Discours 2001 - Samedi 5 mai 2001

RENCONTRE AVEC LES PATRIARCHES ET LES EVÊQUES DE SYRIE

PATRIARCAT GRÈQUE-MELKITE, DAMAS, Dimanche 6 mai 2001

  Sainteté,
Béatitudes,
Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l'épiscopat,


1. Mon pèlerinage sur les pas de saint Paul, Frères bien-aimés, me conduit aujourd’hui en Syrie, à Damas, et c'est avec une grande joie que je me trouve au milieu de vous. Je vous remercie de votre accueil chaleureux et j'exprime en particulier ma gratitude à Sa Béatitude le Patriarche Grégoire III, pour ses aimables paroles de bienvenue en sa résidence patriarcale.

Tout pèlerinage est une occasion de revenir aux sources de notre foi, pour affermir notre amour du Christ et de l’Église, et pour nous relancer dans la mission que Jésus nous a confiée. Ici, sur cette terre bénie de Dieu par la présence, au long des siècles, de témoins éminents qui, dans leur vie et dans leurs écrits, sont des figures de la tradition de toute l’Église, l'histoire sainte se lit comme à livre ouvert dans le paysage, dans les sites bibliques et dans les sanctuaires chrétiens. Mais ce pèlerinage veut être évidemment aussi une rencontre avec les hommes et les femmes qui habitent cette terre, en particulier avec nos frères et soeurs dans la foi en l’unique Seigneur, qui a lui-même vécu au Moyen-Orient et qui nous a révélé le visage du Père de toute tendresse. N'est-ce pas sur cette terre, dans la ville d’Antioche qui est un des phares de l’Orient, que les disciples de Jésus de Nazareth ont été appelés pour la première fois "chrétiens" (Ac 11,26), à savoir ceux qui confessent que le Christ est le Seigneur, le Messie de Dieu, et qui sont membres de son corps? C’est donc avec une joie profonde que je vous adresse le même salut que le Christ après sa résurrection: "Paix à vous!" (Jn 20,19).

2. La situation de l'Église catholique en Syrie est d'une grande diversité, par la présence simultanée de plusieurs Églises sui iuris qui représentent autant de grandes et riches traditions de l'Orient chrétien. Patiemment, en dépassant progressivement un repliement séculaire dû aux aléas de l'histoire, vos communautés et vos fidèles se sont ouverts les uns aux autres. Tout en restant fermement enracinés dans votre patrimoine ecclésial propre, et même en le revalorisant, vous avez appris à joindre vos efforts. L'Assemblée de la Hiérarchie catholique en Syrie, ou encore plus largement le Conseil des Patriarches du Moyen-Orient, symbolisent cette coordination indispensable, que je vous invite à poursuivre, à étendre et à intensifier encore, malgré les difficultés qui en résulteront, pour un meilleur service pastoral des fidèles qui vous sont confiés et pour un réel partage des trésors spirituels de vos traditions respectives. S'il est vrai, en effet, que la communion est d'abord un don de Dieu à son Église, il est tout aussi certain qu'à ce don doivent répondre de notre part le discernement, le respect, l'estime mutuelle et la patience. Ces différents éléments font que la diversité concourt à l’unité; ils témoignent de la catholicité de l'Église, et surtout ils glorifient le Nom de Dieu et servent à l’annonce de l’Évangile, en rendant toujours plus crédible la parole de frères unis dans la foi et dans l’amour.

Cette communion entre les instances de vos diverses Églises n'enlève rien, bien au contraire, à la communion épiscopale qui règne au sein de vos Synodes respectifs. Elle est une expression toujours à remettre en oeuvre et à revivifier, de la communion catholique plus large.

3. En considérant les réalités bien concrètes qui marquent la vie de vos communautés, je voudrais vous inviter à repartir du Christ, à fonder en lui toute votre vie. En revenant à lui, en puisant chaque jour à la source vive de sa Parole et de ses sacrements, l'Église trouve la force qui la fait vivre et qui la soutient dans son témoignage. L'exemple de saint Paul, écrivant aux Galates: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20), nous fait comprendre toujours davantage ce mystère de la présence du Christ dans notre vie: "Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Présence consolante qui nous apaise et nous rassure sur nos routes, puisque le Christ est avec nous, présence exigeante qui nous fait l’obligation de ne pas garder pour nous le trésor que nous avons reçu: "Malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile!" (1Co 9,16).

