2002 Magistère Mariage 1870


IMPUISSANCE ANNULANT LE MARIAGE - 13.5.1977

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SACREE CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI
DECRET SUR L'IMPUISSANCE ANNULANT LE MARIAGE


La Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi a toujours considéré que ne devaient pas être empêchés de se marier ceux qui avaient subi une opération de vasectomie, ainsi que ceux qui se trouvent dans des situations semblables, parce que leur impuissance n'apparaît pas certaine.
Après avoir examiné cette pratique et après une nouvelle étude de la part de cette Sacrée Congrégation ainsi que de la Commission pour la révision du Code de droit canonique, les Pères de cette Sacrée Congrégation, réunis en assemblée plénière le mercredi 11 mai 1977, ont décidé de répondre aux doutes qui leur avaient été soumis:

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1 - L'impuissance qui annule le mariage consiste-t-elle en une incapacité, antécédente et perpétuelle, soit absolue, soit relative, d'accomplir l'acte conjugal?

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2 - En cas de réponse affirmative, l'éjaculation de sperme élaboré dans les testicules est-elle nécessairement requise pour l'acte conjugal?

Sur le premier point: Oui; sur le second point: non.

Au cours de l'audience accordée le 13 mai 1977 au préfet soussigné de cette Sacrée Congrégation, le pape Paul VI, souverain pontife par la Divine Providence, a approuvé ce décret et a ordonné de le publier.




SEIZE THESES DE CHRISTOLOGIE SUR LE SACREMENT DE MARIAGE

date 1980?

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INTRODUCTION

Le bilan du second quinquennat (15.8.1974 - 14.8.1979) de la commission théologique internationale commence à s'esquisser. Les problèmes d'ecclésiologie et de dogmatique y auront toujours occupé une bonne place, en raison de leur urgence comme du fait de la spécialisation de la majorité des membres. En 1975, le professeur Urs VON BALTHASAR, le R.P. SEMMELROTH et le professeur K. LEHMANN furent les chevilles ouvrières d'une réflexion studieuse sur les rapports entre le Magistère et les théologiens (Cf. D.C. n. 1702 p. 658-665 du 18.7.1976). En octobre 1978, les problèmes actuels de la christologie retiendront l'attention des membres de la CTI.
Pour ce quinquennat cependant, la secrétairerie d'Etat et la Congrégation de la Doctrine de la foi auraient voulu renforcer le nombre des professeurs de morale pour promouvoir l'étude des questions de la praxis et de la vie chrétienne. La session de décembre 1974 fut ainsi consacrée à l'étude des méthodes de la morale et des critères de l'acte moral (cf. DC n. 1675 p. 420-426 du 4.5.1975 et DC p. 761-766 du 7- 21.9.1975). En 1976, la "théologie de libération" fut l'objet d'une étude critique et synthétique (DC n. 1726 p. 761-768 du 4-18.9.1977). Décembre 1977 vit une session consacrée à la "doctrine du mariage chrétien".
C'est en octobre 1977 que le R. P. MAHONEY, S.J., doyen de la Faculté de théologie de Heytroop Collège (Université de Londres), avait lancé l'idée de cette recherche et convaincu une majorité de ses collègues: "On a beaucoup étudié, ces dernières années, les problèmes pratico-pratiques de la vie matrimoniale des chrétiens, constatait-il. Maintenant, ce qui est mis en cause et ce qui doit être approfondi c'est le cadre même de cette vie sexuelle: le mariage comme communauté stable de vie et d'amour. Cette suggestion fut retenue par S. Em. le cardinal SEPER, président de la CTI, qui, après consultation des membres, constitua une sous- commission ad hoc. Elle fut composée des professeurs B. AHERN, C.P; C. CAFFARA; Ph. DELHAYE (président); W ERNST (4); K. LEHMANN; J. MAHONEY. S.J. (moderator discussionis); J. MEDINA; O. SEMMELROTH. C'est elle qui, sans oublier de grouper de nombreux documents, prit la responsabilité des thèmes à traiter dans des "relations" et à résumer dans des thèses. Bientôt. il sera possible de publier un petit volume, reprenant la plupart de ces travaux sur le mariage comme institution et sa mise en cause actuelle (Dr. ERNST), la sacramentalité du mariage et sa relation à la foi vécue (Dr LEHMANN), le mariage comme oeuvre du Dieu créateur et le sacrement (professeur CAFFARA), l'indissolubilité du mariage sacramentel consommé (professeur HAMEL). Ce point de vue doctrinal sera d'ailleurs complété au plan de la praxis par une étude sur la pastorale des divorcés remariés, élaborée en connexion avec le Comité pontifical pour la Famille.

