Discours 2004 - Mardi 17 février 2004


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES AMIS DU MOUVEMENT DES FOCOLARI


Vénérés frères dans l'épiscopat!

Je suis heureux de vous faire parvenir mon salut cordial à l'occasion du Congrès annuel des Evêques amis du Mouvement des Focolari, qui constitue un moment propice pour approfondir ensemble la spiritualité de l'Oeuvre de Marie.

J'ai beaucoup apprécié le fait que pour cette rencontre, vous vous soyez proposés de réfléchir et d'échanger vos vues sur le thème de la sainteté, comme exigence primordiale à proposer à tous les membres du Peuple de Dieu. Le Concile oecuménique Vatican II a rappelé que la sainteté est la vocation de tout baptisé. J'ai voulu souligner cette même vérité dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, au terme du grand Jubilé de l'An 2000. En effet, seule une communauté chrétienne resplendissante de sainteté peut accomplir de façon efficace la mission qui lui a été confiée par le Christ, c'est-à-dire de diffuser l'Evangile jusqu'aux extrémités de la terre.

"Pour une sainteté de peuple": cette spécification met précisément l'accent sur le caractère universel de la vocation à la sainteté dans l'Eglise, vérité qui représente l'un des piliers de la Constitution conciliaire Lumen gentium. Deux aspects généraux doivent être soulignés de façon opportune. Avant tout le fait que l'Eglise est intimement sainte et est appelée à vivre et à manifester cette sainteté dans chacun de ses membres. En second lieu, l'expression "sainteté de peuple" fait penser au caractère ordinaire, c'est-à-dire à l'exigence pour les baptisés de savoir vivre l'Evangile avec cohérence dans la vie quotidienne: en famille, au travail, dans toute relation et occupation. C'est précisément dans l'ordinaire que l'on doit vivre l'extraordinaire, afin que la "mesure" de la vie tende vers le "haut", c'est-à-dire à la "pleine maturité du Christ", comme l'enseigne l'Apôtre Paul (cf. Ep 4,13).

Que la Bienheureuse Vierge Marie, dont je sais que vous êtes filialement dévots, soit le modèle sublime auquel toujours vous inspirer: en elle est contenue la sainteté du Peuple de Dieu, car en Elle resplendit dans sa plus grande humilité la perfection de la vocation chrétienne. Je confie chacun de vous à sa protection maternelle, chers et vénérés Frères, tandis que je forme les meilleurs voeux pour votre Congrès et que je donne à tous une Bénédiction apostolique particulière.

Du Vatican, le 18 février 2004

IOANNES PAULUS II

 

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE FRANCE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Vendredi 20 février 2004


Monsieur le Cardinal, chers Frères dans l’épiscopat,

1. Je suis heureux de vous accueillir, à l’occasion de votre Visite ad limina, vous les Pasteurs de la province de Paris, ainsi que l’Évêque aux Armées. Je remercie Monsieur le Cardinal Jean-Marie Lustiger des paroles aimables qu’il vient de m’adresser. Je désire ardemment que votre visite, qui vous permet de rencontrer le Successeur de Pierre, vous confirme dans votre mission au service de l’évangélisation. Annoncer l’Évangile est à un titre tout spécial la mission de l’Évêque, «manifestation éminente de sa paternité» de pasteur qui «doit être conscient des défis que comporte l’heure actuelle et avoir le courage de les affronter» (Pastores gregis ). Nous ne pouvons oublier la phrase de l’Apôtre des Nations: «Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !» (1Co 9,16). Le Concile rappelait déjà l’urgence de l’évangélisation pour «faire briller sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église» (Lumen gentium LG 1).

