Homélies St Jean-Paul II 732


VOYAGE DU PAPE JEAN PAUL II EN INDE ET EN GÉORGIE

(5-9 novembre 1999)


HOMÉLIE À L'OCCASION DE LA PROMULGATION DE L'EXHORTATION APOSTOLIQUE "ECCLESIA IN ASIA"

6 novembre 1999



Eminences,
Chers frères dans l'épiscopat,
Eminents invités,
733 Chers frères et soeurs,

1. "Grâce et paix vous soient données par "Il est, Il était et Il vient" [...] par Jésus-Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d'entre les morts" (
Ap 1,4-5).

Je rends grâce et louange au Père de l'infinie miséricorde, qui me donne de me trouver une fois de plus sur le sol béni d'Asie. Je me réjouis avec vous dans la communion qui transcende tous les temps et qui réunit dans l'amour les chrétiens de "toute race, langue, peuple et nation" (Ap 5,9). En tant que pèlerin, je rends hommage au continent qui est le berceau des grandes traditions religieuses et des antiques civilisations. Comment pouvons-nous ne pas être touchés par la passion constante de l'Asie pour l'Absolu, pour ce qui va au-delà de notre vision terrestre?

Dans la paix du Seigneur Ressuscité, nous nous rencontrons sur le sol asiatique pour sceller les fruits du Synode que nous avons célébré à Rome auprès du tombeau de l'Apôtre Pierre. Je remercie Mgr de Lastic, les évêques d'Inde, ainsi que les autorités civiles pour tout ce qu'ils ont fait pour rendre cette visite possible. Je salue les nombreux prêtres, religieuses et religieux, et fidèles laïcs en Asie qui consacrent leur vie au Christ et à l'Evangile. Je suis reconnaissant aux représentants des Eglises chrétiennes et aux communautés ecclésiales qui enrichissent cette réunion de leur présence, et mes pensées se tournent également vers les fidèles des autres religions qui regardent avec intérêt et respect cette rencontre. La paix soit avec vous tous!


2. L'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques a examiné la situation de l'Eglise en Asie et sur tout le continent asiatique, dans la perspective du commandement du Seigneur de prêcher l'Evangile à toutes les nations. C'est ce que nous avons fait, conscients que le monde progresse vers de nouvelles possiblités de développement et que les chrétiens ont des responsabilités spéciales, tandis que nous entrons dans le troisième millénaire chrétien. Ensemble, nous avons cherché à lire les signes des temps avec un regard de foi et un coeur de Pasteurs. Cela a signifié partager "les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses" (Gaudium et spes GS 1) de tous les fidèles du Christ sur ce continent. Le Synode ne fut pas seulement une profonde expérience de fraternité dans le ministère épiscopal, mais avant tout une puissante rencontre avec Jésus-Christ, qui prend sur lui les joies et les peines du monde.

Ecoutant avec le coeur et l'esprit, les Pères synodaux ont entendu les peuples d'Asie demander dans une multitude de langues: "Quelle est la porte qui conduit à la vie?" Et nous avons entendu Jésus répondre: "Je suis la porte". Oui, Jésus-Christ est la porte qui conduit à la vie! Nous avons entendu les Asiatiques demander: "Qui nous ouvrira la porte?" Et le Christ répondit: "J'ouvrirai la porte et vous conduirai à la vie". Nous avons entendu la voix des peuples asiatiques demander: "Mais comment ouvriras-tu la porte et nous conduiras-tu à la vie?" A cela, Jésus répondit: "Je donnerai ma vie pour vous!" Alors, l'Asie a demandé: "Mais comment donneras-tu ta vie pour nous?" Et la répon-se de Jésus nous concerne tous: "Je l'ai déjà fait sur le Calvaire, et je continue de me donner pour vous dans mon Corps mystique, l'Eglise, et dans mon Corps sacramentel, l'Eucharistie, offert pour le salut du monde!" Le Synode a été une confirmation ardente de la foi dans Jésus-Christ le Sauveur; et il demeure un appel à la conversion, afin que l'Eglise qui est en Asie puisse devenir toujours plus digne des grâces offertes continuellement par Dieu (cf. Ecclesia in Asia ).


3. La plupart des Eglises d'Asie sont relativement petites en nombre, mais elles ont fait preuve d'une grande fidélité au Christ et à l'Evangile, même au cours des périodes de persécution. Il y a des Eglises qui ont connu l'effusion de sang, et la multitude de martyrs est certainement leur plus grande gloire. Te martyrum candidatus laudat exercitus. Des chrétiens comme saint André Kim Tae-gon, saint Paul Mikin, saint Laurent Ruiz et saint André Dung-Lac, et d'innombrables autres saints hommes et femmes sur ce continent nous ont montré la plénitude avec laquelle la grâce du Christ peut pénétrer le coeur des peuples asiatiques.

D'un tel témoignage inoubliable, les Eglises d'Asie ont appris la voie de l'amour et du service bienveillant, et ils ont appris que la justice est un fruit important de l'amour. C'est certainement l'oeuvre de l'Esprit Saint qui fait que les chrétiens d'Asie se tournent de plus en plus vers la défense de la dignité humaine et la poursuite de la justice Ce service de la personne humaine est enraciné non pas dans les illusions des idéologies, mais dans le respect pour l'acte de création de Dieu, qui a fait l'homme et la femme à son image (cf. Gn 1,26). Les chrétiens consacrent d'immenses énergies à la charité pratique, et à la promotion et à la libération de l'homme, en obéissance au commandement du Seigneur de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés (cf. Jn 13,34).


4. Dans certains cas, les chrétiens asiatiques ont habité des terres lacérées par les conflits, qui sont parfois présentés comme étant l'effet de la religion. Quelle travestissement de la véritable foi! Quelle infidélité, non seulement à l'Evangile, mais également aux grands concepts des religions d'Asie, qui chacune de façon différente, prêchent la tolérance et la bonté! Les peuples de toutes les religions doivent montrer avec force que la religion et la paix vont de pair!

Mais faisons également en sorte qu'il y ait la paix pour la religion. Faisons respecter dans toutes les parties de ce continent le droit à la liberté et au culte! Car si ce droit fondamental est nié, c'est tout l'édifice de la dignité humaine et de la liberté qui s'écroule. Ecclesia in Asia souligne clairement que dans certaines régions d'Asie, la proclamation explicite est interdite et que la liberté religieuse est niée ou systématiquement limitée (n. 23). Dans de telles situations, l'Eglise apporte son témoignage en "se chargeant de sa croix", tout en pressant les gouvernements à reconnaître la liberté religieuse comme un droit humain fondamental.


5. Puisque l'Asie a beaucoup souffert des blessures de la divison entre chrétiens, le Synode exhorte tous les fidèles du Christ à oeuvrer encore plus afin d'être en "accord de sentiments: [...] le même amour, une seule âme, un seul sentiment" (Ph 2,2). Il demande également à toute l'Eglise qui est en Asie de se consacrer au colloquium salutis, le dialogue salvifique qui concerne les fidèles des autres religions et tous les hommes et femmes de bonne volonté. Dans ce dialogue, la parole que nous devons prêcher est la parole de la Croix de Jésus-Christ. Car c'est en Lui, qui s'est donné totalement sur la Croix que peut être trouvée la plénitude de la vie (cf. Ph Ph 2,6-11). L'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia invite les peuples d'Asie à contempler la figure de Jésus le crucifié, qui nous a conduits à travers l'obscurité à la porte qui s'ouvre sur la plénitude de la vie que l'humanité recherche. L'Asie a toujours recherché cette plénitude avec une passion particulière.
734 Nous parlons d'une vie qui vient à nous, non pas lorsque nous laissons de côté ou ignorons la douleur du monde, mais lorsqu'elle est empreinte et transfigurée par la puissance de l'amour total, l'amour qui est symbolisé le plus clairement dans le coeur transpercé du Sauveur sur la Croix. Il s'agit de l'amour qui rend la sainteté chrétienne possible. Il donne naissance à la proclamation, à la solidarité bienveillante avec ceux qui sont dans le besoin, au respect et à l'ouverture à chaque être humain et à tous les peuples.

