III Pars (Drioux 1852) 743

ARTICLE III. — a-t-il été convenable que le christ fut offert dans le temple (4 ) ?

743
1 Il semble qu'il n'ait pas été convenable que le Christ fût offert dans le temple. Car il est dit (
Ex 13,2) : Consacrez-moi tous les premiers-nés qui sortent du sein de leur mère parmi les enfants d'Israël. Sed Christus exivit de clauso virginis utero; et ita matris vulvam non aperuit. D'après cette loi le Christ n'eût donc pas dû être offert dans le temple.

2 Ce qui est toujours présent à quelqu'un ne peut pas lui être présenté. Or, l'humanité du Christ a toujours été présente à Dieu, puisqu'elle lui a toujours été unie dans l'unité de la personne. Il n'a donc pas fallu qu'elle fût présentée au Seigneur.

3
Le Christ est l'hostie principale à laquelle toutes les hosties de l'ancienne loi se rapportent, comme la figure à la vérité. Or, une hostie ne doit pas être substituée à une autre. Il n'a donc pas été convenable d'offrir une autre hostie pour le Christ.

4
Parmi les victimes légales la principale fut l'agneau qui était le sacrifice perpétuel, comme on le voit (Nb 28)d'où le Christ est appelé de ce nom (Jn 1,29) : Voici l'agneau de Dieu. M eût donc été plus convenable d'offrir pour le Christ un agneau qu'une paire de tourterelles ou deux petites colombes.

20 Mais le contraire est démontré par l'Ecriture qui atteste que le fait s'est passé (Lc 2).


CONCLUSION. — Puisque le Christ a voulu s'assujettir à la loi et qu'il a été le premier-né de sa mère, il a été convenable qu'il fût présenté dans le temple avec les offrandes prescrites par la loi.

21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 4 huj. quaest. in corp. et ad 3), le Christ a voulu être assujetti à la loi pour racheter ceux qui y étaient assujettis, et pour que la justification de la loi s'accomplit spirituellement dans ses membres. Or, à l'égard des enfants qui venaient au monde, il y avait dans la loi deux sortes de préceptes. L'un général qui se rapportait à tout le monde, c'est que les jours de la purification de la mère étant accomplis, on offrît un sacrifice pour leíilsou la fille qu'on avait eu (Lv 12). Ce sacrifice avait pour objet l'expiation du péché dans lequel l'enfant avait été conçu ou était né, et il avait aussi pour but sa consécration, parce qu'alors on le présentait au temple pour la première fois. C'est pourquoi on offrait quelque chose en holocauste et quelque chose pour le péché. Il y avait un autre précepte particulier dans la loi à l'égard des premiers-nés des hommes aussi bien que des animaux. Car le Seigneur s'était réservé tous les premiers-nés des enfants d'Israël, parce qu'à la délivrance de son peuple il avait frappé les premiers-nés de l'Egypte depuis l'homme jusqu'aux animaux, à l'exception des premiers-nés des Israélites. Ce précepte se trouve dans la loi (Ex 13), et il figurait à l'avance le Christ qui est le premier-né entre tous ses frères, selon l'expression de saint Paul (Rm 8,29). Le Christ étant né de la femme en qualité de premier né et ayant voulu s'assujettir à la loi, l'évangéliste saint Luc montre que ces deux choses ont été observées à son égard. 1° On a observé ce qui regarde les premiers-nés, puisqu'il dit (Lc 2,22) : Ils portèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon qu'il est écrit dans la loi du Seigneur, tout enfant male premier-né sera consacré au Seigneur. 2° On a fait aussi ce qui concerne communément tout le monde, puisque l'évangéliste ajoute: Pour offrir en sacrifice, selon l'ordonnance de la loi, une paire de tourterelles ou deux pigeonneaux.

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Grégoire de Nysse (liab. in Cat. D. Thomae, sup. illud Lucae n : Sanctum Domino, etc. ), le précepte de la loi paraît s'être accompli dans le Dieu incarné d'une manière foute singulière et tout à fait différente des autres. Ipse namque solus ineffabiliter conceptus acincomprehensibiliter editus, virginalem uterum aperuit, non antea connubio reseratum, servans et post partum inviolabile signaculum castitatis. Unde quod dicit, adaperiens vulvam, designat quod nihil antea inde intraverat, vel exiverat : et per hoc etiam specialiter dicitur masculinus, quia nihil de femineitate culpae portavit : singulariter etiam sanctus, quia terreux contagia corruptela immaculati partus novitate non sensit (Ambr. in hunc loc. Luc, Lc 2).

(I) Ce mystère paraît l'accomplissement de ces paroles (Malach, iii) : Stalim venit ad templum suum Dominator quem vos quoeritis, et gelus testamenti quem vos vultis.

32 Il faut répondre au second, que comme le Fils de Dieu ne s'est pas fait homme et n'a pas été circoncis dans sa chair à cause de lui, mais pour nous déifier par sa grâce et pour que nous soyons circoncis spirituellement; de même il est présenté au Seigneur à cause de nous, pour nous apprendre à nous présenter nous-mêmes à Dieu ; et cela s'est fait après sa circoncision pour montrer que si l'on n'est dépouillé de tous les vices, on n'est pas digne de paraître en la présence de Dieu.