2. Les rapports quinquennaux font état de la sécularisation de la société française, comprise souvent comme un refus, dans la vie sociale, des valeurs anthropologiques, religieuses et morales qui l’ont profondément marquée. Aussi le besoin d’une annonce renouvelée de l’Evangile se fait-il sentir, même pour les personnes déjà baptisées, au point de constater que bien souvent une première annonce de l’Évangile est quasiment partout nécessaire (cf. Ecclesia in Europa, nn. 46-47).Vous évoquez aussi la baisse du nombre d’enfants catéchisés, vous réjouissant en même temps du nombre croissant de catéchumènes parmi les jeunes et les adultes, ainsi que de la redécouverte du sacrement de Confirmation. Ce sont des signes qui indiquent que la transmission de la foi peut se développer malgré les conditions difficiles. Puissent les appels des hommes qui veulent «voir Jésus» (Jn 12,21) et qui frappent à la porte de l’Église vous aider à susciter un nouveau printemps de l’évangélisation et de la catéchèse ! Je suis avec intérêt les réflexions entreprises par votre Conférence, afin de proposer la foi dans la société actuelle et d’inviter les communautés diocésaines à une audace renouvelée en ce domaine, audace que donne l’amour pour le Christ et pour son Église, et qui est puisée dans la vie sacramentelle et dans la prière.

3. En ce qui concerne la catéchèse pour les enfants et pour les jeunes, il est important de leur offrir une éducation religieuse et morale de qualité, donnant les éléments clairs et solides de la foi, qui conduisent à une vie spirituelle intense – car l’enfant est lui aussi capax Dei comme le disaient les Pères de l’Église –, à une démarche sacramentelle et à une vie humaine digne et belle. Pour constituer le noyau solide de l'existence, la formation catéchétique doit être accompagnée d’une pratique religieuse régulière. Comment la proposition faite aux enfants peut-elle vraiment s’enraciner en eux et comment le Christ peut-il transformer de l’intérieur leur être et leur agir, s’ils ne le rencontrent pas régulièrement (cf. Dies Domini, n. 36; Ecclesia de Eucharistia EE 31) ? Il importe aussi que les Autorités concernées, dans le respect de la législation en vigueur, laissent la place pour la catéchèse et pour la démarche religieuse personnelle et communautaire des fidèles, se souvenant que cette dimension de l’existence a une incidence positive sur les liens sociaux et sur la vie des personnes. Je tiens à remercier chaleureusement les services diocésains de catéchèse et tous les catéchistes, qui s’attachent à l’éducation religieuse de la jeunesse. Je les encourage à poursuivre leur belle et noble mission, si importante dans le monde présent, en prenant toujours soin de transmettre fidèlement le trésor que l’Église a reçu des Apôtres (cf. Ac 16,2), pour que grandisse le peuple chrétien et que se réalise vraiment la communion ecclésiale. Ils ne verront peut-être pas toujours les fruits immédiats de leur action, mais qu’ils sachent que ce qu’ils sèment dans les coeurs, Dieu saura le faire grandir, car c’est Lui qui donne la croissance (cf. 1Co 3,7). Qu’ils se souviennent que c’est l’avenir de la transmission de la foi et de sa mise en oeuvre qui est en jeu ! La visibilité de l’Église de demain en dépend aussi pour une grande part.

Il convient donc d’être attentifs à la formation des parents et des catéchistes, pour qu’ils puissent aller au coeur de la foi qu’ils ont à communiquer. La démarche chrétienne ne peut reposer sur une simple attitude sociologique, ni sur la connaissance de quelques rudiments du message chrétien, qui ne conduiraient pas à une participation à la vie de l’Église. Ce serait le signe que la foi demeure totalement extérieure aux personnes. Les pasteurs et les catéchistes se rappelleront également que les enfants et les jeunes sont particulièrement sensibles à la cohérence entre la parole des personnes et leur existence concrète. En effet, comment les jeunes peuvent-ils prendre conscience de la nécessité de la participation à l’Eucharistie dominicale ou de la pratique du sacrement de pénitence si leurs parents ou leurs éducateurs ne vivent pas eux-mêmes une telle vie religieuse et ecclésiale ? Plus le témoignage de foi et de vie morale sera en harmonie avec la profession de foi, plus les jeunes comprendront en quoi la vie chrétienne éclaire toute l’existence et lui donne sa force et sa profondeur. Le témoignage quotidien constitue le sceau d’authenticité de l’enseignement donné.

Je vous invite à garder le souci de la formation des jeunes, en recherchant des formes d’enseignement qui, tenant compte de leur désir de faire une expérience humaine chaleureuse, leur proposent de connaître le Christ et de le rencontrer dans une démarche de prière personnelle et communautaire forte et structurante. À ce propos, je sais que vous vous attachez à renouveler en permanence les outils catéchétiques et pédagogiques utilisés par les services de catéchèse, en conformité avec le Catéchisme de l’Église catholique et le Directoire général pour la Catéchèse, qui donnent les fondements théologiques et les points-clés de l’enseignement catéchétique pour toutes les catégories de personnes.