Que personne n'aie peur de l'Eglise! Son unique ambition est de poursuivre la mission de service et d'amour du Christ, afin que la lumière du Christ puisse resplendir avec plus de force, et que la vie qu'il donne puisse être accessible à tous ceux qui entendent son appel.


6. En présentant le fruit du travail du Synode dans l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia, il vous est demandé, à vous évêques, de faire de plus grands efforts pour diffuser l'Evangile du salut partout en Asie. La question n'est pas de savoir si l'Eglise a quelque chose d'essentiel à dire aux hommes et aux femmes de notre temps, mais comment elle peut le dire de façon claire et convaincante! (cf. n. 29). Le Bon Pasteur a donné sa vie pour son troupeau, et nous qui portons son nom, devons suivre le même chemin. Avec saint Grégoire de Nyssée, nous devons prier pour avoir la force d'accomplir le ministère qui nous a été confié: "Montre-moi, Bon Pasteur, où se trouvent les verts pâturages et les eaux calmes; appelle-moi par mon nom, que je puisse entendre ta voix" (Commentaire sur le Cantique des Cantiques, n. 2).

Successeurs des Apôtres, responsables du Corps du Christ, ayez soin de l'Eglise qui est en Asie avec un amour bienveillant, à travers les vallées sombres vers les verts pâturages et les eaux calmes!

Puisse Marie, "aube du jour mystique" (Akathistos, stance 5), vous prendre sous son aile, afin que vous puissiez être plus forts en vue du travail qui se présente. A travers son intercession, puisse la Sainte Eglise trouver la force de porter à terme la mission qui lui a été confiée par le Seigneur. "A lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles". (
Ap 1,5-6). Amen.



HOMÉLIE LORS DE LA MESSE EN CONCLUSION DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L'ASIE


Dimanche 7 novembre 1999



"Conduisez-vous en enfants de lumière; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité" (Ep 5,8-9).

Chers frères et soeurs,

1. Aujourd'hui, dans ce grand pays, de nombreuses personnes célèbrent la Fête des Lumières. Nous nous réjouissons avec eux et, au cours de cette Eucharistie, ici, à New Delhi, en Inde, sur le continent asiatique, nous exultons également dans la lumière et témoignons de Celui qui est "la lumière véritable qui éclaire tout homme" (Jn 1,8).

Dieu, le Père de toutes miséricordes, m'a donné la joie de venir parmi vous pour promulguer l'Exhortation apostolique post-synodale "Ecclesia in Asia", fruit des travaux de l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques qui s'est tenu l'an dernier à Rome. Quelle a été la signification de ce Synode pour l'Asie? Il s'agissait d'une réunion d'évêques représentant l'Eglise sur ce continent. Qu'ont fait les évêques? Avant tout, ils ont écouté l'Esprit dans la prière; ils ont réfléchi sur le chemin parcouru jusqu'à présent par l'Eglise parmi les peuples d'Asie; ils ont reconnu la grâce de l'"heure" que l'Eglise vit actuellement sur ce continent; ils ont engagé tout le peuple de Dieu à une fidélité toujours plus grande au Seigneur et à la tâche évangélique qu'il a confiée à tous les baptisés pour le bien de la famille humaine.


2. Ici, aujourd'hui, chers frères et soeurs, vous représentez la Communauté catholique non seulement d'Inde, mais de tout le continent asiatique, et je remets entre vos mains l'Exhortation apostolique post-synodale pour guider la vie spirituelle et pastorale de l'Eglise sur ce continent, tandis que nous nous apprêtons à entrer dans un nouveau siècle et un nouveau millénaire chrétien.
735 Il est opportun que ce document ait été signé et promulgué en Inde, le berceau de nombreuses cultures, religions et traditions spirituelles asiatiques antiques. Ces anciennes civilisations asiatiques ont forgé la vie des peuples de ce continent et ont laissé une marque indélébile dans l'histoire de la race humaine. D'éminents représentants des diverses communautés chrétiennes et des grandes religions de l'Inde sont présents ici aujourd'hui. Je les salue tous avec estime et amitié, et je leur exprime mon espoir et mon rêve que le siècle prochain soit un temps de dialogue fructueux, qui conduira à une nouvelle relation de compréhension et de solidarité parmi les fidèles de toutes les religions.


3. Je désire remercier Mgr Alan de Lastic, le pasteur de l'archidiocèse qui accueille cette assemblée eucharistique, de ses aimables paroles de bienvenue. Je salue tous mes frères évêques de l'Eglise latine, de l'Eglise syro-malabare et de l'Eglise syro-malankare. J'embrasse les cardinaux et évêques qui sont venus d'autres pays pour partager la joie de cet événement.

Je suis reconnaissant au grand nombre de prêtres présents, qui partagent l'unique sacerdoce de Jésus-Christ avec les évêques et prêtres d'Asie et du monde. Chers frères prêtres, adoptez comme règle de vie ces paroles de la liturgie de l'ordination: "Reçois l'Evangile du Christ dont tu es le serviteur, médite la loi de Dieu, crois en ce que tu lis, prêche ce que tu crois et pratique ce que tu prêches".

Avec une grande affection dans le Seigneur, je salue les religieux et les religieuses. Que vous soyez engagés dans la contemplation ou oeuvriez dans l'apostolat actif, votre témoignage de la suprématie de l'esprit vous place au centre de la vie et de la mission de l'Eglise en Asie. Pour cela, je vous remercie et vous encourage.

Je confie de façon particulière les fruits du Synode aux membres laïcs, car c'est vous qui êtes avant tout appelés à transformer la société en diffusant l'"esprit du Christ" dans la mentalité, les habitudes, les lois et les structures du monde dans lequel vous vivez (cf. Ecclesia in Asia ). L'un des principaux défis qui se présente à vous est de faire resplendir la lumière de l'Evangile sur la famille, et sur la défense de la vie et de la dignité humaine. Vous apportez le témoignage de votre foi dans un monde de contrastes. D'un côté, il y a un immense progrès économique et technologique; de l'autre, il y a encore des situations d'extrême pauvreté et d'injustice. Le Synode a fait retentir le cri des antiques prophètes, qui appelait à la justice, à un ordre juste de la société humaine, sans lequel il ne peut y avoir de véritable culte de Dieu (cf. Is
Is 1,10-17 Am 5, 21, Am 24 Ecclesia in Asia ). L'Eglise se tourne vers les hommes et femmes laïcs d'Asie pour refléter la lumière du Christ partout où l'obscurité du péché, la division et la discrimination déforment l'image de Dieu dans ses enfants.


4. "La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie" (Jn 1,5).

Ces paroles de saint Jean dans l'Evangile d'aujourd'hui nous parlent de Jésus-Christ. Sa vie et son oeuvre sont la lumière qui illumine notre chemin vers notre destin transcendant. La Bonne nouvelle de l'Incarnation du Sauveur, de sa mort et de sa Résurrection pour notre bien, illumine le chemin de l'Eglise dans son pèlerinage à travers l'histoire vers la plénitude de la Rédemption.

Le Synode que nous concluons aujourd'hui s'est réjoui à l'idée de la naissance de Jésus sur le sol asiatique. Le Verbe éternel s'est fait chair comme Asiatique! Et ce fut sur ce continent, à travers la prédication de l'Evangile par la force de l'Esprit Saint, que l'Eglise annonça la Bonne Nouvelle.
Avec les chrétiens à travers le monde, l'Eglise qui est en Asie franchira le seuil du nouveau millénaire en rendant grâce pour tout ce que Dieu a fait, depuis le début jusqu'à aujourd'hui. Tout comme le premier millénaire a vu la Croix fermement plantée dans le sol européen, et le second sur celui d'Amérique et d'Afrique, de même, puisse le troisième millénaire chrétien être le témoin d'une grande moisson de foi sur cet immense et vivant continent (cf. Ecclesia in Asia ).


