Discours 1990 - Lundi, 10 décembre 1990




Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers Frères et Soeurs,

C’est une joie pour moi de vous retrouver au lendemain de la belle journée qui vous a permis de prendre part à la Messe de canonisation de Marguerite d’Youville. Je salue cordialement Monsieur le Cardinal Paul Grégoire, les archevêques et évêques qui l’entourent, notamment ceux de Montréal, Québec, Ottawa, Saint-Hyacinthe, Philadelphia et Pembroke, où se trouvent aujourd’hui les Maisons générales des Congrégations qui se rattachent à la sainte et dont les Supérieures sont présentes ici. Je salue les nombreux pèlerins venus à cette occasion du Canada et des Etats-Unis, ainsi que toutes les personnes qui, sur ce continent nordaméricain, suivent la retransmission de notre rencontre par la radio ou la télévision. Je retrouve aussi avec une joie particulière les chères «Soeurs Grises», heureuses d’avoir assisté à la canonisation de leur fondatrice. «C’est la première fois qu’une fleur de sainteté éclose sur le sol même du Canada s’épanouit sous les voûtes de Saint-Pierre», disait déjà mon prédécesseur Jean XXIII pour la béatification de celle qui nous réunit ce matin.

Vous êtes venus à Rome en parcourant, en sens inverse, le chemin que fit le père de Marguerite d’Youville puisque, vous le savez, Christophe Dufrost de la Jemmerais quitta son pays natal en 1685 pour aller s’établir au Québec. Il est donc tout à fait heureux que nous ayons parmi nous une centaine de pèlerins venus de Bretagne avec l’ancien Archevêque de Rennes, Monsieur le Cardinal Paul Gouyon que je salue avec plaisir.

En lisant la biographie de Marguerite d’Youville, on remarque la sagesse et la simplicité de ses conseils. Ils continuent d’inspirer les «Soeurs Grises» des divers Instituts qui sont nés grâce au rayonnement de la sainte aujourd’hui honorée. Vivre dans «une union parfaite, ne faisant toutes qu’un coeur et qu’une âme, se prévenant en tout et supportant avec charité les défauts des autres, persuadées qu’on a encore besoin d’une plus grande charité pour supporter les nôtres»... Observer «une pauvreté entière, ne possédant rien en propre mais tout en commun et recevant avec reconnaissance ce qu’on aura la charité de nous donner, à l’exemple de Jésus-Christ qui, Maître absolu de tous les biens, n’avait pas où reposer sa tête».

Chères Soeurs, gardez ces «dispositions avec lesquelles il faut se comporter». Puisse votre vie religieuse en être toujours inspirée afin que vous en fassiez aussi bénéficier tous ceux qui travaillent avec vous! Nous demanderons à sainte Marguerite d’Youville de veiller sur les Soeurs de la Charité et de multiplier les vocations dans leurs Instituts pour qu’elles aient toujours les moyens de répondre aux appels qu’elles recevront.

The example of a new saint is now offered to the whole Church. Dear friends, in coming from afar to participate in the canonization, you show your fidelity to a woman who in her day left her mark on your country, and whose influence continues still. You find in her a model of active charity, especially towards the sick, those on the margins of society and those without families. Conditions have changed since the time when Marguerite came to administer the General Hospital in Montreal, but I am certain that in your own way you are continuing along the same path. It is the path of Christ who is close to all who suffer, the path of the Good Samaritan who refused to pass by the person lying wounded at the side of the road. Whatever your professional activity may be, come to the aid of your brothers and sisters - both near and far - who are afflicted by so many kinds of suffering, whether spiritual or material.

Saint Marguerite intercedes for you and sustains you in your many works of charity. Entrust your intentions to her. We invoke her aid especially for the poorest and the most helpless, and ask her to inspire in us the words and deeds which will respond to their needs.

With thanksgiving for all that God accomplishes among us, and with faith in Christ who is the Consolation of Israel and the hope of the nations, I invoke upon all of you the intercession of Saint Marguerite d’Youville. I ask the Lord to help you to fulfill your various missions, and once again I cordially impart to you my Apostolic Blessing.



AUX PARTICIPANTS AUX CÉLÉBRATIONS DU XXVe ANNIVERSAIRE DE LA CONSTITUTION CONCILIAIRE «DEI VERBUM»

Vendredi, 14 décembre 1990




Eminence,
Excellences,
Chers amis,

1. Nous célébrons aujourd’hui le vingt-cinquième anniversaire de la Constitution dogmatique sur la Révélation divine, Dei Verbum, et nous louons le Seigneur qui a guidé les Pères réunis au Concile Vatican II, «écoutant religieusement et proclamant avec assurance la Parole de Dieu»[1].

