Saeculo exeunte octavo FR




ENCYCLIQUE « SAECULO EXEUNTE »


AUX ÉVÊQUES DU PORTUGAL (13 juin 1940)


D'après le texte latin des A. A. S., 32, 1940, p. 249 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. II, p. 133. Une version portugaise a été publiée dans les A. A. S., 32, 1940, p. 260.
Par cette encyclique, le Souverain Pontife recommande avec insistance aux évêques portugais les oeuvres d'apostolat missionnaire.

1 Le huitième centenaire de l'indépendance du Portugal et le troisième du recouvrement de sa liberté, cet heureux événement que, cher Fils et Vénérables Frères, votre patrie très noble et si riche de gloire et de souvenirs célébrera cette année dans l'union unanime des coeurs, ne peuvent être passés sous silence, ni oubliés par ce Siège apostolique, en raison de sa vigilance attentive, ni par Nous qui éprouvons des sentiments paternels à l'égard de toutes les nations chrétiennes.

2 Bien plus, Nous avons même un motif spécial de commémorer avec vous la conquête de votre liberté, puisque, comme la chose est reconnue incontestable, c'est par l'appui même des pontifes romains que votre patrie fut autrefois juridiquement établie comme un Etat libre.

La papauté et l'histoire du Portugal.

3 Les actes par lesquels, au XIIe siècle, Nos prédécesseurs Innocent II, Lucius II et Alexandre III acceptaient l'hommage d'obéissance rendu par Alphonse Henri, d'abord comte, puis roi de Portugal, lui promettant leur protection, déclaraient la légitime indépendance de tout le territoire que, au prix de dures luttes et résistances, il avait arraché à la domination des Maures, furent la magnifique récompense souhaitée par laquelle le Siège de Pierre récompensa le généreux peuple portugais des mérites éclatants qu'il s'était acquis en défendant la foi catholique.

La foi chrétienne, inspiratrice de l'histoire du Portugal et de son expansion.

4 Cette foi catholique fournit comme la sève vitale qui alimenta dès ses origines la nation portugaise ; elle fut aussi, sinon l'unique, du moins la principale force et vertu qui éleva votre patrie à l'apogée de sa gloire, qui lui fit propager la religion en étendant les limites de son empire 1, qui en fit une nation illustre par sa haute civilisation et ayant bien mérité à cause de ses saintes entreprises missionnaires. Cela l'histoire le rapporte et les faits en témoignent très clairement.

(1) Cf. Camões, Lusíadas, I, 2.


5 En effet, comme les fils du roi Jean Ier le priaient d'autoriser la première expédition d'outre-mer, par laquelle la ville de Ceuta fut libérée, le grand et pieux monarque eut à coeur de leur demander si l'entreprise serait oui ou non utile pour le service de Dieu. Comme celle-là toutes les expéditions qui suivirent eurent pour but principal la propagation de la foi, de cette foi qui avait poussé au combat les croisés dans tout l'Occident et qui avait animé les ordres militaires combattant avec un courage intrépide la domination des Maures.

6 Sur les mêmes caravelles arborant l'étendard blanc orné de la croix vermeille du divin Rédempteur, qui menaient sur le littoral africain et sur les plages des îles adjacentes les intrépides explorateurs portugais, naviguaient aussi les missionnaires qui s'en allaient vers ces régions barbares précisément pour les soumettre au joug suave de Jésus-Christ, comme le disait l'Infant Henri le Navigateur, qui a tant développé votre expansion coloniale et vos entreprises missionnaires.

7 Le prince des explorateurs portugais, Vasco de Gama, quand il levait l'ancre pour entreprendre son heureux voyage aux Indes, emmenait avec lui deux religieux Trinitaires. L'un d'eux, après avoir, poussé par le zèle apostolique, apporté la lumière de l'Evangile aux populations des Indes, couronna sa tâche laborieuse par la palme du martyre. Comme à tous les siècles de l'Eglise, ainsi à cette époque dans ces régions lointaines, le sang de ce martyr et des autres héroïques missionnaires portugais fut comme une semence de chrétiens ; leur exemple éclatant encouragea grandement le monde catholique et principalement les généreux citoyens de votre patrie à promouvoir d'une façon plus étendue les oeuvres d'apostolat missionnaire.

