Discours 1996 - Salle Paul VI, Lundi 3 juin 1996


AUX PARTICIPANTS À UNE RENCONTRE ORGANISÉE PAR LE «BUREAU EUROPÉEN DE L'ENVIRONNEMENT»

Vendredi 7 juin 1996




Chers amis,

1. À l'occasion de la rencontre de délégués des Organisations non gouvernementales d'Europe et du Bassin méditerranéen sur le thème de la réforme fiscale et de l'environnement, qui se déroule à Rome, je suis heureux de vous accueillir. Je salue cordialement t Monsieur Armando Montanari, Président du Bureau européen de l'Environnement que je remercie de ses aimables paroles, et Monsieur Raymond Van Ermen, Secrétaire général.

Au moment où nous célébrons la Journée mondiale de l'Environnement, dans la perspective de la Conférence des Nations Unies Habitat II qui se tient actuellement à Istanbul, votre réflexion porte sur la révision de questions concernant le développement humain durable et sur le dialogue interreligieux dans le pourtour méditerranéen.

2. Comme je l'ai dit au moment de la Conférence de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement, il y a quatre ans, l'homme contemporain est amené à se poser une question fondamentale, que l'on peut qualifier à la fois d'éthique et d'écologique.Comment peut-on éviter que le développement accéléré se retourne contre l'homme? Comment prévenir les catastrophes qui détruisent l'environnement, menaçant ainsi toute forme de vie, et comment remédier aux conséquences négatives déjà survenues?

L'Église catholique demeure attentive à l'entretien et à la protection de l'environnement, ainsi qu'aux problèmes concernant le développement, selon sa propre perspective anthropologique, partagée par les hommes de bonne volonté et par les nobles traditions religieuses. L'environnement et le développement concernent, l'un et l'autre, la personne humaine, centre de la création. Aussi, les décisions économiques et politiques en matière d'environnement doivent elles être prises pour servir les personnes et les peuples.

La vocation de l'homme est de « cultiver » et de soumettre la terre que Dieu lui a confiée; parmi les créatures, l'homme est le seul être qui soit responsable des conséquences de son action, non seulement pour lui-même mais aussi pour les générations futures, pour lesquelles nous devons préparer un monde habitable. Personne ne peut s'approprier les biens de la terre. Comme le disait Ambroise de Milan, «la fécondité de toute la terre doit être la fertilité pour tous» [1].

3. Dans le domaine social, cette vérité doit se traduire par la ferme volonté de vivre et d'agir en solidarité avec ses frères, en vue du bien commun. Il n'est pas possible à une personne ou un groupe de déterminer ses propres exigences pour ce qui concerne l'environnement, en ignorant le reste de l'humanité. En effet, il est de plus en plus évident aujourd'hui que le comportement à l'égard de la nature a des conséquences pour l'ensemble de notre terre. L'éducation à la solidarité internationale et au respect de l'environnement est aujourd'hui une nécessité urgente.

Plus que jamais, les hommes, individuellement et collectivement, sont responsables de l'avenir de la planète, pour la gloire de Dieu et pour le bien de la création. On ne peut qu'apprécier la prise de conscience des autorités civiles locales, nationales et internationales en la matière et leur souci de dialogue et de collaboration, pour constituer un environnement rural et urbain vraiment habitable, en ne négligeant pas de préserver les espaces nécessaires pour les familles, pour les lieux de culte et pour la formation humaine. Je souhaite que les participants à la Conférence Habitat II trouvent des réponses propres à garantir les besoins matériels fondamentaux des hommes, sans oublier cependant les dimensions culturelle et spirituelle. Il convient de favoriser la créativité, le sens de la solidarité et de la responsabilité, pour réaliser des « espaces de vie» où les hommes, les enfants et les familles puissent réaliser le meilleur d'eux-mêmes, car, pour son bien-être et pour sa croissance, l'être humain est profondément marqué par son habitat.

4. Dans cet esprit, je vous encourage à poursuivre le service que vous accomplissez auprès de nos contemporains, pour que le monde soit toujours davantage à taille humaine, en espérant que vos rencontres seront couronnées de succès.