Ce document a été fécond pour l’approfondissement de la foi et de la mission de l’Eglise au cours de cette période postconciliaire. Il conserve toute son actualité aujourd’hui et pour l’avenir. Les Pères conciliaires enseignent que l’écoute religieuse de la Parole de Dieu et sa proclamation avec assurance sont des éléments essentiels pour la vie et la mission de l’Eglise, «afin que, en entendant l’annonce du salut, le monde entier y croie, qu’en croyant il espère, qu’en espérant il aime»[2].

2. Si nous nous tournons vers le passé, nous devons rendre grâce au Seigneur, lui qui guide l’Eglise par son Esprit vers une connaissance plus profonde de sa Parole, particulièrement de sa Parole transmise par les Saintes Ecritures qui révèlent au monde son Fils Bien-Aimé, Jésus Christ Sauveur et Rédempteur. Le Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens vient de rappeler les étapes principales de ce chemin, depuis la publication de l’encyclique Providentissimus Deus en 1893 jusqu’aux récentes «Directives», à caractère pratique et oecuménique, pour les traductions interconfessionnelles de la Bible, parues en 1987. Créée au début de ce siècle, la Commission biblique pontificale a efficacement contribué au progrès du mouvement biblique catholique. Ainsi a été approfondie, dans un contexte doctrinal rigoureux, la réflexion qui a ouvert la voie pour la Constitution Dei Verbum. Parmi les figures émérites de la science et de l’apostolat biblique, je voudrais évoquer avec reconnaissance celle du Père Marie-Joseph Lagrange qui a fondé l’Ecole biblique de Jérusalem il y a cent ans, celle du Cardinal Augustin Béa qui fut recteur de l’Institut pontifical biblique de Rome, promoteur du mouvement biblique catholique, avant d’être appelé par le Pape Jean XXIII à servir l’unité des chrétiens et le dialogue avec le peuple juif. A la lumière de ce long cheminement, le document conciliaire se révèle d’une constante actualité.

3. Pour reconnaître toute l’importance de la Constitution Dei Verbum, il faut se rappeler d’abord qu’il s’agit d’une Constitution dogmatique qui porte sur la Révélation divine et non pas simplement sur les écrits bibliques. L’expression initiale Dei Verbum, dont on se sert pour désigner le document, n’est pas, comme on est parfois tenté de le penser, un simple synonyme d’«Ecriture sainte»; son sens est plus large et plus complet: elle désigne la Parole vivante de Dieu, telle que Dieu la communique continuellement à l’Eglise et par l’Eglise, pour susciter la foi et introduire les personnes humaines dans une vie de communion entre elles et avec Lui. Pour la transmission de cette Parole vivante et vivifiante, des écrits ne suffisent pas; ils doivent être portés par un courant de vie qui les anime, le courant de la grande Tradition, qui, dans la docilité à l’Esprit Saint, situe les textes dans leur juste lumière et les fait fructifier. Le Magistère de l’Eglise est au service de cette transmission, dont il garantit la fidélité, selon la volonté du Seigneur. Le Concile déclare donc que «par une très sage disposition de Dieu, la Sainte Tradition, la Sainte Ecriture et le Magistère de l’Eglise sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres, et que toutes ensemble, chacune à sa façon, sous l’action du seul Esprit Saint, contribuent efficacement au salut des âmes»[3].

4. Cela dit, la Constitution conciliaire place au centre de sa perspective la Sainte Ecriture, qui est vraiment «Parole de Dieu (locutio Dei), consignée par écrit sous l’inspiration de l’Esprit divin»[4], et qui joue donc un rôle de première importance pour notre relation avec Dieu dans la foi, l’espérance et l’amour.

L’enseignement doctrinal de Dei Verbum sur l’inspiration des Ecritures est très éclairant et stimulant, car il met en pleine lumière le caractère à la fois divin et humain des textes bibliques. Dans la Sainte Ecriture, c’est Dieu qui a parlé, mais «il a parlé par des hommes, à la manière des hommes»[5]. Les livres de la Bible «ont Dieu pour auteur», mais les hommes qui les ont composés sont aussi de «vrais auteurs»[6]. Il s’ensuit que, pour être fidèle à la nature même de la Bible, l’interprétation doit se garder d’être unilatérale. Prétendre, avec les fondamentalistes, saisir le sens de la Parole de Dieu sans tenir compte des aspects humains de son expression mène à toutes sortes d’erreurs et d’illusions. Inversement, se limiter à une exégèse positiviste, c’est perdre de vue le message essentiel.

