Discours 2000 - Castel Gandolfo, 25 août 2000


AU PÈLERINAGE JUBILAIRE DE GUINÉE

Vendredi 25 août 2000




Cher Frère dans l'épiscopat,
Chers amis de Guinée,

Je suis heureux de vous accueillir au moment où vous accomplissez votre pèlerinage jubilaire au tombeau des Apôtres Pierre et Paul, avant de vous rendre en Terre Sainte, sur les lieux où, il y a deux mille ans, le Fils de Dieu s'est fait homme, prenant chair de la Vierge Marie.

La démarche du pèlerinage que vous entreprenez évoque le cheminement personnel du croyant sur les pas du Rédempteur. Que ces jours privilégiés vous permettent d'avancer sur la voie de la sainteté chrétienne grâce à une profonde préparation intérieure et à la conversion du coeur ! En effet, en venant ici en pèlerins, vous vous êtes engagés de manière significative à marcher avec une fidélité renouvelée sur le chemin qui conduit au Christ, dans une rencontre personnelle avec lui, afin de vivre en conformité toujours plus grande avec son Évangile.

Passer le seuil de la porte sainte, qui représente la personne du Christ, devient alors le signe du passage que tout chrétien est appelé à effectuer des ténèbres du péché à la lumière de la grâce. En professant que Jésus est le Seigneur, en raffermissant sa foi pour vivre la vie nouvelle qui lui a été donnée, le croyant manifeste aussi que le Christ le fait entrer plus profondément dans l'Église et participer pleinement à sa mission.

Chers amis, je vous invite à faire de votre pèlerinage jubilaire un temps de ressourcement spirituel pour mettre effectivement le Christ au centre de vos vies. Rentrés dans votre pays, soyez, par toute votre existence, des témoins ardents et généreux de l'amour personnel et unique que le Seigneur porte à tout homme ! En exerçant les responsabilités qui sont les vôtres dans la société et dans l'Église, en collaboration avec les hommes et les femmes de bonne volonté, travaillez sans relâche à édifier un monde digne de l'homme et digne de Dieu, avec le souci de la justice et de la solidarité! Soyez des artisans de paix et de fraternité! Marchez sur les traces du Christ qui vous appelle à une vie nouvelle!

En confiant vos personnes et votre pèlerinage à la protection maternelle de la Vierge Marie, je lui demande de vous obtenir de son Fils l'abondance de la grâce et de la miséricorde. À tous, je donne de grand coeur la Bénédiction apostolique. 

  


MESSAGE DE JEAN PAUL II AU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL DES PASSIONNISTES



  Au Révérend Père José Agustin ORBEGOZO Supérieur général des Passionnistes


1. Je suis heureux de vous adresser ce Message à l'occasion du XLIV Chapitre général de la Congrégation de la Passion du Christ, convoqué à Itaici, dans l'Etat brésilien de São Paulo. Je vous adresse un salut cordial, que j'étends avec affection aux Pères capitulaires, engagés avec vous dans un effort de réflexion et un projet de grande importance pour la famille spirituelle passionniste.

Le Chapitre général est toujours un événement de grâce et constitue un appel puissant à rechercher les racines authentiques de l'Institut, en garantissant ainsi la fidélité au propre charisme. Pour votre Congrégation, il s'agit de mieux approfondir la façon de vivre aujourd'hui le précieux héritage confié à tous les fils de saint Paul de la Croix. Pour cela, il est nécessaire de se placer humblement à l'écoute de l'Esprit Saint, avec une attention pleine d'amour aux signes des temps, en vérifiant, en adaptant et en renouvelant le don singulier que Dieu a accordé à l'Eglise et au monde à travers votre saint Fondateur.