À vous tous, à vos collaborateurs et à ceux qui vous sont chers, j'accorde bien volontiers la Bénédiction Apostolique.

[1] S. Abrosii De Nabuthe, 7, 33.



À LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

Solennité saints Apôtres Pierre et Paul, Samedi 29 juin 1996



Soyez les bienvenus, Frères très chers dans le Seigneur.

C'est avec une grande joie que nous vous accueillons, vous qui êtes délégués par le Patriarche oecuménique pour participer a la célébration, par l'Église de Rome, des saints apôtres Pierre et Paul. L'an dernier, c'est Sa Sainteté Bartholomaios Ier qui était parmi nous et je lui exprime à nouveau mes sentiments de gratitude pour sa visite.

Cet échange de visites entre nos Églises lors de la fête de leurs saints patrons, à Rome et au Phanar, nous offre chaque année l'occasion d'une rencontre fraternelle dans la prière et le dialogue en vue d'intensifier nos relations ecclésiales et de discerner ensemble les voies les plus indiquées pour progresser vers le rétablissement de la pleine communion.

Tout d'abord, par ces rencontres, nous désirons suivre le chemin vers l'unité pour laquelle le Seigneur a fait monter ses supplications vers le Père. De son Esprit, nous recevons la force de renouveler sans cesse notre élan.

Ces rencontres sont aussi, deux fois par an, l'occasion de considérer franchement et fraternellement le développement de nos relations. Il faut faire le point sur ce qui a été accompli et sur ce qui n'a pas été accompli. Il faut décider en commun des initiatives à prendre pour continuer ou pour relancer le mouvement. Il faut prévoir ensemble quand, où et comment notre dialogue devra se poursuivre. Nous pouvons, en ces échanges fraternels, nous dire très librement les différentes réactions que provoquent dans nos Églises le développement de ce dialogue ou son apparente stagnation. Nous pouvons aussi évaluer ensemble les résultats de nos efforts pour faire mieux comprendre au clergé et aux fidèles, de part et d'autre, la nécessité de ce dialogue. Ces conversations doivent être le moyen privilégié d'adopter, dans la mesure du possible, une attitude commune devant nos fidèles et de contribuer ainsi à ce que soient dépassées les réactions non contrôlées, les habitudes de critiques ou même de polémiques qu'un passé, aujourd'hui, révolu, avait profondément imprimées dans les mentalités.

Le deuxième Concile du Vatican a souligné que la conversion du coeur était la condition préalable nécessaire à l'engagement oecuménique. Par nos échanges de vues, nous pouvons nous rendre compte ensemble de la situation de cette conversion dans nos Églises. Afin d'être crédibles pour nos fidèles, notre prière et notre concertation doivent être suivies de réalisations concrètes. Il faut réaliser ensemble ce que nous avons projeté ensemble.

L'an dernier, considérant avec Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios l'approche du grand Jubilé de l'An 2000, nous avons invité nos fidèles à parcourir ensemble spirituellement ce pèlerinage vers le Jubilé. La réflexion, la prière, le dialogue, le pardon et la charité fraternelle réciproque ? avons-nous encore affirmé ? nous rapprocheront davantage du Seigneur et nous aideront à mieux comprendre sa volonté sur l'Église et sur l'humanité » [1].

En effet, nous devons vivre et célébrer une échéance historique importante. Elle est pour nous l'occasion d'inviter tous les fidèles à renouveler leur adhésion à la personne même de « Jésus-Christ qui est le même hier, aujourd'hui et à jamais » [2]. Il s'agit de promouvoir un approfondissement de la foi, un renouveau de la vie chrétienne, de la fraternité et de la communion entre les chrétiens [3]. Je remercie le Patriarche oecuménique d'avoir accepté d'envoyer un délégué fraternel à la rencontre qui, en février dernier, devait préparer le grand jubilé. Il m'est agréable de souligner que vous avez été vous-même ce délégué, cher Frère Michaël. Je serai heureux qu'un esprit de collaboration dans l'effort de renouveau s'étende partout où les catholiques et les orthodoxes vivent les uns près des autres. La célébration de l'an 2000 pourrait être ainsi une célébration commune de Jésus-Christ, notre Seigneur.

