Discours 1996 - Préfecture de Tours, Jeudi 19 septembre 1996

AUX JEUNES ET À LA POPULATION

Saint-Laurent-sur-Sèvre, Jeudi 19 septembre 1996



Chers amis de Saint-Laurent-sur-Sèvre et du diocèse de Luçon,
Chers jeunes,

1. Sur le chemin de mon pèlerinage au tombeau de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, je vous remercie, d'être venus m'accueillir. Je suis heureux de vous saluer, vous qui êtes nés sur cette terre de Vendée, vous qui gardez la mémoire précieuse de pages à la fois tragiques et belles de votre histoire.

Vous êtes les héritiers d'hommes et de femmes qui ont eu le courage de rester fidèles à l'Église de Jésus-Christ, alors que sa liberté et son indépendance étaient menacées. Ils n'étaient pas restés à l'écart des mouvements de l'époque et ils désiraient sincèrement le renouveau nécessaire de la société, mais ils ne pouvaient accepter qu'on leur impose une rupture de communion avec l'Église universelle, et spécialement avec le Successeur de Pierre. Ainsi, le curé de Maillé, Joseph Herbert, inspiré par la parole du Christ, avait dit noblement: « Citoyen de l'État, j'ai toujours rendu à César ce qui appartient à César; mais je ne refuserai pas à Dieu ce qui appartient à Dieu ».

Dans de terribles affrontements, bien des actions ont pu être marquées par le péché, de part et d'autre. Mais c'est saintement unis au Christ que de nombreux martyrs ont offert leur vie ici, rejoignant le Fils de Dieu dans le sacrifice de la Croix. Jusqu'au bout, ils ont suivi leur véritable Maître, celui qui est venu révéler la vérité qui rend libre et la profondeur de l'amour de Dieu pour tous les hommes.

Dans les nombreux témoignages qui nous sont parvenus, il est impressionnant de voir que les Vendéens sont restés attachés à leurs paroisses et à leurs prêtres malgré la cruauté des persécutions. Ils avaient une véritable faim de l'Eucharistie; au péril de leur vie, ils voulaient participer à la Messe et recevoir le Pain de vie. Ils aspiraient à recevoir le sacrement du pardon, conscients que l'on a toujours besoin de la miséricorde divine.


Certains d'entre eux ont fait preuve d'un émouvant esprit chrétien, lorsque, religieux ou laïcs, ils soignaient les blessés quel que soit leur camp, ou bien lorsque, entraînés par des chefs comme d'Elbée qui les convainquit de prendre au sérieux la parole du pardon récitée dans le Notre Père, ils décidaient d'épargner leurs adversaires.

Chers amis, en toquant seulement quelques traits de votre histoire, je voudrais vous inviter à en retenir le meilleur. Restez attachés au Christ; comme lui, aimez toute l'humanité, à commencer par ses membres les plus défavorisés. Restez fidèles à l'Eglise, à l'Eucharistie et au sacrement du pardon. Laissez-vous pénétrer par l'amour qui vient de Dieu! Alors, loin de cultiver des nostalgies stériles, vous serez dignes de vos pères et vous continuerez à. vivre généreusement comme des pierres vivantes de l'Église, à laquelle ils sont restés attachés jusqu'à verser leur sang pour elle.

2. Et maintenant, je me tourne vers les jeunes rassemblés ici, élèves des écoles catholiques et de l'enseignement public. Mes amis, ce que je viens de dire vous concerne autant que vos aînés. Je sais que vous éprouvez parfois de réelles difficultés à affirmer votre foi et votre appartenance à l'Église.

Alors, je vous dis: courage! Ne vous laissez pas gagner par l'indifférence assez répandue autour de vous! Ne vous laissez pas impressionner par ceux qui rejettent les exigences de la foi chrétienne ou qui la tournent en dérision.

Maintenant, à vous de tracer votre route! Votre formation, c'est un véritable entraînement. Rappelez-vous saint Paul: il parlait des athlètes qui s'entraînent à la course au prix d'une discipline sévère pour une récompense éphémère, mais le chrétien sait où le mène son effort: à réussir sa vie comme disciple de Jésus [1]. Si vous vous mettez à l'école du Christ, vous développerez le meilleur de vous-mêmes, vous apprendrez à donner autant qu'à recevoir.