2. Votre Assemblée capitulaire se déroule au cours du grand Jubilé de l'Année Sainte 2000. Elle est réunie pour la première fois sur le continent latino-américain, loin de la Maison généralice des Saints Jean et Paul au "Celio", à Rome, que mon prédécesseur Clément XIV vous confia en 1773. Par ce choix, vous avez voulu rendre hommage à ce grand continent, à 500 ans de son évangélisation, en soulignant le caractère missionnaire et universel de votre Congrégation et en exprimant dans le même temps votre solidarité à des régions particulièrement touchées, hélas, par la pauvreté et l'injustice. A travers ce "pèlerinage de la charité" significatif, vous entendez également répondre à ce que j'ai souligné dans la Bulle d'indiction du grand Jubilé: "L'entrée dans le nouveau millénaire encourage la communauté chrétienne à élargir son regard de foi vers des horizons nouveaux pour l'annonce du Règne de Dieu" (Incarnationis mysterium, n. 2), et pousse les disciples du Christ à embrasser avec ferveur l'"engagement missionnaire de l'Eglise face aux exigences actuelles de l'évangélisation" (Ibid.).

Comment ne pas souligner que dès les origines, les fêtes jubilaires ont constitué pour les Passionnistes des étapes significatives d'un dévouement renouvelé au service de l'Eglise? En l'Année Sainte 1725, votre Fondateur, alors qu'il était en pèlerinage à Rome, obtint de mon vénéré prédécesseur Benoît XIII la première approbation verbale de la nouvelle Famille religieuse et, en l'Année Sainte 1750, avec plusieurs confrères, il prêcha avec ferveur la mission jubilaire dans l'église romaine "San Giovanni de' Fiorentini", recevant les éloges du Pape Benoît XIV.


3. La réflexion théologique et le climat spirituel de ce Jubilé, année de la "glorification de la Trinité" et année "intensément eucharistique" (cf. Tertio millennio adveniente TMA 55), offrent une opportunité providentielle d'enrichissement spirituel à votre famille religieuse, qui, née dans l'Eglise pour "promouvoir la mémoire reconnaissante de la bienheureuse Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ" (Règle de saint Paul de la Croix, de 1755), révélation suprême et définitive du Mystère trinitaire, puise dans l'Eucharistie l'énergie nécessaire pour que toute la vie devienne mémoire et suite du Crucifié ressuscité.

Cette harmonie avec l'événement jubilaire ressort également du thème du Chapitre: "Passion de Jésus-Christ, passion pour la vie", qui entend souligner la façon dont, à la lumière du Crucifié, le sens de l'existence est de faire don de sa vie pour servir ses frères: "Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10,45).

La mort de Jésus sur la croix représente la plus grande expression de la vie qui se donne. Elle ouvre la porte à la plénitude de cette vie sans fin que le Père accorde au Fils, en acceptant son sacrifice total: "La croix est la surabondance de l'amour de Dieu qui se répand sur le monde" (Vita consecrata, VC 24).

La vie donnée pour nous sur la Croix nous est offerte en nourriture dans l'Eucharistie. Elle est une vie humaine et divine: elle est la vie que le Verbe a assumée de la Vierge Marie au moment de l'Incarnation; elle est la vie glorifiée dans la résurrection et dans l'ascension au ciel; elle est la vie que le Fils reçoit du Père dans l'éternité.

Dans l'Eucharistie, en accueillant avec foi, à travers le Fils, la vie du Père dans la puissance de l'Esprit Saint, le croyant est placé au coeur même du Mystère trinitaire.


4. Il s'agit d'une profonde réalité de foi à laquelle chacun de vous, chers Passionnistes, ne manque sûrement pas de revenir souvent dans la prière et dans la méditation, avec une attitude d'humble adhésion à la volonté salvifique du Christ. Dans l'Eucharistie, Jésus appelle chacun de ses disciples à être, comme Lui et avec son aide, "pain rompu" et "vin versé" pour ses frères, en conservant toujours le regard tourné sur le mystère de sa mort et de sa résurrection.