4. Dans cette perspective, la vocation et la mission des baptisés dans la communauté ecclésiale et dans le monde ne se comprennent qu’à la lumière du mystère de l’Église, «le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Lumen gentium LG 1). Dans cet esprit, il importe que soit proposée aux fidèles une démarche d’intelligence de la foi, qui leur permette de mieux harmoniser leurs connaissances religieuses avec leur savoir humain, afin qu’ils puissent réaliser une synthèse toujours plus solide entre leurs acquis scientifiques et techniques, et l’expérience religieuse. Je me réjouis de la proposition faite pour promouvoir des écoles de la foi au sein des institutions universitaires ou en dehors d’elles, mais avec leur soutien, car elles sont particulièrement habilitées à donner un enseignement de qualité, en fidélité au Magistère, dans une perspective non seulement intellectuelle, mais avec le souci de développer la vie spirituelle et liturgique du peuple chrétien, et de l’aider à découvrir les exigences morales liées à la vie selon l’Évangile. Je voudrais saluer l’action de l’École cathédrale de Paris, dont bénéficient de nombreuses personnes de votre province et qui invite chacun à approfondir inlassablement le mystère de la foi, pour, après l’avoir mieux compris et mieux assimilé, le transmettre dans un langage adapté, sans cependant en transformer la substance. Cette harmonisation entre une compréhension rationnelle du donné révélé et une transmission inculturée est, me semble-t-il, un des défis du monde d’aujourd’hui. Je tiens aussi à saluer et à encourager l’expérience lancée par les pasteurs d’un certain nombre de capitales européennes, qui se sont associés pour donner un nouvel élan à l’évangélisation dans les grandes villes du Continent, contribuant à raviver l’âme chrétienne de l’Europe et à rappeler aux Européens les éléments de la foi de leurs pères, qui ont participé à l’édification des peuples et aux relations entre les Nations.

5. Je souhaite aussi attirer votre attention sur la fonction catéchétique et évangélisatrice de la liturgie, qui doit être comprise comme une voie de sainteté, la force intérieure du dynamisme apostolique et du caractère missionnaire de l’Église (cf. Lettre apostolique Spiritus et sponsa pour le LXe anniversaire de la Constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium, 6). Le but de la catéchèse est en effet de pouvoir proclamer en Église la foi au Dieu unique: Père, Fils et Saint-Esprit et de renoncer «à servir tout autre absolu humain», formant ainsi l’être et l’agir de l’homme (cf. Directoire général pour la Catéchèse, nn. 82-83). De ce fait, il importe que les pasteurs prennent toujours davantage soin, avec la collaboration de laïcs, de la préparation des liturgies dominicales, dans une attention particulière au rite et à la beauté de la célébration. En effet, toute la liturgie parle du mystère divin. Dans la ligne des Journées mondiales de la Jeunesse de Paris, votre Conférence travaille avec bonheur sur le renouveau de la catéchèse, pour que l’annonce de la foi se recentre sans cesse sur l’expérience de la Vigile pascale, coeur du mystère chrétien, qui proclame la mort et la Résurrection du Sauveur, jusqu’à son retour dans la gloire. Dans leurs homélies, les prêtres auront soin d’enseigner aux fidèles les fondements doctrinaux et scripturaires de la foi. J’appelle de nouveau avec force tous les fidèles à enraciner leur expérience spirituelle et leur mission dans l’Eucharistie, autour de l’Évêque, ministre et garant de la communion dans l’Église diocésaine, car «là où est l’Évêque, là est l’Église» (S. Ignace d'Antioche, Lettre aux Smyrniotes 8, 2).

