Discours 2002 - Samedi 31 août 2002


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Lundi 2 septembre 2002



Monsieur l’Ambassadeur,

1. Je suis heureux d’accueillir Votre Excellence au Vatican pour la présentation des Lettres qui L’accréditent en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République hellénique près le Saint-Siège.

Je vous remercie vivement de m’avoir transmis le message courtois de Son Excellence Monsieur Constantinos Stephanopoulos, Président de la République hellénique. Me souvenant avec plaisir de la visite qu’il m’a rendue au Vatican en janvier dernier, je vous saurais gré de bien vouloir lui exprimer mes voeux cordiaux pour sa personne, ainsi que pour l’ensemble du peuple grec.

2. Permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, d’évoquer, au début de notre entretien, le voyage que j’ai accompli l’an dernier dans votre pays, lors de mon pèlerinage jubilaire sur les pas de saint Paul. En rendant grâce à Dieu qui a permis que se réalise ce voyage tant souhaité, je garde un vif souvenir de l’accueil chaleureux de Monsieur le Président de la République et des Autorités grecques. Je me souviens avec émotion de ma rencontre avec Sa Béatitude Christódoulos, Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce. Dans le lieu particulièrement suggestif de l’Aréopage, nous avons évoqué les souvenirs douloureux du passé mais surtout nous avons affirmé notre volonté commune de tout faire pour avancer sur le chemin de la fraternité chrétienne et de l’unité à retrouver. J’espère que la rencontre d’Athènes constituera une étape importante sur ce chemin encore long; la récente visite à Rome d’une délégation de l’Église orthodoxe de Grèce me confirme dans cette espérance.

3. Votre pays est très attaché à la foi chrétienne, qui est l’un des éléments constitutifs de la Nation. Il sait combien cet héritage religieux est vivant au coeur de l’Europe, non seulement comme un souvenir de son passé, qui constitue, à ce titre, un élément important de sa culture, mais aussi comme une source qui peut donner du dynamisme et des perspectives d’avenir à la construction européenne. J’ai exprimé à plusieurs reprises ma préoccupation à cet égard, et notamment mon regret de voir que les communautés de croyants n’étaient pas explicitement mentionnées parmi les partenaires qui doivent contribuer à la réflexion sur la «Convention» instituée au sommet de Laeken, en vue d’une possible Constitution européenne. Comme je l’ai rappelé au Corps diplomatique, «la marginalisation des religions, qui ont contribué et contribuent encore à la culture et à l’humanisme dont l’Europe est légitimement fière, me paraît être à la fois une injustice et une erreur de perspective. Reconnaître un fait historique indéniable ne signifie pas du tout méconnaître l’exigence moderne d’une juste laïcité des États, et donc de l’Europe !» (Discours au Corps diplomatique, 10 janvier 2002, n. 2). Je suis sûr, Monsieur l’Ambassadeur, que votre pays peut jouer un rôle important auprès des instances communautaires pour que soit reconnue et exprimée de manière heureuse cette dimension religieuse, à laquelle le Saint-Siège et la République hellénique sont également attachés.

4. Depuis plus de vingt ans, votre pays a rejoint l’Union européenne, qui reconnaît ainsi que la Grèce apporte une contribution spécifique sur le continent depuis les temps fondateurs de la première démocratie athénienne, notamment sur les plans social, culturel et religieux, qui font partie de sa longue tradition. Je me réjouis de l’attention portée par les Autorités grecques à l’élargissement de l’Europe, en particulier aux pays des Balkans. Il est évident que l’ouverture aux différentes nations européennes permettra de faire reculer durablement tout risque d’affrontements dans cette région, pour que ne se renouvellent pas les dramatiques conflits qui l’ont ensanglantée à la fin du vingtième siècle. L’accueil progressif de tous les pays consolidera chez les peuples une culture de la paix et de la solidarité, ce qui est l’une des forces du projet européen. Le Saint-Siège, vous le savez, appelle de tous ses voeux l’établissement d’une paix solide et durable entre les nations, et il soutient tout ce qui peut permettre à des peuples différents de se rencontrer, de dialoguer et de mettre en oeuvre des projets communs pour le bien de tous les habitants.

