Discours 1999 113

LORS DE LA RENCONTRE AVEC LES MALADES À L'HÔPITAL RÉGIONAL

Dimanche 30 mai 1999

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Très chers frères et soeurs!



1. Je suis très heureux de pouvoir vous adresser un salut affectueux. Tout d'abord à vous, chers malades! Chaque jour, dans ma prière, j'ai un souvenir spécial pour les malades, et je sais que beaucoup d'entre vous font de même pour le Pape et pour l'Eglise. La souffrance, vécue avec foi et amour, devient un motif de profonde union spirituelle, et cela est une richesse pour tous.

Je salue ensuite cordialement les médecins et le personnel paramédical, ainsi que ceux qui, religieux et laïcs, prêtent leur service avec un grand dévouement dans cette structure de santé.

Je suis venu à Ancône à l'occasion du millénaire de la cathédrale de saint Cyriaque. Le temple de pierre m'a offert l'occasion de rendre visite à l'Eglise faite d'hommes et de femmes, la communauté de pierres vivantes. Et vous vous trouvez parmi ces pierres vivantes, vous qui affrontez l'épreuve de la maladie avec foi et amour et qui contribuez à édifier le temple spirituel, l'Eglise du Christ.



2. Chers malades, je me sens spirituellement proche de chacun de vous, qui occupez une place spéciale dans le coeur et dans la mission de l'Eglise. Vous vivez un moment d'épreuve, qui peut parfois devenir difficile à supporter pour les faibles forces humaines. C'est précisément à ce moment-là que le Christ appelle à s'unir à Lui, pour participer à ses souffrances et connaître la puissance de sa résurrection. C'est ce que dit l'Apôtre Paul (cf. Ph
Ph 3,10), ajoutant «Je puis tout en Celui qui me rend fort» (Ph 4,13).

Oui, très chers amis, Jésus est notre force! Il l'est surtout lorsque la croix devient trop lourde et, comme cela Lui est arrivé, que nous éprouvons de l'angoisse et de la peur (cf. Mc 14,33). Rappelons-nous alors de ses paroles adressées aux disciples: «Veillez et priez» (Mc 14,38). En veillant et en priant avec lui nous entrons dans le mystère de sa Pâque: il nous fait boire à son Calice, qui est un Calice de passion mais surtout un Calice d'amour. L'Amour de Dieu est capable de transformer le mal en bien, l'obscurité en lumière, la mort en vie.



3. Très chers amis, si nous nous laissons illuminer par la foi, l'hôpital, qui est un lieu de souffrance, peut de- venir un temple de miséricorde pour tous: pour ceux qui y sont hospitalisés, pour ceux qui y travaillent, pour ceux qui viennent rendre visite aux malades et pour toute la communauté chrétienne. Un hôpital peut devenir un centre de miséricorde d'où émane une énergie vitale, fruit de l'engagement commun à servir la vie, à combattre le mal par le bien.

En ce moment, comment ne pas penser aux personnes en proie à la guerre, qui auraient besoin de soins? Les hôpitaux eux-mêmes ne sont pas épargnés par les conséquences du conflit! Voilà le mal le plus grave: la haine et la violence de l'homme envers son propre frère, la haine fratricide; c'est la première maladie de l'esprit que nous devons combattre! Et l'unique thérapie contre ce mal est la conversion, le pardon, la réconciliation. De cet hôpital, où vous êtes obligés de vivre, immobilisés dans un lit, parfois pour longtemps, vous pouvez être proches de tous vos frères et soeurs qui souffrent dans diverses régions du monde, où le droit à la vie et à la santé est quotidiennement violé. Votre condition de malade peut devenir un pont de solidarité humaine et chrétienne: la Croix du Christ est source de paix.



4. Qui peut nous aider dans cet engagement, certes difficile? Qui, sinon Celle qui se trouve au pied de la Croix, la Mère de Jésus et notre Mère? A Elle, que nous invoquons comme «Santé des malades», je confie chacun de vous, afin que vous puissiez guérir bientôt, et entre temps affronter cette épreuve avec la sérénité qui constitue le grand témoignage des malades.

Quant à moi, je porterai votre souvenir dans mon coeur; et je vous assure de mes prières, alors que je vous remercie à nouveau pour le soutien spirituel que vous m'offrez tous. Je donne à présent de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique, que j'étends à vos proches et à ceux qui oeuvrent quotidiennement dans cette grande structure de santé.