Vous n'êtes pas seuls, vous faites partie d'une grande communauté. Dans l'Église, le Pape, les Évêques unis à lui, les prêtres, les religieux, les religieuses et les éducateurs laïcs, en lien avec vos familles, sont là pour vous écouter, vous accompagner et vous orienter. Ils n'ont d'autre ambition que de vous transmettre la Bonne Nouvelle du Christ. N'hésitez pas à faire appel à eux pour grandir dans la foi!

Comme les disciples au bord du Jourdain, vous demandez au Seigneur: « Maître, où demeures-tu? ». Il répond: « Venez et vous verrez » [2]. Vous savez que ces paroles sont le thème des Journées mondiales des Jeunes, l'an prochain à Paris. Ce sera une occasion pour beaucoup d'entre vous de partager leur expérience chrétienne avec des jeunes d'autres pays du monde. Préparez-vous à les accueillir fraternellement.

Chers amis, faites confiance au Christ, attardez-vous avec lui dans la prière, soyez des membres actifs dans la communauté de ses disciples. Prenez votre place dans l'Église, sans attendre. Avec vos frères et soeurs de toutes les générations, travaillez pour qu'« amour et vérité se rencontrent, que justice et paix s'embrassent », comme le dit un Psaume [3].

Je prie pour que les martyrs d'autrefois vous guident sur votre chemin, pour qu'ils vous aident à rester libres devant toutes les influences et tous les pouvoirs, pour qu'ils vous communiquent leur joie de croire et leur courage de servir à la suite du Christ.

3. Pour vous, mes amis les jeunes, pour vous tous, chers fidèles de Vendée, j'invoque avec ferveur l'intercession de saint Louis-Marie, le missionnaire, et celle des bienheureux martyrs de votre terre. Et que Notre-Dame vous protège!

Je vous donne de grand coeur la Bénédiction Apostolique.

Je veux vous remercier d'avoir modéré la pluie. La terre a besoin de la pluie, mais quelques fois on voudrait bien que la pluie soit un peu modérée. C'est arrivé justement ici, grâce a vous!

[1] Cfr. (1Co 9,24-27).
[2] (Jn 38-39).
[3] (Ps 85,11) (84), 11.



AUX JEUNES COUPLES ET À LEURS ENFANTS

Sainte-Anne-d'Auray, Vendredi 20 septembre 1996


Chers parents, Chers enfants,

« Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde » [1].

1. Le Christ adresse ces paroles aux disciples qui le suivaient et qui l'avaient entendu proclamer les Béatitudes [2]. Aujourd'hui, il vous adresse ce même message, à vous, jeunes familles ici rassemblées. Je suis heureux de vous rencontrer au cours de ma visite. Votre présence nombreuse montre la vitalité des familles françaises.

Certes, la famille, en France comme ailleurs, traverse de multiples difficultés qui parfois la fragilisent. Votre région est particulièrement éprouvée par la situation économique qui provoque le chômage et qui contraint des jeunes à la quitter. Vous rencontrez des problèmes complexes concernant la santé, le logement, le travail des femmes. Je comprends vos inquiétudes pour l'avenir de vos enfants. Comme de nombreux parents, vous êtes confrontés à la question de l'éducation humaine et morale des jeunes, alors qu'autour de vous s'affaiblit le sens spirituel et que sont remises en cause bien des valeurs essentielles comme l'indissolubilité du mariage ou le respect de la vie.

2. Chères familles, je vous redis les paroles du Christ: vous êtes le sel de la terre » et « la lumière du monde ». Le Verbe incarné est le Maître de la parole dont il donne lui-même l'interprétation. Que nous soyons enfant ou adulte, nous pouvons comprendre les deux comparaisons données par Jésus: « Vous êtes le sel de la terre »; nous savons tous que des aliments sans sel n'ont pas de saveur. Un plat correctement assaisonné a du goût et il est agréable à consommer. S'il lui manque du sel, il est fade. Si le sel se dénature et ne peut plus servir à relever les plats, « il n'est plus bon à rien: on le jette dehors et les gens le piétinent » [3].

