Discours 2002 - Mardi 29 janvier 2002


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE LA CONGRÉGATION POUR L'ÉDUCATION CATHOLIQUE

Lundi 4 février 2002



Vénérés Cardinaux,
Chers Confrères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

1. C'est pour moi un motif de joie de vous accueillir au début de la Session plénière de votre dicastère. En adressant à chacun mon salut cordial, je désire remercier de façon particulière le Cardinal Zenon Grocholewski, votre Préfet, pour les paroles nobles et chaleureuses avec lesquelles il a interprété vos sentiments.

J'ai écouté avec attention ce que le Cardinal-Préfet m'a exposé au sujet du programme et j'ai également lu le matériel préparatoire de ces intenses journées de réflexion. L'Eglise vit du dialogue fraternel permanent entre la Curie romaine et les Conférences épiscopales. Ce dialogue se déroule habituellement à travers la correspondance ordinaire, mais il exige parfois également des moments de profond partage et d'échange. L'Assemblée plénière est l'un de ces moments, grâce auxquels se développe une collaboration fructueuse et se renforce l'unité dans l'engagement constant au service de la communion ecclésiale.


2. Vous examinez actuellement des Orientations pour l'utilisation des compétences psychologiques dans l'admission et dans la formation des candidats au sacerdoce. Il s'agit d'un document qui se présente comme un instrument utile pour les éducateurs, appelés à discerner l'idonéité et la vocation des candidats en vue de leur bien et de celui de l'Eglise. Naturellement, l'apport des sciences psychologiques doit être inséré de façon équilibrée au sein de l'itinéraire de la vocation, en l'intégrant dans le cadre de la formation globale du candidat, de façon à sauvegarder la valeur et l'espace propres à l'accompagnement spirituel. Le climat de foi, le seul dans lequel puisse mûrir la réponse généreuse à la vocation reçue de Dieu, permettra une compréhension correcte de la signification et de l'utilité du recours à la psychologie, qui n'élimine pas toute difficulté et tension, mais qui favorise une plus profonde prise de conscience et un exercice plus aisé de la liberté, pour engager une lutte ouverte et franche, avec l'aide irremplaçable de la grâce.

C'est pourquoi, il sera opportun d'accorder une attention particulière à la préparation d'experts en psychologie, qui devront allier à un bon niveau scientifique, une compréhension profonde de la conception chrétienne à propos de la vie et de la vocation au sacerdoce, de façon à être en mesure de fournir un soutien efficace à la complémentarité nécessaire entre la dimension humaine et la dimension surnaturelle.


3. J'ai également remarqué avec satisfaction le profond engagement dont vous avez fait preuve pour mener à bien les Visites apostoliques aux séminaires de droit commun et le désir d'en offrir une vision synthétique pour en assurer l'efficacité.

L'attention portée aux séminaires revêt aujourd'hui une importance tout à fait particulière, en raison de la situation générale dans laquelle se trouve l'Eglise. Il est nécessaire de faire en sorte que la formation qui y est dispen-sée soit d'un excellent niveau du point de vue intellectuel aussi bien que spirituel. Les candidats doivent être formés à la pratique de la prière, de la méditation, de l'ascèse personnelle, fondée sur les vertus théologales vécues dans la vie quotidienne.

Il faudra, d'une façon particulière, susciter chez les élèves la joie de leur propre vocation. Le célibat pour le Royaume de Dieu devra être présenté comme un choix éminemment favorable à l'annonce joyeuse du Christ ressuscité. Il sera important, de ce point de vue, de susciter dans les âmes des séminaristes le goût de la charité ecclésiale et apostolique: vivre en communion avec le Christ, avec les Supérieurs, avec ses compagnons est la préparation la plus adaptée pour les futurs engagements du ministère.


4. Vous avez également l'intention d'affronter le débat à propos de la formation des étudiants en Droit canonique. Il s'agit d'un thème très actuel: le Droit canonique fondé sur l'héritage juridique et législatif d'une longue tradition, doit être considéré comme un instrument qui, reposant sur le primat de l'amour et de la grâce, assure l'ordre juste dans la vie de la société ecclésiale, ainsi que de chaque individu qui y appartient en vertu du Baptême.

