Discours 2003 - Mardi 11 février 2003




  Chers frères dans l'épiscopat,
vénérés Pères, chers Frères Bernardins,

Je vous souhaite à tous une cordiale bienvenue. Vous êtes venus à Rome, en visitant le long de votre parcours les tombeaux de saint François et de saint Bernardin de Sienne, pour rendre grâce à Dieu, ici, aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, à l'occasion des 550 ans de présence des frères mineurs (Bernardins) sur la terre polonaise. Je m'unis volontiers à cette action de grâce, car je sais tout le bien qu'elle a apporté, et combien elle s'est inscrite profondément dans notre spiritualité et notre culture natales.

Ce jubilé est lié à la fondation du Couvent de Cracovie. Ce couvent et la basilique rue Bernardynska sont chers à mon coeur. Lorsque j'étais jeune, je m'y rendais très souvent de même que plus tard, comme prêtre et enfin, comme Evêque de Cracovie. J'ai également eu de nombreuses rencontres avec votre communauté. De façon particulière, je garde le souvenir de la rencontre et du Symposium scientifique, qui se sont déroulés dans le cadre du jubilé de saint François, en avril 1976. Je me souviens de ce que j'ai dit alors en introduisant le Congrès: "Nous devons tant prier pour obtenir un François de notre temps. Peut-être pas un seul, mais de nombreux François. Nous vivons à une époque où le Concile Vatican II nous a révélé dans sa plénitude la dimension du Peuple de Dieu. Peut-être faut-il, en ces temps démocratiques, que François devienne notre profil à nous tous, le profil de toute l'Eglise de Pologne".

Il semble que ces paroles n'aient rien perdu de leur actualité. On aurait même l'impression que l'homme et le monde du troisième millénaire attendent peut-être plus que jamais d'être empreints de l'esprit de saint François. L'homme d'aujourd'hui a besoin de la foi, de l'espérance et de la charité de saint François; il a besoin de la joie qui jaillit de la pauvreté d'esprit, c'est-à-dire d'une liberté intérieure; il veut apprendre à nouveau l'amour de tout ce que Dieu a créé; il a besoin, enfin, que dans les familles, dans les sociétés et entre les nations règnent la paix et le bien. C'est de cela qu'ont besoin la Pologne, l'Ukraine et le monde entier.

C'est pourquoi votre communauté, - en célébrant le jubilé - tandis qu'elle tourne son regard vers le passé et rend grâce à Dieu pour tout le bien reçu par le passé, est appelée de façon particulière à se tourner également vers l'avenir. Vous êtes appelés à demander à Dieu de devenir toujours plus pleinement les témoins de l'esprit de François. Je prie avec vous pour obtenir ce don. Et, étant donné que nous vivons actuellement l'Année du Saint Rosaire, je le fais à travers l'intercession de Marie, en invoquant celui qui en fut un dévot extraordinaire - votre fondateur et patron, saint Bernardin de Sienne.

Je rends grâce à Dieu également pour les dix ans de la Custodie de saint Michel Archange en Ukraine. Il ne s'agit pas d'un grand jubilé, mais il est important; il constitue une invitation à une grande action de grâce pour tout le bien qui est devenu une partie du bien-aimé Peuple de Dieu en Ukraine, grâce à votre ministère persévérant et dévoué.

Je remercie Dieu une fois de plus pour l'accueil qui m'a été réservé par la Province de l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie du sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska. Je souhaite que votre communauté croisse en nombre et en grâce, et que l'intercession et l'exemple des saints patrons François et Bernardin, vous soutiennent sur les voies de la sainteté.

Je voudrais également saluer de tout coeur les professeurs et les séminaristes du séminaire Mundelein de Chicago.

Dieu vous bénisse!



XI JOURNÉE MONDIALE DU MALADE - AUX MALADES, EN MÉMOIRE LITURGIQUE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE DE LOURDES

Mardi 11 février 2003




  Très chers frères et soeurs!

