II-II (Drioux 1852) Qu.24 a.5

ARTICLE V. —la charité s'acckoit-elle par addition?


Objections: 1. Il semble que la charité s'accroisse par addition. Car, l'accroissement a lieu par rapport à la quantité virtuelle, comme par rapport à la quantité corporelle. Or, la quantité corporelle s'accroît par addition; puisqu'Aristote dit (Degener.lib. i, text.31)que l'accroissement est ce qui s'ajoute à une grandeur préexistante. Donc l'accroissement de la charité qui se rapporte à la quantité virtuelle se fait par addition.

2. La charité est dans l'âme une lumière spirituelle, d'après ces paroles de saint Jean (1Jn 2,10) : Celui qui aime son frère demeure dans la lumière. Or, la lumière croît dans l'air par addition. comme elle augmente dans une maison, lorsqu'on allume un second flambeau. Donc la charité croît dans l'âme par addition.

3. Il appartient à Dieu d'augmenter la charité, comme il lui appartient de la créer, d'après ces paroles de l'Apôtre (2Co 9,10) : Il fera croître de plus en plus les fruits de votre justice. Or, Dieu en répandant pour la première fois la charité dans l'âme, y produit ce qui n'y était pas auparavant. Donc en augmentant la charité, il y produit aussi ce qui n'y existait pas, et par conséquent la charité s'accroît par addition.

En sens contraire Mais c'est le contraire. La charité est une forme simple. Or, une chose simple ajoutée à une chose simple ne la rend pas plus grande, comme le prouve Aristote (Phys. lib. m, text. 59, et Met. lib. hi, text. 16). Donc la charité ne s'accroît pas par addition.

CONCLUSION. — La charité ne peut être augmentée d'aucune manière par l'addition de a chanté à la charité elle-même, mais elle s'accroît en recevant de nouveaux degrés d intensité.

Réponse Il faut répondre que toute addition se fait d'une chose à une autre. Par conséquent dans toute addition, il faut préalablement saisir au moins par la pensée la distinction des choses dont l'une s'ajoute à l'autre. Si donc la charité s'ajoute à la charité, il faut présupposer la charité ajoutée comme distincte de la charité à laquelle on l'ajoute; il n'est pas nécessaire qu'elle le soit réellement, mais il faut qu'elle le soit du moins par la pensée (1). Car Dieu pourrait augmenter une quantité corporelle en y ajoutant une grandeur qui n'existait pas auparavant, mais qu'il aurait alors créée. Quoique cette grandeur n'ait pas existé auparavant dans la réalité, néanmoins elle a en elle-même de quoi se distinguer rationnellement de la quantité à laquelle on l'ajoute. Par conséquent si une charité est ajoutée aune charité, il faut au moins présupposer de l'une à l'autre une distinction rationnelle.

— Pour les formes il y a deux sortes de distinction, la distinction spécifique et la distinction numérique. La distinction spécifique vient dans les habitudes de la diversité des objets, et la distinction numérique de la diversité du sujet. Il peut donc arriver qu'une habitude soit augmentée par addition, quand elle s'étend à des objets auxquels elle ne s'étendait pas auparavant. Ainsi la science de la géométrie s'accroît dans celui qui commence à savoir pour la première fois des propositions géométriques qu'auparavant il ignorait. On ne peut pas en dire autant de la charité, puisque la charité la plus faible embrasse toutes les choses que l'on doit charitablement aimer (2). Par conséquent dans l'accroissement de la charité, on ne doit pas se figurer une addition de cette nature qui présuppose une distinction spécifique entre la charité ajoutée et la charité à laquelle on l'ajoute. Il reste donc à dire que si la charité s'ajoute à la charité, cette addition se fait d'après la distinction numérique qui repose sur la diversité des sujets. C'est ainsi que la blancheur s'augmente quand on ajoute du blanc à du blanc, quoique par cette augmentation une chose n'en devienne pas plus blanche. Mais ceci n'est pas applicable à l'hypothèse actuelle; parce que le sujet de la charité n'est rien autre chose que l'âme raisonnable. Par conséquent la charité ne pourrait s'augmenter de cette façon qu'autant qu'une âme raisonnable s'ajouterait à une autre; ce qui est impossible. Et d'ailleurs quand cette addition serait possible, elle rendrait celui qui aime plus grand (3), sans rendre son amour plus ardent. D'où il résulte que la charité ne peut être augmentée par addition, comme quelques auteurs le prétendent.