PAROLES DU PAPE JEAN PAUL II AUX PÈLERINS RÉUNIS DANS LES JARDINS DU VATICAN POUR LA CONCLUSION DU MOIS DE MAI

Lundi 31 mai 1999

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Très chers frères et soeurs!



Avec cette célébration suggestive dans les jardins du Vatican, nous concluons le mois de mai, qui a été consacré cette année de façon particulière à la prière pour la paix. La fête de la Visitation d'aujourd'hui, nous offre, à ce propos, un thème de méditation tout à fait significatif: elle nous présente la Vierge Marie qui, portant en elle le Verbe fait chair, va aider sa cousine âgée, qui est sur le point d'accoucher. Nous reconnaissons en Marie le modèle de l'Eglise qui, à travers les oeuvres de miséricorde et de charité, apporte dans le monde la paix du Christ Sauveur.

Combien de fils et filles de l'Eglise, au cours de ces deux mille ans, ont témoigné de l'amour du Père céleste sur les multiples frontières de la solidarité! Il s'agit presque d'une grande «visitation», qui s'étend au monde tout entier, irradiant le mystère de Dieu qui est proche de l'homme et prend soin de ses blessures physiques et morales.

Ce faisant, l'Eglise se fait chaque jour artisan de paix, avec l'humble courage de la Très Sainte Vierge Marie, servante du Dieu de la paix.

Très chers frères et soeurs, tournons-nous vers elle, en priant devant cette grotte, qui évoque Lourdes et les autres lieux dans lesquels s'est réalisée une «visitation» particulière de la Madone dans l'histoire. Dans la visitation de Marie se manifeste la sollicitude paternelle de Dieu, qui n'abandonne pas son peuple; au contraire, il prend soin des plus petits et des exclus. Dans sa grande miséricorde, Dieu a visité et racheté son peuple! Tel est le motif de tout Jubilé, et en particulier du prochain bimillénaire de l'Incarnation. Confions ce soir chacun de nos projets et chacune de nos invocations à Marie, Vierge de la Visitation et Reine de la Paix. Amen.



Juin 1999


AUX ÉVÊQUES DU CAMEROUN EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Mardi 1er juin 1999

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Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l'épiscopat,



1. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir, Evêques de l'Eglise catholique au Cameroun, alors que vous accomplissez votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres, qui renforce toujours plus le lien qui vous unit à l'Eglise universelle. Vous recevez ainsi la joie et le courage de vivre de façon renouvelée votre ministère épiscopal. La visite ad limina est aussi le moment où vous venez rencontrer le successeur de Pierre et ses collaborateurs, pour trouver auprès d'eux le soutien nécessaire à votre mission pastorale.

Je remercie cordialement le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr André Wouking, Evêque de Bafoussam, des aimables paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Elles expriment à grands traits les préoccupations et les espérances de l'Eglise aujourd'hui au Cameroun.

Par votre intermédiaire, je me tourne vers les prêtres, les religieux, les religieuses, les catéchistes et tous les fidèles de vos diocèses. Portez-leur le souvenir affectueux du Pape et l'assurance de sa prière pour qu'ils grandissent dans la foi au Christ et dans la charité envers le prochain. A tous les Camerounais, dont j'ai apprécié l'esprit d'accueil et la générosité au cours de mes deux voyages dans leur pays, transmettez aussi mes salutations chaleureuses.



Le rôle des évêques

2. Au cours des dernières années, l'Eglise catholique a fait preuve chez vous d'une belle vitalité apostolique, qui s'est traduite notamment par la création de plusieurs nouveaux diocèses et d'une nouvelle province ecclésiastique. Je salue particulièrement les Evêques qui viennent pour la première fois en visite ad limina. Au milieu du peuple qui vous a été confié, soyez tous d'authentiques serviteurs du Christ et de son Eglise! Gardant présent le souvenir de mon voyage à Yaoundé à l'occasion de la clôture du Synode africain, je souhaite vivement que l'Exhortation apostolique Ecclesia in Africa soit pour chacun de vous la charte de son engagement pastoral et missionnaire.

