Evangelii praecones FR






ENCYCLIQUE « EVANGELII PIUECONES »

SUR LES MISSIONS

(2 juin 1951) 1

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 497.


Déjà deux encycliques célèbres ont énoncé les directives de l'Eglise concernant l'apostolat missionnaire :
— celle de Benoît XV : « Maximum Illud » du 30 novembre 1919,
— celle de Pie XI : « Rerum Ecclesiae » du 28 février 1926.
C'est précisément pour commémorer le 25e anniversaire de cette dernière que Pie XII a rédigé ce nouveau document.



1 Les prédicateurs de l'Evangile qui, dans des champs de travail presque infinis, peinent « pour que la parole de Dieu poursuive sa course et soit en honneur » 2Th 3,1, sont, d'une façon particulière, présents à Notre esprit et à Notre coeur au cours de la vingt-cinquième année qui s'écoule depuis la promulgation par Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie XI, de l'Encyclique Rerum Ecclesiae *, dans laquelle, il donnait des règles très sages pour le développement toujours plus grand des Missions catholiques.

3 A. A. S., 18, 1926. p. 65 et sq.

Le Pape exprime sa joie en voyant le développement pris par les missions catholiques :

En considérant combien pendant cette période une aussi sainte cause a progressé, Nous sommes pénétré d'une grande joie. En effet, — comme Nous avons eu l'occasion de l'affirmer le 24 juin 1944 en Nous adressant aux directeurs des oeuvres missionnaires pontificales — « l'ardeur et le zèle déployés par les propagateurs de la religion chrétienne aussi bien dans les régions déjà éclairées par la lumière de l'Evangile que dans les nations où celle-ci n'a pas encore resplendi, ont atteint une intensité et un développement tels que jamais peut-être on n'en a noté dans les annales des Missions catholiques » \

4 A. A. S., 36, 1944, P- 209-

Mais il faut maintenir en éveil le « sens missionnaire » de tout catholique :

2 Actuellement, cependant, en ces temps pleins de troubles et de menaces, où de nombreux peuples sont séparés les uns des autres par des oppositions réciproques, il Nous semble particulièrement opportun de recommander cette cause une fois de plus, s'il est vrai que les messagers de l'Evangile conseillent à tous les hommes la bonté humaine et chrétienne et les exhortent à des rapports fraternels qui s'élèvent au-dessus des rivalités et des frontières nationales.

Le catholique doit, en effet, regarder au-delà des frontières de son pays, pour envisager les besoins de tous les hommes de toutes les nations :

3 Voilà pourquoi, lorsque dans les circonstances rappelées plus haut, Nous Nous adressions aux directeurs des oeuvres missionnaires, Nous leur disions entre autres choses : «... La nature de votre charge, qui n'est restreinte par aucune limite nationale, ainsi que votre travail commun et fraternel, font ressortir aux yeux de tous ce caractère remarquable de l'Eglise catholique qui n'admet pas la discorde, qui fuit les désaccords, et demeure absolument étrangère aux divisions qui troublent les peuples et parfois les bouleversent misérablement ; Nous parlons de la foi chrétienne, de la charité chrétienne envers tous les hommes, qui se transportent au-delà de tous les partis en guerre, au-delà des frontières de tous les Etats, au-delà de tous les territoires et de tous les Océans, qui vous excitent et vous stimulent tous et chacun à atteindre le but que vous vous êtes fixé et qui consiste à étendre le royaume de Dieu à toutes les parties de la terre. " »

5 A. A. S., 36, 1044, p. 207.

Les Evêques sont invités à favoriser les Missions où qu'elles soient :

4 C'est pourquoi, profitant volontiers de l'occasion offerte par le 25e anniversaire de l'Encyclique Rerum Ecclesiae, Nous louons avec grande joie le travail déjà accompli et Nous vous exhortons tous à le poursuivre toujours avec la plus grande ardeur, vous tous Vénérables Frères dans l'Episcopat, vous, propagateurs de l'Evangile, ministres sacrés et chacun des fidèles, soit qu'ils travaillent dans les territoires qui sont encore pays de Mission, soit qu'en un point quelconque de la terre, par des prières adressées à Dieu, par la formation et l'aide apportée aux candidats se destinant aux Missions, ou bien en quêtant des aumônes, ils viennent en aide à cette cause si importante.

Quel est le progrès réalisé depuis 1926 ?

