Discours 1982 - Discours aux évêques, Lagos 15 février


À L'ARRIVÉE AU BÉNIN

Mercredi, 17 février 1982




Monsieur le Président,
Chers Frères dans l’Episcopat,
et vous tous, fils et filles du Bénin,

Je vous salue avec une grande joie.

Je vous remercie de m’accueillir aussi chaleureusement parmi vous. Mon séjour sera bref, mais il sera, grâce à vous, très bien rempli. Il était juste que je m’arrête chez vous, car votre désir était si impatient, vos mérites si grands et la renommée de votre foi si bien connue à Rome!

Je viens d’embrasser cette terre du Bénin, car elle est précieuse pour Dieu. Oui, Dieu lui veut du bien. Il veut du bien à tous ses habitants c’est-à-dire qu’il les bénit. Il veut faire de cette terre aussi le lieu du salut opéré par l’Evangile.

Je viens, comme ami de la paix et soucieux de tout ce qui est vraiment humain, à la rencontre de tous les citoyens de ce pays et de leurs dirigeants. Avec eux, je souhaite que leur nation développe toutes ses possibilités dans les meilleures conditions de justice, de paix, de fraternité. Je sais aussi que la plupart des Béninois adorent Dieu et le prient d’un coeur sincère. Je me sens particulièrement proche de ceux qui partagent la foi chrétienne et qui entretiennent entre eux de bonnes relations. Je viens encourager tout spécialement les fidèles catholiques qui, avec leurs frères du monde entier, forment une même famille, un même Corps, autour de notre bien-aimé Sauveur Jésus-Christ.
Il y a cent vingt ans, le Bénin n’avait pas encore eu l’occasion de connaître cette foi. Mais le 18 avril 1861, deux missionnaires des Missions africaines de Lyon débarquèrent pour la première fois non loin d’ici, à Ouidah. Ils ne venaient pas pour coloniser au nom de leur patrie; d’ailleurs l’un était Espagnol, l’autre Italien, et un troisième, un Français, était mort avant d’arriver. Ils venaient au nom de Jésus-Christ, qui destine à chaque peuple sa lumière et son amour, et qui s’adjoint des frères dans toutes les races.

Le but de ces missionnaires était de susciter ici des fils et des filles de l’Eglise, à part entière, épanouissant leurs valeurs ancestrales compatibles avec l’Evangile, et destinés à être organisés en Eglise avec leurs prêtre, leurs religieuses, leurs évêques. Moins de cent ans après, c’était fait, avec la nomination épiscopale de Monseigneur Bernardin Gantin. Et même s’il y a encore un long travail d’évangélisation à réaliser, l’Eglise du Bénin est un arbre solidement implanté, un arbre du pays.

Mais dans l’Eglise catholique, les communautés chrétiennes ne sont jamais seules. Elles doivent demeurer unies à celles de tout l’univers, dans la même foi et le même amour, et faire face ensemble aux grands problèmes spirituels. Elles doivent aussi s’entraider mutuellement, comme en témoigne le fait que des prêtres, religieux, religieuses et laïcs des autres pays continuent à prêter ici un concours fort utile, comme en témoigne aussi, en sens inverse, la collaboration appréciée que m’apporte le Cardinal Gantin, à Rome ou à partir de Rome, en faveur de l’Eglise universelle. Et la communion se noue autour du Successeur de Pierre.

C’est pour renforcer ces liens mutuels que le Pape vient aujourd’hui parmi vous. C’est la première fois dans l’histoire du Bénin. Je suis l’Evêque de Rome, de cette Eglise fondée par les Apôtres Pierre et Paul. Le Seigneur Jésus a confié à Pierre et à son Successeur, en cela Vicaire du Christ, la tâche de présider à l’unité de toute l’Eglise dans la foi et la charité. Il lui donne l’autorité de Chef pour ce service de ses frères. Je serai donc au milieu de vous le signe et le fondement de cette unité.

Comme Paul également, il me plaît de visiter les Eglises que je n’ai pas fondées, pour me réjouir de leur progrès et affermir leur marche dans la foi, en liaison avec les Pasteurs qui sont ici.

Que Dieu bénisse tous ceux qui m’accueillent ainsi aujourd’hui! Qu’il bénisse tous ceux que je vais maintenant rencontrer sur mon parcours et dans notre réunion de prière! Qu’il bénisse tout le Bénin!


AU PRÉSIDENT DU BÉNIN

Cotonou, Mercredi, 17 février 1982


Monsieur le Président,

1. Vous me voyez particulièrement heureux d’avoir pu rendre visite à mes frères et soeurs de la République Populaire du Bénin, même au cours d’une brève escale, et cela en compagnie de quelques-uns de mes proches collaborateurs, Monsieur le Cardinal Secrétaire d’Etat et Monsieur le Cardinal Bernardin Gantin, l’enfant de ce pays dont le Bénin peut être fier.

C’est pourquoi je remercie Votre Excellence d’en avoir permis la réalisation et le bon déroulement.

Et à travers votre personne, qui porte avec son Gouvernement la haute responsabilité des affaires temporelles de ce pays, je salue et je remercie également de son accueil tout le peuple béninois, sans distinction d’ethnie et de religion. Ce pays aspire à développer – avec une entraide qu’il désire toujours fraternelle et respectueuse de son génie propre – toutes ses ressources matérielles et humaines, de manière à mener une vie toujours plus digne et à prendre librement sa place dans le concert des nations. Je comprends et je rejoins volontiers cette aspiration, car elle correspond à la volonté de Dieu. Ce sera l’oeuvre de la nation tout entière et c’est à tous ses membres que j’exprime ma sympathie, mes voeux et mes encouragements à travailler pour leur patrie.