« Vous êtes la lumière du monde ». Qu'est-ce donc que la lumière? Nous le découvrons aussi par l'expérience: la lumière brille et éclaire. C'est grâce à elle que nos villes et nos rues ne demeurent pas dans l'obscurité. La lumière est vue de loin. Elle chasse les ténèbres et permet de voir le visage de l'autre. Le soir, en famille, dans la lumière du foyer, il est agréable de se rassembler. Avec ces images du sel et de la lumière, le Christ s'adresse aujourd'hui à vous, familles ici rassemblées. Soyez le sel de la terre! Soyez la lumière du monde! Qu'est ce que cela veut dire? Le Seigneur nous l'explique: «Que votre lumière brille devant les hommes; en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » [4].

3. Laissez-moi vous redire ces paroles du Seigneur: vous êtes «le sel de la terre» et « la lumière du monde». L'Église vous fait confiance et compte sur vous, parents, tout spécialement dans la perspective du troisième millénaire, pour que les jeunes puissent connaître le Christ et le suivre généreusement. Par votre façon de vivre, vous témoignez de la beauté de la vocation au mariage. L'exemple quotidien de couples unis nourrit chez les jeunes le désir de les imiter. Les jeunes, en recevant dans leur famille le témoignage de l'amour de Dieu, seront conduits à en découvrir les profondeurs.

La préparation du grand Jubilé passe par chaque personne et par chaque famille, pour que le monde accueille la lumière du Christ, qui, seul, donne le sens ultime de l'existence [5]. Comme le manifestent de nombreux témoignages présentés aujourd'hui, vous êtes porteurs d'un riche dynamisme spirituel. Vos enfants ont dans leur coeur le désir de faire de leur vie quelque chose de grand. C'est souvent dans des familles à la foi épanouie que naissent aussi les vocations au sacerdoce ou à la vie religieuse.

4. Vous êtes « le sel de la terre » et « la lumière du monde ». Par ces paroles, le Seigneur vous invite à être des témoins et des missionnaires auprès de vos frères. Que votre vie, qui tient son sens du Christ, ait de la saveur pour ceux qui vous entourent! Que votre vie rayonne, car au fond de votre coeur le Seigneur est présent; il vous aime et il vous appelle à sa joie! C'est bien le fait de se savoir aimé qui permet d'avancer sur la route avec confiance. La vie des baptisés consiste tout d'abord à être relié au Christ, source de la vie, à recevoir de Lui la vie en abondance et à en devenir les témoins. « Le sacerdoce baptismal des fidèles, vécu dans le mariage-sacrement, constitue pour les époux et pour la famille le fondement d'une vocation et d'une mission sacerdotales » [6].

Plusieurs des témoignages que nous avons entendus soulignent la place essentielle de l'Eucharistie. Vous avez raison, car elle est une source à laquelle puisent les époux chrétiens. Dans le sacrifice de la nouvelle Alliance que le Christ scelle avec l'humanité, ils découvrent un modèle pour leur amour, qui est un don gratuit et une action de grâce. La relation conjugale ne peut pas reposer sur les seuls sentiments amoureux; elle se fonde avant tout sur l'engagement définitif clairement voulu, sur l'alliance et sur le don, qui passent par la fidélité. Par leur vie conjugale, les époux témoignent de l'amour vrai, qui intègre toutes les dimensions de la personne, spirituelle, intellectuelle, volontaire, affective et corporelle.

5. La relation amoureuse participe à la croissance du conjoint. Elle est un service de l'autre, prenant exemple sur le Christ serviteur qui a lavé les pieds de ses Apôtres, au soir du Jeudi saint. La vie conjugale n'est jamais exempte d'épreuves, qui font passer par des moments douloureux où l'amour et la confiance en l'autre comme en soi-même semblent vaciller. Les époux puiseront leur force en s'unissant aux sentiments du Christ au cours de la nuit du Vendredi saint. Beaucoup en ont fait l'expérience: la traversée de l'épreuve peut contribuer à purifier l'amour. Mais il y a aussi d'intenses moments de joie, qui proviennent de la communion dans l'amour. Ces instants rappellent que, au-delà de toute souffrance, il y a la lumière éclatante et la victoire définitive du matin de Pâques. Ainsi, le sacrement du mariage a une structure pascale.

