Discours 2002 - Jeudi 5 septembre 2002


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE GRANDE-BRETAGNE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Samedi 7 septembre 2002


  Votre Excellence

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui à l'occasion de la présentation des Lettres par lesquelles Sa Majesté la Reine Elizabeth II vous a nommée son Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près le Saint-Siège. J'apprécie beaucoup les salutations que vous me transmettez de la part de Sa Majesté; dans le souvenir de la visite qu'elle m'a rendue avec le Prince Philip il y a deux ans, je vous demande de bien vouloir lui transmettre mes salutations dans la prière au cours de cette année du Jubilé d'Or de son règne.

Votre référence aux attaques terroristes répréhensibles du 11 septembre dernier et aux nombreuses situations préoccupantes d'injustice dans le monde, nous rappelle que le millénaire qui vient de commencer présente de grands défis. Il exige un engagement ferme et sans compromis de la part des personnes, des peuples et des nations, afin de défendre les droits inaliénables et la dignité de chaque membre de la famille humaine. Dans le même temps, il exige l'édification d'une culture mondiale de la solidarité, qui trouve son expression non seulement en termes d'organisation économique ou politique plus efficace, mais, de façon plus importante, dans un esprit de respect et de coopération mutuels au service du bien commun.

Au cours des dernières années, votre gouvernement a accompli des efforts considérables pour faire progresser une telle culture et pour renforcer les bases de la paix internationale et du développement humain. Je pense, par exemple, à la générosité manifestée dans la réduction ou même l'effacement de la dette des pays les plus pauvres; au rôle de premier plan joué par les militaires britanniques pour garantir la sécurité du nouveau gouvernement en Afghanistan; et à la priorité apportée au continent africain, manifestée en particulier dans les appels lancés au cours du récent sommet du G8 au Canada pour l'"African Action Plan". De même, j'exprime ma gratitude pour les efforts permanents en vue du retour à la paix et à la normalité en Irlande du Nord.

A la suite des attaques terroristes de septembre dernier, la Communauté internationale a reconnu le besoin urgent de combattre le phénomène du terrorisme international, bien financé et hautement organisé, qui représente une menace immense et immédiate à la paix dans le monde. Engendré par la haine, l'isolement et la méfiance, le terrorisme ajoute la violence à la violence dans une tragique spirale qui envenime et empoisonne les générations successives. En définitive, "le terrorisme est fondé sur le mépris de la vie humaine. Voilà précisément pourquoi non seulement il est à l'origine de crimes intolérables, mais il constitue en lui-même, en tant que recours à la terreur comme stratégie politique et économique, un véritable crime contre l'humanité" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2002, n. 4; cf. ORLF n. 50 du 11 décembre 2001).

En tant que partie essentielle de la lutte contre toute forme de terrorisme, la Communauté internationale est appelée à entreprendre de nouvelles initiatives créatives dans le domaine politique, diplomatique et économique, visant à soulager les situations de grande injustice, d'oppression et de marginalisation qui continuent d'opprimer d'innombrables membres de la famille humaine. L'histoire montre en effet que le recrutement des terroristes se fait plus facilement dans les régions où les droits humains sont foulés au pied et où l'injustice fait partie de la vie quotidienne. Cela ne signifie pas que les inégalités et les abus présents dans le monde excusent les actes de terrorisme: en effet, il n'existe aucune justification à la violence et au mépris pour la vie humaine. Toutefois, la Communauté internationale ne peut plus ignorer les causes sous-jacentes qui conduisent les jeunes en particulier à désespérer de l'humanité, de la vie elle-même et de l'avenir, et de succomber à la tentation de la violence, de la haine et du désir de vengeance à tout prix.

C'était par préoccupation pour ces questions humaines plus profondes que j'ai invité les chefs et les représentants des religions du monde à s'unir à moi à Assise, en janvier dernier, afin d'apporter un témoignage clair et sans ambiguïté de nos convictions communes en ce qui concerne l'unité de la famille humaine et l'obligation particulière des croyants religieux de coopérer, avec les hommes et les femmes de bonne volonté partout dans le monde, à édifier un avenir de paix. En définitive, c'est dans la conversion des coeurs et le renouveau spirituel des sociétés que réside l'espérance d'un lendemain meilleur. L'édification d'une telle culture de la solidarité est sans doute la plus grande tâche morale à laquelle doit faire face l'humanité aujourd'hui. Elle représente un défi spirituel et culturel particulier pour les pays développés de l'Occident, où les principes et les valeurs de la religion chrétienne ont longtemps été tissés dans le tissu même de la société, mais sont à présent remis en question par des modèles culturels alternatifs enracinés dans un individualisme exacerbé qui conduit trop souvent à l'indifférence, à l'hédonisme, au consumérisme et au matérialisme pratique qui peut éroder et même détruire les fondements de la vie sociale.

