Discours 2002 - Assisi, 24 janvier 2002
1. Nous sommes venus à Assise en pèlerinage de paix. Nous sommes ici, en tant que représentants des différentes religions, pour nous interroger devant Dieu sur notre engagement en faveur de la paix, pour Lui demander de nous en faire le don, pour témoigner de l’ardent désir que nous avons tous d’un monde plus juste et plus solidaire.
Nous voulons apporter notre contribution pour éloigner les nuages du terrorisme, de la haine, des conflits armés, nuages qui se sont particulièrement accumulés ces derniers mois à l’horizon de l’humanité. C’est pourquoi nous voulons nous écouter les uns les autres : c’est déjà là – nous le sentons – un signe de paix. C’est déjà là une réponse aux questions inquiétantes qui nous préoccupent. Cela sert déjà à dissiper les ombres du soupçon et de l’incompréhension.
On ne dissipe pas les ténèbres avec les armes; on éloigne les ténèbres en allumant des sources de lumière. Il y a quelques jours, je rappelais au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège que la haine ne peut être vaincue que par l’amour.
2. Nous nous rencontrons à Assise, où tout parle d’un singulier prophète de la paix appelé François. Il est aimé non seulement des chrétiens mais aussi de beaucoup d’autres croyants et de personnes qui, tout en étant loin de la religion, se reconnaissent dans l’idéal de justice, de réconciliation, de paix, qui fut le sien.
Ici, le Poverello d’Assise nous invite avant tout à lancer un chant de gratitude à Dieu pour tous ses dons. Nous louons Dieu pour la beauté du cosmos et de la terre, «jardin» merveilleux qu’il a confié à l’homme pour qu’il le cultive et le garde (cf. Gn 2,15). Il est bon que les hommes se rappellent qu’ils se trouvent sur un «parterre» de l’immense univers, créé pour eux par Dieu. Il est important qu’ils se rendent compte que ni eux ni les questions pour lesquelles ils se fatiguent tant ne sont «tout». Seul Dieu est «tout», et c’est à Lui que chacun devra, à la fin, se présenter pour rendre compte.
Nous louons Dieu, Créateur et Seigneur de l’univers, pour le don de la vie et spécialement de la vie humaine, née sur notre planète par un mystérieux dessein de sa bonté. La vie sous toutes ses formes est confiée d’une manière spéciale à la responsabilité des hommes.
Avec un émerveillement chaque jour renouvelé, nous constatons la variété avec laquelle la vie humaine se manifeste, des deux pôles féminin et masculin jusqu’à une multiplicité de dons caractéristiques, propres aux diverses cultures et traditions, qui constituent un univers linguistique, culturel et artistique aux formes et aux facettes multiples. C’est une multiplicité qui est appelée à s’associer par la confrontation et le dialogue pour l’enrichissement et la joie de tous.
Dieu lui-même a placé dans le coeur humain une propension instinctive à vivre en paix et en harmonie. C’est là une aspiration plus intime et plus tenace que n’importe quel instinct de violence, une aspiration que nous sommes venus ensemble réaffirmer ici, à Assise. Nous le faisons en étant conscients d’interpréter le sentiment le plus profond de tout être humain.
L’histoire a connu et continue de connaître des hommes et des femmes qui, précisément en tant que croyants, se sont distingués comme témoins de paix. Par leur exemple, ils nous enseignent qu’il est possible de construire entre les personnes et entre les peuples des ponts pour se rencontrer et cheminer ensemble sur les voies de la paix. Nous voulons tourner nos regards vers eux pour y puiser une inspiration dans notre engagement au service de l’humanité. Ils nous encouragent à espérer que, dans le nouveau millénaire commencé depuis peu, ne manqueront pas non plus des hommes et des femmes de paix, capables de faire rayonner dans le monde la lumière de l’amour et de l’espérance.
3. La paix ! L’humanité a toujours besoin de la paix, mais elle en a besoin plus encore aujourd’hui, après les tragiques événements qui ont ébranlé sa confiance et en présence des foyers persistants de conflits déchirants qui maintiennent le monde dans l’appréhension. Dans le Message du 1er janvier dernier, j’ai mis l’accent sur deux «piliers» sur lesquels la paix s’appuie : l’engagement pour la justice et la disposition au pardon.
La justice, tout d’abord, car il ne peut y avoir de paix véritable sinon dans le respect de la dignité des personnes et des peuples, des droits et des devoirs de chacun, et dans la distribution équitable des profits et des charges entre les individus et entre les collectivités. On ne saurait oublier que des situations d’oppression et de marginalisation sont souvent à l’origine des manifestations de violence et de terrorisme. Et ensuite le pardon, car la justice humaine est exposée à la fragilité et aux limites des égoïsmes individuels et de groupe. Seul le pardon guérit les blessures des coeurs et rétablit en profondeur les rapports humains perturbés.
Il faut de l’humilité et du courage pour s’engager sur ce chemin. Le contexte de la présente rencontre, celui du dialogue avec Dieu, nous donne l’occasion de réaffirmer qu’en Dieu nous trouvons l’union éminente de la justice et de la miséricorde. Dieu est souverainement fidèle à lui-même et à l’homme, même quand l’être humain s’éloigne de Lui. C’est pourquoi les religions sont au service de la paix. Il leur appartient, et il appartient surtout à leurs responsables, de promouvoir parmi les hommes de notre temps une conscience renouvelée de l’urgence de bâtir la paix.