La vie conjugale et familiale est un chemin spirituel. En effet, en couple et en famille, toute rencontre nécessite d'accueillir l'autre avec délicatesse. Vous savez la place du dialogue au sein du couple et de la famille. Dans notre monde où le souci de la rentabilité dans toutes les activités laisse peu d'espace aux rencontres gratuites, il est important que les couples et les familles puissent se ménager des temps d'échanges, qui permettent d'affermir leur amour.

6. La vie conjugale passe aussi par l'expérience du pardon, car, que serait un amour qui n'irait pas jusqu'au pardon? Cette forme la plus haute de l'union engage tout l'être qui, par volonté et par amour, accepte de ne pas s'arrêter à l'offense et de croire qu'un avenir est toujours possible. Le pardon est une forme éminente du don, qui affirme la dignité de l'autre en le reconnaissant pour ce qu'il est, au-delà de ce qu'il fait. Toute personne qui pardonne permet aussi à celui qui est pardonné de découvrir la grandeur infinie du pardon de Dieu. Le pardon fait retrouver la confiance en soi et la communion entre les personnes, car il n'y a pas de vie conjugale et familiale de qualité sans conversion permanente, ni sans dépouillement de ses égoïsmes. C'est en contemplant le Christ en Croix qui pardonne que le chrétien trouve la force du pardon. En 1986, au cours de la Messe des familles à Paray-le-Monial, j'avais montré que l'amour du coeur de Jésus doit être la source de tout amour humain.

7. Dans la vie conjugale, les relations charnelles sont le signe et l'expression de la communion entre les personnes. Les manifestations de tendresse et le langage du corps expriment le pacte conjugal et représentent le mystère de l'alliance et celui de l'union du Christ et de l'Église. Les moments de profonde communion donnent à chaque membre du foyer une force réelle pour sa mission auprès de ses frères, ainsi que pour son travail quotidien.

Vous êtes invités à manifester au monde la beauté de la paternité et de la maternité, et à favoriser la culture de la vie qui consiste à accueillir les enfants qui vous sont donnés et à les faire grandir. Tout être humain déjà conçu a droit à l'existence, car la vie donnée n'appartient plus à ceux qui l'ont fait naître. Votre présence ici avec vos enfants est un signe du bonheur qu'il y a à. donner la vie de façon généreuse et à vivre dans l'amour.

8. Vous, les jeunes, vous êtes aussi le sel de la terre et la lumière du monde. Pour chacun d'entre vous, la maison est un lieu prive ou vous aimez et où vous êtes aimés. Vos parents vous ont appelés à la vie et désirent vous guider dans votre croissance. Sachez les remercier et rendre grâce au Seigneur! Même dans les moments difficiles, prenez conscience que vos parents veulent vous aider a être heureux, mais que l'accès au bonheur a aussi des exigences! Comme vos parents, vous êtes responsables de la vie en famille et de l'existence d'un climat de plus en plus pacifié, qui laisse à chacun assez d'espace pour donner le meilleur de lui-même et pour épanouir sa personnalité.

Comme nous l'avons entendu précédemment au moment où la vie spirituelle s'éveille chez les enfants et où ils s'interrogent sur Dieu, grâce à eux, des parents retrouvent le chemin de l'Église et de la foi qu'ils avaient laissé s'estomper en eux. Le Seigneur réalise ainsi des merveilles par les tout-petits et confie à chacun, dans sa famille, un rôle d'évangélisation. Certains témoignages précisent que des familles ont un coin de prière que les enfants ont de la joie à décorer et où ils se rendent volontiers pour rencontrer Jésus dans le silence. Je me réjouis de cette place accordée au Christ et à la Vierge Marie dans vos foyers.

9. La société doit reconnaître la haute valeur du rôle des parents, qui prépare l'avenir d'une nation. En effet, vous êtes les premiers responsables de l'éducation humaine et chrétienne de vos enfants. La communauté familiale fondée sur l'amour et la fidélité offre aux enfants la sécurité et la stabilité qui leur permettent d'accéder à la vie adulte. C'est dans un climat d'amour et de tendresse, de don et de pardon, que les personnalités peuvent se forger et se développer harmonieusement.