Chers Frères, nous trouverons là un chemin de vie spirituelle forte, un chemin de sainteté, à proposer à tous les baptisés de nos communautés. Fidèles à la joie de célébrer l'Eucharistie, qui constitue et rassemble la communauté chrétienne depuis la Résurrection du Seigneur, les croyants y trouvent de quoi nourrir leur foi: en se réunissant autour de la table de la Parole et du Pain de vie, ils dépassent la dispersion du quotidien et se fortifient, ils découvrent toujours davantage leur identité de fils de Dieu et la consolident pour être de vrais témoins dans l'Église et dans le monde. Dans la mesure où elles s'enracinent dans la prière, dans l'écoute attentive de la Parole et dans le goût de la liturgie, nos vies s'ouvrent largement aux appels de l'Esprit pour aller au large annoncer hardiment l'Évangile de la paix (cf. Ep 6,15) et en témoigner dans toutes les réalités familiales, culturelles et sociales de la vie de la cité humaine. Saint Paul, saisi par la grâce de l'appel du Christ, a témoigné plus que tout autre de la nouveauté chrétienne, et il l’a abondamment enseignée. Lui-même s'est laissé entraîner à une vie entièrement nouvelle, toute consacrée au Christ et à l'annonce de l'Évangile.

4. Je désire exprimer encore toute l'admiration que je ressens à la vue de la concorde qui règne entre les chrétiens de Syrie. La présence de Sa Sainteté Mar Ignace Zakka Ier et de Sa Béatitude le Patriarche Ignace IV en est le signe éloquent. Béatitude Ignace IV, j'ai été ému par vos récentes déclarations sur la profondeur de la communion fraternelle qui existe en ce pays entre les Églises chrétiennes et que vous entendez renforcer toujours plus. Je saisis l'occasion pour saluer fraternellement aussi Sa Béatitude le Cardinal Ignace Moussa Daoud, Préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, que je viens d’appeler à Rome pour y être le digne représentant de tout l'Orient catholique. Je salue également Sa Béatitude le Patriarche syrien catholique Ignace Pierre VIII, ainsi que les autres Patriarches, Cardinaux et Évêques présents. La véritable entente qui existe entre Patriarches, Évêques et dignitaires des Églises et Communautés ecclésiales de votre pays, est un beau témoignage d'amour chrétien dans un pays où la majorité des citoyens est de religion musulmane.

Nous nous souvenons en effet que c'est en Syrie que l'Église du Christ découvrit son véritable caractère catholique et assuma sa mission universelle. Les Apôtres Pierre et Paul, chacun selon sa grâce, ont travaillé ici à rassembler l'unique famille du Christ, accueillant des fidèles provenant de diverses cultures et de différentes nations. C'est avec satisfaction que nous pouvons voir se développer la collaboration entre les Églises et Communautés ecclésiales. Elle ne peut que contribuer à servir la réconciliation et la recherche de l'unité. Que ce rapprochement vous aide à témoigner avec davantage de crédibilité de Jésus Christ, mort et ressuscité pour "rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés" (Jn 11,52). Que cette collaboration contribue aussi à rendre plus belle et plus authentique l'Église du Christ, face aux fidèles des autres religions.

Pour leur part, les fidèles apprécient grandement les occasions qui leur sont offertes de participer à une prière oecuménique commune. Pareille ouverture devra prévaloir de plus en plus et promouvoir toutes les initiatives où les Églises peuvent coopérer, et ce dans tous les domaines.

En effet, la division des chrétiens fait obstacle à l'Évangile. De plus, "l'oecuménisme n'est pas qu'une question interne aux Communautés chrétiennes. Il concerne l'amour que Dieu porte à l'humanité entière en Jésus Christ; faire obstacle à cet amour, c'est l'offenser dans son dessein de rassembler tous les hommes dans le Christ" (Ut unum sint UUS 99). Pour avoir vécu si proches des croyants musulmans pendant des siècles, les chrétiens de Syrie saisissent d'emblée le lien intime entre l'unité de la communauté et le témoignage qui naît de la communion fraternelle.

En ce domaine aussi, je vous encourage à un dialogue authentique dans la vie quotidienne, empreint de respect mutuel et d'hospitalité. Abraham et Sara n'ont-ils pas reçu le don de l'enfant de la promesse, pour avoir mangé, selon une tradition pleine de poésie rapportée par saint Éphrem le Syrien, des restes du repas hospitalier offert aux trois Anges?

