore connaissance. Il s'agit d'un droit aussi bien des parties que de leurs éventuels avocats. Le même canon prévoit cependant une exception possible: dans les causes qui concernent le bien public, le juge peut disposer, pour éviter de très graves dangers, qu'un acte ne sera porté à la connaissance de quiconque, en garantissant cependant, toujours et intégralement, le droit à la défense.
En ce qui concerne l'exception que je viens de mentionner, il faut observer que ce serait dénaturer la norme et aussi en faire une grave erreur d'interprétation, si l'on faisait de l'exception la règle générale. Aussi faut-il s'en tenir fidèlement aux limites indiquées par le canon.
La publication de la sentence
7. On ne sera pas étonné que je parle aussi, toujours en rapport avec le droit à la défense, de la nécessité de la publication de la sentence. En effet, comment une des parties pourrait-elle se défendre en appel contre la sentence du tribunal inférieur si elle était privée du droit d'en connaître les motifs, aussi bien in iure que in facto? Le droit exige donc que le dispositif de la sentence soit précédé des motifs sur lesquels il repose (cf. CIC CIC 1612 §3) et cela non seulement pour rendre l'obéissance plus facile à son égard, dans la mesure où elle est devenue exécutoire, mais aussi pour garantir le droit à la défense dans une éventuelle instance postérieure. Le c. (CIC 1614) dispose, par conséquent, que la sentence n'a aucun effet avant sa publication, même si le dispositif, avec la permission du juge, a été signifié aux parties. On ne voit donc pas comment elle pourrait être confirmée en appel sans cette nécessaire publication (cf. CIC CIC 1615).
Pour garantir encore davantage le droit à la défense, obligation est faite au tribunal d'indiquer aux parties les moyens par lesquels la sentence peut être attaquée (cf. CIC CIC 1614). Il semble opportun de rappeler que, dans l'accomplissement de cette tâche, le tribunal de première instance doit également indiquer qu'il est possible de s'adresser à la Rote romaine déjà pour la seconde instance. Dans ce contexte, il faut de plus se rappeler que le délai pour interjeter appel ne court qu'à compter de la connaissance de la publication de la sentence (cf. CIC CIC 1630 §1), tandis que le c. (CIC 1634), § 2, établit: «Si la partie appelante ne peut dans le temps utile obtenir du tribunal auteur de la sentence copie de la sentence attaquée, les délais ne courent pas durant ce temps; il faut signifier l'empêchement au juge d'appel qui par un précepte obligera le juge auteur de la sentence à s'acquitter au plus tôt de son devoir.»
8. On avance parfois que l'obligation d'observer les règles canoniques à cet égard, spécialement en ce qui concerne la publication des actes et de la sentence, pourrait faire obstacle à la recherche de la vérité à cause du refus des témoins de coopérer au procès en ces circonstances.
Avant tout, il doit être bien clair que la «publicité» du procès canonique en ce qui concerne les parties ne met pas en cause sa nature réservée à l'égard de tous les autres. Il faut noter en outre que la loi canonique exempte du devoir de répondre en jugement tous ceux qui sont tenus au secret professionnel, en ce qui concerne les affaires sujettes à ce secret, et également ceux qui craignent que leur témoignage n'entraîne pour eux-mêmes, pour leur conjoint, leurs proches parents ou alliés, discrédit, mauvais traitements ou d'autres maux graves (cf. CIC CIC 1548 §2) et que, également en ce qui concerne la production de documents dans un procès, il existe une norme semblable (cf. CIC CIC 1546). Enfin, il ne peut échapper que, dans une sentence, l'exposé des raisons en droit et en fait sur lesquelles elle repose est suffisant, sans que l'on soit obligé de rapporter tous et chacun des témoignages.
Ces prémisses étant faites, je ne puis pas ne pas souligner que le plein respect du droit à la défense a une importance particulière dans les causes en déclaration de nullité de mariage, soit parce qu'elles concernent très profondément et intimement la personne des parties en cause, soit parce qu'elles traitent de l'existence, ou non, du lien sacré du mariage. Aussi ces causes exigent-elles une recherche de la vérité particulièrement diligente.