4. Les participants de l’Assemblée interreligieuse qui s’est tenue au Vatican en octobre 1999 l’ont reconnu, affirmant que les traditions religieuses possèdent les ressources nécessaires pour dépasser les divisions et pour favoriser l’amitié réciproque et le respect entre les peuples. À cette occasion, on a aussi constaté que les conflits tragiques ont souvent découlé de l’association injuste de la religion avec des intérêts nationalistes, politiques, économiques ou d’autres types. Une fois encore, nous qui sommes ici réunis, nous affirmons ensemble que celui qui utilise la religion pour fomenter la violence en contredit l’inspiration la plus authentique et la plus profonde.
Il faut donc que les personnes et les communautés religieuses manifestent le rejet le plus net et le plus radical de la violence, de toute violence, à commencer par celle qui prétend se parer de religiosité, allant jusqu’à faire appel au nom très saint de Dieu pour offenser l’homme. Offenser l’homme revient en définitive à offenser Dieu. Aucune finalité religieuse ne peut justifier la pratique de la violence de l’homme sur l’homme.
5. Je m’adresse maintenant de manière particulière à vous, Frères et Soeurs chrétiens. Notre Maître et Seigneur Jésus Christ nous appelle à être des apôtres de paix. Lui-même a fait sienne la règle d’or connue de la sagesse antique: «Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux» (Mt 7,12 cf. Lc 6,31) et le commandement de Dieu à Moïse: «Aime ton prochain comme toi-même» (cf. Lv Lv 19,18 Mt 22,39 et parallèles), les portant à leur achèvement dans le commandement nouveau: «Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres» (Jn 13,34).
Par sa mort sur le Golgotha, il a imprimé dans sa chair les stigmates de la divine passion pour l’humanité. Témoin du dessein d’amour du Père céleste, il est devenu «notre paix, lui qui de deux réalités n’en a fait qu’une, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant la haine» (Ep 2,14).
Avec François, le saint qui a respiré l’air de ces collines et qui a parcouru ces régions, nous fixons notre regard sur le mystère de la Croix, l’arbre du salut baigné dans le sang rédempteur du Christ. L’existence du Poverello, de sainte Claire et d’innombrables autres saints et martyrs chrétiens a été marquée par le mystère de la Croix. Leur secret fut précisément ce signe victorieux de l’amour sur la haine, du pardon sur la vengeance, du bien sur le mal. Nous sommes invités à avancer sur leurs traces, pour que la paix du Christ devienne un ardent et incessant désir de la vie du monde.
6. Si la paix est un don de Dieu et a sa source en Lui, où est-il possible de la chercher et comment pouvons-nous la construire si ce n’est dans un rapport intime et profond avec Lui ? Bâtir la paix dans l’ordre, dans la justice et dans la liberté requiert donc l’engagement prioritaire de la prière, qui est ouverture, écoute, dialogue et en dernier ressort union avec Dieu, source originelle de la paix véritable.
Prier ne signifie pas s’évader de l’histoire ni des problèmes qui s’y présentent. Au contraire, cela consiste à choisir d’affronter la réalité non pas seul, mais avec la force qui vient d’en haut, la force de la vérité et de l’amour, dont la source ultime est en Dieu. Face aux pièges du mal, l’homme religieux sait qu’il peut compter sur Dieu, volonté absolue de bien; il sait qu’il peut le prier pour obtenir le courage d’affronter les difficultés, même les plus dures, avec sa responsabilité personnelle, sans céder au fatalisme ou à des réactions impulsives.
7. Frères et Soeurs venus ici de différentes parties du monde ! Nous nous rendrons tout à l’heure dans les lieux prévus afin d’implorer de Dieu le don de la paix pour l’humanité entière. Nous demanderons qu’il nous soit donné de reconnaître la voie de la paix, des justes rapports avec Dieu et entre nous. Nous demanderons à Dieu d’ouvrir les coeurs à la vérité sur Lui et sur l’homme. Le but est unique et l’intention est la même, mais nous prierons selon des formes diverses, respectant les traditions religieuses de chacun. Dans cela aussi, il y a au fond un message: nous voulons montrer au monde que l’élan sincère de la prière ne pousse pas à l’opposition et moins encore au mépris de l’autre, mais à un dialogue constructif, dans lequel chacun, sans verser en aucune manière dans le relativisme ni dans le syncrétisme, prend une conscience plus vive du devoir du témoignage et de l’annonce.
Il est temps de dépasser résolument les tentations d’hostilité qui n’ont pas manqué dans l’histoire, même religieuse, de l’humanité. En réalité, lorsqu’elles se réclament de la religion, elles en expriment un aspect profondément immature. En effet, le sentiment religieux naturel conduit à percevoir de quelque manière le mystère de Dieu, source de la bonté, et cela constitue une source de respect et d’harmonie entre les peuples. C’est même dans ce sentiment que réside le principal antidote contre la violence et les conflits (cf. Message, n. 14).
Aujourd’hui encore, comme le 27 octobre 1986, Assise devient de nouveau le «coeur» d’une foule immense qui invoque la paix. À nous s’unissent de nombreuses personnes qui, depuis hier jusqu’à ce soir, dans les lieux de culte, dans les maisons, dans les communautés, à travers le monde entier, prient pour la paix. Ce sont des personnes âgées, des enfants, des adultes et des jeunes: tout un peuple qui ne se lasse pas de croire à la force de la prière pour obtenir la paix.