En effet, dès les origines, les Passionnistes ont rendu aux fidèles le service précieux d'enseigner à contempler la Passion du Christ, que le vénéré Fondateur définissait "la plus grande et merveilleuse oeuvre de l'amour de Dieu". Beaucoup d'entre eux en ont témoigné jusqu'au martyre, comme l'Evêque bulgare Eugenio Bossilkov, Innocenzo Canaura Arnau, Niceforo Diez et 25 compagnons, que j'ai eu la joie d'élever aux honneurs des autels.

En considérant le bien accompli, comment ne pas vous demander de continuer à être des maîtres de prière et des témoins spéciaux du Christ crucifié, en puisant au mystère de la Croix la force pour cultiver généreusement la passion pour la vie, en particulier à travers le dialogue et le partage dans vos communautés? Comment ne pas vous rappeler que cette mission exige du courage et de la joie, en affrontant le poids des problèmes de la vie religieuse à chaque moment historique particulier? Pour le croyant, le moment vécu revêt toujours les caractéristiques d'un "chemin d'exode", qui "comprend certes ce qui relève du mysterium Crucis" (Vita consecrata VC 40).

Le Crucifié nous a aimés "jusqu'à la fin" (Jn 13,1), au-delà des mesures et des possibilités humaines de l'amour. Voici la source à laquelle le Passionniste doit, de façon toute particulière, puiser sa propre spiritualité: aimer là où il est le plus difficile d'aimer; aimer là où il est davantage nécessaire d'aimer. La société d'aujourd'hui offre des espaces infinis pour cet apostolat spécial.

C'est dans ce contexte que se place également la prédication des Missions au peuple, un apostolat traditionnel de votre Congrégation, dès l'époque de son Fondateur. A travers ces méthodes apostoliques particulières vous pouvez diffuser la dévotion à la Passion du Christ parmi la population et dans chaque milieu. Certes, il sera alors nécessaire de penser à de nouvelles méthodes pastorales selon les diverses cultures et traditions. Toutefois, votre soin premier demeure toujours d'annoncer le Christ qui, de la Croix, renouvelle à l'homme de chaque époque son invitation à Le suivre dans un abandon fidèle et docile. Suivant l'exemple de saint Paul de la Croix, le Passionniste ressent comme un devoir particulier d'offrir au peuple chrétien cette occasion exceptionnelle d'évangélisation et de conversion. Les Missions populaires, entre autres, apparaissent plus que jamais opportunes également dans le contexte de l'Année jubilaire. A côté de cet engagement, ne négligez jamais, et intensifiez même, les Exercices spirituels pour le clergé et les laïcs, en les éduquant à cultiver l'esprit de recueillement et de prière. Que chacune de vos maisons religieuses, à qui dès le début a été donné le nom significatif de "retraite", soit un lieu de contemplation et de silence pour favoriser la rencontre avec le Christ, notre divin Rédempteur.


5. Dans le programme des travaux capitulaires, vous avez réservé une place particulière à la réflexion sur le partage du charisme passionniste avec les laïcs. Il s'agit d'un "des fruits de la Doctrine de l'Eglise comme communion" mûri à une époque récente "qui constitue un nouveau chapitre, riche d'espérance, qui s'ouvre dans l'histoire des relations entre les personnes consacrées et le laïcat" (Vita consecrata VC 54). Il représente un signe de croissance de la vitalité ecclésiale qu'il est urgent d'accueillir et de développer. Je souhaite de tout coeur que ceux que l'Esprit appelle à puiser aux mêmes sources que votre source charismatique, puissent trouver en vous des frères et, surtout des guides en mesure non seulement de partager avec eux ce charisme, mais de les former à une authentique spiritualité passionniste.

Je confie volontiers les travaux capitulaires et chacune de vos intentions généreuses à la Sainte Vierge, à saint Paul de la Croix et aux nombreux saints et bienheureux qui rendent précieuse l'histoire séculaire de votre Institut, pour qu'ils vous aident à reproposer aujourd'hui le charisme des origines, en tant que ferment efficace de fécondité évangélique dans le monde contemporain.
Avec ces voeux, alors que j'assure de mon souvenir dans la prière chacun de vous, toute la famille passionniste et tous ceux que vous rencontrez dans votre ministère apostolique quotidien, je donne de tout coeur à tous une Bénédiction apostolique spéciale.