1. Chers malades, comme chaque année, c'est avec une grande joie que je viens vous rencontrer au terme de cette célébration qui vous est spécialement consacrée. Mon premier salut s'adresse à vous, qui êtes les protagonistes de la Journée mondiale du Malade d'aujourd'hui. J'étends volontiers mon salut à ceux qui sont à vos côtés, vos proches, vos amis, les volontaires et les membres de l'UNITALSI. Je salue le Cardinal-Vicaire, ainsi que les prélats et les prêtres présents, les religieux et les religieuses, ainsi que ceux qui, en accomplissant diverses tâches, oeuvrent au service des malades et de ceux qui souffrent.

J'adresse ensuite un salut cordial aux membres de l'Oeuvre romaine des Pèlerinages et aux participants au Congrès national théologique et pastoral, en cours ici, à Rome, sur le thème "Le pèlerinage, sentier de paix". A ce propos, je pense à la Terre Sainte et je forme le voeu, soutenu par la prière, que ces lieux sanctifiés par la présence du Christ retrouvent au plus tôt un climat de paix, de façon à permettre la reprise du flux des pèlerins.

2. On célèbre aujourd'hui la Journée mondiale du Malade, parvenue à sa onzième édition, et placée sous la protection de la Vierge Immaculée. Dans quelques instants, les chants et les prières nous conduiront spirituellement à Lourdes, lieu béni de Dieu et qui vous est si cher. Dans le même temps, nous nous unissons aux nombreux fidèles rassemblés dans le sanctuaire national de Washington, également consacré à l'Immaculée, où ont lieu cette année les principales manifestations de la Journée mondiale du Malade.

En observant l'image vénérée de la Vierge de Lourdes, notre regard se pose sur le Rosaire qu'elle tient entre ses mains jointes. La Vierge en prière semble vouloir renouveler l'invitation faite à la petite Bernadette, de réciter avec confiance le saint Rosaire. Avec quelle joie accueillons-nous cette exhortation en cette Journée du Malade, qui constitue une étape significative de l'Année du Rosaire! Lourdes, Rome, Washington forment aujourd'hui le "carrefour" providentiel d'une invocation commune au Dieu de la vie, afin qu'il communique la confiance, le réconfort et l'espérance aux personnes qui souffrent dans le monde entier.

3. Chers malades, le Rosaire apporte la réponse chrétienne au problème de la souffrance: il la puise au mystère pascal du Christ. La personne qui le prie parcourt avec Marie tout l'itinéraire de la vie et de la foi, un itinéraire dont fait partie intégrante la souffrance humaine, qui dans le Christ, devient une souffrance divine et humaine, une passion salvifique.

Dans les mystères douloureux, on contemple le Christ qui prend sur lui, pour ainsi dire, toutes les "maladies" de l'homme et du genre humain. Cet Agneau de Dieu, prend non seulement en charge leurs conséquences, mais également leur cause profonde, c'est-à-dire non seulement les maux, mais le mal radical du péché. Sa lutte n'est pas superficielle, mais bien radicale; ses soins ne sont pas palliatifs, mais résolutifs.

La force grâce à laquelle le Christ a vaincu la domination du mal et a guéri l'homme est l'abandon confiant, dans une attitude de soumission filiale, à la volonté du Père.

Cette même attitude agit en nous quand, grâce à l'Esprit Saint, en vivant l'expérience de la maladie, nous parcourons avec Marie la voie des mystères douloureux.

4. Très chers frères et soeurs! Le coeur de la Vierge, transpercé par l'épée, nous enseigne à "apprendre le Christ", à nous conformer à Lui, et à le supplier (cf. Lett. apos. Rosarium Virginis Mariae RVM 13-16). Il nous guide pour annoncer son amour (cf. ibid., RVM RVM 17): celui qui porte la croix avec Jésus offre un témoignage éloquent, même à ceux qui se sentent incapables de croire et d'espérer.

En cette année troublée par de nombreuses préoccupations pour le sort de l'humanité, j'ai voulu que la prière du Rosaire ait comme intentions spécifiques la cause de la paix et de la famille (cf. ibid., RVM RVM 6 RVM 40-42). Très chers frères et soeurs malades, vous êtes en "première ligne" pour intercéder en faveur de ces deux grands objectifs.

Puisse votre vie, marquée par l'épreuve, communiquer à tous cette espérance et cette sérénité dont seule la rencontre avec le Christ permet de faire l'expérience. Nous confions à présent ce souhait et toute autre intention que nous portons dans notre coeur à Marie Immaculée, Santé des Malades.