5. Alors que nous sommes au seuil du grand Jubilé qui commémorera le 2.000 anniversaire de la naissance de Jésus-Christ, la communauté de ses disciples est appelée à remédier au grand refus mentionné dans le prologue de l'Evangile de saint Jean: "Le monde fut par lui, et le monde ne l'a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l'ont pas accueilli" (1, 10-11). Le Verbe éternel, "la lumière véritable, qui éclaire tout homme [...] venait dans le monde" (ibid., 1, 9). Mais au lieu de resplendir librement, cette lumière est souvent freinée et obscurcie par les ténèbres. Dans le coeur du pécheur, cette lumière est rejetée. Et les péchés des individus s'unissent et se consolident dans des structures sociales d'injustice, dans des déséquilibres économiques et culturels qui discriminent les peuples et les relèguent aux marges de la société. Le signe que nous célébrons véritablement le Jubilé en tant qu'année de grâce du Seigneur (cf. Is Is 61,2), sera notre conversion à la lumière et nos efforts en vue de restaurer l'égalité et pour faire progresser la justice à tous les niveaux de la société.


6. "A tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu" (Jn 1,12).
736 Dans l'Eucharistie, nous rendons grâce à Dieu le Père pour les nombreux dons qu'ils nous a accordés, et en particulier pour le don de son Fils bien-aimé, notre Sauveur Jésus-Christ. Jésus-Christ est le témoin fidèle et véritable (cf. Ap 3,14).

Le Synode rappelle aux chrétiens asiatiques que "la vie parfaitement humaine de Jésus consacrée entièrement à l'amour et au service du Père et de l'homme, révèle que la vocation de chaque être humain est de recevoir l'amour et de donner l'amour en retour" (Ecclesia in Asia ). Dans les saints, nous nous émerveillons de la capacité inépuisable du coeur humain à aimer Dieu et l'homme, même lors-que cela implique une grande souffrance. L'héritage de tant de sages maîtres en Inde et dans d'autres régions d'Asie ne va-t-il pas dans la même direction? Un tel enseignement est toujours valable aujourd'hui. En effet, il est plus nécessaire que jamais! Le monde ne sera transformé que si les hommes et les femmes de bonne volonté et toutes les nations, acceptent sincèrement que le seul chemin digne de la famille humaine soit le chemin de la paix, du respect mutuel, de la compréhension, de l'amour et de la solidarité envers ceux qui sont dans le besoin.

Chers frères et soeurs, qu'est-ce que l'Eglise demande à ses membres à l'aube d'un nouveau millénaire? Par-dessus tout, que vous soyez des témoins convaincants car vous incarnez dans votre vie le message que vous proclamez. Comme Ecclesia in Asia le rappelle à tous: un feu ne peut être allumé que par quelque chose qui est lui-même enflammé. L'Evangile ne peut être prêché que si les évêques, le clergé, les personnes consacrées et les laïcs sont eux-mêmes embrasés par l'amour du Christ et brûlants de zèle pour le faire connaître, le faire aimer et le faire suivre (cf. n. 23).

Tel est le message du Synode: un message d'amour et d'espérance pour les peuples de ce continent. Puisse l'Eglise qui est en Asie accueillir ce message afin qu'"ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" (Jn 10,10). Par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen.



HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE


Palais des Sports

Tbilissi, Mardi 9 novembre 1999


1. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3,16).

Très chers frères et soeurs de la Géorgie, je viens à vous avec cette annonce d'espérance: Dieu vous aime! Le Père qui est aux Cieux a donné son Fils unique également pour vous, bien-aimés Fils de cette terre riche d'histoire. En cette dernière année du siècle et du millénaire, année consacrée à Dieu le Père, toute l'Eglise s'est, pour ainsi dire, plongée dans le mystère de l'amour de Dieu, pour arriver renouvelés par la Miséricorde divine et franchir la Porte Sainte du grand Jubilé.

Sans Dieu, l'homme ne peut se trouver pleinement lui-même, ni peut trouver le bonheur véritable. Sans Dieu, l'homme finit par aller contre lui-même, ne pouvant édifier un ordre social qui porte un respect adéquat aux droits fondamentaux de la personne et de la coexistence civile.

Eglise de Dieu qui habites sur cette terre des Kartveli, je viens à toi comme pèlerin du Siège de Rome, honoré par le sang des martyrs Pierre et Paul, et je te répète les paroles de l'Apôtre des nations: "Vous êtes le champ de Dieu, l'édifice de Dieu [...] Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous" (1Co 3,9 1Co 3,17).


2. Grande est mon émotion et profonde est la joie que j'éprouve en vous rendant visite, frères et soeurs du noble peuple géorgien. Je salue avant tout le Président de Géorgie, M. Shevardnadze, et je le remercie d'avoir voulu honorer cette rencontre de sa présence. J'embrasse avec une sincère affection toute la communauté catholique de rite latin qui vit dans ce pays, ainsi que son Administrateur apostolique, Mgr Giuseppe Pasotto; celle de rite arménien-catholique, dont l'Ordinaire, S.Exc. Mgr Nerses Der Nersessian, est actuellement hospitalisé: je lui adresse une pensée et des voeux affectueux; j'embrasse également la Communauté assyro-chaldéenne, ainsi que son curé. Je salue de façon particulière tous les prêtres et toutes les personnes consacrées.

737 Ma pensée s'étend à ceux qui s'unissent à nous en esprit, en particulier aux malades et aux personnes plus âgées, ainsi qu'à ceux qui sont venus d'autres pays. La Géorgie a toujours été dans mon coeur au cours des difficiles et tristes années de la persécution et je suis heureux maintenant d'être ici pour prier avec vous et rendre grâce à Dieu pour la liberté recouvrée.


3. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle" (
Jn 3,16). Voilà la "Bonne Nouvelle", dans laquelle se trouve la source de l'espérance pour tout homme! Il s'agit de la semence évangélique que le Christ, après la résurrection, a confiée à son Eglise, afin qu'elle la sème dans les sillons de l'histoire: "Dieu est amour" (1Jn 4,8 1Jn 4,16) et entoure chaque créature de sa providence. Le signe suprême de cet amour est le sacrifice du Fils unique et le don de l'Esprit Saint, qui renouvelle le coeur des hommes et la face de la terre.

L'Eglise se prépare à célébrer, à travers le grand Jubilé, le bimillénaire de la naissance du Christ, qui coïncidera avec le troisième millénaire de la Nation géorgienne. Je viens parmi vous, très chers fidèles, précisément à la veille du grand événement jubilaire, et je vous invite à accueillir dans sa plénitude le grand don de cette "année de grâce du Seigneur" (Lc 4,19).

Cette annonce n'est pas seulement adressée à vous, frères et soeurs de la Géorgie, mais de cette terre qui m'est chère, je la proclame également au monde chrétien européen, dont vous avez été un avant-poste. La Géorgie, tendue depuis toujours à travers sa culture, son histoire et sa foi vers l'Occident, a apporté sa propre contribution à l'Europe chrétienne. Au coeur de tout homme et de toute femme, je voudrais répéter que Dieu "a donné son Fils unique" pour chacun et pour tous. A travers son Incarnation, le Fils de Dieu s'est uni de façon certaine à chaque homme (cf. Concile oecuménique Vatican II, Gaudium et spes GS 22).


4. "Dieu est pour nous refuge et force" (Ps 46 [45], 2). Dans cette invocation, qui résonne dans le Psaume responsorial, j'entends votre voix, frères et soeurs de la Géorgie! J'entends résonner la voix de vos pères qui, tout au long des siècles, ont défendu avec amour et sacrifice la foi chrétienne, en affrontant parfois de dures et lourdes persécutions. Auprès de leurs autres frères chrétiens, les catholiques ont apporté leur contribution à la culture et à la civilisation de la Géorgie. Ils ont fait connaître et apprécier, au-delà même des frontières du pays, et souvent dans des conditions très difficiles, les valeurs et les hommes illustres de leur patrie.