Par sa doctrine, le Concile a tracé une voie sûre, pour le plus grand bien du Peuple de Dieu. Il a engagé implicitement les exégètes à ne pas avoir, de leur tâche, une conception trop étroite, qui rendrait leur travail stérile[7]. Il a invité les théologiens à faire en sorte que l’étude de l’Ecriture Sainte soit comme l’âme de la théologie, soulignant aussi l’importance de l’Ecriture Sainte dans la catéchèse et la liturgie[8]. Il a rappelé aux évêques et aux prêtres leurs responsabilités pour l’apostolat biblique[9]. Il a proclamé que «l’accès à la Sainte Ecriture» doit être «largement ouvert aux chrétiens»[10]; en effet, «dans les saints livres, le Père qui est aux cieux vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux; or, la force et la puissance que recèle la Parole de Dieu sont si grandes qu’elles constituent, pour l’Eglise, son point d’appui et sa vigueur et, pour les enfants de l’Eglise, la force de leur foi, la nourriture de leur âme, la source pure et permanente de leur vie spirituelle»[11]. Tous les chrétiens sont donc exhortés à lire, étudier et méditer la Sainte Ecriture pour en nourrir leur vie de foi et de charité[12].

5. Si nous nous tournons maintenant vers l’avenir, nous trouvons dans le sixième chapitre de Dei Verbum de nombreuses indications pour la pastorale et l’apostolat bibliques.

Soulignant l’utilité de «traductions appropriées et exactes dans les diverses langues», le Concile envisage les traductions interconfessionnelles. Depuis, plusieurs de ces versions ont été réalisées, avec d’excellents résultats, en collaboration avec l’Alliance biblique universelle. Elles peuvent devenir des instruments toujours plus précieux pour l’évangélisation, surtout si elles sont accompagnées de notes, comme c’est le cas pour la très récente traduction de la Bible en langue castillane et pour la traduction oecuménique de la Bible en langue française. Je suis heureux qu’à Budapest en 1988, l’Alliance biblique universelle se soit encore plus profondément engagée dans la coopération interconfessionnelle.

L’impulsion donnée par Dei Verbum a suscité la fondation, en 1970, de la Fédération catholique mondiale pour l’Apostolat biblique, qui s’est beaucoup développée depuis et se nomme maintenant Fédération biblique catholique. Elle a réaffirmé cette année, lors de son Assemblée mondiale à Bogota, l’importance de la Bible pour l’apostolat et pour un effort renouvelé d’évangélisation en vue du troisième millénaire. Afin de réaliser les diverses tâches urgentes qui s’imposent pour favoriser l’accès à la Sainte Ecriture par le plus grand nombre de nos contemporains, les responsables de l’apostolat biblique, sous la direction des évêques, sauront collaborer utilement avec les délégués diocésains chargés de la catéchèse, de la liturgie ou de l’oecuménisme, dans l’esprit des recommandations du Concile lui-même lorsqu’il traçait les grandes lignes de la charge pastorale des évêques[13].

6. J’aimerais ajouter enfin que, en contemplant l’infinie richesse des Saintes Ecritures, selon l’enseignement du Concile, nous rejoignons le peuple auquel, dès le début, fut révélée l’annonce du salut, je veux parler du peuple juif. La Constitution conciliaire souligne que «Dieu [...] se choisit, selon une disposition particulière, un peuple auquel confier les promesses. En effet, une fois conclue l’alliance avec Abraham[14] et, par Moïse, avec le peuple d’Israël[15], Dieu se révéla, en paroles et en actes, au peuple de son choix...»[16].

7. Le message prophétique de paix, de réconciliation et d’amitié est destiné à tous les peuples, c’est pourquoi les Saintes Ecritures inspirent une vénération universelle, et c’est aussi la raison pour laquelle il ne devrait y avoir aucun obstacle à la diffusion des Saintes Ecritures dans le monde entier.