5 Nous aimons d'abord parler brièvement ici des progrès réalisés. En 1 926, on comptait 400 Missions ; actuellement, on en compte 600 ; alors, les catholiques n'atteignaient pas 15 millions ; aujourd'hui, ils sont près de 20.800.000. En cette même année 1926, les prêtres, soit venus de l'extérieur, soit des missions mêmes, étaient 14.800 ; aujourd'hui, ils sont plus de 26.800. A cette époque, tous les pasteurs, chefs de Missions étaient étrangers ; en vingt-cinq ans, 88 de ces Missions ont été confiées au clergé indigène, et comme, en de nombreux endroits, la hiérarchie ecclésiastique est déjà normalement constituée, avec des évêques choisis parmi les habitants du lieu, il apparaît encore plus clairement que la religion de Jésus-Christ est vraiment catholique et qu'elle ne peut être considérée comme étrangère en aucun point de la terre.

6 C'est ainsi que, pour donner des exemples, au Pakistan, et en certaines régions de l'Afrique, la hiérarchie ecclésiastique a été établie selon les lois canoniques ; trois Conciles « pléniers » de très grande importance ont été réunis, le premier, en 1934 en Indochine, le second en 1937, en Australie, le troisième, l'an dernier, aux Indes. Les Petits Séminaires ont grandement augmenté en nombre et en qualité ; les Grands Séminaires qui, il y a vingt-cinq ans, n'étaient que 1 770, sont à présent 4.300, et de nombreux Séminaires régionaux ont été construits.

A Rome, au collège de la Propagande, un Institut missionnaire a été fondé ; à Rome, également, et en d'autres endroits, de nombreuses chaires de missiologie ont été constituées. A Rome, encore, le collège Saint-Pierre a été institué pour la formation plus complète des prêtres indigènes aux sciences sacrées, à la vertu, à l'apostolat. Deux nouvelles Universités ont été fondées ; les collèges qui, précédemment, étaient environ 1.600, sont aujourd'hui plus de 5.000 ; les écoles élémentaires et moyennes sont à peu près deux fois plus nombreuses qu'alors ; on peut dire également que le nombre des dispensaires et des hôpitaux où sont soignés toutes sortes de malades, d'infirmes et de lépreux, a doublé. De plus, l'Union missionnaire du clergé a pris, pendant ces années, un développement considérable ; l'Agence Fides a été créée dont le but est de rechercher, rédiger et diffuser les nouvelles religieuses ; la presse missionnaire a presque partout augmenté ses éditions et ses tirages ; de nombreux Congrès missionnaires ont été tenus, parmi lesquels il convient de signaler celui qui eut lieu l'an dernier à Rome pendant l'Année Sainte, et qui a fort bien montré tout ce qui a été réalisé dans cet ordre d'idées ; il n'y a pas longtemps, un Congrès eucharistique tenu dans la Côte de l'Or, à Kumasi, a réuni dans une piété fervente un nombre remarquable d'assistants ; finalement, en faveur de l'OEuvre pontificale de la Sainte-Enfance, Nous avons désigné un jour spécial chaque année destiné à la promouvoir par la prière et les aumônes 6 ; tous ces faits montrent clairement que les oeuvres d'apostolat répondent comme il se doit aux changements de conditions et aux besoins nouveaux par de nouvelles méthodes et des entreprises plus adaptées.

6 'ist. Prxses Consilii, A. A. S., XXXXIII, 1951, pp. 88-89.

7 Il ne faut pas omettre de signaler que, durant cette période, cinq délégations apostoliques ont été juridiquement constituées en diverses régions qui dépendent du Conseil suprême de la Propagande ; en outre, bon nombre de territoires dépendent désormais de nonces et d'internonces apostoliques. Nous aimons, à ce sujet, déclarer que la présence et le zèle de ces prélats ont déjà porté des fruits très abondants ; ils ont surtout obtenu que les oeuvres missionnaires, mieux organisées, et s'aidant mutuellement davantage, concourent plus efficacement au même but. Nos légats ont aussi grandement concouru à cette même fin en visitant chaque région, en participant, revêtus de Notre autorité, à des réunions episcopales dans lesquelles les Ordinaires locaux mettaient en commun leur expérience en vue du bien général pour déterminer des méthodes d'apostolat plus convenables et plus faciles. Ce concours fraternel de la foi et des oeuvres eut aussi cet avantage que les autorités civiles et ceux qui ne partagent pas la foi catholique eurent une plus grande estime de la religion chrétienne.

Mais, il reste encore beaucoup à faire et il faut venir au secours àe ceux qui travaillent sur le champ missionnaire :

8 Ce que Nous venons de rappeler brièvement des progrès des Missions pendant ces vingt-cinq dernières années, et ce que Nous avons pu voir pendant l'Année Sainte — lorsque des foules importantes affluaient à Rome des régions lointaines cultivées par les prédicateurs de l'Evangile pour obtenir les dons de Dieu et Notre Bénédiction — ces choses, disons-Nous, Nous incitent vivement à renouveler le voeu ardent de l'Apôtre des nations quand il écrivait aux Romains : « ...Pour vous communiquer quelque don spirituel qui puisse vous affermir, ou plutôt vous encourager chez vous mutuellement par la foi qui nous est commune, à vous et à moi » (Rm 1,11-12.