— Ainsi donc la charité augmente uniquement parce que le sujet participe davantage à cette vertu; c'est-à-dire parce qu'il est plus porté à en produire les actes, et parce qu'il lui est plus soumis. Car le mode d'accroissement propre à toute forme qui se développe en intensité, c'est que l'être de cette forme consiste totalement en ce qu'il s'attache au sujet qui le reçoit (4). C'est pourquoi la grandeur d'une chose étant la conséquence de son être, la forme s'accroît par là même qu'elle est plus inhérente au sujet qui la reçoit; mais il n'est pas nécessaire qu'une autre forme s'ajoute à elle. Car il en serait ainsi, si la forme avait une quantité par elle-même (5), et non Conséquemment la charité s'augmente par là même Qu'elle est plus intense dans le sujet qui la reçoit, et c'est en ce sens qu'on dit qu'elle augmente essentiellement; mais son accroissement ne provient pas de ce que la charité s'ajoute à la charité par addition.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la quantité corporelle peut se considérer comme quantité et comme forme accidentelle. Comme quantité, elle peut être distinguée sous le rapport de la situation ou du nombre (1) ; c'est ainsi que la grandeur s'accroît par addition, comme on le voit dans les animaux. Comme forme accidentelle, on ne peut la distinguer que d'après le sujet, et sous ce rapport elle a une augmentation propre comme les autres formes accidentelles; elle s'accroît subjectivement en intensité, comme on le voit par les choses qui se raréfient (Phys. lib. iv, text. 80). De même la science, comme habitude, reçoit sa quantité des objets, et sous ce rapport elle s'accroît par addition en ce sens que l'on connaît plus de choses ; mais comme forme accidentelle, elle tiré sa quantité de la manière dont elle est inhérente au sujet. C'est ainsi qu'elle augmente dans celui qui sait mieux maintenant les mêmes choses qu'il savait déjà auparavant. II y a aussi dans la charité deux sortes de quantité ; celle qui est objective n'est pas susceptible d'accroissement (2), comme nous l'avons dit (in corp. art.). Par conséquent il en résulte qu'elle ne peut s'accroître qu'en intensité.

2. Il faut répondre au second, que l'addition de la lumière à la lumière peut se concevoir par suite de la diversité des flambeaux qui la produisent et qui la rendent plus intense dans l'air; mais il n'y a pas lieu de faire ici cette distinction, parce qu'il n'y a qu'un seul flambeau qui répande la lumière de la charité.

3. Il faut répondre au troisième, que l'infusion de la charité implique un changement qui existe entre celui qui a la charité et celui qui ne l'a pas. C'est pourquoi il faut que ce qui n'existait pas auparavant dans l'homme y soit introduit. Au contraire l'augmentation de la charité implique un changement du plus au moins; c'est pourquoi il n'est pas nécessaire alors qu'on infuse dans l'homme ce qui n'y était pas auparavant, mais il faut seulement que ce qui lui était uni le devienne davantage ; et c'est ce que produit Dieu, en augmentant la charité, c'est-à-dire il fait que l'âme participe plus profondément et plus parfaitement à la ressemblance de l'Esprit-Saint.

(j) C'est-à-dire qu'il faut qu'il t ait entre elles au moins une distinction de raison.
(2) Elle a l'énergie nécessaire pour aimer Dieu pour lui-même et toutes choses à cause de lui. Et si elle ne s'étend pas à la pratique des conseils et des oeuvres de subrogation, la faute n'en est pas à la grâce habituelle, mais ala volonté, parce que, selon la remarque de Billuart, nous nous servons de nos habitudes quand nous le voulons.
rendre plus intense ; comme en ajoutant deus liqueurs du même genre et du même mérite, on en augmente la quantité sans augmenter la qualité.
(4) L'accident étant une forme dont l'être consiste en ce qu'elle adhère à un sujet, il s'ensuit qu'il ne peut s'accroître qu'en adhérant plus fortement au même sujet.
(5) C'est-à-dire si elle était une substance et non un accident.
(3) Par là on multiplierait la charité sans la relativement au sujet.

— Nous ne pouvons aimer Dieu autant qu'il doit l'être ; c'est pourquoi, quelque grande que soit notre ferveur, elle est toujours susceptible d'accroissement.

— Elle ne commence pas à exister dans le sujet quand elle s'accroît, ni elle ne cesse pas d'y être quand elle diminue. Pour plus de. développement on peut voir les questions quodlibétiques (Quidlibet, ix, art. 15), où le saint docteur exprime avec la plus grande précision sa pensée.


ARTICLE VI. — LA CHARITÉ EST-ELLE AUGMENTÉE EN NOUS PAR CHACUN DE SES ACTES (3)?


Objections: 1. Il semble que la charité soit augmentée par chacun de ses actes. Car ce qui peut plus, peut moins. Or, tout acte de charité peut mériter la vie éternelle qui est un bien plus grand qu'un simple accroissement de charité, puisque la vie éternelle implique la perfection de cette vertu. Donc, à plus forte raison, tout acte de charité augmente-t-il cette vertu.