Dans cette perspective, les prochaines rencontres olympiques, qui auront lieu à Athènes en 2004, offriront la possibilité d’une nouvelle expérience de fraternité, pour vaincre la haine et pour rapprocher les personnes et les peuples. À cette occasion, j’appelle de mes voeux une trêve durable de toute violence, pour que l’esprit pacifique et de saine stimulation, qui est celui des fondateurs des Jeux olympiques, se diffuse dans tous les domaines de la société et sur tous les continents. Je souhaite que, dans un monde troublé et parfois incertain, cet événement sportif soit une manifestation joyeuse de l’appartenance de tous à une même communauté humaine, fraternelle et solidaire, comme l’ont été récemment d’autres événements du même genre.

5. Par votre intermédiaire, je voudrais saluer chaleureusement les fidèles catholiques qui vivent en Grèce. Ils sont peu nombreux et souvent dispersés en petites communautés. Ils souffrent encore d’une situation difficile au niveau de la reconnaissance de leurs droits au sein de la Nation et à divers échelons de la société ; je saisis donc cette occasion pour attirer à nouveau l’attention de votre gouvernement sur la nécessité de donner, grâce à un dialogue constructif entre les responsables concernés, un statut juridique à l’Église catholique. Il convient en effet, comme cela est le cas dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, de faire pleinement respecter la liberté religieuse effective des catholiques, ainsi que des autres croyants, accordant aux diocèses et aux communautés locales les moyens nécessaires à leur mission. Les catholiques, pour leur part, souhaitent entretenir avec leurs frères orthodoxes un vrai dialogue et ils n’ont pas d’autre souci que de participer pleinement, à leur place, à la vie économique, politique et sociale du pays, dans laquelle ils sont déjà largement engagés. J’encourage la communauté catholique, ses pasteurs, évêques et prêtres, les religieux et religieuses qui se dévouent à son service, et tous les fidèles qui la composent, à persévérer dans ce sens. Qu’ils soient tous assurés du soutien et de la prière fraternelle de l’Évêque de Rome, Successeur de Pierre. Je salue aussi cordialement les pasteurs et les fidèles de l’Église orthodoxe de Grèce, leur exprimant à nouveau mes remerciements pour leur accueil lors de mon voyage, et je leur renouvelle l’assurance de la volonté de dialogue de l’Église catholique, dialogue qui, comme je l’ai redit récemment, doit se poursuivre non seulement sur le plan de la charité fraternelle, mais avant tout dans le domaine théologique.

6. Au moment où vous inaugurez la noble mission de représenter votre pays auprès du Saint-Siège, veuillez accepter, Monsieur l’Ambassadeur, les voeux très cordiaux que je forme pour sa réussite et soyez sûr de toujours trouver auprès de mes collaborateurs la compréhension et le soutien nécessaires !

Sur Votre Excellence, sur sa famille, sur tous ses collaborateurs et sur tous ses compatriotes, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions divines.



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II POUR LA XVI RENCONTRE INTERNATIONALE DE PRIÈRE POUR LA PAIX


  Au vénéré Frère le Cardinal ROGER ETCHEGARAY
Président émérite du Conseil pontifical "Justice et Paix"

1. Veuillez accepter, Monsieur le Cardinal, mon salut affectueux, que je vous demande de transmettre aux illustres participants à la XVI Rencontre internationale de Prière pour la Paix, organisée à Palerme sur le thème "Religions et cultures entre conflit et dialogue".

Je salue l'Archevêque de Palerme, S.Em. le Cardinal Salvatore De Giorgi, les bien-aimées Eglises de Sicile et leurs pasteurs. Je suis certain que ces journées de réflexion et de prière aideront les habitants de la Sicile à faire de leur île, avec une plus grande conscience, une terre d'accueil et de solidarité, de cohabitation et de paix. En effet, la Sicile a pour vocation d'être un carrefour de rencontre, au coeur de la Méditerranée, entre le Nord et le Sud, entre l'Orient et l'Occident.

2. Le rendez-vous à Palerme, désormais imminent, me ramène en esprit à Assise, en ce 27 octobre 1986, quand pour la première fois, j'invitai les représentants des Eglises, des communautés chrétiennes et des grandes religions, à prier pour la paix, les uns aux côtés des autres. C'est vous, Monsieur le Cardinal, qui fûtes parmi les principaux artisans de cette journée mémorable qui inaugura pour les croyants des différentes religions une nouvelle manière de se rencontrer: non pas dans l'opposition réciproque et moins encore dans le mépris mutuel, mais dans la recherche d'un dialogue constructif dans lequel, sans céder au relativisme ni au syncrétisme, chacun s'ouvre aux autres avec estime, en étant tous conscients que Dieu est la source de la paix.