Il est évident qu'il faudra expliquer aux témoins le sens authentique des normes législatives à cet égard, et il est également nécessaire de réaffirmer qu'un fidèle, légitimement convoqué par le juge compétent, est tenu à lui obéir et à dire la vérité, à moins qu'il ne soit soustrait à l'obligation de répondre, aux termes du droit (cf. CIC CIC 1548 §1). Par ailleurs, une personne doit avoir le courage d'assumer la responsabilité de ce qu'elle dit et elle ne peut avoir peur si elle a vraiment dit la vérité.
Garder le secret professionnel
9. J'ai dit que la «publication» du jugement canonique en ce qui concerne les parties en cause n'affecte pas sa nature réservée à l'égard de toutes les autres. En effet, les juges et les auxiliaires du tribunal sont tenus de garder le secret professionnel, toujours quand il s'agit d'un jugement pénal, et également en matière contentieuse s i un préjudice pour les parties peut découler de la révélation de quelque acte processuel. Et même, chaque fois que la cause ou les preuves sont de nature telle que la divulgation des actes ou des preuves mettrait en péril la bonne renommée d'autrui, pourrait donner lieu à des dissensions, ferait surgir un scandale ou d'autres inconvénients semblables, le juge peut lier les témoins, les experts, les parties et leurs avocats en leur faisant prêter serment de garder le secret (cf. CIC CIC 1455 §§1 et3). Il faut aussi noter l'interdiction faite aux notaires et au chancelier de délivrer, sans mandat du juge, copie des actes judiciaires et des documents acquis au cours du procès (cf. CIC CIC 1475 §2). De plus, le juge peut être puni par l'autorité ecclésiastique compétente pour violation de la loi du secret (cf. CIC CIC 1457 §1). En effet, d'ordinaire les fidèles s'adressent au tribunal ecclésiastique pour résoudre un problème de conscience. Dans cet ordre d'idées, ils disent souvent certaines choses qu'ils ne diraient pas autrement. Même les témoins donnent souvent leur témoignage à la condition, au moins tacite, qu'il ne serve qu'au procès ecclésiastique. Le tribunal — la recherche de la vérité objective est pour lui essentielle — ne peut trahir leur confiance en révélant à des étrangers ce qui doit demeurer réservé.
Il y a dix ans, dans mon premier discours à ce tribunal, j'ai eu l'occasion de dire: «La mission de l'Eglise, et son mérite historique de proclamer et de défendre en tout lieu et en tout temps les droits fondamentaux de l'homme, ne l'exempte pas mais au contraire l'oblige à être devant le monde speculum iustitiae» (supra, p. 162). J'invite tous les responsables de la justice à protéger dans cette perspective le droit à la défense. Je vous remercie vivement pour la grande sensibilité de votre tribunal à l'égard de ce droit, et je vous accorde de tout coeur ma bénédiction apostolique.
Monseigneur le Président de la Conférence épiscopale,
Chers Frères dans l’épiscopat, de rites latin, byzantin et arménien,
Chers Administrateurs Apostoliques,
1. Vous aviez hâte d’accomplir la traditionnelle visite «ad limina Apostolorum». Je vous attendais moi-même dans la joie. En vous saluant affectueusement tous ensemble, ma pensée et mon coeur vont en même temps vers les prêtres de vos diocèses respectifs, vers les communautés religieuses, vers tous les fidèles et spécialement vers ceux qui coopèrent à votre labeur pastoral. Votre visite commune, j’allais dire collégiale, témoigne d’une part de l’entière communion de foi qui existe entre vos Eglises particulières et l’Eglise de Rome «qui préside à l’assemblée universelle de la charité»[1] et, d’autre part, de cette fraternité existant entre vous qui avez été choisis par l’Esprit Saint et «constitués intendants pour paître l’Eglise de Dieu» [2] en liens étroits avec la Tête du Collège des Evêques. Comment, en un tel moment de grâce, ne pas reprendre les paroles mêmes de l’Apôtre Paul, l’ardent évangélisateur de votre pays, aux chrétiens de Philippes: «Je rends toujours grâce à Dieu quand je fais mention de vous: chaque fois que je prie pour vous tous, c’est toujours avec joie, à cause de ce que vous avez fait pour l’Evangile en communion avec moi, depuis le premier jour jusqu’à maintenant. Et puisque Dieu a si bien commencé chez vous son travail, je suis persuadé qu’il le continuera jusqu’à son achèvement, au jour où viendra le Christ Jésus... Oui, Dieu est témoin de mon attachement pour vous tous dans la tendresse du Christ Jésus» [3].