2. Comme l'habitude des vertus acquises est produite par des actes, de même l'accroissement de la charité est produit par l'acte de la charité même. Or, tout acte vertueux concourt à la production de la vertu, et par conséquent tout acte de charité contribue à l'accroissement de la charité même.

3. Saint Grégoire dit (Hom. ni in ) que ne pas avancer dans la voie de Dieu, c'est reculer. Or, on ne recule pas en faisant un acte de charité. Donc quiconque fait un acte de charité avance dans la voie de Dieu ; par conséquent la charité est augmentée par chacun de ses actes.

En sens contraire Mais c'est le contraire. L'effet ne surpasse pas la puissance de la cause. Or, il y a des actes de charité qu'on fait en temporisant ou avec lâcheté. Ces actes ne rendent donc pas la charité plus parfaite, mais ils tendent au contraire à l'affaiblir (1).

CONCLUSION. — La charité n'est pas augmentée par un acte quelconque de charité, si ce n'est comme disposition, en ce sens qu'un acte de charité rend l'homme plus apte à agir conformément à cette vertu.

Réponse Il faut répondre que l'accroissement spirituel de la charité ressemble d'une certaine manière à l'accroissement des corps. Or, l'accroissement corporel n'est pas dans les animaux et les plantes un mouvement continu, de telle sorte que si une chose est augmentée d'une certaine quantité dans un temps donné, il soit nécessaire qu'elle ait proportionnellement grandi dans chaque partie de ce même temps, comme il arrive dans le mouvement local. Mais il y a un temps où la nature opère pour préparer l'accroissement, sans le réaliser en acte; ensuite elle produit l'effet qu'elle avait préparé en donnant un accroissement réel à l'animal ou à la plante. De même la charité n'est pas augmentée immédiatement par chacun de ses actes. Mais tout acte de charité prépare un accroissement de cette vertu, en ce sens qu'il rend l'homme plus apte à agir par charité, et qu'à mesure que cette aptitude augmente, l'homme produit des actes d'amour plus fervents, par lesquels il s'efforce de progresser dans cette vertu ; et alors la charité est réellement augmentée (2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que tout acte de charité mérite la vie éternelle; ce qui ne signifie pas qu'on doive la recevoir immédiatement, mais dans son temps. De même tout acte de charité mérite un accroissement de charité; toutefois elle n'est pas augmentée immédiatement, elle ne l'est que quand on s'efforce de l'accroître.

2. Il faut répondre au second, que dans la production d'une vertu acquise, tout acte n'engendre pas complètement cette vertu; mais tout acte y contribue par manière de disposition. Le dernier acte qui est le plus parfait la réduit en acte, en agissant en vertu de tous les actes antérieurs. C'est ainsi qu'il en est d'une foule de gouttes qui creusent une pierre.

3. Il faut répondre au troisième, que dans les voies de Dieu on progresse non-seulement quand la charité s'accroît actuellement, mais encore quand elle est disposée à prendre de l'accroissement.

(1) C'est la quantité géométrique et la quantité arithmétique.
(2) Car celui qui a la charité, aime Dieu et toutes les choses qui sont l'objet de cette vertu.
(3) Tout acte de charité mérite un accroissement de cette vertu de condigno. C'est ce que le concile de Trente a défini (sess, vi, cap. 32) : Si quis dixerit iustificatum bonis operibus quae ab eo per Dei gratiam et Iesu Christi meritum fiunt, non vere mereri augmentum grátiae... anathema sit.


ARTICLE VII — la ciiaiuté peut-elle s'accroître indéfiniment (3)?


Objections: 1. Il semble que la charité ne s'accroisse pas indéfiniment. Car tout mouvement se rapporte à une fin et à un terme, comme le dit Aristote (Met.. lib. n, text. 8 et 9). Or, l'accroissement de la charité est un mouvement. Il tend donc à une fin et à un terme, et par conséquent la charité ne s'accroît pas indéfiniment.

2. Aucune forme n'excède la capacité de son sujet. Or, la capacité de la créature raisonnable, qui est le sujet de la charité, est finie. Donc la charité ne peut pas s'accroître indéfiniment.

3. Tout ce qui est fini peut par un accroissement continu parvenir à la quantité d'un autre être fini quelque grand qu'il soit ; à moins par hasard que l'augmentation n'aille toujours de moins en moins, selon la remarque d'Aristote (Phys. lib. iii, text. 57 et seq.) ; comme si par exemple on ajoutait à une ligne ce qu'on retranche d'une autre qu'on a divisée à l'infini, on pourrait ainsi ajouter indéfiniment sans arriver jamais à une quantité déterminée, qui soit composée de la réunion de ces deux lignes différentes, c'est-à-dire celle dont on ajoute et celle à laquelle on ajoute ce qu'on retranche de la première. Ce qui d'ailleurs n'est pas applicable à l'hypothèse actuelle. Car il n'est pas nécessaire que le second accroissement de la charité soit moindre que le premier; il est au contraire plus probable qu'il lui sera égal ou qu'il sera plus considérable. Par conséquent la charité dans le ciel étant une chose finie, si la charité ici-bas peut s'accroître indéfiniment, il s'ensuit qu'elle peut égaler la charité céleste, ce qui répugne. Donc la charité ici-bas ne peut pas s'accroître indéfiniment.