9 Et il Nous semble que le divin Maître lui-même nous répète à tous ces paroles de consolation et d'exhortation : « Levez les yeux et voyez les champs : ils sont déjà blancs pour la moisson » (Jn 4,35). Cependant, comme les propagateurs de la vérité chrétienne ne suffisent pas aux besoins actuels, à ces paroles répond en quelque sorte l'invitation du même divin Rédempteur : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson » (Mt 9,37-38).

10 Nous savons, assurément, et c'est une grande consolation pour Notre coeur, que le nombre de ceux qu'un instinct surnaturel appelle à propager l'Evangile par toute la terre augmente heureusement de nos jours et ravive les espoirs de l'Eglise ; mais il reste encore beaucoup à faire, il reste beaucoup à obtenir de Dieu par d'humbles prières. Considérant les innombrables nations qui doivent être appelées par ces ouvriers évangéliques à l'unique bercail et à l'unique port de salut, Nous adressons au chef des pasteurs ces paroles de l'Ecclésiastique : « De même que vous avez montré devant eux, votre sainteté en nous, de même, devant nous, manifestez votre sainteté en eux, pour qu'ils comprennent, comme nous l'avons appris nous-mêmes, qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Vous, Seigneur » (Si 36,4-5).

2. En certaines régions notamment en Chine, les missionnaires souffrent persécution :

11 Ces heureux accroissements des Missions ont été dus, non seulement aux travaux des semeurs de la parole divine, mais aussi au sang versé en abondance dans le témoignage du martyre, car, au cours de ces dernières années, les persécutions les plus âpres contre l'Eglise naissante se firent sentir en certaines nations ; de nos jours, même, telles régions de l'Extrême-Orient voient verser le sang pour la même cause. Nous apprenons, en effet, que pour avoir été courageusement fidèles à leur religion, de nombreux chrétiens, des religieuses missionnaires, des prêtres indigènes et même certains évêques ont été chassés de leur domicile et de leurs biens et souffrent la faim hors de leur pays, ou bien sont jetés en prison ou dans des camps de concentration, ou même parfois sont sauvagement mis à mort.

12 C'est pour Notre coeur une très grande souffrance que de songer aux angoisses, aux douleurs, à la mort de ces fils très chers ; non seulement Nous les accompagnons tous de Notre amour de Père, mais Nous en parlons avec un respect paternel, car Nous savons fort bien que leur rôle s'élève parfois jusqu'à la dignité du martyre. Jésus-Christ a déclaré : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi » (Jn 15,20); « dans le monde, vous aurez de la tribulation ; mais ayez confiance : moi, j'ai vaincu le monde » (Jn 16,33); « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24-25).

Mais ces martyrs sont des fondateurs d'églises :

13 Les messagers et propagateurs de la vérité et de la vertu chrétiennes qui, loin de leur patrie, trouvent la mort en s'acquittant de leur sainte fonction, sont des semences dont la volonté de Dieu fera un jour germer des fruits très abondants. C'est pourquoi, l'apôtre Paul affirmait : « Nous nous glorifions dans nos tribulations » (Rm 5,3) ; et saint Cyprien, évêque et martyr, consolait et exhortait les chrétiens de son temps en ces termes : « Le Seigneur a voulu que nous nous réjouissions et que nous exultions dans les persécutions, parce que lorsque les persécutions se produisent, c'est alors que se distribuent les couronnes de la foi, c'est alors que sont éprouvés les soldats de Dieu, c'est alors que les cieux sont ouverts aux martyrs. Nous n'avons pas, en effet, donné notre nom à la milice pour devoir uniquement songer à la paix et refuser le combat, alors que le Seigneur le premier a marché au combat, notre Maître en humilité, en patience et en souffrance, lui qui a fait le premier ce qu'il enseignait à faire, lui qui a souffert le premier pour nous ce qu'il exhortait à souffrir » 15.