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Si la CTI tient à structurer ses débats et à en donner souvent au public les conclusions auxquelles elle est parvenue et sur lesquelles elle s'engage au plan scientifique "in forma specifica", elle n'en fait pas moins place à d'autres travaux et des conclusions d'un autre genre. Ceux-ci restent le témoignage de l'un ou l'autre membre de la CTI; la Commission les étudie plus brièvement, souvent pour la seule raison que, comme tels, ils ne rentrent pas dans le cadre systématique prévu. Selon l'ancien vocabulaire romain, l'approbation donnée alors par le groupe reste "in forma generica", c'est-à-dire que si l'approbation, souvent chaleureuse d'ailleurs, va aux idées essentielles du texte, elle ne couvre pas chacun des détails ni chacun des mots. Ceux qui ont l'habitude des réunions de professeurs savent assez qu'elles sont dominées par ce que quelqu'un appelait la "règle de la vigilance maximale". Pour qu'un texte soit approuvé comme celui d'un groupe ("in forma specifica")chaque mot doit être étudié, les votes s'accompagnent de modi en nombre considérable. On y gagne peut-être en précision, mais on y perd en spontanéité et en impact. Une érosion se produit qui réduit le texte au plus petit commun dénominateur.
Ce genre de publication "in forma generica" fut déjà utilisé pour la session de morale de 1977, notamment pour les travaux de M. Urs VON BALTHASAR et du professeur H. SCHURMANN, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Aujourd'hui, la CTI utilise le même procédé de rédaction et de divulgation pour les Seize thèses de christologie sur le sacrement de mariage du R. P. MARTELET, S.J. L'auteur les a présentées durant la session de décembre 1977 comme complément à l'exposé du professeur LEHMANN. Les membres de la CTI les ont approuvées à une très large majorité et en ont souhaité la publication après révision, donnant, comme je l'ai dit plus haut, leur approbation générale.
Je ne commenterai pas ces Seize thèses: elles ont leur sens obvie et ne présentent aucun de ces noeuds - encore moins de ces "croix" - que les interprètes rencontrent parfois. Mais elles ont aussi leur densité qui exige une réflexion mûrie et une lecture répétée. Je noterai seulement que les membres de la CTI exprimèrent leur reconnaissance au R. P. MARTELET pour avoir utilisé, à propos du mariage chrétien, la méthode de ressourcement christologique qu'il a déjà appliquée à la vie de l'au-delà ou au thème de la Révélation. Il ne s'agit pas là d'une mode ou d'un artifice de présentation, mais d'un approfondissement doctrinal dont l'Eglise a besoin, en ces temps difficiles. On trouve ainsi une manière positive de répondre à la question de tant de nos contemporains: "Le Christ, mais pourquoi?" Ainsi, c'est aussi bien l'intelligence du mystère du Christ comme celui de la praxis et de la vie chrétienne qui s'enrichit. Peut-être aussi l'exégèse et l'oecuménisme, quand on songe à cette affirmation récente d'un bibliste de Neuchatel: "La loi et la christologie vont de pair dans le premier évangile" (J ZUNSTEIN, La condition du croyant dans l'Evangile selon Matthieu, E.U. 1977 p. 344). "En tout cas, pour les membres de la CTI, les thèses du P. MARTELET ici publiées furent une des approches pour l'intelligence de cette consigne si dense de saint Paul 1Co 7,39: "Se marier, oui, mais seulement dans le Seigneur".

Ph. DELHAYE, secrétaire général de la CTI.