Face à ce défi culturel et spirituel, je suis certain que la communauté chrétienne qui est au Royaume uni continuera de faire entendre sa voix dans les grands débats qui formeront l'avenir de la société et d'offrir un témoignage crédible de ses convictions à travers les programmes à caractère éducatif, caritatif, et social. Grâce à Dieu, les dernières décennies ont vu un progrès important dans l'édification de relations oecuméniques cordiales qui expriment de façon plus authentique nos racines spirituelles communes (cf. Discours à Sa Majesté, 17 octobre 2000). Le témoignage commun des chrétiens engagés peut contribuer dans une large mesure au renouveau de la vie sociale d'une façon qui respecte et développe le patrimoine incomparable des idéaux et des résultats politiques, culturels et spirituels qui ont formé l'histoire de votre nation et son apport au monde.

A cet égard, mes pensées se tournent immédiatement vers la nécessité d'une défense sans compromis des droits de la famille et de la protection légale de l'institution du mariage. La famille joue un rôle décisif dans la promotion de ces valeurs sur lesquelles toute civilisation digne de ce nom est édifiée. La société humaine tout entière est profondément enracinée dans la famille, et tout affaiblissement de cet institution indispensable ne peut qu'être une source potentielle de graves difficultés et problèmes pour la société tout entière.

Un autre domaine de préoccupation pour lequel les chrétiens peuvent offrir leur témoignage privilégié est celui du respect pour la vie face aux tentatives pour légitimer l'avortement, la production d'embryons humains pour la recherche et les processus de manipulation génétique, tels que le clonage d'êtres humains. Ni la vie humaine, ni la personne humaine ne peut légitimement être traitée comme un objet pouvant être manipulé ou comme un produit pouvant être utilisé; au contraire, chaque être humain - à toute étape de son existence, de la conception à la mort naturelle - reçoit du Créateur une dignité sublime qui exige le plus grand respect et protection de la part des personnes, des communautés, des nations et des organismes internationaux.

Votre Excellence, je vous offre mes meilleurs voeux dans la prière tandis que vous vous apprêtez à assumer vos hautes responsabilités. Je suis certain que l'accomplissement de vos fonctions diplomatiques contribuera à renforcer ultérieurement les relations amicales qui existent entre le Royaume uni et le Saint-Siège, et je vous assure de la disponibilité constante des bureaux de la Curie Romaine pour vous assister. Sur vous et sur tous ceux que vous servez, j'invoque de tout coeur les Bénédictions de Dieu tout-puissant.

    

AU TERME DU CONCERT OFFERT PAR LA FONDATION "MONDE DE L'ART" DE MOSCOU

Dimanche 8 août 2002


  1. Au terme de cette suggestive soirée musicale, je suis heureux de vous adresser à tous un salut cordial, Mesdames et messieurs, qui avez participé au Concert promu par la Fondation "Monde de l'Art" de Moscou, dans le cadre du Programme "Mille villes du monde".

Je salue M. Dimitry Medvedev, Vice-directeur de l'administration du Président de la Fédération russe et les autres autorités ici présentes. J'étends mon salut à M. l'Ambassadeur Vitaly Litvin, Représentant de la Fédération russe près le Saint-Siège, et je le remercie pour les paroles courtoises qu'il vient de m'adresser. Je me réjouis vivement pour le noble message envoyé à l'occasion de cette rencontre par le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Sa Sainteté Alexis II. Je lui adresse une pensée cordiale.

2. Je salue également le Président de la Fondation "Monde de l'Art", M. Vladislav Teterin, et je lui exprime, ainsi qu'à ses collaborateurs, une profonde reconnaissance pour ce don que j'ai beaucoup apprécié. Je forme les meilleurs voeux afin que votre Fondation de grand mérite puisse contribuer, à travers ses multiples activités, à diffuser les valeurs humaines et spirituelles qui constituent la base indispensable de tout progrès moral, civil et culturel authentique de l'Europe et de toute l'humanité.