2. Les catholiques y ont leur part, et ils sont capables, vous le savez, Monsieur le Président, d’apporter à cet essor économique, social et culturel de la nation une contribution importante, de par leur nombre et de par la qualité de leur vision des choses, à la fois profonde et ouverte à tous les aspects de la vie. Au cours de cent vingt ans d’évangélisation, leurs qualités ancestrales, qui sont grandes, n’ont pas été reniées ni inhibées par l’Eglise, mais plutôt renforcées, purifiées au besoin, affinées et élargies par la foi chrétienne. Celle-ci a pu délivrer les enfants de ce pays d’une certaine crainte en établissant leur âme dans la paix à l’égard du Créateur; elle les appelle sans cesse à la loyauté, au respect de l’amour et de la vie, au travail solidaire, au partage, au service désintéressé, au pardon, au courage dans les épreuves, à l’espérance. Et les chrétiens ont spontanément attaché une grande importance aux oeuvres éducatives et aux oeuvres hospitalières, comme formes éminentes de service. Les fruits de cette action sont authentiquement africains et chrétiens. Certes il sont encore limités en étendue, et imparfaits; d’ailleurs l’Eglise sait bien qu’il s’agit d’une oeuvre exigeante, sans cesse à reprendre, car il y va surtout de la formation patiente et honnête des esprits et des coeurs, pour leur permettre de faire face à tous leurs devoirs, en hommes et femmes responsables. Or il est plus facile de s’en laisser détourner pour des motifs d’idéologie ou simplement de négligence. Mais on juge l’arbre à ses fruits.

3. C’est pourquoi les catholiques, avec leurs pasteurs, très conscients de cet enjeu, dans leur attachement à leur patrie, ne demandent pas de privilèges, mais veulent pouvoir participer pleinement et librement à toute la vie de la nation et aux responsabilités qu’elle suppose, comme l’ensemble de leurs concitoyens. Ils sont sûrs que là seulement se trouvera le véritable progrès pour tous. Et ils veulent en même temps pouvoir développer tout ce que requiert la foi qui est la leur, au niveau de la prière, de l’éucation de la foi, de la pratique religieuse, de la vie familiale, du témoignage de groupe, des réunions nécessaires. Ils ne peuvent accepter un enseignement qui serait en opposition avec leur conscience. Ils savent que l’homme ne vit pas seulement de pain, et leurs relations personnelles et communautaires avec Dieu sont pour eux capitales. Ils n’en éprouvent d’ailleurs que plus d’ardeur; dans un climat de confiance, à travailler pour procurer à tous le pain quotidien. Ils comptent sur Votre Excellence pour continuer à leur donner toutes ces garanties.

C’est en effet le rôle du Siège romain de l’Eglise, universelle d’aider les catholiques à cette prise de conscience. Et c’est toujours l’honneur des Gouvernants de bien comprendre ces exigences profondes de leur peuple et des croyants au sein de leur peuple.

4. Vous avez eu la bonté, Monsieur le Président, de rappeler les efforts du Saint-Siège pour promouvoir dans le monde entier la paix et la justice – deux mots qui définissent le travail de la Commission présidée par le Cardinal Bernardin Gantin –, pour favoriser l’entente et la coopération, sur un plan d’égalité et dans le respect mutuel. Qui, c’est cela que nous voulons, au bénéfice de tous les peuples auxquels nous réservons un même amour, une même considération.

C’est dans ces sentiments que je souhaite sincèrement la paix à l’ensemble de la nation béninoise.

Je lui souhaite de même la prospérité, le bonheur, le progrès social et spirituel. Je lui souhaite les meilleures conditions de liberté et dignité dans ses relations avec autres puissances, comme dans les rapports intérieurs entre tous les citoyens. Et ces voeux fervents, que me dicte la seule charité puisée dans l’Evangile, je les confie à Dieu qui veut le bien de tous et demeure le juge des consciences et le Maître de l’histoire. Qu’il bénisse le Bénin!

Je vous remercie encore, Monsieur le Président, de votre aimable hospitalité.


AUX ÉVÊQUES DU BÉNIN

Cotonou, Mercredi, 17 février 1982

Après la messe au stade municipal, le Pape s'est rendu au Palais présidentiel puis à l'archevêché où il s'est entretenu avec les évêques du pays. Il a remis à leur intention le message ci-après à Mgr Adimou, archevêque de Cotonou. C'est par cette rencontre que s'est achevée la visite du Pape au Bénin qu'il a quitté à 16 h 30 pour se rendre au Gabon (1).

(1) Texte français dans l’Osservatore Romano du 19 février.

Chers Frères dans l’Episcopat,

1. Comme je suis heureux de me trouver au milieu de vous, chez vous! J’oserai presque dire: c’est comme cela que j’ai l’impression d’exercer le mieux ma mission d’affermir les Eglises, tant que Dieu m’en donne la santé. J’apprends ainsi à connaître vos diocèses de Cotonou, d’Abomey, de Lokossa, de Natitingou, de Parakou, de Porto Novo grâce au Pasteur de chacun d’eux. Et je me réjouis de ce que Monseigneur Adimou soit maintenant secondé, dans ses lourdes responsabilités d’Archevêque de Cotonou et de Président de la Conférence épiscopale, par Monseigneur Isidore de Souza. Je devrais en nommer un huitième, votre prédécesseur, le cher Cardinal Gantin, qui maintenant se consacre entièrement au bien de l’Eglise universelle.