5. Les préoccupations ne manquent certes pas aux Pasteurs. La plus lancinante, sans aucun doute, est l'émigration de tant de familles chrétiennes, et de beaucoup de jeunes. Tous espèrent trouver ailleurs un avenir plus aisé. Je suis sûr que chacun d'entre vous s'est souvent posé la question angoissée: que puis-je faire? Vous pouvez faire beaucoup. D'abord en apportant votre contribution à la construction d’une patrie prospère économiquement, où chaque citoyen a les mêmes droits et devoirs devant la loi, où tout le peuple est soucieux de vivre une paix équitable à l’intérieur de ses frontières comme avec tous ses voisins. Contribuer à accroître la confiance en l'avenir de votre patrie est un des plus grands services que l'Église puisse rendre à la société. Encourager les chrétiens à la solidarité, dans le partage des difficultés et dans les souffrances de votre peuple, constitue un autre moyen d'action. Votre influence sur la jeunesse est grande: parlez à son coeur généreux en expliquant, corrigeant, encourageant, et surtout en lui inculquant, par votre exemple personnel, la conviction que les valeurs chrétiennes du coeur et de l'esprit sont plus à même que tous les biens matériels de rendre l'homme heureux. Transmettez aux jeunes un idéal humain et chrétien, et faites-leur découvrir que, comme le disait déjà l’auteur de l’épître à Diognète, "si noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu’il ne leur est pas permis de déserter" (VI, 10).

Dans cet esprit, le dialogue interreligieux et la collaboration mutuelle, particulièrement entre chrétiens et musulmans, est une contribution importante à la paix et à l'entente entre les hommes et entre les communautés. Il doit aussi conduire à un témoignage commun en faveur d’une pleine reconnaissance de la dignité de la personne humaine.

6. Frères bien-aimés dans le Christ! Je ne puis mieux conclure ces paroles de réconfort fraternel qu'en faisant miennes les recommandations de saint Paul aux Anciens de l'Église d’Éphèse: "Prenez soin de vous-mêmes, et de tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a établi les gardiens, paissez l’Église de Dieu, que le Christ s’est acquise par son propre sang" (Ac 20,28).

Que ce même Esprit Saint vous en donne la force, par la Pâque de notre Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu et fils de l'homme, à la gloire de Dieu, notre Père! Je vous confie à la Vierge Marie, la Théotokos que votre belle liturgie ne cesse de chanter, elle qui est "notre soeur remplie de prudence [...], le trésor de notre félicité" (S. Éphrem le Syrien, Opera II, 318) et qui veille maternellement sur l’Église depuis le Cénacle. Amen.

         

INCONTRO CON IL CLERO, I RELIGIOSI E I LAICI NELLA CATTEDRALE SIRO-ORTODOSSA

Domenica, 6 maggio 2001





RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE

COUR DE LA GRANDE MOSQUÉE OMEYYADE, DAMAS, Dimanche 6 mai 2001




Chers Amis Musulmans,

As-salámu ‘aláikum!

1. Du fond de mon coeur, je loue Dieu le Tout-Puissant pour la grâce de cette rencontre. Je vous suis très reconnaissant de m’accueillir chaleureusement, dans la tradition d’hospitalité si chère au peuple de cette région. Je remercie particulièrement le Ministre des Waqfs et le Grand Mufti pour leurs voeux courtois, traduisant la grande aspiration à la paix qui emplit les coeurs de tout peuple de bonne volonté. Mon pèlerinage jubilaire a été marqué par d’importantes rencontres avec des chefs musulmans au Caire et à Jérusalem, et je suis maintenant profondément touché d’être votre hôte ici-même dans la grande Mosquée Omeyade, si riche en histoire religieuse. Votre terre est chère aux chrétiens: ici notre religion a connu des périodes vitales pour sa croissance et son développement doctrinal. Ici se trouvent des communautés chrétiennes qui ont vécu en paix et en harmonie avec leurs voisins musulmans pendant des siècles.