Depuis lors, dans ce que l'on pourrait appeler le prolongement de "l'esprit d'Assise", on a continué d'organiser ces réunions de prière et de réflexion commune et je remercie la Communauté de Sant'Egidio pour le courage et l'audace avec lesquels elle a repris l'"esprit d'Assise" qui, d'année en année, a montré sa force, dans diverses villes du monde. Grâce à Dieu, plus d'une fois, l'"esprit d'Assise", en favorisant le dialogue et la compréhension mutuelle, a apporté des fruits concrets de réconciliation. Nous sommes donc appelés à le soutenir et le diffuser, en suivant les chemins de la justice et en comptant sur l'aide de Dieu, qui sait ouvrir les voies de la paix là où les hommes n'y réussissent pas.

A notre époque, vivre cet esprit est encore plus nécessaire. C'est pourquoi, en janvier dernier, j'ai voulu retourner à Assise avec les représentants des Eglises chrétiennes et des grandes religions, après les tragiques événements du 11 septembre dernier. A Assise, devenue comme une agora de la paix entre les peuples, je déclarai qu'il faut dissiper les ombres du soupçon et de l'incompréhension. Mais on éloigne pas les ténèbres avec les armes; on les éloigne en allumant des sources de lumière (cf. Discours à Assise, 24 janvier 2002; cf. ORLF n. 5 du 29 janvier 2002).

3. Le 1 septembre à Palerme, ces sources de lumière s'allumeront de nouveau pour projeter leurs faisceaux lumineux sur toute la région de la Méditerranée, lieu d'antique cohabitation entre religions et cultures différentes, mais également théâtre d'incompréhensions profondes et de conflits sanglants. Je pense en particulier à la Terre Sainte, plongée dans une spirale de violence qui semble irréfrénable.

Combien de peuples, en plus des conflits douloureux, sont opprimés par la faim et par la pauvreté, notamment en Afrique, continent qui semble incarner le déséquilibre existant entre le Nord et le Sud de la planète! Que de Palerme s'élève un nouvel appel afin que tous, en prenant leur responsabilité, s'engagent pour la justice et la solidarité authentique.

4. Le thème de cette réunion offre un bon point de départ pour une analyse plus vaste de la situation sur la planète et pour évaluer quels doivent être les efforts à accomplir ensemble.
"Sur quelles fondations faut-il construire la nouvelle époque de l'histoire?". Cette interrogation, qui naît des grandes transformations du XX siècle, interpelle nos traditions religieuses et les diverses cultures. "Sera-t-il suffisant, demandais-je aux jeunes réunis à Toronto pour la récente Journée mondiale de la Jeunesse, de parier sur la révolution technologique en cours, qui semble être guidée uniquement par des critères de productivité et d'efficacité, sans référence aucune à la dimension religieuse de l'homme et sans un discernement éthique universellement partagé?" (Discours au cours de la Veillée de prière, 27 juillet 2002; cf. ORLF n. 31 du 30 juillet 2002).

L'urgence actuelle rappelle que c'est uniquement sur le visage de Dieu que nous pouvons trouver la raison de notre existence et la racine de notre espérance. Puisse la réunion de Palerme favoriser cette prise de conscience générale et contribuer à édifier un monde plus libre et plus fraternel.

Je vous assure de ma participation spirituelle et de tout coeur, j'invoque de Dieu toutes les Bénédictions sur les travaux du congrès et sur tous les participants.

De Gastel Gandolfo, le 29 août 2002

JEAN-PAUL II



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II À LA IV ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA FÉDÉRATION BIBLIQUE CATHOLIQUE


  A Monseigneur Vincenzo PAGLIA
Evêque de Terni-Narni-Amelia
Président de la Fédération biblique catholique

A l'occasion de la VI Assemblée de la Fédération biblique catholique, qui se tient à Beyrouth du 3 au 12 septembre 2002 sur le thème "Tu m'apprendras le chemin de la vie" (Ps 16,11 cf. Ac 2,28), je salue de tout coeur les délégués et les participants et je les assure de ma proximité dans la prière durant ces journées de travail et de réflexion.

Venus de l'Est et de l'Ouest, du Nord et du Sud, vous êtes réunis pour partager vos expériences et renouveler votre engagement dans l'apostolat biblique sous la direction de l'Esprit Saint, dans la conviction que la Parole de Dieu, la véritable source de vie, est une bénédiction pour toutes les nations. Le lieu même de votre rencontre est particulièrement significatif: le Liban est l'un des pays bibliques d'où la Parole, l'accomplissement de la promesse de bénédiction pour tous les peuples, a commencé son périple à travers un monde divers et multiple.