Continuez à vivre dans l'amour du Christ, qui appelle ses disciples à être miséricordieux et compréhensifs les uns envers les autres. Cet amour exige des chrétiens de marcher avec engagement vers la pleine unité, pour laquelle le Christ a adressé une prière au Père peu avant sa passion: "...pour que tous soient un!" (Jn 17,21).

En outre, la Géorgie a toujours été une terre d'hospitalité et d'accueil particuliers, se présentant comme un modèle de respect et de tolérance également à l'égard des autres religions. Un signe éloquent de votre capacité consolidée de coexistence et de collaboration entre toutes les personnes de bonne volonté est constitué par le fait que, non loin d'ici, se trouvent, proches les uns des autres, les principaux lieux de culte des chrétiens, des juifs et des musulmans.


5. Le peuple géorgien, formé depuis l'antiquité aux valeurs chrétiennes, possède un sens profond du caractère sacré de la famille. Soyez toujours les gardiens de ce grand patrimoine: défendez et promouvez la famille dans le milieu social et politique, mais avant tout, soyez vous-mêmes des témoins de fidélité conjugale et de responsabilité dans l'éducation des enfants.

Les conjoints chrétiens et leurs familles sont protagonistes de l'annonce à toute la société de l'Evangile de l'amour à travers l'exemple d'une vie simple, laborieuse, accueillante, attentive aux pauvres, sur le modèle de la Sainte Famille de Nazareth. Je bénis aujourd'hui avec une grande affection toutes vos familles, vos enfants, les jeunes et les personnes âgées. Apportez dans vos foyers le salut du Pape!


6. Frères et soeurs, engagez-vous afin que toute la société devienne une grande famille, marquée par une solidarité et une paix authentiques. Je sais que cela n'est pas facile, notamment suite à la longue période de domination athée, une période que tous les croyants ont payée chèrement. Au cours de ces longues années, la communauté catholique a vu sa présence réduite au strict minimum. Des prêtres intrépides, véritables exemples de pasteurs, ont réalisé des efforts souvent inhumains pour alimenter la foi, dans la mesure du possible.

Vous vous trouvez aujourd'hui dans une situation fortement fragmentée, frappée, d'une part, par la pauvreté et déjà tentée, d'autre part, par le sécularisme et la consommation. Ne perdez pas courage! Que la lumière et la force de l'Evangile soutiennent vos pas!

738 Soyez toujours généreux avec ceux d'entre vous qui sont dans le besoin, comme vous le faites déjà en tirant profit des initiatives de la Caritas et d'autres formes louables de partage. Je sais combien le peuple géorgien apprécie l'oeuvre inlassable de ces ministres de la charité, qui ont oeuvré au service de tous, sans distinction, mais en regardant seulement le besoin réel. Avec l'aide de la doctrine sociale chrétienne, soyez des personnes honnêtes et compétentes, disposées à s'engager dans le domaine social et politique, au service du bien commun.


7. Eglise de Dieu qui es en Géorgie, laisse-toi irriguer pleinement par l'eau vive de l'Esprit Saint! Aide tes fils à ne pas se conformer à la mentalité de ce monde, mais à rester toujours à l'écoute de l'Esprit du Christ Rédempteur, pour discerner ce qui est bon et parfait aux yeux de Dieu (cf.
Rm 2,2). Alors, tu seras comme une ville placée sur le mont, dont la lumière n'est pas cachée, mais qui est pour tous un témoignage de vérité et de liberté, d'amour et de paix.

Que la Très Sainte Vierge Marie, icône vivante de l'amour de Dieu, te protège et t'accompagne. Je te confie, ainsi que ton entrée dans le troisième millénaire, à son assistance maternelle et à celle de tes Saints Patrons.

Peuple de Dieu en chemin sur cette bien-aimée terre de Géorgie, avance avec confiance: Dieu t'a tant aimé! Que son amour soit ta force aujourd'hui et à jamais!
Amen.




HOMÉLIE LORS DE LA CÉLÉBRATION OECUMÉNIQUE

EN LA MÉMOIRE DE SAINTE BRIGITTE DE SUÈDE, CO-PATRONNE DE L'EUROPE

Samedi 13 novembre 1999


1. "Voici, je fais l'univers nouveau [...] Ces paroles sont certaines et vraies" (Ap 21,5).

Le Christ fait l'univers nouveau. Sainte Brigitte, fille illustre de Suède, crut intensément et avec un profond amour dans le Christ. A travers son chant de foi et ses bonnes oeuvres, elle embellit l'Eglise, dans laquelle elle reconnaissait la communauté des croyants, le lieu habité par l'Esprit de Dieu.

Aujourd'hui, nous rappelons cette sainte extraordinaire, et je suis particulièrement heureux d'avoir auprès de moi au cours de cette célébration les plus hauts représentants des Eglises luthériennes de Suède et de Finlande, avec mes vénérés frères évêques de Stockholm et de Copenhague. Je souhaite à chacun d'eux une affectueuse bienvenue.

Je salue également avec respect le roi et la reine de Suède, qui ont choisi d'honorer cette célébration de leur présence. Mes salutations s'adressent également aux dirigeants politiques présents ici avec nous. Enfin, je vous salue toutes, chères Soeurs du Très Saint- Sauveur de Sainte-Brigitte, guidées par votre Supérieure générale.


2. Une fois de plus, nous sommes réunis ici pour renouveler devant le Seigneur l'engagement à l'unité de la foi et à l'unité de l'Eglise que sainte Brigitte entreprit avec une si grande conviction dans des périodes de trouble. La passion pour l'unité chrétienne soutint toute sa vie. Et, grâce à son témoignage et au témoignage de Mère Elizabeth Hesselblad, cet engagement nous est parvenu à travers ce courant mystérieux de grâce qui transcende les frontières du temps et de l'espace.

739 La célébration d'aujourd'hui nous encourage à méditer sur le message de sainte Brigitte, que j'ai récemment voulu proclamer co-patronne de l'Europe, avec sainte Catherine de Sienne et sainte Thérèse Bénédicte de la Croix. L'amour dynamique de sainte Brigitte pour l'Eglise du Christ et son témoignage de la Croix constituent un point de rencontre pour nous tous, tandis que nous nous préparons à franchir le seuil du nouveau millénaire.

Je suis très heureux, au terme de notre célébration de ce soir, d'inaugurer et de bénir une statue qui rendra plus vivante ici, au Vatican, la mémoire de ce grand témoin de la foi. Placée à l'extérieur de cette Basilique, juste à côté de la porte appelée "Porte de la Prière", la statue de marbre de sainte Brigitte représentera une invitation constante à prier et à oeuvrer toujours pour l'unité chrétienne.


3. Ma pensée se tourne à présent vers le 5 octobre 1991, lorsque, dans cette même Basilique, eut lieu une solennelle célébration oecuménique pour le VI centenaire de la canonisation de sainte Brigitte. Je disais alors: "Depuis désormais vingt ans, luthériens et catholiques oeuvrent pour retrouver la voie commune [...] Le dialogue théologique a remis en lumière le vaste patrimoine de foi qui nous unit [...] Personne n'ignore que de la doctrine de la justification est née la Réforme protestante et qu'elle a rompu l'unité des chrétiens d'Occident. Sa compréhension commune [...] nous aidera, nous en sommes certains, à résoudre les autres controverses qui y sont directement ou indirectement liées" (Homélie du Pape Jean-Paul II au cours de la Rencontre de prière pour l'unité des chrétiens à Saint-Pierre, 5 octobre 1991, in O.R.L.F. n. 40 du 8 octobre 1999).