J'exprime également ma reconnaissance à l'Orchestre symphonique de l'Etat russe, dirigé par le Maître Marc Gorenshtein, qui a joué avec une grande virtuosité et passion, ainsi qu'au Choeur de l'Académie de l'Art et au Choeur d'enfants de l'Unesco, dirigés par le maître Victor Popov, qui, avec un extraordinaire talent et bravoure, ont interprété des partitions musicales difficiles.

Je renouvelle également, au nom des personnes présentes, mon remerciement cordial, que ce soit aux promoteurs de la soirée, ou aux orchestres et chanteurs talentueux, en particulier au soprano Angela Gheorgiu et au ténor Roberto Alagna. Je forme des voeux afin que de telles initiatives contribuent à favoriser la compréhension et le dialogue entre les personnes et les peuples.

3. En souhaitant un plein succès aux initiatives du programme "Mille villes du monde", j'implore sur chacune des personnes présentes la Bénédiction du Seigneur.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi 12 septembre 2002


Monsieur l'Ambassadeur!

1. C'est avec joie que je reçois aujourd'hui de vos mains les Lettres de Créance par lesquelles le Président de la République fédérale d'Allemagne, S.E. M. Johannes Rau, vous accrédite comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de votre pays près le Saint-Siège. Dans le même temps, je vous souhaite de tout coeur la bienvenue au Vatican et je vous félicite pour votre nouvelle et importante mission. J'exprime à travers cela le désir et la confiance qu'au cours de votre mandat également, les bonnes relations entre l'Allemagne et le Saint-Siège se poursuivent et s'approfondissent.

2. Depuis la réunification historique de l'Allemagne, il y a douze ans, l'expression devenue désormais courante "la croissance en commun de ce qui est destiné à être uni" a acquis non seulement dans la République fédérale, mais également dans tout le reste de l'Europe, une signification concrète et d'une certaine façon est devenue pour de nombreuses personnes de ce continent une vision à valeur de programme, dont la réalisation laisse promettre un juste équilibre entre intérêts, paix durable et bien-être social. Dès le début, le Saint-Siège a promu à travers les instruments qui lui sont propres le processus d'unification européenne et n'a jamais eu de doutes sur le fait que la foi en une identité spirituelle et culturelle commune des peuples européens doit constituer le fondement de sa réunification politique et institutionnelle dans l'Union européenne. L'Europe ne serait pas l'Europe sans le riche patrimoine de ses peuples, qui, de façon semblable aux génies humains, a formé et continue de former la personnalité de ce continent. Négliger ou abandonner cet "héritage" signifierait mettre en danger son identité et même la perdre. Déjà, auparavant, j'ai indiqué qu'aujourd'hui, les Européens doivent affronter le défi de "la construction d'une culture et d'une éthique de l'unité, sans lesquelles n'importe quelle politique de l'unité est destinée tôt ou tard à s'effondrer" (Lettre apostolique Spes aedificandi, en forme de Motu Proprio pour la proclamation des co-patronnes d'Europe, 1 octobre 1999).



3. L'Eglise fondée par Jésus-Christ a contribué à façonner l'identité de ce continent. "Il n'y a pas de doute que, dans l'histoire complexe de l'Europe, le christianisme représente un élément central et caractéristique, renforcé par le solide fondement de l'héritage classique et des contributions multiples apportées par divers mouvements ethniques et culturels qui se sont succédé au cours des siècles. La foi chrétienne a façonné la culture du continent et a été mêlée de façon inextricable à son histoire, au point que celle-ci serait incompréhensible sans référence aux événements qui ont caractérisé d'abord la grande période de l'évangélisation, puis les longs siècles au cours desquels le christianisme, malgré la douloureuse division entre l'Orient et l'Occident, s'est affirmé comme la religion des Européens eux-mêmes" (Motu Proprio Spes aedificandi, n. 1). Dans ce contexte, il ne fait aucun doute qu'une référence claire à Dieu et à la foi chrétienne dans la Constitution européenne en cours d'élaboration signifie la reconnaissance d'une réalité historique et culturelle qui oeuvre dans le présent et dont les Européens tirent leur identité. Monsieur l'Ambassadeur, en même temps que la prise de conscience nécessaire de ces faits dans l'opinion publique allemande et européenne, le Saint-Siège place également sa confiance dans la contribution adaptée de chercheurs et de responsables politiques de votre estimé pays, auquel la culture de ce grand continent doit beaucoup.



