Homélies St Jean-Paul II 705


CÉLÉBRATION DES VÊPRES AVEC LA POPULATION DU DIOCÈSE DE GLIWICE

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

Mardi 15 juin 1999, Gliwice



1. «Voyez quelle manifestation d'amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes!» (1Jn 3,1).

706 La rencontre d'aujourd'hui nous in- troduit directement dans la profondeur du mystère de l'amour de Dieu. Nous participons en effet aux Vêpres en l'honneur du Très Saint Coeur de Jésus, qui nous permettent de vivre et de faire l'expérience de ce qu'est l'amour que Dieu donne à l'homme. «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3,16). Le monde est aimé de Dieu et le sera jusqu'à la fin. Le Coeur du Fils de Dieu transpercé sur la croix et ouvert, témoigne de façon profonde et définitive de l'amour de Dieu. Saint Bonaventure écrivait: «Par disposition divine, il a été permis qu'un soldat transperce et ouvre ce côté sacré. Il en sortit du sang et de l'eau, prix de notre salut» (Liturgie des Heures, vol. III, p. 601).

Nous nous présentons le coeur trépi- dant et en toute humilité devant le grand mystère de Dieu, qui est amour. Aujourd'hui, ici, à Gliwice, nous vou- lons Lui exprimer notre louange et également une immense gratitude.

C'est avec une grande joie que je viens à vous, car vous m'êtes très chers. Tout le peuple de la Silésie est cher à mon coeur. Lorsque j'étais Archevêque métropolitain de Cracovie, chaque année, je me rendais en pèlerinage à la Madone de Piekary, et là, nous nous rencontrions pour la prière commune. J'appréciais beaucoup chaque invitation. C'était toujours pour moi une expérience profonde. Mais c'est la première fois que je me rends dans le diocèse de Gliwice, car c'est un diocèse jeune, qui a été institué il y a quelques années. Recevez donc mon salut cordial, que j'adresse avant tout à votre Evêque, Mgr Jan, et à l'Evêque auxiliaire, Mgr Gerard. Je salue également le clergé, les familles religieuses, toutes les personnes consacrées et le peuple fidèle de ce diocèse. Je suis heu- reux car sur le parcours de mon pèlerinage dans ma patrie, il y a également Gliwice, une ville que j'ai visitée plusieurs fois, et à laquelle me lient des souvenirs particuliers. C'est avec une grande joie que je visite cette terre d'hommes habitués au dur labeur: c'est la terre du mineur polonais, la terre des aciéries, des mines et des fon- deries des usines, mais également une terre qui possède une riche tradition religieuse. Mes pensées et mon coeur s'ouvrent aujourd'hui à vous qui êtes ici présents, à tous les hommes de la Haute Silésie et de toute la terre de Silésie. Je vous salue tous au nom de Dieu un et trine.

2. «Dieu est amour» (1Jn 4,16). Ces paroles de saint Jean évangéliste constituent le thème clé du pèlerinage du Pape en Pologne. A la veille du grand Jubilé de l'An 2000, il faut que cette nouvelle joyeuse et impressionnante de Dieu qui aime soit à nouveau transmise au monde. Dieu est une réalité qui échappe à notre capacité de compréhension totale. Car il s'agit de Dieu, nous ne sommes pas en mesure de comprendre avec notre raison son caractère infini, ni de l'enfermer dans les étroites dimensions humaines. C'est Lui qui nous évalue, qui nous gouverne, qui nous guide et qui nous comprend, même lorsque nous n'en sommes pas conscients. Mais ce Dieu, qui ne peut être atteint dans son essence, s'est fait proche de l'homme à travers son amour paternel. La vérité sur Dieu qui est amour constitue presque une synthèse et en même temps le sommet de tout ce que Dieu nous a révélé sur lui, de tout ce qu'il nous a dit à travers les prophètes et à travers le Christ sur ce qu'il est.

Dieu a révélé cet amour de diverses façons. D'abord, dans le mystère de la création. La création est l'oeuvre de la toute-puissance de Dieu, guidée par la sagesse et par l'amour. «D'un amour éternel je t'ai aimée, aussi t'ai-je maintenu ma faveur» dira Dieu à Israël à travers la bouche du prophète Jérémie (31, 3). Dieu a aimé le monde qu'il a créé et en lui il a aimé par-dessus tout l'homme. Et même lorsque l'homme prévariqua contre cet amour original, Dieu ne cessa de l'aimer et le releva de la chute, car il est Père, car il est amour. De la façon la plus parfaite et la plus définitive, Dieu a révélé son amour dans le Christ, dans sa croix et dans sa résurrection. Saint Paul dira: «Mais Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ» (Ep 2,4-5). J'ai écrit dans le message pour la jeunesse de cette année: «Le Père vous aime». Cette nouvelle magnifique a été déposée dans le coeur de l'homme qui croit; qui, comme le disciple bien-aimé de Jésus, pose sa tête sur la poitrine du Maître et écoute ses confidences: «Celui qui m'aime sera aimé de mon Père; et je l'aimerai et je me manifesterai à lui» (Jn 14,21).

«Le Père vous aime» - ces paroles du Seigneur Jésus représentent le centre même de l'Evangile. Dans le même temps, personne ne souligne comme le Christ le fait que cet amour est exigeant: en étant «obéissant jusqu'à la mort» (Ph 2,8), il a enseigné de la façon la plus parfaite que l'amour attend une réponse de la part de l'homme. Il exige la fidélité aux commandements et à la vocation que l'homme a reçue de Dieu.

3. «Nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru» (1Jn 4,16).