Dans l'Ouest de la France, l'école catholique a une riche tradition; des communautés religieuses n'ont pas ménagé leurs efforts pour la rendre dynamique. Elle a un projet pédagogique spécifique à développer, pour proposer aux jeunes les valeurs chrétiennes, mais d'abord une découverte de la personne du Christ; car les valeurs non reliées à la source vivante qu'est le Seigneur risquent de se dénaturer. Cela n'empêche pas que des jeunes non catholiques soient largement accueillis et soutenus avec sollicitude dans leurs études par ces établissements scolaires dans le respect des perspectives chrétiennes qui les caractérisent.

Je voudrais saluer également le travail accompli par les aumôneries de l'enseignement public, qui offrent aux jeunes l'éducation religieuse nécessaire au développement de leur vie de foi. Elles sont confrontées aux nombreuses activités parascolaires dans lesquelles les enfants sont engagés et qui laissent peu de place à la catéchèse. Des mouvements remplissent aussi une mission inestimable, tels l'Action catholique de l'Enfance, le Mouvement eucharistique des jeunes ou le Scoutisme.

10. De nombreux couples participent activement à la vie de l'Église, dans les services diocésains, dans les mouvements et dans les paroisses, je rends grâce pour tout le travail accompli et toutes les familles à poursuivre leur action, En particulier, votre expérience vous autorise à proposer à vos contemporains un cheminement sur les questions conjugales et familiales. Dans cet esprit, les centres de préparation au mariage offrent des lieux de réflexion et de formation, pour des jeunes qui se préparent à s'engager définitivement par le sacrement de mariage. Ils proposent avec clarté le message chrétien sur l'amour vrai et sur l'exercice de la sexualité dans la chasteté, qui donne toute sa dignité à la vie conjugale. Les mouvements familiaux stimulent la réflexion et la vie spirituelle des couples. Je salue aussi le travail réalisé par les groupes qui organisent des sessions et des retraites pour les couples, pour les familles et pour les jeunes.

11. Ma pensée rejoint les couples et les familles qui portent de lourdes charges, en particulier les parents qui ont à accueillir un enfant handicapé et les familles qui accompagnent avec dévouement des malades ou des personnes âgées de leur entourage. Je rends grâce au Seigneur pour leur disponibilité et pour la grandeur de leur amour. Ils savent reconnaître en l'être blessé un fils particulièrement aimé de Dieu. Je mesure aussi la souffrance de ceux qui vivent douloureusement l'absence d'enfants. Puissent-ils trouver des personnes attentives au sein de la communauté chrétienne et découvrir la joie de se donner au service de leurs frères! Je ne veux pas oublier non plus ceux qui vivent dans la solitude, parce qu'ils n'ont pas pu réaliser leur projet conjugal. Ils doivent trouver auprès des famines réconfort et amitié.

L'Église a aussi le souci de ceux qui sont séparés, divorcés et divorcés remariés; ils restent membres de la communauté chrétienne. En effet, « ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie » [7], tout en accueillant dans la foi la vérité dont l'Église est porteuse dans sa discipline du mariage.

Parler de la famille, c'est aussi évoquer les grands-parents. Par la sagesse qui leur vient de leur longue vie en couple, ils sont pour leurs enfants un soutien et pour leurs petits-enfants des points de référence et de stabilité et souvent les premières personnes qui leur parlent du Christ. Le dialogue et la proximité entre les générations demeurent des aspects non négligeables de la vie familiale.

12. La famille est un lieu d'épanouissement incomparable. Puissiez-vous, grâce au Christ et à l'amour qui vous unit, vivre dans la joie! Dans ce lieu de pèlerinage, le peuple chrétien honore sainte Anne, mère de la Vierge Marie, et il vient filialement se mettre sous sa protection. Je confie vos familles à son intercession et je vous accorde de grand coeur ma Bénédiction Apostolique, ainsi qu'à toutes les personnes qui vous sont chères.