8 Et lorsque, à cause de funestes événements, de nombreuses nations d'Europe furent arrachées au sein de l'Eglise qui, comme une mère, les avait éduquées avec un soin si sage et si attentif, alors l'on put voir votre peuple avec la nation soeur, l'Espagne, ouvrir à la mystique Epouse du Christ de nouvelles voies, lui donner un champ très étendu d'activité dans les terres immenses d'Afrique, d'Asie et d'Amérique, et dans ces régions procurer à l'Eglise des enfants innombrables en compensation des fils qui bien misérablement s'étaient séparés d'elle. Alors diocèses, paroisses, séminaires, monastères, hôpitaux et orphelinats surgirent presque partout dans ces régions, attestant la force vitale et l'éternelle vertu de l'Eglise catholique dont, par sa prière efficace, son divin Fondateur obtient les développements que l'Esprit Saint aide par son inspiration, jusque dans les époques les plus pénibles.

9 Mais d'où vient que vous, encore que vous ne soyez pas nombreux, avez accompli tant d'actions d'éclat pour le bien de la chrétienté ? 3 Où le peuple portugais a-t-il puisé cette force intrépide qui, l'animant, l'a rendu capable de mettre sous sa domination tant de rivages d'Afrique et d'Asie et de s'étendre jusqu'aux terres lointaines d'Amérique ? Sans aucun doute cela vient de ce que votre nation, comme le chante le plus grand poète du Portugal, se distingue particulièrement par une foi vive et tenace, et de ce que les gouvernants de votre patrie se firent remarquer par une sagesse et une prudence chrétiennes telles que la Providence divine utilisa votre nation comme un instrument docile et de valeur pour réaliser des exploits éclatants et très bienfaisants.


2 Cf. Camões, Lusíadas, 7, 3.


10 En effet, tandis que des hommes remarquables, conscients de leur très importante responsabilité, comme Alphonse de Albuquerque, Jean de Castro, gouvernent selon la droiture et la prudence les colonies portugaises, prêtent secours et protection aux bons missionnaires, que de grands monarques, comme Jean III, s'appliquent à envoyer aux pays confiés à leur gouvernement, votre patrie s'impose à l'admiration du monde entier par la puissance de son empire et par sa remarquable oeuvre de civilisation qu'elle accomplit dans les pays barbares. Au contraire, lorsque la foi catholique s'affaiblit, quand le zèle pour les missions languit et tombe, lorsque les dirigeants de l'Etat, au lieu de les soutenir, empêchent les entreprises de l'apostolat et, en supprimant les ordres religieux d'hommes, affaiblissent et paralysent les organisations des hérauts de la parole divine, alors il est tout naturel que disparaissent avec la foi chrétienne et la charité qui les produisent et les nourrissent, cette ardeur et cette activité empressée.

Le passé gage de l'avenir.

11 Si vous portez aussi, cher Fils et Vénérables Frères, vos pensées et votre esprit sur ces choses qui ne resplendissent pas de l'éclat de la gloire ancienne, cela ne sera certainement pas sans utilité. Mais aujourd'hui, alors que vous allez célébrer par des solennités commémorant plusieurs centenaires les fastes magnifiques de votre patrie glorieuse, il Nous appartient de vous exhorter paternellement à vous souvenir de ces actes remarquables accomplis par un si grand nombre de vos missionnaires ; car ainsi vous vous sentirez poussés derechef à ce zèle de l'apostolat qui animait vos aïeux.

12 Ce n'est pas sans une disposition spéciale de la Providence que la célébration de vos heureux centenaires coïncide avec un actuel renouveau vigoureux de vie spirituelle au Portugal ; de plus, les accords solennels qui récemment, même en des matières qui concernent les missions, ont heureusement réglé les rapports réciproques entre le Siège apostolique et votre nation et aussi leur mutuelle entente dans l'action 3, font augurer très favorablement des temps meilleurs. C'est pourquoi il est tout indiqué de faire en sorte que l'occasion propice en étant fournie, les travaux apostoliques de vos missionnaires reçoivent de nouveaux développements qui rivalisent avec les précédents.

(3)?


13 Qui, étant animé du zèle apostolique, ne considérerait avec soin et avec intérêt le fait que la plus grande partie de cette masse de dix millions d'hommes qui habitent les terres soumises à la domination portugaise, attend encore la lumière de l'Evangile ? Quel citoyen de votre généreuse nation ne donnerait tous ses soins à ce que, non seulement ne cesse pas, mais se développe davantage de jour en jour ce qui, dans ce genre de choses, a été pour le peuple portugais non seulement la plus grande gloire, mais aussi le plus grand profit ?