Je vous prie, Frères très chers, de transmettre mes salutations affectueuses au Patriarche Bartholomaios, aux membres du Saint-Synode, au clergé et à tous les fidèles du Patriarcat oecuménique. Que « la grâce et la paix vous soient données en abondance » [1]!


[1] « Declaratio communis » inter Ecclesiam Romanam et Ecclesiam Constantinopolitanam », 3.
[2] (He 13,8).
[3] Cfr. « Declaratio communis » inter Ecclesiam Romanam et Ecclesiam Constantinopolitanam », 4.
[4] (1P 1,2).



Août 1996

AUX ÉVÊQUES DU BÉNIN EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM »

Jeudi 22 août 1996




Chers Frères dates l'épiscopat,

1. C'est avec grande joie que je vous reçois, vous qui êtes les Pasteurs de l'Église au Bénin. Vous êtes venus à Rome effectuer votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres et rencontrer le Successeur de Pierre ainsi que ses collaborateurs, pour y trouver un encouragement dans votre mission « de rendre témoignage de l'Évangile de la grâce de Dieu et d'exercer le ministère glorieux de l'Esprit et de la justice » [1]. À travers vous, je salue avec affection vos communautés diocésaines et tout le peuple béninois, me souvenant avec plaisir de l'accueil chaleureux reçu lors de mon second séjour dans votre pays, il y a déjà plus de trois ans. Je remercie Monseigneur Lucien Monsi Agboka, Évêque d'Abomey, président de votre Conférence épiscopale, pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Elles manifestent la vigueur spirituelle et missionnaire de vos communautés et leur fidélité à l'Évangile,

2. Depuis votre dernière visite, pour répondre au développement et au dynamisme des communautés chrétiennes, trois nouveaux diocèses ont été constitués; je suis heureux d'accueillir leurs Évêques qui viennent pour la première fois en visite ad limina. Je leur souhaite d'être des Pasteurs remplis d'enthousiasme apostolique à la suite de ceux qui ont travaillé à la première annonce de l'Évangile au milieu du peuple dont ils ont désormais la charge.

L'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques, que nous avons célébrée il y a peu de temps, a voulu répondre à la soif de Dieu des peuples d'Afrique [2], en étant pour tout le continent et pour vos Églises particulières l'occasion d'un élan nouveau dans l'annonce de la Bonne Nouvelle de l'Évangile aux hommes et aux femmes de vos sociétés. Lors de mon dernier voyage dans votre région, j'ai voulu promulguer l'exhortation Ecclesia in Africa qui offre à toute l'Église les fruits de cette grande concertation collégiale. Je souhaite que ce document devienne la charte de votre engagement dans la mission évangélisatrice qui vous est confiée.

3. En effet, au cours de ce Synode, les Évêques ont voulu répondre à deux interrogations essentielles: « Comment l'Église doit-elle faire avancer sa mission d'évangélisation à l'approche de l'An 2000? Comment les chrétiens africains pourront-ils devenir des témoins toujours plus fidèles du Seigneur Jésus? » [3]. Ces questions trouveront leur réponse dans l'engagement effectif de l'ensemble du Peuple de Dieu à vivre intensément les exigences du baptême. Je me réjouis de voir les efforts réalisés dans vos diocèses pour la formation des fidèles à leur responsabilité de disciples du Christ. Les dangers multiples auxquels chrétiens sont affrontés aujourd'hui, notamment dans les moments de plus grande souffrance ou de détresse intérieure, exigent que leur foi soit solidement fondée et éduquée. Le retour à des pratiques anciennes qui ne sont pas encore transformées par l'Esprit du Christ ou l'attraction des sectes qui se développent de plus en plus sont des tentations qui doivent être considérées avec grande attention; il est important de savoir leur opposer la véritable force qui fait vivre l'homme et qui le guérit de tout mal, celle du Seigneur ressuscité présent dans son Église, et répandant son Esprit à l'oeuvre en ce monde. Comme je l'ai écrit dans Ecclesia in Africa, «aujourd'hui en Afrique, "la formation à la foi [...] est trop souvent restée au stade élémentaire, et les sectes mettent facilement à profit cette ignorance." L'approfondissement de la foi est urgent » [4]. Nous retrouvons ici l'impérieuse nécessité d'inculturer véritablement la foi pour que les disciples du Christ assimilent pleinement le message évangélique, tout en restant fidèles aux valeurs africaines authentiques [5].