2. Au cours de cette belle célébration que nous venons de vivre, je crois avoir dit l’essentiel sur l’évangélisation. J’avais d’ailleurs lu avec intérêt votre rapport succinct et précis. J’ai tenu à souligner tout le positif qui se réalise actuellement dans l’Eglise au Bénin. Je me réjouis de voir que vous disposez d’un clergé béninois nombreux, bien formé, et qui vit en bonne entente avec les nombreux prêtres et religieuses des autres pays qui peuvent encore vous apporter leur précieux concours. J’encourage, ai-je dit, votre effort pour les vocations, votre zèle à promouvoir une catéchèse adaptée, une liturgie vivante et digne qui sait assimiler avec la prudence requise les expressions valables de la prière populaire, votre souci de former les laïcs à l’apostolat pour leur milieu et à leur tâche de catéchistes, notamment à Ouidah. Malgré les difficultés que chacun sait, des chrétiens et même des religieuses sont admis, et appréciés, comme enseignants dans les écoles nationalisées. Vous continuez à assurer une présence très évangélique et efficace dans le monde sanitaire, dans la formation des futures mères de famille, etc.

J’ai souligné aussi la nécessité de vous entraider entre le Sud et le Nord, et je me permets d’insister pour que vous ne craigniez pas de mettre à la disposition des évêques du Nord des effectifs missionnaires plus nombreux, et de qualité. Mais je sais que vous êtes déjà bien conscients de ce devoir de partage que requiert l’évangélisation.

3. Vous êtes désormais, du point de vue social et politique, dans une situation que je connais bien par expérience. Je constate que l’Eglise, ici, surmonte bien cette épreuve; vous me parlez même d’un certain “printemps”. J’évoque à ce sujet trois points importants. D’abord favorisez la plus grande unité entre vous, une unité sans faille, entre les pasteurs et entre tous les ouvriers apostoliques de l’Eglise: ce sera votre force, c’est ce qui sauvera votre Eglise. Ensuite, poursuivez les efforts qui permettront de fortifier la foi, de la former en profondeur, pour qu’elle puisse faire face aux idéologies athées et que les chrétiens puissent en rendre compte. Enfin, tout en demeurant dans votre mission uniquement spirituelle, restez très attentifs aux problèmes humains, moraux, qui se font jour de façon aiguë dans la société actuelle, et formez les laïcs à prendre en ce domaine leur responsabilité. Ainsi il sera manifeste que les chrétiens sont les premiers à contribuer loyalement au bien de la société, au service de la patrie, notamment au développement.

4. Je pense encore à votre souci d’évangéliser les coutumes de ce pays. C’est tout le problème de l’enculturation de la foi. En ce domaine délicat, et capital pour vous, je sais pouvoir vous faire confiance pour discerner avec soin les “semina Verbi”, tout ce qui est compatible avec l’Evangile, peut et doit même aider à l’exprimer dans la vie d’une façon adaptée à ce peuple, en intégrant ce qui marque le plus profondément les esprits, et en même temps pour préciser avec courage ce qui éloigne de l’authenticité évangélique ou requiert une conversion. Il y va de la réussite de l’enracinement de l’Evangile dans votre peuple.

5. A l’homélie, j’ai parlé plus précisément de la famille. Certains diocèses ont pris ce thème comme effort pastoral. C’est en effet capital, de même que l’effort pour les vocations. Je suis sûr que vous ferez tout, avec vos prêtres, vos religieuses et vos couples bien chrétiens, pour permettre au plus grand nombre de mieux découvrir la grâce du sacrement de mariage, de la désirer. Et vous saurez présenter, expliquer, de façon adaptée aux Béninois, les différents aspects de l’exhortation “Familiaris Consortio”, où est consignée l’expérience du Synode, l’expérience universelle de l’Eglise en ce domaine.

6. Le temps me manque pour traiter de la question délicate du dialogue avec les musulmans, que j’aborde souvent dans d’autres pays.

Je sais par ailleurs que vous rencontrez des problèmes particuliers avec les sectes, certaines déjà anciennes, d’autres nouvelles. Les catholiques doivent s’entraider à y faire face avec charité et discernement. C’est là qu’importe le sens de l’unité de l’Eglise.

7. En définitive, l’essentiel est, comme vous dites, d’aider les chrétiens à avoir une foi dynamique.

Ce n’est pas seulement une question de méthode, qui a certes son importance. C’est une question de zèle évangélique. Sans oublier que la foi est un don de Dieu à demander dans une prière fervente.

Vos prêtres, eux, ont évidemment besoin, plus que jamais, de sentir que vous êtes très proches d’eux, de leur vie, de leurs soucis. Et de même les laïcs deviendront encore plus responsables en vous rencontrant simplement, en conversant et en réfléchissant avec vous.

Pour tout ce beau travail, je vous remercie. Je vous encourage. Je prie pour vous. Priez pour moi! Et je vous bénis de tout coeur.



AU DÉPART DU BÉNIN

Cotonou, Mercredi, 17 février 1982


Je remercie encore une fois Monsieur le Président et toutes les Autorités civiles de leur accueil bienveillant et organisé avec soin. Je remercie tous ceux qui ont eu une part dans la préparation et le déroulement de ce grand rassemblement autour du Pape, et encore tous ceux qui, dans le pays, s’y sont associés par la prière ou l’offrande de leurs épreuves. Je remercie spécialement mes Frères les évêques.

Chers Béninois, vous êtes réputés en Afrique pour votre chaleureuse hospitalité. Je viens d’en être le bénéficiaire ému! Merci! Merci!

Je souhaite à ce noble pays du Bénin le progrès économique, social, culturel, moral et spirituel que tous ses habitants désirent préparer ensemble, dans une atmosphère de confiance et de paix! Je souhaite aux chrétiens la joie de la foi et le zèle de l’Evangile: Dieu est avec vous.