En sens contraire Mais c'est le contraire. L'Apôtre dit (Ph 3,42) : Ce n'est pas que j aie reçu tous les dons de Dieu, ou que je sois parfait, mais je poursuis ma course pour tâcher d'atteindre à la perfection. Et la glose ajoute (Ordin.) : Qu'aucun fidele, quand même il aurait fait beaucoup de progrès, ne dise : c'est assez ; car celui qui parle ainsi sort de la voie avant la fin. Donc ici-bas la charité peut toujours s'accroître de plus en plus.

CONCLUSION. — Puisque la charité est la participation de l'Esprit-Saint infuse par Dieu dans l'âme humaine, on ne peut assigner, ici-bas, aucun terme à son accroissement.

Réponse Il faut répondre qu'on peut assigner un terme à l'accroissement d'une chose de trois manières : 4° en raison de sa forme qui a une mesure limitée qu'on ne peut dépasser une fois qu'on l'a atteinte, parce que si on la dépasse on arrive à une autre forme. Telle est par exemple la pâleur; si par une altération continue on en dépasse les limites, on arrive à la blancheur ou à la noirceur. 2° Du côté de l'agent, dont la vertu ne peut pas développer davantage une forme dans un sujet. 3° De la part du sujet qui n'est pas capable d'une perfection ultérieure. Or, ici-bas on ne peut d'aucune de ces manières mettre un terme à l'accroissement de la charité. Car la charité elle-même considérée dans sa propre nature spécifique peut être augmentée indéfiniment, puisqu'elle est une participation de la charité infinie qui est l'Esprit-Saint. De même la cause ou l'agent qui la produit est d'une vertu infinie, puisque c'est Dieu. Sous le rapport du sujet, on ne peut pas non plus limiter son accroissement, parce qu'à mesure que la charité grandit, l'âme devient de plus en plus apte à recevoir un accroissement ultérieur. D'où il résulte qu'ici-bas il n'y a pas lieu d'imposer un terme à l'accroissement de la charité.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'accroissement de la charité se rapporte à une fin. Toutefois cette fin n'existe pas dans cette vie, mais dans l'autre.

2. Il faut répondre au second, que la charité augmente la capacité de la créature raisonnable; parce qu'elle dilate le coeur, selon cette expression de l'Apôtre (2Co 6,11) : Noire coeur s'est dilaté. C'est pourquoi l'âme est toujours apte à acquérir davantage.

3. Il faut répondre au troisième, que cette raison est applicable aux choses qui ont une quantité de même nature, mais non à celles qui ont une quantité d'un ordre différent; par exemple la ligne, quelle que soit son étendue, ne peut pas atteindre la quantité d'une surface. Ainsi la quantité ou l'étendue de la charité ici-bas qui résulte de la connaissance de la foi, n'est pas de même ordre (1) que celle de la charité céleste qui est l'effet de la vision. Par conséquent il n'y a pas de parité.

(M) Ces actes ne tendent pas par eux-mêmes à affaiblir l'habitude, car ils sont au contraire une disposition qui tend à l'affermir et à lui donner de l'accroissement, comme une faible goutte d'eau malgré sa faiblesse, produit néanmoins son effet sur la pierre qu'elle tend à creuser. Mais par accident ils préparent l'affaiblissement et la ruine de l'habitude, parce que celui qui agit d'une manière molle permet aux actes contraires à l'habitude de se produire et de la corrompre.
(2) Les thomistes sont divisés à ce sujet, lîan- nès et Contenson veulent que l'on obtienne cet accroissement de grâce aussitôt que l'on fait nn acte de ferveur ; mais Billuart, Gonet, Jean de Saint-Thomas et plusieurs antres veulent que les actes de charité que l'on a faits mollement ne produisent une augmentation de grâce qu'à l'entrée dans la gloire. Le premier sentiment me paraît plus conforme à la pensée de saint Thomas.
(5) Les bégards et les béguins disaient qu'il y avait pour la charité un terme au-delà duquel l'homme ne pouvait aller. Le contraire a été défini au concile de Vienne par le pape Clément V (Clementina ad nostrum) et au concile de Trente (sess, vi, cap. IO) : Hoc juslitice incrementum petit Ecclesia, cum orat: Va nobis fidei, spei et charitatis augmentum


ARTICLE VIII. — la charité peut-elle être parfaite ici-bas (2) ?