A travers la grâce, l'homme est appe- lé à l'alliance avec son Créateur, à donner la réponse de foi et d'amour que personne d'autre ne peut donner à sa place. Cette réponse n'a pas manqué ici, en Silésie. Vous l'avez donnée à Dieu pendant des siècles à travers votre vie chrétienne. Au cours de l'histoire, vous avez toujours été unis à l'Eglise et à ses Pasteurs, fortement attachés à la tradition religieuse de vos ancêtres. En particulier, la longue période de l'après-guerre, jusqu'aux changements, survenus dans notre pays en 1989, fut également pour vous le temps d'une grande épreuve de foi. Vous avez persévéré fidèlement auprès de Dieu, en résistant à l'athéisation et à la laïcisation de la nation et à la lutte contre la religion. Je me souviens que des milliers d'ouvriers de Silésie répétaient avec fermeté dans le sanctuaire de Piekary, la devise: «Le dimanche est à Dieu et à nous». Vous avez toujours ressenti le besoin de la prière et de lieux dans lesquels elle était le plus à même de s'élever. C'est pourquoi vous n'avez pas manqué de volonté d'esprit et de générosité pour vous prodiguer dans la construction de nouvelles églises et de lieux de culte, qui sont apparus nombreux à cette époque dans les villes et les villages de la Haute Silésie. Le bien de la famille vous tenait également à coeur. C'est pourquoi vous réclamiez les droits qui vous étaient dus, en particulier celui de la libre éducation dans la foi de vos fils et des jeunes. Vous vous rassembliez souvent dans les sanctuaires et dans de nombreux autres lieux chers à votre coeur pour exprimer l'attachement à Dieu et pour lui rendre témoignage. Vous m'invitiez également à ces célébrations communes en Silésie. Je vous annonçais bien volontiers la Parole de Dieu, car vous aviez besoin d'être réconfortés durant la période difficile de lutte pour la conservation de l'identité chrétienne, pour avoir la force d'obéir «à Dieu plutôt qu'aux hommes» (cf. Ac Ac 5,29).

En nous tournant vers le passé, nous rendons grâce aujourd'hui à la Providence pour cet examen sur la fidélité à Dieu et à l'Evangile, à l'Eglise et à ses pasteurs. Il s'agissait également d'un examen sur la responsabilité pour la nation, pour la Patrie chrétienne et pour son patrimoine millénaire qui, en dépit de toutes les grandes épreuves, ne subit pas la destruction et l'oubli. Il en fut ainsi car «vous avez reconnu et cru en l'amour que Dieu a pour nous» et vous avez voulu répondre toujours avec amour à Dieu.

4. «Heureux l'homme qui ne suit pas le conseil des impies, [...] mais se plaît dans la loi de Yahvé, mais murmure sa loi jour et nuit!» (Ps 1,1-2).

Nous avons écouté ces paroles du Psalmiste dans la brève lecture au cours des Vêpres d'aujourd'hui. Demeurez fidèles à l'expérience des générations qui vécurent sur cette terre avec Dieu dans le coeur et la prière sur les lèvres. Qu'en Silésie vainque toujours la foi et la saine moralité, le véritable esprit chrétien et le respect des commandements de Dieu. Conservez ce qui était une source de force spirituelle pour vos pères comme le plus grand trésor. Ils savaient inclure Dieu dans leur vie et vaincre grâce à Lui toutes les manifestations du mal. Un symbole éloquent de cela est le salut «Dieu te soit propice!», propre aux mineurs. Sachez garder un coeur toujours ouvert aux valeurs annoncées par l'Evangile, préservez-les; elles décident de votre identité.

707 Chers frères et soeurs, je voulais également vous dire que je connais vos difficultés, les peurs et les souffrances que vous vivez actuellement; les peurs et les souffrances que connaît le monde du travail dans ce diocèse et dans toute la Silésie. Je me rends compte des dangers liés à cet état de choses, en particulier pour de nombreuses familles et pour toute la vie sociale. Une considération attentive des raisons de ce danger et des solutions possibles est nécessaire. J'ai déjà parlé de cela au cours de mon pèlerinage à Sosnowiec. Aujourd'hui, je m'adresse une fois de plus à tous mes compatriotes dans la patrie. Edifiez l'avenir de la nation sur l'amour de Dieu et sur la vie de grâce. En effet, heureux est l'homme, heureuse est la nation qui se complaît dans la loi du Seigneur.

La conscience que Dieu nous aime, devrait inviter à l'amour pour les hommes, tous les hommes sans aucune exception et sans aucune division entre amis et ennemis. L'amour pour l'homme consiste à désirer pour chacun le véritable bien. Il consiste également à veiller à garantir ce bien et à repousser toute forme de mal et d'injustice. Il faut toujours rechercher avec persévérance les voies d'un juste développement pour tous afin de «rendre - comme le dit le Concile - plus humaine la vie de l'homme» (cf. Gaudium et spes
GS 38). Qu'abondent dans votre pays l'amour et la justice, produisant chaque jour des fruits dans la vie de la société. Ce n'est que grâce à elles que cette terre peut devenir une maison heureuse. Sans un profond et authentique amour, il n'existe pas de maison pour l'homme. Même en remportant de grands succès dans le domaine du développement matériel, sans lui, il serait condamné à une vie privée de véritable sens.

«L'homme est la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même» (cf. Gaudium et spes GS 24). Il a été appelé à participer à la vie de Dieu, il a été appelé à la plénitude de la grâce et de la vérité. Il trouve la grandeur, la valeur et la dignité de son humanité précisément dans cette vocation.

Que Dieu qui est amour soit la lumière de votre vie aujourd'hui et pour les temps à venir. Qu'il soit la lumière pour toute notre Patrie. Construisez un avenir digne de l'homme et de sa vocation.

Je vous confie tous, ainsi que vos familles et vos problèmes, à la Très Sainte Mère, qui est vénérée dans de nombreux sanctuaires de ce diocèse et dans toute la Silésie. Qu'Elle enseigne l'amour de Dieu et de l'homme, comme Elle l'a pratiqué dans sa vie.