Confiante dans la force et le pouvoir de la Parole de Dieu, la Fédération biblique catholique a la grande responsabilité - qui est celle de toute l'Eglise - de rendre la Parole de Dieu accessible à tous partout dans le monde, de sorte qu'elle puisse s'enraciner et grandir dans les coeurs. En effet, "l'Eglise a toujours vénéré les divines Ecritures, comme elle l'a toujours fait aussi pour le Corps même du Seigneur [...]. Toujours elle eut et elle a pour règle suprême de sa foi les Ecritures, conjointement à la sainte Tradition" (Dei Verbum DV 21).

Votre engagement en vue de conduire à une écoute renouvelée de la Parole de Dieu, qui est une dimension indispensable de la nouvelle évangélisation, renforce également les liens d'unité qui existent déjà entre tous les chrétiens. Dans le dialogue oecuménique lui-même, les paroles sacrées sont "des instruments insignes entre les mains puissantes de Dieu pour obtenir cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes" (Unitatis Redintegratio UR 21).

Je prie afin que la VI Assemblée plénière de la Fédération biblique catholique soit une occasion fructueuse d'évaluer ce qui a déjà été accompli et de déterminer ce qu'il reste à faire pour proclamer la Parole de Dieu dans un monde qui a soif de vérité.

Puisse le Saint-Esprit, principal agent de notre mission, qui enseigne à l'Eglise, émeut le coeur et le convertit à Dieu, ouvre les yeux de l'esprit et permet à tous d'accepter et de croire la vérité divine, guider votre travail au cours de ces journées!

Dans l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ, le Verbe incarné, je vous donne à tous la Bénédiction apostolique.

De Castel Gandolfo, le 30 août 2002



IOANNES PAULUS II



AUX ÉVÊQUES DE LA RÉGION EST 1 DU BRÉSIL EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Jeudi 5 septembre 2002


  Chers frères dans l'épiscopat,

1. En ce temps fort de votre ministère épiscopal que représente la visite ad limina, c'est pour moi une grande joie de vous accueillir, vous qui avez la responsabilité pastorale de l'Eglise dans la Région "Est 1" du Brésil, à laquelle appartiennent les diocèses de l'Etat de Rio de Janeiro et l'"Union Saint Jean Marie Vianney" que j'ai voulu instituer à Campos, comme Administration apostolique personnelle. Vous êtes venus pour vous recueillir sur les tombes des Apôtres Pierre et Paul, afin de développer en vous l'élan apostolique qui les anima et les conduisit jusqu'ici pour être les témoins de l'Evangile du Christ, en acceptant ainsi de donner totalement leur vie. En rencontrant l'Evêque de Rome et ses collaborateurs, vous voulez également manifester votre communion avec le Successeur de Pierre et avec l'Eglise universelle. Que le Seigneur bénisse votre initiative et vous soutienne dans le service au peuple qui vous a été confié.

En remerciant le Cardinal Eugênio Sales des paroles qu'il m'a adressées, pour exprimer des sentiments de dévotion et d'affection, je salue toutes les personnes présentes et, à travers vous, j'adresse une pensée aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, au catéchistes et aux autres laïcs de votre diocèse. Que le Seigneur leur donne la force et l'audace d'être, en toute circonstance, des témoins attentifs de l'amour de Dieu parmi leurs frères!

2. L'archidiocèse de Niterói, ainsi que celui de Rio de Janeiro, possèdent une tradition riche et dynamique. Dans ce dernier, depuis l'aube de l'histoire du Brésil, quand mon vénérable prédécesseur, le Pape Grégoire III, créa le 19 juillet 1575 la Prélature de São Sebastião, jusqu'à aujourd'hui, l'Eglise catholique a promu de nombreuses initiatives pastorales, grâce au dévouement généreux d'éminentes figures comme celles des cardinaux Arcoverde, Sebastião Leme, Jaime de Barros Câmara et Eugênio Sales, pour en citer quelques-uns. Ce siège de Pierre désire rendre hommage à tous ceux, prélats, évêques et archevêques des deux archidiocèses, qui ont servi la cause du Royaume de Dieu parmi le peuple de cette grande nation, en faisant croître les semences du Verbe, jusqu'à les transformer en un arbre luxuriant (cf. Mt 13,31-32). Dans le sillage de cette tradition, je forme des voeux afin que cette Région continue à exercer son influence positive sur toute l'Eglise qui est au Brésil, en promouvant un intense esprit de communion avec l'épiscopat national et avec le Saint-Siège. Je saisis également cette occasion pour étendre mes voeux de tout bien à l'Archevêque de Rio de Janeiro, Mgr Eusébio Oscar Scheid, qui commence à présent sa mission en tant que nouveau pasteur de l'archidiocèse.