Pour ma part, je rends grâce à Dieu de tout ce que j’ai vu et entendu au milieu de vous, même si je n’ai pu aller qu’au bord de votre pays. Vous aurez grande place dans ma prière. Priez aussi pour moi, pour que Dieu favorise mon ministère de vérité, de communion et de paix.

Je suis heureux de laisser à la tête de vos communautés diocésaines des Pasteurs qui ont toute ma confiance. Mais vous permettrez que je reparte avec votre Aîné, le Cardinal Gantin! On a besoin de lui à Rome!

Que Dieu bénisse le Bénin!



À L'ARRIVÉE AU GABON

Mercredi, 17 février 1982


Monsieur le Président,
Chers Frères dans l’Episcopat,
Et vous tous, chers chrétiens et chers fils du Gabon,

1. L’Afrique est un si vaste continent qu’il me faudrait y voyager constamment pour le visiter tout entier! Chaque pays a son histoire particulière, très ancienne et toute récente, humaine et religieuse, qui mérite d’être mieux connue, respectée, aimée. Je suis très heureux de redire ici que ma première visite pastorale en Afrique, en mai 1980, m’a beaucoup appris et a laissé en moi des souvenirs inoubliables. Je demeure profondément reconnaissant aux populations qui m’ont alors accueilli si chaleureusement.

Mais je suis maintenant au Gabon! Votre attente est comblée et la mienne également! Remercions déjà la divine Providence d’avoir disposé toutes choses, au temps marqué par Elle, pour que cette rencontre historique soit possible et fructueuse.

2. Je suis très ému d’ouvrir mes bras et mon coeur à tous et à chacun d’entre vous, comme un frère à ses semblables, comme un ami à ses amis, comme un Père à ceux qui sont Fils de l’Eglise catholique. Je me tourne d’abord vers vous, Monsieur le Président, et je vous remercie bien cordialement d’avoir fait tout ce qui était en votre pouvoir pour me permettre ce séjour de caractère essentiellement pastoral. Je salue fraternellement Monseigneur l’Archevêque de Libreville et les évêques de Franceville, de Mouila et d’Oyem. Je salue toutes les délégations de communautés chrétiennes. Leur accueil enthousiaste et réconfortant me fait songer aux foules qui remplissent chaque semaine la salle des audiences ou la place Saint-Pierre à Rome, et aux grandes assemblées de mes précédents voyages apostoliques chez vous en Afrique, comme en Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Extrême-Orient. L’Eglise du Christ est bien vivante et un grand souffle de communion fraternelle l’anime de plus en plus, dont l’expression est favorisée par les moyens modernes de communication. Précisément c’est à tous les Gabonais retenus par leurs obligations dans les villes et les campagnes, et qui m’entendent par radio ou me voient à la télévision, que j’adresse un joyeux salut. Je tiens aussi à évoquer la mémoire de vos ancêtres, de toutes ces générations qui ont façonné l’histoire de votre peuple. Et comme vous avez su le faire avec éclat en 1966 pour le centenaire de sa mort, je veux rendre un hommage fervent à la personne et à l’oeuvre déterminante de Monseigneur Jean-Rémy Bessieux. C’est véritablement lui qui, après son débarquement au Fort d’Aumale le 28 septembre 1844, a mis en route l’épopée missionnaire et l’essor culturel de votre pays, le premier en Afrique noire à recevoir l’Evangile. Votre fidélité à la mémoire de Monseigneur Bessieux sera toujours une des sources de votre unité.

3. Sans trop prolonger ce discours, je voudrais pourtant souligner dans quel esprit je viens chez vous. C’est uniquement comme Pasteur, spécialement chargé, à la suite de l’Apôtre Pierre et de tous ses Successeurs, de veiller à l’unité de toutes les Eglises dans la foi et la charité. Tout Pasteur doit connaître ses brebis et se faire connaître d’elles. Jésus a été tout à fait explicite sur ce devoir. Il me faut partager avec vos évêques la connaissance concrète des réalités qui font votre vie de Gabonais. Elles conditionnent très certainement votre accueil et votre pratique de l’Evangile, et donc la pastorale adaptée que vos évêques s’efforcent de mettre en oeuvre. Venu pour connaître et recevoir, j’ai aussi à vous apporter. Je voudrais que mon humble présence, confirmant le ministère de vos Pasteurs, soit perçue comme un nouveau signe que Dieu vous aime, et qu’Il vous propose toujours de faire alliance avec lui en vue de la libération de vos coeurs et de vos esprits. Celle-ci demeure la condition essentielle pour vous dégager toujours davantage des pesanteurs du matérialisme contemporain et d’autres misères sociales. Je voudrais également vous faire mieux apprécier le bonheur et la sécurité que représente votre fidélité au centre de la catholicité. Je souhaite vous faire sentir enfin que vous occupez une place à part entière dans le vaste concert des Eglises locales et que la qualité de votre vie ecclésiale a une répercussion certaine sur les Eglises-Soeurs. Bref, pendant ces jours de rencontre, la vérité de nos échanges favorisera la croissance spirituelle des personnes et des communautés, et permettra d’approfondir la communion entre vous et moi, entre l’Eglise au Gabon et les Eglises du monde entier, grâce à cette présence symbolique et efficace du Successeur de Pierre au milieu de vos propres évêques qui sont ses Frères, Successeurs des Apôtres.

Je souhaite et je demande à Dieu que nous vivions toutes nos rencontres dans cet esprit. Et je confie également la bonne volonté de tous et mon ministère parmi vous à la protection de la Vierge Marie, spécialement honorée dans l’Eglise la plus ancienne de Libreville, construite par la piété et les soins de l’inoubliable Monseigneur Bessieux. Dieu bénisse le Gabon!