* * *



Appel à l'accroissement du nombre des missionnaires

14 Nous donc, bien-aimé Fils et Vénérables Frères, pendant que ces souvenirs illustres et ces gloires de votre patrie emplissent de joie Notre esprit et Notre cceur, Nous désirons que vous regardiez ces âmes innombrables qui dans vos colonies attendent encore ceux qui leur enseigneront la divine vérité, qui partageront avec elles « les insondables richesses du Christ » (Ep 3,8). Aussi Nous vous répétons ces paroles et cette exhortation du divin Rédempteur aux apôtres : « Levez les yeux et voyez les champs qui déjà blanchissent pour la moisson » (Jn 4,35) ; « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson » (Lc 10,2).

15 En vérité « les ouvriers sont peu nombreux ». Les anciens diocèses de l'Afrique portugaise souffrent d'une grande pénurie d'apôtres de la parole divine et de vastes circonscriptions missionnaires sont confiées à des ouvriers évangéliques trop peu nombreux.

16 « Priez donc le Maître de la moisson ». En premier lieu demandez au Seigneur qu'il daigne, dans sa bonté, appeler par son inspiration à ce ministère de l'apostolat, tant au Portugal que parmi les populations indigènes soumises à votre domination, le plus grand nombre possible de prêtres, de frères coadjuteurs, de religieuses et enfin de catéchistes.

... par la prière et les journées missionnaires

17 Que cette sainte et très haute intention ait la part principale dans les prières de chaque prêtre ; que pour cette intention particulière prient ceux qui appartiennent à des ordres contemplatifs ; que les fidèles, surtout quand ils récitent le rosaire tant recommandé par la bienheureuse Vierge Marie à Fatima, n'oublient pas de supplier la Vierge Mère de Dieu d'obtenir de Dieu la vocation missionnaire, avec des fruits abondants, au plus grand nombre d'âmes possible.

18 Il paraît absolument nécessaire de fixer des jours déterminés où par l'adoration du Saint Sacrement exposé, par des sermons appropriés, les oeuvres des missions seront recommandées et favorisées. Nous désirons que ces journées des missions aient lieu chaque année dans les paroisses, dans les collèges de jeunes gens, dans les séminaires. A ces jours-là, que tous aient grand soin de fréquenter les sacrements ; que la jeunesse principalement s'approche de la table eucharistique pour y recevoir le pain des forts et « le froment des élus » (Za 9,17) ; il arrivera peut-être que beaucoup parmi ces jeunes gens entendront alors, avec la plus grande joie, la voix de Dieu les appelant à cette vocation particulière.

... par le développement de l'Union missionnaire du clergé

19 Et qui est plus apte que le clergé à promouvoir et à faire aboutir ces saintes entreprises ? Aussi avec l'ardeur de Notre cceur Nous pressons les vénérés prêtres portugais et Nous les exhortons instamment de s'enrôler volontiers dans l'Union missionnaire du clergé. Cette pieuse association, comme vous le savez assurément, a été chaleureusement recommandée par Nos prédécesseurs immédiats qui l'ont enrichie de faveurs spirituelles. Nous aussi, Nous lui souhaitons tout le bien possible et lui donnons les louanges les plus grandes. Elle existe déjà dans presque toutes les nations. Elle excite et forme la conscience et la volonté du peuple chrétien à s'intéresser activement et généreusement aux choses missionnaires.

20 C'est de nouveau Notre vif désir que l'Union missionnaire du clergé portugais, encore à ses débuts, prenne son plein développement au plus tôt. Car c'est surtout des prêtres membres de cette association que Nous espérons voir venir ce travail attentif pour lequel sont soigneusement choisies et cultivées ces tendres plantes (les vocations missionnaires) que le Seigneur Jésus-Christ fait germer dans sa vigne pour les transplanter un jour dans le champ sacré des missions.

21 Bien plus, Dieu lui-même attend de ses ministres ce travail premier et fondamental, à savoir qu'ils préparent soigneusement et cultivent les champs dans lesquels pourront pousser ces arbustes que sont les vocations missionnaires. En effet, le devoir des prêtres est de répandre parmi les fidèles la connaissance des choses missionnaires et d'allumer dans les âmes la flamme de cet apostolat ; comme Notre prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI, nous en avertit : il ne doit pas exister un seul prêtre qui ne se sente enflammé d'amour pour les missions catholiques 4.