3. C'est dans le cadre de ces voeux que je désire formuler quelques considérations à propos des séminaires dans la formation des futurs prêtres au Brésil, en tant que priorité absolue pour une pastorale renouvelée et missionnaire.

La grande rencontre de 1992, à Saint-Domingue, avec l'épiscopat latino-américain reste encore vive dans les mémoires. Les thèmes affrontés à cette occasion concernaient des circonstances et des situations de l'Eglise, qui dépassaient les limites strictes d'un ou de plusieurs pays. Dans ceux-ci, je reprenais l'un des principaux motifs qui avaient motivé cette assemblée. A cette occasion, j'ai dit que la "condition indispensable de la nouvelle évangélisation est de pouvoir compter sur des évangélisateurs nombreux et qualifiés. Par conséquent, la promotion des vocations sacerdotales et religieuses, ainsi que la promotion d'autres agents pastoraux, doit représenter une priorité pour les évêques et un engagement pour l'ensemble du peuple de Dieu" (Discours d'inauguration, n. 26, cf. ORLF n. 42 du 20 octobre 1992).

Presque dix ans se sont écoulés, et il ne fait aucun doute qu'un grand travail a été accompli dans ce sens, en particulier sur votre terre, où la croissance démographique avance à un rythme accéléré, et où l'exigence de délimiter les nouvelles frontières ecclésiales a tenté d'accompagner cette évolution, au prix d'un grand effort. En pensant à l'immensité du territoire brésilien et au manque de prêtres, collaborateurs immédiats dans le ministère prophétique, sacerdotal et royal, je désire partager avec vous, comme celui qui doit confirmer ses propres frères dans la foi, ce problème qui appartient à l'Eglise universelle. Nos sentiments doivent être les mêmes que celui du Seigneur qui "à la vue des foules en eut pitié" et dit "la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à la moisson" (Mt 9,37-38). Grâce à la prière, la faiblesse humaine se transforme en puissance divine, car nous pouvons tout en Celui qui nous donne la force (cf. Ph Ph 4,13).

C'est dans la force de Dieu et dans le travail humain, effectué avec sagesse, que réside le secret pour obtenir de bons résulats. Les pasteurs qui unissent leurs forces, que ce soit à travers des séminaires diocésains ouverts aux étudiants d'autres diocèses ou à travers des séminaires interdiocésains, font preuve de sagesse, du moment qu'ils conservent une orientation de communion claire et bien définie avec les règles de l'Eglise universelle. Les pasteurs qui n'hésitent pas à placer dans le "vivier des prêtres" leurs meilleurs "agriculteurs" préparés intellectuellement, spirituellement et pastoralement, afin qu'ils constituent le groupe d'éducateurs dont l'Eglise a besoin, en nombre adapté dans chaque séminaire, font preuve de sagesse. Développer les centres de formation est une preuve de sagesse; ne pas négliger la qualité de la formation pour accroître la quantité, tout en ayant à l'esprit l'immensité de la moisson, constitue une prudence louable.



4. Le Siège apostolique a assurément toujours eu à coeur, en harmonie avec les Pasteurs et la Conférence nationale des Evêques du Brésil, de faire face aux exigences de création ou de revitalisation des séminaires dans diverses provinces ecclésiastiques. En effet, c'est dans les régions nord-orientales du pays, en raison de la situation économique précaire des territoires et, en conséquence, de la difficulté réelle des évêques d'assurer une activité et un fonctionnement des séminaires appropriés et efficaces, que se sont concentrés les efforts les plus importants. Dans ce contexte, l'engagement afin de pouvoir disposer de structures, tout au moins de base, pour l'appel, la sélection et la formation des vocations sacerdotales dont il existe un besoin urgent, est certainement digne d'éloges. C'est pourquoi j'ai suivi l'évolution de ce qui pourrait devenir une véritable "campagne" en faveur des séminaires au Brésil.



5. En réalité, ce problème n'est pas totalement étranger aux régions où existent de meilleures structures non seulement de formation, mais également matérielles. Il ne suffit pas, comme je l'ai dit plus haut, de développer les centres de formation si l'on ne cherche pas à insister sur l'esprit ecclésial qui doit régir le séminaire et sur la qualité de l'enseignement; on a toujours suppléé au manque de moyens économiques par les efforts et la bonne volonté de tous, également des forces vives de chaque diocèse; c'est pourquoi je prie Dieu, afin qu'il veuille récompenser tous ceux qui n'ont pas épargné leurs efforts et qui ne les épargnent pas pour aider les séminaires, dont la gestion sera toujours déficitaire.