15 S. Cypriani, Epist. LVl ; M. L. IV, 351 A.

14 Les semeurs de l'Evangile qui peinent aujourd'hui dans les régions lointaines font progresser une cause semblable à celle de l'Eglise primitive. Ceux qui, en effet, avec les princes des apôtres Pierre et Paul, apportaient la vérité de l'Evangile à la citadelle de l'Empire romain, se trouvaient à Rome à peu près dans des conditions semblables. Quiconque considère l'Eglise qui naissait à cette époque la verra dépourvue de toutes ressources humaines, soumise aux difficultés, aux malheurs, aux attaques ; il ne pourra se défendre d'un sentiment d'admiration en voyant que la troupe pacifique des chrétiens a vaincu une puissance telle qu'il n'y en avait peut-être jamais eu de plus grande. Or, ce qui est arrivé alors arrivera encore sans doute maintes et maintes fois. De même que le jeune David se confiant plus dans le secours divin que dans sa fronde, jeta à terre le géant Goliath, que protégeait une cuirasse, ainsi cette société divine que le Christ a fondée ne pourra jamais être vaincue par aucune puissance terrestre, mais elle triomphera d'un front serein de toutes les attaques. Bien que Nous sachions que cela soit l'effet de promesses divines, qui ne failliront jamais, Nous ne pouvons cependant Nous retenir d'exprimer Notre reconnaissance à tous ceux qui ont témoigné de leur foi courageuse et invincible à Jésus-Christ et à l'Eglise, colonne et fondement de la vérité (cf. 1Tm 3,5), tout en les exhortant à continuer toujours avec la même constance.

15 Nous recevons très souvent des nouvelles de cette foi invincible et de ce courage intrépide, et c'est pour Nous une grande consolation. S'il n'a pas manqué d'hommes pour s'efforcer de séparer les catholiques de ce Siège apostolique de Rome, sous prétexte que l'amour de chacun pour sa propre patrie et sa fidélité envers elle requérait une telle séparation, Nos fils ont pu et peuvent, à bon droit, répondre qu'ils ne le cèdent à aucun citoyen en matière de patriotisme, mais qu'ils veulent absolument jouir d'une juste liberté.

3. Le Pape renouvelle son appel pour que âe nombreux apôtres apportent leur collaboration au travail missionnaire :

16 Ce qu'il faut bien avoir présent à l'esprit, et que Nous avons déjà signalé plus haut, c'est que le travail qui reste à faire demande un effort gigantesque et d'innombrables travailleurs. Rappelons-nous qu'une immense multitude de nos frères « demeure assise dans les ténèbres et l'ombre mortelle » (Ps 106,10) et que leur nombre est de l'ordre d'un milliard. C'est pourquoi semble résonner encore l'ineffable gémissement du Coeur très aimant de Jésus-Christ : « J'ai aussi d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi il faut que je les conduise, et elles écouteront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Jn 10,16).


Le Saint-Père déplore le développement pris dans les pays de Missions, par le communisme et les faux christianismes :

17 Et il ne manque pas de pasteurs, comme vous le savez, Vénérables Frères, qui s'efforcent d'écarter les brebis de cet unique port de salut ; vous savez aussi que ce péril est, en certains endroits, plus grand de jour en jour. C'est pourquoi, considérant devant Dieu cette immense multitude d'hommes qui sont encore privés de la vérité évangé-lique, et mesurant toute la gravité du danger dans lequel tant d'hommes se trouvent, soit à cause de l'extension du matérialisme athée, soit à cause d'une certaine doctrine qui se dit chrétienne, mais qui est, en fait, imbue des idées et des erreurs communistes, Nous sommes saisi d'une vive angoisse et poussé à promouvoir partout et de toutes Nos forces les oeuvres de l'apostolat, et Nous considérons comme adressée à Nous-même l'exhortation du Prophète : « Crie à pleine voix, ne te retiens pas, fais retentir ta voix comme la trompette » (Is 58,1)

De même le Pape dénonce les calomnies lancées contre les missionnaires travaillant dans certaines régions de l'Amérique du Sud :

18 Et Nous recommandons à Dieu, d'une manière spéciale dans nos prières, les ouvriers apostoliques qui s'adonnent aux Missions dans les régions intérieures de l'Amérique latine, car Nous savons à quels dangers, à quelles embûches, ils sont exposés par les erreurs cachées ou manifestes que répandent les non-catholiques.


4. Aux missionnaires, Pie Xli donne des directives :

19 Dans l'intention de rendre toujours plus efficace l'activité des prédicateurs de l'Evangile et pour qu'aucune goutte de leur sueur et de leur sang ne soit répandue en vain, Nous voulons ici brièvement exposer des principes et des règles selon lesquelles l'action et le zèle des missionnaires doivent être conduits.

Le missionnaire a une vocation très élevée :

20 Il convient tout d'abord de remarquer que celui qui, par une inspiration surnaturelle, est appelé à faire fleurir chez les nations païennes et lointaines la vérité de l'Evangile est destiné à une fonction tout à fait grande, tout à fait élevée. Il consacre, en effet, sa vie à Dieu pour propager son règne jusqu'aux extrémités de la terre. Celui-ci ne recherche pas ses propres avantages mais ceux de Jésus-Christ. (cf. Ph 2,21) Celui-ci, enfin, considère, comme adressées à lui-même ces magnifiques phrases de l'Apôtre des Gentils : « Nous faisons fonction d'ambassadeurs... pour le Christ » (2Co 5,20); « si nous vivons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair » (2Co 10,3); « je me suis fait faible avec les faibles, afin de gagner les faibles » (1Co 9,22).