A l’occasion de l’anniversaire significatif que vous avez tenu à célébrer, je suis heureux d’avoir pu vous accueillir et d’encourager vos réflexions et vos actions. Je salue très cordialement, aux côtés des membres de la Fédération biblique catholique et des membres de la Curie Romaine, les personnalités appartenant à d’autres confessions qui ont bien voulu participer à cet événement.

La Parole divine nous incite à prier pour la paix, aujourd’hui encore tellement menacée, et à nous unir dans l’espérance et l’action pour que vienne le jour où «la terre sera remplie de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux»[17].

[1] Dei Verbum, DV 1.
[2] Ibid., DV 1.
[3] Dei Verbum, DV 10.
[4] Ibid., DV 9.
[5] Ibid., DV 12.
[6] Ibid., DV 11.
[7] Cf. ibid., DV 12 et DV 23.
[8] Cf. ibid., DV 24-25.
[9] Cf. ibid., DV 25.
[10] Ibid. DV 22.
[11] Ibid., DV 21.
[12] Cf. ibid., DV 25.
[13] Cf. Christus Dominus, CD 17.
[14] Cf. Gn 15,18.
[15] Cf. Ex 24,8.
[16] Dei Verbum, DV 14.
[17] Is 11,9.



À S. Exc. ANTOINE JEMHA, NOUVEL AMBASSADEUR DU LIBAN

Vendredi, 17 décembre 1990




Monsieur l’Ambassadeur,

1. De tout coeur, je vous souhaite la bienvenue, au moment où vous inaugurez votre mission auprès du Saint-Siège en me remettant les Lettres par lesquelles vous accrédite Son Excellence Monsieur Elias Hraoui, Président de la République libanaise. En vous accueillant après une période particulièrement douloureuse pour votre patrie, déjà éprouvée par plus de quinze années de souffrances, je tiens à saluer en votre personne, avec une chaleureuse sympathie, tous les Libanais.

Comme j’en ai tant de fois formulé le voeu, j’espère que cette année verra le terme du très long cours des épreuves traversées par votre pays bien-aimé. Avec satisfaction, je vous ai entendu évoquer le processus de paix actuellement engagé: il devra favoriser le retour d’une situation normale et permettre aux Libanais de retrouver sur leur terre la liberté et la sérénité grâce auxquelles tous se sentiront vraiment des citoyens de plein droit, exerçant chacun sa part de responsabilité dans la vie nationale. Le Saint-Siège désire avec vous que, sans tarder, on progresse concrètement dans cette perspective.

Après tant d’années de conflits, le chemin reste semé d’embûches. Mais je suis convaincu que les Libanais auront la capacité, la force et surtout la volonté de surmonter les obstacles et de rebâtir un pays libre, indépendant et fidèle à ses riches traditions culturelles et spirituelles.

2. Mon espérance est fondée sur la conviction que la foi au Dieu unique, partagée par tous les Libanais, peut et doit contribuer fondamentalement à la réconciliation nationale. Seule une commune attitude profondément spirituelle incitera à surmonter les divisions aggravées par la violence et à faire en sorte que les appartenances communautaires ne donnent pas lieu à des oppositions factices mais constituent une richesse pour ce pays caractérisé depuis de longs siècles par son pluralisme.

Je renouvelle avec ferveur mon appel à tous les responsables religieux du Liban, afin que chacun d’eux sache se faire pressant auprès de sa communauté pour la convaincre de faire preuve de magnanimité, d’ouverture d’esprit et de compréhension, cultivant aussi le respect de l’autre et la solidarité fraternelle en vue de construire le véritable bien commun. Cet engagement est d’abord un devoir qu’impose la fidélité à la mémoire de si nombreux compatriotes innocents qui on été les victimes de l’interminable conflit. S’il n’en était pas ainsi, les morts, les blessés, les familles disloquées ou appauvries auraient souffert en vain. Que la mémoire de tant de douleurs et les blessures encore vives incitent à renoncer définitivement à la violence et à rebâtir une société digne de l’homme!

3. Monsieur l’Ambassadeur, vous avez fait allusion à ceux de vos compatriotes qui ont pris les chemins de l’exil. Ma pensée se porte aussi vers eux. S’ils ont quitté leur terre, souvent poussés par des circonstances très pénibles, qu’ils ne perdent pas le désir et l’espoir de revenir dans leur patrie! Avant tout, qu’ils restent attachés à la mère-patrie et demeurent étroitement solidaires de leurs frères et soeurs! Ils peuvent contribuer, dans une mesure non négligeable, à ce que soient surmontées les haines; ils peuvent jouer un rôle significatif pour l’apaisement des esprits; ils peuvent soutenir efficacement le relèvement économique du pays.