Aujourd'hui, les communautés chrétiennes ont besoin de Pasteurs qui soient des hommes de foi, humbles et courageux, capables de discerner, dans une attitude d'accueil et de dialogue avec tous, les signes de la venue du Royaume de Dieu et de travailler à son extension. Dans des situations humaines souvent difficiles, marquées notamment par la crise économique et la pauvreté de nombreuses catégories de la population, ils doivent être des semeurs d'espérance. Par leurs paroles claires et vraies, sans entrave d'aucune sorte, ils sauront être pour les catholiques, mais aussi pour les hommes de bonne volonté, des guides sûrs dans la recherche de la vérité.

Comme l'affirme le Concile Vatican II, la charge d'enseigner est essen- tielle dans la mission épiscopale. Les Evêques, en communion avec le Pontife romain, sont «les docteurs authentiques, c'est-à-dire pourvus de l'autorité du Christ, qui prêchent, au peuple à eux confié, la foi qui doit régler leur pensée et leur conduite, faisant rayonner cette foi sous la lumière de l'Esprit-Saint, dégageant du trésor de la Révélation le neuf et l'ancien, faisant fructifier la foi, attentifs à écarter toutes les erreurs qui menacent leur troupeau» (Constitution dogmatique Lumen gentium
LG 25). En étant de véritables éducateurs des fidèles du Christ, vous leur permettez d'approfondir leur foi, notamment en les aidant à ne pas la séparer de leur vie et en leur inculquant un sens profond de la prière chrétienne. Enseignez-leur à se mettre fidèlement à l'écoute de l'Evangile pour lui donner la première place dans leur existence! Alors ils apprendront à mieux percevoir et à écarter les pratiques encore en contradiction avec la foi chrétienne qui les empêchent de vivre pleinement de la grâce de leur Baptême.



Mission et formation des prêtres

3. Dans la mission de faire naître et de former le Peuple de Dieu, vos prêtres ont une place particulière. Je les salue chaleureusement et je les encourage à être toujours et dans toutes les situations des ministres crédibles et généreux du Christ et de son Eglise, ayant le souci de développer sans cesse la communion avec vous. Dans la société actuelle, nombreux sont les obstacles à la fidélité aux engagements pris au jour de l'ordination; nombreux aussi sont les obstacles qui empêchent de considérer le sacerdoce comme un service de Dieu, de l'Eglise et du monde. Que vos prêtres ne se découragent pas! Qu'ils trouvent en vous des frères attentifs à leurs difficultés, prêts à les accueillir, à leur faire confiance, à les aider au discernement évangélique et à les soutenir vigoureusement dans leurs efforts vers une plus grande sainteté de vie, qui est la forme la plus éminente du témoignage auprès des fidèles!

A chacun de vos prêtres, je redis avec force l'urgence de progresser dans une vie spirituelle solide et profondément marquée par un dynamisme missionnaire qui les fasse grandir dans la configuration au Christ et participer à sa charité pastorale. Qu'ils se souviennent que «le contenu essentiel de la charité pastorale est le don de soi, le don total de soi-même à l'Eglise, à l'image du don du Christ et en partage avec lui» (Exhortation apostolique Pastores dabo vobis PDV 23).

Ce don total de soi, les prêtres doivent l'exprimer tout particulièrement dans le célibat, qui est une grâce du Seigneur que tous doivent s'attacher à vivre. En effet, la pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume «est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde» (Décret Presbyterorum ordinis PO 16). Devant les hommes, elle est aussi un témoignage de leur consécration sans partage à la mission qui leur a été confiée et un signe vivant du monde à venir déjà présent par la foi et la charité (cf. ibid. PO PO 16).

J'invite chacun de vos prêtres à donner à la formation permanente la place privilégiée qui lui revient dans son existence sacerdotale. C'est une exigence fondamentale, à tout âge et en toute condition de vie, pour maintenir son être et son agir dans l'esprit du Christ Bon Pasteur. En englobant les dimensions humaine, intellectuelle, spirituelle et pastorale de l'existence, elle est une aide précieuse pour acquérir et soutenir l'unité intérieure des prêtres. Je les encourage aussi à collaborer entre eux et à trouver, lorsque le besoin se présente, des formes de vie commune et de partage grâce auxquelles ils pourront approfondir la fraternité sacerdotale qui est une expression de l'unité du presbyterium autour de son Evêque.