TEXTE

SEIZE THESES DE CHRISTOLOGIE SUR LE SACREMENT DE MARIAGE

Sacramentalité du mariage et mystère de l'Eglise

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1 - La sacramentalité du mariage chrétien apparaît d'autant mieux qu'on ne la sépare pas du mystère de l'Eglise elle-même. "Signe et moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain", comme dit le dernier Concile LG 1, l'Eglise repose sur le rapport indéfectible que le Christ se donne avec elle pour en faire son corps. L'identité de l'Eglise ne dépend donc pas des seuls pouvoirs de l'homme mais de l'amour du Christ, que la prédication apostolique ne cesse d'annoncer et auquel l'effusion de l'Esprit nous permet d'adhérer. Témoin de cet amour qui la fait vivre, l'Eglise est donc le sacrement du Christ dans le monde, puisqu'elle est le corps visible et la communauté qui dit la présence du Christ à l'histoire des hommes. Certes, l'Eglise sacrement dont Paul déclare la "grandeur" Ep 5,32 est inséparable du mystère de l'incarnation puisqu'elle est un mystère de corps; elle est inséparable aussi de l'économie de l'Alliance puisqu'elle repose sur la promesse personnelle que le Christ ressuscité lui fait de demeurer "avec" elle "tous les jours jusqu'à la consommation des siècles" Mt 28,18. Mais, l'Eglise-sacrement relève encore d'un mystère qu'on peut dire conjugal: le Christ est lié à elle en vertu d'un amour qui fait de l'Eglise l'épouse même du Christ, dans l'énergie d'un seul Esprit et l'unité d'un même corps.

L'union du Christ et de L'Eglise

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2 - L'union sponsale du Christ et de l'Eglise ne détruit pas mais tout au contraire accomplit ce que l'amour conjugal de l'homme et de la femme annonce à sa manière, implique ou déjà réalise en fait de communion et de fidélité. En effet, le Christ de la Croix accomplit la parfaite oblation de lui- même, que les époux désirent opérer dans la chair sans cependant jamais y parvenir parfaitement. Il réalise à l'égard de l'Eglise qu'il aime comme son propre corps, ce que les maris doivent faire pour leurs propres épouses, comme le dit saint Paul. De son côté, la résurrection de Jésus dans la puissance de l'Esprit révèle que l'oblation qu'il a faite à la Croix porte ses fruits dans cette chair même où elle fut accomplie, et que l'Eglise aimée par lui à en mourir, peut initier le monde à cette communion totale entre Dieu et les hommes dont elle bénéficie comme épouse de Jésus-Christ.

Le symbolisme conjugal dans l'Ecriture

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3 - C'est donc à bon droit que l'Ancien Testament emploie le symbolisme conjugal pour suggérer l'amour sans fond que Dieu éprouve pour son peuple et que, par lui, il entend révéler à l'humanité tout entière. Dans le prophète Osée notamment, Dieu se présente comme l'époux dont la tendresse et la fidélité sans mesure sauront enfin gagner Israël, tout d'abord infidèle à l'amour insondable dont il est gratifié. L'Ancien Testament nous ouvre ainsi à une compréhension sans timidité du Nouveau, où Jésus se trouve désigné à maintes reprises comme l'Epoux par excellence. Il l'est par le Baptiste en Jn 3,29; Jésus s'appelle ainsi lui-même en Mt 9,15; Paul le désigne aussi de la sorte par deux fois en 2Co 11,2 et en Ep 5: l'Apocalypse le fait aussi en Ap 22,17 Ap 22,20 pour ne rien dire des allusions explicites à ce titre qu'on trouve dans les paraboles eschatologiques du Royaume en Mt 22,1-10 Mt 25,1-12.

Jésus, époux par excellence

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4 - D'ordinaire négligé par la christologie, ce titre doit retrouver à nos yeux tout son sens. De même qu'il est la Voie, la Vérité, la Vie, la Lumière, la Porte, le Berger, l'Agneau, la Vigne, l'Homme lui-même, puisqu'il reçoit du Père "la primauté en tout" Col 1,18, Jésus est aussi, avec la même vérité et le même bon droit, l'Epoux par excellence, c'est-à-dire "le Maître et Seigneur" quand il s'agit d'aimer l'autre que lui comme sa propre chair. C'est donc par ce titre d'Epoux et par le mystère qu'il évoque qu'une christologie du mariage se doit de commencer. En ce domaine comme en tout autre, "nul ne peut poser de fondement que celui qui s'y trouve, à savoir Jésus-Christ" 1Co 3,10. Toutefois, le fait que le Christ est bien l'Epoux par excellence n'est pas à séparer du fait qu'il est "le second" 1Co 15,47 et "le dernier Adam" 1Co 15,45.