AU PRÉSIDENT DU GABON

Libreville - Mercredi, 17 février 1982


Monsieur le Président,

1. Il m'est particulièrement agréable de vous remercier, ici, dans votre demeure, des gestes de courtoisie que vous avez multipliés envers mon prédécesseur Pal VI, comme envers moi-même en venant au Vatican vous entretenir avec le Pape. Par ces visites de Votre Excellence, c’était déjà le Gabon qui témoignait de son désir de maintenir ses liens toujours plus étroits avec le Saint-Siège, et c’est pourquoi en m’adressant aujourd’hui à la plus haute Autorité de l’Etat, c’est la nation gabonaise tout entière que je salue, non sans émotion.

2. Le Gabon se signale par l’effort qu’il a consenti, sous votre impulsion, à partir de ses richesses naturelles qui sont grandes, pour assurer rapidement son développement économique. Qui ne l’en féliciterait? C’est un atout considérable, pour sa, subsistance et son progrès, pour son avenir. Je forme les meilleurs voeux pour sa prospérité.

Cet effort, dont se préoccupent particulièrement le Gouvernement et les divers responsables de la vie du pays, est en fait celui de tous les Gabonais, car la tâche difficile que le développement requiert pour être plénier, atteindre tout homme et profiter à l’ensemble des hommes, concerne en définitive chaque citoyen. En effet un tel progrès est fondé non seulement sur la richesse et le travail, mais également sur les autres valeurs, comme celles de la justice sociale, de la liberté, du sens du bien commun, de l’honnêteté, de la solidarité avec les plus démunis. Un essor économique qui ne s’appuierait pas sur de telles vertus mettrait en péril sa finalité: la promotion d’une société fraternelle, capable d’intégrer harmonieusement les jeunes générations, les différentes ethnies du pays, et d’accueillir les étrangers. Tout cela dépend de la part de responsabilité que chacun est disposé à prendre dans la société. L’Eglise elle-même y a sa part pour en rappeler la nécessité et y contribuer concrètement. C’est en effet le dessein de Dieu que, de jour en jour, l’homme s’épanouisse, grâce à son travail bien maîtrisé et à son sens éthique, au sein de ses relations familiales et sociales. C’est alors que l’adoration qu’il voue au Créateur selon sa conscience, avec sa communauté, exprime l’obéissance qu’il lui doit. Je sais que, chez vous, les exemples de cet épanouissement réussi de l’homme africain ne manquent pas. Il faut poursuivre le chemin tracé, sans se lasser. Et je suis venu pour vous y encourager!

3. Une des caractéristiques de la nation, c’est sa culture.

Celle-ci apporte à l’homme, entre autres, une manière de vivre, une manière de sentir ensemble.

On est heureux d’être ou se retrouver dans son pays, car on y éprouve la sensation d’appartenir à une grande famille. La culture d’un peuple est ce qu’il a d’original, ce qui le différencie de ses voisins, sans pour autant l’en séparer, et ce qui l’appelle à apporter aux autres sa contribution propre. La culture africaine, dont celle du Gabon est une des expressions singulières, est un bien précieux. Elle doit pouvoir inclure les traditions ancestrales, en ce qu’elles ont de meilleur, et ne pas craindre la nouveauté, se sachant assez forte pour demeurer elle-même. Surtout, elle développe en chacun des fils de la nation un sentiment de fierté qui entraîne le respect d’autrui. Soyez donc fiers d’être Gabonais!

4. Votre pays n’a-t-il pas su prendre ces dernières années un rôle remarqué dans le concert des nations, et en particulier en Afrique? Puisse votre action contribuer à y apporter la paix dont elle a tant besoin, malgré les obstacles d’ordre social, ethnique, économique, idéologique, afin que s’établisse ainsi une coopération fructueuse de peuple à peuple, respectueuse des sensibilités différentes et centrée sur les grands objectifs qui doivent rester ceux du développement adapté à ces pays! C’est ce à quoi s’attache, pour sa part, le Saint-Siège, dans le cadre de sa mission spirituelle, en favorisant le plus possible tout ce qui touche à la paix, à l’entente, au respect des droits de l’homme, à la croissance, des jeunes nations.

5. Je sais, et il m’est agréable d’en témoigner ici, que l’Eglise catholique au Gabon jouit de la liberté, et de la considération des Autorités publiques. Il est vrai qu’elle a apporté largement son concours – en prenant souvent même l’initiative –, aux oeuvres visant à instruire et à éduquer, à assurer de meilleures conditions de santé, à assister les plus pauvres, à former aux diverses responsabilités civiques. Elle est prête à poursuivre cette participation dans la mesure de ses moyens, comme elle l’a fait depuis près d’un siècle et demi. Ainsi que Votre Excellence l’a Elle-même aimablement et opportunément relevé, elle a largement contribué à la maturation du Gabon moderne.

Monsieur le Président, la compréhension et l’aide que vous avez personnellement apportées à l’enseignement catholique montrent assez en quelle estime vous tenez ce rôle. En effet, l’apport de l’Eglise à l’éducation de la jeunesse constitue pour tous, avec la garantie du respect de la liberté de conscience, une ouverture de l’esprit et du coeur des jeunes aux valeurs morales et spirituelles qui sont capitales, comme je le disais au début. Il en va de même lorsque la possibilité est concrètement offerte au grand nombre, comme c’est le cas au Gabon, de suivre sur les ondes ou à la télévision des émissions proposées par l’Eglise. Je tenais à vous en exprimer ma gratitude.