Il est donc opportun d'avoir un regard de foi sur la situation des vocations au sacerdoce. D'une part, nous nous trouvons face à la réalité réconfortante de l'augmentation, en quantité et en qualité, des vocations sacerdotales. Il existe de nombreuses expériences nouvelles et valables, telles que des journées pour les vocations, pour le discernement des vocations, pour l'accompagnement des candidats susceptibles d'entrer au séminaire, ainsi que d'autres. On constate également l'augmentation réconfortante des vocations dans les diocèses, dont les séminaires cherchent à suivre avec rigueur l'orientation du Concile Vatican II et du Saint-Siège, et en particulier l'Exhortation apostolique Pastores dabo vobis, qui insiste sur le développement de la dimension humaine et affective, spirituelle, intellectuelle et pastorale. Les Orientations de Base de la Conférence nationale des Evêques du Brésil (PDV 55) ont elles-mêmes fourni des contributions valables dans ce sens.

D'autre part, toutefois, l'impact que le monde moderne, avec sa tendance séculariste et hédoniste, exerce sur les chrétiens, surtout sur les jeunes, devra être affronté avec une plus grande fermeté pour rappeler et cultiver, chez ceux qui ont la vocation, l'amour profond pour le Christ et son Royaume. Une solide formation à la vie de prière et à la Liturgie, à travers laquelle l'Eglise participe, dès aujourd'hui, à la Liturgie dans la gloire du Ciel, est nécessaire.

C'est pourquoi, la fidélité à la doctrine sur le célibat sacerdotal pour le Royaume des Cieux doit être affrontée avec un grand respect de la part de l'Eglise, en particulier dans la vie sacerdotale (cf. Presbyterorum ordinis PO 16), lorsqu'il s'agit de discerner chez les candidats au sacerdoce l'appel à un don de soi inconditionné et total. Il est nécessaire de leur rappeler que le célibat n'est pas un élément extrinsèque et inutile - une superstructure - de leur sacerdoce, mais une exigence intime de participer à la dignité du Christ et au service de la nouvelle humanité qui en Lui et pour Lui a son origine, et qui conduit à la plénitude.

Mon devoir est donc de recommander une attention renouvelée dans la sélection des vocations pour le séminaire, en utilisant tous les moyens à disposition pour bien connaître les candidats, en particulier du point de vue moral et affectif. Qu'aucun évêque ne se sente exempté de ce devoir de conscience dont il devra directement rendre compte à Dieu; il serait déplorable que, pour un acte de tolérance mal compris, on ordonne des jeunes immatures, ou révélant des signes évidents de déviations affectives, qui, comme on le sait hélas, pourraient causer de graves anomalies dans la conscience du peuple des fidèles, avec des dommages évidents pour toute l'Eglise.

L'existence dans certaines écoles de théologie, voire dans certains séminaires, de professeurs mal préparés, vivant même en désaccord avec l'Eglise, suscite une profonde tristesse et inquiétude.

Nous avons confiance dans la miséricorde de Dieu qui guide les consciences des jeunes généreux, mais il n'est pas possible d'accepter que les jeunes en formation soient exposés à des déviations d'éducateurs et de professeurs privés d'une communion ecclésiale explicite et d'un clair témoignage de recherche de la sainteté. Les visites dans les séminaires apostoliques n'auraient elles-mêmes pas d'effet significatif et durable si les évêques ne procédaient pas de façon ferme à l'introduction immédiate des changements demandés par le Visiteur. Il est enfin opportun que les évêques qui envoient des séminaristes dans les séminaires d'un autre diocèse ou province connaissent bien l'esprit du séminaire et le soutiennent intégralement.

6. Il n'est pas superflu de répéter ici qu'à travers la "théologie, le futur prêtre adhère à la Parole de Dieu, grandit dans la vie spirituelle et se dispose à accomplir le ministère pastoral" (Pastores dabo vobis PDV 51). D'où l'importance d'un accompagnement attentif et vigilant de toute la vie du séminariste, mais en particulier des études de théologie, car c'est à l'Evêque qu'il revient de veiller sur la bonne doctrine offerte dans le séminaire.