Qu'à tous «Dieu vous soit propice»!

CANONISATION DE SOEUR CUNÉGONDE SUR L'ESPLANADE DU MONASTÈRE DES CLARISSES Mercredi 16 juin 1999, Stary Sacz

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(Au cours de la cérémonie, l'homélie du Saint-Père a été lue par le Cardinal Franciszek Macharski, Archevêque de Cracovie)


1. «Les saints ne passent pas. Les saints vivent des saints et ont soif de sainteté».

Frères et soeurs bien-aimés!

Il y a presque trente-trois ans je prononçais ces paroles à Stary Sacz, au cours des célébrations du millénaire. Je le fis en me référant à une circonstance particulière. En effet, malgré le mauvais temps, les habitants de la terre de Sacz et des environs se réunirent dans cette ville, et toute cette grande assemblée du Peuple de Dieu, sous la présidence du Cardinal-Primat Stefan Wyszynski et de l'Evêque de Tarnow, Jerzy Ablewicz, priait Dieu pour la canonisation de la bienheureuse Cunégonde. Comment donc, ne pas répéter ces paroles le jour où, par disposition de la Divine Providence, il m'est donné de procéder à sa canonisation, de même qu'il y a deux ans il me fut donné de proclamer sainte la Reine Edwige, Dame de Wawel? L'une et l'autre arrivèrent chez nous de Hongrie, elles entrèrent dans notre histoire et demeurèrent dans la mémoire de la nation. Comme Edwige, Cunégonde a résisté à la loi inexorable du temps qui efface tout. Les siècles ont passé, et non seulement la splendeur de sa sainteté ne s'éteint pas, mais elle brille encore davantage pour les générations qui se succèdent. Elles n'ont pas oublié cette fille du roi hongrois, la princesse de Malopolska, fondatrice et moniale du couvent de Sacz. Et ce jour de sa canonisation en est la preuve la plus magnifique. Dieu soit loué dans ses saints!

2. Avant de parcourir spirituellement les voies de la sainteté de la princesse Cunégonde, pour rendre grâce à Dieu pour l'oeuvre de sa grâce, je désire saluer tous ceux qui sont ici réunis et toute l'Eglise de la belle terre de Tarnów, ainsi que l'Evêque, Mgr Viktor et les Evêques auxiliaires, Mgr Wladyslaw et Mgr Jan, et le cher évêque émérite, Mgr Piotr. Je salue les évêques hongrois et le Primat, le Cardinal Laszlo Paskai, ainsi que le Président de la République de Hongrie, M. Arpad Göncz et sa suite. Je salue tous les prêtres, les religieux et les religieuses, et de façon particulière les soeurs clarisses. J'adresse un salut cordial à nos hôtes, les habitants de Stary Sacz. Je sais que cette ville est célèbre pour son attachement à sainte Cunégonde. Toute votre ville semble être son sanctuaire. Je salue également Nowy Sacz, une ville qui m'a toujours fasciné par sa beauté et son organisation efficace. J'embrasse de tout coeur toute la communauté diocésaine, chaque famille et les personnes seules, tous les malades, ainsi que ceux qui participent à cette liturgie à travers la radio et la télévision. Que chaque grâce de Celui qui est source et fin de toute notre sainteté soit avec nous!

3. «Les saints vivent des saints».

Dans la première lecture nous avons entendu une annonce prophétique: «Une vive lumière illuminera toutes les contrées de la terre; des peuples nombreux viendront de loin, de toutes les extrémités de la terre, séjourner près du saint Nom du Seigneur Dieu» (
Tb 13,11). Ces paroles du prophète se réfèrent tout d'abord à Jérusalem, la ville marquée par la présence particulière de Dieu dans son temple. Nous savons toutefois que depuis, à travers sa mort et sa résurrection, «ce n'est pas, en effet, dans un sanctuaire fait de main d'homme, dans une image de l'authentique que le Christ est entré, mais dans le ciel lui-même, afin de paraître maintenant devant la face de Dieu en notre faveur» (He 9,24), cette prophétie s'accomplit pour tous ceux qui suivent le Christ sur la même voie vers le père. A partir de maintenant, ce n'est plus la lumière du temple de Jérusalem, mais la splendeur du Christ, qui illumine les témoins de sa résurrection, et attire au saint nom de Dieu les nombreuses nations et les habitants de toutes les extrémités de la terre.

Dès sa naissance, sainte Cunégonde avait fait l'expérience, de façon admirable, de ce rayonnement de la sainteté salvifique. En effet, elle vint au monde dans la famille royale hongroise de Bela IV, de la dynastie des Arpad. Cette souche royale cultivait avec une grande ferveur la vie de foi et elle donna de grands saints. C'est d'elle qu'est issu saint Etienne, le Patron principal de la Hongrie, et le fils saint Emeric. Les femmes occupent une place particulière parmi les saints de la famille des Arpad: sainte Ladislaa, sainte Elisabeth de Thuringe, sainte Edwige de Silésie, sainte Agnès de Prague et, enfin, les soeurs de Cunégonde, sainte Marguerite et la bienheureuse Yolande. N'est-il pas évident que la lumière de la sainteté de la famille a conduit Cunégonde au saint nom de Dieu? L'exemple de ses saints parents, de ses frères, de ses soeurs et de ses proches pouvait-il ne pas laisser de trace dans son esprit?