La « pastorale de l'inculturation » que vous voulez développer avec les agents de l'évangélisation est un travail de longue haleine. Beaucoup a déjà été réalisé dans de nombreux domaines comme la traduction des textes bibliques ou dans celui de la liturgie, pour permettre une compréhension plus facile de la Parole de Dieu et une meilleure réception des sacrements. L'inculturation doit atteindre l'homme au plus profond de lui-même. En effet, « il ne s'agit pas d'une simple adaptation extérieure, car l'inculturation "signifie une intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme, et l'enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines" » [6].

4. Les menaces qui pèsent aujourd'hui sur la famille sont une source de préoccupation pour l'avenir des communautés chrétiennes et de la société elle-même. Je voudrais rappeler ici la dignité et le rôle essentiel du mariage chrétien pour les disciples du Christ. Il est vrai que ses exigences sont parfois difficiles à honorer. Elles sont pourtant l'expression de la vérité de l'union de l'homme et de la femme aux yeux de Dieu. « Le mariage suppose un amour indissoluble; grâce à sa stabilité, il peut contribuer efficacement à la pleine réalisation de la vocation baptismale des époux » [7]. L'action pastorale de l'Église est plus nécessaire que jamais pour préparer les jeunes au sacrement du mariage et aux engagements qu'il implique dans la vie familiale. L'accompagnement des couples et des familles sur le chemin de la vie, en particulier lors des moments les plus difficiles de l'existence, est une exigence primordiale de la pastorale de l'Église. Chaque couple devrait pouvoir compter sur le soutien des autres familles chrétiennes pour découvrir et vivre avec fruit une vraie communauté d'amour.

Je vous encourage aussi vivement à inviter les familles chrétiennes à être la première école de la foi par la parole et par l'exemple. Que chaque famille devienne véritablement un lieu privilégié de témoignage évangélique. J'apprécie les efforts déployés par la communauté chrétienne pour soutenir les familles affrontées à de graves questions de santé ou à la précarité.

5. La formation humaine et chrétienne, qui commence dès la première éducation, dans les familles, se développe à l'école. Je connais les difficultés qui sont les vôtres pour faire revivre les écoles catholiques et pour offrir ainsi aux parents chrétiens et à ceux qui le souhaitent, les moyens de donner à leurs enfants une formation humaine, culturelle et religieuse de qualité, fondée sur les principes de l'Évangile. Il s'agit là d'un véritable droit qui leur revient et qui fait partie des implications de la véritable démocratie et du principe de la liberté religieuse. Je souhaite donc vivement qu'une reconnaissance officielle de l'enseignement catholique permette aux familles de remplir leur fonction éducative selon leurs propres convictions, dans des conditions égales à celles des parents qui font d'autres choix, répondant ainsi aux exigences d'égalité et de justice entre tous les citoyens. Comme l'a rappelé le Concile, « l'école catholique revêt une importance considérable dans les circonstances où nous sommes, puisqu'elle peut être tellement utile à l'accomplissement de la mission du Peuple de Dieu et servir au dialogue entre l'Église et la communauté des hommes, à l'avantage de l'une et de l'autre » [8].