Grand grand merci pour cette grande rencontre. Je veux vous remercier pour votre présence, pour ce que vous êtes comme familles, comme mouvements, comme Église domestique, l'Église-Famille: pour tout ce que vous portez dans la vie de votre nation, de votre patrie, de l'Église en France, de l'Église dans tout le monde. Grand, grand merci. Autour de Sainte-Anne-d'Auray, nous avons vécu une journée d'espérance. Ce matin je ne pouvais pas imaginer, en quittant Tours, que je trouverais ici le soleil, alors nous avons tous beaucoup de raisons pour remercier le Seigneur, remercier pour son amour et les responsabilités que vous incarnez, remercier aussi pour le soleil à Sainte-Anne-d'Auray. En vous remerciant, nous allons vous bénir, vous tous ici présents, vos familles, vos chapelets, vos maisons, votre patrie, tout se qui se crée et se développe à travers votre vie.


[1] (Mt 5,13-14).
[2] Cfr. ibid. (Mt 5,3-12).
[3] Ibid. (Mt 5,13).
[4] Ibid. (Mt 5,16).
[5] Ioannis Pauli PP. II (Tertio Millennio Adveniente TMA 28).
[6] Eiusdem (Familiaris Consortio FC 84).
[7] Ibid. FC 84



AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE

Maison diocésaine Saint-Sixte, Reims, Dimanche 22 septembre 1996



Chers Frères dans l'Épiscopat,


1. En cette dernière journée de ma visite pastorale en France, je suis heureux de vous rencontrer et je suis sensible à votre présence et à votre accueil. Je remercie Monseigneur Joseph Duval des paroles qu'il vient de m'adresser en votre nom, marquant notre profonde communion et évoquant nombre de vos préoccupations. Ma gratitude va à Monseigneur Gérard Defois qui nous reçoit dans cette antique ville épiscopale de Reims et, présentement, dans la maison diocésaine Saint-Sixte. Je voudrais encore redire ma reconnaissance à Monseigneur Honoré, à Monseigneur Gourvès et à Monseigneur Garnier qui, avec leurs diocésains, ont merveilleusement organisé les diverses étapes de ce voyage. J'adresse aussi un salut amical aux évêques en retraite, en les assurant que l'Église compte toujours sur leur prière et sur l'expérience acquise pendant leurs années de ministère. Je salue spécialement ceux d'entre vous qui ont été nommés récemment et ceux qui ont accepté de quitter leur siège pour prendre la charge d'un nouveau diocèse.

En divers lieux, j'ai été amené à honorer de grands saints de votre pays.Comment, ici encore, ne pas me rappeler que je me trouve parmi les successeurs de Martin et de Remi, d'Irénée et de Denis, d'Hilaire et de Césaire, de Corentin et de Patern, de François de Sales et d'Eugène de Mazenod! Et je ne puis nommer tous les saints évêques qui ont fondé ou illustré vos diocèses. Le souvenir de ces hautes figures de vos Églises ne nous renvoie pas à un passé révolu; il nous dit quelque chose du riche et vivant patrimoine spirituel dont vous êtes héritiers et continuateurs.Des voies ont été ouvertes au cours des âges, vous avancez vous-mêmes maintenant sur ces voies, de manière fidèle et nouvelle à la fois.

2. Votre ministère peut parfois paraître lourd; les soucis s'accumulent. Successeur de Pierre, je viens vous dire ma confiance et vous encourager. L'Esprit du Seigneur vous donne la force et la lumière. L'Eucharistie, dont l'Évêque est éminemment le célébrant au coeur de l'Église particulière, manifeste la communion de tous; la présence du Sauveur, par sa Parole et par son sacrifice, vous fortifie sur les chemins de vie. La grâce de votre ordination épiscopale ne vous manquera pas pour remplir votre mission d'unité dans la charité et de discernement dans la vérité. Sous votre conduite, prêtres, diacres, religieux, religieuses et fidèles laïcs, tous concourent à faire vivre l'édifice de pierres vivantes qu'est est en vérité l'Église.