Le germe de la sainteté répandu dans le coeur de Cunégonde dans la maison paternelle trouva en Pologne un bon terrain pour se développer. Lorsqu'elle arriva en 1239, tout d'abord à Wojnicz puis à Sandomierz, elle établit une relation cordiale avec la mère de son futur époux, Grzymislawa, et avec sa fille Salomea. Toutes deux se distinguèrent par une profonde religiosité, par une vie ascétique et par l'amour de la prière, par la lecture de l'Ecriture sainte et de la vie des saints. Leur présence bienveillante, en particulier lors des premières années difficiles de son séjour en Pologne, eut une grande influence sur Cunégonde. L'idéal de la sainteté mûrit toujours plus dans son coeur. Cherchant des modèles à imiter, correspon- dant à son rang, elle choisit comme patronne spéciale sa sainte parente, la princesse Edwige de Silésie. Elle voulut également indiquer à la Pologne un saint qui pourrait devenir pour toutes les conditions et pour toutes les religions un maître d'amour pour la patrie et pour l'Eglise. C'est pourquoi, avec l'Evêque de Cracovie, Prandota de Bialaczew, elle s'engagea par d'intenses efforts pour favoriser la canonisation du martyr de Cracovie, l'Evêque Stanislas de Szczepanów. Saint Jacinthe, qui vécut à cette époque, le bienheureux Sadok, la bienheureuse Bronislawa, la bienheureuse Salomea, la bienheureuse Yolande, soeur de Cunégonde, et tous ceux qui formèrent un milieu particulier de foi dans la Cracovie de l'époque exercèrent sans aucun doute une grande influence sur sa spiritualité.

4. Si nous parlons aujourd'hui de la sainteté, du désir de sainteté et de son obtention, il faudrait se demander de quelle façon former des milieux qui en favorisent l'aspiration. Que faire afin que la famille, l'école, le milieu de travail, le bureau, les villages et les villes, et enfin le pays entier, deviennent une demeure de saints, qui exercent une influence à travers la bonté, la fidélité à l'enseignement du Christ, le témoignage de la vie quotidienne, alimentant la croissance spirituelle de chaque homme? Sainte Cunégonde et tous les saints et bienheureux du XIII e siècle répondent: il faut témoigner. Il faut du courage, pour ne pas mettre sa propre foi sous le boisseau. Il faut, enfin, que dans les coeurs des croyants demeure ce désir de sainteté, qui forme non seulement la vie privée mais influe sur la société tout entière.

Dans la Lettre aux Familles j'ai écrit que «c'est par la famille que se déploie l'histoire de l'homme, l'histoire du salut de l'humanité. La famille se trouve au centre du grand affrontement entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre l'amour et tout ce qui s'oppose à l'amour. C'est à la famille qu'est confiée la tâche de lutter d'abord pour libérer les forces du bien, dont la source se trouve dans le Christ Rédempteur de l'homme. Il faut faire en sorte que chaque foyer s'approprie ces forces, afin que, selon l'expression utilisée lors du millénaire du christianisme en Pologne, la famille soit "forte de Dieu"» (n. 23). Aujourd'hui, en me fondant sur l'expérience éternelle de sainte Cunégonde, je répète ces paroles ici, parmi les habitants de la terre de Sacz, qui pendant des siècles, souvent au prix de renoncement et de sacrifices, donnèrent des preuves de sollicitude pour la famille et de grand amour pour la vie familiale. Avec la Patronne de cette terre, je demande à tous mes compatriotes: que la famille polonaise conserve la foi dans le Christ! Persévérez avec fermeté aux côtés du Christ, pour qu'il demeure en vous! Ne permettez pas que dans vos coeurs, dans le coeur des pères et des mères, des fils et des filles, s'éteigne la lumière de la sainteté! Que la splendeur de celle-ci forme les générations futures de saints, pour la gloire du nom de Dieu! Tertio millennio adveniente.

Frères et soeurs, n'ayez pas peur d'aspirer à la sainteté! N'ayez pas peur d'être saints! Faites du siècle qui touche à son terme et du nouveau millénaire une ère d'hommes saints!

5. «Les saints ont soif de sainteté». Cette soif fut vive dans le coeur de Cunégonde. Avec ce désir, elle méditait les paroles de saint Paul que nous avons entendues aujourd'hui: «Pour ce qui est des vierges, je n'ai pas d'ordre du Seigneur, mais je donne un avis en homme qui, par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance. Je pense donc que c'est une bonne chose, en raison de la détresse présente, que c'est une bonne chose pour l'homme d'être ainsi» (1Co 7,25-26). Inspirée par ces orientations, elle voulut se consacrer à Dieu de tout son coeur à travers le voeu de virginité. C'est pourquoi, lorsqu'elle dut épouser le prince Boleslas en raison de circonstances historiques, elle le convainquit de vivre une vie virginale pour la gloire de Dieu et, après deux ans, les époux prononcèrent entre les mains de l'Evêque Prandota le voeu de chasteté spirituelle.

Ce mode de vie, peut-être difficile à comprendre aujourd'hui, mais profondément enraciné dans la tradition de l'Eglise primitive, donna à sainte Cunégonde cette liberté intérieure, grâce à laquelle avec un dévouement total elle put se consacrer en premier lieu aux choses du Seigneur, en menant une vie religieuse profonde. Aujourd'hui, nous relisons ce grand témoignage. Sainte Cunégonde enseigne que le mariage ainsi que la virginité vécue en union avec le Christ peuvent devenir une vie de sainteté. Aujourd'hui, sainte Cunégonde se présente en salvatrice de ces valeurs. Elle rappelle qu'en aucune circonstance la valeur du mariage, cette union d'amour indissoluble de deux personnes, ne peut être mise en doute. Quelle que soit la difficulté qui surgit, on ne peur renoncer à la défense de cet amour original, qui a uni deux personnes et qui est sans cesse béni par Dieu. Le mariage est la voie de la sainteté, même lorsqu'il devient un chemin de croix.