(4) AAS 18 (1926), p. 71.

22 C'est pourquoi, bien-aimé Fils et Vénérables Frères, Nous vous répétons les paroles et les prescriptions qui se trouvent dans l'encyclique Rerum Ecclesiae : « Ordonnez que l'Union missionnaire du clergé soit établie chez vous, ou si elle existe déjà, poussez-la par vos conseils, vos instances, votre autorité à une activité toujours plus diligente » 5.

(5) Ibidem.

23 Le premier devoir de cette association sera de favoriser et de propager de tout son pouvoir les livres et publications concernant les missions. Si les imprimés font le silence sur la question si importante des missions et sur les besoins considérables des missionnaires, alors sans aucun doute, non seulement le peuple chrétien, mais encore le clergé n'en auront presque plus le souci.

24 Pour cela, de tout coeur Nous bénissons le bulletin que fait paraître sous le titre : « Le clergé et les missions » l'Union missionnaire du clergé portugais ; Nous souhaitons ardemment qu'il prospère chaque jour davantage, qu'il fasse souvenir tous les prêtres portugais de leurs devoirs relativement à la propagation de la foi catholique ; qu'il les enflamme d'un zèle plus vif pour l'apostolat missionnaire.

25 Nous bénissons également les autres bulletins missionnaires qui sont publiés par les communautés religieuses ; Nous faisons des voeux qu'ils produisent, en instruisant et en exhortant le peuple, des fruits chaque jour plus abondants et plus heureux.

26 Nous accordons une bénédiction particulière aux prêtres qui se font les propagandistes dévoués de l'Union missionnaire du clergé. A eux et à leur activité industrieuse Nous souhaitons tous les biens, ceci en particulier que le zèle apostolique dont ils brûlent leur offre de très nombreux moyens et méthodes pour atteindre le but très saint qu'ils se sont proposé.

... par la culture des vocations missionnaires

27 Nous désirons en outre que dans les séminaires on instruise avec soin et sérieusement des choses missionnaires les candidats au sacerdoce. Cette connaissance peut fortifier beaucoup la formation sacerdotale et elle sera très avantageuse pour n'importe quelle charge pastorale confiée ensuite par une disposition de la divine Providence à chacun de ces prêtres.

28 Et si, Fils bien-aimé et Vénérables Frères, l'un d'eux est appelé à la vie missionnaire par une volonté très miséricordieuse de Dieu, « qu'aucune pénurie de personnel, qu'aucune nécessité du diocèse, ne vous décourage et ne vous détourne de donner votre consentement. Car vos fidèles ont pour ainsi dire, à portée de la main, les instruments de la grâce ; ils se trouvent bien moins éloignés du salut que les païens... L'occasion se présentant, d'un cceur ferme, par amour pour le Christ et pour les âmes, vous ferez le sacrifice d'un de vos clercs. Mais est-ce vraiment une perte ? Celui que vous n'aurez plus pour vous aider et pour être votre compagnon dans vos labeurs, le divin Fondateur de l'Eglise le remplacera certainement, en répandant une plus abondante effusion de grâces sur votre diocèse ou en suscitant pour le saint ministère de nouvelles vocations » 6.

(6) A. A. S., 1920, pag. 70 sq.


... spécialement du clergé indigène

29 Mais ce qui Nous tient surtout à coeur, c'est que, comme cela se produit dans l'archidiocèse de Goa où les prêtres et les religieux indigènes sont très nombreux, de même dans les autres régions soumises au Portugal, les circonscriptions ecclésiastiques, développant vigoureusement l'oeuvre déjà commencée, possèdent rapidement un clergé indigène florissant ; que là aussi se trouvent des religieuses indigènes à la hauteur des nécessités pour remplir dans leur patrie la tâche qui leur revient.

30 C'est une gloire pour votre patrie d'avoir toujours voulu associer à la fortune du Portugal les peuples d'outre-mer qui lui étaient soumis, cherchant à les élever au même niveau de sa civilisation chrétienne. Nous avons confiance qu'en raison de cette louable tradition vous réaliserez heureusement ce qui à notre époque est le voeu le plus cher de l'Eglise, à savoir l'établissement et la formation du clergé indigène. Vous, Fils bien-aimé et Vénérables Frères, vous ferez certainement tout ce qui est en votre pouvoir pour que cet espoir ne soit pas vain, mais qu'il obtienne très rapidement le meilleur résultat.