Dans les circonstances actuelles, l'Eglise a besoin de spécialistes dans cette discipline, pour affronter les exigences juridiques et pastorales, qui apparaissent aujourd'hui encore plus complexes que par le passé. Les réflexions que vous proposerez à ce sujet, avec la contribution des Pères de l'Assemblée plénière provenant de diverses parties du monde, vous permettront d'élaborer des orientations appropriées pour l'action future du dicastère.


5. Au cours de ces journées, votre attention se concentrera également sur le rôle des personnes consacrées (religieux et religieuses) dans le monde de l'éducation. L'Eglise a une dette de reconnaissance envers les personnes consacrées, en raison des pages merveilleuses de dévouement à la cause de l'éducation et de l'évangélisation qu'elles ont écrites, en particulier au cours des deux derniers siècles. Dans l'Exhortation post-synodale Vita consecrata, j'ai déjà eu l'occasion de souligner leur caractère irremplaçable dans le monde de l'éducation. Tout en étant conscient des difficultés de nombreuses familles religieuses, je renouvelle aujourd'hui l'invitation à continuer à faire entrer "dans le champ de l'éducation le témoignage radical des biens du Royaume" (VC 96).

Une caractéristique particulière de la communauté éducative, qui oeuvre au sein de l'école catholique, est constituée par la présence de personnes consacrées et de laïcs. Les uns et les autres peuvent et doivent enrichir le projet éducatif par l'expérience qui leur est propre. Cela pourra avoir lieu si, dans leur formation spirituelle, ecclésiale et professionnelle, ils savent poursuivre l'objectif d'une mission partagée.


6. En ce qui concerne le secteur des vocations, l'Oeuvre pontificale pour les Vocations ecclésiastiques, qui accompagne et anime la pastorale des vocations depuis 1941, accomplit un travail précieux. En celle-ci, l'action princeps est la prière, en obéissance au mandat du Christ: "Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson" (Mt 9,38 Lc 10,2). C'est pour cette raison que la Journée mondiale de prière pour les Vocations, que l'on célèbre désormais depuis trente-neuf ans, pour faire participer toutes les communautés chrétiennes à une intense prière commune, afin que ne manquent pas de nombreuses et saintes vocations sacerdotales et religieuses, revêt une grande valeur.

Je constate avec satisfaction que, à la suite de l'impulsion donnée par l'Oeuvre pontificale susmentionnée, le programme des Congrès continentaux sur les vocations aux ministères ordonnés et à la vie consacrée a été poursuivi. Au mois d'avril prochain, après un travail fructueux d'interpellation des communautés diocésaines et régionales, sera célébré à Montréal le troisième Congrès pour l'Amérique du Nord, après ceux pour l'Amérique latine et l'Europe, dont les travaux ont été un succès. Il s'agit d'un événement que toute l'Eglise suivra en prière, comme j'ai déjà invité à le faire dans mon Message pour la prochaine Journée mondiale de prière pour les vocations. Je suis certain que cet important événement ecclésial, dont la date et le lieu sont providentiellement proches de la Journée mondiale de la Jeunesse à Toronto, fera croître dans les Eglises locales un engagement renouvelé au service des vocations et un enthousiasme plus généreux parmi les chrétiens du "Nouveau Monde".

Poursuivez votre service de soutien à la pastorale des vocations dans un esprit de joyeuse gratitude à l'égard du Seigneur pour le don incessant de vocations au ministère ordonné et à la vie consacrée et affrontez avec une confiance active les préoccupations dues au manque de vocations dans certaines parties du monde, ainsi que celles liées aux graves exigences du discernement et de la formation de ceux qui sont appelés.


7. Je veux vous remercier, enfin, pour le service quotidien que vous rendez à l'Eglise en tant que Congrégation dans le secteur des Séminaires, des Universités et des Ecoles, en un mot dans le vaste monde de l'éducation. On attend des institutions éducatives une contribution fondamentale à l'édification d'un monde plus humain, fondé sur les valeurs de la justice et de la solidarité.