2. Notre rencontre se tient tout près du lieu que les Chrétiens et les Musulmans vénèrent comme la tombe de Jean le Baptiste, connu sous le nom de Yahya dans la tradition musulmane. Le fils de Zacharie est une figure de première importance dans l’histoire de la chrétienté, car il était le Précurseur qui a préparé le chemin pour le Christ. Le vie de Jean, toute consacrée à Dieu, fut couronnée par le martyre. Que tous ceux qui vénèrent sa mémoire ici soient illuminés par son témoignage, afin qu’ils puissent comprendre - et nous aussi - que la grande tâche de la vie est de chercher la vérité de Dieu et sa justice!

Notre rencontre dans ce lieu renommé nous rappelle que l’homme est un être spirituel, appelé à reconnaître et à respecter le primat absolu de Dieu sur toutes choses. Pour nous, Chrétiens et Musulmans, la rencontre avec Dieu dans la prière est la nourriture nécessaire de nos âmes, sans laquelle nos coeurs se flétrissent et notre volonté ne lutte plus pour le bien, mais succombe au mal.

3. Les Musulmans et les Chrétiens honorent pareillement leurs lieux de prière, oasis où ils rencontrent le Dieu Miséricordieux dans leur voyage vers la vie éternelle, et où ils rencontrent leurs frères et leurs soeurs en religion. Lorsqu’à l’occasion de mariages, de funérailles ou d’autres célébrations, Chrétiens et Musulmans demeurent dans un silence respectueux de la prière de l’autre, ils portent témoignage de ce qui les unit, sans masquer ou nier ce qui les séparent.

C’est dans les mosquées ou les églises que les communautés musulmanes et chrétiennes ont façonné leur identité religieuse, et c’est en leur sein que les jeunes reçoivent une part importante de leur éducation religieuse. Quel sens de l’identité insuffle-t-on chez les jeunes Chrétiens et chez les jeunes Musulmans dans nos églises et nos mosquées? Je souhaite ardemment que les responsables religieux et les professeurs de religion, musulmans et chrétiens, présentent nos deux importantes communautés religieuses comme des communautés engagées dans un dialogue respectueux, et plus jamais comme des communautés en conflit. Il est capital d’enseigner aux jeunes les chemins du respect et de la compréhension, afin qu’ils ne soient pas conduits à faire un mauvais usage de la religion elle-même pour promouvoir ou pour justifier la haine et la violence. La violence détruit l’image du Créateur dans ses créatures, et elle ne devrait jamais être considérée comme le fruit de convictions religieuses.

4. J’espère vraiment que notre rencontre d’aujourd’hui à la Mosquée Omeyade sera le signe de notre détermination à faire progresser le dialogue interreligieux de l’Église catholique et de l’Islam. Ce dialogue s’est accru lors des récentes décennies; et nous pouvons aujourd’hui manifester notre reconnaissance pour la route qu’aussi loin nous avons parcourue ensemble. Au plus haut niveau, le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux représente l’Église catholique dans cet effort. Depuis plus de trente ans, le Conseil envoie un message aux Musulmans à l’occasion de l’Îd al-Fitr à la clôture du Ramadan, et je suis très heureux que ce geste ait été bien accueilli par de nombreux musulmans comme un signe d’amitié croissante entre nous. Ces dernières années, le Conseil a mis en place un comité de liaison avec des Organisations islamiques internationales, et aussi avec l’Université al-Azhar en Égypte, que j’ai eu le plaisir de visiter l’an dernier.

Il est important que Musulmans et Chrétiens continuent à explorer ensemble les questions philosophiques et théologiques, afin de parvenir à une connaissance plus objective et plus approfondie de leurs convictions religieuses respectives. Une meilleure compréhension mutuelle conduira sûrement, sur le plan pratique, à une nouvelle manière de présenter nos deux religions non pas en opposition, comme cela est advenu trop souvent par le passé, mais en partenariat pour le bien de la famille humaine.

Le dialogue interreligieux est plus efficace lorsqu’il jaillit de l’expérience d’une "vie partagée avec l’autre" au quotidien, à l’intérieur d’une même communauté et d’une même culture. En Syrie, Chrétiens et Musulmans ont vécu côte à côte pendant des siècles, et le riche dialogue de vie s’est poursuivi sans interruption. Chaque personne et chaque famille connaissent des moments d’harmonie, et d’autres moments où le dialogue s’interrompt. Les expériences positives doivent fortifier nos communautés dans l’espérance de la paix; et les expériences négatives ne devraient pas ruiner cette espérance. Chaque fois que les Musulmans et les Chrétiens se sont offensés les uns les autres, nous avons besoin de rechercher le pardon qui vient du Tout-Puissant et de nous offrir mutuellement ce pardon. Jésus nous enseigne qu’il nous faut pardonner les offenses des autres pour que Dieu puisse nous pardonner nos péchés (cf. Mt 6,14).