Je donne avec affection à vous qui êtes ici présents et à vos proches, la Bénédiction apostolique.

  Un moment très suggestif a conclu la célébration de la XI Journée mondiale du Malade à Saint-Pierre. Le Pape est apparu à la fenêtre de son bureau pour saluer les fidèles qui, en quittant la basilique, se sont rendus en procession sur la Place, illuminée par la lumière de milliers de flambeaux. Le Pape a donné sa Bénédiction apostolique, puis, tenant lui aussi un cierge allumé entre les mains, il a répondu au chant de l'"Ave Maria" de Lourdes par les paroles suivantes:

Je vous remercie de tout coeur pour ces flambeaux.
Nous pensons à tous les malades du monde.
Nous nous unissons à la Madone de Lourdes et aux malades qui sont à Lourdes.
Nous nous unissons également à Washington, où l'on célèbre cette année la Journée mondiale du Malade.

Je donne à tous et à toutes ma Bénédiction et je vous dis à la prochaine fois.


AU GRAND RABBIN DE ROME

Jeudi 13 février 2003




Monsieur le Grand Rabbin de Rome
et chers frères dans la foi d'Abraham!

1. Je suis heureux de vous rencontrer, cher M. Riccardo Di Segni, après votre élection en tant que Grand Rabbin de Rome et je vous salue cordialement, ainsi que les représentants qui vous accompagnent. Je vous renouvelle l'expression de mes félicitations pour la charge importante qui vous a été confiée tandis que j'ai plaisir, en cette circonstance significative, à rappeler avec une profonde estime votre illustre prédécesseur, M. Elio Toaff.

La visite d'aujourd'hui me permet de souligner le vif désir que nourrit l'Eglise catholique d'approfondir les liens d'amitié et de collaboration réciproque avec la communauté juive. Ici, à Rome, la Synagogue, symbole de la foi des Fils d'Abraham, est très proche de la Basilique Saint-Pierre, centre de l'Eglise, et je rends grâce à Dieu qui m'a accordé, le 13 avril 1986, de parcourir la brève distance qui sépare ces deux temples. Cette visite historique et inoubliable a constitué un don du Tout-puissant et représente une étape importante sur la voie de l'entente entre juifs et catholiques. Je souhaite que la mémoire de cet événement continue d'exercer une influence bénéfique, et que le chemin de confiance réciproque accompli jusqu'à présent enrichisse les relations entre la communauté catholique et la communauté juive de Rome, qui est la plus ancienne d'Europe occidentale.

2. Il faut reconnaître que par le passé, nos deux communautés ont vécu côte à côte, écrivant parfois "une histoire tourmentée", non exempte, dans certains cas, d'hostilités et de méfiances. Le document Nostra Aetate du Concile Vatican II, l'application progressive des textes conciliaires, les gestes d'amitié accomplis par les uns et les autres, ont toutefois contribué, au cours de ces années, à orienter nos relations vers une compréhension réciproque toujours plus grande. Je souhaite que se poursuive cet effort, marqué par des initiatives de collaboration bénéfique dans le domaine social, culturel et théologique, et que croisse la conscience de ces liens spirituels qui nous unissent.

3. Ces jours-ci, de dangereuses menaces de guerre retentissent dans le monde. Nous, juifs et catholiques, ressentons le devoir urgent d'implorer de Dieu créateur et éternel la paix, et d'être nous-mêmes des artisans de paix.

Shalom! Cette belle expression, qui vous est très chère, signifie salut, bonheur, harmonie, et souligne que la paix est un don de Dieu; un don fragile, placé entre les mains des hommes et qu'il faut préserver également grâce à l'engagement de nos communautés.

Que Dieu fasse de nous des artisans de paix, dans la conscience que lorsque l'homme accomplit des oeuvres de paix, il devient capable d'améliorer le monde.

Shalom! Tel est mon voeu cordial que je vous adresse, ainsi qu'à toute la communauté juive de Rome. Que Dieu, dans sa bonté, protège et bénisse chacun de nous. Qu'il bénisse en particulier tous ceux qui tracent un chemin d'amitié et de paix entre les hommes de toute race et de toute culture.


AUX ÉVÊQUES AMIS DU MOUVEMENT DES "FOCOLARI"

Jeudi 13 février 2003


Vénérés frères dans l'épiscopat!