Mais ma reconnaissance vous est spécialement acquise aujourd’hui, Monsieur le Président, comme à toutes les Autorités publiques, pour le magnifique accueil qui m’est réservé et pour toutes les facilités mises à ma disposition avec tant de délicatesse, afin que je puisse accomplir, dans les meilleures conditions, ma visite pastorale.

Que Dieu bénisse le Gabon! Et qu’il exauce tous les souhaits qu’en ce jour je forme pour lui et pour ses dirigeants!



À L'ÉGLISE DU GABON

Libreville, Mercredi 17 février 1982


Le 17 février, venant du Bénin, le Pape est arrivé à l'aéroport Leon Mba, à Libreville, où il a été accueilli par le président Omar Bongo, les autorités civiles et religieuses. Il s'est ensuite rendu à la cathédrale où il a adressé le discours ci-après au clergé, aux religieux et aux catéchistes. L'Église du Gabon compte aujourd'hui 4 diocèses confiés à 5 évêques gabonais, 22 prêtres gabonais et 62 prêtres étrangers, 160 religieuses dont 40 gabonaises (1) :

(1) Texte français dans l'Osservatore Romano du 19 février.

Chers fils et chères filles de l’Eglise qui est au Gabon,

1. Chaque peuple est légitimement fier de posséder sur son territoire des lieux et des monuments qui témoignent des grands moments de sa vie et invitent les générations qui se succèdent à faire le lien entre le passé et le présent. Dans la mesure où elles demeurent fidèles à leur histoire, elles accomplissent un devoir de justice et d’honnêteté, elles consolident ou retrouvent leur unité, elles deviennent capables de faire avancer cette histoire en intégrant avec sagesse les valeurs du passé aux nouveautés séduisantes mais parfois ambiguës des époques successives. Précisément, cette cathédrale Sainte-Marie de Libreville est un haut lieu de votre histoire. C’est à cet endroit que, le 29 septembre mille huit cent quarante-quatre, l’inoubliable Père Bessieux célébra pour la première fois le sacrifice du Christ en terre gabonaise. Ce monument sacré demeure comme le berceau symbolique de votre nation. Je vous félicite d’avoir gravé sur ses murs intérieurs, à droite en entrant, une phrase qui est un témoignage aussi émouvant que véridique: “D’ici, la lumière de l’Evangile a brillé sur les pays africains”.

Cent trente-huit années se sont écoulées! Plus heureux que mes prédécesseurs du siècle dernier, Pie IX et Léon XIII, qui encouragèrent cette tentative d’évangélisation, j’ai l’immense bonheur de contempler dans cette nombreuse assemblée les résultats du patient labeur des ouvriers de la première heure et de tous ceux qui ont pris la relève. L’enseignement que le Christ donnait en paraboles sur l’expansion à venir du message évangélique concernait aussi votre continent. Vous êtes aujourd’hui environ cinq cent mille qui ont entendu parler de la Bonne Nouvelle et reçu le baptême chrétien. Vous êtes aujourd’hui la vivante parabole du grain de sénevé devenu un grand arbre (cf. Mt 13,31-33.

En cette rencontre mémorable, je me sens pressé d’affermir tous ceux et toutes celles que le Christ a mystérieusement appelés aux tâches de l’évangélisation en terre gabonaise. Dans une optique de reconnaissance et de fidélité aux pionniers du siècle dernier, ils poursuivent la même oeuvre selon les méthodes renouvelées par l’Eglise en notre temps. C’est pourquoi je m’adresserai en premier lieu aux prêtres gabonais et aux Pères Spiritains, Salésiens, Clarétains et “Fidei Donum” qui leur apportent un si précieux concours. Je m’adresserai ensuite aux religieux et religieuses (j’ai retenu que dix-huit congrégations oeuvraient à travers les quatre diocèses de ce pays) et, bien sûr, aux nombreux laïcs chrétiens, qui sont catéchistes ou responsables de mouvements d’apostolat, ou qui ont une grande responsabilité dans leurs communautés chrétiennes.

2. A vous, chers frères dans le sacerdoce ministériel, qui n’êtes pas sans vous inquiéter de votre nombre restreint ni sans souffrir parfois des interrogations – même en Afrique – sur l’identité et la mission du prêtre, je veux confier un certain nombre de choses qui me tiennent profondément à coeur. Et tout d’abord ceci: sans nullement perdre de vue le problème extrêmement sérieux de la relève sacerdotale, dont nous reparlerons; ne croyez-vous pas – et cela vaut pour bien d’autres régions du monde – que les prêtres du Christ sont appelés plus que jamais à une très grande qualité de vie sacerdotale? Il est des moments où la qualité doit nécessairement suppléer la quantité!