* * *



... par leur excellente formation

31 Il ne suffit pas de recruter beaucoup de vocations missionnaires. Ce qui est surtout nécessaire, c'est de bien former et de préparer à toute leur tâche les hérauts de l'Evangile.

32 Vous avez chez vous, et sans aucun doute il vous tient à coeur, un monument remarquable des sollicitudes du Siège apostolique à l'égard de ceux qui sont formés comme il convient pour les entreprises missionnaires. Il s'agit de la Société portugaise pour les missions catholiques d'outre-mer, fondée avec tant de sagesse et de bienveillance par Notre prédécesseur Pie XI d'immortelle mémoire. Cette société est pour Nous aussi l'objet de soins particuliers et elle Nous réconforte aussi par l'espoir spécial qu'elle donne. Ce Siège apostolique n'a pas moins confiance dans le travail et l'empressement des ordres religieux et des congrégations religieuses de l'un et l'autre sexes : au cours des siècles, c'est d'eux qu'est toujours venue la plus grande partie des bons missionnaires. C'est pourquoi Nous, et aussi les missions, attendent beaucoup de ces ordres et congrégations. Connaissant fort bien les nécessités spirituelles des colonies portugaises, c'est Notre désir le plus vif qu'à ces communautés religieuses travaillant dans les missions s'en joignent d'autres comme compagnes de travail, que les Ordinaires des lieux favoriseront et protégeront, afin que dans ces immenses régions soumises à votre pays, le nombre des ouvriers évangéliques augmente de jour en jour davantage.

33 Aux directeurs des collèges dont la société mentionnée plus haut s'occupe, aussi bien qu'aux supérieurs des autres associations religieuses, Nous voulons dévoiler Notre volonté, afin qu'ils voient clairement combien Nous sommes souverainement préoccupé par les sollicitudes apostoliques, combien Nous désirons vivement que les candidats à la vie missionnaire soient parfaitement élevés et formés à une solide instruction et à une profonde vertu.

34 Que ces mêmes éducateurs du clergé missionnaire considèrent soigneusement que personne ne peut s'engager dans cette voie difficile et pénible de l'apostolat missionnaire sans y être appelé par une grâce divine particulière et que pareillement personne ne peut y persévérer s'il ne correspond dignement à l'appel divin et à la vocation reçue de Dieu.


... qui donnera d'excellents missionnaires

35 Le missionnaire doit être homme de Dieu non pas seulement à cause de sa divine vocation, mais aussi parce qu'il s'est pleinement et pour toujours consacré à Dieu. « En effet — comme le dit Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Benoît XV dans sa remarquable lettre apostolique Maximum illud — celui qui annonce Dieu doit être l'homme de Dieu ; celui qui prêche la haine du péché doit le haïr tout le premier. Particulièrement chez les infidèles qui se dirigent plus d'après le sensible que par le raisonnement, on obtient beaucoup plus de résultats en prêchant la foi par l'exemple que par les paroles. » 7

(7) A. A. S. 11, 1919, pag. 449.

36 Il s'agit ici, Fils bien-aimé et Vénérables Frères, de cette sainteté de vie, profondément enracinée dans les âmes, et non de cette honnêteté incomplète et sans force qui facilement disparaît au contact des moeurs corrompues des païens. Ces hommes que saint Paul dépeint « comme ayant les dehors de la piété, sans en avoir la réalité » (2Tm 3,5), ne seront pas certainement le sel de la terre qui guérit parfaitement les plaies causées par la corruption païenne, ni la lumière du monde qui indique le chemin de la Rédemption à ceux qui sont assis à l'ombre de la mort. Et plaise à Dieu qu'ils ne deviennent pas eux-mêmes de misérables esclaves de cette corruption, ou, ce qui serait pire, de funestes maîtres de ces mêmes moeurs corrompues ! Que Dieu écarte ce malheur !

37 En outre, il est nécessaire que le candidat à l'apostolat missionnaire reçoive une formation complète, en ce qui concerne soit la solide science de la doctrine soit le ministère pastoral, afin qu'il puisse être comme « un sage architecte » du royaume de Dieu (1Co 3,10).