Car c’est par un engagement égal de tous ses fils que le Liban saura poursuivre sa marche vers le renforcement des institutions de l’Etat et restaurer une vie sociale qui assure à tous la sécurité et la confiance en l’avenir.

4. On doit aussi rappeler que le long et douloureux conflit qui a déchiré le Liban n’a pas seulement été causé par les problèmes non résolus sur place, mais qu’il a été entretenu et souvent provoqué par des difficultés et des intérêts extérieurs. Il convient donc de souligner que le salut du Liban et son retour à une existence normale ne pourront être obtenus sans le concours d’autres pays de la région qui doivent éviter tout nouveau motif de confrontations et, en particulier, permettre aux Libanais de dépasser et de refuser la logique des affrontements pour créer ensemble les conditions d’une vie nationale fondée sur le droit et sur les aspirations légitimes de chacun des groupes qui composent la nation.

Comme vous l’avez relevé vous-même, Excellence, j’ai déclaré à maintes reprises que la disparition du Liban ou des caractères propres de sa vie nationale qui en ont fait un «message» vivant serait, pour le monde, une perte irréparable. J’ai voulu par là alerter les peuples amis du Liban, les pays de bonne volonté et toute la communauté internationale. Une fois encore, je leur adresse un appel grave, afin qu’ils se montrent attentifs à la souveraineté du Liban et solidaires de son sort: il s’agit de sauvegarder la richesse exemplaire de la convivialité de ses citoyens, en même temps que de respecter l’ordre international lui-même.

5. Monsieur l’Ambassadeur, veuillez exprimer aux Autorités de votre pays et à tous vos compatriotes les sentiments fraternels des membres de l’Eglise catholique et tout particulièrement ma sollicitude affectueuse pour votre peuple. Alors que commence votre mission auprès du Saint-Siège, soyez assuré que vous trouverez auprès de mes collaborateurs une écoute toujours attentive et le désir constant de faciliter votre tâche.

En ce temps des célébrations de la naissance du Sauveur, j’implore la miséricordieuse bienveillance du Très-Haut afin qu’il accorde ses dons de paix et de lumière au peuple libanais tout entier.



À S. Exc. FRANTISEK X. HALAS, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE TCHÈQUE ET SLOVAQUE

Vendredi, 21 décembre 1990



Monsieur l’Ambassadeur,


1. Notre rencontre, pour la remise des Lettres par lesquelles vous êtes accrédité auprès du Saint-Siège par Son Excellence Monsieur Vaclav Havel, Président de la République fédérative Tchèque et Slovaque, est un événement que je salue avec joie. Soyez le bienvenu, au moment où sont pleinement reprises des relations longtemps interrompues entre votre pays et le Siège Apostolique. Le retour de votre pays à une condition libre et démocratique a heureusement permis le rétablissement de liens anciens entre les nobles peuples de Bohème et de Slovaquie et le centre de l’Eglise catholique.

Avec délicatesse, vous avez vous-même souligné, Excellence, le caractère spécifique de ces liens, étant donné la nature de la mission du Saint-Siège qui désire jouer son rôle dans la communauté internationale en toute fidélité à l’esprit de l’Evangile, à l’amour de l’homme ouvert à la dimension transcendante de son destin.

2. Vous avez évoqué, comme un événement significatif, la visite pastorale qu’il m’a été donné d’accomplir dans votre patrie en avril dernier. En effet, l’accueil qui m’a été réservé à Prague, à Velehrad et à Bratislava m’a permis d’apprécier la profonde fidélité de vos peuples au christianisme, leur désir d’exprimer leur foi sans entraves et de manifester clairement leur appartenance à la vaste communauté des croyants. Soyez assuré que, dans la mémoire du coeur, je conserve le souvenir vivant de mon voyage dans votre patrie, et je revis avec émotion mes rencontres, les moments de communion intense que j’y ai connus avec les évêques, les prêtres et les religieux, les fidèles catholiques et l’ensemble de la population.