6. Au terme de notre rencontre, je vous demande de transmettre mes salutations affectueuses à vos communautés. Remerciez les prêtres et les communautés religieuses de vos diocèses, qui s’attachent avec générosité à annoncer le Royaume de Dieu ! Ma pensée va aujourd’hui à toutes les personnes qui se dépensent sans compter auprès de la jeunesse, dans la catéchèse paroissiale, dans les institutions et dans les mouvements où se réalisent des actions catéchétiques; l’Église leur sait gré de leur dévouement pour que le Christ soit mieux connu et mieux aimé. Transmettez la reconnaissance du Pape aux personnes qui, au nom même de l’Évangile, se consacrent aux oeuvres de charité. Ne sont-elles pas, d’une certaine manière, des catéchèses en acte qui contribuent à faire découvrir l’amour du Christ. La terre de France a produit de nombreux saints qui ont su allier enseignement catéchétique et oeuvres de charité, comme saint Vincent de Paul ou encore saint Marcellin Champagnat, éducateur de qualité, que j’ai eu la joie de canoniser.

Je confie vos diocèses à la garde de la Très Sainte Vierge Marie, qu’il me plaît d’invoquer avec vous sous le vocable d’Étoile de la mer; elle guide le peuple chrétien dans la fidélité à son Baptême, quels que soient les écueils du temps, pour qu’il marche joyeux à la rencontre du Christ Sauveur. À vous-mêmes, aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles, j’accorde une affectueuse Bénédiction apostolique.

Au Vatican, le 20 février 2004.

JEAN-PAUL II



MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE


Vénérés Frères,
Mesdames et Messieurs!

1. C'est avec joie que je vous fais parvenir ce Message à l'occasion de la Journée de commémoration du X anniversaire de la fondation de l'Académie pontificale pour la Vie. Je renouvelle à chacun l'expression de ma reconnaissance pour le service compétent que rend l'Académie à la diffusion de l'"Evangile de la vie". Je salue de façon particulière le Président, le Professeur Juan de Dios Vial Correa, ainsi que le Vice-président, Mgr Elio Sgreccia, et tout le Conseil de Direction.

Avec vous, je rends grâce avant tout au Seigneur pour votre précieuse Institution qui s'est ajoutée, il y a dix ans, à d'autres créées après le Concile. Les Organismes doctrinaux et pastoraux du Siège apostolique sont les premiers à bénéficier de votre collaboration en ce qui concerne les connaissances et les informations nécessaires pour les décisions à prendre dans le domaine de la norme morale concernant la vie. C'est ce qui a lieu avec les Conseils pontificaux pour la Famille et pour la Pastorale des Services de la Santé, ainsi qu'en réponse aux sollicitations de la Section pour les Relations avec les Etats de la Secrétairerie d'Etat et de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Et cela peut s'étendre également à d'autres dicastères et Bureaux.

2. Avec les années, l'importance de l'Académie pontificale pour la Vie devient toujours plus évidente. En effet, tandis que les progrès des sciences biomédicales laissent entrevoir des perspectives prometteuses pour le bien de l'humanité et le traitement de maladies graves et douloureuses, ils présentent toutefois souvent de sérieux problèmes touchant au respect de la vie humaine et de la dignité de la personne.

La domination croissante de la technologie médicale sur les processus de la procréation humaine, les découvertes dans le domaine de la génétique et de la biologie moléculaire, les changements apparus dans la gestion thérapeutique des patients graves, ainsi que la diffusion de courants de pensée d'inspiration utilitariste et hédoniste, sont des facteurs qui peuvent conduire à des comportements aberrants, ainsi qu'à la création de lois injustes portant atteinte à la dignité de la personne et au respect exigé par le caractère inviolable de la vie innocente.

3. Votre contribution est également précieuse pour les intellectuels, en particulier les catholiques, "appelés à se rendre activement présents dans les lieux privilégiés où s'élabore la culture, dans le monde de l'école et de l'Université, dans les milieux de la recherche scientifique et technique" (Lettre enc. Evangelium vitae EV 98). C'est précisément dans cette perspective qu'a été instituée l'Académie pontificale pour la Vie, dont la fonction est de "rechercher, enseigner et instruire sur les principaux problèmes de la biomédecine et des droits, qui concernent la promotion et la protection de la vie, et surtout ceux qui ont un lien avec la morale chrétienne et les enseignements du Magistère de l'Eglise" (Motu proprio Vitae mysterium, in AAS 86 [1994], 386-387).