Cette "compréhension commune" que je souhaitais il y a neuf ans, est devenue aujourd'hui, grâce au Seigneur, une réalité encourageante. Le 31 octobre dernier, dans la ville d'Augsbourg, a été signée une Déclaration commune, dans laquelle luthériens et catholiques sont parvenus à un accord sur des vérités fondamentales de la doctrine de la justification. Cette acquisition du dialogue oecuménique, pierre milliaire sur le chemin vers l'unité pleine et visible, est le résultat d'un intense travail de recherche, de rencontres et de prière.

Nous avons toutefois encore un long chemin à parcourir: "grandis restat nobis via". Nous devons faire encore plus, conscients des responsabilités qui nous incombent à tous au seuil d'un nouveau millénaire. Nous devons continuer à marcher ensemble, soutenus par le Christ, qui au Cénacle, à la veille de sa mort, a prié le Père afin que tous ses disciples "ne soient qu'un" (
Jn 17,21).


4. Dans le texte de la Déclaration commune, il est écrit à juste titre que l'accord atteint par les catholiques et les luthériens "dans des vérités fondamentales de la doctrine de la justification doit avoir des conséquences et trouver sa confirmation dans la vie et l'enseignement des Eglises" (n. 43).
Sur cette voie, nous nous confions à l'action incessante de l'Esprit Saint. Nous plaçons, en outre, également notre confiance en ceux qui, avant nous, ont tant aimé le Christ et sa Croix et ont prié, comme sainte Brigitte, pour cette caractéristique irremplaçable de l'Eglise qu'est son unité.

Nous ne connaissons pas le jour de notre rencontre avec le Seigneur. C'est pourquoi l'Evangile nous appelle à veiller en tenant nos lampes allumées, afin que lorsque l'Epoux arrivera, nous puissions être prêts à l'accueillir. Dans cette attente vigilante, retentit dans le coeur de chaque croyant l'invocation du divin Maître: "Ut unum sint".

Que sainte Brigitte soit pour nous un exemple et intercède pour nous. A vous, ses très chères filles spirituelles de l'Ordre du Très Saint-Sauveur, je demande en particulier de poursuivre fidèlement votre apostolat précieux au service de l'unité.

Le nouveau millénaire est désormais à nos portes: Que "le Christ hier, aujourd'hui et à jamais" soit le centre et le but de chacune de nos aspirations. C'est lui qui rend l'univers nouveau, et trace pour ses fidèles un itinéraire de joyeuse espérance. Prions incessament afin qu'Il nous accorde la sagesse et la force de son Esprit; invoquons-le afin que tous les chrétiens atteignent l'unité le plus tôt possible. Rien n'est impossible à Dieu!



14 novembre 1999, Dédicace de la Chapelle "Redemptoris Mater"
740 Dimanche 14 novembre 1999


1. L'ange "me montra la Cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, de chez Dieu, avec en elle la gloire de Dieu" (
Ap 21,10).

La page du Livre de l'Apocalypse, que nous venons d'entendre, nous invite à élever le regard vers la Jérusalem céleste, remplie de lumière, splendide comme une pierre précieuse, presque comme une pierre de jaspe cristallin. Dans les représentations qui ornent cette chapelle, que nous inaugurons aujourd'hui, se réflètent les visions que Jean eût sur l'île de Patmos, où il se trouvait "à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus" (Ap 1,9).

Nous voyons se détacher, sur le mur d'en face, la ville sainte "munie d'un rempart de grande hauteur pourvu de douze portes" (Ap 21,12). Sur elle resplendit la gloire de la Trinité, qui se déverse sur la multitude des bienheureux, situés en dessous, trois par trois, comme des icônes vivantes du grand Mystère. En déplaçant notre regard sur les autres parois, l'on découvre, à travers des images et des symboles, une synthèse grandiose de toute l'"économie" du salut.


2. L'image de la Redemptoris Mater, qui trône sur le mur central, présente à nos yeux le mystère de l'amour de Dieu, qui s'est fait homme pour nous donner, à nous, êtres humains, la capacité de devenir des enfants de Dieu (cf. Saint Augustin, Sermo 128: PL 39, 1997).

Désormais au seuil du troisième millénaire, je voudrais souligner ce message de salut et de joie, que le Christ, né de Marie, a apporté à l'humanité.

En contemplant l'image de la Vierge Mère, nous entendons retentir dans notre âme l'invitation que nous avons écoutée dans la première Lecture, tirée du Livre de Néhémie: "Ne vous affligez point: la joie de Yahvé est votre forteresse!" (8, 10).


3. Je suis heureux de consacrer l'autel et d'inaugurer cette chapelle rénovée, dont les mosaïques font revivre la richesse de la tradition orientale, relue avec la conscience de celui qui connaît également la tradition occidentale. Ici, l'Orient et l'Occident, loin de s'opposer entre eux, s'échangent des dons dans l'intention de mieux exprimer les insondables richesses du Christ.
Je remercie tous ceux qui ont travaillé avec dévouement et amour à la réalisatoin de cette oeuvre, qui se présente comme l'expression de cette théologie à deux poumons à laquelle l'Eglise du troisième millénaire peut puiser une nouvelle vitalité.

Je remercie, en particulier, les Cardinaux qui ont voulu rappeler à travers ce don le cinquantième anniversaire de mon sacerdoce: c'est pour moi un motif de joie que cette fête soit liée à la Redemptoris Mater, sous la protection de laquelle j'ai vécu au cours de toutes ces années mon service à l'Eglise et à l'intercession de laquelle je confie le temps que le Seigneur voudra encore m'accorder.


4. Le passage évangélique que nous avons écouté nous a conduits dans la région de Césarée de Philippe, là où le Christ posa à ses disciples la question cruciale: "Mais pour vous, qui suis-je?" (Mt 16,15). En parcourant le message qui apparaît sur les mosaïques des murs, il est possible de lire la réponse que l'Eglise continue à donner, aujourd'hui encore, à la question de son Seigneur. Il s'agit de la même réponse que Pierre formula ce jour-là: "Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant" (Mt 16,16).

741 Avec une humble confiance, nous faisons nôtre cette profession de foi, tout en sachant qu'elle vient "non de la chair et du sang", mais du Père "qui est dans les cieux" (cf. Mt Mt 16,17).
"Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant", le même "hier, aujourd'hui et à jamais".
Amen!


21 novembre 1999, Canonisation de Cirilo Bertrán et 8 compagnons, Inocencio de la Inmaculada, Benito Menni, Tommaso da Cori
Dimanche 21 novembre 1999,


1. "Il prendra place sur son trône de gloire" (Mt 25,31).

La solennité liturgique d'aujourd'hui est dominée par le Christ, Roi de l'univers, Pantocràtor, tel qu'il resplendit dans l'abside des antiques basiliques chrétiennes. Nous contemplons cette image majestueuse en ce dernier dimanche de l'année liturgique.

La royauté de Jésus-Christ est, selon les critères du monde, paradoxale: elle est le triomphe de l'amour, qui se réalise dans le mystère de l'incarnation, de la passion, de la mort et de la résurrection du Fils de Dieu. Cette royauté salvifique se révèle pleinement dans le sacrifice de la Croix, acte suprême de miséricorde, dans lequel s'accomplit en même temps le salut du monde et son jugement.

Chaque chrétien participe à la royauté du Christ. Dans le Baptême, il reçoit avec la grâce intérieure une impulsion à faire de son existence un don gratuit et généreux à Dieu et à ses frères. Cela apparaît de façon particulièrement éloquente dans le témoignage des saints et des saintes, qui sont des modèles d'humanité renouvelée par l'amour divin. Parmi eux, c'est avec joie que nous comptons, à partir d'aujourd'hui, Cirilo Bertrán et huit compagnons, Inocencio de la Inmaculada, Benedetto Menni et Tommaso da Cori.


2. "Le Christ doit régner" avons-nous entendu dire saint Paul dans la seconde lecture. Le royaume du Christ doit être construit, dès à présent, sur cette terre à travers le service au prochain, en luttant contre le mal, la souffrance et la misère humaine, jusqu'à vaincre la mort. La foi dans le Christ ressuscité rend possible l'engagement et le don de nombreux hommes et femmes pour transformer le monde, pour le restituer au Père: "Ainsi Dieu sera tout pour tous".