Alors que vous êtes réunis j'évoque volontiers les travaux que vous menez en commun dans le cadre de la Conférence des Évêques de France. Instance de concertation et d'entraide, d'étude et d'impulsion, elle vous apporte une aide précieuse dans l'exercice de vos responsabilités propres, dans un esprit collégial grâce à l'échange de vos expériences et à l'écoute mutuelle de tous. En communion avec l'Évêque de Rome et avec l'ensemble des Évêques du monde, votre Conférence vous permet de traduire concrètement la sollicitude pour l'Église universelle que demande le Concile Vatican II [1]. A l'échelle du pays, à travers les Pasteurs rassemblés, elle contribue aussi utilement à donner une image et une voix à l'Église.

3. Monseigneur Duval a évoqué en particulier vos réflexions sur la «Proposition de la foi» dans la société actuelle, compte tenu de son évolution. Ce travail approfondi, qui fait intervenir de nombreuses personnes, montre la vitalité réelle des catholiques en France. Je suis persuadé qu'à partir des orientations d'ensemble que vous dégagez, l'annonce de l'Évangile sera stimulée chez des fidèles de plus en plus conscients de leur responsabilité et de leur mission de baptisés. Cela concerne aussi bien la catéchèse des enfants, avec un grand nombre de catéchistes, que le catéchuménat des adultes, qui connaît chez vous un réel essor. Les familles, dont j'ai rencontré à Sainte-Anne-d'Auray une magnifique assemblée, ont aussi une mission de premier plan que la pastorale doit soutenir. Il vous revient de coordonner l'action des nombreux mouvements, de fondation ancienne ou plus récente, qui ont une influence déterminante sur l'itinéraire spirituel et sur les différents engagements de vos diocésains. Dans un temps de réorganisation pastorale nécessaire, notamment des paroisses, l'activité des conseils pastoraux et des équipes d'animation dans les plus petites communautés permet de renforcer le dynamisme des fidèles. Je pense qu'à tous ces niveaux, que je ne fais qu'évoquer sommairement, la « proposition de la foi » et l'éveil des vocations doivent être des soucis premiers.

Je sais que vous développez les moyens de formation destinés en particulier aux personnes qui exercent des responsabilités à tous les échelons des diocèses. Il est en effet nécessaire de les aider à « rendre compte de l'espérance » [2], et donc de faire porter la formation sur le contenu de la foi, sur les traits principaux de l'expérience chrétienne, sur la doctrine sociale de l'Église, sans oublier d'éclairer les situations présentes par une bonne connaissance de l'Écriture et de la Tradition, bref par une solide formation théologique et spirituelle.

4. Depuis des années, vous avez eu le souci de développer et de coordonner les initiatives pour que l'Église soit tout entière solidaire des plus démunis.Cela engage tout baptisé, qui ne peut être fidèle à l'Évangile que s'il a le souci des membres du Corps du Christ les plus fragiles, ces « blessés de la vie » que vous m'avez permis de rencontrer à Tours, ainsi que de tous les frères en humanité marqués par de multiples formes de misère ou de détresse. Pauvres de corps et de coeur, désorientés devant le sens de leur vie, exclus du travail et privés de conditions de vie décentes, compatriotes ou étrangers, ce sont ceux que le Seigneur appelait les petits et les humbles et auxquels il montrait sa prédilection. Les disciples du Christ ne peuvent que le suivre sur les voies de la solidarité, condition de la paix et expression de l'amour du prochain.

5. Il est un autre niveau de la communion ecclésiale que j'aimerais encore souligner, celui de la solidarité dans la mission au-delà des frontières. Je l'ai dit au cours de ce voyage, la générosité de vos Églises a été très grande depuis longtemps; malgré les difficultés, elle doit continuer; je salue ce que vos diocèses donnent de leur pauvreté, en acceptant des départs au loin de prélats ou de laïcs, en développant des relations fraternelles avec de jeunes Églises ou avec les Églises qui recommencent à se développer après les épreuves des dernières décennies.