Adam, figure de celui qui devait venir

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5 - L'Adam de la Genèse, indissociable d'Eve, auquel Jésus lui-même se réfère en Mt 19 où il aborde la question du divorce, n'est pleinement identifié que si l'on voit en lui "la figure de Celui qui devait venir" Rm 5,14. La personnalité d'Adam, en tant que symbole initial de l'humanité tout entière, n'est donc pas une personnalité étroite et close sur elle-même. Elle est, comme celle d'Eve aussi, d'ordre typologique. Adam est relatif à Celui auquel il doit son sens ultime et nous aussi d'ailleurs: Adam ne va pas sans le Christ, mais le Christ à son tour ne va pas sans Adam, c'est-à-dire sans l'humanité tout entière - sans tout l'humain aussi - dont la Genèse salue l'apparition comme voulue par Dieu de manière tout à fait singulière. C'est pourquoi la conjugalité qui constitue Adam dans sa vérité d'homme revient aussi au Christ par qui elle s'accomplit en étant restaurée. Abîmée par un défaut d'amour devant lequel Moïse a dû lui-même s'incliner, elle va retrouver dans le Christ la vérité qui lui revient. Car, avec Jésus, apparaît dans le monde l'Epoux par excellence qui peut, comme "second" et comme "dernier Adam". sauver et rétablir la véritable conjugalité que Dieu n'a cessé de vouloir au profit du "premier".

Jésus, rénovateur de la vérité primordiale du couple

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6 - Discernant dans la prescription mosaïque sur le divorce un résultat historique qui vient de "la dureté du coeur", Jésus ose se présenter en rénovateur résolu de la vérité primordiale du couple. Dans le pouvoir qu'il a d'aimer sans limite et de réaliser par sa vie, sa mort et sa résurrection, une union sans pareille avec l'humanité tout entière, Jésus retrouve la signification véritable du mot de la Genèse: "Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni!" A ses yeux, l'homme et la femme peuvent s'aimer dorénavant comme Dieu, depuis toujours, désire qu'ils le fassent, car en Jésus se manifeste la source même de l'amour qui fonde le royaume. Aussi, le Christ ramène-t-il tous les couples du monde à la pureté initiale de l'amour promis; il abolit la prescription qui crut devoir souscrire à leur misère, à défaut de pouvoir en supprimer la cause. Au regard de Jésus, le couple inaugural redevient ce qu'il fut toujours aux yeux de Dieu: le couple prophétique à partir duquel Dieu révèle l'amour conjugal auquel l'humanité aspire, pour lequel elle est faite mais qu'elle ne peut atteindre qu'en Celui qui apprend divinement aux hommes ce que c'est que d'aimer. Dès lors, l'amour fidèlement durable, la conjugalité que "la dureté de nos coeurs" transforme en un rêve impossible retrouve par Jésus le statut d'une réalité qu'il est seul, comme dernier Adam et comme époux par excellence, à pouvoir de nouveau lui donner.

La sacramentalité du mariage, évidence pour la foi

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7 - La sacramentalité du mariage chrétien devient alors une évidence pour la foi. Les baptisés faisant visiblement partie du corps du Christ qu'est l'Eglise, le Christ attire en sa mouvance leur amour conjugal, pour lui communiquer la vérité humaine dont, en dehors de lui, cet amour est privé. Il le fait dans l'Esprit, en vertu du pouvoir qu'il a, comme second et comme dernier Adam, de s'approprier et de faire réussir la conjugalité du Premier. Il le fait aussi selon la visibilité de l'Eglise où l'amour conjugal, consacré au Seigneur, devient un sacrement. Les époux attestent au coeur de l'Eglise qu'ils s'engagent dans la vie conjugale, en attendant du Christ la force d'accomplir cette forme d'amour qui, sans lui, périclite. De ce fait, le mystère propre au Christ comme Epoux de l'Eglise s'irradie et peut s'irradier dans les couples qui lui sont consacrés. Leur amour conjugal se voit ainsi approfondi et non défiguré puisqu'il renvoie à l'amour du Christ qui les soutient et qui les fonde. L'effusion spéciale de l'Esprit, comme grâce propre au sacrement, obtient que l'amour de ces couples devienne l'image même de l'amour du Christ pour l'Eglise. Cependant, cette effusion constante de l'Esprit ne dispense jamais les couples de chrétiens et de chrétiennes des conditions humaines de la fidélité, car jamais le mystère du second Adam ne supprime ou supplante en quiconque la réalité du premier.