1. Je suis heureux de vous souhaiter une cordiale bienvenue à cette rencontre, qui a lieu à l'occasion du Congrès spirituel des Evêques amis du Mouvement des "Focolari". Celui-ci a pour thème: "Spiritualité de communion: unité ecclésiale et fraternité universelle". Je vous salue tous avec affection. Je salue en particulier le Cardinal Miloslav Vlk, Archevêque de Prague, et je le remercie des paroles courtoises qu'il vient de m'adresser au nom des personnes présentes, en traçant le cadre synthétique de vos travaux. J'adresse un salut cordial à Chiara Lubich, Fondatrice du Mouvement, qui est intervenue durant votre Congrès.

Au cours de ces journées de réflexion, d'échange de témoignages et d'expériences pastorales, vous vous êtes proposés d'approfondir le thème de la "spiritualité de communion", répondant à l'invitation contenue dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, à "promouvoir une spiritualité de la communion" et à "faire de l'Eglise la maison et l'école de la communion" (cf. NM NM 43).

Vos réflexions et la confrontation de vos expériences ont contribué à mettre en lumière la nécessité permanente d'une authentique spiritualité de communion, qui anime de manière toujours plus incisive la vie et l'activité du peuple chrétien.

2. La "spiritualité de communion" s'articule autour de divers éléments, qui plongent leurs racines dans l'Evangile, et se trouvent enrichis par la contribution que le Mouvement des "Focolari", engagé à témoigner de la "spiritualité de l'unité", offre à la communauté chrétienne dans son ensemble. Je voudrais entre autres rappeler ici l'unité comme "testament" laissé par Jésus à ses disciples (cf. Jn 17), le mystère du Christ crucifié et abandonné comme "chemin" pour y parvenir, la célébration de l'Eucharistie comme lien de communion, l'action de l'Esprit Saint qui anime le Corps mystique du Christ et en unifie les membres, la présence de la Vierge Marie, Mère de l'unité, qui nous conduit tous au Christ.

Il ne faut pas non plus oublier le caractère dynamique de la "spiritualité de communion", qui découle du lien existant entre l'amour de Dieu et l'amour pour le prochain. Dans cette perspective, il est indispensable d'apprendre l'art de "se sanctifier ensemble", dans un cheminement personnel et communautaire. Par ailleurs, une communion toujours plus organique "entre la dimension institutionnelle et la dimen-sion charismatique" de l'Eglise est nécessaire. Il s'agit en effet de deux dimensions co-essentielles qui "concourent ensemble à rendre présent le Mystère du Christ et son oeuvre salvifique dans le monde". (Cf. Message au Congrès mondial des Mouvements ecclésiaux, n. 5, in Insegnamenti XXI/1 [1998], p. 1065).

3. L'engagement au service de la "spiritualité de communion" apporte un élan renouvelé à l'oecuménisme, car il pousse à trouver des formes et des moyens propres à favoriser la concrétisation de l'aspiration ardente à l'unité de tous les chrétiens, que Jésus nous a laissée comme don et comme mission lors de la Dernière Cène.

Une spiritualité de communion ouvre également de grandes possibilités dans le domaine du dialogue interreligieux, qui toutefois, comme je le rappelais dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, ne peut être fondé sur l'indifférentisme religieux. Pas plus qu'il ne faut craindre "que puisse être lésée l'identité de l'autre par ce qui est en fait l'annonce joyeuse d'un don offert à tous et qui doit être proposé à tous dans le plus grand respect de la liberté de chacun: le don de la révélation du Dieu-Amour" (NM 56).

4. Chers et vénérés frères! L'effort de construire une "spiritualité de communion" exige de surmonter chacune des éventuelles difficultés, incompréhensions, voire les échecs. Il faut poursuivre sans trêve sur le chemin entrepris, en ayant confiance dans le soutien de la grâce divine, pour donner vie à une authentique "unité ecclésiale" et une solide "fraternité universelle".

J'invoque dans ce but la protection maternelle de la Vierge du Saint Rosaire et, tout en vous assurant de mon affection, renforcée par un souvenir constant dans la prière, j'accorde de tout coeur à chacun de vous ici présents une Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers aux communautés qui sont confiées à vos soins pastoraux, ainsi qu'à toutes les personnes qui vous sont chères.