En un mot, le domaine complexe que l'on appelle aujourd'hui la "bioéthique" rentre dans le cadre de votre devoir de grande responsabilité. Je vous remercie pour l'engagement que vous manifestez dans l'examen des questions spécifiques de grand intérêt, et également pour favoriser le dialogue entre la recherche scientifique et la réflexion philosophique et théologique guidée par le Magistère. Il est nécessaire de sensibiliser toujours davantage les chercheurs, en particulier dans le domaine biomédical, sur l'enrichissement bénéfique qui peut découler de l'union entre la rigueur scientifique et les instances de l'anthropologie et de l'éthique chrétienne.

4. Très chers frères et soeurs! Puisse votre service qui dure depuis désormais dix ans se poursuivre en étant toujours plus apprécié et encouragé, et en apportant les fruits espérés dans le domaine de l'humanisation de la science biomédicale et de la rencontre entre la recherche scientifique et la foi.

A cette fin, j'invoque sur l'Académie pour la Vie, sous les auspices de la Vierge Marie, l'assistance divine permanente, et, tandis que j'assure chacun de mon souvenir dans la prière, je vous donne à tous ma Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers à vos collaborateurs et aux personnes qui vous sont chères.

Du Vatican, le 17 février 2004

IOANNES PAULUS II



AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE

Samedi 21 février 2004


  Très chers frères et soeurs!

1. Je suis très heureux de vous rencontrer personnellement, vous tous, membres de l'Académie pontificale pour la Vie, en cette circonstance particulière au cours de laquelle vous commémorez le X anniversaire de la Fondation de l'Académie elle-même, en rappelant tous ceux qui ont contribué à sa naissance, avec une pensée spéciale pour l'illustre Professeur Jérôme Lejeune, votre premier Président de grand mérite, dont je conserve un souvenir reconnaissant et empli de gratitude.

Je remercie le Président, le Professeur Juan de Dios Vial Correa, des aimables paroles qu'il m'a adressées et je salue également le Vice-président, Mgr Elio Sgreccia, ainsi que les membres du Conseil de Direction, en exprimant à tous ma reconnaissance pour l'intense dévouement avec lequel ils soutiennent l'activité de l'Académie.

2. Vous participez actuellement à deux "Journées d'étude", consacrées au thème de la procréation artificielle. Celui-ci apparaît chargé de graves problèmes et implications, qui méritent un examen attentif. Des valeurs essentielles sont en jeu, non seulement pour le fidèle chrétien, mais également pour l'être humain en tant que tel. Le lien irremplaçable de la procréation d'une nouvelle créature avec l'union sponsale, en vertu de laquelle l'époux devient père à travers l'union conjugale avec l'épouse et l'épouse devient mère à travers l'union conjugale avec l'époux, devient de plus en plus évident. Ce dessein du Créateur est inscrit dans la nature physique et spirituelle même de l'homme et de la femme et, en tant que tel, revêt une valeur universelle.

L'acte par lequel l'époux et l'épouse deviennent père et mère à travers le don total réciproque, fait d'eux les co-opérateurs du Créateur pour mettre au monde un nouvel être humain, appelé à la vie pour l'éternité. Un geste aussi riche, qui transcende la vie même des parents, ne peut être remplacé par une intervention technologique, à la valeur humaine appauvrie et soumise aux déterminismes de l'activité technique et instrumentale.

3. Le devoir du scientifique est plutôt celui de rechercher les causes de l'infertilité chez l'homme et la femme, pour pouvoir empêcher cette situation de souffrance chez les époux désireux de trouver "dans l'enfant une confirmation et un accomplissement de leur donation réciproque" (Donum vitae, II, A, 1; cf. ORLF n. 11 du 17 mars 1987). C'est précisément pour cela que je désire encourager les recherches scientifiques visant à surmonter de façon naturelle la stérilité des conjoints, de même que je souhaite exhorter les spécialistes à mettre au point des interventions pouvant être utiles dans ce but. Mon souhait est que sur la voie de la véritable prévention et de l'authentique thérapie, la communauté scientifique - et cet appel s'adresse en particulier aux scientifiques croyants - puisse réaliser des progrès réconfortants.

4. L'Académie pontificale pour la Vie ne manquera pas de faire ce qui est en son pouvoir pour encourager toute initiative efficace visant à éviter les manipulations dangereuses qui accompagnent les processus de procréation artificielle.