Le mariage civil

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8 - En conséquence aussi, l'entrée dans le mariage chrétien ne saurait s'accomplir par la seule reconnaissance d'un droit purement "naturel" concernant le mariage, quelle que soit la valeur religieuse que l'on reconnaisse à ce droit ou qu'il possède en fait. Aucun droit naturel ne saurait définir en effet, à lui seul, le contenu d'un sacrement chrétien. Si on le prétendait dans le cas du mariage, on fausserait la signification d'un sacrement qui a pour but de consacrer au Christ l'amour des époux baptisés, pour que le Christ y déploie les effets transformant de son propre mystère. Dès lors, à la différence des Etats séculiers qui voient dans le mariage civil un acte suffisant pour fonder, du point de vue social, la communauté conjugale, l'Eglise, sans récuser toute valeur à un tel mariage pour les non- baptisés, conteste qu'il puisse jamais suffire aux baptisés eux-mêmes. Seul le mariage sacrement leur convient, lui qui suppose de la part des futurs époux la volonté de consacrer au Christ un amour dont la valeur humaine dépend finalement de l'amour que le Christ lui-même nous porte et qu'il nous communique. Il suit de là que l'identité du sacrement et du "contrat", sur laquelle le Magistère apostolique s'est formellement engagé au XIXe siècle, doit être comprise d'une manière qui respecte vraiment le mystère du Christ et la vie des chrétiens.

Contrat et sacrement

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9 - L'acte d'alliance conjugale, souvent appelé contrat, qui acquiert la réalité de sacrement dans le cas des époux baptisés, ne le devient pas par effet simplement juridique du baptême. Le fait que la promesse conjugale d'une chrétienne et d'un chrétien est un vrai sacrement relève de leur identité chrétienne; réassumée par eux au niveau de l'amour qu'ils se vouent dans le Christ. Leur pacte conjugal, en les donnant l'un à l'autre, les consacre aussi à Celui qui est l'Epoux par excellence et qui leur apprendra à devenir eux- mêmes des conjoints accomplis. Le mystère personnel du Christ pénètre donc de l'intérieur la nature pacte humain ou "contrat". Celui-ci ne devient sacrement que si les futurs époux consentent librement à entrer dans la vie conjugale en passant par le Christ auquel, par le baptême, ils sont incorporés. Leur libre intégration au mystère du Christ est si essentielle à la nature du sacrement que l'Eglise entend s'assurer elle-même, par le ministère du prêtre, de l'authenticité chrétienne de cet engagement. L'alliance conjugale humaine ne devient donc pas sacrement en raison d'un statut juridique, efficace par soi indépendamment de toute adhésion librement consentie au baptême lui-même. Elle devient en vertu du caractère publiquement chrétien qui affecte en son fond l'engagement réciproque, et qui permet en outre de préciser en quel sens les époux sont eux-mêmes ministres d'un tel sacrement.

Les conjoints, ministres du sacrement dans l'Eglise et par elle

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10 - Le sacrement de mariage étant la libre consécration au Christ d'un amour conjugal naissant, les conjoints sont évidemment les ministres d'un sacrement qui les concerne au plus point. Cependant, ils ne sont pas ministres en vertu d'un pouvoir qu'on dirait "absolu" et dans l'exercice duquel l'Eglise, à strictement parler, n'aurait rien à voir. Ils sont ministres comme membres vivants du corps du Christ où ils échangent leurs serments, sans que jamais leur décision, irremplaçable, fasse du sacrement la pure et seule émanation de leur amour. Le sacrement comme tel relève tout entier du mystère de l'Eglise dans lequel leur amour conjugal les fait entrer d'une manière privilégiée. Aucun couple dès lors ne se donne le sacrement de mariage sans que l'Eglise y consente elle-même, et sous une forme différente de celle que l'Eglise établit comme la plus expressive du mystère auquel le sacrement introduit les époux. Il revient donc encore à l'Eglise d'examiner si les dispositions des futurs conjoints correspondent réellement au baptême qu'ils ont déjà reçu; il lui revient en outre de les dissuader, si besoin est, de faire un geste qui serait dérisoire par rapport à Celui dont elle est le témoin. Dans le consentement échangé qui fait le sacrement, elle demeure encore le signe et le garant du don de l'Esprit-Saint que les époux reçoivent en s'engageant l'un envers l'autre comme chrétiens. Les conjoints baptisés ne sont donc jamais ministres du sacrement de leur mariage sans l'Eglise et moins encore au-dessus d'elle; ils en sont les ministres dans l'Eglise et par elle, sans reléguer jamais au second rang Celle dont le mystère commande leur amour. Une juste théologie du ministère du sacrement de mariage a non seulement une grande importance pour la vérité spirituelle des conjoints, elle a, en plus, des répercussions oecuméniques non négligeables dans nos rapports avec les orthodoxes.