6. Depuis de nombreuses années, un effort important a été fait dans vos diocèses pour la pastorale des vocations. Plusieurs maisons sont destinées à former les jeunes en recherche de vocation et les grands séminaristes. Vous venez d'ouvrir récemment un nouveau séminaire pour le premier cycle. Je vous en félicite, et avec vous je rends grâce à Dieu pour ce don qu'il met au coeur des jeunes appelés à participer au sacerdoce du Christ pour le service de l'Église et des hommes. La formation des futurs prêtres est une grande responsabilité du ministère de l'Évêque. C'est à lui qu'il revient, en dernier ressort, d'appeler à l'ordination. « Le premier représentant du Christ dans la formation sacerdotale est l'Évêque » [9]. Pour accomplir pleinement cette mission, il est nécessaire que l'Évêque puisse s'appuyer sur des formateurs qui se sentent profondément unis à lui et qui vivent entre eux une véritable communion. Des directeurs spirituels en nombre suffisant doivent pouvoir accompagner régulièrement les séminaristes pour les aider à faire les discernements nécessaires. Je vous invite à ne pas hésiter à détacher des prêtres pour cet important ministère, même si c'est au prix de grands sacrifices dans d'autres domaines de la pastorale. L'avenir du sacerdoce et de la mission de l'Église exige « que les séminaristes soient formés de manière à ce qu'ils " acquièrent une maturité affective et qu'ils aient des idées claires et une conviction intime sur l'indissolubilité du célibat et de la chasteté du prêtre ", en outre " qu'ils reçoivent une formation adéquate sur le sens et la place de la consécration au Christ dans le sacerdoce" » [10].

C'est pour moi l'occasion de saluer ici l'oeuvre réalisée dans votre pays par les prêtres, les religieux et les religieuses, autochtones ou venus d'ailleurs, qui se donnent avec générosité et ardeur au service de l'Évangile. En les soutenant dans leurs efforts apostoliques, invitez-les à élargir toujours plus les horizons de leur vocation au service du Christ, pensant notamment aux régions de votre pays où l'Église est d'implantation récente et où les ouvriers pour la mission sont encore trop peu nombreux. A tous je redis ma confiance et ma pensée affectueuse. Que la corresponsabilité épiscopale et la fraternité qui vous unissent vous aident aussi à vivre une solidarité et une collaboration toujours plus grandes entre vous et entre vos Églises particulières!

7. La formation des catéchistes et des chefs de communauté fait partie à juste titre de vos préoccupations majeures. Les catéchistes, en effet, ont une place importante pour la vitalité et le dynamisme de l'Église. Leur qualité personnelle de véritables témoins de la foi au milieu de leurs frères fait la force et la cohérence de leur enseignement de la Parole de Dieu et de l'animation de la prière de la communauté. Encouragez-les dans leur service de l'évangélisation. Les efforts importants que vous avez déjà déployés et que vous souhaitez développer pour leur formation doctrinale et pédagogique ainsi que pour leur cons tant ressourcement spirituel leur permettront d'être des guides qui travailleront avec leurs frères à la vitalité des communautés ecclésiales, en collaboration étroite avec leurs pasteurs.

8. La mise en oeuvre de la vocation chrétienne au milieu du monde exige aussi une attitude de dialogue avec ceux qui ne partagent pas notre foi. « L'attitude de dialogue est le mode d'être du chrétien à l'intérieur de sa communauté comme avec les autres croyants, et les hommes et les femmes de bonne volonté » [11]. Le comportement du chrétien à l'égard de ceux qui ne partagent pas sa foi est fait de respect et d'estime. Certes, c'est une réalité difficile à vivre notamment lorsque des préjugés et des attitudes de méfiance viennent faire obstacle à une rencontre en vérité entre des personnes ou entre des groupes humains. L'éducation à la liberté dans le respect de chacun doit être une priorité. Pour que la paix civile et religieuse se maintienne dans l'avenir, il est nécessaire que la dignité de tout homme soit reconnue et que chacun puisse exercer ses droits fondamentaux, à commencer par la liberté de religion.