En vous assurant d'une prière spéciale pour votre travail au cours de l'Assemblée plénière, j'invoque sur tous d'abondantes lumières célestes, en gage desquelles je vous donne de tout coeur ma Bénédiction.



AUX MEMBRES DU CHAPITRE GÉNÉRAL DES SOEURS CAPUCINES DE MÈRE FRANCESCA RUBATTO

Jeudi 7 février 2002




Très chères Soeurs capucines de Mère Rubatto!

1. Je suis heureux de vous rencontrer, en conclusion de votre Chapitre général. Je vous salue avec affection, en adressant une pensée particulière à la Mère générale et aux Consoeurs qui l'assistent dans le service difficile de gouverner et d'animer l'Institut. J'étends mon salut cordial à toutes les religieuses qui exercent leur activité dans différents endroits du monde, en diffusant à travers leurs multiples activités apostoliques, de formation et de solidarité, la bonne semence de l'Evangile, selon le charisme franciscain et capucin spécifique de l'Institut.

Au cours de ces journées, vous avez réfléchi sur votre identité et sur votre mission, afin d'orienter l'Institut tout entier vers de nouvelles oeuvres apostoliques. Je souhaite de tout coeur que, des orientations issues des travaux capitulaires, fleurisse un élan de spiritualité et d'engagement renouvelé, sur les bases de l'intuition originale de votre fondatrice.

2. L'existence de Mère Francesca Rubatto, que j'ai eu la joie de proclamer bienheureuse le 10 octobre 1993, est fondée sur deux grands axes: l'amour ardent pour Dieu, perçu comme "bien suprême" (cf. Saint François d'Assise, Louanges au Dieu très-haut, 5: Sources franciscaines, 261), et le service inlassable aux frères, en particulier aux plus démunis et aux laissés-pour-compte. Sous la direction de maîtres à l'esprit éclairé, votre Mère suivit l'exemple de saint François et de sainte Claire, pour être dans l'Eglise et dans la société un signe humble mais éloquent de l'Evangile vécu "sine glossa" (cf. Légende de Pérouse, 69.113: Sources franciscaines, 1622.1672).

En tant que ses filles spirituelles, sachez vous aussi devenir pauvres dans l'existence personnelle et dans l'activité quotidienne, en choisissant la dernière place en toute simplicité et en servant vos frères dans une joie franciscaine. Vous serez ainsi les soeurs missionnaires du peuple, engagées dans l'annonce et le témoignage de l'Evangile à tous ceux que vous rencontrez sur votre chemin.

L'activité apostolique et le service à vos frères revêtiront ainsi une dimen-sion d'amour significative, en tirant leur lymphe de l'union intime avec Dieu, alimentée par la prière et, en particulier, par l'intimité avec Jésus Eucharistie. Mère Francesca possédait une foi vivante et ardente en Jésus présent dans le Très Saint Sacrement, et elle souhaitait que l'Eucharistie soit le coeur de la Famille religieuse qu'elle avait fondée. Unie au Christ dans l'offrande de sa propre vie, elle exprimait sa participation au Mystère pascal à travers le don total d'elle-même au prochain.

Sur l'exemple de la Bienheureuse Fondatrice, sachez vous aussi rompre le pain de votre existence de personnes consacrées dans les divers domaines de votre service au prochain: de la catéchèse à l'éducation scolaire, de l'assistance aux malades à la solidarité avec les indigents, de la collaboration dans la pastorale paroissiale à la mission "ad gentes".

Face aux défis des temps nouveaux, faites revivre l'inspiration fondamentale de Mère Francesca, en la traduisant dans les nouveaux milieux apostoliques qui s'ouvrent à vous, soutenues par la même ardeur envers Dieu et par la même ouverture envers les besoins du prochain.