C'est ce même engagement qui anima Frère Cirilo Bertrán et ses sept compagnons, Frères des Ecoles chrétiennes du Collège "Notre-Dame de Covadonga", qui étant tous nés en terre espagnole, à part l'un d'eux né en Argentine, couronnèrent leur vie par le martyre à Turón (Asturies) en 1934, en même temps que le Père passionniste Inocencio de la Inmaculada. Ne craignant pas de verser leur sang pour le Christ, ils vainquirent la mort et participent à présent à la gloire dans le Royaume de Dieu. C'est pourquoi, je suis aujourd'hui heureux de les inscrire dans l'album des saints, en les proposant à l'Eglise universelle comme modèles de vie chrétienne et nos intercesseurs devant Dieu.
742 Au groupe des martyrs de Turón s'ajoute Frère Jaume Hilari de la même Congrégation religieuse, qui fut assassiné à Tarragone trois ans plus tard. Alors qu'il pardonnait à ses bourreaux, il s'exclama: "Mes amis, mourir pour le Christ signifie régner".

Chacun d'eux, comme le rapportent les témoins, se prépara à la mort de la même façon qu'il vécut: avec une prière persévérante, un esprit de fraternité, sans cacher sa condition de religieux, avec la fermeté de ceux qui savent qu'ils sont des citoyens du ciel. Ils ne sont pas les héros d'une guerre humaine à laquelle ils ne participèrent pas, mais furent des éducateurs de la jeunesse. En raison de leur condition de personnes consacrées et de maîtres, ils affrontèrent leur destin tragique comme d'authentiques témoins de la foi, donnant à travers leur martyre la dernière leçon de leur vie. Que leur exemple et leur intercession parvienne à toute la famille lasallienne et à toute l'Eglise!


3. "Venez, les bénis de mon père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde [...] car j'étais malade et vous m'avez visité" (
Mt 25,34-36). Ces paroles de l'Evangile prononcées aujourd'hui ont sans doute été familières à Benito Menni, prêtre de l'Ordre de Saint-Jean de Dieu. Son dévouement aux malades, vécu selon le charisme hospitalier, guida son existence.

Il puisait sa spiritualité à sa propre expérience de l'amour que Dieu lui donnait. Grand dévot du Coeur de Jésus, Roi du ciel et de la terre, et de la Vierge Marie, il puisait en eux la force pour son dévouement charitable à l'égard de son prochain, surtout de ceux qui souffrent: les personnes âgées, les enfants tuberculeux, les poliomyélitiques et les malades mentaux. Il accomplit son service à son Ordre et à la société avec humilité selon le charisme hospitalier, avec une intégrité irréprochable qui le transforme en modèle pour beaucoup de personnes. Il fut le promoteur de diverses initiatives, guidant plusieurs jeunes filles qui formèrent le premier noyau du nouvel institut religieux, et fondant à Ciempozuelos (Madrid) les Soeurs Hospitalières du Sacré-Coeur de Jésus. Son esprit de prière le conduisit à approfondir le mystère pascal du Christ, source de compréhension de la souffrance humaine et chemin de la résurrection. En ce jour du Christ-Roi, saint Benito Menni illumine par l'exemple de sa vie ceux qui désirent suivre les traces du Maître sur les chemins de l'accueil et de l'hospitalité.


4. "J'aurai soin moi-même de mon troupeau et je m'en occuperai" (Ez 34,11).

Tommaso da Cori, prêtre de l'Ordre des Frères mineurs, a été l'image vivante du Bon Pasteur. Comme guide plein d'amour, il a su conduire les frères confiés à ses soins vers les pâturages de la foi, toujours animé par l'idéal franciscain.

Dans son couvent, il révéla son esprit de charité, se montrant disponible à toutes les exigences, mêmes les plus humbles. ll vécut la royauté de l'amour et du service, selon la logique du Christ qui, comme le chante la Liturgie d'aujourd'hui, "s'est sacrifié lui-même, victime de paix immaculée sur l'autel de la croix, accomplissant le mystère de la rédemption humaine" (Préface du Christ-Roi).

En authentique disciple du Poverello d'Assise, saint Tommaso da Cori fut obéissant au Christ, Roi de l'Univers. Il médita et incarna dans son existence l'exigence évangélique de la pauvreté et du don de soi à Dieu et au prochain. Toute sa vie apparaît ainsi comme un signe de l'Evangile, un témoignage de l'amour du Père céleste, révélé dans le Christ et agissant dans l'Esprit Saint, pour le salut de l'homme.


5. Nous rendons grâce à Dieu qui, sur les sentiers du temps, ne cesse de susciter des témoins lumineux de son Royaume de justice et de paix. Les douze nouveaux saints, que j'ai aujourd'hui la joie de proposer à la vénération du Peuple de Dieu, nous indiquent le chemin à parcourir pour parvenir préparés au grand Jubilé de l'An 2000. En effet, il n'est pas difficile de reconnaître dans leur caractère exemplaire quelques éléments qui caractérisent l'événement jubilaire. Je pense en particulier au martyre et à la charité (cf. Incarnationis Mysterium, nn. 12-13). De façon plus générale, la célébration d'aujourd'hui rappelle le grand mystère de la communion des saints, fondement de l'autre élément caractéristique du Jubilé qui est l'indulgence (cf. ibid., nn. 9-10).

Les saints nous indiquent la voie du Royaume des cieux, la voie de l'Evangile accueilli radicalement. Dans le même temps, ils soutiennent notre certitude sereine que chaque réalité créée trouve dans le Christ son accomplissement et que, grâce à Lui, l'univers sera remis à Dieu le Père pleinement renouvelé et réconcilié dans l'amour.

Puissent saint Cirilo Bertrán et ses huit compagnons, saint Inocencio de la Inmaculada, saint Benito Menni et saint Tommaso da Cori, nous aider à parcourir nous aussi ce chemin de perfection spirituelle. Que nous soutienne et nous protège toujours Marie, Reine de tous les Saints, que précisément aujourd'hui nous contemplons lors de sa présentation au Temple. En suivant son exemple, nous pouvons nous aussi collaborer fidèlement au mystère de la Rédemption. Amen!



743 28 novembre 1999, Visite à la Paroisse de Saint Innocent Pape et Saint Guido Evêque - Rome
Dimanche 28 novembre 1999


1. "Veillez.... Veillez!" (cf. Mc
Mc 13,35 Mc Mc 13,37).

Cet appel incessant à la vigilance et cette invitation pressante à être prêts à accueillir le Seigneur qui vient, caractérisent la période liturgique de l'Avent que nous commençons aujourd'hui. L'Avent est un temps d'attente et de préparation intérieure à la rencontre avec le Seigneur. Disposons donc notre esprit à entreprendre, avec joie et décision, ce pèlerinage spirituel qui nous conduira à la célébration du Saint Noël.

Cette année, il existe également une raison supplémentaire qui rend plus intense et plus profond l'appel à entreprendre avec ardeur l'itinéraire de l'Avent. En effet, au cours de la Nuit Sainte et le jour de Noël, aura lieu l'ouverture tant attendue de la Porte Sainte à Saint-Pierre et dans la basilique du Latran.

Cet Avent constitue donc, dans un certain sens, une préparation immédiate au temps spécial de grâce et de pardon qu'est le grand Jubilé, au cours duquel nous commémorerons avec gratitude et joie les deux mille ans de la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Chers frères et soeurs, illuminés par la Parole de Dieu et soutenus par la grâce du Seigneur, mettons-nous en marche vers le Seigneur qui vient. Mais dans quel but "Dieu vient-il", ou, comme le dit souvent la Bible, "nous rend visite"? Dieu vient pour sauver, pour faire entrer ses enfants dans la communion de son amour.