2. Vous portez donc, Frères très chers, la responsabilité de l’Evangile tout d’abord dans la communauté catholique et aussi, avec l’Eglise orthodoxe, dans une société qui évolue rapidement et devient à la fois plus complexe et plus sécularisée. La Grèce d’aujourd’hui est un lieu privilégié de passage entre l’Orient et l’Occident, de rencontre entre des civilisations traditionnelles et des cultures nouvelles. Certes, la pensée humaine s’est forgée avec éclat sur votre terre et ce riche patrimoine de l’esprit continue de fasciner la conscience universelle et de nourrir la pensée théologique de l’Eglise. Pourtant, c’est dans ce contexte, parfois éprouvant, de coexistence entre l’antiquité et la modernité que votre Conférence épiscopale doit s’efforcer de frayer des chemins au Salut des hommes par le Christ et son Message évangélique.
Dotée des statuts que j’ai récemment approuvés, votre Conférence est davantage en position d’harmoniser ses forces apostoliques en vue du bien commun [4]. Dans la communion fraternelle et l’entraide mutuelle, vous trouverez toujours un soutien réel et un élan nouveau pour l’accomplissement impérieux de vos tâches pastorales. Je souhaite très vivement que cette union affective et effective des membres de la Conférence connaisse une nouvelle croissance. Dans une grande mesure, l’efficacité pastorale et la crédibilité même de votre témoignage découlent de cette union fraternelle.
Tous vos collaborateurs se sentiront eux-mêmes entraînés sur cette voie caractéristique des premières communautés chrétiennes et de tant d’autres périodes de l’histoire ecclésiale: le «cor unum et anima una». Oui, les prêtres de vos diocèses, comme les membres des Instituts religieux et tous les laïcs engagés dans l’apostolat, ont tant besoin de voir en vous des modèles [5] et des modèles proches d’eux, pour se sentir aimés de vous, guidés, soutenus, protégés par vous. Cette charité, en quelque sorte prioritaire, à l’égard de vos prêtres ne peut que susciter leur zèle et accroître l’indispensable unité sur le plan des orientations et de l’action pastorale. Je vous encourage vivement à poursuivre avec eux des rencontres de réflexion et de prière. Ils y verront davantage encore l’expression de votre sollicitude et une illustration de la coresponsabilité pastorale.
Le Saint-Siège, grâce à l’action et à l’aide de la Congrégation pour les Eglises orientales, suit avec beaucoup d’intérêt les efforts que vous déployez pour assurer à vos prêtres une existence digne, afin de les libérer au mieux des préoccupations matérielles qui pourraient entraver leur ministère sacerdotal.
3. Le grand soin que vous prenez de votre clergé, implique nécessairement le problème de sa relève. Et sur ce point précis, je compatis profondément à votre souffrance face à l’absence d’un séminaire, en Grèce même, pour accueillir et former les jeunes qui aspirent au sacerdoce. Dieu veuille que cette réalisation apparaisse enfin possible et viable! Dans le même ordre d’idées, je veux également stimuler votre ardeur pastorale pour l’éveil des vocations à la vie consacrée dans les congrégations masculines et féminines. Prêtez courageusement et généreusement votre concours pour rendre plus visible la vie religieuse dans l’Eglise catholique de Grèce.
4. Ce problème crucial des vocations me conduit tout naturellement à m’arrêter avec vous sur l’importance de la famille. N’est-elle pas le berceau de toute vocation? Le Concile rappelle gravement que «la santé de la personne et de la société tant humaine que chrétienne est étroitement liée à la prospérité de la communauté conjugale et familiale» [6]. Et il précise: «Grâce à une vie vraiment chrétienne, les familles deviennent des séminaires d’apostolat des laïcs et de vocations sacerdotales et religieuses» [7]. Combien vous avez raison de faire converger vos efforts en direction du soutien et de la formation des foyers chrétiens par tous les moyens pastoraux dont vous disposez! Les époux sont en effet soumis aux agressions de courants d’idées et de moeurs destructeurs, à échéance parfois rapide, de la stabilité de la cellule familiale. Il leur est difficile de faire face à leurs obligations sacrées et d’assurer, entre autres, l’éducation de leurs enfants selon leurs convictions propres, comme ils en ont le devoir et le droit. Ici, je tiens à exprimer la profonde reconnaissance de l’Eglise à l’égard des religieux, des religieuses et des laïcs chrétiens pour l’oeuvre d’éducation qu’ils accomplissent dans les écoles catholiques de votre pays. Plus largement, j’exhorte de tout coeur votre Conférence épiscopale à poursuivre ses efforts sur le terrain de la pastorale des jeunes. Ils sont l’espérance de l’Eglise et l’avenir de la société de demain.