  MESSAGE À SA BÉATITUDE CHRISTODOULOS, ARCHEVÊQUE ORTHODOXE D'ATHÈNES ET DE TOUTE LA GRÈCE

A Sa Béatitude Christodoulos Archevêque d'Athènes et de toute la Grèce

"Persévérez dans la dilection fraternelle. N'oubliez pas l'hospitalité" (He 13,1-2).

En rappelant cette exhortation de l'Epître aux Hébreux à construire nos relations sur cet amour fraternel que nous devons nourrir les uns pour les autres, j'ai la joie de faire parvenir ce Message à Votre Béatitude par l'intermédiaire du Cardinal Walter Kasper et de la Délégation du Saint-Siège qui rend visite à l'Eglise orthodoxe de Grèce. Les représentants du Saint-Siège, invités par Votre Béatitude à Athènes, entendent ainsi répondre à la visite appréciée de la Délégation du Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe de Grèce au mois de mars de l'année dernière, à Rome. Il s'agit également d'un signe concret de notre volonté de persévérer dans la dilection fraternelle. Nous n'oublions pas le devoir d'hospitalité qui doit caractériser les relations entre les chrétiens. Partout où ils se rencontrent, ils peuvent se retrouver et se redécouvrir frères dans le Christ. Ils peuvent, ensemble, repartir du Christ.

La Délégation du Saint-Siège pourra donc reprendre les réflexions que nous avons proposées ensemble à la considération de l'Europe dans notre Déclaration commune sur l'Aréopage d'Athènes, le 4 mai 2001, et poursuivre les échanges fructueux entre les représentants du Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe de Grèce et les responsables des différents Dicastères et Institutions du Saint-Siège, qui s'étaient déroulés au mois de mars de l'année dernière. Tout cela représente pour moi un motif de joie et de satisfaction. L'Eglise catholique sait qu'elle a un devoir à remplir sur le continent européen, en ce moment historique, et la responsabilité qu'elle ressent coïncide avec celle de l'Eglise orthodoxe de Grèce. Cette responsabilité représente un terrain commun sur lequel développer notre collaboration réciproque. L'avenir de l'Europe est d'une telle importance qu'il nous pousse à aller au-delà de notre passé de divisions, d'incompréhensions et d'éloignement réciproque. L'enjeu est la promotion en Europe, hic et nunc, de toutes les valeurs humaines mais également religieuses, de la reconnaissance des Eglises et des communautés ecclésiales, de la défense du caractère sacré de la vie, de la sauvegarde de la création. Nous sommes animés par la conviction profonde que le "vieux" continent ne doit pas négliger la richesse chrétienne de son patrimoine culturel et ne doit rien perdre de ce qui a fait la grandeur de son passé. Nous sommes conscients de la nécessité de donner une dimension nouvelle, plus incisive, à notre témoignage de foi, afin que les racines chrétiennes de l'Europe soient revivifiées par une sève nouvelle, la sève de notre témoignage plus harmonieux. Cette collaboration, qu'il faut développer et faire croître, pourrait être l'un des remèdes efficaces contre le relativisme idéologique si répandu en Europe, contre un pluralisme éthique qui oublie les valeurs éternelles et contre une forme de mondialisation qui laisse l'homme insatisfait car elle efface les différences légitimes, qui ont permis la diffusion d'un si grand nombre de trésors à travers l'Orient et l'Occident européens. Il nous revient d'oeuvrer ensemble pour atteindre ces objectifs importants et urgents.

Votre Béatitude, je souhaite que ce nouveau contact suscite des formes concrètes de coopération entre nous. L'Eglise de Rome est disponible à la collaboration réciproque, consciente de la nécessité d'intégrer les unes aux autres les traditions grecque, latine et slave de l'Europe d'aujourd'hui, afin de les articuler en un ensemble harmonieux.

Avec ces sentiments, j'assure Votre Béatitude de ma charité fraternelle.