Je connais le soin que vous portez aux vocations sacerdotales et à la formation première des futurs pasteurs de vos diocèses. Dans les séminaires, la formation humaine, intellectuelle et pastorale des candidats au sacerdoce constitue un fondement important et nécessaire de la préparation au ministère. Toutefois, il est primordial de développer une formation spirituelle qui les introduise dans la communion profonde avec le Christ; c'est par une attitude de confiance filiale envers le Père et de soumission à l'Esprit, qu'ils demeureront fermement attachés à l'Eglise et fidèles à leur ministère. Que les formateurs, que je remercie pour leur service généreux, aient toujours le souci de préparer des pasteurs humainement et spirituellement solides!



La participation des religieux et des religieuses à la vie de l'Eglise

4. La participation des religieux et des religieuses à la vie de l'Eglise dans votre pays est appréciable. Avec vous, je rends grâce au Seigneur pour ces générations d'hommes et de femmes, venus d'autres continents, qui ont apporté l'Evangile du Christ sur votre terre et qui depuis plus d'un siècle ont travaillé avec un courage désintéressé, au prix de grands sacrifices, à l'établissement d'une Eglise autochtone. Aujourd'hui, leur présence rend visible l'universalité de l'Eglise et elle est un appel au partage mutuel des ressources humaines et spirituelles entre les Eglises locales. Je les encourage dans leur service pastoral de vos communautés et dans leur souci de l'ensemble de la population, particulièrement par les oeuvres sanitaires et sociales, ainsi que par les actions d'éducation et de promotion humaine, qui sont des signes de l'amour de Dieu envers les plus démunis. Je souhaite aussi que les Instituts de vie consacrée fondés dans vos régions puissent s'épanouir pleinement et être à leur tour missionnaires au-delà des frontières de leur pays.

D'autre part, pour exprimer le plein enracinement de l'Evangile, il est souhaitable que la vie contemplative, déjà présente dans certains de vos diocèses, puisse encore se répandre plus largement, offrant un témoignage unique de l'amour de l'Eglise pour le Seigneur et contribuant avec une mystérieuse fécondité apostolique à la croissance du Peuple de Dieu (cf. Exhortation apostolique Vita consecrata VC 8).



117 Le rôle déterminant des catéchistes

5. Pour que l'Eglise puisse s'implanter et se développer, les catéchistes ont un rôle déterminant dans la communauté chrétienne. Je leur suis vivement reconnaissant de leur engagement missionnaire assumé dans des conditions souvent difficiles. Une préparation doctrinale et pédagogique approfondie, un constant renouvellement spirituel et apostolique, la nécessité de leur procurer des conditions de vie décentes, sont des exigences qui doivent être parmi les préoccupations premières des Evêques et des prêtres qui les accompagnent (cf. encyclique Redemptoris missio
RMi 73). Au sein des communautés, ils ont en effet la responsabilité d'être des témoins authentiques de l'Evangile par une vie personnelle et familiale exemplaire qui donnera plus de force à leur enseignement. A chacun d'eux, je souhaite de toujours mieux prendre conscience des exigences de leur vocation et de la confiance que l'Eglise leur porte, pour le bien de la communauté chrétienne.



L'engagement et la vocation des laïcs

6. L'engagement des laïcs dans la vie de l'Eglise et de la société est une dimension essentielle de leur vocation baptismale. Le mystère de communion qui unit les chrétiens entre eux et avec leur Seigneur les engage à édifier des communautés unies où chacun a sa place, sans distinction d'origine ni de situation sociale, des communautés ouvertes et généreuses qui acceptent de partager avec tous les grâces reçues. En effet, «la dignité de chrétien, source de l'égalité de tous les membres de l'Eglise, garantit et promeut l'esprit de communion et de fraternité, et, en même temps, elle devient la source secrète et puissante du dynamisme apostolique et missionnaire des fidèles laïcs» (Exhortation apostolique Christifideles laici CL 17). Ainsi pourra croître l'Eglise Famille de Dieu.

Par ailleurs, les laïcs ont pour vocation de manifester leur être de chrétiens dans la vie sociale et le service de la collectivité. Par leur influence et leurs engagements, ils contribuent à transformer les mentalités et les structures afin qu'elles soient plus fidèles aux desseins de Dieu sur la famille humaine. Pour cela, ils recevront une formation qui les aidera à mener une vie chrétienne harmonieuse et à vivre les implications sociales de l'Evangile. Une initiation sérieuse à la doctrine sociale de l'Eglise leur permettra d'apporter une contribution efficace au développement solidaire de la nation, auquel tous puissent être associés et participer activement. La recherche du bien commun comporte aussi le devoir de lutter courageusement contre toutes les formes de corruption, de gaspillage ou de détournement de ce qui appartient à la collectivité au profit de quelques-uns.