De Castel Gandolfo, le 21 août 2000


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS DE LA CONFÉRENCE MONDIALE DES INSTITUTS SÉCULIERS

Castel Gandolfo, lundi 28 août 2000





Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de votre Congrès, qui reçoit de la célébration jubilaire en cours une orientation et une impulsion particulières. Je vous salue tous avec une vive cordialité, en adressant une pensée particulière au Cardinal Eduardo Martinez Somalo, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, qui a interprété vos sentiments avec chaleur.

En l'année du grand Jubilé, l'Eglise invite tous les laïcs, mais à un titre particulier les membres des Instituts séculiers, à l'engagement de l'animation évangélique et du témoignage chrétien au sein des réalités séculières. Comme j'ai eu l'occasion de le dire au cours de notre rencontre pour le cinquantième anniversaire de Provida Mater Ecclesia, vous vous trouvez par vocation et par mission au carrefour entre l'initiative de Dieu et l'attente de la création: l'initiative de Dieu, que vous apportez au monde à travers l'amour et l'union intime avec le Christ; l'attente de la création, que vous partagez dans la condition quotidienne et séculière de vos semblables (cf. Insegnamenti de Jean-Paul II vol. XX/1, 1997, n. 5, p. 232). C'est pourquoi, en tant que consacrés séculiers, vous devez vivre avec une conscience active les réalités de votre temps, afin que le fait de suivre le Christ, qui donne sa signification à votre vie, vous engage sérieusement à l'égard du monde que vous êtes appelés à transformer selon le projet de Dieu.


2. Votre Congrès mondial fixe son attention sur le thème de la formation des membres des Instituts séculiers. Il faut que ceux-ci soient toujours en mesure de discerner la volonté de Dieu et les voies de la nouvelle évangélisation dans chaque "aujourd'hui" de l'histoire, dans la complexité et le caractère variable des signes des temps.

Dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici j'ai consacré un long passage au thème de la formation des chrétiens dans leurs responsabilités historiques et séculières, ainsi que dans leur collaboration directe à l'édification de la communauté chrétienne; et j'ai indiqué les sources indispensables à cette formation: "l'écoute prompte et docile de la Parole de Dieu, la prière fidèle et constante, la relation avec un guide spirituel sage et aimant, la lecture dans la foi des dons et des talents reçus et, en même temps, des diverses situations sociales et historiques où l'on est placé" (CL 58).

La formation concerne donc de façon globale toute la vie du consacré. Elle se nourrit également des analyses et des réflexions des experts en sociologie et dans les autres sciences humaines, mais elle ne peut pas négliger, comme étant son centre vital et comme critère pour l'évaluation chrétienne des phénomènes historiques, la dimension spirituelle, théologique et sapientielle de la vie de foi, qui fournit les clefs ultimes et décisives pour la lecture de la condition humaine d'aujourd'hui et pour le choix des priorités et des styles d'un témoignage authentique.

Le regard que nous portons sur les réalités du monde contemporain, un regard que nous souhaiterions toujours rempli de la compassion et de la miséricorde qui nous a été enseignée par notre Seigneur Jésus-Christ, ne fait pas que déterminer les erreurs et les dangers. Certes, il ne peut pas non plus négliger de remarquer également les aspects négatifs et problématiques, mais il se tourne immédiatement vers la recherche de voies d'espérance et cherche à indiquer des perspectives d'engagement fervent pour la promotion intégrale de la personne, pour sa libération et la plénitude de son bonheur.