Les murs du couvent de Stary Sacz, que sainte Cunégonde inspira et dans lequel elle termina sa vie, semblent aujourd'hui témoigner à quel point elle appréciait la chasteté et la virginité, voyant à juste titre dans un tel état un don extraordinaire, grâce auquel l'homme ressent de façon particulière sa propre liberté. Et de cette liberté intérieure, il peut faire un lieu de rencontre avec le Christ et avec l'homme, sur le chemin de la sainteté. De ce couvent, avec sainte Cunégonde, je demande en particulier à vous, les jeunes: défendez votre liberté intérieure! Qu'une fausse honte ne vous détourne pas de cultiver la chasteté! Et les garçons et les filles appelés par le Christ à conserver leur virginité pendant toute la vie, sachent qu'il s'agit d'un état privilégié, à travers lequel se manifeste de la façon la plus claire l'action de la puissance de l'Esprit Saint.

Il existe encore une autre caractéristique de l'esprit de sainte Cunégonde, unie à son désir de sainteté. En tant que princesse, elle sut s'occuper des choses du Père, également dans ce monde. Aux côtés de son mari elle participa au gouvernement, démontrant fermeté et courage, générosité et sollicitude pour le bien du pays et des sujets. Au cours des agitations au sein du pays, au cours de la lutte pour le pouvoir dans un royaume divisé en régions, au cours des invasions tartares destructrices, sainte Cunégonde sut faire face aux nécessités du moment. Elle se prodigua avec zèle pour l'unité de l'héritage des Piast, et pour relever le pays de la ruine elle n'hésita pas à donner ce qu'elle avait reçu en dot de son propre père. Les mines de sel de Wieliczka et de Bochnia, près de Cracovie sont liées à son nom. Elle tint cependant surtout en considération les besoins de ses sujets. C'est ce que confirment ses anciennes biographies, témoignant que le peuple l'appelait: «consolatrice», «médecin», «nourrice», «sainte mère». Ayant renoncé à la maternité naturelle, elle devint, la véritable mère de nombreuses personnes.

Elle s'occupa également du développement culturel de la nation. La naissance de véritables monuments de la littérature sont liés à sa personne et au couvent local, tel que le premier livre écrit en langue polonaise: Zoltarz Dawidów - Psautier de David.

Tout cela s'inscrit dans sa sainteté. Et alors que nous demandons aujourd'hui: comment apprendre à être saints et comment réaliser la sainteté?, sainte Cunégonde semble répondre: il faut s'occuper des choses du Seigneur dans ce monde. Elle témoigne que la réalisation de cette tâche consiste à oeuvrer sans cesse pour conserver l'harmonie entre la foi professée et la vie. Le monde d'aujourd'hui a besoin de la sainteté des chrétiens, qui dans des conditions ordinaires de vie familiale et professionnelle assument leurs devoirs quotidiens; et qui ayant le désir d'accomplir la volonté du Créateur et de servir chaque jour les hommes, répondent à son amour éternel. Cela concerne les divers secteurs de la vie comme la politique, l'activité économique, sociale et législative (cf. Christifideles laici CL 42). Que ne manquent pas dans ces domaines l'esprit de service, l'honnêteté, la vérité, l'attention au bien commun, même au prix d'une abnégation magnanime, sur l'exemple de la sainte Princesse de cette terre! Que dans ces différents secteurs ne manque également pas la soif de sainteté, obtenue à travers le service accompli avec compétence, dans un esprit d'amour de Dieu et du prochain!

6. «Les saints ne passent pas». Alors que nous tournons notre regard vers la figure de Cunégonde, une interrogation essentielle apparaît: qu'est-ce qui a fait d'elle une figure qui, dans un certain sens, ne passe pas? Qu'est-ce qui lui a permis de survivre dans la mémoire des Polonais et, de façon particulière, dans celle de l'Eglise? Quel est le nom de cette force qui résiste à la loi inexorable de «tout passe»? Le nom de cette force est l'amour. L'Evangile d'aujourd'hui, concernant les dix vierges sages, parle précisément de l'amour. Cunégonde fut sans aucun doute l'une d'elles. Comme elles, elle alla à la rencontre de l'Epoux divin. Comme elles, elle veilla en gardant la lampe de l'amour allumée, pour ne pas manquer le moment de la venue de l'Epoux. Comme elles, elle le rencontra alors qu'il venait et elle fut invitée à partici- per au banquet de noces. L'amour de l'Epoux divin dans la vie de la princesse Cunégonde s'exprima à travers de nombreux gestes d'amour pour le prochain. Ce fut précisément cet amour qui a fait que le passage du temps, auquel chaque homme sur terre est sujet, n'a pas effacé sa mémoire. Après tant de siècles, l'Eglise qui est en terre polonaise le reconnaît aujourd'hui.

«Les saints vivent des saints et ont soif de sainteté». Je répète encore une fois ces paroles ici, sur la terre de Sacz. Cunégonde la reçut en don en échange de sa dot qu'elle destina à secourir le pays, et cette terre n'a jamais cessé d'être l'une de ses propriétés particulières. Elle prend toujours soin du peuple fidèle qui vit ici. Comment ne pas la remercier pour la protection des familles, en particulier des nombreuses familles d'ici ayant beaucoup d'enfants, que nous considérons avec admiration et respect? Comment ne pas la remercier car elle implore pour cette communauté ecclésiale la grâce de très nombreuses vocations sacerdotales et religieuses? Comment ne pas la remercier car elle nous a rassemblés ici aujourd'hui, en unissant dans une prière commune les frères et les soeurs de Hongrie, de la République tchèque, de la Slovaquie, de l'Ukraine, en revivifiant la tradition de l'unité spirituelle, qu'elle a elle-même formée avec tant de dévouement?

Remplis de gratitude nous louons Dieu pour le don de la sainteté de la Dame de cette terre et nous le prions afin que la splendeur de cette sainteté continue en nous tous. Qu'au cours du nouveau millénaire, cette lumière magnifique rayonne sur toutes les contrées de la terre, afin que l'on vienne de loin séjourner près du saint Nom du Seigneur Dieu (cf. Tb Tb 13,11) et que l'on voit sa gloire.