Objections: 1. Il semble que la charité ne puisse pas être parfaite ici-bas. Car cette perfection se serait rencontrée surtout dans les apôtres, et ils ne l'ont pas eue, puisque l'Apôtre dit (Ph 3,11) : Ce n'est pas que j'aie reçu tous les dons ou que je sois parfait. La charité ne peut donc être parfaite ici-bas.

2. Saint Augustin dit (Quaest. lib. lxxxiii, quaest. 36) que ce qui alimente la charité affaiblit la cupidité; par conséquent là où la charité est parfaite, il n'y a plus de cupidité. Or, il ne peut en être ainsi sur cette terre où il ne nous est pas possible de vivre sans péché, d'après ces paroles de saint Jean (I. Joan, i, 8) : Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous abusons. Et comme tout péché provient d'une cupidité déréglée, il s'ensuit que la charité ne peut être parfaite sur cette terre.

3. Ce qui est arrivé à la perfection ne peut plus croître au-delà. Or, la charité peut toujours croître ici-bas, comme nous l'avons dit (art. préc.). Elle ne peut donc pas être parfaite.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Tract, v in\ can. Joan. ) : Quand la charité s'est fortifiée elle est parfaite, et quand elle est arrivée à la perfection elle dit : Je désire être dégagée des liens du corps et être avec Jésus- Christ. Or, ce sentiment est possible ici-bas, puisqu'il a existé dans saint Paul. Donc la charité peut être parfaite sur cette terre.

CONCLUSION. — Quoique la charité ne puisse pas être parfaite relativement à l'objet qu'on aime, néanmoins elle peut être parfaite relativement à ceux qui aiment, quand ils aiment Dieu autant qu'il leur est possible de l'aimer.

Réponse Il faut répondre que la perfection de la charité peut s'entendre de deux manières : 1° par rapport à l'objet qu'on doit aimer ; 2° par rapport au sujet qui l'aime. Par rapport à l'objet qu'on doit aimer, la charité est parfaite quand on aime une chose autant qu'elle est aimable. Or, Dieu est aussi aimable qu'il est bon, et comme sa bonté est infinie, il s'ensuit qu'il est infiniment aimable. Mais aucune créature ne peut l'aimer infiniment, puisque toute vertu créée est finie. D'où il suit que sous ce rapport la charité d'aucune créature ne peut être parfaite, et qu'il n'y a de parfait que la charité de Dieu par laquelle il s'aime lui-même. — Par rapport au sujet qui aime, la charité est parfaite quand il aime autant qu'il peut. Ce qui a lieu en nous de trois manières : 1° Quand le coeur de l'homme tout entier est toujours actuellement porté vers Dieu. Cette perfection est celle de la charité céleste ; elle n'est pas possible ici-bas, parce qu'il est impossible à la faiblesse humaine de penser toujours actuellement à Dieu (1), et d'être toujours porté vers lui par l'amour. 2° La charité est parfaite, quand l'homme met tous ses soins à servir Dieu et à s'occuper des choses divines, négligeant tout le reste du moins autant que la nécessité de la vie présente le comporte. Cette perfection de la charité est possible ici-bas. mais elle n'est cependant pas commune à tous ceux qui ont cette vertu (2). 3° Il y a encore charité parfaite quand habituellement on met en Dieu son coeur tout entier, de telle sorte qu'on ne pense rien ou qu'on ne veuille rien qui soit contraire au divin amour. Cette perfection est commune à tous ceux qui ont la charité (3).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Paul dit qu'il n'a pas la perfection de la charité céleste. C'est ce qui fait dire à la glose (Glos. ordin.) qu'il était parfait de la perfection qu'on peut avoir ici-bas, mais non de celle qui n'existe qu'à la fin de la vie.

2. Il faut répondre au second, qu'on parle ainsi à eau se des péchés véniels qui ne sont pas contraires à l'habitude, mais à l'acte de la charité; par conséquent ils ne répugnent pas à la perfection d'ici-bas, mais à la perfection céleste.

3. Il faut répondre au troisième, que la perfection d'ici-bas n'est pas la perfection absolue ; c'est pourquoi elle a toujours lieu de s'accroître.

(I) La charilé d'ici-bas et la charité céleste sont essentiellement île la même espèce, parce qu'elles ont le même objet formel, mais elles diffèrent accidentellement, d'après leur état et le mode dont elles opèrent. Ainsi essentiellement la charité de la sainte Vierge ou d'un saint de premier ordre a pu être sur la terre plus grande que la charité habituelle de quelques élus; mais accidentellement, sous le rapport du mode, la charité céleste est plus parfaite que la charité d'ici-bas, quelle qu'elle soit.
(2) Cet article détermine le sens dans lequel nous devons entendre ces passages de l'Ecriture : Si diligamus invicem, Deus in nobis manet, et charitas ejus in nobis perfecta est (Jn 4 ergo perfecti, sicut et Pater vester caelestis perfectus est (Matth, 5).