3. Désormais, la République Fédérative Tchèque et Slovaque entreprend le renouveau et la consolidation de ses institutions; elle travaille à l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens. Les catholiques sont résolus à prendre toute leur part dans les tâches immenses qui doivent être menées à bien. En ce qui concerne sa propre mission religieuse, l’Eglise souhaite jouir de l’espace vital qui lui est nécessaire, afin d’offrir aux personnes qui comptent sur elle les services qu’elle a vocation de remplir. Elle ne demande pas de privilèges, elle désire développer librement son activité, étant convaincue que sa place dans la société correspond non seulement à un juste héritage du passé, mais aussi à une inspiration toujours vivante au coeur de nos contemporains.

C’est ainsi qu’un dialogue confiant entre les communautés ecclésiales et les autorités de l’Etat permettra de résoudre les problèmes qui demeurent après les difficultés qui ont marqué ces dernières décennies. Bien intégrées dans la société, ces communautés ont besoin d’avoir les moyens qui conviennent à leur mission. A ce titre, il est souhaitable que l’on puisse prochainement régler les questions liées à la restitution des biens ecclésiastiques. Il ne s’agit pas seulement pour les institutions de l’Eglise de retrouver légitimement un patrimoine, il s’agit d’être en mesure de développer leur vie propre, de se mettre au service du prochain, particulièrement par les oeuvres éducatives et caritatives.

4. Dans ses relations avec les Etats, le Saint-Siège cherche à soutenir en toutes circonstances le bien de l’homme, de l’homme dans toutes ses dimensions, de l’homme libre de conduire sa vie en fonction des principes que lui dictent sa conscience et sa foi. C’est pourquoi, dans l’ensemble des droits humains que le monde contemporain s’efforce de reconnaître et de défendre, la liberté religieuse occupe une place de premier plan. Au nom de cette liberté fondamentale, l’Eglise respecte les convictions des personnes qui ne partagent pas sa foi et attend de celles-ci un égal respect qui s’étende aux divers aspects de son activité, y compris dans ses manifestations publiques. C’est ainsi que l’Eglise demande de pouvoir donner à ses membres une formation spirituelle et morale cohérente avec leur foi, de former son clergé et de désigner ses pasteurs, d’organiser l’éducation religieuse des enfants et des jeunes en collaboration avec les familles, de s’exprimer par les médias et de réaliser les publications qui lui paraissent utiles.

Je ne doute pas, Monsieur l’Ambassadeur, que le gouvernement que vous représentez ici soit prêt à consentir à l’Eglise les conditions concrètes d’un exercice libre de sa mission, dans les divers domaines que je viens d’évoquer. Avec satisfaction, je vous ai entendu donner l’assurance que, de part et d’autre, la bonne volonté saura aplanir les difficultés qui pourraient subsister.

5. Me rendant en pèlerinage à Velehrad le 22 avril, j’ai eu la joie d’évoquer en ce haut lieu l’oeuvre accomplie en faveur des peuples slaves par les deux grands apôtres que furent Cyrille et Méthode. Ils demeurent des phares pour l’Eglise. Dans le continent européen dont ils sont les patrons avec saint Benoît, nous désirons suivre leur exemple pour nous mettre au service de toute la société. J’ai été heureux de pouvoir annoncer, auprès du tombeau de saint Méthode, la convocation d’une importante assemblée épiscopale qui aura pour tâche de donner un élan nouveau à la mission de l’Eglise en Europe, à sa contribution à la fraternité et à la solidarité de millions d’hommes et de femmes qui aspirent à développer aujourd’hui les valeurs chrétiennes jadis enracinées dans leur sol.

Votre patrie occupe une place de choix au centre de ce continent. Je suis sûr qu’elle prendra une part très significative à la construction d’une communauté de nations qui doit protéger la dignité et le bien-être de tous ses membres et travailler à la paix dans le monde entier.

6. Monsieur l’Ambassadeur, cette audience a lieu à quelques jours des fêtes de la Nativité. En ce temps, mes voeux se font plus ardents pour vos concitoyens et leurs dirigeants. Je vous prie d’assurer Son Excellence Monsieur Vaclav Havel et les autorités de l’Etat, ainsi que vos compatriotes, des sentiments très amicaux que le successeur de Pierre garde à leur égard.

En ce qui vous concerne, Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite de tout coeur le succès de votre mission et je vous assure que vous trouverez toujours ici un accueil compréhensif. Mes collaborateurs sont tout disposés à vous écouter et à faciliter votre tâche.
Avec ferveur, j’invoque pour votre pays l’intercession des grands saints qui en ont marqué l’histoire, et j’implore pour son bonheur et sa prospérité la Bénédiction de Dieu.



Discours 1990 - Lundi, 10 décembre 1990