Le missionnaire ne doit viser que le salut des âmes :

Il doit donc considérer comme une seconde patrie la terre à laquelle il vient porter la lumière de l'Evangile, et l'aimer comme il convient ; si bien qu'il ne recherche pas d'avantages matériels, ni les intérêts de son pays ni de son Institut religieux, mais bien ce qui concerne le salut des âmes. Assurément, il doit avoir un grand amour pour son pays et pour son Institut, mais il doit encore aimer davantage l'Eglise. Et qu'il se souvienne que son Institut ne tirera aucun profit de ce qui s'oppose au bien de l'Eglise.

Le missionnaire doit posséder les connaissances exigées par ses fonctions :

21 Il faut, en outre, que ceux qui sont appelés à ce genre d'apostolat alors qu'ils sont encore dans leur patrie, soient formés non seulement à toutes les vertus, et à toutes les connaissances ecclésiastiques, mais il faut encore qu'ils apprennent les doctrines et acquièrent les connaissances particulières qui leur seront un jour de la plus grande utilité quand ils s'acquitteront de leur office de messagers de l'Evangile. C'est pourquoi, ils doivent connaître les langues, celles surtout qui leur seront un jour nécessaires ; il faut qu'ils soient également initiés à la médecine, a l'agriculture, à l'ethnographie, à l'histoire, à la géographie et autres sciences du même genre.


5. Les Missions doivent : convertir les païens au christianisme ; 2o établir l'Eglise dans des pays nouveaux :

22 Le but des Missions, comme chacun sait, est d'abord de faire resplendir pour de nouveaux peuples la lumière de la vérité chrétienne et de susciter de nouveaux chrétiens. Mais le but dernier auquel elles doivent tendre, — et qu'il faut toujours avoir sous les yeux — c'est que l'Eglise soit fermement et définitivement établie chez de nouveaux peuples, et qu'elle reçoive une hiérarchie, propre, choisie parmi les habitants du lieu.

L'Eglise ne vise aucun intérêt temporel :

23 Dans la lettre que, le 9 août de l'année dernière, Nous avons adressée à Notre cher fils, le cardinal Pierre Fumasoni-Biondi, préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, Nous écrivions entre autres choses : « L'Eglise, assurément, n'a nullement le dessein de dominer les peuples ou de s'emparer du pouvoir temporel : son seul désir est de porter à toutes les nations la lumière surnaturelle de la foi, de favoriser le développement de la civilisation humaine et civile, et la concorde entre les peuples » 24.

24 Epist. Perlibenti equidem, A. A. S., XXXXII, 1930, p. 727.


Le missionnaire n'a pas une tâche permanente, il doit faire place à d'autres qui s'installeront, eux, auprès des peuples convertis :

24 Dans la Lettre apostolique Maximum Illud 25\ de Notre Prédécesseur, Benoît XV, datée de 1919, ainsi que dans l'Encyclique Rerum Ecclesiae 26, de Notre Prédécesseur immédiat, Pie XI, il était proclamé que les Missions devaient s'efforcer, comme vers leur but suprême d'établir l'Eglise dans de nouvelles terres. Et Nous-même, lors-qu'en 1944, comme Nous l'avons rappelé ci-dessus, Nous avons reçu les directeurs des oeuvres missionnaires, Nous avons déclaré : « Le dessein que les prédicateurs de l'Evangile embrassent avec courage et générosité consiste à étendre l'Eglise à de nouvelles régions, de telle sorte qu'elle y fixe des racines toujours plus profondes, et qu'après s'y être développée, elle puisse, le plus tôt possible, y vivre et y fleurir sans l'aide des oeuvres missionnaires. Ces oeuvres missionnaires, en effet, ne cherchent pas leur propre intérêt, mais il faut qu'elles tendent de toutes leurs forces à atteindre le but élevé dont Nous venons de parler ; lorsqu'elles l'auront atteint, elles se consacreront volontiers à d'autres entreprises ». C'est pourquoi les propagateurs de l'Evangile ne résident pas dans les champs d'apostolat déjà cultivés, comme s'ils y étaient à demeure, mais leur mission est plutôt de faire briller sur toute la terre la vérité de l'Evangile et de consacrer cette terre par la sainteté chrétienne. L'entreprise qu'ils se sont, en effet, proposée est la suivante : étendre d'une région à l'autre d'un pas chaque jour plus rapide, jusqu'à la demeure la plus éloignée et la plus inconnue, jusqu'à l'homme le plus éloigné et le plus inconnu, le règne du divin Rédempteur 28\ qui est ressuscité, triomphant de la mort ; et à qui tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre » (cf. Mt 28,18)29.