Comme membres de l’unique famille humaine et comme croyants, nous avons des obligations quant au bien commun, à la justice et à la solidarité. Le dialogue interreligieux conduira à des formes variées de coopération, particulièrement en répondant à notre devoir de prendre soin du pauvre et du faible. Tels sont les signes que notre adoration de Dieu est véritable.

5. Alors que nous nous frayons un chemin à travers l’existence vers notre destinée céleste, nous, Chrétiens, nous sentons la présence de Marie, la Mère de Jésus; l’Islam aussi rend hommage à Marie et l’honore, elle qui est "choisie de préférence à toutes les femmes de l’univers " (Coran, III, 42). La Vierge de Nazareth, la Dame de Saïdnaya, nous a enseigné que Dieu protège les humbles et "disperse les superbes" (Lc 1,51). Puisse les coeurs des Musulmans et des Chrétiens se tourner les uns vers les autres avec des sentiments de fraternité et d’amitié, pour que le Tout-Puissant nous bénisse avec la paix que seul le Ciel peut donner! Au Dieu Un et Tout-Puissant, louange et gloire pour l’éternité. Amen.



  VISITE AU MÉMORIAL DE ST PAUL - DAMAS

Lundi 7 mai 2001


      

Chers Frères et Soeurs,

Je salue les religieux franciscains de la Custodie de Terre Sainte, qui sont chargés de gérer cette maison, et les religieuses et les laïcs qui sont présents aujourd’hui. Je suis heureux de faire mémoire avec vous de l’Apôtre Paul, dans cette maison voulue par mon prédécesseur le Pape Paul VI pour recueillir le trésor de foi, de spiritualité et d’ardeur missionnaire de l’Apôtre des Nations, qui, sur le chemin de Damas, a accepté d’accueillir la lumière du Christ. Ayant découvert la vérité tout entière, l’Apôtre Paul a d’abord vécu trois jours dans le silence et les ténèbres de la foi avant d’être baptisé, de découvrir la communauté chrétienne locale et de partir annoncer l’Évangile. Le centre a pour vocation de proposer la spiritualité paulinienne aux hommes et aux femmes qui veulent faire une halte dans leur vie chrétienne, pour vivre plus pleinement leur vie baptismale et leur vocation dans l’Église.

L’Apôtre Paul nous rappelle que la mission prend naissance dans l’accueil de la lumière du Christ, par qui vient la révélation tout entière, dans la contemplation silencieuse et amoureuse des mystères divins et dans l’acceptation humble et confiante de la mission confiée par l’Église. Puissent les personnes qui bénéficient de l’espace spirituel procuré par cette maison marcher chaque jour sur les traces de l’Apôtre des Nations ! Avec la bénédiction apostolique.

PRIÈRE POUR LA PAIX

Lundi 7 mai 2001

  "Heureux ceux qui font oeuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5,9). De ce lieu, si défiguré par la guerre, je désire que, de mon coeur et par ma voix, monte une prière pour la paix en Terre Sainte et dans le monde. La paix authentique est un don de Dieu. Pour nous ouvrir à ce don, il faut une conversion du coeur et une conscience obéissante à sa Loi.

Dieu infiniment bon et miséricordieux,
c’est avec des coeurs pleins de reconnaissance que nous te prions aujourd’hui
sur cette terre où saint Paul un jour a marché.
Il a proclamé aux nations cette vérité: Dieu, dans le Christ,
a réconcilié le monde avec lui (cf. 2Co 5,19).
Que ta parole résonne dans le coeur de tous les hommes et de toutes les femmes,
que tu appelles à suivre le chemin de la réconciliation et de la paix,
et à être miséricordieux comme tu es miséricordieux.

Seigneur, tu dis des mots de paix à ton peuple
et à tous ceux qui, dans leurs coeurs, se tournent vers toi (cf. Ps 84,9).
Nous te prions pour les peuples du Moyen-Orient.
Aide-les à abattre les murs d’hostilité et de division
et à construire ensemble un monde de justice et de solidarité.