4. Monsieur l'Ambassadeur, le Saint-Siège note avec satisfaction que la République fédérale, après la réunification de l'Allemagne et les immenses efforts économiques et sociaux qui y sont liés, n'a pas reculé devant les défis soulevés par l'intégration européenne. En, dépit des grands devoirs d'édification des nouveaux Länder fédéraux, l'Allemagne est demeurée fidèle à sa vocation européenne ainsi qu'à son engagement bien connu en vue de la solidarité à l'égard des peuples les plus pauvres du monde. Tout en devant affronter leurs problèmes, les Allemands n'ont pas oublié ceux des autres. De cette façon, la politique allemande souligne un aspect important du processus d'intégration continental: l'unité européenne, qui devient toujours plus solide, ne se présente pas comme un mouvement de délimitation des frontières, mais implique une ouverture décisive au monde. En effet, les Etats européens sont appelés à coopérer activement à la création d'un Ordre mondial de justice et de paix! Dans cette perspective, le Saint-Siège rend hommage aux efforts constants de la République fédérale d'Allemagne en vue de promouvoir le respect des droits de l'homme dans toutes les régions de la terre, afin que, là où arrive l'aide allemande au développement, les personnes puissent vivre dans la dignité et la liberté. En outre, en raison de sa grande tradition sociale, l'Allemagne a une vocation particulière dans l'élargissement et la consolidation du principe du bien commun. Que les moyens considérables que le peuple allemand offre au soutien du développement des pays les plus pauvres soient, dans le même temps, une contribution en vue de la protection et du respect des droits humains fondamentaux, dont je désire mentionner les principaux: "le droit à la vie dont fait partie intégrante le droit de grandir dans le sein de sa mère après la conception; puis le droit de vivre dans une famille unie et dans un climat moral favorable au développement de sa personnalité; le droit d'épanouir son intelligence et sa liberté par la recherche et la connaissance de la vérité; le droit de participer au travail de mise en valeur des biens de la terre et d'en tirer sa subsistance et celle de ses proches; le droit de fonder librement une famille, d'accueillir et d'élever des enfants, en exerçant de manière responsable sa sexualité. En un sens, la source et la synthèse de ces droits, c'est la liberté religieuse, entendue comme le droit de vivre dans la vérité de sa foi et conformément à la dignité transcendante de sa personne" (Centesimus annus CA 47).

  5. Monsieur l'Ambassadeur, je désire enfin transmettre à travers vous mes salutations respectueuses au Président de la République fédérale et transmettre de tout coeur à tout le peuple allemand des voeux de bénédiction. Les bonnes relations de coopération entre Eglise et Etat en Allemagne sont au service du bien des personnes et exigent d'être continuellement approfondies et poursuivies sur la base des principes, de la liberté et de la détermination des devoirs et des objectifs des deux parties. Votre Excellence, en vous remerciant pour les paroles cordiales que vous m'avez adressées, je vous assure que mes collaborateurs de la Secrétairerie d'Etat et des autres bureaux de la Curie sont prêts à vous offrir toute l'assistance dont vous aurez besoin dans l'exercice de vos hautes fonctions. Je vous donne de tout coeur, Monsieur l'Ambassadeur, ainsi qu'aux chers membres de l'Ambassade de la République fédérale d'Allemagne près le Saint-Siège et à votre famille, ma Bénédiction apostolique.



AUX ÉVÊQUES DES RÉGIONS NORD 1 ET NORD-EST DU BRÉSIL EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 14 septembre 2002


  Chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est avec plaisir que je vous reçois aujourd'hui, pasteurs de l'Eglise qui est au Brésil, représentant les Régions Nord 1 et Nord-Est de la Conférence nationale des évêques du Brésil. La visite ad limina vous offre l'occasion de rencontrer le Successeur de Pierre et ses collaborateurs et de recevoir d'eux le soutien nécessaire pour votre activité pastorale.

Je remercie de tout coeur Mgr Luiz Soares Vieira, Archevêque de Manaus, des paroles courtoises qu'il m'a adressées au nom de tous, afin de renouveler l'expression de vos sentiments d'affection et d'estime et me faire participer aux préoccupations et aux espérances de l'Eglise qu'il guide dans cette région. A travers vous, je salue également les prêtres, les religieuses, les religieux et les fidèles de vos diocèses. Apportez-leur le souvenir plein d'affection du Pape, qui les garde dans sa prière afin qu'ils grandissent dans la foi au Christ et dans la charité envers leur prochain.