Du Vatican, le 8 février 2003

IOANNES PAULUS II


DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES DE GAMBIE, DU LIBERIA ET DE SIERRA LEONE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 15 février 2003

Chers frères dans l'épiscopat,

1. C'est avec une grande joie et affection dans notre Seigneur Jésus-Christ que je vous souhaite la bienvenue, chers Evêques de Gambie, du Liberia et de Sierra Leone, à l'occasion de votre visite ad limina. A travers vous, je transmets mes salutations affectueuses au clergé, aux religieux et aux laïcs de votre pays. Vous êtes venus auprès des tombeaux des Apôtres Pierre et Paul pour rendre témoignage de votre foi et démontrer ainsi le dévouement de votre peuple à l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique, fondée par le Christ et diffusée jusqu'aux extrémités de la terre. En effet, les fidèles de chacune de vos communautés, souvent en dépit d'importantes difficultés et épreuves, n'ont pas manqué de démontrer le zèle d'un peuple qui est véritablement devenu "une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis" (1P 2,9).

2. Les membres de l'Eglise catholique forment une toute petite partie de la population de votre pays et l'évangélisation et le dialogue interreligieux sont parfois difficiles du fait du climat social, politique, et même religieux. Toutefois, le Seigneur lui-même a prononcé des paroles d'encouragement à cet égard: "Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume" (Lc 12,32). En tirant force et réconfort de la promesse du Seigneur, vos communautés proclament avec efficacité la force de l'Evangile pour transformer le coeur et la vie humaine. Elles contribuent à l'amélioration de la société à travers une présence catholique forte et constructive dans les domaines de l'éducation, de l'assistance médicale et de l'aide aux plus pauvres. En effet, la population tout comme le gouvernement louent les programmes de l'Eglise en matière de protection sociale dans vos pays. Grâce à vos efforts constants dans ces domaines, vous exprimez avec éloquence la vocation missionnaire qui "appartient à la nature intime de la vie chrétienne" (Redemptoris missio RMi 1).

Au cours de l'histoire, les minorités ecclésiales se sont trouvées dans la position unique de diffuser le message du Christ à leur frères et soeurs qui ne le connaissent pas encore. L'obéissance à la Parole de Dieu, telle qu'elle est proclamée de façon authentique par l'Eglise, doit constituer la base de votre relation avec les autres communautés chrétiennes. Comme vous le savez, cette Parole de Dieu peut servir de point de départ fondamental en vue d'un dialogue essentiel avec les disciples des religions traditionnelles africaines et de l'Islam. Vous avez le devoir de continuer à promouvoir une attitude de respect réciproque qui évite à la fois l'indifférence religieuse et le fondamentalisme militant.Vous devez rester vigilants afin de garantir que la vérité ne soit jamais réduite au silence. Cette forme de conduite sociale exige des efforts visant à protéger une liberté religieuse fondamentale, mais qui ne doit jamais être exploitée à des fins politiques. Jamais personne ne doit être puni ou critiqué pour avoir dit la vérité.

3. Je souligne la nécessité d'un engagement renouvelé à la formation des jeunes et des laïcs.L'attrait des choses matérielles et la dangereuse attraction de cultes et de sociétés secrètes qui promettent richesse et pouvoir, peuvent exercer une grande fascination, en particulier sur les jeunes. Ces tendances inquiétantes peuvent être renversées uniquement si l'on aide les jeunes à comprendre qu'ils forment vraiment "une nouvelle génération de constructeurs", appelée à oeuvrer en vue d'une "civilisation de l'amour" caractérisée par la liberté et la paix (cf. Veillée de Prière à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse au Downsview Park, Toronto, Canada, 27 juillet 2002). Vous devez aider les jeunes à repousser "les tentations d'emprunter les chemins illégaux conduisant aux mirages du succès ou de la richesse". En effet, ce n'est que dans la justice, à laquelle on parvient souvent à travers des sacrifices, que l'on peut obtenir la paix authentique (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1998).

Avec vous, je loue notre Père céleste pour le don de si nombreux hommes et de si nombreuses femmes engagés dans l'oeuvre de la catéchèse et de la formation de base des laïcs, jeunes et adultes. Ils sont vraiment le sel de la terre et une lumière qui conduit les autres. Ces "évangélisateurs irremplaçables" ont été et continuent d'être la colonne vertébrale de vos communautés chrétiennes, en diffusant la Bonne Nouvelle dans des conditions difficiles, parfois même dangereuses. En qualité d'évêques, vous devez soutenir vos catéchistes dans leurs efforts visant à améliorer leur capacité à vous assister dans l'oeuvre d'évangélisation. A cet égard, une formation correcte, à la fois spirituelle et intellectuelle, est nécessaire, ainsi qu'un soutien moral et matériel si l'on veut que ces pieux serviteurs de la Parole soient efficaces (Cf. Ecclesia in Africa ).