3. Au coeur d'un monde en changement, dans lequel persistent et s'aggravent des injustices et des souffrances inouïes, vous êtes appelés à effectuer une lecture chrétienne des faits et des phénomènes historiques et culturels. En particulier, vous devez être des porteurs d'espérance et de lumière dans la société d'aujourd'hui. Ne vous laissez pas tromper par un optimisme naïf, mais restez les fidèles témoins d'un Dieu qui aime de façon certaine l'humanité et lui offre la grâce nécessaire afin qu'elle puisse travailler avec efficacité à la construction d'un monde meilleur, plus juste et plus respectueux de la dignité de chaque être humain. Le défi que la culture contemporaine lance à la foi, semble précisément celui-ci: abandonner l'inclination facile à décrire des situations sombres et négatives, pour tracer des parcours possibles, qui ne soient pas illusoires, de rédemption, de libération et d'espérance.

Votre expérience de consacrés dans le monde séculier vous révèle que l'on ne doit pas attendre l'avènement d'un monde meilleur seulement à travers les choix qui proviennent d'en-haut, des grandes responsabilités et des grandes institutions. La grâce du Seigneur, capable de sauver et de racheter également cette époque de l'histoire, naît et croît dans le coeur des croyants. Ceux-ci accueillent, soutiennent et favorisent l'initiative de Dieu dans l'histoire et la font croître "d'en bas", de l'intérieur des simples vies humaines qui deviennent ainsi les vraies voies du changement et du salut. Il suffit de penser à l'action exercée dans ce sens par l'innombrable foule de saints et de saintes, également de ceux qui ne sont pas officiellement déclarés comme tels par l'Eglise, qui ont profondément marqué l'époque dans laquelle ils ont vécu, en lui apportant des valeurs et des énergies bénéfiques dont l'importance échappe aux instruments de l'analyse sociale, mais qui est bien visible aux yeux de Dieu et à la réflexion des chrétiens.


4. La formation au discernement ne peut négliger le fondement de chaque projet humain qui est et reste Jésus-Christ. La mission des Instituts séculiers est d'"introduire dans la société les énergies nouvelles du Règne du Christ, en cherchant à transfigurer le monde de l'intérieur par la force des Béatitudes" (Vita consecrata VC 10). La foi des disciples devient de cette façon l'âme du monde, selon l'heureuse image de la lettre "A Diognète", et produit un renouveau culturel et social qui doit être mis à la disposition de l'humanité. Plus l'humanité se trouve loin du message évangélique et lui est étrangère, plus devra retentir de façon forte et persuasive l'annonce de la vérité du Christ et de l'homme racheté en Lui.

Certes, on devra toujours être attentifs aux modalités de cette annonce, afin que l'humanité ne la ressente pas comme envahissante et comme imposée de la part des croyants. Au contraire, notre tâche sera de faire en sorte qu'il apparaisse toujours plus clairement que l'Eglise, porteuse de la mission du Christ, prend soin de l'homme avec amour. Et elle ne le fait pas pour l'humanité de façon abstraite, mais pour l'homme concret et historique, dans la conviction que "cet homme est la première route que l'Eglise doit parcourir en accomplissant sa mission [...] route tracée par le Christ lui-même, route qui, de façon immuable, passe par le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption" (Redemptor hominis RH 14 cf. Centesimus annus CA 53).


5. Chers responsables et membres des Instituts séculiers, votre formation initiale et permanente doit être nourrie par ces certitudes. Celle-ci produira des fruits abondants dans la mesure où elle continuera à puiser à l'intarissable trésor de la Révélation, lu et proclamé avec sagesse et amour par l'Eglise.

Je confie à Marie, Etoile de l'évangélisation, qui est l'icône inégalable de l'Eglise, votre chemin sur les routes du monde. Qu'Elle reste à vos côtés, que son intercession rende féconds les travaux de votre Congrès et qu'Elle donne de la ferveur et un élan apostolique renouvelé aux Institutions que vous représentez ici, afin que l'événement jubilaire marque le début d'une nouvelle Pentecôte et d'un profond renouveau intérieur.