33
Il faut répondre au troisième, qu'il a voulu qu'on offrît des victimes légales pour lui qui était la victime véritable, afin d'unir la figure à la vérité et d'approuver l'une par l'autre, contre ceux qui nient que le Dieu de la loi ait été prêché par le Christ dans l'Evangile. Car on ne doit pas penser, comme le dit Origène (Hom. xiv in ), que le Dieu bon eût assujetti son Fils à une loi ennemie qu'il n'avait pas donnée.

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Il faut répondre au quatrième, que la loi ordonne (Lv 12) que ceux qui en auraient le moyen offriraient pour un fils ou une fille un agneau avec une tourterelle ou une colombe, et que ceux qui ne pourraient offrir un agneau, offriraient seulement deux tourterelles ou deux pigeonneaux. Par conséquent le Seigneur, qui tout riche qu'il était s'est fait pauvre pour nous, afin que nous devenions riches par son indigence, selon l'expression de saint Paul (2Co 8,9), a voulu que l'on offrit pour lui l'offrande des pauvres. C'est ainsi que dans sa naissance il a été enveloppé de langes et couché dans une crèche. Néanmoins ces oiseaux étaient convenables comme figures. Car la tourterelle étant un oiseau qui parle indique la prédication et la confession de la foi; parce qu'elle est chaste, elle est le symbole de la chasteté; parce qu'elle est solitaire, elle est celui de la contemplation. D'un autre côté la colombe est un animal doux et simple qui signifie la mansuétude et la simplicité; elle va par bande, et parla elle est le symbole de la vie active. C'est pourquoi cette victime signifiait la perfection du Christ et de ses membres. Ces deux animaux à cause de l'habitude qu'ils ont de gémir désignent l'un et l'autre les afflictions des saints ici-bas; la tourterelle qui est solitaire indique les larmes secrètes de leurs prières ; la colombe qui va par bande signifie les prières publiques de l'Eglise. On offre une paire de l'un et de l'autre, pour que la sainteté n'existe pas seulement dans l'âme, mais encore dans le corps (1).



ARTICLE IV. — a-t-il été convenable que la mèbe de dieu allat au temple pour y être purifiée ?

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1 Il ne paraît pas convenable que la mère de Dieu soit allée au temple pour y être purifiée. Car on ne se purifie que d'une souillure. Or, il n'y a point eu de souillure dans la bienheureuse Vierge, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. préc. ad 1, et quest. xxvii, art. 4 et 5, et quest. xxviii). Elle n'eût donc pas dû aller au temple pour y être purifiée.

2
La loi dit (Lev. 12, 2) : Une femme qui a mis au monde un enfant mâle suscepto semine, sera souillée pendant sept jours. C'est pourquoi il lui est ordonné de ne pas entrer dans le sanctuaire, tant que les jours de sa purification ne seront pas accomplis. Or, la bienheureuse Vierge a enfanté sine virili semine. Elle n'eût donc pas dû venir dans le temple pour y être purifiée.

3
On n'est purifié d'une souillure que par la grâce. Or, les sacrements de l'ancienne loi ne conféraient point la grâce, tandis que la bienheureuse Vierge avait plutôt avec elle l'auteur de la grâce. Il n'a donc pas été convenable qu'elle vînt dans le temple pour y être purifiée.

20
Mais c'est le contraire, d'après l'Ecriture qui dit (Lc 2,22) : Le temps de la purification marqué d'après la loi de Moïse étant accompli...


CONCLUSION. — Quoique la bienheureuse Vierge n'ait pas été souillée par le péché, cependant il a été convenable, en raison de son humilité, qu'elle se présentât dans le temple comme pour y être purifiée.           

21 Il faut répondre que comme la plénitude de la grâce découle du Christ dans sa mère, de même il a été convenable que la mère se conformât à l'humilité de son Fils. Car Dieu donne sa grâce aux humbles, comme le dit saint Jacques (4, 6). C'est pourquoi, comme le Christ, quoiqu'il ne fût pas soumis à la loi, voulut cependant subir la circoncision et les autres charges légales, pour nous donner l'exemple de l'humilité et de l'obéissance, pour approuver la loi et enlever aux Juifs l'occasion de le calomnier; de même il voulut aussi pour les mêmes raisons que sa mère remplit les observances de la loi, auxquelles elle n'était pas soumise.

31
Il faut répondre au premier argument, que quoique la bienheureuse Vierge n'eût aucune souillure, elle voulut néanmoins accomplir les observances de la purification, non parce qu'elle en avait besoin, mais parce que la loi le commandait. C'est pour ce motif que l'évangéliste dit expressément que les jours de la purification ayant été accomplis selon la loi; car elle n'avait pas besoin de la purification considérée en elle-même.

32
Il faut répondre au second, que Moïse paraît s'être exprimé ainsi pour excepter positivement de cette souillure la mère de Dieu qui n'a pas enfanté sus-

(I) Voyez à ce sujet les Elévations de liossuet (18e semaine, elevat, i, n et m).

cepto semine. C'est pourquoi il est évident qu'elle n'était pas obligée d'accomplir ce précepte, et qu'elle s'est soumise à cette observance volontairement, comme nous l'avons dit ( in corp. art. ).