L'éducation des jeunes

7. L'éducation de la jeunesse doit faire l'objet d'une grande attention de la part de tous. En effet, comme l'a souligné le Concile Vatican II, «le but que poursuit la véritable éducation est la formation de la personne humaine ordonnée à la fin suprême de celle-ci en même temps qu'au bien des communautés dont l'homme est membre et dont il partagera les obligations, une fois qu'il sera devenu adulte» (Déclaration Gravissimum educationis GE 1). Au nom de sa mission, l'Eglise doit assurer à tous ceux qui le désirent une éducation morale et religieuse. Pour cela, l'école catholique revêt un intérêt particulier. Malgré les difficultés qu'elle connaît aujourd'hui dans votre pays, elle est invitée à remplir pleinement cette mission, dans un esprit d'ouverture à tous, quelles que soient leur origine, leur situation sociale ou leur religion. La formation humaine, culturelle et religieuse des éducateurs, par laquelle s'opère la transmission des valeurs, est aussi une question à considérer avec soin. Le témoignage de vie est en lui-même un élément essentiel du message que l'école catholique entend communiquer.



Protéger le mariage et soutenir la famille

8. Dans la société contemporaine, le mariage et la famille sont l'objet de menaces qui tendent à les détruire ou au moins à les déformer, mettant ainsi en danger l'équilibre même de la société. Aussi est-il urgent de renforcer une catéchèse qui mette en lumière la grandeur et la dignité de l'amour conjugal dans le dessein de Dieu, ainsi que les exigences qui en découlent. Les fidèles doivent avoir une conscience renouvelée du fait que, dans le sacrement du mariage, ils reçoivent une grâce particulière destinée à perfectionner leur amour et à fortifier l'unité et l'indissolubilité du couple. Par cette grâce, dont le Christ est la source, ils s'aident mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, dans l'accueil et l'éducation des enfants (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1641).

Je me réjouis du témoignage de fidélité et de dynamisme que donnent de nombreux foyers chrétiens heureux, devenant ainsi autour d'eux des exemples vivants de familles unies, ouvertes aux autres et solidaires dans les difficultés. Je vous encourage donc, avec vos prêtres et avec les animateurs de la pastorale familiale de vos diocèses, à poursuivre vigoureusement l'effort que vous avez entrepris pour aider les chrétiens, particulièrement les jeunes, à accueillir les valeurs de la vie matrimoniale et familiale, ainsi que pour les accompagner dans leur préparation au mariage chrétien et par la suite dans leur vie d'époux et de parents. Par ailleurs, c'est toute la communauté ecclésiale qui porte la responsabilité de promouvoir l'évangélisation de la famille, appelée à être toujours davantage une communauté de vie et d'amour, «reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Eglise son Epouse» (Exhortation apostolique Familiaris consortio FC 17).



L'inculturation de la foi

9. Vos diocèses ont déjà réalisé d'importants efforts pour inculturer la foi chrétienne, notamment dans le domaine de la liturgie et de la catéchèse. La manière de vivre la foi est toujours imprégnée par la culture de son propre milieu. Aussi peut-on affirmer que «le défi de l'inculturation en Afrique consiste à faire en sorte que les disciples du Christ puissent assimiler toujours mieux le message évangélique, restant cependant fidèles à toutes les valeurs africaines authentiques» (Exhortation apostolique Ecclesia in Africa ). Cette tâche est un devoir quotidien à poursuivre avec persévérance de manière à permettre à tous de recevoir l'Evangile au plus intime de leur être et de lui laisser porter un fruit abondant.

Le Cameroun est une terre de rencontre, riche de ses différentes cultures. L'annonce de l'Evangile dans chacune d'elles exige aussi que les chrétiens soient prêts à leur apporter la vérité révélée par Dieu dans son Fils, venu partager notre humanité. Cela n'empêche pas les cultures de conserver une identité propre et ne crée pas de divisions à l'intérieur d'elles-mêmes, car la foi chrétienne favorise en elles ce qui est ouvert à l'accueil de la pleine vérité. Elle invite aussi à respecter leur diversité, y voyant une marque de l'abondance des dons faits par Dieu à chaque peuple.