3. Sachez en particulier conserver intact votre style de vie, plusieurs fois souligné par votre Fondatrice. A propos de l'esprit qui doit animer la figure de la soeur capucine, elle écrivait à un groupe de novices: "Elle sert le Seigneur avec joie, elle accomplit avec amour les charges qui lui sont confiées, elle travaille sans se lasser car elle sait que son travail aux côtés du Seigneur est précieux. Mais après s'être dépensée pour la gloire de Dieu, qu'elle aime tant, elle se définit comme une servante inutile du Seigneur, étant convaincue de l'être, car elle sait qu'elle n'est capable de rien sans l'assistance divine" (Aux novices de Montevideo et de Rosario: Lettres, Gênes 1995, p. 550).

Servir les frères sans réserve et sans limite: voilà ce qui incita la bienheureuse Francesca Rubatto à ouvrir son coeur et la vie de l'Institut à la dimension missionnaire, qu'elle a elle-même reconnue "comme une grâce spéciale faite à notre communauté" (A Soeur Felicita: Op. cit., p. 129). C'est ce même esprit qui anima les soeurs missionnaires qui, le 13 mars 1901, témoignèrent jusqu'au sacrifice suprême de leur vie, leur fidélité au Christ et leur don d'amour au prochain dans la mission d'Alto Alegre, au Brésil.

Que leur exemple vous incite à intensifier chacun de vos efforts pour traduire de façon toujours plus adaptée votre charisme par de nouveaux choix de vie et d'activité apostolique. Pour ma part, je vous assure de ma proximité spirituelle, à travers mon affection et ma prière.

Que vous assiste l'intercession céleste de François et de Claire d'Assise. Que vous protège la multitude de saints et de saintes de la famille religieuse capucine, au sein de laquelle la bienheureuse Francesca Rubatto brille d'une lumière spéciale. Que vous accompagne également ma Bénédiction, que je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos Communautés religieuses présentes en Italie et dans le monde.




À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL "COR UNUM"

Jeudi 7 février 2002



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de souhaiter une cordiale bienvenue à chacun de vous, à l'occasion de la vingt-quatrième Assemblée plénière du Conseil pontifical "Cor Unum". Je salue le Président, Mgr Joseph Cordes, et je le remercie pour les paroles cordiales qu'il m'a adressées au nom des personnes présentes, en commençant par le Secrétaire et ses collaborateurs du dicastère. Je salue Messieurs les Cardinaux, les Evêques, les prêtres, les religieux et les religieuses, ainsi que les laïcs provenant de divers lieux et qui participent à l'Assemblée plénière; certains d'entre eux ont été nommés récemment. A tous et à chacun, j'exprime ma plus sincère reconnaissance pour la disponibilité et l'esprit de collaboration dont ils font preuve dans un domaine si important de l'apostolat ecclésial.

A travers le Conseil pontifical "Cor Unum", l'amour de l'Eglise atteint de nombreux pauvres et personnes dans le besoin du monde entier, en s'appuyant sur de nombreuses interventions et initiatives des communautés locales et des Institutions caritatives internationales.

2. Pour votre Assemblée plénière, vous avez choisi cette année d'approfondir le thème du volontariat, un phénomène important qui réveille aujourd'hui de nombreuses énergies de bien dans l'Eglise et dans le monde. Il s'agit d'un thème qui a été également au centre de l'attention des Nations unies. C'est précisément au volontariat que l'ONU a consacré sa réflexion l'an dernier.

Le volontariat, fruit de choix conscients, bien que parfois difficiles, offre à la société, outre un service concret, également le témoignage de la valeur de la gratuité. Hautement éloquent en soi, cette valeur va à contre-courant de l'individualisme, malheureusement répandu dans nos sociétés, en particulier dans celles qui vivent dans l'opulence. Face à des intérêts économiques qui semblent souvent constituer la catégorie dominante des relations sociales, l'action des volontaires vise à mettre en évidence la place centrale de l'homme. C'est la personne, en tant que telle, qui mérite toujours d'être servie et aimée, en particulier lorsqu'elle est frappée par le mal et la souffrance ou lorsqu'elle est marginalisée ou offensée.