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Il faut répondre au troisième, que les sacrements de l'ancienne loi ne purifiaient pas de la souillure du péché, ce qui se fait par la grâce, mais ils figuraient à l'avance cette purification. Ils purifiaient cependant par une certaine purification charnelle de la souillure de l'irrégularité, comme nous l'avons dit f la 2*, quest. eu, art. 5 ad 5, G et 7 ) . Or, la bienheureuse Vierge n'avait contracté ni l'une ni l'autre de ces souillures (I) ; et c'est pourquoi elle n'avait pas besoin d'  être  purifiée.




QUESTION 38: DU BAPTÊME DE JEAN.

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Après avoir parlé de la circoncision et des autres observances, nous devons considérer le baptême que le Christa reçu, et comme il a reçu le baptême de saint Jean, nous nous occuperons 1" du baptême de saint Jean en général ; 2° du baptême du Christ. — Sur la première de ces deux considérations il y a six questions à faire : 1° A-t-il été convenable que Jean baptisât? — 2° Ce baptême était-il de Dieu? — 3° A-t-il conféré la grâce ? — 4" D'autres que le Christ ont-ils dû recevoir ce baptême? — 5° Ce baptême a-t-il dû cesser après que le Christ a été baptisé ? — 6° Ceux qui avaient reçu le baptême de Jean devaient-ils ensuite recevoir le baptême du Christ?



ARTICLE I. — a-t-il été convenable que jean baptisat (2)?

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1 Il semble qu'il n'ait pas été convenable que Jean baptisât. Car tout rit sacramentel appartient à une loi quelconque. Or, Jean n'a pas introduit une loi nouvelle. Il n'a donc pas été convenable qu'il introduisît un nouveau rit pour baptiser.

2
Jean a été envoyé de Dieu en témoignage comme un prophète, d'après ces paroles de l'Evangile (Lc 1,76) : Et vous, petit enfant, vous serez appelé le prophète du Très-Haut. Or, les prophètes qui ont existé avant le Christ n'ont pas introduit un rit nouveau, ils engageaient seulement à observer les rits légaux, comme le fait Malachie quand il dit (ult. 4) : Souvenez-vous de la loi de Moïse mon serviteur. Jean n'eût donc pas dû introduire un nouveau rit pour H&ptiser.

3 Quand on a d'une chose plus qu'il ne faut, on ne doit pas y ajouter encore. Or, les Juifs avaient plus de baptêmes qu'il n'en fallait, parce qu'il est dit (Mare, 7, 3) : Que les j)harisiens et tous les Juifs ne mangeaient point sans se laver plusieurs fois les mains... que quand ils viennent de la place publique, ils ne mangent pas non plus, sans s'être lavés (baptizantur); qu'il y a encore beaucoup d'autres observances qu'ils ont reçues et qu'ils gardent, comme de laver (baptismata) les coupes, les pots, les vaisseaux d'airain et les lits. Il n'a donc pas été convenable que Jean baptisât.

20
Mais c'est le contraire. L'Ecriture après avoir parlé auparavant de la sainteté de Jean ajoute (Mt 3,6) qu'il y en avait un très-grand nombre qui allaient à lui et qu'il les baptisait dans le Jourdain. *


CONCLUSION.—Il a été convenable que Jean baptisât pour que le Christ fût baptisé et manifesté, et pour que les hommes s'habituassent au baptême du Christ, et devinssent aptes à recevoir plus facilement les sacrements de pénitence et de baptême.

(1) Car la mère de Dieu n'avait contracté aucune des souillures ordinaires puisqu'elle riait restée vierge dans son enfantement. (2j Jean uc baptisait que d'après l'inspiration

de l'Esprit-Saint, suivant ses propres paroles (Jean, il: Qui me misit baptisare in aqud, ille mihi dixit : Super quem videris Spiritum.

21 Il faut répondre qu'il a été convenable que Jean baptisât pour quatre raisons : 1° Parce qu'il fallait que le Christ fût baptisé par Jean, pour consacrer le baptême, comme le dit saint Augustin (Sup. Jean, implic. tract, v). 2" Pour manifester le Christ. C'est pourquoi Jean Baptiste dit lui-même (Jn 1,31) : C'est pour manifester le Christ dans Israel que je suis venu baptiser dans l'eau. Car il annonçait le Christ à toute la foule qui accourait à son baptême; ce qu'il a fait plus facilement que s'il avait parlé à chaque personne en particulier, comme l'observe saint Chrysostome (Hom. xvi inter princ.). 3° Pour accoutumer par son baptême les hommes au baptême du Christ. D'où saint Grégoire dit (Hom. vii in Evang.) que Jean a baptisé pour conserver l'ordre de sa mission de précurseur, de manière que comme il avait prévenu par sa naissance le Seigneur qui devait naître, de même il prévint par son baptême le Seigneur qui devait baptiser. 4° Pour engager les hommes à la pénitence en les préparant à recevoir dignement le baptême du Christ. D'où le vénérable Bède dit (Hom. circumcis.) que le baptême de Jean a servi autant avant le baptême du Christ que l'enseignement de la foi sert aux catéchumènes qui ne sont pas encore baptisés. Car, comme il prêchait la pénitence, et qu'il annonçait à l'avance le baptême du Christ, et qu'il amenait les autres à la connaissance de la vérité qui venait de paraître dans le monde; de même les ministres de l'Eglise instruisent d'abord les catéchumènes, leur font ensuite déplorer leurs péchés, et leur en promettent enfin la rémission dans le baptême du Christ.