38 Il ne suffit pas qu'il ait acquis une vaste et solide connaissance des choses sacrées ; il faut aussi qu'il connaisse à fond les matières ou disciplines profanes particulièrement en rapport avec sa charge. S'il est dépourvu de cette science tant sacrée que profane, conduit uniquement par son ardeur, ce sera sur un sable mouvant qu'il établira les fondements de l'édifice à construire.

39 Marchant sur les traces du Maître divin « qui a passé faisant le bien et guérissant » (Ac 10,38), obéissant aux ordres de celui qui a dit : « Guérissez les malades » (Lc 10,9), et « Enseignez toutes les nations » (Mt 28,19), que le missionnaire, non seulement prêche avec compétence et sagesse le royaume de Dieu, mais, convenablement et opportunément préparé à cette tâche et poussé par la charité du Christ, qu'il travaille à soulager et à guérir tant de corps gâtés par la maladie et par d'autres misères ; qu'ainsi en même temps, il élève les intelligences, qu'il relève à un genre de vie plus civilisé ces âmes assujetties à des superstitions impies et plongées dans une grossière barbarie ; qu'il les éclaire de la lumière de la doctrine évangélique.

40 Car, à côté de la maison de Dieu, surtout dans les régions confiées aux missionnaires, toujours l'Eglise, instruite par le Saint-Esprit, a établi non seulement des orphelinats et des hôpitaux, mais aussi des écoles. Mais qui sera le « sage architecte » de toutes ces oeuvres saintes, sinon le héraut apostolique de la doctrine chrétienne ? Comment pourra-t-il l'être s'il n'est pas muni de toutes les qualités morales, connaissances, et vertus nécessaires ?

... et aussi des religieuses missionnaires.

41 Ces recommandations que Nous venons de faire au sujet des missionnaires, Nous les répétons également à l'adresse de tous ceux qui travaillent d'une façon tranquille, mais active et fructueuse, à la bonne formation de cette armée comprenant ces phalanges de religieuses dont la pieuse et nécessaire activité est d'un grand secours pour le développement des missions.

42 Nous savons que les congrégations religieuses de femmes s'accroissent davantage de jour en jour au Portugal, que dans ces instituts le choix des religieuses que la grâce de Dieu appelle à venir en aide aux missions est fait avec soin et avec zèle, de façon que chaque jour plus nombreuses, chaque jour mieux formées et préparées à entrer dans l'apostolat missionnaire, elles partent comme infirmières, comme maîtresses, comme catéchistes pouvant accomplir toutes les tâches que réclament d'elles les divers devoirs de l'apostolat.

43 Que ceux qui travaillent à cette oeuvre très importante dont ils sont chargés considèrent attentivement que plus la formation religieuse, intellectuelle et morale des soeurs destinées aux missions aura été adéquate et soignée, plus aussi ces soeurs missionnaires pourront fournir de bienfaisantes et plus amples activités sur le terrain de l'apostolat. Plaise à Dieu que, sous l'inspiration de sa grâce, de nombreuses et saintes soeurs indigènes joignent leur activité à l'activité industrieuse des autres religieuses.


Encouragements aux missionnaires

44 Mais, traitant avec soin ce sujet, Nous ne vous avons pas oubliés, fils très aimés qui avez déjà obéi à l'ordre du divin Maître : « Gagnez le large » (Lc 5,4). A vous tous qui déjà en pleine mer luttez et vous fatiguez pour étendre les limites du royaume de Dieu vont Notre sollicitude et Nos salutations. Nous vous encourageons et soutenons. Après vous avoir dit de reprendre courage, Nous vous exhortons tous et chacun en vous disant les paroles de l'Apôtre des nations : « Efforce-toi de te comporter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier irréprochable » (2Tm 2,15). « Sois pour les fidèles un modèle de parole, de conduite, de charité, de foi, de chasteté » (1Tm 4,12). Désirant avec le même apôtre vous suggérer les moyens nécessaires pour mettre en pratique ces exhortations, Nous vous recommandons uniquement mais par-dessus tout ceci : « Recherche... la piété » (1Tm 6,11).

En effet, si la grâce divine imprègne vos âmes, elle exercera infailliblement son influence sur tout ce qui est autour de vous, puisque le royaume de Dieu est régi par cette loi ; car « le royaume des cieux est semblable au levain qu'une femme prend et mêle à trois mesures de farine jusqu'à ce que le tout ait fermenté » (Mt 13,33).