Seigneur, tu crées des cieux nouveaux et une terre nouvelle (cf. Is 65,17).
Nous te confions les jeunes de ces pays.
Ils aspirent dans leurs coeurs à un avenir plus radieux;
consolide leur détermination à être des hommes et des femmes de paix,
et des hérauts d’une espérance nouvelle pour leurs peuples.

Père, tu fais jaillir la justice de la terre (cf. Is 45,8).
Nous prions pour les responsables civils de cette région
afin qu’ils s’efforcent de satisfaire les aspirations légitimes de leurs peuples,
et qu’ils éduquent les jeunes dans le sens de la justice et de la paix.
Fais qu’ils travaillent généreusement pour le bien commun,
qu’ils respectent la dignité inaliénable de toute personne
et les droits fondamentaux qui trouvent leur origine
dans l’image et dans la ressemblance du Créateur
imprimées en tout être humain.

Nous te prions particulièrement pour les dirigeants de cette noble terre de Syrie.
Accorde-leur sagesse, clairvoyance et persévérance;
qu’ils ne se laissent jamais aller au découragement dans leur tâche difficile
de construire la paix durable à laquelle leur peuple aspire.

Père du Ciel,
en ce lieu qui a vu la conversion de l’Apôtre Paul,
nous prions pour tous ceux qui croient en l’Évangile de Jésus Christ.
Guide leurs pas dans la vérité et l’amour.
Qu’ils soient un, comme tu es un avec le Fils et l’Esprit Saint.
Qu’ils portent le témoignage de la paix qui surpasse toute intelligence (cf. Ph Ph 4,7)
et de la lumière qui l’emporte sur l’obscurité de l’hostilité, du péché et de la mort.

Seigneur du ciel et de la terre, Créateur de l’unique famille humaine,
nous te prions pour les croyants de toutes religions.
Qu’ils cherchent ta volonté dans la prière et dans la pureté du coeur;
qu’ils te rendent hommage et qu’ils adorent ton saint nom.
Conduis-les à trouver en toi la force de vaincre la peur et la méfiance,
de grandir en amitié et de vivre ensemble dans l’harmonie.

Père de miséricorde,
que tous les croyants trouvent le courage de se pardonner les uns les autres,
afin que les blessures du passé soient guéries,
et qu’elles ne soient pas un prétexte à d’autres souffrances dans le présent.
Que cela se réalise partout en Terre Sainte,
cette terre que tu as bénie par tant de signes de ta Providence,
et où tu t’es révélé toi-même comme le Dieu d’Amour.
Nous confions à la Mère de Jésus, la bienheureuse Vierge Marie,
les hommes et les femmes qui habitent le pays où Jésus a vécu.
À son exemple, qu’ils écoutent la parole de Dieu,
qu’ils aient du respect et de la compassion pour les autres,
en particulier pour ceux qui sont différents d’eux.
Que tous, dans l’unité d’un même coeur et d’un même esprit,
bâtissent un monde qui soit une vraie maison pour tous les peuples.

Salam! Salam! Salam!
Amen.

En terminant, je désire exprimer ma gratitude à la Force internationale stationnée ici. Votre présence est un signe de la détermination de la communauté internationale à apporter son aide pour hâter le jour de l’harmonie entre les peuples, les cultures et les religions de cette région. Que Dieu Tout-Puissant vous protège et soutienne vos efforts!

      

RENCONTRE AVEC LES JEUNES EN LA CATHÉDRALE GRÈQUE-MELKITE - DAMAS

Lundi 7 mai 2001




Chers amis,

quand les Cardinaux m’ont élu sur le Siège de saint Pierre, j’ai parlé aux jeunes, je leur ai dit: vous êtes mon espérance, vous êtes l’espérance de l’Église.

Après vingt-trois ans, je vous répète avec une plus grande conviction: vous êtes mon espérance! Vous êtes l’espérance de l’Église! Aujourd’hui, je veux ajouter: vous êtes l’espérance de la Syrie!
Espérance de la paix, de l’unité, de la civilisation de l’amour, vous êtes l’espérance.