La communauté des fidèles elle-même doit s'engager à soutenir les parcours authentiques de la recherche, en résistant, lorsqu'ils ont à prendre des décisions, aux suggestions d'une technologie qui remplace la véritable paternité et maternité et, par là-même, nuit à la dignité des parents et des enfants.

J'accompagne ces voeux de ma Bénédiction que je vous donne à tous de tout coeur, et que j'étends volontiers à toutes les personnes qui vous sont chères.



À S.E. M. OSMAN DURAK, NOUVEL AMBASSADEUR DE TURQUIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Samedi 21 février 2004



Votre Excellence,

Je vous adresse une cordiale bienvenue tandis que j'accepte les Lettres de Créance qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Turquie près le Saint-Siège. L'un des tous premiers pèlerinages de mon Pontificat m'a conduit dans votre nation «en messager de paix et en ami» (Discours de départ à Smyrna, 30 novembre 1979; cf. ORLF n. 49 du 4 décembre 1979). Dans le souvenir de ce voyage historique gravé pour toujours dans ma mémoire, je vous remercie pour les salutations que vous m'apportez de la part du Président Ahmet Necdet Sezer, et j'offre avec joie en retour mes meilleurs voeux aux autorités et au peuple de votre pays. Je vous prie de les assurer de mes prières.

Vous avez fait référence au statut de la Turquie en tant qu'Etat démocratique régi par l'autorité de la loi et dans lequel tous les citoyens jouissent de droits égaux. En effet, l'autorité de la loi et l'égalité des droits sont des traits essentiels de toute société moderne qui recherche véritablement à préserver et à promouvoir le bien commun. En remplissant cette tâche, la claire distinction entre la sphère civile et la sphère religieuse permet à chacun de ces secteurs d'exercer ses propres responsabilités de façon efficace, dans le respect mutuel et dans la liberté de conscience. Je suis heureux de noter que la Constitution de la République reconnaît cette liberté de conscience ainsi que la liberté de religion, de culte et d'instruction. Lorsque ces garanties constitutionnelles deviennent une partie intégrante de la législation ordinaire, et donc du tissu vivant d'une société, elles permettent à tous les citoyens, quelles que soient leur croyance ou leur tradition religieuse, d'apporter leur contribution à l'édification de la société turque. La nation peut donc bénéficier de l'espérance et des qualités morales qui puisent leurs forces dans les convictions religieuses profondes des peuples.

A cet égard, et tandis que la Turquie se prépare à établir de nouvelles relations avec l'Europe, je m'unis à la population catholique qui attend la reconnaissance, de la part des Autorités et des institutions turques, du statut juridique de l'Eglise dans votre pays. L'Eglise ne recherche en aucune façon des privilèges particuliers ou des traitements de faveur à son égard; elle insiste plutôt pour que les droits humains fondamentaux de ses membres soient respectés et les catholiques libres d'exercer ces droits. Comme j'ai eu l'occasion de le souligner au début de cette année, dans une société pluraliste, la laïcité de l'Etat permet la «communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation» (Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 12 janvier 2004). L'Eglise et l'Etat ne sont donc non pas des rivaux, mais des partenaires: dans un dialogue réciproque et sain, ils peuvent encourager le développement humain intégral et l'harmonie sociale. A cet égard également, j'espère que la Commission parlementaire sur les Droits de l'homme de l'Assemblée nationale turque jugera opportun de répondre de façon adéquate à la pétition qui lui a été présentée en septembre dernier relative aux besoins religieux et pastoraux communs aux minorités chrétiennes et non-musulmanes qui vivent en Turquie.

Comme mon prédécesseur et ancien Délégué apostolique dans votre pays, le Bienheureux Pape Jean XXIII, le soulignait dans sa Lettre encyclique Pacem in Terris, la question de la paix ne peut être séparée de celle de la dignité humaine et des droits de l'homme. En d'autres termes, les problèmes de grande portée liés à l'ordre international ne peuvent être traités de manière adaptée sans traiter des questions de morale et de comportement éthique. C'est pourquoi la paix et l'harmonie au sein des nations et entre les peuples et les Etats exige un exercice de l'autorité politique qui inclue et fasse participer chacun, même au niveau international, ainsi qu'une plus grande transparence et responsabilité à tous les niveaux de la vie publique. En identifiant la vérité, la justice, l'amour et la liberté comme les quatre piliers de la paix, le Pape Jean XXIII appela à une plus noble vision de l'autorité publique et «avec audace, il incita le monde à se projeter au-delà de son présent état de désordre et à imaginer de nouvelles formes d'ordre international qui soient à la mesure de la dignité humaine» (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2003).