L'indissolubilité du mariage

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11 - Dans ce contexte, l'indissolubilité du mariage apparaît elle aussi sous une vive lumière. Le Christ étant l'Epoux unique de son Eglise, le mariage chrétien ne peut devenir et rester une image authentique de l'amour du Christ pour l'Eglise, sans entrer pour sa part dans la fidélité qui définit le Christ comme Epoux de l'Eglise. Quelles que soient la douleur et les difficultés psychologiques qui puissent en résulter, il est donc impossible de consacrer au Christ, afin d'en faire un signe ou sacrement de son propre mystère, un amour conjugal qui implique le divorce de l'un des deux conjoints ou des deux à la fois, s'il est vrai que le premier mariage était vraiment valide: ce qui, dans plus d'un cas, n'est pas une évidence. Mais si le divorce, comme c'est son but, déclare désormais périmée une union légitime et permet de ce fait que s'en instaure une autre, comment prétendre que le Christ pourrait faire de cet autre "mariage" une image réelle de son rapport personnel à l'Eglise? Bien qu'il puisse réclamer quelque égard, sous certains aspects, surtout quand il s'agit du conjoint injustement abandonné, le nouveau mariage des divorcés ne peut être un sacrement et il crée une inaptitude objective à recevoir l'Eucharistie.

Divorce et Eucharistie

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12 - Sans récuser les circonstances atténuantes et parfois même la qualité d'un remariage civil après divorce, l'accès des divorcés remariés à l'Eucharistie s'avère incompatible avec le mystère dont l'Eglise est servante et témoin. En recevant des divorcés remariés à l'Eucharistie, l'Eglise laisserait croire à de tels conjoints qu'ils peuvent, au plan des signes, communier à Celui dont ils désavouent le mystère conjugal au plan de la réalité.
Le faire serait en outre, de la part de l'Eglise, se déclarer elle-même d'accord avec des baptisés, au moment où ils entrent ou demeurent dans une contradiction objective évidente avec la vie, la pensée et l'être même du Seigneur comme Epoux de l'Eglise. Si celle-ci pouvait donner le sacrement de l'unité à ceux et celles qui, sur un point essentiel au mystère du Christ, ont rompu avec lui, elle ne serait plus le signe et le témoin du Christ, mais bien son contresigne et son contre-témoin. Néanmoins, ce refus ne justifie nullement on ne sait quelle procédure infamante qui contredirait à son tour la miséricorde du Christ à l'égard des pécheurs que nous sommes.

Pourquoi l'Eglise ne peut dissoudre un mariage "ratum et consummatum"

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13 - Cette vision christologique du mariage chrétien permet encore de comprendre pourquoi l'Eglise ne se reconnaît aucun droit de dissoudre un mariage "ratum et consummatum", c'est-à-dire un mariage sacramentellement contracté dans l'Eglise et ratifié par les époux eux-mêmes dans leur chair. En effet, l'entière communion de vie, qui humainement parlant définit la conjugalité, évoque à sa manière le réalisme de l'incarnation où le Fils de Dieu ne fait plus qu'un avec l'humanité dans la chair. En s'engageant l'un pour l'autre dans la tradition sans réserve d'eux-mêmes, les époux signifient leur passage effectif à la vie conjugale, où l'amour devient un partage aussi absolu que possible de soi- même avec l'autre. Ils entrent ainsi dans la conduite humaine dont le Christ a rappelé le caractère irrévocable et dont il a fait une image révélatrice de son propre mystère. L'Eglise ne peut donc rien sur la réalité d'une union conjugale qui a passé au pouvoir de Celui dont elle doit annoncer et non pas résorber le mystère.