Avec ces voeux, je donne à tous, comme gage de ma constante affection, ma Bénédiction apostolique.






AU 18ème CONGRÈS INTERNATIONAL SUR LA TRANSPLANTATION D'ORGANES

Mardi 29 août 2000


   
Mesdames et Messieurs,

1. Je suis heureux de vous saluer tous à l'occasion de ce Congrès international, qui vous a réunis pour une réflexion sur le thème complexe et délicat des transplantations. Je remercie le Professeur Raffaello Cortesini et le Professeur Oscar Salvatierra pour leurs aimables paroles, et je transmets une salutation particulière aux Autorités italiennes ici présentes.

J'exprime à tous ma gratitude pour votre invitation cordiale à participer à cette rencontre, et j'apprécie vivement la considération que vous manifestez à l'égard de l'enseignement moral de l'Eglise. Dans le respect de la science et à l'écoute, en particulier, de la loi de Dieu, l'Eglise n'a d'autre objectif que le bien intégral de la personne humaine.

Les transplantations représentent une conquête importante de la science au service de l'homme et de nombreuses personnes doivent aujourd'hui leur vie à une greffe d'organe. La technique de la transplantation s'est révélée de plus en plus être un moyen adapté d'atteindre le but premier de toute médecine: le service à la vie humaine. C'est pourquoi, dans la Lettre Encyclique Evangelium vitae, j'ai suggéré qu'une façon de promouvoir une véritable culture de la vie "est le don d'organes, accompli sous une forme éthiquement acceptable, qui permet à des malades parfois privés d'espoir de nouvelles perspectives de santé et même de vie" (EV 86).


2. Comme pour tout progrès humain, ce domaine particulier de la science médicale, en dépit de tout l'espoir de santé et de vie qu'il offre à de nombreuses personnes, soulève également certains points critiques, qui doivent être examinés à la lumière d'une réflexion anthropologique et éthique attentive.

Dans ce domaine de la science médicale également, le critère fondamental doit être la défense et la promotion du bien intégral de la personne humaine, en harmonie avec la dignité unique qui est la nôtre en vertu de notre humanité. Par conséquent, il est évident que chaque intervention médicale accomplie sur la personne humaine fait l'objet de limites: non seulement les limites de ce qui est techniquement possible, mais également les limites déterminées par le respect pour la nature elle-même, entendue dans son intégralité: "Ce qui est techniquement possible n'est pas pour autant moralement acceptable" (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Donum vitae, n. 4).


3. Il faut d'abord souligner, comme je l'ai observé à une autre occasion, que toute transplantation d'organe tire son origine dans une décision d'une grande valeur éthique: "La décision d'offrir sans récompense, une partie de son corps pour la santé et le bien-être d'une autre personne" (Discours aux participants au Congrès sur la transplantation d'organes, 20 juin 1991, n. 3). C'est précisément ici que réside la noblesse de ce geste, un geste qui est un véritable acte d'amour. Il ne s'agit pas seulement de donner quelque chose qui nous appartient, mais de donner quelque chose de nous-mêmes, car "en raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d'organes et de fonctions [...] mais il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s'exprime à travers lui" (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Donum vitae, n. 3).

Par conséquent, toute pratique tendant à commercialiser les organes humains ou à les considérer comme des biens pouvant faire l'objet d'échanges ou de commerce doit être considérée comme moralement inacceptable, car utiliser le corps comme un "objet" signifie violer la dignité de la personne humaine.

Ce premier point engendre une conséquence immédiate d'une importance éthique fondamentale: la nécessité d'un accord informé. L'"authenticité" humaine d'un tel geste décisif exige que les personnes soient correctement informées sur les processus concernés, afin d'être en mesure d'exprimer leur accord ou leur refus de façon libre et consciente. L'accord des parents possède une valeur éthique en l'absence d'une décision de la part du donneur. Naturellement, un accord analogue devra être donné par le receveur d'organe.