J’ajoute un mot à propos de votre travail collégial pour accueillir – surtout dans les périodes de pointe – les très nombreux touristes qui visitent les richesses culturelles de la Grèce. Vous avez une expérience en ce domaine. Améliorez toujours le style de présence humaine et spirituelle de votre Eglise à ces groupes si nombreux de touristes, et aussi de pèlerins sur les pas de saint Paul.
5. Enfin, je rends grâce à Dieu pour les relations que, avec persévérance, que vous entretenez avec l’Eglise Orthodoxe de Grèce. Continuez, avec sincérité, humilité et conviction, de parfaire ou d'inventer les conditions favorables au dialogue. La plus fructueuse est certainement la vertu théologale de charité qui implique l’estime et le respect des autres. Cet authentique amour fraternel, reçu de Dieu, aplanit les chemins de la rencontre même dans les situations que l’on croyait bloquées. C’est en se rencontrant dans cet esprit que l’on peut arriver à une lecture responsable et communautaire des défis de notre temps. De telles réunions bien préparées et bien conduites entre catholiques et orthodoxes, représentants d’Eglises-Soeurs, nous ouvrent à l’action de l’Esprit, dans la fidélité à la vérité révélée par le Seigneur Jésus. De nouveau, je vous confie cette grande tâche oecuménique, à vous, à votre clergé, aux religieux et à tous les catholiques de Grèce.
6. Au terme de cet entretien fraternel, volontairement marqué par l’espérance invincible que le Seigneur nous a donnée et veut voir grandir encore, je présente toutes vos intentions et tous mes souhaits à l’égard de vos divers diocèses à la très sainte Mère de Dieu, la Theotokos, si vénérée dans vos églises. Qu’elle assiste les Pasteurs et les fidèles dans leur recherche et leur annonce de son divin Fils, l’Unique Rédempteur de l’humanité! De tout coeur, je bénis vos personnes, le peuple chrétien confié à chacun de vous et votre cher pays, la Grèce.
[1] S. Ignace d'Antioche, Lettre aux Romains.
[2] Ac 20,28.
[3] Ph 1,3-9.
[4] Cf. Christus Dominus, n. CD 37.
[5] Cf. 1P 5,3.
[6] Gaudium et spes, n. GS 47.
[7] Ad Gentes, n. AGD 19.
Février 1989
Chers Frères dans le Christ,
«En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps, en étant tous membres les uns des autres, chacun de sa part» [1].
Ce beau passage de la Lettre de saint Paul aux Romains a inspiré la «Semaine de prières pour l’unité des chrétiens» qui, tout dernièrement (du 18 au 25 janvier), a été célébrée dans le monde entier. Vous l’avez certainement eu présent à l’esprit, vous tous membres de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens qui vous êtes réunis ces jours derniers afin de tenir ensemble, pour la première fois, une session plénière sur le thème important: «Bilan de l’engagement oecuménique de l’Eglise catholique. Perspectives d’avenir».
Le texte de saint Paul, avec l’image du corps unique composé de plusieurs membres aux fonctions diversifiées et aux dons variés, fait allusion à la réalité mystérieuse en même temps qu’incarnée et visible du Corps du Christ qui est l’Eglise. Il peut donc s’appliquer à notre activité pastorale et, par conséquent, à la recherche de l’unité de tous les chrétiens qui, comme j’ai eu l’occasion de le déclarer en diverses circonstances, constitue un engagement pastoral prioritaire de l’Eglise catholique.
Il y a plus de deux ans, j’avais recommandé à vos deux Dicastères de faire ensemble le point sur l’engagement oecuménique accompli depuis le Concile, d’étudier d’une part le problème de la méthode à suivre en cette matière, et d’autre part d’envisager la question des buts, rapprochés et lointains, vers lesquels il conviendrait à l’avenir de s’orienter.
C’est pourquoi je me réjouis de cette initiative et je puis vous dire que j’en ai suivi le développement avec un grand intérêt, une sincère sollicitude et ma fervente prière.