31 Il faut répondre au premier argument, que le baptême de Jean n'était pas un sacrement par lui-même, mais une chose sacramentelle qui disposait au baptême du Christ. C'est pourquoi il appartenait d'une certaine manière à la loi du Christ, mais non à la loi de Moïse.

32
Il faut répondre au second, que Jean n'a pas été seulement un prophète, mais plus qu'un prophète, comme on le voit (Mt 16). Car il a été le terme de la loi et le commencement de l'Evangile. C'est pourquoi il lui appartenait d'exciter les autres par ses paroles et ses oeuvres à suivre la loi du Christ plutôt que d'observer la loi ancienne.

33 Il faut répondre au troisième, que ces baptêmes ou ces ablutions des pharisiens étaient vides, puisqu'elles n'avaient ps^ d'autre but que de purifier la chair; au lieu que le baptême de Jean avait pour but la purification spirituelle, car il portait les hommes à la pénitence, comme nous l'avons dit (in cor p. art.).



ARTICLE II. — le baptême de jean a-t-il été de dieu?

762
1 Il semble que le baptême de Jean n'ait pas été de Dieu. Car les choses sacramentelles qui viennent de Dieu ne tirent jamais leur nom d'un simple mortel. Ainsi on ne dit pas que le baptême de la nouvelle loi est de Pierre ou de Paul, mais du Christ. Or, ce baptême tire son nom de Jean, d'après ce passage de l'Evangile (
Mt 21,23) : D'où était le baptême de Jean? du ciel ou des hommes ? Le baptême de Jean ne venait donc pas de Dieu.

2 Toute doctrine provenant de Dieu nouvellement est démontrée par quelques prodiges. Ainsi le Seigneur donna à Moïse le pouvoir de faire des miracles (Ex 4), et saint Paul dit (He 2,3) : Notre foi ayant été tout d'abord annoncée par le Seigneur lui-même, a été ensuite confirmée en nous par ceux qui l'ont entendue, Dieu appuyant leur témoignage par des miracles et des prodiges. Or, il est dit de Jean Baptiste (Jean, x, 41) : Qu'il n'a fait aucun miracle. Il semble donc que le baptême dont il a baptisé n'était pas de Dieu.

3 Les sacrements que Dieu a établis sont ordonnés dans quelque endroit de l'Ecriture. Or, nulle part dans la sainte Ecriture le baptême de Jean n'est commandé. Il semble donc qu'il n'ait pas été de Dieu.

20
Mais c'est le contraire. Jean dit lui-même (Jn 1,33) : Celui qui m'a envoyé baptiser clans l'eau m'a dit : Celui sur qui vous verrez l'Esprit- Saint, etc.


CONCLUSION. — Le baptême de Jean a été de Dieu quant au rit, mais non quant à l'effet, puisqu'il ne produisait rien qui fût au-dessus des forces humaines.

21 Il faut répondre que dans le baptême de Jean on peut considérer deux choses, le rit du baptême et son effet. Le rit du baptême n'est pas venu des hommes, mais de Dieu qui a envoyé Jean pour baptiser d'après 1 inspiration particulière de l'Esprit-Saint. Mais l'effet de ce baptême était de l'homme; parce que ce baptême ne produisait rien que l'homme ne put faire (I). Par conséquent il n'a été de Dieu qu'autant que Dieu opère dans l'homme.

31
II faut répondre nu premier argument, que par le baptême de la loi nouvelle les hommes sont intérieurement baptisés par l'Esprit-Saint ; ce que fait Dieu seul; au lieu que par le baptême de Jean il n'y avait que le corps qui fût purifié par l'eau. C'est pourquoi il dit (Matth,3, Il ) : Je vous baptise dans l'eau il vous baptisera dans l'Esprit-Saint. C'est pour cette raison que le baptême de Jean tire de lui son nom, parce qu'il ne se faisait rien dans ce baptême qu'il ne fit lui-même; tandis que le baptême de la loi nouvelle ne tire pas son nom du ministre qui ne produit pas l'effet principal du baptême, c'est-à-dire la purification intérieure.

32
Il faut répondre au second, que la doctrine et les actions de Jean avaient pour but le Christ qui a prouvé par la multitude de ses miracles la doctrine de Jean et la sienne. Si Jean eût fait des miracles, les hommes auraient fait également attention à lui et au Christ. C'est pourquoi, pour qu'ils fissent principalement attention au Christ, il n'a pas été donné à Jean de faire des prodiges. Cependant les Juifs lui ayant demandé pourquoi il baptisait, il s'appuya sur l'autorité de l'Ecriture en leur disant : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert (Jn 1,23). L'austérité de sa vie était aussi une recommandatio il pour ministère, parce que, comme le dit saint Chrysostome (Sup. Matth, hom. x), il était admirable de voir dans un corps humain une aussi grande pénitence.

33 Il faut répondre au troisième, que le baptême de Jean n'a été ordonné par Dieu que pour durer un temps court, à cause des raisons que nous avons données. C'est pourquoi il n'a pas été recommandé par un précepte général renfermé dans l'Ecriture, mais par une révélation particulière de l'Esprit-Saint, comme nous l'avons dit (art. préc.).



ARTICLE III. — le baptême de jean conférait-il la GRÂCE(2) ?

763
1 Il semble que le baptême de Jçan conférait la grâce. Car il est dit (Mare, i, 4) : Jean était dans le désert baptisant et préchant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés. Or, la pénitence et la rémission des péchés sont produites par la grâce. Le baptême de Jean la conférait donc.