Dans ce sens, le volontariat représente un facteur important d'humanisation et de civilisation. A l'occasion de la Journée du Volontariat, le 5 décembre dernier, pour souligner l'intérêt avec lequel l'Eglise considère ce vaste phénomène, j'ai voulu adresser un Message à tous ceux qui sont engagés dans le domaine du service à l'homme et au bien commun. Dans celui-ci, j'ai répété la valeur de cette expérience, qui offre à tous la possibilité de vivre concrètement l'appel à l'amour, inscrit dans le coeur de tout être humain.

3. Pour les chrétiens, la racine de cet engagement se trouve dans le Christ. C'est par amour que Jésus a donné sa vie à ses frères, et il l'a fait gratuitement. Les croyants en suivent l'exemple. Engagés ainsi dans de multiples domaines d'action humanitaire, ils peuvent devenir pour les non-croyants un véritable encouragement à ressentir la profondeur du message évangélique. Ils montrent de façon concrète que le Rédempteur de l'homme est présent dans le pauvre et dans la personne qui souffre, et qu'il veut être reconnu et aimé dans chaque créature humaine.

Afin que ce témoignage soit incisif, je souhaite que tous ceux qui oeuvrent dans des associations et des institutions catholiques de volontariat prennent pour modèles les nombreux saints de la charité, qui à travers leur existence, ont tracé dans l'Eglise un sillon lumineux d'héroïsme évangélique. Que chacun ait à coeur de rencontrer personnellement le Christ, qui emplit d'amour le coeur de ceux qui veulent servir le prochain.


4. Votre Assemblée plénière se déroule quelques mois après le trentième anniversaire de la fondation du Conseil pontifical "Cor Unum", institué le 15 juillet 1971 par le serviteur de Dieu Paul VI. Trois décennies se sont déjà écoulées, qui ont vu croître et se diffuser l'action caritative de l'Eglise à travers le service des organismes ecclésiaux et la contribution d'innombrables fidèles. Les résultats obtenus confirment la valeur de l'intuition de mon vénéré prédécesseur qui, en accueillant les orientations apparues lors du Concile oecuménique Vatican II, a voulu instituer auprès du Siège apostolique un organisme de coordination et d'animation des nombreuses institutions présentes dans l'Eglise dans le domaine de la promotion humaine et de la solidarité chrétienne.

Aujourd'hui encore, dans votre Con-seil pontifical, les diocèses et les organisations catholiques destinés à l'exercice de la charité trouvent un lieu de rencontre, de dialogue et d'orientation, afin que l'on puisse intervenir plus efficacement dans les milieux frappés par les diverses formes de pauvreté.

5. En rendant grâce à Dieu pour les trente ans d'activité de "Cor Unum", je ressens le besoin de renouveler ma gratitude pour la sollicitude avec laquelle en de nombreuses occasions, et parfois dans des contextes douloureux et tragiques, celui-ci s'est fait l'interprète de la charité du Pape. En particulier, je voudrais rappeler les actions accomplies récemment dans le domaine de l'assistance aux réfugiés d'Afghanistan, ainsi que dans d'autres régions de la terre frappées par la guerre ou par les catastrophes naturelles.

Chers frères et soeurs, je vous encourage à poursuivre cette oeuvre commencée avec succès, à travers laquelle vous contribuez dans une large mesure à la promotion de la dignité de l'homme et à la cause de la paix. Je forme également des voeux afin que l'effort quotidien que vous accomplissez pour animer la pastorale caritative des Communautés diocésaines et pour soutenir votre volontariat catholique se traduise par une annonce toujours plus incisive de l'Evangile de l'espérance et de la charité.