ARTICLE IX. — est-il convenable de distinguer dans la charité trois degrés : le commencement, le progrès et la perfection?


Objections: 1. Il semble que ce soit à tort qu'on distingue dans la charité trois degrés : la charité qui commence, celle qui progresse et celle qui est parfaite. Car entre le commencement de la charité et sa dernière perfection, il y a une multitude de degrés intermédiaires. On n'aurait donc pas dû n'en distinguer qu'un seul.

2. Aussitôt que la charité commence à exister, elle commence aussi à progresser. On ne doit donc pas distinguer la charité qui progresse de la charité qui commence.

3. Quelque parfaite que soit la charité en ce monde, elle peut toujours être augmentée, comme nous l'avons dit (art. 7). Or, augmenter la charité, c'est la perfectionner. Donc la charité parfaite ne doit pas se distinguer de la charité qui progresse, et par conséquent c'est à tort qu'on distingue dans cette vertu trois degrés.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin d\l(Tract, v in i canon. Joan. ) : « Quand la charité est née, on l'alimente, » ce qui regarde ceux qui commencent; « quand elle a été alimentée, elle se fortifie, » ce qui concerne ceux qui progressent, et enfin « quand elle a été fortifiée, elle devient parfaite, » ce qui a rapport à ceux qui sont parfaits. Ilya donc dans la charité trois degrés.

CONCLUSION. — On distingue dans la charité trois degrés : il y a la charité de ceux qui commencent, de ceux qui progressent et de ceux qui sont parfaits; la charité de ceux qui commencent consiste à s'éloigner du péché ; celle de ceux qui progressent consiste dans la pratique des vertus, et celle des parfaits consiste dans la jouissance de la béatitude éternelle.

Réponse Il faut répondre qu'on peut considérer l'accroissement spirituel de la charité d'une manière analogue au développement corporel de l'homme. Quoiqu'on puisse diviser la vie de l'homme en plusieurs parties, néanmoins elle renferme des époques distinctes, déterminées par les actions ou par les goûts auxquels il arrive en grandissant. Ainsi on appelle l'âge de l'enfance tout le temps qui s'écoule avant qu'il ait l'usage de la raison -, on distingue ensuite un autre état du moment où il commence à parler et à faire usage de sa raison (1); enfin son troisième état c'est la puberté, qui commence à l'époque où le corps est déjà formé et qui dure jusqu'à ce qu'il soit arrivé à son parfait développement. De même on distingue divers degrés de charité selon les divers efforts auxquels l'homme se livre, par suite de l'accroissement de cette vertu. En effet les premiers efforts de l'homme consistent principalement à s'éloigner du péché et à résister à ses attraits qui lui impriment un mouvement contraire à celui de la charité. C'est ce que font les commençants, qui doivent alimenter et réchauffer la charité, de peur qu'elle ne se perde. Le second effort que l'homme fait ensuite a pour but principal de progresser dans le bien. C'est à cela que tendent ceux qui ont principalement l'intention d'affermir la charité en eux, en travaillant à son accroissement. Enfin la troisième chose que l'homme se propose principalement, c'est de s'attacher à Dieu et d'en jouir ; et c'est ce qui regarde les parfaits, qui désirent être délivrés de leur corps et être avec le Christ (2). C'est ainsi que dans un mouvement corporel nous distinguons le premier degré qui ' consiste à s'éloigner du point de départ; le second degré qui consiste à s'approcher du terme, et le troisième qui a pour but de se reposer dans le terme lui-même.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que toutes les distinctions particulières que l'on peut établir dans l'accroissement de la charité sont comprises sous les trois chefs que nous avons exprimés (in corp. art.); comme toute division de ce qui est continu est renfermée dans ces trois mots, le commencement, le milieu et la fin, selon la remarque d'Aristote (De caelo, lib. i, text. 2).

2. Il faut répondre au second, que les commençants, quoiqu'ils progressent, s'appliquent principalement à résister aux péchés dont les attaques les tourmentent. Us sentent ensuite moins vivement ces combats et travaillent avec plus de sécurité à leur avancement, élevant d'une main l'édifice de leur salut et maniant de l'autre l'épée, comme ceux qui reconstruisaient Jérusalem (Esdras, lib. n, cap. iv, il).

3. Il faut répondre au troisième, que les parfaits progressent aussi dans la charité, mais ce n'est plus là leur principal soin; ils n'ont plus d'autre désir que d'être unis à Dieu, c'est là ce qui les préoccupe le plus. Et quoique ce désir soit aussi celui de ceux qui commencent et de ceux qui progressent, néanmoins ces derniers sont préoccupés d'autres choses ; ceux qui commencent songent surtout à éviter le péché et ceux qui progressent à avancer dans la vertu.