2. L'élément caractéristique de votre mission de pasteurs du peuple qui vous a été confié est d'être, avant tout, des promoteurs et des modèles de communion.De même que l'Eglise est une, l'épiscopat est un seul et, comme l'affirme le Concile Vatican II, le Pape constitue "le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles" (Lumen gentium LG 23). C'est pourquoi l'union collégiale de l'épiscopat est l'un des éléments constitutifs de l'unité de l'Eglise.

Cette union entre les évêques est particulièrement nécessaire à notre époque, car les initiatives pastorales présentent de multiples formes et transcendent les limites de leurs diocèses. La communion doit en outre se concrétiser dans une coopération pastorale dans des programmes et des projets communs "sur des sujets de grande importance, surtout ceux qui concernent les pauvres" (Exhortation apostolique Ecclesia in America ). La région amazonienne est sans aucun doute sensible aux problèmes du développement liés à l'exploitation des richesses du sous-sol et elle est également connue comme étant une réserve de biodiversité. C'est pourquoi il existe un ensemble de facteurs liés à l'homme et à son habitat qui doivent recevoir l'attention qui leur est due, dans le but d'offrir un juste abri à une bonne partie de ses habitants, même à ceux qui vivent dans une extrême pauvreté.

D'autre part, les communautés ecclésiales ont besoin de pasteurs qui soient des hommes de foi et qui soient unis entre eux, capables d'affronter les défis d'une société qui tend toujours plus vers la sécularisation et la consommation effrénée. En effet, bien qu'une bonne partie de la population ait reçu le baptême dans l'Eglise catholique et pratique des formes diversifiées de religiosité populaire, celle-ci manque parfois d'une foi solide et éclairée. Le manque de vigueur existentielle et ecclésiale de la foi et l'indifférence face aux valeurs religieuses et aux principes éthiques constituent donc un grave obstacle à l'évangélisation. Tout cela se complique encore davantage en raison de la présence de sectes et de nouveaux groupes pseudo-religieux, dont la diffusion a également lieu dans des milieux traditionnellement catholiques. Ce phénomène exige une analyse approfondie "pour découvrir les motifs pour lesquels nombre de catholiques abandonnent l'Eglise" (Ecclesia in America ).

En tant que maîtres de la sainte doctrine, appelés à indiquer le chemin sûr qui conduit au Père, et en tant que serviteurs de la lumière qui est le Christ, "Image du Dieu invisible" (Col 1,15), ne cessez pas d'offrir de façon unie, comme les successeurs des Apôtres, l'enseignement du Magistère ecclésial.



3. "La coupe de bénédiction que nous bénissons, n'est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au corps du Christ? Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps, car tous nous participons à ce pain unique" (1Co 10,16-17). Cette affirmation de l'Apôtre des Nations, adressée au Peuple de Dieu tout entier, acquiert une plus grande importance lorsqu'elle se réfère à la spiritualité de la communion entre les évêques appelés à vivre, avec un engagement particulier, la collégialité (cf. Lettre apostolique Novo millennio ineunte NM 44).

L'Eglise est Une, comme le Corps du Christ est Un. L'unité de l'Eglise n'est pas seulement une "caractéristique" qui doit être reconnue dans le monde, mais "sa nature même". Elle est, de cette façon, le début de son existence, son fondement et son objectif, don originel et objectif à réaliser et à accomplir. Les fidèles "restaurés par le Corps du Christ au cours de la sainte liturgie eucharistique, manifestent, sous une forme concrète, l'unité du Peuple de Dieu que ce très grand sacrement signifie en perfection et réalise admirablement" (Lumen gentium LG 11). Ce n'est pas seulement la communauté locale des fidèles qui se réunit face à l'autel, mais l'Eglise catholique, tout entière et dans son ensemble, qui devient présente dans chaque célébration du sacrement de l'unité.