«Les saints ne passent pas»
Les saints invoquent la sainteté.
Sainte Cunégonde,
Dame de cette terre,
implore pour nous la grâce de la sainteté!

RENCONTRE AVEC LA POPULATION DE LA VILLE NATALE DU PAPE JEAN PAUL II Mercredi 16 juin 1999, Wadowice

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Bien-aimés frères et soeurs!

1. Une fois de plus, dans le cadre de mon service à l'Eglise universelle sur le Siège de saint Pierre, il m'est donné de me rendre dans ma ville natale de Wadowice. C'est avec une grande émotion que je contemple cette ville de mes années d'enfance, témoins de mes premiers pas, de mes premiers mots, et - comme dit Norwid - des «premières révérences» qui sont «comme l'éternelle profession du Christ: "Loué sois-tu!"» (cf. Moja piosenka [mon chant]). La ville de mon enfance, la maison paternelle, l'église paroissiale, l'église de mon saint baptême... Je veux franchir ces seuils hospitaliers, m'incliner sur ma terre natale et devant ses habitants, et prononcer les paroles avec lesquelles les membres d'une famille se saluent au retour d'un long voyage: «Loué soit Jésus-Christ!». Et ma maison se trouvait précisément ici, derrière moi, rue Koscielna. Et lorsque je regardais de la fenêtre, je voyais le cadran solaire et l'inscription: «Le temps fuit, l'éternité attend».

C'est avec ces paroles que je salue tous les habitants de Wadowice, en commençant par les plus âgés, ceux de mon âge, auxquels m'unissent les liens de mon enfance et de mon adolescence, jusqu'aux plus petits qui voient pour la première fois le Pape qui est venu parmi eux. Je salue le cher Cardinal Franciszek et je le remercie car, en tant que pasteur de l'archidiocèse, il prend un soin constant de ma ville natale. Je salue les chers évêques auxiliaires et les évêques aînés, Mgr Stanislaw, Mgr Albin, Mgr Jan, Mgr Kazimierz - je me souviens de chacun d'entre eux. Je remercie les cardinaux et les évêques invités qui m'accompagnent avec persévérance sur le chemin de mon pèlerinage. J'adresse des saluts très cordiaux à tous les prêtres, en particulier à ceux des deux préfectures de Wadowice, et parmi eux, au prêtre de cette paroisse. Au séminaire, nous l'appelions Kuba, Kuba Gil. Officiellement, il s'appelle Mgr Jakub Gil. Je recommande à Dieu le défunt dom Tadeusz Zacher, ainsi que tous les prêtres défunts qui ont accompli leur ministère pastoral dans cet- te ville. Tous. Le défunt Mgr Prochownik de vénérée mémoire et les catéchis- tes: dom Rospond, dom Wlodyga, dom Pawela, je les porte tous dans mon coeur, jusqu'à Mgr Zajac. Il existe une chronique du coeur qui ne s'éteint jamais. J'embrasse de tout coeur toutes les familles religieuses qui accomplissent leur service sur la terre de Wadowice. Et les pères carmes à Górka, les pères pallotins à Kopiec, les soeurs de Nazareth rue du 3 Mai. C'est là que j'allais à l'école maternelle.

Je voudrais saluer de façon particulière les pères carmes déchaux de Górka de Wadowice. Nous nous rencontrons en effet en une circonstance exceptionnelle: cette année, le 27 août, nous fêterons le centenaire de la consécration de l'église de Saint-Joseph, proche du couvent fondé par saint Ra- phaël Kalinowski. Comme au cours de ma jeunesse, de mon enfance, je me rends en esprit dans ce lieu de culte particulier de la Bienheureuse Vierge du mont Carmel, qui exerçait une si grande influence sur la spiritualité de la terre de Wadowice. Moi-même ai reçu dans ce lieu de nombreuses grâces, dont j'exprime aujourd'hui ma reconnaissance au Seigneur. Et je porte encore la médaille, telle que je l'ai mise chez les carmes a Górka lorsque j'avais un peu plus de dix ans. Je suis heureux car il m'a été donné de béatifier, avec cent-huit martyrs, également le bienheureux Père Alfons Maria Mazurek, élève, et plus tard éducateur digne d'éloge du petit séminaire annexé au couvent. J'ai eu l'occasion de rencontrer personnellement ce témoin du Christ qui, en 1944, en tant que Prieur du couvent de Czerna, scella sa fidélité à Dieu à travers la mort par le martyre. Je m'agenouille avec vénération auprès de ses reliques, qui reposent précisément dans l'église de Saint-Joseph et je rends grâce pour le don de la vie, du martyre et de la sainteté de ce grand religieux.

2. Jérusalem, «pour l'amour de la maison de Yahvé notre Dieu, je prie pour ton bonheur!» (
Ps 122 [121], 9). Aujourd'hui, je fais miennes ces paroles du Psalmiste et je les rapporte à cette ville. Wadowice, la ville de mon enfance, pour l'amour de la maison - pour l'amour de la maison paternelle et de la maison du Seigneur - je prie pour ton bonheur! Comment ne pas exprimer cette promesse, alors que la Providence m'a accordé aujourd'hui de me trouver presque sur un pont qui unit ces deux maisons: la maison paternelle et la maison de Dieu? Il s'agit d'une extraordinaire, et en même temps d'une naturelle jonction de lieux qui - comme aucune autre - laissent un signe profond dans le coeur de l'homme.

Avec une affection filiale je baise le seuil de ma maison natale, en exprimant à la Divine Providence la gratitude pour le don de la vie qui m'a été transmis par mes chers parents, pour la chaleur du nid familial, pour l'amour des miens, qui me donnait un sens de sécurité et de force, même lorsqu'il fallait affronter l'expérience de la mort et les difficultés de la vie quotidienne en ces temps difficiles.