Dans cette perspective, la mise en place d'une authentique pastorale du monde de la culture est décisive pour l'annonce de l'Evangile dans la société. A une époque qui souvent connaît la perte du sens des valeurs morales et l'inquiétude devant l'avenir, l'Eglise a pour mission de manifester la fécondité de la foi dans les évolutions des cultures. En particulier, soyez attentifs à rendre présent l'Evangile au coeur des milieux culturels, universitaires et intellectuels de votre pays, pour qu'il puisse y être une source de renouveau et de croissance spirituelle pour le bien de tous!



Le dialogue avec les autres religions

10. Dans la lettre apostolique Tertio millennio adveniente, j'ai souhaité que la troisième année préparatoire au grand Jubilé de l'an 2000, consacrée à Dieu le Père, permette un approfondissement du dialogue inter-religieux, selon les orientations de la déclaration conciliaire Nostra aetate (cf. TMA TMA 53). Dans votre pays, les relations avec les autres traditions religieuses sont généralement paisibles. Il convient donc de mettre à profit ce temps favorable pour faire croître entre les catholiques et ceux qui ne partagent pas leur foi, particulièrement avec les croyants de l'Islam, un esprit réellement fraternel et respectueux qui leur permette de travailler ensemble au service du développement intégral et de la justice. Que ce même esprit convivial anime aussi les relations avec les adeptes de la Religion traditionnelle africaine. En effet, «la lumière du Christ apporte une vie nouvelle et ouvre le coeur des hommes aux autres hommes. Animés par l'amour qui vient de Dieu, les chrétiens traitent tous leurs frères et soeurs avec une amitié et une estime authentiques» (Discours à Yaoundé, 15 septembre 1995). Dans cet esprit, il devient plus clair que la reconnaissance effective par tous du droit à la liberté religieuse, qui est au fondement des autres droits de la personne humaine, ne peut que favoriser l'édification d'une nation solidaire et fraternelle, et contribuer au maintien de la paix et de l'entente entre toutes les communautés qui la composent.



Appel du Pape aux jeunes

11. Chers frères dans l'épiscopat, à la fin de cette rencontre, je désire vivement inviter les jeunes Camerounais à ne pas perdre courage devant l'avenir, reprenant l'appel que j'ai eu souvent l'occasion de lancer aux jeunes d'Afrique: prenez en charge le développement de votre nation, aimez la culture de votre peuple et travaillez à sa redynamisation, fidèles à votre héritage culturel, en perfectionnant votre esprit scientifique et technique et surtout en rendant témoignage de votre foi chrétienne! (cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Africa ). Et vous les adultes, aidez-les à prendre leur place dans la vie de la nation et de l'Eglise!

Alors que s'approche la célébration du grand Jubilé de l'An 2000, j'engage tous les fidèles du Cameroun, unis à leurs Evêques dans la foi et dans la charité, à faire de ce temps de grâce un temps de renouvellement spirituel intense et d'engagement missionnaire vigoureux, pour que l'amour de Dieu le Père, manifesté en son Fils Jésus, dans la communion de l'Esprit Saint, soit annoncé à l'humanité entière.

Je confie chacun de vos diocèses et toute votre nation à l'intercession de la Vierge Marie, Mère du Christ et Mère des hommes, afin qu'elle vous guide sur les chemins qui conduisent vers son divin Fils. De grand coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique que j'étends aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.




AUX PARTICIPANTS À LA XIVéme ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Vendredi 4 juin 1999

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Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Illustres membres du Conseil pontifical pour la Famille,
Très chers frères et soeurs!



1. C'est pour moi une grande joie de vous recevoir à l'occasion de la XIVème Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Famille et de la Rencontre de réflexion sur le thème: «Paternité de Dieu et paternité dans la famille», d'une si grande importance théologique et pastorale. Je vous salue tous avec affection et, en particulier, je salue ceux qui participent pour la première fois à une rencontre organisée par votre dicastère. Je remercie le Président, Monsieur le Cardinal Alfonso López Trujillo, des aimables paroles qu'il m'a adressées au nom de tous.