En unissant plus étroitement les hommes au Christ, l'Eucharistie fait d'eux un seul corps, le corps mystique du Christ, qui est l'Eglise, au point de pouvoir appeler l'Eucharistie sacramentum unitatis (cf. Saint Thomas d'Aquin, Suplementum, q. 71, a. 9). Recueillant l'enseignement biblique et patristique, mon prédécesseur saint Pie X affirma avec vigueur que "l'Eucharistie est le symbole, le principe et la racine de l'éducation catholique, facteur de concorde entre les esprits" (Constitutio Apostolica de SS. Eucharistia promiscuo sumenda: AAS 1912, 675). Le Concile Vatican II a lui-même souligné, comme on le sait, qu'elle est "signe de l'unité, lien de la charité" (Sacrosanctum Concilium SC 47).

J'ai voulu rappeler ces conclusions, qui ne vous échappent certainement pas, en pensant précisément aux immenses régions qui vous sont familières et qui, par l'oeuvre et la grâce de l'Esprit de Consolation, ont été confiées à votre zèle pastoral. Vous ne devez pas vous sentir éloignés les uns des autres, malgré les très vastes distances que vous devez souvent parcourir, non seulement pour atteindre les zones les plus reculées de l'Etat, mais également pour conserver le contact nécessaire, et même indispensable, à l'exercice de la fonction épiscopale. Je désire manifester ici ma sincère satisfaction pour le grand effort missionnaire que vous avez accompli avec de nombreux prêtres, religieux, religieuses et laïcs dans ces régions du nord du Brésil. Que Dieu vous récompense par d'abondants fruits de joie et de paix!



4. Le prophète Isaïe nous dit, "non est abbreviata manus Domini" (Is 59,1), la main de Dieu n'est pas trop courte. Aujourd'hui, il n'est pas moins puissant qu'à d'autres époques, et son amour envers les hommes n'est pas moins authentique. Son action, aujourd'hui également, est une réalité que le fidèle sait reconnaître à la lumière des signes des temps, et à laquelle il cherche à répondre avec joie et gratitude.

Le Christ donna à son Eglise la certitude de la doctrine, il fit en sorte que des personnes puissent orienter, grâce à sa lumière, guider et rappeler le chemin qu'il avait tracé. Nous disposons d'un trésor de science infini: la Parole de Dieu, conservée par l'Eglise; la grâce du Christ, confiée à ses pasteurs, à travers l'administration des Sacrements. Et comment ne pas rappeler le témoignage et l'exemple de ceux qui vivent avec rectitude à nos côtés, et qui ont su construire à travers leur vie un chemin de fidélité à Dieu?

Vénérables frères dans l'épiscopat, telle est l'Eglise du Christ qui nous a engendrés et qui nous accompagne à présent, en pardonnant nos péchés et en nous encourageant à une vie nouvelle, confiants en Celui qui "est ressuscité d'entre les morts" (Mt 28,6).

Nous ne pouvons que démontrer notre amour et notre vénération à cette Eglise. C'est l'attitude naturelle des enfants envers leur propre mère. Ces pasteurs doivent faire preuve d'un amour privilégié, d'un dévouement sans limites, d'un service plein d'abnégation, se sentir capables de renoncer à tout intérêt personnel pour vivre avec l'obéissance du Christ, qui souffrit du haut de la Croix.



5. En plus de cette dimension de la koinonia ecclésiale et affective, il est également intéressant de rappeler la dimension effective car, comme nous le savons, il existe une unique Eglise, qui subsiste dans l'Eglise catholique, gouvernée par le Successeur de Pierre et par les évêques en communion avec lui.

Vénérables frères dans l'épiscopat, l'ecclésiologie eucharistique nous sert ici à nouveau de lumière pour notre rencontre fraternelle, alors qu'il s'agit de souligner que dans l'unité de l'Eglise est également enracinée l'unité dans l'épiscopat.

En approuvant la Lettre adressée à l'épiscopat mondial, précisément sur ce thème, j'ai repris l'affirmation selon laquelle "unité de l'Eucharistie et unité de l'épiscopat avec Pierre et sous Pierre ne sont pas des racines indépendantes de l'unité de l'Eglise, car le Christ a institué l'Eucharistie et l'épiscopat comme des réalités essentiellement liées. L'épiscopat est un, de même que l'Eucharistie est une: l'unique Sacrifice de l'unique Christ mort et ressuscité" (Congrégation pour la Doctrine de la Foi: Lettre aux évêques de l'Eglise catholique sur certains aspects de l'Eglise entendue comme communion, n. 14). En poursuivant la lecture de la lettre, on concluait: "toute célébration valable de l'Eucharistie exprime cette communion universelle avec Pierre et avec l'Eglise tout entière..." (ibid.).