(1) Parce que ce baptême ne produisait pas d'effet spirituel, comme le dit saint Thomas dans l'article suivant.
(2) Luther, Zuingle et Calvin ont prétendu qu'il n'y avait pas de différence entre le baptême de Jean et le baptême du Christ. Cet article et les précédents sont une réfutation de cette erreur, qui a d'ailleurs été ainsi condamnée par Io concile de Trente (sess, vii, De bapt. can. 1) : Si quit dixerit baptismum •Ioannis habuisse eamdem vim cum baptismo Christi, anathema tit.

2
Ceux qui devaient être baptisés par Jean confessaient leurs péchés, comme on le voit (Mt 3, et Mare. 1). Or, la confession des péchés a pour but leur rémission qui se produit par la grâce. La grâce était donc conférée dans le baptême de Jean.

3 Le baptême de Jean était plus près du baptême du Christ que la circoncision. Or, la circoncision remettait le péché originel; parce que, comme le dit Bôde (Hom. circvmc.), la circoncision était sous la loi un moyen de guérir la blessure du péché originel, comme l'est maintenant le baptême sous la loi de grâce. Donc à plus forte raison le baptême de Jean opérait-il la rémission des péchés ; ce qui ne peut pas se faire sans la grâce.

20
Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Mt 3,2) : Je vous baptise dans V eau pour la pénitence, ce que saint Grégoire explique en disant (Hom. v ii in Ev.): Jean ne baptisait pas dans l'Esprit, mais dans l'eau, parce qu'il ne pouvait pas effacer les péchés. Or, la grâce vient de l'Esprit-Saint et c'est par elle que les péchés sont effacés. Le baptême de Jean ne conférait donc pas la grâce.


CONCLUSION. — Le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, mais il y disposait par la doctrine qui préparait à la foi, au baptême et à la pénitence.

21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest. et, art. 2 ad 2), toute la doctrine et toutes les actions de Jean étaient une préparation au Christ, comme il appartient à un ministre et à un artisan inférieur de préparer la matière pour la forme qu'applique l'artisan principal. Or, la grâce devait être conférée aux hommes par le Christ, d'après ces paroles de saint Jean ( 1, 17 ) : La grâce et la vérité ont été produites par Jésus-Christ. C'est pour ce motif que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, mais il y disposait seulement de trois manières : 1° par la doctrine de Jean qui porte les hommes à la foi du Christ; 2° en habituant les hommes au rit du baptême du Christ; 3° par la pénitence en les préparant à recevoir l'effet du baptême du Christ.

31
Il faut répondre au premier argument, que d'après ce passage, comme le dit Bède (cap. 2 in Mare. sup. illud : Fuit Jeannes in deserto), on voit qu'il y a deux sortes de baptême. L'un que Jean conférait en baptisant et qui est appelé le baptême de pénitence, parce que ce baptême était une exhortation à la pénitence et une sorte de protestíftion par laquelle les hommes avouaient qu'ils feraient pénitence; l'autre est le baptême du Christ par lequel les péchés sont remis, et que Jean ne pouvait donner, mais qu'il prêchait seulement en disant : Il vous baptisera dans V Esprit-Saint. — Ou bien on peut dire qu'il prêchait le baptême de la pénitence, c'est-à-dire celui qui y dispose, et que cette pénitence mène les hommes à la rémission des péchés. — Ou bien on peut encore répondre que le baptême du Christ, comme le dit saint Jérôme ( alius auctor sup. illud Marci i : Praedicans baptismum ), confère la grâce par laquelle les péchés sont remis gratuitement; mais ce qui est consommé par l'époux est commencé par le paranymphe (1), c'est-à- dire par Jean. D'où il est dit qu'il baptisait et qu'il prêchait le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés, non qu'il l'ait produite lui-même, mais parce qu'il y disposait en y préparant.

32
Il faut répondre au second, que cette confession des péchés ne se faisait pas pour en obtenir la rémission immédiatement au moyen du baptême de Jean, mais pour l'obtenir par la pénitence que l'on faisait ensuite et par le baptême du Christ auquel cette pénitence préparait.

(t) Los aurions appelaient ainsi celui qui faisait les honneurs de la noce, et qui se tenait à côté du nouveau marié lorsqu'il conduisait sou épouse chez lui.

33
Il faut répondre au troisième, que la circoncision avait été établie pour remédier au péché originel, au lieu que le baptême de Jean n'avait pas e te établi pour cela, mais il était seulement une préparation au baptême du Christ, comme nous l'avons dit (in corp. art. et art. 1 huj. quaest.). Quant aux sacrements ils produisent leur effet par la force même de leur institution.



ARTICLE IV. — indépendamment du christ, d'autres ont-ii. s dû être baptisés du baptême de jean?

764
1 Il semble que le Christ seul ait dû être baptisé du baptême de Jean. Car, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.), Jean a baptisé pour que le Christ fût, comme le dit saint Augustin (Sup. Jean, tract, xiii). Or, ce qui est propre au Christ ne doit pas convenir aux autres. Aucun autre n'a donc dû recevoir ce baptême.

2
Celui qui est baptisé reçoit quelque chose du baptême ou lui confère quelque chose. Or, personne ne pouvait recevoir quelque chose du baptême de Jean, parce qu'il ne conférait pas la grâce, comme nous l'avons dit (art. préc.), et personne ne pouvait conférer quelque chose à ce baptême, à l'exception du Christ qui sanctifia les eaux par le contact de sa chair la plus pure. Il semble donc qu'il est le seul qui ait dû le recevoir.