9. Au terme de notre rencontre, je voudrais encourager vivement les chrétiens du Bénin à prendre leur place dans la construction de la nation. Ils sont appelés à être de ceux qui éveillent au sens du bien commun, à la solidarité qui dépasse l'environnement familial ou régional, en s'efforçant « de vivre l'amour universel du Christ, qui surpasse les barrières des solidarités naturelles des clans, des tribus ou d'autres groupes d'intérêt » [12]. L'union entre tous les citoyens, sans distinction d'origines ou de croyances, fondée sur l'amour de la patrie commune, doit être recherchée avec ardeur en vue de travailler ensemble au développement intégral de la nation, dans la concorde et la justice. Que les jeunes n'aient pas peur de s'engager pour l'avenir de leur pays, pour faire advenir une civilisation de l'amour qui intègre chaque personne à sa juste place!

Chers Frères dans l'épiscopat, l'Église qui est au Bénin a déjà des fondations solides, mais elle voit aussi bourgeonner son avenir. Alors que nous sommes aux portes du troisième millénaire, l'Esprit du Christ nous incite à grandir dans l'espérance. Que la préparation du grand Jubilé soit pour l'Église dans votre pays un moment privilégié d'approfondissement de la foi et du témoignage chrétien! Je confie à la Vierge Marie le devenir de vos communautés, lui demandant de veiller maternellement sur elles. De grand coeur, je vous donne la Bénédiction Apostolique que j'étends aux piètres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles de vos diocèses.


[1] (Lumen gentium LG 21).
[2] Cf. (Ecclesia in Africa ).
[3] Ibid., ().
[4] N. ().
[5] Cf. (Ecclesia in Africa ).
[6] (RMi 52).
[7] (Ecclesia in Africa ).
[8] (Gravissimum educationis GE 8).
[9] (Pastores dabo vobis PDV 65).
[10] (Ecclesia in Africa ).
[11] Ibid., ().
[12] Ibid., ().



Septembre 1996

AUX MEMBRES DE LA COMMISSION INTERNATIONALE DE L'ÉTAT CIVIL

Vendredi 13 septembre 1996




Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

1. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue a de saluer en vous les représentants des pays et des Organisations internationales qui adhèrent, à titres divers, à la Commission internationale de l'État civil. En particulier, je remercie Monsieur Aldo Dainotto pour les paroles aimables qu'il m'a adressées au nom toute votre assemblée.

Votre visite, Mesdames et Messieurs les Délégués, manifeste votre estime pour la manière dont l'Église s'est toujours intéressée à la personne humaine, à ses droits civiques et à son statut dans la société. Ce sont précisément ces centres d'intérêt qui ont amené le Saint-Siège à adhérer, en qualité d'Observateur, à votre Commission internationale.

2. Les questions qu'étudie la Commission sont importantes, non seulement parce qu'elles répondent à une volonté d'harmonisation juridique, mais aussi en raison de leur relation étroite avec les valeurs de la justice, de la solidarité et, finalement, de la paix.

La mobilité des personnes, à l'intérieur des continents et au-delà, entre de plus en plus dans les traits constitutifs de notre civilisation. Cela crée inévitablement des situations inédites qui requièrent des solutions juridiques adaptées pour assurer la protection des droits fondamentaux des personnes. Les travaux d'harmonisation juridique que poursuit la Commission internationale de l'État civil cherchent à résoudre les conflits qui peuvent se présenter entre les législations différentes, afin d'assurer à la personne déplacée la situation la meilleure possible. Il convient de respecter la diversité et de ne pas la craindre. Les responsables des administrations peuvent faire beaucoup dans ce sens. La claire confirmation des dispositions de la loi et la transparence dans l'attribution de ce qu'elle prévoit, dans un contexte de solidarité sincère, rend les citoyens des différents pays plus confiants envers les nouveaux arrivés, et plus disposés à les considérer comme faisant partie de leur propre société.