L'ecclésiologie, de même que la christologie, est aujourd'hui de manière particulière la pierre d'angle d'une saine formation des candidats au sacerdoce. L'étude et l'enseignement de la théologie possèdent des exigences dérivant de sa nature même; l'une de celles-ci est, sans aucun doute, que la théologie doit conserver son identité dans l'Eglise, qui ne dépend pas intrinsèquement du moment historique qu'elle traverse.

Les efforts, certainement légitimes et nécessaires, afin d'unir le message chrétien à la mentalité et à la sensibilité de l'homme moderne, et d'exposer la vérité de la foi comme des instruments extrapolés de la philosophie moderne, des sciences positives, ou à partir de la situation de l'homme et de la société contemporaine, peuvent, s'ils ne sont pas contrôlés comme il se doit, compromettre la nature même de la théologie et le contenu de la foi. Il est nécessaire que la raison, soutenue par la Parole de Dieu et par sa plus grande connaissance, soit guidée afin d'éviter "des sentiers qui la conduiraient hors de la Vérité révélée" (Lettre encyclique Fides et ratio FR 73).

Dans plusieurs parties du monde, il semble même au Brésil, dans certaines facultés ou instituts de théologie a été diffusée une vision déformée de l'Eglise, selon des idéologies déterminées, en oubliant l'essentiel: que l'Eglise est participation au mystère du Christ incarné. Voilà pourquoi il est urgent d'insister afin que la théologie conserve, dans l'Eglise, sa propre identité.

Le principe exprimé dans l'Assemblée conciliaire, selon lequel le mystère du Christ et l'histoire du salut doivent constituer le point de convergence des diverses disciplines théologiques (cf. Décret Optatam totius OT 16) est donc apparu réellement prophétique. Le thème de l'Eglise, comme mystère divin, constitue non seulement le premier chapitre de Lumen gentium, mais imprègne tout le document. Les évêques doivent adopter une attitude de vigilance, afin que les leçons de théologie ne se réduisent pas à une vision humaine de l'Eglise parmi les hommes.

Cela n'empêche pas de confirmer la finalité pastorale des études de théologie, afin que "tous les aspects de la formation, spirituel, intellectuel et disciplinaire, soient ordonnés à cette fin pastorale par une action concertée, et tous les directeurs et professeurs s'appliquent à poursuivre ce but avec zèle et concorde, fidèlement dociles à l'autorité de l'Evêque" (Ibid., OT OT 4).

Cela conduit, en dernière analyse, à l'élément essentiel, qui se trouve au centre même de la théologie, celui de la mission. Le Concile a été très explicite à ce propos, lorsque dans le Décret Ad gentes sur l'activité missionnaire, il a exhorté les professeurs des séminaires et des universités à mettre toujours en lumière, de façon particulière dans les disciplines dogmatiques, bibliques, morales et historiques, "les aspects missionnaires qui y sont contenus, afin que de cette manière, la conscience missionnaire soit formée chez les futurs prêtres" (AGD 39). La formation adaptée dans les séminaires apportera un grand bénéfice à l'Eglise, que ce soit pour l'action évangélisatrice ou pour une authentique promotion humaine.



7. Chers frères dans l'épiscopat, au terme de notre rencontre, je m'adresse encore une fois à votre pays bien-aimé et, de façon particulière, j'invite les fils de cette terre de l'Etat de Rio et de sa capitale, chacun au niveau de responsabilité qui lui est propre, à s'engager de façon décidée pour édifier le Royaume de Dieu dans ce monde.

En ce début de millénaire, je souhaite à tous un temps de grâce qui annonce un nouveau printemps de vie chrétienne et qui leur permette de répondre avec audace aux appels de l'Esprit. Je confie à la Vierge Marie, Mère du Rédempteur, votre ministère et la vie de vos communautés ecclésiales, afin qu'elle guide vos pas vers son Fils, Jésus. Du plus profond de mon coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique, que j'étends aux prêtres et aux séminaristes, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles diocésains.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE SLOVÉNIE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 5 septembre 2002


  Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux de recevoir de vos mains les Lettres par lesquelles le Président de la République vous accrédite en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Slovénie près le Saint-Siège. En vous souhaitant une cordiale bienvenue, je vous exprime également ma profonde reconnaissance pour les paroles courtoises et les voeux que M. Milan Kucan, Premier Magistrat de la Nation, m'a adressés.