Avec ces voeux, tandis que je vous confie à la protection maternelle de la Vierge Marie, en signe de ferveur spirituelle et de tout bien désiré, je vous donne de tout coeur à chacun une Bénédiction apostolique particulière.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DES PHILIPPINES LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi 8 février 2002



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui au Vatican et d'accepter les Lettres de Créance qui vous nomment Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République des Philippines près le Saint-Siège. Votre pays et le Saint-Siège entretiennent des relations diplomatiques depuis désormais cinquante ans, et je suis certain que vous oeuvrerez pour étendre et renforcer les liens étroits d'amitié et de coopération qui existent entre nous. Je suis profondément reconnaissant pour les salutations que vous me transmettez de la part de S.E. Mme le Président Gloria Macapagal-Arroyo et de la part du gouvernement et du peuple des Philippines. Je vous prie de leur transmettre en retour l'assurance de mon estime et de ma bonne volonté, ainsi que de mes prières pour l'harmonie et le développement continu de la nation.

Votre Excellence, vos paroles au sujet des espérances et des efforts du peuple philippin dans la cause de la paix dans leur pays et dans le monde, sont un écho de l'aspiration universelle à la bonté, à la justice et à la solidarité dans les relations humaines, qui a été cruellement ébranlée par les événements des derniers mois. En tant que croyants, nous savons que la paix n'est pas le résultat uniquement de projets et d'efforts humains, mais qu'elle est un don de Dieu au monde qu'il a créé. Elle est la plénitude de ses bénédictions à l'homme, la seule créature que Dieu a voulue pour elle-même (cf. Gaudium et spes GS 24). La récente rencontre pour la Paix à Assise, qui a réuni les représentants des Eglises chrétiennes et des Communautés ecclésiales, ainsi que les fidèles des principales religions du monde, a montré que des personnes d'origines culturelles et religieuses très diverses sont fermement convaincues que la violence sous toutes ses formes est totalement incompatible avec le véritable sentiment religieux et même avec la dignité humaine. Les chefs des nations ont le devoir de trouver les moyens pratiques et techniques de traduire en lois, en institutions et en actions les aspirations du coeur humain pour la tranquillité de l'ordre qui est la véritable paix.

Votre propre pays n'est pas sans ressentir les effets des événements actuels. Aucune solution négociée n'a été apportée aux difficultés de longue date et les conflits se sont aggravés. Permettez-moi de répéter ici ce que j'ai proposé dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année. Les piliers de la paix dans votre pays, comme partout ailleurs, sont la justice et le pardon: la justice qui garantit le plein respect des droits et des responsabilités et la distribution équitable des profits et des charges; et le pardon qui guérit et qui rétablit en profondeur les rapports humains perturbés (cf. n. 3). Nous ne pouvons certainement pas penser que la justice et le pardon découleront de la violence et du conflit; il s'agit de vertus morales qui guident notre responsabilité personnelle et collective à choisir ce qui conduit au bien commun et à éviter tout ce qui nie ou déforme la vérité de notre être.

Tous les hommes et les femmes de raison reconnaissent que le bien commun est l'objectif d'un bon gouvernement. Mais ce bien est un bien humain, qui vise le bien-être intégral des personnes dans toute la complexité de leurs vies personnelles et interpersonnelles. Ce serait une grave erreur de limiter les politiques publiques à la recherche du progrès économique, qui est trop souvent mesuré en termes de croissance de la consommation, comme si cela seul pouvait suffire à satisfaire les aspirations d'un peuple. Comme je l'ai écrit dans la Lettre encyclique Centesimus annus, "Il n'est pas mauvais de vouloir vivre mieux, mais ce qui est mauvais, c'est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l'avoir et non vers l'être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus, mais pour consommer l'existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin" (CA 36). Le véritable progrès ne peut manquer de prendre en considération les traditions et les besoins culturels et spirituels d'un peuple. A cet égard, les politiques et les programmes réussissent ou échouent en fonction de l'importance qu'ils attribuent au développement humain intégral. C'est pourquoi, la mondialisation croissante de l'économie, avec son nivellement des différences culturelles, n'est pas nécessairement et systématiquement une solution aux besoins réels. En fait, elle peut aggraver les déséquilibres déjà évidents entre ceux qui bénéficient de la capacité croissante du monde à produire des richesses et ceux qui sont laissés en marge du progrès. Le grand défi moral auquel les nations et la Communauté internationale doivent faire face consiste à allier le développement à la solidarité - un réel partage des bénéfices - afin de surmonter le sous-développement déshumanisant et le "surdéveloppement" qui considère les personnes comme de simples unités économiques dans un système de consommation (cf. Ecclesia in Asia ). Le développement n'est donc jamais une simple question technique ou économique; il est fondamentalement une question humaine et morale. Il exige un sens renouvelé de l'engagement moral de la part de ceux qui servent le bien commun.