Avec une profond vénération, je baise également le seuil de la maison de Dieu - de l'église paroissiale de Wadowice, et en elle le baptistère, auprès duquel j'ai été introduit dans le Christ et accueilli dans la communauté de son Eglise. Ce temple est le lieu de ma première confession et de ma Sainte communion. Ici, j'ai été enfant de choeur. Ici, j'ai rendu grâce à Dieu pour le don du sacerdoce et ici, - alors en tant qu'Archevêque de Cracovie - j'ai vécu mon premier jubilé des 25 ans de mon sacerdoce. Que de biens, que de grâces j'ai reçus de ce temple et de cette communauté paroissiale, seul le sait celui qui est le Dispensateur de toute grâce. A lui, Dieu un et trine, je rends grâce aujourd'hui sur le seuil de cette église.

Enfin, comme par le passé, je dirige mes pas vers la Chapelle de la Sainte-Croix, pour admirer à nouveau le visage de la Madone du Perpétuel Secours dans son effigie de Wadowice. Je le fais avec une joie d'autant plus grande qu'aujourd'hui, il m'est donné d'orner cette effigie de couronnes, en signe de notre amour pour la Mère du Sauveur et pour son Fils divin. Et il s'agit d'un signe d'autant plus éloquent que - comme on me l'a dit - ces couronnes ont été exécutées grâce à vos dons, souvent très précieux, qui possèdent un contenu particulier de souvenirs, de destins humains, d'épreuves ou de très nobles sentiments familiaux, de conjoints et de fiancés. Et à ce don matériel, vous avez ajouté le grand don de l'esprit - la prière d'abandon à la Mère du Christ qui a visité vos maisons. Soyez certains que votre amour ardent pour Marie ne restera jamais sans réponse. C'est précisément ce lien réciproque d'amour qui est en un certain sens porteur de grâce et signe d'une aide incessante, que par l'oeuvre de Marie, nous recevons de son Fils divin.

3. «Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme» (Ga 4,4) - ces paroles de saint Paul, que nous avons entendues aujourd'hui, nous introduisent dans un certain sens dans le coeur-même de ce mystère. Le temps s'est accompli lorsque s'est accompli le mystère de l'incarnation du Verbe éternel. Voici que le fils de Dieu vint au monde pour réaliser le dessein salvifique du Père, pour accomplir la rédemption de l'homme et lui restituer la filiation perdue. Dans ce mystère, Marie occupe une place particulière. Dieu l'appela afin qu'elle devienne la Femme à travers laquelle la faute originelle de la première femme devait être effacée. Dieu avait besoin en un certain sens de cette médiation de Marie. Il avait besoin de son libre consentement, de son obéissance et de son dévouement pour révéler pleinement son amour éternel pour l'homme.

Par la suite, l'Apôtre des Nations écrit: «Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui crie: Abba Père!» (Ga 4,6). Nous savons également que cet événement s'est réalisé en présence de Marie. De même qu'elle fut présente aux débuts de l'oeuvre de la rédemption du Christ, ainsi, le jour de la Pentecôte, elle fut également présente aux débuts de l'Eglise. Celle qui, le jour de l'Annonciation, fut emplie de l'Esprit Saint, fut le témoin particulier de sa présence le jour de la Pentecôte. Celle qui devait sa maternité à l'action mystérieuse de l'Esprit sut mieux que quiconque apprécier la signification de la descente du Consolateur. Marie a reconnu comme aucune autre l'instant où commença la vie de l'Eglise - de cette communauté d'hommes, qui, introduits dans le Christ, peuvent s'adresser à Dieu en l'appelant: Abba! Père! Il n'existe pas dans le monde d'être humain qui ait été introduit dans l'expérience de l'amour trinitaire du Père, du Fils et de l'Esprit Saint comme l'a été Marie, Mère du Verbe incarné.

C'est pourquoi, tandis que nous nous préparons à vivre le grand Jubilé de la rédemption, nous nous adressons de façon particulière à Celle qui est le guide irremplaçable sur les voies du salut. Si le grand Jubilé doit, en un certain sens, nous montrer ce qui s'accomplit grâce à l'incarnation du Fils de Dieu, nous ne pouvons pas ne pas nous fonder sur l'expérience de foi, d'espérance et de charité de la Mère du Christ. Ce recours ne peut manquer. En effet, de Marie nous apprenons cette docilité à l'Esprit Saint, grâce à laquelle nous pouvons profiter plus pleinement des fruits de la mort et de la résurrection du Christ. Nos ancêtres préservèrent toujours la conviction du rôle irremplaçable de la Mère de Dieu dans la vie de l'Eglise et de chaque chrétien. Au cours des cent dernières années, les habitants de Wadowice l'exprimaient de façon particulière, lorsqu'ils se réunissaient avec vénération devant l'image de la Madone du Perpétuel Secours et l'élisaient Médiatrice, Patronne de la vie personnelle, de la vie familiale et de la vie sociale. Dom Leonard Prochownik, curé et doyen, écrivait en 1935: «La Madone du Perpétuel Secours est vénérée par nous. Elle possède sa chapelle où est située son image miraculeuse et là, de nombreuses personnes ont ressenti et ressentent personnellement combien, dans les nécessités temporelles et spirituelles, Elle démontre sa bonté et s'empresse d'aider. Et il en était ainsi. Je peux en témoigner personnellement. Et je pense qu'il en a été ainsi jusqu'à aujourd'hui. Qu'il en soit ainsi également à l'avenir!