Chers jeunes,

1. "La paix soit avec vous !" Je vous adresse ce soir la salutation pascale du Seigneur ressuscité à ses disciples. Je suis heureux de vous rencontrer au terme de mon pèlerinage sur les pas de l’Apôtre Paul en Syrie. Je remercie les jeunes qui m’ont salué en votre nom. Vous appartenez à des confessions chrétiennes diverses, mais, tous ensemble, vous voulez vous mettre à l’écoute de l’unique Seigneur et cheminer vers Lui: que votre présence ici soit le signe de votre engagement commun à participer, avec la grâce du Christ, à la promotion de la pleine unité visible entre tous les chrétiens!

Je salue cordialement Sa Béatitude le Patriarche Grégoire III, et je le remercie pour les paroles de bienvenue qu’il a voulu m’adresser, au nom des évêques du Patriarcat d’Antioche des Grecs-Melkites. En cette cathédrale, ma pensée fraternelle rejoint aussi le vénéré Patriarche Maximos Hakim, qui, de sa résidence de Beyrouth, s'unit à nous dans la prière.

2. Le passage de la lettre à Timothée que nous avons écouté est pour vous un encouragement: "Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous régnerons. Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous sommes infidèles, lui, il restera fidèle, car il ne peut se rejeter lui-même" (2Tm 2,11-13).

Chers jeunes, vous vivez une période où abondent les questions et les incertitudes, mais le Christ vous appelle et suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand et de beau, la volonté de poursuivre un idéal, le refus de vous laisser aller à la médiocrité, le courage de vous engager, avec une patience persévérante.

3. Pour répondre à cet appel, recherchez constamment l’intimité avec le Seigneur de la vie, vous tenant fidèlement en sa présence dans la prière, la connaissance des Écritures, la rencontre eucharistique et le sacrement de la Réconciliation. Vous édifierez et vous fortifierez ainsi "votre être intérieur", comme le dit l’Apôtre Paul. La relation de coeur à coeur avec le Seigneur constitue aussi le secret d'une existence qui porte du fruit, car elle est organisée autour de ce qui est central pour tout être humain, le dialogue avec Celui qui est notre Créateur et notre Sauveur. Ainsi, votre vie ne sera pas superficielle, mais elle sera profondément enracinée dans les valeurs spirituelles, morales et humaines, qui sont la colonne vertébrale de tout être et de toute vie. Rappelez-vous qu’il n’est pas possible d’être chrétien en refusant l’Église fondée sur Jésus Christ; qu’il n’est pas possible de se dire croyant sans poser les gestes de la foi; qu’il n’est pas possible de se dire hommes et femmes spirituels sans se laisser modeler par Dieu dans une écoute humble et joyeuse de son Esprit, et une disponibilité à sa volonté.

Vous serez alors en mesure de faire des choix et de vous engager de toutes vos forces. Peut-être vous posez-vous aujourd'hui des questions telles que: Quelle route prendre? Que faire de mon existence? Qui suivre? N'ayez pas peur de prendre le temps de réfléchir avec des adultes pour envisager avec sérieux les choix que vous avez à faire et qui supposent d'écouter le Christ, qui vous invite à le suivre sur les chemins exigeants d’un témoignage courageux au service des valeurs pour lesquelles il vaut la peine de vivre et de donner sa vie: la vérité, la foi, la dignité de l’homme, l’unité, la paix, l’amour. Avec le soutien du Christ et de son Église, vous deviendrez chaque jour davantage des hommes et des femmes libres et responsables de leur existence, qui veulent participer activement à la vie de leur Église, aux relations entre les communautés religieuses et humaines, et à la construction d'une société toujours plus juste et plus fraternelle.

4. Le Seigneur Jésus demande à ses disciples d’être des signes dans le monde; d’être, là où ils vivent et où ils travaillent, des instruments visibles et crédibles de sa présence de salut. Ce n'est pas seulement en paroles mais surtout par un style de vie particulier, avec un coeur libre et un esprit créatif, que vous ferez découvrir aux jeunes de votre génération que le Christ est votre joie et votre bonheur. Il convient pour cela d'éviter l'écart, fréquent aujourd’hui, qui fait que la foi ne passe pas dans la vie et que la vie se passe de la foi. L’être et l’existence du chrétien doivent être unifiés autour de leur pôle central, l’adhésion à Jésus Christ; il pourra ainsi redire sans cesse avec l’Apôtre: "Je sais en qui j’ai mis ma foi" (2Tm 1,12).