6. Je ne saurais aborder tous les aspects de votre ministère; nous en reparlerons plus à loisir lors de vos visites ad limina au début de l'année prochaine. Mais, d'un mot, je voudrais encore encourager la pastorale des femmes, sur laquelle votre Conférence a également travaillé. Ne relâchez pas les efforts, malgré le vieillissement de beaucoup de cadres, pour rejoindre les jeunes. Ils attendent qu'on les écoute, qu'on les accompagne et surtout qu'on reconnaisse leur place et leurs initiatives dans la vie ecclésiale. Ils sont nombreux à s'être engagés dans la préparation des Journées mondiales de Paris. Dites-leur que le Pape compte sur eux pour accueillir leurs camarades du monde entier et partager avec eux le meilleur de leur expérience.

7. Dans l'opinion publique, relayée par les médias, vous vous heurtez à des réticences parfois bruyantes à admettre une parole d'Église, qu'elle porte sur des aspects importants de la vie personnelle ou sur l'activité sociale et économique. Que votre effort pour investir dans la communication vous permette de lever des malentendus. En même temps que nous proclamons le salut en Jésus-Christ [3], nous avons le désir de promouvoir la dignité de l'homme, sa fidélité à sa nature profonde, a sa vocation. Dans une société qui a beaucoup apporté pour faire reconnaître la liberté humaine et les droits de la personne, il va de soi qu'exprimer des convictions, ce n'est pas vouloir les imposer, c'est faire usage d'un droit inaliénable [4]. La conception chrétienne du respect de la vie et de la dignité de la personne est éclairée par une expérience et une réflexion approfondies de génération en génération à la lumière de la foi. Un dialogue serein et respectueux de toutes les familles d'esprit devrait rendre plus positifs les débats actuels. Nous n'avons d'autre intention que de servir l'homme dans un esprit de fraternité universelle, comme l'a si fortement dit le Concile Vatican II [5].

8. À. l'approche du troisième millénaire, vous aurez à prendre part à des rendez-vous importants, comme l'Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques que j'ai annoncée récemment. Il convient aussi que vos Églises particulières restent attentives aux recherches menées par les Églises présentes dans tous les continents pour développer leur fidélité à la mission donnée par le Christ.

La préparation du grand Jubilé entre désormais dans une phase plus active. Comme je l'ai souhaité dans la Lettre apostolique « Tertio Millennio Adveniente », nous avons à porter sur les périodes écoulées un regard lucide, ainsi que nous le faisons aujourd'hui en commémorant le baptême de Clovis, à partir duquel la nation peu à peu constituée a établi des liens profonds avec l'Église du Christ. Mais le jubilé invite à ouvrir des perspectives: il s'agit sans doute de mettre en valeur ce qu'il y a de plus noble dans les traditions de votre nation, dont le rayonnement a été si grand, mais c'est pour partir de cette expérience afin de mieux répondre aux défis de notre temps.

Le Jubilé constitue aussi un appel pressant à développer l'évangélisation, en s'ouvrant à l'action de l'Esprit Saint qui éclaire la marche de l'Église, car «l'Esprit est aussi pour notre époque l'agent principal de la nouvelle évangélisation » [6].

Que la prière et la réflexion de tous, dans vos communautés diocésaines, invitent à accueillir ce Jubilé comme un événement dans l'histoire de la Rédemption, dans l'histoire spirituelle des Églises comme dans celle de chaque personne. Ce Jubilé célèbre la venue du Seigneur dans l'humanité pour la réconcilier. Le Christ est notre espérance.

Chers Frères dans l'Épiscopat, je vous renouvelle mes remerciements pour votre accueil. Je confie à l'intercession maternelle de Notre-Dame, à la prière de tous les saints et saintes de France, vos personnes et l'accomplissement de votre ministère. Transmettez mes encouragements chaleureux aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux religieuses, aux laïcs de vos diocèses. De grand coeur, j'appelle sur tous la Bénédiction du Seigneur.


[1] Cfr. (Lumen Gentium LG 23).
[2] Cfr. (1P 3,15).
[3] Cfr. (Ac 4,12).
[4] Cfr. Dignitatis Humanae.
[5] Cfr. (Gaudium et Spes GS 3) et passim.
[6] Ioannis Pauli PP. II (Tertio Millennio Adveniente TMA 45).




Discours 1996 - Préfecture de Tours, Jeudi 19 septembre 1996