(1) Elle a besoin de repos, et il n'est pas possible de faire absolument abstraction des soins que demande le corps.
(3) Sans cette disposition, on conserverait de l'affection au péché mortel, et, par conséquent, on n'aurait pas véritablement l'amour de Dieu.
(2)Cette perfection ne se trouve que dans les contemplatifs.


ARTICLE X. — La charité peut-elle diminuer (3)?


Objections: 1. Il semble que la charité puisse diminuer. Car les contraires se produisent naturellement dans le même sujet. Or, l'augmentation et la diminution sont des contraires. Par conséquent, puisque la charité s'augmente, comme nous l'avons dit (art. 4), il semble aussi qu'elle puisse diminuer.

2. Saint Augustin dit en s'adressait à Dieu (Conf. lib. x, cap. 29) : « Il vous aime moins celui qui aime quelque chose avec vous. » Et ailleurs (Quaest. lib. lxxxih, quaest. 36), il ajoute que ce qui nourrit la charité diminue la cupidité. D'où il semble que réciproquement ce qui augmente la cupidité diminue la charité. Or, la cupidité par laquelle on aime autre chose que Dieu peut croître dans l'homme. La charité peut donc diminuer.

3. Saint Augustin dit encore (Sup. Gen. ad litt. lib. viii, cap. 12) que « Dieu ne rend pas l'homme juste en le justifiant, de telle sorte que s'il s'éloigne, ce qu'il a fait reste en lui pendant son absence. » D'où l'on peut conclure que Dieu opère dans l'homme pour lui conserver sa charité de la même manière qu'il opère, lorsqu'il répand en lui la charité pour la première fois. Or, dans la première infusion de cette vertu, Dieu en accorde moins à celui qui est moins préparé; par conséquent, quand il s'agit de la conserver il la conserve plus faible dans celui dont les dispositions sont moins heureuses. D'où il suit que la charité peut être diminuée.

En sens contraire Mais c'est le contraire. La charité est comparée dans l'Ecriture au feu, d'après ces paroles du Cantique des cantiques (8, 6) : Ses lampes, c'est- à-dire celles de la charité, sont des lampes de feu et de flammes. Or, le feu, tant qu'il subsiste, monte toujours. Donc la charité peut monter tant qu'elle dure, mais elle ne peut pas descendre ou diminuer.

CONCLUSION. — Quoique la charité ne puisse pas être diminuée directement ou par elle-même, néanmoins par manière de disposition et indirectement elle peut être affaiblie par des péchés véniels et par la cessation des actes de vertu.

Réponse Il faut répondre que la quantité de la charité, considérée par rapport à son objet propre, ne peut être ni affaiblie, ni augmentée, comme nous l'avons dit (art. 4 ad 2). Mais, puisqu'elle est susceptible d'être augmentée subjectivement, il faut considérer ici, si elle peut aussi diminuer de cette manière. Si elle est diminuée, il faut qu'elle le soit par un acte ou seulement par une cessation d'acte. Les vertus qu'on acquiert par des actes sont affaiblies par la cessation de ces mêmes actes et sont même quelquefois détruites, comme nous l'avons dit (ta 2*, quest. lui, art. 3). C'est ce qui fait dire à Aristote (Eth. lib. viii, cap. 5) qu'il y a une foule d'amitiés qui sont détruites par le défaut de relation ; c'est-à-dire, parce qu'on ne parle pas avec son ami ou qu'on ne correspond pas avec lui. Il en est ainsi, parce que la conservation d'une chose dépend de la cause qui l'a produite. Or, la cause d'une vertu acquise, c'est l'acte humain lui-même. Par conséquent, du moment où ces actes humains cessent, la vertu acquise s'affaiblit et finit par se perdre totalement. Mais ceci n'a pas lieu à l'égard de la charité; parce que la charité n'est pas produite par les actes de l'homme, mais uniquement par Dieu, comme nous l'avons dit (art. 2). D'où il résulte que quand l'acte cesse, elle n'est ni affaiblie, ni détruite pour cela, à moins que cette cessation ne soit elle-même un péché. Il faut donc que l'affaiblissement de la charité soit produit par Dieu ou par le péché. Comme Dieu ne produit aucun défaut en nous, sinon à titre de châtiment, lorsque, par exemple, il nous retire sa grâce pour nous punir d'une faute, il s'ensuit qu'il ne peut diminuer en nous la charité que par manière de punition. Or, il n'y a que le péché qui mérite d'être puni ; par conséquent il s'ensuit que si la charité est affaiblie, le péché est la cause de son affaiblissement, et qu'il en est la cause efficiente ou la cause méritoire. Mais le pcché mortel n'affaiblira charité d'aucune de ces deux manières, puisqu'il la détruit complètement. En effet, il est la cause efficiente de sa ruine, parce que tout péché mortel est contraire à la 'charité, comme nous le verrons (art. 12), et il en est la cause méritoire, parce qu'en péchant mortellement on agit contre la charité, et on mérite d'être privé par Dieu de sa grâce. De même le péché véniel ne peut être ni la cause efficiente, ni la cause méritoire de l'affaiblissement de la charité. Il n'en est pas la cause efficiente, puisqu'il n'atteint pas la charité elle-même. Car la charité se rapporte à la fin dernière, tandis que le péché véniel est un dérèglement qui porte sur les moyens. Or, l'amour de la fin n'est pas moindre parce qu'un individu commet une faute à l'égard des moyens. C'est ainsi que l'on voit souvent des malades qui aiment beaucoup la santé, ne pas observer convenablement la diète. Dans les sciences spéculatives, les erreurs qui portent sur les conséquences ne diminuent non plus en rien la certitude des principes. — Le péché véniel n'est pas non plus la cause méritoire de l'affaiblissement de la charité. En effet, quand quelqu'un pèche dans un point secondaire, il ne mérite pas de subir une perte principale. Car Dieu ne se détourne pas plus de l'homme que l'homme ne se détourne de lui. Par conséquent, celui qui se conduit d'une manière déréglée à l'égard des moyens ne mérite pas de souffrir une perte dans sa charité qui le met en rapport avec sa fin dernière (1). D'où il résulte que la charité ne peut être affaiblie directement d'aucune manière. Toutefois elle peut l'être indirectement, et on peut préparer sa ruine, soit en faisant des péchés véniels, soit en cessant de faire des oeuvres de charité (2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que les contraires se trouvent dans le même sujet, quand le sujet se rapporte également à l'un et à l'autre. Mais la charité n'est pas susceptible de s'accroître et de décroître au même titre ; car il peut y avoir une cause qui l'augmente, mais il ne peut pas y en avoir qui la diminue, comme nous l'avons dit (in corp. art.). Par conséquent, l'objection n'est pas concluante.