25 A. A. S., 11, 1919, p. 440 et seq.
26 A. A. S., 18, 1926, p. 65 et sq.
27 A. A. S., 36, 1944, p. 210.
28 A. A. S., 36, 1944, p. 208.


6. Il est nécessaire de préparer un clergé indigène qui puisse succéder aux missionnaires :

Il est clair, cependant, que l'Eglise ne peut s'établir convenablement en de nouvelles régions, à moins que les institutions et les oeuvres n'y soient organisées comme il faut, à moins surtout qu'un clergé indigène à la hauteur des besoins n'y soit créé et formé. Nous aimons, pour cela, répéter en les empruntant à l'Encyclique Rerum Ecclesiae, ces phrases graves et sages : «... S'il faut prendre soin que chacun d'entre vous ait le plus grand nombre possible d'élèves indigènes, appliquez-vous, en outre, à les former comme il convient, à la sainteté que demande la vie sacerdotale, à cet esprit d'apostolat uni au désir du salut de leurs frères qui les rendra capables de sacrifier même leur vie pour leurs concitoyens 30.

30 A. A. S., 18, 1016, p. 76-

26 « Supposez qu'une guerre ou d'autres événements politiques remplacent dans un territoire de Mission un régime par un autre, et que le départ des missionnaires de telle nation soit demandé ou décrété ; supposez — ce qui arrivera, certes, plus difficilement — que des indigènes parvenus à un certain degré de culture et ayant atteint une certaine maturité politique veuillent, pour obtenir leur autonomie, chasser de leur territoire les fonctionnaires, les troupes et les missionnaires de la nation qui leur commande, et ne puissent y arriver qu'au moyen de la force. Quelle ruine, Nous le demandons, ne menacerait pas l'Eglise en ces régions, si on n'avait entièrement pourvu aux besoins des nouveaux chrétiens en disposant comme un réseau de prêtres indigènes sur tout le territoire ? 31 »

31 A. A. S., 18, 1926, p. 75

Le Pape songe en premier lieu à la Chine et à la Corée, où est urgente plus qu'ailleurs l'éclosion de vocations indigènes.

27 En voyant réalisé en de nombreuses régions de l'Extrême-Orient ce que Notre Prédécesseur immédiat écrivait dans une sorte de pressentiment, Nous sommes saisi d'une grande douleur. Les florissantes Missions qui s'y trouvaient, déjà blanches pour la moisson (cf. Jn 4,35), sont actuellement hélas ! dans les plus grandes difficultés. Qu'il Nous soit permis d'espérer que les peuples de Corée et de Chine, remarquables par leurs dons naturels d'humanité et de noblesse, et qui depuis longtemps ont brillé par la splendeur de leur civilisation, seront le plus tôt possible libérés non seulement des conflits et des guerres, qui les bouleversent, mais aussi de cette doctrine néfaste, qui ne cherche que les biens d'ici-bas et refuse les biens célestes ; qu'ils estiment aussi à leur juste prix la charité et le courage chrétiens des missionnaires étrangers et des prêtres indigènes qui, au prix de leurs fatigues, et, s'il le faut, au prix de leur vie, ne cherchent rien d'autre que le vrai bien du peuple.

28 Nous rendons grâces à Dieu de ce que dans l'un et l'autre pays, un clergé de choix déjà nombreux s'est levé du milieu de ces populations pour l'espérance de l'Eglise et de ce que plusieurs diocèses ont été confiés à des évêques de ces pays. Si on a pu, finalement, en arriver là, l'éloge doit en revenir aux missionnaires étrangers.

L'Eglise invite les religieux missionnaires à apporter leur collaboration aux évêques indigènes :

29 A ce sujet, toutefois, il Nous semble opportun de noter un point que Nous estimons digne de considération attentive quand les Missions, qui étaient auparavant confiées au clergé étranger passent aux mains des évêques et des prêtres nationaux. L'Institut religieux dont les membres ont labouré au prix de leur sueur le champ du Seigneur, lorsqu'un décret du Conseil Supérieur de la Propagation de la Foi confie à d'autres ouvriers la vigne cultivée par eux et déjà couverte de fruits, ne doit pas nécessairement l'abandonner tout à fait, mais ce sera faire oeuvre utile et convenable que de continuer à aider le nouvel évêque choisi dans le peuple du lieu. De même, en effet, que dans tous les autres diocèses du monde, des religieux aident la plupart du temps l'évêque local, de même dans les régions de Missions, les religieux, bien qu'originaires d'une autre nation, ne cesseront pas de mener le combat comme des troupes auxiliaires ; et c'est ainsi que se réalisera, heureusement, ce que le divin Maître a déclaré au puits de Sichar : « Le moissonneur reçoit son salaire et recueille des fruits pour la vie éternelle, pour que le semeur se réjouisse en même temps que le moissonneur » (Jn 4,36).