4. Au cours de mon premier séjour à Wadowice, je vous avais demandé de m'entourer d'une prière incessante face à l'image de cette Mère. Je vois que ma demande a été sculptée dans la pierre. Je crois que cela est le signe que ma demande a été profondément gravée dans vos coeurs également. C'est pourquoi aujourd'hui je vous remercie cordialement de cette prière. Je ressens constamment votre action et je vous demande de continuer à prier. J'ai tant besoin de votre prière. L'Eglise a tant besoin d'elle. Le monde entier a besoin d'elle.

Il y a une chose encore pour laquelle je voudrais rendre grâce. Je sais que l'Eglise de Cracovie avec son Cardinal a construit à Wadowice un votum particulier de gratitude à la Mère de Dieu. Près d'ici a été édifiée la Maison de la Mère Seule. On y offre un asile et une aide aux femmes qui, en dépit des sacrifices et des difficultés, veulent s'occuper du fruit de leur maternité. Je suis reconnaissant pour ce grand don de votre amour pour l'homme et de votre sollicitude pour la vie. Ma gratitude est d'autant plus grande que cette Mai- son porte le nom de ma mère Emilie. Je pense que celle qui m'a mis au monde, et qui a entouré d'amour mon enfance, prendra soin également de cette grande oeuvre. A vous, en revanche, je demande de continuer de soutenir cette Maison par votre bonté. Si mes souvenirs sont exacts, cette maison se trouve rue Mickiewicz. Elle conduit à Chocznia; dans cette rue se trouve l'école de Marcin Wadowita que j'ai fréquentée pendant huit ans. Auparavant, j'ai fréquenté l'école élémentaire ici, dans les bâtiments où se trouvent les bureaux de la commune. Ensuite, je suis allé au lycée, et ceux qui allaient au lycée allaient faire de la gymnastique à «Sokól». On allait également voir les représentations théâtrales à «Sokól». Je me souviens de Mieczyslaw Kotlarczyk, celui qui créa le «théâtre de la parole», je me souviens de mes compagnes et de mes compagnons de Wadowice: Halina Królikiewiczówna-Kwiatkowska et Zbyszek Silkowski, qui habitait dans la maison qui appartenait à la famille Homme. Que de souvenirs. Quoi qu'il en soit, c'est ici, dans cette ville de Wadowice, que tout a commencé: la vie, l'école, les études, le théâtre... et le sacerdoce.

L'assemblée a alors entonné le chant «Cent ans». Répondant aux acclamations des personnes présentes, le Saint-Père a répondu:
C'est plus facile à chanter qu'à réaliser.

Puis, en réponse au cri «Nous t'aiderons», Jean-Paul II a dit:
Je l'ai déjà entendu à Gorzów, Dieu veuille que cela se réalise.

Le Saint-Père a ensuite repris son discours:
Et donc, là, il y a la rue Mieckiewicz, là-bas la rue Zatorska, et ici, rue Krakowska. C'est là que se trouvait jadis Zbozny Rynek, et là Choczenka. Derrière nous, il y a Skawa. Ici, il y avait la librairie de Foltin. Existe-t-elle encore? Non. Dans cette maison-là habitait Jurek Kluger et là-bas, il y avait la pâtisserie. Après le diplôme, nous y allions pour manger des gâteaux à la crème. Heureusement, nous avons réussi à supporter tout cela, tous ces gâteaux à la crème après le diplôme. Après le lycée, il y a la rue Slowacki, là, il y a la rue Karmelicka et un peu plus loin, le parc de l'Association pour le Soin de la Ville de Wadowice et des alentours. Ces choses ne s'oublient pas facilement. Ici, il y a la rue Tatrzanska où se trouve le cimetière, puis il y a la paroisse de Saint-Pierre, après Gorzen. De Gorzen, on descend vers Skawa, de l'autre côté, il y a Góra Jaroszowicka et ainsi jusqu'à Calvaria. Après Kopiec, il y a Klecza Dolna, et après Klecza Górna, Barwald et enfin Kalwaria Zebrzydowska. Maintenant, cela suffit avec ces souvenirs.

Cette maison appartenait à Mme Maria Wodzinska. Rue du 3 Mai, il y avait la caserne du 12 e bataillon d'infanterie. Le 11 novembre et le 3 mai, il y avait les célébrations sur la place du marché: la Messe du camp, puis le défilé devant la caserne. Nous aussi, nous avons participé aux célébrations comme étudiants membres de la Légion, non encore académique. Et ainsi jusqu'à la guerre. Essayons de terminer.

Cette maison a été très accueillante pour moi: c'est ici que j'ai fêté l'ordination sacerdotale, l'ordination épiscopale et le cardinalat. Je suis allé tant de fois chez les Homme, à Zbyszek Silkowski. Je m'en souviens tous les jours.

Et sur la scène de Wadowice, nous avons récité les plus grandes oeuvres classiques, en commençant par «Antigone». Je ne sais pas si c'est toujours ainsi aujourd'hui. Maintenant, finissons vraiment.

5. Sub tuum praesidium...

Sous ta protection, Marie, nous cherchons refuge.
A ta protection nous confions l'histoire de cette ville,
de l'Eglise de Cracovie et de toute la Patrie.
A ton amour maternel
nous confions le destin de chacun de nous,
de nos familles et de toute la société.
Ne dédaignes pas notre supplication, à nous qui sommes dans l'épreuve
et libère-nous toujours de tout danger.
Marie, obtiens-nous la grâce de la foi, de l'espérance et de la charité,
afin que sur ton exemple et sous ta direction,
nous apportions dans le nouveau millénaire le témoignage de l'amour du Père,
de la mort rédemptrice et de la résurrection du Fils
et l'action sanctificatrice de l'Esprit Saint.
Sois avec nous en tout temps!
Vierge glorieuse et bénie,
Notre Dame,
Notre Avocate,
Notre Médiatrice,
Notre Consolatrice.
Notre Mère! Amen.



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