Le thème de la paternité, que vous avez choisi pour l'actuelle Assemblée plénière, fait référence à la troisième année de préparation au grand Jubilé, consacrée précisément au Père de notre Seigneur Jésus-Christ. Il s'agit d'un thème sur lequel il convient de réfléchir, dans la mesure où aujourd'hui, la figure du père dans le domaine de la famille tend à s'atténuer, voire même à disparaître. A la lumière de la paternité de Dieu, «de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom» (
Ep 3,15), la paternité et la maternité humaines acquièrent tout leur sens, leur dignité et leur grandeur. «Tout en étant biologiquement semblables à celles d'autres êtres de la nature, la paternité et la maternité humaines ont en elles-mêmes, d'une manière essentielle et exclusive, une "ressemblance" avec Dieu, sur laquelle est fondée la famille entendue comme communauté de vie humaine, comme communauté de personnes unies dans l'amour (communio personarum)» (Gratissimam sane, n. 6).



2. Nous sentons encore vif dans notre âme l'écho de la récente célébration de la Pentecôte, qui nous conduit à proclamer avec espérance l'affirmation de saint Paul: «En effet, tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu» (Rm 8,14). De même qu'il est l'âme de l'Eglise, (cf. Lumen gentium LG 7), L'Esprit Saint doit être aussi celui de la famille, petite église domestique. Il doit être pour tout noyau familial un principe intérieur de vitalité et d'énergie, qui maintient toujours ardente la flamme de l'amour conjugal dans le don réciproque des conjoints.

C'est l'Esprit Saint qui nous conduit au Père céleste et qui fait jaillir de nos coeurs la prière confiante et joyeuse: «Abba, Père!» (Rm 8,15 Ga 4,6). La famille chrétienne est appelée à se distinguer en tant que milieu de prière partagée, dans laquelle, avec une liberté de fils, l'on s'adresse à Dieu en l'appelant avec le nominatif affectueux de «Notre Père!». L'Esprit Saint nous aide à découvrir le visage du Père comme modèle parfait de la paternité dans la famille.

Depuis quelques temps se répètent les attaques contre l'institution familiale. Il s'agit d'atteintes d'autant plus dangereuses et insidieuses qu'elles méconnaissent la valeur irremplaçable de la famille fondée sur le mariage. On arrive à proposer de fausses alternatives à celui-ci en en sollicitant la reconnaissance législative. Mais lorsque les lois qui devraient être au service de la famille, bien fondamental pour la société, se tournent contre elle, elles acquièrent une alarmante capacité destructrice.

Ainsi, dans certains pays, l'on veut imposer à la société ce que l'on appelle les «unions de fait», renforcées par une série d'effets légaux qui érodent le sens même de l'institution familiale. Les «unions de fait» sont caractérisées par la précarité et par l'absence d'un engagement irréversible qui engendre des droits et des devoirs et respecte la dignité de l'homme et de la femme. On veut conférer, en revanche, une valeur juridique à une volonté éloignée de toute forme de lien définitif. Avec de telles prémices, comment peut-on espérer en une procréation véritablement responsable, qui ne se limite pas à donner la vie, mais qui comprenne également l'apprentissage et l'éducation que seule la famille peut garantir dans toutes ses dimensions? De telles positions finissent par représenter un grave danger pour le sens de la paternité humaine, de la paternité dans la famille. C'est ce qui a lieu de diverses façons lorsque les familles ne sont pas bien constituées.



3. Lorsque l'Eglise expose la vérité sur le mariage et la famille, elle ne le fait pas seulement sur la base des données de la Révélation, mais également en tenant compte des postulats du droit naturel, qui sont à la base du véritable bien de la société elle-même et de ses membres. En effet, il n'est pas sans importance pour les enfants de naître et d'être éduqués dans un foyer constitué par des parents unis dans une alliance fidèle.

Il est possible d'imaginer d'autres formes de relations et de cohabitation entre les sexes, mais aucune d'elles ne constitue, malgré l'avis contraire de certains, une authentique alternative juridique au mariage, mais plutôt un affaiblissement de celui-ci. Dans les soi-disant «unions de fait», on remarque une carence plus ou moins grave d'engagement réciproque, un désir paradoxal de maintenir intacte l'autonomie de la volonté au sein d'un rapport qui devrait être relationnel. Ce qui manque dans les cohabitations en dehors du mariage, est, en somme, l'ouverture confiante à un avenir à vivre ensemble, qu'il revient à l'amour d'activer et de fonder et qui est du devoir spécifique du droit de garantir. En d'autres termes, c'est précisément le droit qui manque, non pas dans sa dimension extrinsèque de simple ensemble de normes, mais dans sa plus authentique dimension anthropologique de garantie de la coexistence humaine et de sa dignité.