Que la paix demeure spécialement dans le coeur des nouvelles générations ! Jeunes du troisième millénaire, jeunes chrétiens, jeunes de toutes les religions du monde, je vous demande d’être, comme François d’Assise, des «sentinelles» dociles et courageuses de la paix véritable, fondée sur la justice et sur le pardon, sur la vérité et sur la miséricorde !
Avancez vers l’avenir en tenant haute la flamme de la paix ! Le monde a besoin de sa lumière.
Illustres hôtes,
chers amis,
Ce qui s'est passé hier à Assise restera longtemps dans nos coeurs et aura, je l'espère, un profond écho parmi les peuples du monde. Permettez-moi de vous remercier pour la générosité avec laquelle vous avez répondu à mon invitation. Je reconnais que venir ici a représenté pour vous un grand effort. Je vous remercie par-dessus tout pour votre volonté d'oeuvrer pour la paix, et pour le courage avec lequel vous avez déclaré au monde que la violence et la religion ne peuvent jamais aller de pair.
Des collines de Ombrie, nous sommes arrivés aux collines de Rome, et c'est avec une grande joie que je vous souhaite la bienvenue dans ma maison. La porte de cette maison est ouverte à tous, et vous venez à cette table non pas en tant qu'étrangers, mais en tant qu'amis. Hier, nous nous sommes réunis à l'ombre de saint François. Ici, nous nous réunissons à l'ombre du pêcheur Pierre. Assise et Rome, François et Pierre: les lieux et les hommes sont différents. Mais ils ont tous deux apporté le message de la paix chanté par les Anges à Bethléem: Gloire à Dieu aux plus hauts des cieux et paix sur terre aux hommes qu'il aime!
Avec toutes nos différences, nous sommes assis à cette table, unis dans l'engagement à la cause de la paix. Cet engagement, né d'un sentiment religieux sincère, est certainement ce que Dieu attend de nous. Il est ce que le monde recherche chez les hommes et les femmes religieux. Cet engagement est l'espérance que nous pouvons offrir en ce moment particulier. Puisse Dieu nous accorder à tous d'être des instruments humbles et efficaces de sa paix.
Puisse-t-il nous bénir, ainsi que cette nourriture, fruit de l'abondance providentielle de la terre qu'il a créée. Amen.
1. Je remercie vivement Monseigneur le Doyen qui, interprétant vos sentiments et vos préoccupations, à travers de brèves observations et des données chiffrées, a souligné votre travail quotidien et les questions graves et complexes qui sont l'objet de vos jugements.
L'inauguration solennelle de l'année judiciaire m'offre l'agréable occasion d'une rencontre cordiale avec ceux qui travaillent au Tribunal de la Rote romaine - Prélats-auditeurs, Promoteurs de justice, Défenseurs du lien, Officiers et Avocats - pour leur manifester ma satisfaction reconnaissante, mon estime et mon encouragement. L'administration de la justice au sein de la communauté chrétienne est un service précieux, car il constitue les prémisses indispensables pour une charité authentique.
Votre activité judiciaire, comme l'a souligné Mgr le Doyen, concerne surtout les causes de nullité de mariage. Dans cette matière, vous constituez, avec les autres tribunaux ecclésiastiques et en ayant une fonction très particulière parmi ceux-ci, que j'ai soulignée dans Pastor Bonus (cf. PB ), une manifestation institutionnelle spécifique de la sollicitude de l'Eglise pour juger, selon la vérité et la justice, la question délicate concernant l'existence ou non d'un mariage. Cette tâche des tribunaux dans l'Eglise s'insère, en tant que contribution incontournable, dans le contexte de toute la pastorale du mariage et de la famille. L'optique pastorale exige précisément un effort constant d'approfondissement de la vérité sur le mariage et sur la famille, également comme condition nécessaire pour l'administration de la justice dans ce domaine.
2. Les propriétés essentielles du mariage - l'unité et l'indissolubilité - (cf. CIC CIC 1056 CCEO 776,3) - offrent l'occasion d'effectuer une réflexion fructueuse sur le mariage lui-même. C'est pourquoi aujourd'hui, en faisant référence à ce que j'ai déjà eu l'occasion de traiter dans mon discours de l'année dernière à propos de l'indissolubilité (cf. AAS, 92 [2000], PP 350-355), je désire considérer l'indissolubilité comme un bien pour les époux, pour les enfants, pour l'Eglise et pour l'humanité tout entière.
Il est important de présenter de façon positive l'union indissoluble, pour en redécouvrir le bien et la beauté. Il faut tout d'abord dépasser la vision de l'indissolubilité comme restriction à la liberté des contractants, et donc comme un poids, qui peut parfois devenir insupportable. L'indissolubilité, selon cette conception, est vue comme une loi extrinsèque au mariage, comme l'"imposition" d'une norme contre les attentes "légitimes" d'une réalisation ultérieure de la personne. A cela s'ajoute l'idée assez répandue, selon laquelle le mariage indissoluble serait le propre des croyants, raison pour laquelle ceux-ci ne peuvent pas prétendre l'"imposer" à la société civile dans son ensemble.