Tout en affirmant clairement que l’unique Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique [2], le deuxième Concile du Vatican avait exprimé une reconnaissance spécifique des autres Eglises et Communautés ecclésiales respectives [3] et avait indiqué ainsi la «unitatis redintegratio inter universos christianos promovenda» comme un de ses buts principaux [4]. Dans la Constitution «Lumen Gentium», il avait posé les fondements ecclésiologiques catholiques de l’oecuménisme et, dans le Décret «Unitatis Redintegratio», il en avait précisé tant les principes que la méthode à suivre. Ces directives clairvoyantes conservent aujourd’hui toute leur valeur tant pour l’activité interne de l’Eglise catholique qu’en ce qui concerne les relations et le dialogue avec les autres Eglises et Communautés ecclésiales.
Cet engagement solennel du deuxième Concile du Vatican a été mis en oeuvre avec conviction et à travers de multiples initiatives. Le Synode extraordinaire des Evêques, convoqué pour une réflexion commune vingt ans après la clôture du Concile (1985), a justement relevé que l’oecuménisme était profondément enraciné dans la conscience de l’Eglise catholique.
Durant ces années, un dialogue théologique a été entamé avec les diverses Eglises et Communautés ecclésiales. Avec quelques-unes de ces Eglises, d’importantes déclarations ont également été signées par les autorités respectives à leur plus haut niveau. Plusieurs commissions mixtes ont publié des documents qui sont actuellement à l’étude dans vos Dicastères et qui permettent de juger du développement du dialogue théologique. D’intenses contacts avec les autres chrétiens ont caractérisé ces trente dernières années: il y a en effet exactement trente ans – et j’ai eu l’occasion de le rappeler récemment dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs (25 janvier 1989) – que le Pape Jean XXIII, avec une intuition prophétique, convoquait le deuxième Concile Vatican.
L’expérience de ces contacts, leur importance, leur complexité, leurs multiples implications, et la nécessité de donner des perspectives d’avenir, ont conseillé de tenir cette session plénière mixte.
Les deux Dicastères ont leurs propres compétences spécifiques. La Constitution apostolique «Pastor Bonus» les prévoit et les mentionne. Cependant, comme par sa nature même l’oecuménisme touche souvent des questions de foi, les deux Dicastères sont amenés à traiter des matières qui ont des implications communes.
Une collaboration entre ces deux Dicastères est donc nécessaire, chaque fois que la matière l’exige. Il faut en effet oeuvrer en parfaite harmonie toutes les fois que le dialogue oecuménique aborde des questions doctrinales et chaque fois que, à l’intérieur de l’Eglise catholique, on traite des sujets ayant une implication oecuménique. Pareille coopération est également utile lorsqu’il s’agit de publier des documents ou des déclarations communes.
La Plénière mixte qui se tient en ces jours exprime clairement cette volonté partagée de part et d’autre. De plus, l’expérience spécifique de ses membres venant des cinq continents offre certainement une occasion unique de confrontation fraternelle pour promouvoir harmonieusement et de façon constructive et par un engagement commun renouvelé, la recherche de l’unité pour les temps nouveaux.
Cette collaboration est apparue aujourd’hui toujours plus nécessaire du fait que les dialogues théologiques vont aborder les divergences plus spécifiques entre les chrétiens à la recherche d’un plein accord dans la foi.
Je vous remercie de tout coeur d’avoir consacré à cette Plénière mixte votre engagement, vos études et votre préoccupation.
Je vous remercie d’avoir mis les dons que vous avez reçus du Seigneur au service de l’Eglise et de la sainte cause du rétablissement de la pleine unité de tous les chrétiens, unité que le Seigneur veut pour la communauté qui est sienne et qu’il a rachetée au prix de son sang.
Pour cette sainte cause, l’Eglise catholique s’engage avec toute sa sollicitude.
Le nouveau Code de droit canonique nous rappelle clairement cet engagement quand il affirme:
«Il appartient en premier lieu au Collège des évêques et au Siège apostolique d’encourager et de diriger chez les catholiques le mouvement oecuménique dont le but est de rétablir l’unité entre tous les chrétiens, unité que l’Eglise est tenue de promouvoir de par la volonté du Christ» [5].
… en anglais, puis en italien improvisé
[1] Rm 12,4-5.
[2] Lumen Gentium, LG 8.
[3] Unitatis Redintegratio, UR 3 UR 15.