3. Vous êtes des spécialistes et des praticiens du droit. Comme bien d'autres, votre compétence est au service de la personne et de son milieu de vie, en premier lieu de la famille. La tâche de l'harmonisation juridique, notamment en ce qui concerne le mariage et la famille, a pour but, entre autres, de favoriser la recherche de solutions communes pour les problèmes posés par l'évolution des situations. Cela rendra un service authentique à l'homme, dans la mesure on l'on saura introduire les innovations nécessaires, étant maintenu le principe essentiel selon lequel la famille est la cellule fondamentale de la société humaine.

Mesdames, Messieurs, en vous renouvelant l'expression de l'estime et des encouragements du Saint-Siège à la Commission internationale de l'État civil, je vous offre de grand coeur mes voeux pour le succès de vos travaux et j'implore sur vous et sur vos proches l'abondance des bénédictions divines.



VOYAGE APOSTOLIQUE EN FRANCE


AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE JACQUES CHIRAC

Préfecture de Tours, Jeudi 19 septembre 1996


Monsieur le Président,

1. Je vous remercie pour votre accueil et pour vos paroles de bienvenue. Je suis heureux de rencontrer une nouvelle fois ce lui qui préside aux destinées de ce pays. Je voudrais saluer les personnalités qui vous accompagnent et plus généralement tous les responsables engagés dans la vie publique au service de la nation, ainsi que les différents collaborateurs qui ont contribué à préparer ma visite. Et, à mon arrivée, je désire adresser à tous vos compatriotes un très cordial salut.

2. C'est en pèlerin que je viens ici, afin de rencontrer les catholiques de France et de m'associer à leur prière en des lieux importants de l'histoire religieuse de leur pays et de l'Europe, pour que s'affermissent leur foi et leur vie chrétiennes. Au cours des différentes étapes, je les inviterai ainsi que leurs compatriotes à mieux réaliser ce que l'Église doit à certains de leurs devanciers dont la mémoire est très vivante en Vendée, en Bretagne, à Tours et à Reims. Je me rendrai tout d'abord à Saint-Laurent-sur-Sèvre, sur la tombe de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, pour prier avec les communautés religieuses qui offrent publiquement le témoignage de leur pratique des voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Je rencontrerai aussi les catholiques de Vendée. Ensuite, j'irai à Sainte-Anne-d'Auray pour rejoindre les pèlerins et les chrétiens de l'Ouest de la France et pour rencontrer les familles, force et espérance d'une nation. Comme je l'ai dit dans la Lettre apostolique « Tertio Millennio Adveniente » [1], je me situe dans la perspective du grand Jubilé, au cours duquel tous les disciples du Christ sont conviés à une démarche de conversion des coeurs.

3. Je n'oublie pas que la société française est confrontée à de nombreux défis, comme la crise économique, qui frappe du reste tous les continents. Ma pensée va d'abord vers ceux qui traversent des épreuves, en particulier ceux qui vivent dans des situations de pauvreté, d'exclusion, de précarité ou de maladie. Notre coeur ne pourra pas être en paix, tant que des hommes se débattront dans des situations ardues qui pèsent lourdement sur eux. Notre coeur ne pourra pas être en paix, tant que nous n'aurons pas tout mis en oeuvre pour venir en aide aux blessés de la vie qui ne doivent pas être exclus de la vie sociale et pour leur tendre une main secourable, comme le fit saint Martin, que je viens vénérer au cours de la troisième étape de mon voyage. Le saint évêque de Tours nous rappelle que l'attitude fondamentale de tout homme doit être empreinte de délicatesse et de respect, de partage et de compassion pour chacun de ses frères en humanité. Dans cette perspective, je voudrais rendre hommage aux Français qui perpétuent une longue tradition de solidarité et de fraternité. J'apprécie le soutien apporté par vos compatriotes aux pays en voie de développement, qui connaissent bien des épreuves. Cette attention à leur égard doit s'accompagner aussi, de la part de l'Occident, de comportements nouveaux, n'utilisant pas à leur seul avantage les biens produits dans des régions aux populations défavorisées. C'est la responsabilité spécifique des pays les plus riches de la planète de faire en sorte que les pays pauvres puissent être les premiers bénéficiaires de leurs ressources et du fruit de leurs économies. Vous l'avez opportunément rappelé, Monsieur le Président, lors d'un de vos récents voyages en Afrique.