3. Pour apporter une réponse valable et exhaustive à cette question, il faut partir de la Parole de Dieu. Je pense concrètement au passage de l'Evangile de Matthieu, qui rapporte le dialogue de Jésus avec quelques pharisiens, puis avec ses disciples, au sujet du divorce (cf. Mt 19,3-12). Jésus dépasse radicalement les discussions d'alors sur les motifs qui pouvaient autoriser le divorce, en affirmant: "C'est en raison de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; mais dès l'origine il n'en fut pas ainsi" (Mt 19,8).
Selon l'enseignement de Jésus, c'est Dieu qui a uni par le lien conjugal l'homme et la femme. Certes, cette union a lieu à travers le consentement libre des deux personnes, mais ce consentement humain porte sur un dessein qui est divin. En d'autres termes, c'est la dimension naturelle de l'union, et plus concrètement la nature de l'homme modelé par Dieu lui-même, qui fournit la clef de lecture indispensable des propriétés essentielles du mariage. Leur renforcement supplémentaire dans le mariage chrétien, à travers le sacrement (cf. CIC CIC 1056), repose sur un fondement de droit naturel, qui, s'il venait à faire défaut, rendrait incompréhensible l'oeuvre salvifique elle-même et l'élévation que le Christ a accomplie une fois pour toutes à l'égard de la réalité conjugale.
4. D'innombrables hommes et femmes de tous les temps et de tous les lieux se sont conformés à ce dessein divin naturel, avant même la venue du Sauveur, et de nombreux autres s'y conforment après sa venue, même sans le connaître. Leur liberté s'ouvre au don de Dieu, que ce soit au moment de se marier, ou bien tout au long de leur vie conjugale. Toutefois, il subsiste toujours la possibilité de se rebeller contre ce dessein d'amour: c'est alors que se présente à nouveau cette "dureté de coeur" (cf. Mt 19,8) en raison de laquelle Moïse autorisa la répudiation, mais que le Christ a définitivement vaincue. Il faut répondre à ces situations par l'humble courage de la foi, d'une foi qui soutient et corrobore la raison même, afin qu'elle soit en mesure de dialoguer avec tous à la recherche du véritable bien de la personne humaine et de la société. Considérer l'indissolubilité non pas comme une norme juridique naturelle, mais comme un simple idéal, ôte son sens à la déclaration sans équivoque de Jésus-Christ, qui a absolument refusé le divorce car "dès l'origine il n'en fut pas ainsi" (Mt 19,8).
Le mariage "est" indissoluble: cette propriété exprime une dimension de son caractère objectif, il ne s'agit pas d'un pur fait subjectif. En conséquence, le bien de l'indissolubilité est le bien du mariage lui-même; et l'incompréhension du caractère indissoluble constitue l'incompréhension du mariage dans son essence. Il s'ensuit que le "poids" de l'indissolubilité et les limites que celle-ci comporte pour la liberté humaine ne sont autre que le revers, pour ainsi dire, de la médaille, face au bien et aux potentialités contenues dans l'institution matrimoniale en tant que telle. Dans cette perspective, cela n'a pas de sens de parler d'"imposition" de la part de la loi humaine, car celle-ci doit refléter et sauvegarder la loi naturelle et divine, qui est toujours une vérité libératrice (cf. Jn 8,32).
5. Cette vérité sur l'indissolubilité du mariage, comme tout le message chrétien, est destinée aux hommes et aux femmes de chaque temps et de chaque lieu. Afin que cela s'accomplisse, il est nécessaire que cette vérité soit témoignée par l'Eglise et, en particulier, par chaque famille en tant qu'"église domestique", dans laquelle le mari et la femme se reconnaissent mutuellement liés pour toujours, par un lien qui exige un amour toujours renouvelé, généreux et prêt au sacrifice.
On ne peut pas se rendre à la mentalité favorable au divorce: la confiance dans les dons naturels et surnaturels de Dieu à l'homme ne le permet pas. L'activité pastorale doit soutenir et promouvoir l'indissolubilité. Les aspects doctrinaux doivent être transmis, éclaircis et défendus, mais les actions cohérentes sont encore plus importantes. Quand un couple traverse des difficultés, la compréhension des pasteurs et des autres fidèles doit être unie à la clarté et à la force, en rappelant que l'amour conjugal est la voie pour résoudre la crise de façon positive. Précisément parce que Dieu les a unis, mari et femme, en vertu d'un lien indissoluble, en employant toutes leurs ressources humaines avec bonne volonté, mais surtout en ayant confiance dans l'aide de la grâce divine, ils peuvent et ils doivent sortir renouvelés et fortifiés des moments d'égarement.
6. Lorsque l'on considère le rôle du droit dans les crises matrimoniales, on pense trop souvent et presque exclusivement aux procès qui ratifient la nullité du mariage ou bien la dissolution du lien. Cette mentalité s'étend parfois également au droit canonique, qui apparaît ainsi comme la voie pour trouver des solutions de conscience aux problèmes matrimoniaux des fidèles. Cela peut être vrai, mais ces solutions éventuelles doivent être examinées de façon à ce que l'indissolubilité du lien, si celui-ci apparaît contracté de façon valide, continue à être sauvegardée. La position de l'Eglise est même favorable à convalider, si possible, les mariages nuls (Cf. CIC CIC 1676 CCEO 1362). Il est vrai que la déclaration de nullité du mariage, selon la vérité acquise à travers le procès légitime, ramène la paix dans les consciences, mais cette déclaration - et cela vaut également pour la dissolution du mariage ratifié et non consommé et pour le privilège de la foi - doit être présentée et réalisée dans un contexte ecclésial profondément en faveur du mariage indissoluble et de la famille fondée sur celui-ci. Les conjoints eux-mêmes doivent être les premiers à comprendre que ce n'est que dans la recherche loyale de la vérité que se trouve le véritable bien, sans exclure a priori la convalidation possible d'une union qui, tout en n'étant pas encore matrimoniale, contient des éléments de bien, pour eux et pour les enfants, qui doivent être attentivement évalués, en conscience, avant de prendre une décision différente.