2. Je suis heureux de commencer ce temps d'attente avec votre communauté paroissiale. Cette occasion est également propice pour remercier votre paroisse, ainsi que toutes les autres paroisses romaines, de l'engagement dont elles ont fait preuve pour préparer l'Année Sainte, en particulier à travers la mission dans la ville. Combien de fidèles, de prêtres, de religieux, de religieuses et de laïcs se sont-ils laissés interpeller personnellement par l'annonce et par le témoignage de l'Evangile!
L'Annonce du Christ est ainsi presque parvenue à chaque homme et à chaque femme de notre ville. Poursuivons cette oeuvre, qui intéresse tous les croyants, et faisons en sorte que Rome soit prête à vivre en plénitude la grâce de l'événement jubilaire.

A ce propos, j'ai à coeur de répéter aujourd'hui ce que j'ai récemment écrit à tous les Romains: "Rome chrétienne, n'hésite pas à ouvrir les portes de tes maisons aux pèlerins. Exerce avec joie l'hospitalité fraternelle" (Lettre aux Romains à l'imminence du grand Jubilé de l'An 2000, n. 4). La Ville et le diocèse de Rome ne seront en mesure d'accueillir de façon adaptée les pèlerins, qui viendront ici de toutes les parties du monde pour le Jubilé, que si elles sont les premières à savoir ouvrir leur esprit et leur coeur à l'ineffable mystère du Verbe qui s'est fait chair.

Ouvrir les portes de l'âme au grand mystère de l'Incarnation, en accueillant à la vie le Fils de Dieu qui vient au monde, tel est l'engagement de cet Avent. Pour les communautés chrétiennes présentes et actives dans la Capitale, il s'agit également de la condition indipensable pour accomplir le chemin de conversion proposé par la célébration de l'Année Sainte et pour reconnaître en Jésus-Christ l'unique Sauveur du monde, hier, aujourd'hui et à jamais.

744 3. Très chers frères et soeurs de la paroisse "Saint Innocent Pape et saint Guido Evêque"! C'est avec ces sentiments et ces voeux, que, désormais proches du début de l'Année jubiliaire, je vous salue tous avec une grande affection. Ma pensée cordiale s'adresse, en particulier, au Cardinal-Vicaire, à l'Evêque auxiliaire du Secteur, Mgr Enzo Dieci, à votre curé zélé, Dom Maurizio Milani, et à ceux qui à divers titres collaborent avec lui dans les multiples activités paroissiales. Je salue les jeunes et les familles, les personnes âgées et les maldes, à qui j'adresse une pensée spéciale.

Au nom du diocèse de Rome, je désire remercier la Fondation Guido et Bice Schillaci Ventura, qui a rendu possible la réalisation de ce nouveau centre paroissial. Construit dix-huit ans après les débuts de la Communauté, qui furent caractérisés par un profond sentiment de précarité, il permet aujourd'hui une action apostolique plus incisive et permanente.

Il existe, hélas, encore beaucoup d'autres zones privées d'un centre paroissial adapté et mon souhait le plus vif est que ces quartiers puissent rapidement avoir, comme cela s'est produit pour vous, une maison de prière digne et accueillante, un lieu où l'on puisse se rencontrer, assurer la formation chrétienne et humaine des jeunes, offrir une assistance aux familles et de la compagnie aux personnes âgées et aux personnes seules. Ce qui m'incite à souligner cette exigence profondément ressentie est le fait que l'on célèbre aujourd'hui à Rome l'Avent de fraternité pour la construction de nouvelles églises, en particulier dans les zones de banlieue.


4. Très chers amis, rendons grâce au Seigneur pour ce qui a été réalisé jusqu'à présent. Que les infrastructures dont vous disposez vous aident à accomplir une oeuvre utile d'évangélisation, en répondant aux défis de la sécularisation et d'un certain détachement des valeurs traditionnelles du christianisme. Que les expériences spirituelles que vous vivrez soient pour vous un encouragement à intensifier l'effort d'annoncer l'Evangile, prêts à rendre raison de votre foi à tous.

Face à l'actuelle crise des valeurs, que votre témoignage chrétien dans les familles soit clair et généreux; soyez les premiers gardiens de la pureté des enfants et des jeunes; engagez-vous afin que s'ouvrent les portes des coeurs et que le Christ puisse entrer dans l'existence de chaque habitant de votre quartier.

Ne vous découragez-pas face aux difficultés inévitables! Dieu vous soutient par sa grâce et rendra fructueuses vos initiatives pastorales. Ensemble, animés par un même esprit, préparez-vous au grand rendez-vous de l'Année Sainte, en particulier au Jubilé du diocèse, au Congrès eucharistique international et à la XVème Journée mondiale de la Jeunesse. Je suis certain que ces événements constitueront un moment de profonde croissance pour votre Communauté, en communiquant un élan missionnaire renouvelé à chaque composante de votre famille paroissiale.


5. "Ah! Si tu déchirais les cieux et descendais" (
Is 63,19).

Cette invocation du prophète Isaïe exprime de façon efficace quels doivent être les sentiments de notre attente du Seigneur qui va venir. Oui! Le Seigneur est déjà venu parmi nous il y a deux mille ans et nous nous préparons à célébrer, ce Noël prochain, le grand événement de l'Incarnation. Le Christ a radicalement changé le cours de l'histoire. A la fin, il reviendra dans la gloire et nous, nous l'attendons, en nous engageant à vivre notre existence comme un avent d'espérance confiante. C'est ce que nous voulons demander à travers cette célébration liturgique.

Que Dieu nous assiste de sa grâce, car nous commençons avec ardeur et bonne volonté l'itinéraire de l'Avent, en allant au moyen des bonnes oeuvres à la rencontre du Christ, notre rédempteur (cf. Collecte). Que Marie, Fille de Sion élue par Dieu pour devenir la Mère du Rédempteur, nous guide et nous accompagne; qu'Elle rende fructueuse et riche de joie notre préparation à Noël et au grand événement jubilaire. Amen! Loué soit Jésus-Christ!

14 décembre 1999, Messe pour les Universitaires romains en préparation à Noël

1. "Le Seigneur viendra [...] ce jour-là resplendira une grande lumière" (Antienne, cf. Za Za 14,5 Za Za 14,7).
745 Les paroles de la liturgie rappellent le climat spirituel typique de l'Avent, dans lequel se situe notre célébration, en préparation aux fêtes de Noël.

Très chers jeunes étudiants, je vous accueille tous avec une grande affection. Je salue et je remercie le Professeur Giuseppe D'Ascenzo, qui, à travers de nobles paroles, a interprété les sentiments communs, et M. Antonio Cicchetti, qui a illustré le chemin déjà parcouru et celui qui est en programme en vue de la rencontre jubilaire. Je salue également avec respect Monsieur le Ministre, les Recteurs, les Professeurs et le personnel non enseignant, et je les remercie de leur présence à cette rencontre avec la communauté académique de Rome et d'Italie, commencée il y a vingt ans. Je suis heureux de saluer également les délégations des aumôneries de certaines universités européennes, jumelées avec les universités romaines.


2. Cette année, l'Avent nous prépare non seulement au Noël, mais également au grand Jubilé de l'An 2000. Dans la nuit de Noël, on ouvrira dans cette basilique Saint-Pierre la Porte Sainte. Il s'agit d'un événement qui revêt une profonde signification symbolique: il représente l'ouverture d'un passage universel, comme point de convergence vers lequel tous les hommes et tous les peuples sont invités à se diriger pour entrer dans l'amour, dans la justice et dans la paix du Royaume de Dieu. Ce passage universel est "le Rédempteur de l'homme, Jésus-Christ, [...] centre du cosmos et de l'histoire" (Redemptor hominis
RH 1).

Le rite de l'ouverture de la Porte Sainte aura lieu dans tous les diocèses du monde. La valeur du Jubilé est éminemment spirituelle; toutefois, elle est profondément liée à l'histoire et à la présence concrète de l'Eglise dans le monde. Le Jubilé vit également de la splendide unité entre divin et humain, céleste et terrestre, historique et transcendant, qui caractérise chaque réalité ecclésiale.