Le privilège paulin

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14 - Ce qu'on appelle le "privilège paulin" ne contredit en rien ce que l'on vient de rappeler. En fonction de ce que Paul explique en 1Co 7,12-17, l'Eglise se reconnaît le droit d'annuler un mariage humain qui se révèle chrétiennement invivable pour le conjoint baptisé, en raison de l'opposition que lui fait celui qui ne l'est pas. Dans ce cas, le "privilège". s'il existe vraiment, joue en faveur de la vie dans le Christ, dont l'importance peut prévaloir de façon légitime, au regard de l'Eglise, sur une vie conjugale qui n'a pas pu et ne peut pas être effectivement consacrée au Christ par un tel couple.

Le mariage chrétien ne peut être isolé du mystère du Christ

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15 - Qu'il s'agisse donc de ses aspects scripturaires, dogmatiques, moraux, humains ou canoniques, jamais le mariage chrétien n'apparaît isolable ... du mystère du Christ. C est pourquoi le sacrement de mariage, dont l'Eglise témoigne, auquel elle éduque et qu'elle permet de recevoir, n'est réellement vivable que dans une conversion continue des époux à la personne même du Seigneur. Cette conversion au Christ fait donc partie intrinsèque de la nature du sacrement et elle commande directement le sens et la portée d'un tel sacrement dans la vie des conjoints.

Une vision qui n'est pas totalement inaccessible aux non- croyants

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16 - Toutefois cette vision christologique n'est pas de soi totalement inaccessible aux non-croyants eux-mêmes. Non seulement elle a une cohérence propre qui désigne le Christ comme le seul fondement de ce que nous croyons, mais elle révèle aussi une grandeur du couple humain qui peut "parler" à une conscience, même étrangère au mystère du Christ. En outre, le point de vue de l'homme comme tel est explicitement intégrable dans le mystère du Christ au titre du premier Adam dont le second et dernier n'est jamais séparable. Le montrer pleinement dans le cas du mariage ouvrirait la réflexion présente sur d'autres horizons dans lesquels on n'entre pas ici. On a voulu rappeler avant tout comment le Christ est le vrai fondement, souvent ignoré par les chrétiens eux-mêmes, de leur propre mariage en tant que sacrement.



PROPOSITIONS SUR LA DOCTRINE DU MARIAGE CHRETIEN

1980-1981?

1899Index Table

Actes du Saint-Siège

COMMISSION THEOLOGIQUE INTERNATIONALE

INTRODUCTION

Bien que dispersé en plusieurs documents comme Lumen gentium, Gaudium et spes, Apostolicam Actuositatem, l'enseignement du Concile Vatican II sur le mariage et la famille a été la cause d'un renouveau théologique et pastoral en ces matières, dans la ligne d'ailleurs des recherches qui avaient préparé ces textes.
D'un autre côté, l'enseignement conciliaire n'a pas tardé à être l'objet des contestations du "méta-Concile" au nom de la sécularisation, d'une sévère critique de la religion populaire jugée trop "sacramentaliste", de l'opposition aux institutions en général comme de la multiplication des mariages des divorcés. Certaines sciences humaines, "fières de leur gloire neuve", ont aussi joué un rôle important, en ce domaine.
La nécessité d'une réflexion, à la fois constructive et critique, s'est ainsi imposée à l'attention des membres de la Commission théologique internationale (CTI).
Dès 1975, avec l'approbation de leur président, S.Em. le cardinal SEPER, ils décidaient de mettre à leur programme d'étude quelques problèmes doctrinaux concernant le mariage chrétien. Une sous-commission se mit aussitôt à l'oeuvre et prépara les travaux de la session de décembre 1977. Cette sous-commission était composée des professeurs B. AHERN C.P., C. CUFFARA, Ph. DELHAYE (président), W. ERNST, E HAMEL, K. LEHMANN, J. MAHONEY (moderator discussionis), J. MEDINA- ESTEVEZ, O. SEMMELROTH.
La matière fut divisée en cinq grands thèmes qui furent préparés par des documents de travail, des "relations", des "documents". Le professeur ERNST eut la responsabilité de la première journée consacrée au mariage comme institution. La sacramentalité du mariage, ainsi que son rapport à la foi et au baptême, furent étudiés sous la direction du professeur K. LEHMANN. Avant que le R.P. HAMEL ne guidât les travaux sur l'indissolubilité, le professeur C. CAFFARRA apporta des vues neuves sur le vieux problème "contrat-sacrement" en l'examinant dans l'optique de l'histoire du salut, notamment en relation avec la Création et la Rédemption. Le statut des divorcés remariés relève avant tout de la pastorale, mais il a aussi une incidence sur le problème de l'indissolubilité et des pouvoirs de l'Eglise en ce domaine. Il fut examiné sous la conduite de Mgr MEDINA-ESTEVEZ, en tenant compte d'ailleurs d'un document du Comité pontifical de la famille.