7. L'activité judiciaire de l'Eglise, qui dans sa spécificité est elle aussi une activité véritablement pastorale, s'inspire du principe de l'indissolubilité du mariage et tend à en garantir le caractère effectif dans le Peuple de Dieu. En effet, sans les procès et les sentences des tribunaux ecclésiastiques, la question sur l'existence ou non d'un mariage indissoluble des fidèles serait reléguée à la seule conscience de ces derniers, en courant le risque évident de subjectivisme, en particulier lorsque règne dans la société civile une profonde crise à propos de l'institution du mariage.
Toute sentence juste de validité ou de nullité du mariage est une contribution à la culture de l'indissolubilité, que ce soit dans l'Eglise ou dans le monde. Il s'agit d'une contribution très importante et nécessaire: en effet, elle se situe sur un plan immédiatement pratique, en apportant une certitude non seulement aux personnes concernées, mais également à tous les mariages et aux familles. En conséquence, une déclaration injustifiée de nullité, s'opposant à la vérité des principes normatifs ou des faits, revêt une gravité particulière, car son lien officiel avec l'Eglise favorise la diffusion d'attitudes où l'indissolubilité est soutenue en théorie, mais oubliée dans la vie.
Parfois, au cours des dernières années, on a contrecarré le traditionnel "favor matrimoni", au nom d'un "favor libertatis" ou "favor personae". Dans cette dialectique, il est évident que le thème de fond est celui de l'indissolubilité, mais l'antithèse est encore plus radicale car elle concerne la vérité même sur le mariage, plus ou moins ouvertement relativisée. Contre la vérité d'un lien conjugal, il n'est pas correct d'invoquer la liberté des contractants qui, en l'assumant librement, se sont engagés à respecter les exigences objectives de la réalité matrimoniale, qui ne peut pas être altérée par la liberté humaine. L'activité judiciaire doit donc s'inspirer d'un "favor indissolubilitatis", qui ne signifie pas bien sûr un préjugé contre les justes déclarations de nullité, mais la conviction réelle du bien en jeu lors des procès, ainsi que l'optimisme toujours renouvelé qui provient du caractère naturel du mariage et du soutien du Seigneur aux époux.
8. L'Eglise et chaque chrétien doivent être lumière du monde: "Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (Mt 5,16). Ces paroles de Jésus trouvent aujourd'hui une application singulière à propos du mariage indissoluble. Il pourrait presque sembler que le divorce est tellement enraciné dans certains milieux sociaux, que cela ne vaut presque pas la peine de continuer à le combattre, en diffusant une mentalité, des coutumes sociales et une législation civile en faveur de l'indissolubilité. Pourtant cela en vaut la peine! En réalité, ce bien se situe précisément à la base de la société tout entière, comme condition nécessaire à l'existence de la famille. Son absence a donc des conséquences dévastatrices, qui se diffusent dans le corps social comme une plaie - selon le terme utilisé par le Concile Vatican II pour décrire le divorce (cf. Gaudium et spes GS 47) -, et qui influent de façon négative sur les nouvelles générations, auxquelles on cache la beauté du mariage véritable.
9. Le témoignage essentiel sur la valeur de l'indissolubilité est donné à travers la vie matrimoniale des conjoints, dans la fidélité à leur lien à travers les joies et les épreuves de la vie. La valeur de l'indissolubilité ne peut cependant être considérée l'objet d'un pur choix privé: il s'agit d'un des fondements de la société tout entière. C'est pourquoi, tout en encourageant les nombreuses initiatives que les chrétiens et d'autres personnes de bonne volonté promeuvent pour le bien des familles (par exemple les célébrations des anniversaires de mariage), on doit éviter le risque de la permissivité dans des questions de fond concernant l'essence du mariage et de la famille (cf. Lettre aux familles LF 17).
Parmi ces initiatives, ne peuvent manquer celles qui visent à la reconnaissance publique du mariage indissoluble dans les réglementations juridiques civiles (cf. Ibid., LF LF 17). Une ferme opposition à toutes les mesures légales et administratives qui introduisent le divorce ou qui rendent les unions de fait équivalentes au mariage, y compris les unions homosexuelles, doit être accompagnée par une attitude de proposition, à travers des mesures juridiques qui tendent à améliorer la reconnaissance sociale du mariage véritable, dans le cadre des lois qui admettent malheureusement le divorce.