45 L'histoire de vos missions atteste éloquemment la vérité de cette loi divine. De fait, tandis que les missions laïques (c'est ainsi qu'on les appelle), que certains se sont efforcés de substituer aux missions catholiques, ne produisent presque aucun fruit, au contraire, les apôtres, comme François-Xavier, Jean de Britto, contribuèrent puissamment non seulement au salut des âmes, mais augmentèrent aussi beaucoup le prestige national du Portugal. Suivez-les donc par une digne émulation !


à l'exemple de saint François-Xavier.

46 Comme vous le savez, le 15 mars de cette année, s'est terminé le quatrième centenaire de l'appel divin de saint François-Xavier aux missions des Indes portugaises. Cette vocation divine lui fut manifestée par la lettre que Jean III, roi du Portugal, écrivit à son ambassadeur à Rome, pour lui demander de chercher en vue d'un départ pour les Indes des missionnaires éprouvés et foncièrement vertueux.

On peut affirmer sans aucun doute que saint François-Xavier, patron des missions, a récompensé très abondamment votre nation de l'aide très précieuse qu'elle a fournie à ce missionnaire afin qu'il puisse répondre librement et de grand coeur à l'appel de Dieu. Il n'aurait certainement pas pu faire davantage en faveur du Portugal, s'il eût été Portugais de naissance. Vous voyez, fils bien-aimés, combien grande et combien bienfaisante est la puissance de la sainteté. C'est d'elle principalement qu'il est permis d'espérer de bons résultats également pour votre apostolat. C'est pourquoi, faites vôtres le but et le plan de conduite que saint François-Xavier, saint Jean de Britto et les autres missionnaires portugais ont adoptés dans leur apostolat missionnaire, pour le plus grand bien tant de la religion que du Portugal ; ce programme est renfermé dans ces paroles du divin Maître : « Je me sanctifie pour eux, afin qu'ils soient sanctifiés dans la vérité » (
Jn 17,19).


Appel au peuple portugais.

47 Maintenant, avant de terminer cette lettre, Nous Nous adressons au généreux et cher peuple portugais. Le Christ Notre-Seigneur a confié à tous ceux qui déjà jouissent des divins bienfaits de la Rédemption la charge de les partager avec leurs frères qui sont encore privés de cette grâce céleste. Or, dans vos colonies très étendues, habitent de nombreuses centaines de milliers de frères qui sollicitent et attendent de vous particulièrement la lumière de la vérité évangélique.

48 En conséquence Nous vous exhortons tous à développer de tout votre pouvoir vos missions en usant entre vous d'une très sainte émulation. Comme autrefois vos ancêtres — dont vous commémorez par des fêtes cette année les gestes remarquables — se pressaient autour des chefs militaires et des chevaliers agitant la bannière de la croisade et, ou bien les suivaient courageusement, ou bien, quand ils ne pouvaient les suivre, les accompagnaient de leurs prières, de leur solidarité, de leur aide matérielle, ainsi, vous autres, accordez-vous le plus grand honneur en donnant vos enfants, vos prières, vos aumônes pour le développement des missions. Cette sainte émulation, dont Nous parlons, concerne d'une façon spéciale ceux qui servent dans les rangs pacifiques de l'Action catholique.

49 Sans aucun doute, Dieu dans sa bonté comblera de ses abondantes bénédictions et ces généreuses entreprises et la très noble nation portugaise. La bienheureuse Vierge Notre-Dame du Saint-Rosaire qui est honorée à Fatima, la Sainte Mère de Dieu qui a remporté la grande victoire près de Lépante, vous assistera de son très puissant patronage. Saint François-Xavier, patron des missions et fils d'adoption du Portugal votre patrie, saint Jean de Britto, en même temps que l'illustre phalange des autres saints missionnaires portugais, vous apporteront de même leur assistance.

En attendant, que la Bénédiction apostolique que, de toute l'effusion de Notre cceur, Nous donnons à Vous, Fils bien-aimé, à Nos Vénérables Frères, à tous les fidèles des diocèses confiés à chacun de vous, soit le présage des grâces célestes et le témoignage de Notre paternelle bienveillance.

Datum Romae, apud Sanctum Petrum, die XIII mensis Iunii, in festo S. Antonii, anno MDCCCCXXXX, Pontificatus Nostri secundo.



Saeculo exeunte octavo FR