3
Si d'autres ont été baptisés de ce baptême, c'était seulement pour être préparés au baptême du Christ. Ainsi il paraissait convenable que comme le baptême du Christ est conféré à tout le monde, aux grands et aux petits, aux gentils et aux juifs, il en devait être de même du baptême de Jean. Or, on ne voit pas qu'il ait baptisé les enfants, ni les gentils. Car il est dit (Mc 1,5) : Tous ceux de Jérusalem venaient à lui, et il les baptisait. Il semble donc que le Christ seul ait dû être baptisé par saint Jean.

20 Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Luc. iii, 21) : Il arriva que comme tout le peuple recevait le baptême, Jésus ayant aussi été baptisé et faisant sa prière, le ciel s'ouvrit.


CONCLUSION. — Non-seulement le Christ, mais encore d'autres ont dû être baptisés du baptême de Jean, soit pour être préparés à recevoir le Christ, soit aussi pour que l'on ne pensât pas que le baptême de Jean était préférable au baptême du Christ.

21
Il faut répondre qu'il a fallu que d'autres que le Christ reçussent le baptême de Jean pour une double cause : 1° Comme le dit saint Augustin • (Sup. Jean, tract, iv et v), parce que si le Christ seul avait reçu le baptême de Jean, il y en aurait qui ne manqueraient pas de dire que le baptême de Jean que le Christ a reçu était plus noble que le baptême du Christ que les autres reçoivent. 2° Parce qu'il fallait que le baptême de Jean préparât les autres au baptême du Christ, comme nous l'avons dit (art. 1 et 3 huj. quaest.).

31
Il faut répondre au premier argument, que le baptême de Jean n'a pas été établi uniquement pour que le Christ fût baptisé, mais encore pour d'autres causes, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quaest.). Et néanmoins, quand il aurait été établi uniquement pour cette fin, il aurait fallu pour éviter l'autre inconvénient que d'autres le reçussent.

32
Il faut répondre au second, que les autres qui recevaient le baptême de Jean ne pouvaient à la vérité rien conférer à ce baptême ; mais s'ils n'en recevaient pas la grâce, ils en recevaient du moins le signe de la pénitence.

33
Il faut répondre au troisième, qiie Parce que ce baptême était un baptême de pénitence qui ne convient Pas aux enfants, les enfants ne le recevaient pas pour ce motif. Quant aux gentils, il était réservé au Christ seul de leur montrer la voie, car il est appelé l'attente des nations, comme on le voit (Gn 50). Il défendit lui-même aux apôtres de prêcher l'Evangile avant sa passion et sa résurrection. Par conséquent il convenait encore beaucoup moins que les gentils fussent admis au baptême par Jean.



ARTICLE V. — le baptême de jean A-t-il dû cesser aussitôt que le christ a été baptisé?

765
1 Il semble que le baptême de Jean ait dû cesser aussitôt que le Christ a été baptisé. Car Jean dit (
Jn 1,31) : Je suis venu baptiser dans l'eau, afin que le Christ soit manifesté dans Israël. Or, le Christ ayant été baptisé, il a été suffisamment manifesté par le témoignage de Jean, par la descente de la colombe, et par le témoignage de la voix de son Père. Il semble donc que le baptême de Jean n'ait pas dû aller au delà.

2 Saint Augustin dit (Sup. Jean, tract, iv) : Le Christ a été baptisé et le baptême de Jean a cessé. Il semble donc qu'après avoir baptisé le Christ, Jean n'ait plus dû baptiser.

3
Le baptême de Jean était une préparation au baptême du Christ. Or, le baptême du Christ a commencé aussitôt cpie le Christ a été baptisé lui- même, parce qu'il a communiqué à l'eau sa vertu régénératrice par le contact de sa chair très-sainte, comme le dit Bède (cap. 10 in Luc. sup. illud Luc. m : Factum est autem). Il semble donc que le baptême de Jean ait cessé après que le Christ a été baptisé.

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Mais c'est le contraire. L'Evangile dit (Jn 3,23) : Que Jésus vint en Judée et y baptisait, et que Jean baptisait aussi. Or, le Christ n'a baptisé qu'après qu'il a été baptisé lui-même. Il semble donc qu'après que le Christ fut baptisé, Jean baptisait encore.


CONCLUSION. — Puisque l'ombre de la loi ancienne subsistait encore après le baptême du Christ, et qu'il ne convenait pas que le précurseur cessât jusqu'à ce que la vérité fût manifestée, le baptême de Jean n'a pas dû cesser une fois que le Christ a été baptisé.

21 Il faut répondre que le baptême de Jean n'a pas dû cesser après que le Christ a été baptisé : 1° Parce que, comme le dit saint Chrysostome (Hom. xxviii in ), si Jean eût cessé de baptiser, après avoir baptisé le Christ, on croirait qu'il l'a fait par jalousie oi;,par colère (1 ). 2° Parce que s'il eût cessé de baptiser, il aurait causé delà jalousie à ses disciples. 3° Parce qu'en continuant à baptiser, il envoyait ceux qui l'écoutaient au Christ. 4° Parce que, comme le dit Bède (hab. in glos. ord. sup. illud Jean, iii : Erat autem Jeannes) : L'ombre de l'ancienne loi subsistait encore ; son ministère n'a pas dû cesser jusqu'à ce que la vérité fût manifestée.