4. La reconnaissance de la dignité unique de la personne humaine engendre une conséquence inhérente supplémentaire: les organes vitaux individuels dans le corps ne peuvent être prélevés qu'ex cadavere, c'est-à-dire du corps d'une personne dont on a la certitude qu'elle est cliniquement morte. Cette exigence est évidente, car agir autrement signifierait provoquer de façon intentionnelle la mort du donneur en prélevant ses organes. Cela suscite l'une des questions qui revient le plus souvent dans les débats sur la bioéthique actuelle, ainsi que de sérieuses préoccupations dans l'esprit de l'opinion publique. Je me réfère au problème de la certitude de la mort. Quand une personne peut-elle être déclarée morte avec certitude?

A cet égard, il est utile de rappeler que la mort de la personne est un événement unique, qui consiste dans la désintégration totale de l'ensemble unitaire et intégré qui est la personne elle-même. Elle résulte dans la séparation du principe de vie (ou âme) de la réalité corporelle de la personne. La mort de la personne, comprise dans son sens premier, est un événement qu'aucune technique scientifique ni empirique ne peut identifier directement.

Pourtant, l'expérience humaine montre que lorsque la mort a lieu, certains signes biologiques suivent inévitablement, que la médecine a appris à reconnaître avec une précision croissante. Dans ce sens, le "critère" pour déclarer avec certitude la mort utilisé par la médecine aujourd'hui ne devrait pas être compris comme la détermination technique et scientifique du moment exact de la mort d'une personne, mais comme un moyen scientifiquement certain d'identifier les signes biologiques qui montrent qu'une personne est effectivement morte.


5. Chacun sait que, depuis un certain temps, les approches visant à déclarer avec certitude la mort ont déplacé l'accent des signes cardio-respiratoires traditionnels vers ce que l'on appelle le critère "neurologique". De façon spécifique, cela consiste à établir, selon des paramètres clairement déterminés, également partagés par la communauté scientifique internationale, la cessation totale et irréversible de toute activité cérébrale (dans le cerveau, le cervelet, et le tronc cérébral). Cela est considéré comme le signe que l'organisme individuel a perdu sa capacité d'intégration.

En ce qui concerne les paramètres utilisés aujourd'hui pour déclarer avec certitude la mort - que ce soit les "signes cérébraux" ou les signes cardio-respiratoires plus traditionnels - l'Eglise ne prend pas de décisions techniques. Elle se limite au devoir évangélique de comparer les données offertes par la science médicale avec une conception chrétienne de l'unité de la personne, en soulignant les similitudes et les conflits possibles capables de mettre en danger le respect pour la dignité humaine.

Ici, l'on peut dire que le critère adopté récemment pour déclarer avec certitude la mort, c'est-à-dire la cessation complète et irréversible de toute activité cérébrale, s'il est rigoureusement appliqué, ne semble pas en conflit avec les éléments essentiels d'une anthropologie sérieuse. C'est pourquoi, un agent de la santé ayant la responsabilité professionnelle d'établir le moment de la mort peut utiliser ces critères au cas par cas, comme base pour arriver à un degré d'assurance dans le jugement éthique que la doctrine morale qualifie de "certitude morale". Cette "certitude morale" est considérée comme la base nécessaire et suffisante pour agir de façon éthiquement correcte. Ce n'est qu'en présence d'une telle certitude et lorsque l'accord informé a été donné par le donneur ou par le représentant légitime, qu'il est moralement légitime de mettre en acte les procédures techniques nécessaires pour prélever les organes destinés à la transplantation.


6. Une autre question d'une grande importance éthique est celle de l'assignation des organes donnés, à travers les listes d'attente ou "triages". En dépit des efforts en vue de promouvoir la pratique des dons d'organes, les ressources disponibles dans de nombreux pays sont actuellement insuffisantes pour répondre aux besoins médicaux. D'où la nécessité d'établir des listes d'attente pour les transplantations sur la base de critères clairs et correctement fondés.