D'autre part, les agents du droit dans le domaine civil doivent éviter d'être personnellement impliqués dans ce qui peut nécessiter une coopération au divorce. En ce qui concerne les juges, cela peut être difficile, car les lois ne reconnaissent pas une objection de conscience les exemptant de prononcer une sentence. En raison de motifs graves et justifiés, ils peuvent donc agir selon les principes traditionnels de la coopération matérielle au mal. Mais ils doivent eux aussi trouver des moyens efficaces pour favoriser les unions matrimoniales, en particulier à travers une oeuvre de conciliation sagement conduite.
Les avocats, en tant qu'exerçant une profession libérale, doivent toujours refuser d'utiliser leurs compétences professionnelles en vue d'une finalité contraire à la justice comme l'est le divorce; ils peuvent seulement collaborer à une action dans ce sens lorsque celle-ci, dans l'intention du client, ne vise pas à la rupture du mariage, mais bien à d'autres effets légitimes que l'on ne peut obtenir qu'à travers la voie judiciaire dans une réglementation déterminée (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 2383). De cette façon, grâce à leur oeuvre d'aide et de pacification des personnes qui traversent des crises matrimoniales, les avocats servent vraiment les droits des personnes, et évitent de devenir de simples techniciens au service d'intérêts quelconques.
10. Je confie à l'intercession de Marie, Reine de la famille et Miroir de justice, le développement de la conscience de tous à propos du bien de l'indissolubilité du mariage. Je lui confie également l'engagement de l'Eglise et de ses fils, ainsi que celui de nombreuses autres personnes de bonne volonté, dans cette cause si décisive pour l'avenir de l'humanité.
Avec ces voeux, en invoquant l'assistance divine sur votre activité, chers Prélats-auditeurs, Officiers et Avocats de la Rote romaine, je donne à tous, avec affection, ma Bénédiction.
Cher Cardinal Shan,
Chers frères dans l'épiscopat,
1. C'est pour moi une grande joie de vous accueillir, Evêques de Taïwan, à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum, une visite qui exprime et qui renforce les liens de communion ecclésiale entre les Pasteurs des Eglises particulières et le Successeur de Pierre au service de l'Evangile de Jésus-Christ. Tandis que vous priez sur les tombes des Apôtres et réfléchissez sur votre ministère à la lumière de leur enseignement et de leur exemple, vous trouverez une inspiration et une force renouvelées pour votre travail en vue de l'édification du Corps du Christ, l'Eglise, dans vos diocèses. J'éprouve une grande affection pour les fidèles catholiques de Taïwan, et je prie notre Père céleste de leur enseigner à connaître encore plus parfaitement "quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous" (Ep 1,19).
2. Le grand Jubilé de l'An 2000 a représenté un événement joyeux pour toute l'Eglise, tandis que nous avons médité avec un émerveillement renouvelé sur les oeuvres de la grâce de Dieu et sur son pouvoir d'obtenir infiniment plus que tout ce que nous pouvons demander ou concevoir (cf. Ep 3,21-22). Au cours du Jubilé, un grand nombre de personnes se sont rendues en pèlerinage à Rome ou dans d'autres lieux saints pour renouveler leur engagement au Christ, à travers la prière et les Sacrements et surtout, pour obtenir sa miséricorde, en particulier à travers le Sacrement de la Pénitence. Lors de la fermeture de la Porte Sainte, j'ai déclaré que "le christianisme naît, et il se régénère continuellement, à partir de la contemplation de la gloire de Dieu qui brille sur le visage du Christ" (Homélie lors de la fermeture de la Porte Sainte, 6 janvier 2001, n. 6, cf. ORLF n. 2 du 9 janvier 2001). J'ai exprimé l'espoir que toute la communauté chrétienne reparte de cette contemplation afin de témoigner de son amour "à travers une pratique de la vie chrétienne marquée par la communion, par la charité, par le témoignage dans le monde" (ibid., n. 8). Telle est la tâche que je confie à l'attention des Eglises particulières dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, en tant que moyen de développer ce que le Jubilé a réalisé dans la vie des personnes et des communautés.
L'an dernier, la communauté catholique de Taïwan a assumé cette mission, en réfléchissant sur le thème: "Un nouveau siècle, une nouvelle évangélisation", dans le but de contribuer, à travers des initiatives concrètes, au renouveau de la vie de l'Eglise dans vos diocèses. Le moment est venu de se mettre en route avec confiance dans le Seigneur et de mettre ces propostions en pratique afin de répondre aux défis du nouveau millénaire.
3. Vos initiatives porteront des fruits si elles reflètent les deux dimensions primordiales dans toutes les activités de l'Eglise: la dimension ad intra et la dimension ad extra. Ad intra: un esprit de prière et de contemplation, vital pour la vie chrétienne, doit être la caractéristique de toutes nos paroles et de tous nos actes: "Rien n'égale la prière, car elle rend possible ce qui est impossible, facile ce qui est difficile" (saint Jean Chrysostome, De Anna, 4, 5). Ad extra: le devoir de proclamer le Christ, convaincu que la diffusion de l'Evangile est "le premier service que l'Eglise peut rendre à tout homme et à l'humanité entière dans le monde actuel" (Redemptoris missio RMi 2). Les deux dimensions sont inséparables, car la spiritualité montre son authenticité dans la proclamation et le témoignage du Christ, tandis que l'activité missionnaire ne peut produire des résultats positifs que lorsqu'elle est enracinée dans une communion intime avec Dieu: sans la prière, notre évangélisation serait vaine; sans la mission, la communauté chrétienne perdrait son goût et son enthousiasme.