Faisant preuve d'une objectivité évidente, saint Cyprien admonestait: "Nous devons conserver et défendre cette unité de toutes nos forces, en particulier nous les évêques, qui avons été placés à la tête de l'Eglise, pour démontrer que l'épiscopat lui-même est un et indivisible" (De catholicae Ecclesiae unitate, 4-6). C'est pourquoi votre effort de venir à Rome, en "obéissance de la foi" (Rm 1,5), pour aller auprès de Pierre et vivre dans votre ministère sous la direction de Pierre, ne pourra se traduire que par cette unité d'esprit et d'action qui se transformera en oeuvres, pour une plus grande édification du Royaume de Dieu dans ce monde.



6. Au cours de ce pontificat, le Seigneur m'a permis, dans le sillage de mes prédécesseurs immédiats sur le Siège de Pierre, d'évaluer avec une plus grande profondeur ces vérités qui ont toujours été implicites dans la conscience ecclésiale, telles que le rôle des laïcs dans l'Eglise, l'origine sacramentelle du pouvoir de juridiction des évêques, la nécessité d'une christianisation des structures terrestres et d'une traduction concrète des orientations sur les droits de l'homme et de la famille, le respect de la vie, l'importance extraordinaire de toutes les manifestations sincères de la liberté, etc.

On peut dire que les documents publiés par le Siège apostolique sont nombreux mais que, face à l'urgence des actions pastorales, le temps manque pour les approfondir, comme il le serait souhaitable. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, le Pontife Romain accomplit sa mission universelle avec l'aide des Organismes de la Curie romaine et en particulier de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en ce qui concerne la doctrine sur la Foi et sur la Morale (cf. Constitution apostolique Pastor Bonus juin 1988, ). C'est pourquoi, il revient aux évêques d'accomplir avec autorité, directement ou à travers les prêtres et la catéchèse, cette mission incontournable d'enseigner la vérité évangélique.

L'occasion est propice pour rappeler l'importance de la priorité dans la formation des vocations, à travers une formation adaptée des candidats au sacerdoce (cf. Exhortation apostolique Ecclesia in America ). Dans le même temps, il est opportun de s'engager à accompagner les prêtres dans leurs fonctions ministérielles, à travers une formation permanente humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale appropriée, dans les limites des possibilités de chaque diocèse, ou à travers des initiatives à caractère régional ou national.

Enfin, on entend parfois dire que le Pape ne connaît pas la réalité locale, ou celle plus vaste du continent latino-américain. Il cherche toutefois à prêter la plus grande attention à ce que ses frères évêques lui rapportent périodiquement lors des visites ad limina. En outre, les nombreuses occasions où, par la grâce de Dieu, il lui a été possible de visiter l'Amérique latine et d'établir un contact direct avec les populations de cette terre riche de promesses évangélisatrices, attestent encore une fois de la confiance que le Successeur de Pierre place dans votre mission de pasteurs.

Je forme donc des voeux afin que les messages qui vous sont adressés puissent contribuer à l'orientation des fidèles de ce qui est considéré comme le continent de l'espérance.


7. Très chers frères dans l'épiscopat, nous sommes appelés à écouter comme des disciples ce que l'Esprit dit aux Eglises (cf. Ap Ap 2,7), dans l'objectif de parler comme des maîtres au nom du Christ, en déclarant, comblés de joie, comme le fit saint Jean Damascène: "Et vous, noble sommet de la pureté la plus intègre, illustre assemblée de l'Eglise, qui attend l'aide de Dieu, vous, en qui Dieu demeure, recevez de nos mains la doctrine de la foi, qui fortifie l'Eglise, telle que nos pères nous l'ont transmise" (Expositio fidei, n. 1). Je prie Dieu pour votre succès dans cette importante tâche pastorale, afin que l'Eglise qui est au Brésil, et en particulier en Amazonie, resplendisse de toute sa gloire, comme Epouse du Christ, qu'Il a choisie avec un amour infini. En confiant votre mission apostolique à l'intercession de la Vierge Marie, qui de tous temps est la resplendissante Etoile de l'Evangélisation, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'aux prêtres, aux religieuses, aux religieux et aux laïcs des diocèses.



Discours 2002 - Jeudi 5 septembre 2002