4. La famille a toujours été un élément fondamental de la culture et de la civilisation africaine. "L'union fidèle et féconde de l'homme et de la femme, bénie par la grâce du Christ, constitue un authentique Evangile de joie et d'espérance pour l'humanité" (cf. Conclusion de la IV Rencontre mondiale des familles, Angelus du 26 janvier 2003, n. 1; cf. ORLF n. 4 du 28 janvier 2003). Malheureusement, cet Evangile de vie, source d'espérance et de stabilité, est menacé dans vos pays par la diffusion de la polygamie, du divorce, de l'avortement, de la prostitution ainsi que du trafic d'êtres humains et par une mentalité favorable à la contraception. Ces facteurs contribuent eux-mêmes à une sexualité irresponsable et immorale qui entraîne la diffusion du SIDA, une pandémie que l'on ne peut ignorer. Non seulement cette maladie détruit d'innombrables vies, mais elle menace également la stabilité sociale et économique du continent africain.

Comme l'Eglise qui est en Afrique fait tout ce qui est en son pouvoir pour défendre la sainteté de la famille et son rôle prééminent dans la société africaine, elle est avant tout appelée à proclamer à haute voix et avec clarté le message libérateur de l'amour chrétien authentique. Tout programme éducatif, qu'il soit chrétien ou séculier, doit souligner que l'amour authentique est l'amour chaste et que la chasteté nous offre l'espérance fondée de surmonter les forces qui menacent l'institution de la famille et dans le même temps de libérer l'humanité de la dévastation causée par les fléaux tels que le SIDA. "L'affection, la joie, le bonheur et la paix apportés par le Mariage chrétien et la fidélité, ainsi que la sécurité que donne la chasteté, doivent être continuellement présentés aux fidèles, spécialement aux jeunes" (Ecclesia in Africa ). Ce devoir ne comporte pas seulement l'encouragement et l'éducation des jeunes, mais exige également que l'Eglise fasse fonction de guide dans l'important effort de promouvoir des programmes en faveur du respect authentique envers la dignité et les droits des femmes.

5. Bien que vos pays continuent à affronter des défis humanitaires, je m'unis à vous pour rendre grâce à Dieu des grands progrès accomplis afin de rétablir la paix au Liberia et en Sierra Leone. Dans le même temps, toutefois, ils sont menacés par de récents événements dans la région voisine qui pourraient menacer les efforts constants en vue de rétablir la stabilité. Le chemin vers la paix est toujours difficile. Malgré tout, je suis certain du fait que l'engagement et la bonne volonté de tous ceux qui sont impliqués dans ce processus peuvent contribuer à l'avènement d'une culture de respect et de dignité. L'Eglise, qui a souffert énormément à cause de ces conflits, doit maintenir sa position forte pour protéger tous les sans-voix. Je vous exhorte, chers frères evêques, à oeuvrer inlassablement à la réconciliation en vue d'apporter un témoignage authentique d'unité à travers des gestes de solidarité et de soutien pour les victimes de plusieurs décennies de violence.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas manquer d'observer avec inquiétude la situation tragique de millions de réfugiés et de personnes déplacées. Certains sont victimes de catastrophes nationales, comme la terrible sécheresse en Gambie, alors que d'autres ont été chassés par des luttes de pouvoir ou par un développement social et économique inadapté. En particulier, je vous félicite, ainsi que vos Eglises locales, d'avoir rejoint, malgré vos ressources extrêmement limitées, tous ceux qui ont été contraints d'abandonner leurs pays et de gagner des terres étrangères. Nous devons toujours nous rappeler que Notre Seigneur et sa famille étaient eux aussi des réfugiés. Je vous exhorte, ainsi que votre peuple, à continuer d'aimer et d'aider ces frères et ces soeurs comme vous le feriez s'il s'agissait de la Sainte Famille, en leur rappelant toujours que la condition dans laquelle ils se trouvent ne les rend pas moins importants aux yeux de Dieu.