2. Il faut répondre au second, qu'il y a deux sortes de cupidité. L'une par laquelle on met sa fin dans les créatures-, celle-ci détruit complètement la charité, puisqu'elle en est le poison, selon l'expression de saint Augustin (Quaest. lib. lxxxhi, quaest. 36). Elle fait qu'on aime moins Dieu qu'on ne doit l'aimer charitablement ; mais elle ne diminue pas pour cela la charité, puisqu'elle la détruit totalement. C'est ainsi qu'il faut entendre ces paroles: « Il vous aime moins celui qui aime avec vous quelque chose. » Car il ajoute : « Quelque chose qu'il n'aime point pour l'amour de vous. » Ce qui n'arrive pas dans le péché véniel, mais seulement dans le péché mortel. Car ce qu'on aime dans le péché véniel, on l'aime habituellement (3) pour Dieu, quoiqu'on ne l'aime pas ainsi actuellement. — L'autre cupidité est celle du péché véniel; la charité la diminue toujours, mais elle ne peut pas user de réciprocité et affaiblir la charité pour la raison que nous avons dite (in corp. art.).

3. Il faut répondre au troisième, que pour l'infusion de la charité le concours du libre arbitre est nécessaire, comme nous l'avons vu (art. 3 ad 1, et la 2% quest. gxiii, art. 3). C'est pourquoi ce qui affaiblit l'intensité du libre arbitre est une disposition qui contribue à ce que la charité soit infuse avec moins d'abondance. Mais le mouvement du libre arbitre n'est pas requis pour la conservation de la charité, autrement elle ne subsisterait pas dans ceux qui dorment. C'est pourquoi le défaut d'intensité du libre arbitre n'est pas un obstacle qui affaiblisse la charité.

(1) C'est la jeunesse, qui est ensuite suivie de la virilité.
(2) Le sage paraît avoir indiqué ce mouvement progressif par ces paroles (Pr 4) : Justorum semita quasi lux splendens, procedit et crescit usque ad perfectum diem.
(5) Le sentiment de saint Thomas sur cette question est l'opinion commune des théologiens.
(1) Il n'y aurait pas alors tic proportion entre la faute et sa punition.
(2) Les péchés véniels préparent sa ruine, parce qu'ils disposent au péché mortel qui la détruit, et la cessation des bonnes oeuvres la prépare aussi, parce que l'habitude devient moins apte à produire ses actes, et que, par conséquent, l'habitude contraire a plus aisé de s'introduire dans l'âme et de prévaloir.
(3) C'est-à-dire l'acte du péché véniel est compatible avec l'habitude par laquelle nous rapportons tout à Dieu.




II-II (Drioux 1852) Qu.24 a.5