[4] Cfr. ibid. UR 1.
[5] Codex Iuris Canonici, CIC 775 § 1.
Mars 1989
Chers amis de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris,
1. Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui en pensant à tout ce que votre mission représente de dévouement, et en évoquant aussi la longue et prestigieuse histoire de votre Corps, au service des Parisiens depuis presque deux siècles.
Vous avez la belle tâche d’assurer la protection des personnes et des biens. Et, vous les premiers, vous savez que sous ces mots un peu froids, il y a la confiance de toute une population pour qui vous êtes un recours, d’abord pour maîtriser le feu, cause d’une antique terreur, mais aussi, quotidiennement, face aux agressions de la vie urbaine moderne. La permanence de votre présence rassure ceux que tant de causes, matérielles mais aussi simplement humaines, peuvent conduire jusqu’à la détresse la plus profonde, souvent dans la solitude.
Vous savez déployer, dans vos interventions, dans votre action de prévention également, de grande moyens techniques sans cesse en progrès et coordonnés avec efficacité, mais vous apportez surtout l’engagement personnel, physique et moral, de chacun de vous.
Et je ne saurais oublier votre disponibilité à répondre aux appels qui vous parviennent parfois de très loin, pour aller participer aux opérations de secours aux victimes de catastrophes telles que celle de Mexico ou, très récemment, en Arménie.
Je désire vous féliciter chaleureusement pour l’oeuvre humanitaire que vous accomplissez jour après jour, et vous dire combien elle est appréciée par tous ceux que vous secourez, tous ceux que vous aidez de bien des manières.
2. Vous voici pour un bref séjour à Rome, J’aimerais que vous y découvriez, autour de ce centre illustre que sont les tombeaux des Apôtres, le vrai sens de ce lieu: la convergence d’hommes et de femmes du monde entier animés par la même foi, par le souci d’une unité à bâtir toujours mieux, d’une solidarité à vivre toujours plus intensément.
Votre pèlerinage se situe à quelques semaines de Pâques, le sommet de l’année chrétienne. Puisse cette halte sur votre route vous donner l’occasion de la réflexion et de la prière, afin de mieux percevoir la lumière de l’Evangile qui éclaire toute vie et toute action fraternelle!
Vous me permettrez de vous proposer la méditation d’une parabole de Jésus que j’aime citer, celle du «Bon Samaritain». Vous savez que cet homme, qui se porte au secours d’une victime laissée au bord de la route, n’est pas seulement un exemple pour nous, il est aussi la figure même du Christ, le Sauveur des hommes!
3. Chers amis, je vous remercie d’être venus rendre visite au successeur de Pierre au cours de votre bref pèlerinage. A travers votre groupe, j’offre mes voeux chaleureux aux Officiers, aux Sous-Officiers, aux Sapeurs, aux anciens de la Brigade ainsi qu’aux membres de vos familles. Trouvez dans votre mission la joie du service, la satisfaction profonde de la solidarité humaine la plus intense!
Sur vous et sur vos camarades de la Brigade, j’implore de grand coeur la Bénédiction de Dieu.
Monsieur le Président
Chers amis,
1. En vous accueillant ici, je suis heureux de vous adresser mon très cordial salut et de vous remercier pour votre aimable visite.
Au cours de ces journées, vous célébrez le trentième anniversaire du Conseil Européen des Jeunes Agriculteurs, sous le patronage des organismes compétents de la Communauté économique européenne, au siège de la FAO. Votre rencontre vous donne l’occasion d’une réflexion commune sur le chemin parcouru et sur les perspectives ouvertes en Europe par les dispositions nouvelles qui entreront en vigueur en 1993. Je tiens à vous dire l’intérêt que je porte aux thèmes que vous abordez ensemble.
2. En effet, l’analyse de la situation présente de l’agriculture, dans le cadre de la politique agricole communautaire, vous conduit à considérer l’ensemble de l’activité de votre milieu professionnel, ou plutôt de votre milieu social, aujourd’hui marqué par les mutations considérables intervenues au cours de ces dernières décennies.