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Au terme de chacune de ces études, la sous-commission formula en latin un certain nombre de propositions qu'elle soumit évidemment aux suffrages de tous les membres de la CTI. On s'en doute, les modifications se multiplièrent, des réactions nouvelles furent proposées. C'est le dernier état de ces propositions - réparties en cinq séries pour rester fidèles à leur origine - que la CTI publie maintenant. Ces propositions ont été votées à la majorité absolue par les membres de la CTI. Cela veut dire que cette majorité les approuve non seulement dans leur inspiration foncière, mais dans leurs termes et dans leur forme actuelle de présentation.
Nous espérons publier prochainement un ouvrage qui contiendra les relations concernant les thèmes traités ainsi que les commentaires écrits par ceux-là même qui, avec le concours de tous les membres de la sous-commission, rédigèrent les propositions. Ici, nous pouvons seulement proposer avec la traduction française, quelques gloses qui en faciliteront la lecture et l'étude. Ces propositions ont voulu être concises; peut-être n'est-il pas inutile d'en dire le sens et la portée.
PH.DELHAYE, secrétaire général de la CTI, président de la sous-commission des problèmes doctrinaux du mariage chrétien.

I - INSTITUTION

1 - 1 - Visée divine et humaine du mariage

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L'alliance matrimoniale est basée sur les structures préexistantes et permanentes qui font la différence entre l'homme et la femme. Elle aussi est voulue comme institution par les époux bien que, dans sa forme concrète, elle soit tributaire de divers changements historiques et culturels comme de particularités personnelles. En cela, elle est une institution voulue par le Dieu créateur lui-même, en vue tant de l'aide que les époux ont à s'assurer mutuellement dans l'amour et la fidélité, que de l'éducation à donner, dans la communauté familiale, aux enfants issus de cette union.

1 - 2 - Le mariage "dans le Christ"

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Le Nouveau Testament le montre bien, Jésus a confirmé cette institution qui existait "dès le commencement" et il l'a guérie de ses défauts postérieurs Mc 10,2-9 Mc 10-12. Il lui a ainsi rendu sa dignité entière et ses exigences initiales. Jésus a sanctifié cet état de vie GS 48 en l'insérant dans le mystère d'amour qui l'unit comme Rédempteur à son Eglise. Pour cette raison, c'est à l'Eglise elle-même que la conduite pastorale et l'organisation du mariage chrétien ont été confiées 1Co 7,10 et s.

1 - 3 - Les apôtres

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Les Epîtres du Nouveau Testament réclament pour le mariage le respect de tous He 13,4 et, en réponse à certaines attaques, le présentent comme une oeuvre bonne du Dieu créateur 1Tm 4,1-5. Elles font valoir le mariage des fidèles chrétiens par son insertion dans le mystère de l'alliance et de l'amour qui unissent le Christ et l'Eglise Ep 5,22-33 GS 48. Elles veulent en conséquence que le mariage se fasse "dans le Seigneur" 1Co 7,39 et que la vie des époux soit menée selon leur dignité de "créature nouvelle" 2Co 5,17, "dans le Christ" Ep 5,21-33. Elles mettent en garde les fidèles contre les moeurs païennes en ce domaine 1Co 6,12-20 1Co 6,9-10. Les Eglises apostoliques se basent sur un "droit émané de la foi" et veulent en assurer la permanence; en ce sens, elles formulent des directives morales Col 3,18 et des dispositions juridiques visant à faire vivre le mariage "selon la foi" dans les diverses situations et conditions humaines.

1 - 4 - Les premiers siècles


2002 Magistère Mariage 1870