7. Pie XII souligne le rôle de l'Action Catholique en pays de Missions :

30 Nous désirons, en outre, adresser Notre exhortation, non seulement aux missionnaires, mais aussi aux laïcs, qui, « de grand coeur et de bon gré » (2M 1,3) , militant dans les rangs de l'Action Catholique prêtent leur concours aux Missions.

L'histoire nous apporte le témoignage de cet apostolat des laïcs :

31 On peut, certes, assurer que le concours des laïcs, que nous appelons aujourd'hui Action Catholique, n'a jamais manqué depuis les origines de l'Eglise ; bien plus, il a fourni aux apôtres et aux autres propagateurs de l'Evangile une aide considérable, et la religion chrétienne lui dut un développement important. C'est ainsi que l'Apôtre des Gentils nomme à ce sujet Apollos, Lydie, Aquila, Priscille, Philémon ; dans l'Epître aux Philip-piens, il écrit : « Et toi aussi, mon fidèle compagnon, je te prie de venir en aide à celles qui ont combattu pour l'Evangile avec moi, avec Clément et mes autres collaborateurs dont les noms sont dans le livre de vie. » (Ph 4,3)

32 De même, chacun sait que la doctrine chrétienne a été répandue le long des voies consulaires non seulement par les évêques et les prêtres, mais aussi par les magistrats, les soldats et les particuliers. De nombreux milliers de fidèles, qui venaient de recevoir la foi chrétienne, et dont les noms sont aujourd'hui inconnus, brûlant du désir de propager la nouvelle religion qu'ils avaient embrassée, se sont efforcés de préparer la voie à la vérité évangélique ; c'est pourquoi, en une centaine d'années, le nom chrétien et la vertu chrétienne étaient parvenus à toutes les principales villes de l'Empire romain.

33 S. Justin, Minucius Félix, Aristide, le consul Acilius Glabrion, le patrice Flavius Clemens, S. Tarcisius, des saints et des saintes martyrs presque innombrables, pour avoir, par leurs peines et leur sang répandu, fortifié et fécondé l'Eglise grandissante, peuvent être dits en quelque sorte les avant-gardes et les précurseurs de l'Action Catholique. Nous aimons ici rapporter la phrase magnifique de l'auteur de la lettre à Diognète, qui semble aujourd'hui encore un avertissement d'actualité : « Les chrétiens... habitent des patries particulières, mais comme des locataires..., toute région étrangère est pour eux une patrie, et toute patrie, une terre étrangère » 33\

33 Epist, ad Diognetum, 5, 5 ; Ed. Funck, 1, 399.

34 Parmi les invasions barbares du moyen âge, nous voyons des hommes et des femmes du premier rang aussi bien que d'humbles artisans et d'énergiques femmes du peuple chrétien s'efforcer de tout leur pouvoir de convertir authentiquement leurs concitoyens à la religion de Jésus-Christ et d'y conformer leurs moeurs, comme aussi bien de sauver la religion et la cité en cas de danger. Avec Notre immortel Prédécesseur, Léon-le-Grand, qui s'opposa fortement à l'invasion de l'Italie par Attila, se trouvaient, nous dit la tradition, des personnages consulaires. Lorsque les terribles bandes des Huns assiégeaient Paris, la sainte vierge Geneviève, qui mettait ses délices dans les prières ininterrompues et les âpres pénitences, veilla selon ses forces et avec une admirable charité, sur les âmes et les corps de ses concitoyens.

Théodelinde, reine des Lombards, appelle instamment son peuple à embrasser la foi chrétienne. En Espagne, le roi Récarède s'efforce de ramener de l'hérésie arienne à la vraie foi le peuple qui lui est confié. En Gaule, on trouve non seulement de saints évêques qui — comme Rémi, évêque de Reims ; Césaire, évêque d'Arles ; Grégoire, évêque de Tours ; Eloi, évêque de Noyon, et plusieurs autres — brillèrent par leur vertu et par leur ardeur apostolique, mais on peut voir des reines qui, durant cette époque, enseignent aux ignorants et aux humbles la vérité chrétienne, nourrissent les malades, les affamés et toutes sortes de malheureux ; c'est ainsi, pour donner des exemples, que Clotilde attire si bien le coeur de Clovis à la religion chrétienne, qu'elle finit par l'amener à accepter volontiers le baptême ; Radegonde et Bathilde recueillent avec la plus grande charité les malades et soignent les lépreux. En Angleterre, la reine Berthe reçoit à son arrivée saint Augustin, l'apôtre de cette nation, et par ses efforts persuade son mari Ethelbert d'accepter avec bienveillance les préceptes de l'Evangile. A peine les Anglo-Saxons, nobles ou roturiers, hommes ou femmes, vieillards ou jeunes gens, ont-ils embrassé la foi, comme poussés par un instinct de la grâce, ils lient aussitôt avec le Siège apostolique des liens très étroits de piété, de fidélité, de respect.