L'un des moyens principaux de garantir cet ordre mondial, et donc de poursuivre la paix, est le droit international, qui est toujours plus appelé aujourd'hui à devenir un droit de la paix dans la justice et la solidarité. C'est pourquoi la Communauté internationale en général a un rôle particulier à jouer pour promouvoir la dignité humaine, défendre la liberté des peuples et préparer les cultures et les institutions à la tâche nécessaire d'édifier la paix. L'Eglise catholique apporte son soutien le plus total aux activités visant à rétablir la paix et à apporter la réconciliation. C'est pour cette raison que je salue la nouvelle des progrès accomplis en vue d'une juste solution de la question chypriote. J'encourage de tout coeur les parties en cause à n'épargner aucun effort en vue de hâter le processus de réunification et de pacification sur l'île.

Les Nations unies ont un rôle particulier à jouer au sein de la Communauté internationale en général. Même si une «réforme qui mette l'Organisation des Nations unies en mesure de fonctionner de manière efficace afin d'atteindre ses fins statutaires» est nécessaire (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2004), cette institution internationale représente dans tous les cas l'organisme le mieux adapté pour faire face aux graves défis qui se présentent à la famille humaine au XXI siècle. Parmi ces défis, le fléau mortel du terrorisme représente un problème particulièrement pernicieux, car il échappe souvent à la logique traditionnelle d'un système juridique établi pour réglementer les relations entre des Etats souverains. Dans la lutte en cours contre le terrorisme, le droit international est donc appelé à développer des instruments légaux multilatéraux capables de contrôler, de combattre et de prévenir de façon efficace ce crime abominable. Je voudrais renouveler ici l'expression de ma solidarité dans la prière avec la nation à la suite des récentes attaques terroristes dans votre pays.

Monsieur l'Ambassadeur, je suis certain que votre mission près le Saint-Siège renforcera les liens de compréhension et de coopération entre nous. Vous pouvez être assuré que les divers bureaux de la Curie romaine seront toujours prêts à vous assister dans l'accomplissement de vos hautes fonctions. Sur vous et sur le bien-aimé peuple de Turquie, j'invoque une abondance de Bénédictions de Dieu tout-puissant.

     

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ DU GRAND SÉMINAIRE PONTIFICAL ROMAIN

Samedi 21 février 2004


Très chers amis!

1. La fête de la Madone de la Confiance, Patronne céleste du grand séminaire romain, est devenue désormais un rendez-vous attendu avec impatience. En cette circonstance, je suis heureux de vous rencontrer, chers élèves du grand séminaire romain, et étudiants des séminaires "Capranica", "Redemptoris Mater" et "Divino Amore".

C'est avec une grande joie, que je vous accueille et vous salue tous avec affection. Je salue le Cardinal Vicaire, Camillo Ruini, les Evêques Auxiliaires, les Recteurs et les Supérieurs. Je salue également les nombreux jeunes qui, comme chaque année, s'unissent à vous en cette circonstance vécue avec intensité. Un remerciement particulier va à Mgr Marco Frisina, au Choeur et à l'Orchestre du diocèse de Rome pour la belle interprétation qu'ils ont donnée de l'Oratorio inspiré du Triptyque romain.

2. Pour ma part, c'est à chaque fois un motif de réconfort et de joie renouvelée de rencontrer les séminaristes de Rome. Depuis l'époque où j'étais Evêque de Cracovie, j'ai souhaité entretenir avec les séminaristes un dialogue privilégié, et cela est facilement compréhensible: ils sont, à un titre tout à fait particulier, l'avenir et l'espérance de l'Eglise; leur présence au Séminaire atteste de la force d'attraction qu'exerce le Christ sur le coeur des jeunes. Une force qui n'ôte rien à la liberté, mais au contraire, lui permet de se réaliser pleinement en choisissant le bien le plus grand: Dieu, au service duquel on se consacre pour toujours.