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Il faut répondre au premier argument, que le Christ n'avait pas encore été manifesté lorsqu'il fut baptisé; c'est pourquoi il était encore nécessaire que Jean baptisât.

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Il faut répondre au second, que le Christ ayant été baptisé, le baptême de Jean a cessé, non pas immédiatement, mais après qu'il a été incarcéré. D'où saint Chrysostome dit (Hom. xxviii sup. Jean. ) : Je pense quo la mort de Jean a été permise de manière qu'il cessât d'exister au moment où le Christ a commencé de prêcher ; afin que les affections delà multitude entière se portassent vers le Christ, et que les avis ne fussent plus partagés entre l'un et l'autre.

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Il faut répondre au troisième, que le baptême de Jean était une préparation non-seulement pour que le Christ fût baptisé, mais encore pour que

I) Parce qui! aurait vu avec peine que la manifestation éclatante du Christ l'avait surpasse.

les autres se disposassent à recevoir le baptême du Christ : ce qui n'était pas encore accompli, après que le Christ a été baptisé.


ARTICLE VI. — ceux qui avaient reçu le baptême de jean devaient-ils recevoir ensuite le baptême du christ (1)?

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1 Il semble que ceux qui avaient reçu le baptême de Jean n'aient pas dû recevoir le baptême du Christ. Car Jean n'a pas été moins que les apôtres, puisqu'il a été écrit de lui (
Mt 11,2) : Parmi les enfants des hommes il n'y en a pas eu de plus grand que Jean Baptiste. Or, ceux qui avaient été baptisés parles apôtres ne l'étaient pas de nouveau, mais seulement on leur imposait les mains. Car il est dit (Jet. viii, 16) que pour ceux qui avaient été baptisés par Philippe au nom du Seigneur Jésus, alors les apôtres, Pierre et Jean, imposaient les mains sur eux et qu'ils recevaient V Esprit- Saint. Il semble donc que ceux qui ont été baptisés par Jean n'aient pas dû recevoir le baptême du Christ.

2 Les apôtres ont reçu le baptême de Jean; car quelques-uns d'entre eux ont été ses disciples, comme on le voit (Jn 1). Or, ils ne paraissent pas avoir reçu le baptême du Christ; puisqu'il est dit (Jean,4, 2) que ce n'était pas Jésus qui baptisait, mais ses disciples. Il semble donc que ceux qui ont reçu le baptême de Jean ne devaient pas recevoir celui du Christ.

3 Celui qui est baptisé est moindre que celui qui baptise. Or, on ne voit pas que Jean ait reçu le baptême du Christ. Par conséquent ceux qui étaient baptisés par Jean avaient encore moins besoin de l'être par le Christ.

4
L'Ecriture dit (Ac 19,1) que Paul ayant trouvé quelques disciples, il leur dit : Avez-vous reçu le Saint-Esprit depuis que vous avez embrassé la foi? Ils lui répondirent : Nous n'avons pas même ouï dire qu'il y ait un Saint-Esprit. Quel baptême, leur dit-il, avez-vous donc recrû Ils lui répondirent: Le baptême de Jean. Et on voit plus loin : Qu'ils furent baptisés de nouveau au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il semble donc que, parce qu'ils ne savaient pas que le Saint-Esprit existe, il ait fallu qu'ils fussent baptisés de nouveau, comme le disent saint Jérôme (Sup. Joël. sup. illud cap. 3 : Effundam de Spiritu r^eo) et saint Ambroise (De Spir. sanct. lib. i, cap. 3). Or, parmi ceux qui ont reçu le baptême de Jean, il v en avait qui ont eu une pleine connaissance de la Trinité. Ils ne devaient donc pas de nouveau recevoir le baptême du Christ.

5 Sur ces paroles de saint Paul (Rm 10) : Hoc est verbum fidei quod praedicamus, la glose de saint Augustin dit (Ord. tract, lxxx in ) : D'où vient à l'eau une telle vertu qu'en touchant le corps elle purifie le coeur, sinon de l'action de la parole, non parce qu'on la prononce, mais parce qu'on y croit. D'où il est évident que la vertu du baptême dépend de la foi. Or, la forme du baptême de Jean a signifié la foi du Christ dans laquelle nous sommes baptisés. Car saint Paul dit (Ac 19 Ac 4) : Jean baptisait le peuple du baptême de la pénitence, en disant qu'il devait croire en celui qui allait venir après lui, c'est-à-dire en Jésus. Il semble donc qu'il ne fallait pas que ceux qui avaient reçu le baptême de Jean reçussent de nouveau celui du Christ.

tisés de nouveau par les apôtres. Saint Thomas réfute cette opinion en redressant l'erreur dans laquelle était tombé à ce sujet Pierre Lombard.

(I) Luther, Ztiingle et Calvin n'ayant pas admis de différence entre le baptême de Jean et le baptême du Christ, ils ont nié naturellement que ceux que Jean avait baptises aient dû être rebap

20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Sup. Jean, tract, v) : Il fallait que ceux qui ont reçu le baptême de Jean reçussent le baptême du Christ.


CONCLUSION. —Il a fallu que tous ceux qui avaient reçu le baptême de Jean reçussent de nouveau le baptême du Christ, qui était le seul qui conférât te caractère et fa grâce du salut.