35 De la même manière, en Allemagne, c'est un spectacle merveilleux de voir saint Boniface et ses compagnons parcourir ces régions dans leurs voyages apostoliques et les arroser généreusement de leurs sueurs. Les fils et les filles de cette nation courageuse et généreuse, dans un élan d'ardeur, prêtèrent leur aide et le secours de leur zèle aux moines, aux prêtres, aux évêques, pour que la lumière de la vérité évangélique brillât chaque jour davantage sur ces vastes régions et pour que les préceptes chrétiens, et la vertu chrétienne progressent de jour en jour, et portent des fruits de salut.

36 Il n'y a donc aucune époque où l'Eglise catholique, non seulement par le travail infatigable du clergé, mais aussi avec l'aide demandée aux laïcs, n'ait assuré de nouveaux développements à la religion et n'ait également amené les peuples à une plus grande prospérité sociale. Tout le monde sait ce qu'ont fait une sainte Elisabeth en Autriche ; un saint Ferdinand, roi, en Castille ; un saint Louis IX, en France ; par leur sainteté et leur zèle, ils ont étendu leurs bienfaits à tous les rangs de la société, soit en instituant des oeuvres utiles, soit en propageant de toutes leurs forces la vraie religion, soit surtout en donnant à tous l'exemple de leur vie. On n'ignore pas les mérites des fraternités du moyen âge dans lesquelles étaient groupés artisans et ouvriers des deux sexes qui, tout en poursuivant la vie séculière, avaient néanmoins devant les yeux un idéal de perfection évangélique dont ils poursuivaient personnellement la recherche et vers lequel ils s'efforçaient, avec le clergé, d'orienter les autres.


Aujourd'hui, il est indispensable que les laïcs jouent leur rôle propre dans le champ missionnaire :

37 Or, les conditions dans lesquelles on se trouvait aux premiers temps de l'Eglise, se retrouvent aujourd'hui dans la plupart des régions où travaillent les missionnaires ; ou du moins les peuples dont ils ont soin souffrent de besoins auxquels il fut nécessaire de répondre à l'âge suivant. C'est pourquoi, il faut absolument que les laïcs se réunissant très nombreux, dans les rangs de l'Action Catholique, unissent là leur zèle généreux et actif à l'apostolat hiérarchique du clergé. L'oeuvre des catéchistes est assurément nécessaire, mais non moins nécessaire est l'activité attentive de ceux qui, sans recevoir aucun honoraire, mais uniquement poussés par l'amour de Dieu, se mettent à la disposition des prêtres pour les aider dans leurs fonctions.

38 Nous désirons donc que, partout, selon le nombre des catholiques, hommes et femmes, des associations se constituent ; qu'il y en ait aussi pour les jeunes gens qui poursuivent leurs études, pour les ouvriers et les artisans, pour les sportifs ; qu'il y ait également des Congrégations et de pieuses associations qui puissent être dites les troupes auxiliaires des missionnaires. Pour constituer et former des groupes que l'on s'attache toutefois plus à l'honnêteté, à la vertu, au zèle des membres qu'à leur nombre.

39 Il faut remarquer, en outre, que rien ne concilie plus efficacement aux missionnaires la confiance des pères et mères de famille que le soin que l'on prend de leurs enfants. Ceux-ci en convertissant leur esprit à la vérité chrétienne, et leurs moeurs à la vertu, concourront non seulement au bien de leur propre famille, mais aussi à la vigueur, à l'honneur et à l'illustration de toute la communauté ; et il arrivera souvent que si la vie de la communauté chrétienne était quelque peu affaiblie, ils la rappelleront heureusement à son ancienne vigueur.

40 Bien que, comme chacun sait, l'Action Catholique soit principalement destinée à promouvoir les oeuvres d'apostolat, rien n'empêche cependant que ceux qui en font partie soient également membres d'associations dont le but est de conformer les institutions politiques et sociales aux principes et aux règles chrétiennes ; bien plus, le droit dont ils jouissent permet, et le devoir qu ils ont, demande qu'ils y prennent part, non seulement comme citoyens, mais aussi comme catholiques.


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