La question aujourd'hui est de savoir si la culture dominante peut placer la vie économique et politique dans un véritable contexte moral, afin d'assurer que le bien commun soit servi. C'est précisément sur ce point qu'une coopération fructueuse entre les autorités publiques et l'Eglise est nécessaire. Chacune dans son domaine sert le développement intégral des membres de la société. Monsieur l'Ambassadeur, il existe dans votre pays une longue tradition de coopération et de soutien mutuels entre l'Eglise et la société civile. Les moments difficiles n'ont pas manqué, mais en règle générale, ils ont été surmontés de façon rapide et satisfaisante. En de nombreuses occasions, j'ai encouragé les évêques des Philippines dans leurs efforts en vue d'éduquer et de former les laïcs à l'enseignement religieux et social qui leur permettra de transformer et d'édifier dans la justice et la solidarité la société dans laquelle ils vivent. Des défis importants attendent votre nation et ils exigent l'engagement le plus profond de la part de tous ses citoyens, y compris la contribution particulière des jeunes. En se fondant sur les meilleures traditions philippines de la vie familiale, de la préoccupation et du service réciproque, et en réduisant les excès de privilège et d'intérêts partisans, la nation pourra se tourner vers un avenir lumineux.

Monsieur l'Ambassadeur, en entrant dans la communauté des diplomates accrédités près le Saint-Siège, vous serez conscient d'entrer dans un cadre différent de celui dans lequel évoluent généralement les représentants diplomatiques. Ici, vous aurez la possibilité de réfléchir personnellement sur les questions les plus profondes concernant le progrès de l'humanité. Ici, vous pourrez contribuer à un débat permanent sur les vérités qui sous-tendent les événements et les courants de notre histoire humaine. Avec tous mes voeux de succès pour votre mission, j'invoque les Bénédictions de Dieu tout-puissant sur vous, sur votre famille et sur le bien-aimé peuple philippin.



AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE INTERNATIONALE DES ÉVÊQUES ET PRÊTRES, AMIS DE LA COMMUNAUTÉ DE SANT'EGIDIO

Vendredi 8 février 2002



Vénérés confrères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

1. Je suis particulièrement heureux de vous adresser mon salut, alors que vous participez à la quatrième Rencontre internationale des évêques et des prêtres, amis de la Communauté de Sant'Egidio. Vous êtes venus à Rome de divers endroits du monde pour vivre ensemble quelques jours de réflexion sur la primauté de la sainteté et de la prière dans la mission de l'Eglise. Je sais qu'ont aussi participé à cette rencontre des personnes appartenant à d'autres Eglises et à d'autres communautés ecclésiales. C'est avec joie que je leur souhaite la bienvenue, et je les salue fraternellement. Le début de ce nouveau millénaire exige de tous les disciples du Christ une plus grande fidélité dans l'adhésion à l'Evangile et dans la recherche de l'unité.

Dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, dans laquelle j'indique certaines perspectives prioritaires pour l'Eglise après le Jubilé, j'ai invité à "avancer en eau profonde" avec courage sur la mer du nouveau millénaire. Nous ne partons pas en comptant sur nos pauvres forces, mais avec la certitude de l'aide du Seigneur, comme il l'a assuré alors qu'il montait au ciel: "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Parmi les dimensions importantes du cheminement de l'Eglise, il y a la sainteté et la prière: "Pour cette pédagogie de la sainteté, il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l'art de la prière" (Novo millennio ineunte NM 32). "Oui, très chers frères et soeurs, nos communautés chrétiennes - concluais-je - doivent devenir d'authentiques "écoles" de prière" (ibid., NM NM 33). La Communauté de Sant'Egidio a tiré sa force d'amour précisément de son effort pour devenir "école de prière". Chaque soir, à Rome, ses membres se recueillent dans la basilique de Santa Maria in Trastevere pour prier. Et tous ceux qui adhèrent à la Communauté font de même dans les églises réparties à travers le monde.