Pour toujours! A notre époque, on a l'impression d'une certaine réticence de la part de la jeunesse devant les engagements définitifs et complets. C'est comme si l'on avait peur d'assumer des décisions qui durent pour toute l'existence. Grâce à Dieu, dans la Province de Rome, nombreux sont les jeunes disposés à consacrer leur vie à Dieu et à leurs frères à travers le ministère sacerdotal. Toutefois, nous devons prier sans cesse le Patron de la moisson, afin qu'il envoie toujours de nouveaux ouvriers pour sa moisson, et qu'il les soutienne dans leur engagement d'adhésion cohérente aux exigences de l'Evangile.

3. Dans cette perspective, l'humilité et la confiance se révèlent des vertus particulièrement précieuses. Et la Sainte Vierge en est le sublime exemple! Sans son humble abandon à la volonté de Dieu, qui fit fleurir ce beau "oui" dans le coeur de Marie, qui pourrait assumer la responsabilité du sacerdoce? Cela vaut aussi pour vous, chers jeunes, qui vous préparez au mariage chrétien. En effet, les motifs de crainte que vous pouvez ressentir en vous-mêmes et dans le monde sont trop nombreux. Mais si vous maintenez le regard fixé sur Marie, vous sentirez résonner dans votre esprit sa réponse à l'Ange: "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38).
A cet égard, le thème de notre soirée est éloquent: "Bienheureuse celle qui a cru" (Lc 1,45). L'Evangéliste Luc nous présente comme un exemple à suivre la foi de la Vierge de Nazareth. C'est vers elle que nous devons constamment tourner le regard.

Chers séminaristes et chers jeunes, je vous confie à Elle, pour que son soutien maternel ne vous fasse jamais défaut, ni à ceux qui s'occupent de votre formation.

Avec ces sentiments, je vous donne à tous, ainsi qu'à ceux qui vous sont chers, une Bénédiction apostolique particulière.
***


Paroles du Saint-Père à l'issue de la rencontre avec les séminaristes : Debitor factus sum. Ce n'est pas la première fois. A commencer par l'Italie, nombreux sont ceux qui ont écrit sur ce Triptyque romain. L'illustre professeur Giovanni Reale, spécialiste de Platon. Notre Cardinal Ratzinger. Dans ma Pologne natale, à Cracovie, Czeslaw Milosz, Prix Nobel. Et Marek Skwarnicki, poète, qui a collaboré avec moi à la publication de ce Triptyque Romain. Ainsi, véritablement, "debitor factus sum". Aujourd'hui, je suis le débiteur de mon Séminaire romain.

Je remercie le Cardinal-Vicaire de Rome, je remercie Monseigneur le Recteur du Séminaire romain, je remercie Marco Frisina. Il s'est fait l'interprète de plusieurs extraits des poésies du Triptyque romain. Il l'a fait en musique. C'est la première fois qu'il m'est donné d'en entendre une interprétation musicale. De surcroît, le Séminaire romain a choisi pour cette initiative sa journée de fête, la Madone de la Confiance. Je suis extrêmement reconnaissant à tous. Véritablement, je me sens à nouveau votre débiteur. Debitor factus sum.

Il y aurait beaucoup à dire, mais il vaut peut-être mieux de ne pas prolonger ce discours. Je veux seulement vous dire que ce matin, j'ai célébré la Messe, le Très Saint Sacrifice eucharistique, à l'intention de mon Séminaire romain. Traditionnellement, à cette occasion, nous nous rendions au Séminaire. Aujourd'hui, c'est vous qui êtes venus, séminaristes, professeurs, recteur, et toutes les autorités du séminaire. Ainsi que toutes les personnes invitées. Je veux terminer en disant à tous: merci beaucoup!

Que vous dire de plus? Peut-être revenir à la première parole de ce discours: Debitor factus sum. Je suis débiteur. Et je dois payer. Le prix juste, ou plutôt le prix dû! J'essayerai de le faire à travers les mains du Cardinal Camillo Ruini et pour le bien de notre très cher et bien-aimé Séminaire romain. Tous mes voeux, mes meilleurs voeux.

Loué soit Jésus Christ.


Discours 2004 - Mardi 17 février 2004