D'un point de vue moral, un principe évident de justice exige que le critère pour l'assignation des organes donnés ne devrait en aucun cas être "discriminatoire" (c'est-à-dire fondé sur l'âge, le sexe, la race, la religion, le statut social, etc.) ou "utilitaire" (c'est-à-dire fondé sur la capacité professionnelle, l'utilité sociale, etc.). Au contraire, dans la détermination des priorités d'accès aux transplantations d'organes, les décisions devraient être prises sur la base de facteurs immunologiques et cliniques. Tout autre critère se révélerait arbitraire et subjectif, et ne reconnaîtrait pas la valeur intrinsèque de chaque personne humaine en tant que telle, une valeur qui est indépendante de toute circonstance extérieure.


7. Une dernière question concerne la possibilité d'une solution alternative au problème de trouver des organes humains pour la transplantation, qui est encore au stade de l'expérimentation: je veux parler des xénotransplantations, c'est-à-dire les transplantations à partir d'autres espèces animales.

Je n'ai pas l'intention d'explorer en détail les problèmes liés à cette forme d'intervention. Je voudrais simplement rappeler que déjà, en 1956, le Pape Pie XII souleva la question de leur caractère licite. Il le fit en commentant l'éventualité scientifique alors envisagée, de transplanter des cornées d'animaux sur des êtres humains. Sa réponse demeure encore éclairante pour nous aujourd'hui: en principe, déclarait-il, pour qu'une xénotransplantation soit licite, l'organe transplanté ne doit pas porter atteinte à l'intégrité de l'identité psychologique ou génétique de la personne qui la reçoit: il faut également démontrer la possibilité biologique d'effectuer avec succès la transplantation, sans exposer le receveur à des risques excessifs (cf. Discours à l'Association italienne des donneurs de cornée, aux médecins oculistes et aux médecins légistes, 14 mai 1956).


8. En conclusion, j'exprime le souhait que, grâce au travail de tant de personnes généreuses et hautement qualifiées, la recherche scientifique et technologique dans le domaine de la transplantation continue de progresser et s'étende à l'expérimentation à travers de nouvelles thérapies qui puissent remplacer les transplantations d'organes, comme semblent le promettre les récents développements dans le domaine des prothèses. Dans tous les cas, les méthodes qui ne respectent pas la dignité et la valeur de la personne doivent toujours être évitées. Je pense en particulier aux tentatives de clonage humain dans le but d'obtenir des organes pour la transplantation: ces techniques, dans la mesure où elles comportent la manipulation et la destruction d'embryons humains, sont moralement inacceptables, même si leur but en soi est louable. La science elle-même laisse entrevoir d'autres formes d'interventions thérapeutiques qui ne comportent pas le clonage, ni l'utilisation de cellules embryonnaires, mais qui utilisent plutôt des cellules-souches prélevées sur des adultes. Telle est la direction que doit suivre la recherche si l'on veut respecter la dignité de chaque être humain, même au stade d'embryon.

La contribution des philosophes et des théologiens face à de telles questions est fondamentale. Leur réflexion attentive et compétente sur les problèmes éthiques liés à la thérapie des transplantations peut contribuer à éclaircir le critère pour définir quels types de transplantations sont moralement acceptables et sous quelles conditions, en particulier en ce qui concerne la protection de l'identité personnelle de chaque individu.

Je suis certain que les responsables sociaux, politiques et éducatifs renouvelleront leur engagement à promouvoir une véritable culture du don et de la solidarité. Il faut insuffler dans le coeur des personnes, et en particulier dans le coeur des jeunes, une reconnaissance authentique et profonde du besoin d'amour fraternel, un amour qui puisse trouver une expression dans la décision de devenir un donneur d'organes.

Puisse le Seigneur soutenir chacun de vous dans votre travail, et vous guider dans le service de l'authentique progrès humain. J'accompagne ce voeu de ma Bénédiction.




Settembre



Discours 2000 - Castel Gandolfo, 25 août 2000