2. Dans les jours qui viennent, vos réflexions et les résolutions que vous prendrez sont destinées à enrichir votre bagage spirituel et pastoral pour les temps à venir. Le siècle qui vient de commencer attend que l'Evangile soit diffusé "sine glossa", comme aimait à dire saint François; il attend des disciples qu'ils en soient des témoins cohérents jusqu'au bout. Nous avons face à nous la foule innombrable des évêques, des prêtres et des fidèles qui, au XXème siècle, ont donné leur vie pour l'Evangile. Que le témoignage de ces "nouveaux martyrs", que j'ai voulu rappeler de façon particulière lors du Jubilé, constitue pour nous tous un héritage précieux.

Je suis certain que l'amitié avec la Communauté de Sant'Egidio vous est profitable tant sur le plan personnel que sur le plan ecclésial. J'ai rencontré la Communauté dès le début de mon pontificat, et j'ai pu constater sa vitalité spirituelle et sa passion missionnaire. Je l'ai vue oeuvrer dans l'Eglise de Rome, et à partir de là cheminer à travers le monde. J'aime me remémorer un beau chant qui l'accompagne partout: "Nous n'avons pas de nombreuses richesses, mais seulement la Parole du Seigneur". Ce chant, dans lequel résonnent les paroles de Pierre au paralytique assis à la Belle Porte du Temple (cf Ac 3,6), rappelle que l'Evangile est la vraie force de l'Eglise, sa richesse. Il l'était au commencement et il l'est encore aujourd'hui, alors qu'elle s'engage dans le nouveau siècle.

3. Je sais que vous avez célébré hier l'anniversaire de la Communauté de Sant'Egidio dans la Basilique Saint-Jean-de-Latran, Cathédrale de Rome. Alors que je remercie Monseigneur Vincenzo Paglia pour les paroles qu'il m'a adressées, je salue également de tout mon coeur le professeur Andrea Riccardi, qui, le 7 février 1968, ouvrit le chemin de la Communauté. Trente-quatre années se sont désormais écoulées. Elles ont été des années d'écoute de l'Evangile et d'amitié avec tous. On pourrait dire que l'amitié caractérise chaque dimension de la vie de la Communauté de Sant'Egidio. L'amitié vécue dans la sensibilité évangélique est une façon efficace d'être chrétiens dans le monde: cela permet de franchir les frontières et de combler les distances, même quand elles semblent insurmontables. Il s'agit d'un véritable art de la rencontre, d'une attention prévenante pour le dialogue, d'une passion remplie d'amour pour la transmission de l'Evangile. Cette amitié devient une force de réconciliation: une force vraiment nécessaire à une époque dramatiquement marquée par les conflits et les affrontements violents.


4. Nous venons de célébrer la rencontre de prière pour la paix dans la ville de saint François. Depuis la première rencontre de 1986, la Communauté s'est faite la promotrice, année après année, de rencontres qui ont diffusé l'"esprit d'Assise" dans le ciel de diverses villes européennes. Il en est né un mouvement singulier d'hommes et de femmes de différentes religions qui, sans aucune confusion, n'ont toutefois pas cessé d'invoquer de Dieu la paix pour tous les peuples.

Que ce début de millénaire, vénérés confrères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, amis de la Communauté de Sant'Egidio, vous trouve tous attentifs à l'appel du Seigneur, pour que vous "avanciez en eau profonde" afin de communiquer à tous les peuples l'Evangile de l'amour. Avec ce souhait, je vous assure de ma prière, et je vous bénis de tout coeur.





Discours 2002 - Mardi 29 janvier 2002