Face aux difficultés que connaît la vie de la foi aujourd'hui, les Pasteurs pourraient être tentés d'adopter une attitude de résignation et de dire, comme l'Apôtre Pierre: "Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre" (Lc 5,5). Mais même lorsque nous ne voyons pas les résultats de nos efforts pastoraux, nous ne devons pas nous décourager: nous plantons et nous arrosons, mais c'est Dieu qui donne la croissance (cf. 1Co 3,6). Le Seigneur Jésus nous invite constamment à surmonter notre peur et à "avancer en eau profonde" (Lc 5,4). Convaincus que Jésus-Christ, le Chemin, la Vérité et la Vie (cf. Jn 14,6), est la Bonne Nouvelle pour les hommes et les femmes de toute époque et de tout lieu, dans leur recherche du sens de la vie et de la vérité de leur humanité (cf. Ecclesia in Asia ), nous ne devrions jamais avoir peur de proclamer la pleine vérité sur lui dans toute sa réalité exigeante. La Bonne Nouvelle a le pouvoir intrinsèque d'attirer les personnes.
4. Au cours de la récente Assemblée générale du Synode des Evêques, la figure du Christ Bon Pasteur est apparue comme l'"icône" du ministère épiscopal, le modèle auquel nous devons nous conformer toujours plus fidèlement. En tant que Pasteurs du Peuple de Dieu qui est à Taïwan, vous représentez le Christ dans vos Eglises particulières, car c'est de lui que vous recevez la mission et le pouvoir sacré d'agir in persona Christi capitis et d'enseigner et gouverner avec autorité en son nom. Cela exige une profonde et puissante intimité avec le Seigneur, afin qu'en prenant la forme du Christ Serviteur (cf. Ph Ph 2,7), vous puissiez oeuvrer avec générosité et dévouement au bien des fidèles confiés à votre soin pastoral. En accomplissant son devoir premier et fondamental, qui est le soin des âmes, cura animarum, l'Evêque doit être proche de son peuple et le connaître, afin de promouvoir ce qui est bon et positif, de soutenir et de guider tous ceux qui sont faibles dans la foi (cf. Rm 14,1) et, si nécessaire, intervenir pour dénoncer les mensonges et corriger les abus (cf. Homélie lors de la clôture de la Xème Assemblée générale du Synode des Evêques, 27 octobre 2001, n. 4; cf. ORLF n. 45, du 6 novembre 2001). Votre mission est avant tout une mission d'espoir, car vous savez que la véritable solution aux problèmes compliqués qui touchent l'humanité réside dans l'accueil réservé au message salvifique de l'Evangile. C'est pourquoi votre programme pastoral pour les premières années du nouveau millénaire devrait viser avant tout à permettre à l'annonce du Christ "d'atteindre les personnes, de modeler les communautés, d'agir en profondeur par le témoignage des valeurs évangéliques sur la société et sur la culture" (Novo millennio ineunte, NM 29).
5. Bien sûr, vous n'êtes pas seuls dans votre tâche: la mission appartient à tout le Peuple de Dieu. Vos prêtres sont vos collaborateurs les plus proches dans l'oeuvre d'évangélisation et, pour qu'elle réussisse, vous devez faire tout votre possible pour promouvoir dans vos diocèses des liens étroits de fraternité sacerdotale et la poursuite d'un objectif commun. La vie pieuse et dévouée des prêtres, en contact direct avec les chrétiens et les non-chrétiens, dans les paroisses et les divers lieux où s'exerce leur ministère pastoral, est la mesure de la vitalité de chaque communauté. Le respect traditionnel pour le domaine de l'esprit, typique de la culture asiatique, constitue une raison de plus pour eux d'être des hommes de prière, véritables experts des voies de Dieu, désireux de partager avec les autres l'amour de Dieu qu'ils ont reçu dans leur vie. De cette façon, ils seront capables de répondre à la soif de Dieu qui caractérise la société moderne, et de pénétrer plus profondément les espoirs et les besoins des personnes qui leur sont confiées. Vous reconnaissez clairement que des efforts renouvelés doivent être constamment accomplis pour présenter l'idéal de la vie sacerdotale comme un choix valable à tous les jeunes hommes qui acquièrent une connaissance plus profonde du Seigneur. Je suis certain que votre peuple vous soutiendra lorsque vous l'appelerez à une prière plus intense pour les vocations, et lorsque vous lui révélerez la grande grâce et le privilège que cela représente quand Dieu appelle un membre de sa famille au sacerdoce ou à la vie consacrée.
6. Je désire adresser une parole de gratitude, d'appréciation et d'encouragement aux hommes et aux femmes qui appartiennent aux nombreux Instituts de vie consacrée de Taïwan. Les hommes et les femmes consacrés apportent une contribution unique à l'oeuvre d'évangélisation, en vivant leur consécration à travers la prière et l'apostolat en accord avec le charisme de chaque Institut. A travers leur état de vie, qui implique le don total de soi à Dieu aimé par-dessus tout, et qui exige une consécration plus intime à son service, ils expriment et proclament dans l'Eglise la gloire du monde à venir (cf. CIC CIC 573) et apportent le témoignage de la nouvelle création inaugurée par le Christ et rendue possible en nous par la grâce et le pouvoir de l'Esprit Saint. A travers leur dévouement généreux aux oeuvres sociales et caritatives, à l'éducation et à la santé, ils ont été et continuent d'être une grande ressource spirituelle pour la vie de vos Eglises particulières.