Je me rappelle avec émotion les deux visites que la Divine Providence m'a permis d'accomplir en Slovénie. Celles-ci, ainsi que les rencontres qui ont eu lieu au Vatican avec le Président de la République et les autres membres du gouvernement, ont contribué à renforcer le dialogue existant depuis plusieurs siècles entre les Slovènes et le Siège apostolique.

Le Saint-Siège apprécie l'action de votre pays en faveur de la paix et de la collaboration entre les nations et considère de façon positive l'effort qu'il a déployé pour pouvoir entrer de plein droit dans l'Union européenne. L'indépendance a fait apparaître encore davantage le caractère européen et le rôle que la Slovénie joue dans la rencontre pacifique et fructueuse des divers peuples du Continent.

Le dialogue avec les autres cultures est riche et fécond dans la mesure où il est sincère et respectueux. Bien qu'ouvert à la rencontre et à la confrontation avec différentes traditions, façons d'être et valeurs inspiratrices, le peuple slovène entend conserver son identité propre, dont il est à juste titre fier. Les Slovènes savent que si cet héritage laissé par les Pères s'affaiblit, la Nation pourrait se trouver désorientée face au processus de mondialisation qui caractérise notre époque.

L'héritage chrétien, qui pendant des siècles a servi de fondement et qui, aujourd'hui encore, donne sa vigueur à la vie civile de votre pays, constitue une contribution précieuse à la consolidation en Europe d'une civilisation attentive à la compréhension mutuelle entre les peuples. Cette vocation à servir de pont entre des cultures différentes, en favorisant entre elles un échange utile, a donc le soutien et l'encouragement total du Saint-Siège.

2. Au moment où l'on cherche à édifier la "maison commune européenne" à travers des instruments législatifs visant à promouvoir la solidarité entre les peuples du continent, il faut prêter attention aux valeurs sur lesquelles elle se fonde. Certaines de ces valeurs forment le patrimoine de l'humanisme européen, et continuent à assurer son rayonnement dans l'histoire de la civilisation. Il est indéniable que la tradition bimillénaire à l'empreinte judéo-chrétienne a été capable d'harmoniser, de consolider et de promouvoir les principes placés à la base de la civilisation européenne et enracinés dans une pluralité de cultures. Celle-ci peut continuer à fournir un précieux cadre éthique de référence aux peuples européens.

C'est pourquoi le voeu fervent du Saint-Siège est que, à l'avenir également, l'identité et le rôle de l'Eglise soient préservés, car celle-ci a toujours revêtu une fonction sous de nombreux aspects déterminante dans l'éducation aux principes fondamentaux de la coexistence civile, dans les réponses aux questions fondamentales sur le sens de la vie, dans la défense et la promotion de la culture et de l'identité des divers peuples.

Il faut réagir à toute tentative d'exclure de la construction de la nouvelle Europe la contribution du christianisme, car cela ôterait d'importantes énergies au processus de fondation éthique et culturelle de la coexistence civile sur le Continent.

3. L'Eglise catholique ne recherche pas de privilège, mais désire uniquement accomplir sa mission au profit de toute la société slovène. C'est pourquoi elle est reconnaissante aux Autorités civiles qui, dans un esprit de dialogue, entretiennent avec la communauté ecclésiale des relations bénéfiques, dans le plein respect des compétences spécifiques respectives.

Un exemple éloquent de coopération mutuelle est l'Accord entre la République de Slovénie et le Saint-Siège du 14 décembre dernier. J'exprime ici le souhait profond que celui-ci reçoive à présent la faveur des instances auxquelles il est soumis, pour pouvoir entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Il s'agit d'un pacte qui garantit le droit fondamental à la liberté religieuse. En tant qu'instrument qui règlemente de façon particulière les rapports entre l'Eglise et l'Etat, il sert le bien de la communauté catholique et représente dans le même temps un objectif et un point de départ pour d'ultérieures ententes.

4. Monsieur l'Ambassadeur, telles sont quelques-unes des pensées dont je désire vous faire part au moment où vous assumez la haute fonction qui vous a été confiée par votre gouvernement. Je vous assure que vous pourrez compter sur l'aide de mes collaborateurs dans l'accomplissement fructueux de votre mission.

Veuillez transmettre à Monsieur le Président de la République, aux Autorités du gouvernement et au peuple, que vous représentez ici, mon salut respectueux, uni au souhait fervent de prospérité et de progrès de la Slovénie, dans la paix et la justice. J'accompagne ces sentiments de l'assurance de ma prière, en invoquant les Bénédictions de Dieu tout-puissant sur Vous et sur tous vos concitoyens.


Discours 2002 - Samedi 31 août 2002