4. La communauté catholique en France a une riche histoire. En retrouvant leurs racines spirituelles, les fidèles et les pasteurs sont affermis dans leur foi et dans leur mission; ils poursuivent aussi inlassablement le dialogue avec toutes les composantes de la nation, spécialement avec les membres des autres confessions chrétiennes, de la religion juive et de la religion musulmane.

Pour les chrétiens, l'accueil loyal de la Parole de Dieu invite à une attitude de respect envers chacun. Dans la recherche de la vérité, ils désirent créer des relations bienveillantes et constructives avec tous leurs frères vivant sur le territoire national, quelles que soient leurs convictions. Au cours de mon voyage, j'évoquerai à Reims les figures de saint Remi, de sainte Clotilde et de Clovis. En adhérant à la foi catholique, ce dernier, à sa manière et selon les conceptions propres à son temps, a pu guider des peuples différents vers l'édification d'une seule et même nation.

Il est donc particulièrement heureux que, sans confusion et en fonction de ses sensibilités et de ses croyances, dans le compétences et des motivations particulières, la France veuille faire mémoire de l'un des moments marquants de ses origines par des initiatives civiles, des manifestations culturelles, et des célébrations religieuses. C'est tout à l'honneur de la France que de surmonter les différences légitimes d'opinion pour rappeler que le baptême de Clovis fait partie des événements qui l'ont façonnée. Il est bon que les citoyens d'un pays puissent faire référence à leur histoire, en célébrant les valeurs que leurs devanciers ont vécues et qui demeurent à la fois un fondement de leur vie présente et une orientation pour leur avenir.

5. L'engagement dans la société civile est pour les catholiques une attitude d'espérance, une mise en pratique de leur foi personnelle, un service de l'homme et une participation à la communion fraternelle entre les personnes, dont le fondement est l'amour. Ils prennent donc naturellement part à la vie publique et exercent leur légitime responsabilité de citoyens, en promouvant la liberté politique, en favorisant la paix et en aidant chacun à mener « une vie véritablement humaine », comme disait le philosophe français Jacques Maritain [2]. Fidèles à l'Évangile et à l'exemple du Christ, les chrétiens sont, aux côtés de leurs compatriotes, des partenaires à part entière dans la vie de la cité, cherchant à agir avec désintéressement et générosité. La charité, la justice et le sens de l'autre sont la source inspiratrice et l'énergie vivifiante de leur engagement.

Voilà pourquoi l'Église se sait investie d'une mission spirituelle lui faisant le devoir de rappeler, entre autres, les valeurs qui fondent la vie sociale, la vocation de l'homme et le caractère transcendant de la personne humaine, dont il importe, en toutes circonstances, de reconnaître la dignité. Elle invite également tous les citoyens à édifier ensemble une société accueillante, laissant à chacun la liberté de choisir les moyens les plus appropriés d'y participer, dans le respect du bien commun [3].

6. La France, une des plus anciennes nations de ce continent, a un rôle important à jouer dans la famille des nations, en particulier dans le cadre de la construction européenne. L'unité et la solidarité entre les Etats sont nécessaires pour que la paix l'emporte sur la guerre, pour que toute personne ait sa juste place et que les peuples soient reconnus comme des réalités culturelles et spirituelles vivantes.

Arrivant sur le sol de France à l'occasion d'une visite pastorale, je voudrais vous redire, Monsieur le Président, combien je vous suis reconnaissant de votre accueil. Je forme des voeux chaleureux pour voue personne et pour vos compatriotes. Sur tous, j'invoque les Bénédictions divines.

[1] Ioannis Pauli PP. II (Tertio Millennio Adveniente TMA 17).
[2] Jacques Maritain, L'homme et l'état, p. 57.
[3] Cfr. Ioannis Pauli PP. II (Centesimus Annus CA 43).




Discours 1996 - Salle Paul VI, Lundi 3 juin 1996