5. Comme les païens qui suppliaient Philippe en lui disant: "Nous voulons voir Jésus" (Jn 12,21) ou la personne entrevue par Paul dans sa vision, "Viens à notre secours" (Ac 16,9), les hommes d’aujourd’hui, dans leurs recherches tâtonnantes, veulent, souvent sans le savoir, connaître le Christ, le seul Sauveur. Chers jeunes, je vous invite aujourd’hui à dire Jésus Christ avec courage et fidélité, notamment aux jeunes de votre génération. Et non seulement à dire Jésus Christ, mais aussi et surtout à le faire voir.En vous voyant vivre, vos compatriotes doivent pouvoir se demander ce qui vous guide et ce qui fait votre joie. Vous pourrez alors leur répondre: "Venez et vous verrez". L'Église compte beaucoup sur vous pour que le Christ soit mieux connu et mieux aimé. Comme les Apôtres et les femmes au matin de Pâques, votre mission, qui est la mission de tous les baptisés, naît de la rencontre avec le Seigneur ressuscité (cf. Jn 20, 11-21, 25); l'amour nous pousse à transmettre cette bonne nouvelle qui transforme notre vie et les destinées du monde.

6. Chers jeunes, l'avenir du christianisme dans votre pays est lié au rapprochement et à la collaboration entre les Églises et Communautés ecclésiales qui y vivent. Vous en êtes conscients et vous y travaillez déjà. La convivialité dont vous faites l'heureuse expérience dans la vie de chaque jour, dans vos quartiers, dans vos écoles ou instituts de formation, dans vos groupes ou vos activités de jeunesse, vous est chère. Elle vous prépare dès maintenant à envisager ensemble votre avenir de chrétiens en Syrie. Approfondissez davantage ce qui vous unit. Méditez ensemble l'Évangile, invoquez l'Esprit Saint, écoutez le témoignage des Apôtres, priez dans la joie et l'action de grâce. Aimez vos communautés ecclésiales. Elles vous transmettent la foi et le témoignage que vos ancêtres ont payé d'un prix souvent très cher. Elles comptent sur votre courage et sur votre sainteté, fondements de toute réconciliation véritable. Que la prière du Christ "que tous soient un" résonne en vos coeurs, comme une invitation et une promesse! Votre pays se caractérise aussi par la convivialité entre toutes les composantes de la population. J’apprécie cette convivialité solidaire et pacifique, et je souhaite que tous puissent se sentir partie prenante de la communauté au sein de laquelle il leur soit possible, dans la liberté, d’apporter leur contribution au bien commun.

Chers jeunes, vous devez donner au monde Dieu que vous avez découvert. La logique chrétienne est vraiment "originale"! Personne ne peut conserver ce don s’il ne l’offre à son tour. C’est la même logique que celle qu'a vécue avant vous le divin Maître, qui s'est abaissé et humilié jusqu’au sacrifice suprême. C’est pourquoi il fut exalté et il reçut le Nom qui est au-dessus de tout nom (cf. Ph Ph 2,5-11). La fécondité véritable de toute existence passe par cette expérience radicale du mystère de la Passion et de la Résurrection.

7. Avec vos Patriarches et vos évêques, avec les prêtres et avec toute l’Église, je vous redis ce soir: soyez dans votre milieu de vie des témoins fidèles du Verbe de la vie! Votre présence assidue et votre collaboration dans les paroisses et les mouvements ecclésiaux, votre attention fraternelle et solidaire pour ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit, votre engagement responsable dans la construction d’une société respectueuse des droits de tous et promotrice du bien commun et de la paix, tels sont les engagements que vous avez à vivre comme des conséquences de votre appartenance au Christ et de votre détermination à servir l’homme. Chers jeunes chrétiens: Témoignez de "l’Évangile de la charité"; chers jeunes de Syrie: construisez la "civilisation de l’amour". Je vous donne ces consignes avec une grande espérance et une grande confiance.

8. Je vous répète affectueusement l’invitation que j’ai adressée aux jeunes du monde à l’occasion du grand Jubilé: "N’ayez pas peur d’être les saints du nouveau millénaire! Avec le Seigneur Jésus, la sainteté - le projet de Dieu pour tous les baptisés - devient réalisable [...]. Jésus marche avec vous, il renouvelle votre coeur et vous renforce avec la vigueur de son Esprit" (Message pour les XVes Journées mondiales de la Jeunesse, n. 3)

Je vous bénis tous de grand coeur, ainsi que vos familles.




Discours 2001 - Samedi 5 mai 2001