6. Une autre priorité de votre ministère est l'attention pastorale à la vie spirituelle des hommes et des femmes consacrés dans vos diocèses. Cela est particulièrement vrai pour les fondations les plus récentes, qui ont besoin que vous les guidiez afin d'être toujours davantage engagées dans leur apostolat et dans la recherche de la sainteté. De nombreux religieux de vos pays ont suivi à la lettre l'exhortation à "tout quitter et donc à tout risquer pour le Christ" (Vita consecrata VC 40), en ayant partagé pleinement le sort de votre peuple durant la guerre et la violence qui ont dévasté la région. Certains ont été tués, d'autres emprisonnés ou ont dû fuir comme réfugiés. Cette présence constante parmi leurs frères et leurs soeurs qui souffrent du même destin apporte le témoignage d'un Dieu qui n'abandonne pas son peuple.

7. Il est édifiant d'observer que même au milieu du tumulte et de la guerre, les hommes et les femmes ont continué de répondre à l'appel de Dieu avec générosité. La tâche déjà difficile d'assurer une formation correcte devient plus difficile encore lorsque les conditions fondamentales nécessaires à cette oeuvre ne sont pas réunies. Je vous félicite de vos efforts visant à l'institution de solides programmes de formation. Les évêques, en tant que premiers responsables de la vie ecclésiale, doivent garantir que tous les candidats au sacerdoces soient sélectionnés avec soin et formés de façon à les préparer à se donner entièrement à leur mission dans l'Eglise. Toutes les personnes consacrées de cette manière au Christ, Chef de l'Eglise, devraient aspirer à mener une vie d'authentique pauvreté évangélique. Dans un monde empli de tentations, les prêtres sont appelés à se détacher des choses matérielles, et à se consacrer au service des autres à travers le don total de soi dans le célibat. Les comportements objets de scandale doivent être affrontés, examinés et corrigés.

Etant donnée la grave carence en prêtres dans vos diocèses, vous pourriez vous sentir obligés de placer des prêtres ordonnés depuis peu à des positions qui comportent la prise immédiate de graves responsabilités pastorales. Même si cela est quelquefois inévitable, il faut toutefois prêter une grande attention afin que soit donné aux jeunes prêtres le temps nécessaire pour alimenter et développer leur vie spirituelle. Tous les prêtres doivent avoir à leur disposition des structures de soutien sacerdotal. De telles structures incluent une formation spirituelle et intellectuelle permanente, ainsi que des retraites et des journées de recueillement qui réunissent la fraternité des prêtres dans la Parole et dans les Sacrements.

"Par l'ordination et la mission reçues des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi" (Presbyterorum ordinis PO 1). Les membres du clergé sont vos plus proches collaborateurs, car leur ministère est un reflet de l'amour du Christ, le Bon Pasteur, pour son troupeau. Toujours engagés dans les activités pastorales, ils ont besoin que vous les guidiez afin de maintenir un juste équilibre entre leur oeuvre et leur vie spirituelle. La vie sacerdotale doit être centrée sur le renouveau constant de la grâce reçue dans les Ordres sacrés. Votre exemple et votre manière de les guider peuvent faire beaucoup pour encourager la croissance de cette grâce, en particulier à travers la consultation et la collaboration sur les questions administratives et dans l'oeuvre pastorale.

Cela est essentiel à un ministère véritablement efficace.

8. Chers frères, je désire que vous sachiez que mes prières pour vous et pour votre peuple sont constantes. En célébrant une année particulière consacrée au Rosaire, j'espère sincèrement que vous aiderez vos troupeaux à redécouvrir cette prière d'une grande richesse et d'une grande simplicité. Il s'agit d'une prière pour la paix, d'une prière pour la famille, une prière pour les enfants et une prière pour l'espérance (cf. Rosarium Virginis Mariae RVM 40-43). Que Marie, Reine du Rosaire, vous assiste alors que vous guidez vers le salut le Peuple de Dieu qui est en Gambie, au Liberia et en Sierra Leone! A chacun de vous, et à tous les prêtres, les religieux et les laïcs de vos diocèses, j'accorde de tout coeur ma Bénédiction apostolique.




Discours 2003 - Mardi 11 février 2003