Vous encouragerez les hommes et les femmes consacrés à faire de l'apostolat de la prière une priorité, car tel est le secret d'un christianisme vraiment vécu (cf. Novo millennio ineunte NM 32). Il existe aujourd'hui une profonde demande de spiritualité authentique, qui s'exprime dans une large mesure par un besoin renouvelé de prière. Cela est particulièrement vrai dans les sociétés comme les vôtres qui, d'un côté, possèdent un riche héritage de traditions culturelles, et, de l'autre, sont menacées par des courants de matérialisme et d'individualisme. Pour cette raison, les hommes et les femmes contemplatifs ne devraient pas seulement cultiver avec soin la vie de prière à laquelle ils sont appelés, mais devraient devenir de véritables maîtres de prière pour le clergé et pour les laïcs.
7. Dans la mission de l'Eglise, les laïcs ont une responsabilité et une tâche spécifiques: ils sont appelés à être "le sel de la terre" et "la lumière du monde" (cf. Mt 5,13-14). En vertu de leur baptême et de leur confirmation, tous les laïcs sont missionnaires, et c'est dans le monde qu'ils sont appelés à diffuser l'Evangile de Jésus-Christ. Dans l'Eglise locale de Taïwan, leur rôle est d'autant plus vital: bien que leur nombre soit proportionnellement restreint, ils agissent comme un levain dans la société, la transformant selon les valeurs de l'Evangile. A travers leur foi, leur bonté et leur service bienveillant, ils peuvent contribuer à la diffusion d'une authentique culture chrétienne, caractérisée par le respect pour la vie à chacune de ses étapes, par une vie de famille dynamique, par une sollicitude pleine d'attention pour les malades et les personnes âgées, par l'harmonie, la coopération et la solidarité entre tous les secteurs de la société, par le respect pour ceux qui pensent différemment et par l'engagement à promouvoir le bien commun. En vivant leur vocation chrétienne, les laïcs se tournent vers vous pour trouver un soutien, un encouragement et une orientation. En effet, ils doivent affronter les défis de la société contemporaine "non seulement selon la sagesse et l'efficacité du monde, mais aussi selon les dispositions d'un coeur renouvelé et fortifié par la vérité du Christ" (Ecclesia in Asia ). Votre tâche consiste à les éduquer et à les inspirer, à travers la parole et l'exemple, afin qu'ils puissent témoigner du Christ dans leur maison, sur leur lieu de travail et dans toutes leurs activités.
8. Etant donné que l'essence de chaque Eglise particulière est de vivre en communion avec l'Eglise universelle, un Evêque ne peut manquer d'être sensible aux besoins de l'Eglise dans le monde. Telle est la sollicitudo omnium Ecclesiarum dont parle l'Apôtre Paul (cf. 2Co 11,28). De diverses façons, l'Eglise qui est à Taïwan a répondu partout aux besoins et aux aspirations des chrétiens, en particulier au niveau régional, en offrant des moyens éducatifs, un soutien financier au personnel ecclésial venu d'autres régions d'Asie, et des ressources pour l'activité missionnaire. Votre préoccupation se traduit en particulier par l'attention que vous accordez à vos frères et soeurs du continent qui ont en commun avec vous de nombreuses valeurs culturelles, spirituelles et historiques. En cela, vos efforts visent à promouvoir la compréhension mutuelle, la réconciliation et l'amour fraternel entre tous les catholiques de la grande famille chinoise. Je suis certain que ces efforts, accomplis en communion avec d'autres Eglises particulières et le Siège de Pierre, contribueront à surmonter les difficultés du passé, afin que des possibilités toujours nouvelles de dialogue et d'enrichissement spirituel et humain réciproque puissent voir le jour.
9. Chers frères dans l'épiscopat, chaque situation est une occasion pour les chrétiens de montrer la force qu'est devenue la vérité du Christ dans leur vie. Bien que la sécularisation croissante puisse donner l'impression que la société moderne est imperméable aux valeurs spirituelles et transcendantes, de nombreuses personnes recherchent un sens à leur vie et le bonheur que seul Dieu peut offrir. La conviction qui m'a accompagné tout au long de mon pontificat est celle-ci: "Le pouvoir absolu et pourtant très doux du Seigneur, répond à ce qu'il y a de plus profond en l'homme, aux aspirations les plus nobles de son intelligence, de sa volonté, de son coeur" (Homélie, 22 octobre 1978, n. 4, cf. ORLF n. 43 du 24 octobre 1978). Cette puissance, qui a sa source non pas dans le pouvoir terrestre, mais dans le mystère de la Croix et de la Résurrection, est la véritable source de notre confiance dans l'exercice de notre ministère. Nous savons que le Seigneur ne nous abandonnera jamais dans notre mission pastorale, si nous plaçons notre confiance en lui et faisons appel à lui. Mettez-vous donc en marche avec courage, avec la certitude que le Christ qui connaît chaque coeur humain est avec vous.
Chers frères, avec affection dans le Seigneur pour tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral, je confie toute l'Eglise qui est à Taïwan à la protection maternelle de Marie, Etoile lumineuse de l'Evangélisation à toute époque, et je donne de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique.
Février 2002
Discours 2002 - Assisi, 24 janvier 2002