D’autre part, les interrogations auxquelles je faisais allusion, assurément excessives et débilitantes, peuvent et doivent aussi nous donner l’évidence que le sacerdoce est un véritable mystère au sens chrétien du mot, c’est-à-dire une réalité dont nous connaissons une face mais dont l’autre nous échappe parce qu’elle vient de Dieu et rejoint Dieu. Dans le langage des Pères de l’Eglise, les mots mystère et sacrement étaient souvent employés équivalemment. Frères très chers – et je le dis aussi pour l’assemblée toute entière –, il nous est demandé à tous de croire au sacerdoce, comme nous croyons au baptême et à l’eucharistie. Or, pourrons-nous jamais épuiser par exemple la signification du baptême: devenir fils de Dieu dans l’amour, mourir au péché avec le Christ pour ressusciter dans une vie nouvelle, devenir toujours davantage membre du peuple de Dieu, vivre les Béatitudes dans l’espérance? Richesse et profondeur du don de Dieu! Il en est de même pour le sacerdoce. Réjouissons-nous s’il pose questions et si aucune définition ne nous satisfait jamais entièrement parce que sa découverte totale n’est jamais achevée. En tout cas, je tiens à souligner que la première fidélité demandée à un prêtre – quel que soit son genre de vie et d’apostolat – est de continuer à croire à son propre mystère, de persévérer dans la foi à ce don de Dieu qu’il a reçu et auquel l’inévitable routine et les autres obstacles peuvent certainement porter atteinte. C’est bien cela que l’Apôtre Paul rappelait avec soin à son disciple Timothée (2Tm 1,6). Si dans un passé qui n’est pas si lointain on a pu écrire des pages lyriques sur la grandeur du prêtre, aujourd’hui, à force de dire que le prêtre doit être un homme comme les autres, on risque de relativiser le sacrement qu’il a reçu et de jeter un voile sur le caractère indélébile dont parle la théologie traditionnelle, confirmée par les Conciles de Trente et de Vatican II. Dans une authentique perspective théologique, on est prêtre pour toute la vie ou on ne l’est pas, comme on est baptisé ou on l’est pas. Seuls les actes du ministère sont engagés dans la succession et le temps. Cela a toujours été la foi de l’Eglise catholique et des Eglises orientales.

C’est à partir de là que je veux affermir en vos coeurs la fidélité a votre mission sacerdotale, qui est fidélité d’amour à l’annonce de l’Evangile, au service des sacrements, au soutien des communautés chrétiennes dans un attachement sans faille à l’Eglise et à ses responsables. Le cri de Saint Paul: “Malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Evangile!” (1Co 9,16) ne mobilisera jamais assez les énergies physiques, intellectuelles et spirituelles d’un prêtre. Et dans vos annales gabonaises, vous êtes légitimement fiers de conserver le souvenir du premier prêtre issu de votre peuple, Monseigneur Raponda-Walker. Oui, les hommes – consciemment ou non – attendent que le prêtre leur parle de Dieu avec beaucoup de conviction et d’humilité. Et les occasions ne manquent pas, depuis la liturgie dominicale jusqu’aux rencontres de préparation aux sacrements et d’animation des mouvements apostoliques ou caritatifs, en passant par les heures données au très grave devoir de l’enseignement catéchétique. Renoncer à la proclamation explicite de l’Evangile pour se livrer à des tâches socio-professionnelles serait mutiler l’idéal apostolique et sacerdotal. J’ajouterai que le service des sacrements fait toujours partie intégrante du sacerdoce ministériel, et que les chrétiens qui en font la demande ont besoin d’être écoutés, compris, éclairés sur le vrai sens de leur démarche. Un prêtre ne saurait se résigner à devenir un fonctionnaire autoritaire et blasé, oubliant que les sacrements et tous les actes liturgiques sont non seulement des signes efficaces de la foi, mais des appels à mieux prier et à mieux aimer pour ceux qui les donnent et pour ceux qui les reçoivent. Tous ces gens qui viennent recevoir la lumière et la force de Dieu constituent des communautés humaines et chrétiennes sans doute très diverses mais qui ont toutes besoin de la fidélité du prêtre à sa mission, à ses engagements. Il arrive à certains jours que la foi en l’appel du Christ peut s’obscurcir et les tentations d’une autre vie devenir pressantes. Mais la présence de jeunes, d’adultes, d’anciens, dont le prêtre sait qu’ils ont besoin de lui et qu’ils lui font confiance, constitue une raison indubitable parmi d’autre de demeurer fidèle à sa mission. Et j’achèverai mes confidences aux prêtres en soulignant que les fidélités déjà évoquées ne sauraient tenir sans une fidélité d’amour ardent au mystère de l’Eglise, à la redécouverte continuelle de ses dimensions mystérieuses, en même temps divines et fraternelles. Mystère de l’Eglise, dont la Constitution conciliaire de Vatican II est peut-être le joyau! C’est que la mission du prêtre, qu’il soit enfoui au Sahara, comme Charles te Foucauld le fut, ou perdu dans la brousse africaine, comme tant de missionnaires l’ont été et le sont encore, est toujours une mission d’Eglise! Prêtres de Jésus-Christ, prêtres au Gabon, le Pape vous aime de tout son coeur, il prie spécialement pour vous, pour votre fidélité, pour votre ferveur.

3. En préparant mon voyage pastoral, j’ai pu voir que de nombreuses congrégations religieuses travaillaient au Gabon, et que les plus anciennement implantées – celles des Pères du Saint-Esprit, des Soeurs de l’Immaculée-Conception de Castres, des Frères de Saint-Gabriel – ont, singulièrement contribué à l’édification de l’Eglise au Gabon et au développement humain du pays. En votre nom à tous, je dois spécialement remercier la Congrégation locale des Petites Soeurs de Sainte-Marie du Gabon pour leur courage, leur simplicité et leur proximité du peuple gabonais. Mais c’est aux dix-huit instituts venus à votre service que j’adresse mes félicitations et mes encouragements.

Chers Frères et Soeurs, valorisez encore ce que vous êtes et ce que vous faites! Vous êtes des chrétiens et des chrétiennes au milieu des autres, qui avez eu la grâce d’entendre l’appel à la pratique radicale de l’Evangile, caractérisée, aujourd’hui comme hier, par les voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Pratique radicale qui, d’année en année, vous conduit à un état de disponibilité au Seigneur et à vos frères humains, tel que ceux-ci en demeurent comme interpellés.