120 En outre, lorsque les «unions de fait» revendiquent le droit à l'adoption, elles montrent clairement qu'elles ignorent le bien supérieur de l'enfant et les conditions de base qui lui sont dues pour une formation adéquate. Les «unions de fait» entre homosexuels constituent d'autre part une déplorable distorsion de ce qui devrait être une communion d'amour et de vie entre un homme et une femme, dans un don réciproque ouvert à la vie.



4. Aujourd'hui, en particulier dans les nations les plus riches sur le plan économique, se diffuse, d'une part, la peur d'être parent et, de l'autre, l'ignorance du droit qu'ont les enfants à être conçus dans le contexte d'un don hu- main total, présupposé indispensable pour leur croissance sereine et harmonieuse.

C'est ainsi qu'est affirmé un prétendu droit à la paternité-maternité à tout pris, dont on recherche la réalisation à travers des intermédiaires à caractère technique, qui comportent une série de manipulations illégales sur le plan moral.

Une autre caractéristique du contexte social dans lequel nous vivons est la propension de nombreux parents à renoncer à leur rôle pour prendre celui de simples amis de leurs enfants, s'abstenant des rappels à l'ordre et des corrections, même lorsque celles-ci seraient nécessaires pour éduquer dans la vérité, avec certes toute l'affection et la tendresse possibles. Il est donc opportun de souligner que l'éducation des enfants est un devoir sacré et une tâche solidaire des parents, que ce soit du père ou de la mère: il exige la chaleur, la proximité, le dialogue, l'exemple. Les parents sont appelés à représenter dans le foyer domestique le bon Père des cieux, unique modèle parfait dont on doit s'inspirer.

Paternité et maternité, par la volonté de Dieu-même, se placent dans un rapport de participation intime à son pouvoir créateur, et ont, par conséquent, une relation réciproque intrinsèque. J'ai écrit à ce propos dans la Lettre aux Familles: «La maternité suppose nécessairement la paternité et, réciproquement, la paternité suppose nécessairement la maternité: c'est le fruit de la dualité accordée par le Créateur à l'être humain "dès l'origine"» (Gratissimam sane, LF
LF 7).

C'est également pour cette raison que la relation entre l'homme et la femme constitue le noyau des liens sociaux: tout en étant la source de nouveaux êtres humains, celle-ci lie étroitement entre eux les conjoints, devenus une seule chair et, à travers eux, les familles respectives.



5. Très chers frères et soeurs, tout en vous remerciant pour l'engagement avec lequel vous oeuvrez en défense de la famille et de ses droits, je vous assure de mon constant souvenir dans la prière. Que Dieu rende féconds les efforts de ceux qui, dans toutes les parties du monde, se consacrent à cette grande cause. Qu'il fasse en sorte que la famille, rempart protégeant l'humanité elle-même, puisse résister à toute attaque.

Avec ces sentiments, j'ai plaisir, en cette occasion, à renouveler une invitation chaleureuse aux familles, afin qu'elles participent à la troisième Rencontre mondiale avec les Familles, qui se tiendra dans le cadre du grand Jubilé de l'An 2000. J'adresse également cette invitation aux associations et aux mouvements, en particulier à ceux pro vita et pro-familia.A la lumière du mystère de Nazareth, nous approfondirons ensemble la paternité et la maternité sous l'optique du thème que j'ai choisi pour l'occasion: «Les enfants, printemps de la famille et de la société». La mission des pères et des mères, appelés, à travers un pacte d'amour, à collaborer avec le Père céleste à la naissance de nouveaux êtres humains, fils de Dieu, est grande et noble.

Que la Madone, Mère de la Vie et Reine de la Famille, fasse de chaque foyer domestique, à l'image de la Famille de Nazareth, un lieu de paix et d'amour.

Que ma Bénédiction, que je vous donne volontiers, à vous tous ici présents ainsi qu'à tous ceux qui, dans le monde entier, ont à coeur le destin de la famille, vous apporte le réconfort.



Discours 1999 113