Dans ce bref entretien, il ne m’appartient pas d’évoquer les étapes parfois difficiles d’une construction européenne dans laquelle les agriculteurs se trouvent au premier plan. Mais je sais que la mise en oeuvre de normes et de directives sans doute nécessaires a créé bien des problèmes pour les exploitants, les générations des aînés devant faire face à une mutation technique et économique rapide, votre génération connaissant de réelles difficultés dans l’exercice d’un métier qui la passionne. La confrontation de vos expériences vous permettra de mieux mesurer la valeur du renoncement à certaines formes d’individualisme ou de nationalisme, et de mieux situer l’objectif d’une unité organique continentale qu’il faut construire pour le bien de tous, et ouvrir aussi vers les autres régions du monde.
3. Vous vous proposez également de préciser les fonctions du syndicalisme agricole des jeunes, en tenant compte des conditions de la libéralisation prochaine du Marché commun. De fait, l’apport culturel et éducatif des organisations professionnelles et syndicales paraît important et déterminant; c’est un «élément créateur d’ordre social et de solidarité» [1].
L’affermissement de l’unité européenne dépendra en grande partie de la cohésion morale et spirituelle des personnes et des peuples qui la composent. Lorsque j’ai présenté la doctrine chrétienne sur le travail, j’ai rappelé en particulier qu’il faut «proclamer et promouvoir la dignité de tout travail et spécialement du travail agricole, grâce auquel l’homme, de manière si éloquente, "soumet" la terre reçue comme un don de Dieu» [2]. Je souhaite que vos organisations aident les jeunes agriculteurs à trouver dans leur métier la satisfaction d’accomplir en sécurité une tâche humaine épanouissante et respectée de tous.
4. Votre troisième thème de réflexion, au cours de cette rencontre romaine, se situe plus résolument encore dans une perspective internationale. Vous préparez votre sixième Congrès mondial au Brésil, en décembre prochain. Vous vous trouverez confrontés aux problèmes de l’interdépendance dans la production et les échanges; vous constaterez plus clairement encore l’urgence de prendre en considération les composantes non seulement économiques, mais culturelles, politiques et religieuses, c’est-à-dire d’élever cette interdépendance au rang de catégorie morale, comme je l’ai demandé dans l’encyclique «Sollicitudo Rei Socialis» [3].
Vous vous préoccupez, à l’horizon de l’an 2000, d’étendre les frontières de la solidarité des Européens bien au-delà de votre continent, afin d’établir des liens plus étroits et féconds au nord et au sud de la planète, entre les pays dotés d’une agriculture moderne très productive et les pays qui ne bénéficient pas des mêmes possibilités naturelles, technologiques et économiques. Et cette solidarité, vous le savez, ne prendra tout son sens que si elle s’exerce sur le plan humain, que si elle traduit la primauté de l’homme dans toute l’activité économique.
L’Eglise apprécie, à cet égard, la tâche qu’accomplissent les Organisations internationales gouvernementales ou non-gouvernementales, «au service des sociétés, des économies et des cultures du monde entier» [4].
5. Chers jeunes agriculteurs, à l’automne dernier j’ai eu la joie de me rendre auprès du Parlement européen et d’exprimer mon estime et mes encouragements à ceux qui représentent à ce niveau vos douze nations.
A vous aussi, je voudrais rappeler trois domaines d’action que j’ai évoqués à Strasbourg et qui me paraissent essentiels, sur la route de l’Europe unie: d’abord réconcilier l’homme avec la création, en veillant à préserver l’intégrité, les équilibres et les ressources de la nature – vous êtes bien les premiers à comprendre cette nécessité –; réconcilier l’homme avec son semblable, en s’acceptant les uns les autres dans la diversité des traditions à l’intérieur du continent européen et en s’ouvrant aux richesses spirituelles des autres continents; réconcilier l’homme avec lui-même, en travaillant à reconstituer une vision intégrée et complète de l’homme [5].
Je suis sûr qu’avec votre sensibilité de jeunes, votre largeur de vues et votre confiance en l’avenir, vous saurez répondre avec générosité à ces appels.
Dans cette espérance, j’invoque sur vous, sur vos familles et ceux que vous représentez, sur vos pays, la Bénédiction du Seigneur.
[1] Ioannis Pauli PP. II Laborem Exercens, LE 20.
[2] Ibid. LE 21.
[3] Cfr. Eiusdem Sollicitudo Rei Socialis, SRS 38.
[4] Ibid. SRS 43.
[5] Cfr. Eiusdem Allocutio ad Parlamentum Europae, 12, die 11 oct. 1988: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, X, 3 (1988) 1171.
Discours 1989 - Vendredi, 13 janvier 1989