Témoignage personnel et témoignage communautaire de détachement et de disponibilité doivent s’harmoniser et se renforcer. C’est de cela que les sociétés modernes, tentées de s’enfermer dans un matérialisme pratique qui revêt souvent le visage d’une idolâtrie du pouvoir, de l’argent et du sexe, ont besoin. Si ce témoignage vous apparaît souvent difficile et limité, retournez, de grâce, à l’esprit des vos Fondateurs et Fondatrices qui brûlèrent d’amour pour le Christ et son Eglise.

Il faut considérer aussi ce que vous faites concrètement. Beaucoup enseignent dans les écoles ou les collèges, beaucoup collaborent à la pastorale paroissiale ou diocésaine dans le domaine de la catéchèse, de la liturgie, des mouvements d’apostolat, de la formation permanente des jeunes et des adultes, des oeuvres caritatives, etc. Je m’en réjouis fort et je vous félicite tous au nom de l’Eglise. Peut-être le temps est-il venu de collaborer davantage encore entre vous, religieux et religieuses de diverses congrégations, et de collaborer davantage aussi avec les responsables diocésains de la pastorale d’ensemble. L’union concertée permet souvent des économies de personnes, de moyens techniques et financiers, et elle redonne élan et efficacité à des oeuvres trop dispersées.

A cet endroit, je me dois d’appuyer les efforts entrepris par la Conférence épiscopale au plan de la pastorale des vocations sacerdotales et religieuses. Je sais que les résultats ne sont guère encourageants pour l’instant. Cependant la remontée des effectifs dans bien des séminaires et noviciats africains doit vous maintenir dans la sérénité et l’espérance. Dans les rapports que vous m’avez envoyés au cours tes semaines passées, j’ai vu que plusieurs mouvements de jeunes ou centres de jeunes donnent de nouveau des signes d’espoir. J’ai lu également que bien des jeunes déçus par la société de consommtion étaient en recherche d’absolu ou en tout cas de nouvelles raisons de vivre. Les divers organismes de pastorale des vocations sont certainement très attentifs à ce phénomène complexe qu’on observe de plus eu plus dans les sociétés d’abondance. Il peut être pour certains la route d’un engagement radical à la suite du Christ. Il me semble aussi que les communautés de prêtres, de religieux et de religieuses, acquérant une véritable transparence évangélique et faisant preuve d’accueil désintéressé et d’ouverture aux jeunes et même à leurs parents, sont un élément de cette pastorale. Certaines d’entre elles, ainsi que plusieurs communautés chrétiennes, reçoivent volontiers en stage de réflexion et de coopération des jeunes qui portent un-certain projet de vocation. C’est une réelle convergence d’initiatives judicieuses, améliorées, persévérantes, qui permettront à l’Eglise au Gabon de trouver en son sein une bonne part des ouvriers évangéliques dont elle a tant besoin. Je vous promets de continuer à porter cette intention dans mes prières.

4. Et maintenant je m’adresse aux laïcs chrétiens qui portent si généreusement des responsabilités nombreuses et diverses à travers les diocèses et les paroisses du Gabon. Je les félicite et je les remercie de tout coeur, au nom de l’Eglise tout entière, du travail évangélique qu’ils ont fait et qu’ils feront encore. Bien des pays d’Europe sont loin d’avoir des effectifs aussi importants de laïcs engagés et, qui plus est, souvent de façon spontanée et bénévole. La lecture des rapports préparatoire à ma visite m’a permis de m’en convaincre et de noter que le terme de “catéchiste” et celui de “responsable” recouvraient toutes sortes de fonctions reconnues par les évêques et par les autres chrétiens: celles de 1’enseignement proprement dit de la foi, du catéchuménat, de l’animation, des groupes de prière, des mouvements d’apostolat et autres associations, de la co-responsabilité des paroisses rurales et urbaines, en accord avec le prêtre et dans le respect de sa responsabilité et de son ministère spécifiques. Et j’ai bon espoir que ma visite pastorale suscitera de nouvelles recrues, spécialement parmi les jeunes qui habitent en ville. Je vous encourage tous, chers laïcs, à prendre toute votre place dans l’organisation et l’animation de vos communautés chrétiennes. Et je vous encourage tout autant à profiter au maximum des moyens de formation permanente que la Conférence épiscopale a pris soin de mettre sur pied: ici un week-end par mois, là une session de dix jours tous les deux mois, etc. Votre qualification doctrinale, pédagogique et spirituelle est indispensable pour vous-mêmes, pour le rayonnement de votre action, et pour vous permettre de former d’autres catéchistes et responsables. C’est aussi dans ces groupes de jeunes laïcs engagés que des vocations doivent normalement germer.

Mon dernier mot sera un encouragement chaleureux aux prêtres, aux religieux et aux religieuses à soutenir l’action des laïcs, à leur faire davantage confiance; et un encouragement non moins chaleureux aux laïcs à entourer leurs prêtres, leurs communautés de Frères et de Soeurs, de respect, d’amitié et d’esprit de collaboration.

Je demande au Seigneur que mon passage parmi vous fasse progresser la compréhension entre tous et l’entraide persévérante, qui donneront à l’Eglise au Gabon l’impulsion que souhaitent tant de chrétiens, et qui feront trouver davantage encore à cette Eglise de Mission le visage d’une Eglise locale à part entière, dans le concert de l’Eglise universelle. C’est croissance, sans rupture et sans précipitation, que je souhaite et que j’espère ardemment pour les quatre diocèses gabonais et leurs fidèles.

Que Dieu vous comble de ses Bénédictions et que la Vierge Marie, spécialement honorée en ce lieu, soutienne l’apostolat de tous les ouvriers évangéliques au Gabon!




Discours 1982 - Discours aux évêques, Lagos 15 février