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Il faut répondre que, d'après le Maître des sentences (Sentent. lib. iv, dist. 2), ceux qui ont été baptisés par Jean sans savoir que le Saint-Esprit existait et en mettant leur espérance dans ce baptême, ont ensuite reçu le baptême du Christ; mais que ceux qui n'ont pas mis leur espérance dans le baptême de Jean et qui croyaient au Père, au Fils et au Saint-Esprit, n'ont pas été baptisés ensuite, mais ils ont reçu l'Esprit-Saint du moment que les apôtres leur ont imposé les mains (1). — Ce sentiment est vrai quant à la première partie qui se démontre par beaucoup d'autorités; mais par rapport à la seconde il est absolument déraisonnable : 1° Parce que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce et n'imprimait pas caractère, mais qu'il consistait seulement dans l'eau, comme le dit l'Evangile (Mt 3). Par conséquent la foi ou l'espérance que ceux qui étaient baptisés avaient dans le Christ ne pouvait pas suppléer à ce défaut. 2° Parce que quand on omet dans un sacrement quelque chose qui est de nécessité, il ne faut pas seulement qu'on supplée à ce qui a été omis, mais il faut qu'on le recommence totalement. Or, il est de nécessité pour le baptême du Christ qu'il soit conféré non-seulement dans l'eau, mais encore dans l'Esprit-Saint, d'après ces paroles (Jean, m, 5) : Si on ne renaît de Veau et de V Esprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume des cieux. Par conséquent à l'égard de ceux qui n'avaient été baptisés que dans l'eau par le baptême de Jean, non- seulement il fallait suppléer ce qui manquait (en leur donnant, par exemple, l'Esprit-Saint par l'imposition des mains), mais ils devaient être de nouveau complètement baptisés dans l'eau et l'Esprit-Saint (2).

31 Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Augustin [Sup. Jean, tract, v), on devait être rebaptisé après Jean parce qu'il ne donnait pas le baptême du Christ, mais le sien, au lieu que le baptême que conférait Pierre ou qu'eût conféré Judas était celui du Christ. C'est pourquoi si Judas eût baptisé quelqu'un, il n'aurait pas fallu le baptiser de nouveau; car le baptême est tel que celui au nom duquel on le donne, mais il n'est pas tel que celui par le ministère duquel il est donné. De là il résulte que ceux qui avaient été baptisés par le diacre Philippe qui conférait le baptême du Christ, ne devaient pas être baptisés de nouveau, mais les apôtres leur imposèrent les mains; comme maintenant les évêques confirment ceux qui ont été baptisés par des prêtrès.

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Il faut répondre au second, que, comme ledit saint Augustin (adSeleucian. epist, cclxv) , nous croyons que les disciples du Christ avaient été baptisés, soit du baptême de Jean , comme quelques-uns le pensent, soit, ce qui est plus vraisemblable, du baptême de Jésus-Christ lui-même (3). Car il n'a sans doute pas manqué de baptiser ceux par lesquels il voulait baptiser les autres, puisqu'il n'a pas dédaigné, pour leur faire une leçon d'humilité, de s'abaisser jusqu'à leur laver les pieds.

Les réformateurs disaient aussi que les ap  être s ne les baptisaient pas de nouveau, qu'ils se contentaient de leur imposer les mains [Calvin. instit. lib. iv, cap. 15, g 18).

Le baptême de Jean manquait de la forme qui constitue le baptême du Christ, car en le conférant il exhortait ceux qui le recevaient à la pénitence, mais il n'invoquait pas la sainte Trinité, et ce n'était pas au nom de Jésus qu'il agissait.

(3) Car Jésus-Christ baptisait lui-même, et il faisait conférer le baptême par ses disciples (
Jn 3,22). Voyez dans cet endroit de l'Evangile la dispute qui s'éleva entre les disciples de Jean et les disciples de Jésus.

33 Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Chrysostome [alius auctor, Sup. Matth, hom. iv, in op. imper f.), Jean ayant dit au Christ:

. m°i Qui dois être baptisé par vous ; celui-ci lui répondit : Laissez-moi I aire pour V heure, ce qui prouve que le Christ a ensuite baptisé Jean (1), et c’est ce qui est rapporté dans quelques ouvrages apocryphes. Toutefois n est certain, comme le dit saint Jérôme (Sup. Matth, cap. 3, super illud : Sine modo), que comme le Christ a été baptisé par Jean dans l'eau, de même Jean devait être baptisé par le Christ dans l'Esprit.

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Il faut répondre au quatrième, que ceux qui ont été baptisés par Jean ont dû l'être de nouveau, non pas uniquement parce qu'ils n'avaient pas connu l'Esprit-Saint, mais parce qu'ils n'avaient pas reçu le baptême du Christ.

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Il faut répondre au cinquième, que, comme le dit saint Augustin (Cont. Faust, lib. xix, cap. 43), nos sacrements sont des signes de la grâce qui existe présentement, au lieu que les sacrements de l'ancienne loi ont été des signes de la grâce future. Ainsi par là même que Jean baptisa au nom du Christ à venir, cela nous fait comprendre qu'il ne conférait pas le baptême du Christ, qui est un sacrement de la loi nouvelle.





QUESTION 39: DU BAPTÊME DU CHBIST.

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III Pars (Drioux 1852) 743