3. Le thème du jubilé choisi pour le monde universitaire, "L'université pour un nouvel humanisme", est tout à fait suggestif. Il invite à développer et à augmenter le riche patrimoine scientifique de l'humanité selon un projet qui place l'homme en son centre.

L'événement de l'Incarnation ouvre l'intelligence de la foi à la connaissance de l'amour de Dieu pour l'homme et à la compréhension du sens de la vie et de l'histoire. En fixant le regard sur le mystère du Verbe Incarné - comme nous invite à le faire le grand Jubilé désormais imminent - l'homme se retrouve lui-même (cf. Concile oecuménique Vatican II, Gaudium et spes GS 22). De façon particulière, le chercheur et l'étudiant croyants comprennent que chaque aspect d'un humanisme authentique est étroitement lié au mystère du Christ (cf. Redemptor hominis RH 10).

Servir l'homme: tel est le devoir qui, au seuil du troisième millénaire, vous est confié de façon particulière, à vous, qui oeuvrez au sein de l'université. Très chers étudiants et professeurs, d'importants rendez-vous vous attendent au cours de l'année jubilaire. Je pense à la Journée mondiale de la Jeunesse, qui concernera de très nombreux universitaires, et je remercie les recteurs des Universités romaines pour la sensibilité avec laquelle ils ont encouragé les projets d'accueil des jeunes et les jumelages. Je pense, ensuite, à la Rencontre mondiale des enseignants, qui aura lieu en septembre, et j'encourage ceux qui se préparent à cet événement à persévérer dans leur engagement louable.


4. La perspective universelle de ces rencontres jubilaires s'adapte bien au thème biblique qui vient d'être suggéré par la première Lecture, celui du "pèlerinage des peuples". Il s'agit d'un thème cher en particulier aux prophètes d'Israël, qui dénoncent l'infidélité du peuple élu et annoncent la naissance d'un peuple nouveau, formé par tous ceux qui, provenant de toute nation et de toute race, se convertiront au Seigneur et à sa justice. Ce thème souligne l'exigence prioritaire de la conversion et met en garde contre le danger de "se sentir la conscience tranquille", danger souligné à son tour, avec une profonde clarté, par la page évangélique d'aujourd'hui.

L'une des conditions essentielles de la foi, en effet, est le repentir sincère et le désir intime de changer dans l'âme, avec l'aide de Dieu. Il s'agit d'un mouvement intérieur, qui part de soi-même pour arriver à Dieu, qui permet de se retrouver de façon nouvelle et authentique. Le point de départ est la prise de conscience de sa pauvreté, de son besoin de salut. Ce qui empêche ou freine la conversion sont l'orgueil, la présomption, n'avoir confiance qu'en soi-même, qui se traduisent en abus de pouvoir, mensonge et injustice.

Le pécheur repenti "passe devant" celui qui se considère juste et qui pense ne pas avoir besoin de conversion (Mt 21,31). Ainsi, le Jubilé est pour tous, mais est bénéfique surtout à ceux qui se repentent et qui acceptent de faire, avec la grâce du Seigneur, un authentique chemin de conversion.


5. Au cours du temps de l'Avent, se renouvelle le pèlerinage des peuples vers le Dieu d'Israël, qui s'est fait homme en Jésus et est venu habiter parmi nous. Cette année, toutefois, il acquiert une intensité particulière. L'Eglise s'est préparée à entrer dans l'An 2000 à travers cinq "Synodes continentaux", c'est-à-dire cinq Assemblées spéciales du Synode des Evêques, respectivement pour l'Afrique, pour l'Amérique, pour l'Asie, pour l'Océanie et pour l'Europe. Chaque Assemblée a été suivie par un document d'analyses et d'orientations pour l'évangélisation.

746 Quelle est la signification de ces Synodes et de ces documents? Nous pouvons dire qu'à travers eux, l'Eglise universelle désire exprimer le chemin qu'elle accomplit dans toutes les parties du monde sur les traces du Christ. Le Peuple de Dieu, qui vit sur tous les continents, parle de lui, de la façon dont il suit le Christ dans son pèlerinage avec les hommes et les femmes de notre temps.

Ces événements synodaux expriment, donc, un grand mouvement. Comme si, de tous les lieux de la terre les hommes de diverses nations, langues, races et cultures se mettaient en route, appelés par la voix des anges qui annoncent la Bonne Nouvelle: "Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objet de sa complaisance" (
Lc 2,14). Nous aussi, nous sommes concernés par cette invitation et ce chemin salvifique vers le Christ, qui naquit il y a deux mille ans dans l'étable de Bethléem et qui, en cette année jubilaire, est présent de façon particulière parmi nous, pour nous faire tous participer à la filiation divine.


6. Très chers amis, votre condition de personnes qui travaillent et étudient à l'université vous aide à prendre part, avec une compétence et une sensibilité spécifiques, à ce pèlerinage universel vers le Christ, vérité de l'homme et de l'histoire. Aimez l'étude, la connaissance qui s'étend et s'approfondit dans la recherche, s'enrichit dans la comparaison, manifestant la splendeur de la vérité. Aimez la vie, respectez-la toujours, en particulier là où elle est la plus fragile et sans défense.

Que Marie, Siège de la Sagesse, vous aide à être fidèles à Dieu et fidèles à l'homme. Nous allons vers Noël, qui est désormais proche. Nous regardons ce seuil de l'An 2000, que nous devrons franchir d'ici peu. Nous regardons tous ce seuil, en particulier les jeunes, car c'est aux jeunes qu'appartient le siècle qui vient. Je vous souhaite d'entrer avec courage dans ce temps qui nous attend. Je vous souhaite d'entrer dans ce temps avec la force du Christ pour l'avenir de toute l'humanité.

Loué soit Jésus-Christ!









20 décembre 1999, Obsèques de S.Em. le Cardinal Paolo Dezza
Lundi 20 décembre 1999



1. "Pater quos dedisti mihi volo ut ubi ego sum et illi sint mecum" (Jn 17,24).

Les paroles du Christ, tirées de la prière dite "sacerdotale", représentent pour nous lumière et réconfort, très chers frères, en ce moment où la foi nous rassemble autour de l'autel du Christ et de la dépouille mortelle du vénéré Cardinal Paolo Dezza, jésuite.

Notre prière voudrait se greffer sur celle de l'unique Prêtre suprême, et presque se cacher dans son "envol", reflet parfait de la volonté de salut du Père céleste, source de la vie dans le temps et dans l'éternité.

Au cours de sa longue existence, le Père Dezza s'est rapproché des idéaux bibliques de longévité, en parcourant presque entièrement le siècle qui touche à son terme. Il est né lors de l'Avent, le jour de la sainte Luce, et il s'est éteint au cours de l'Avent, un peu plus près de Noël: la mort a été pour lui une "porte sainte", le dernier passage qui s'ouvre sur l'Eternel.


747 2. Avec les paroles d'Isaïe, prophète de l'Avent, la liturgie vient de faire retentir l'annonce de l'invitation eschatologique et de la victoire définitive de Dieu sur la mort. En présence du Christ, mort et ressuscité, nous, que la grâce a conduits sur le mont de Sion, nous disons avec foi: "Voyez c'est notre Dieu, en lui nous espérions pour qu'il nous sauve; [...] Exultons, réjouissons-nous du salut qu'il nous a donné" (Is 25,9).

La mort d'un homme, et davantage encore d'une personne à laquelle nous unissent des liens d'affection profonde, ne peut pas ne pas susciter douleur et émotion. C'est également ce qui s'est produit pour le Seigneur Jésus, qui, auprès du sépulcre de son ami Lazare, voyant les pleurs de ses soeurs, fut ému jusqu'aux larmes. Ce sont précisément ces larmes que Dieu a promis d'essuyer sur chaque visage (Is 25,8); et il l'a fait, et il le fait, aujourd'hui, pour nous, avec la main du Ressuscité. Il comble les croyants d'espérance et de joie, malgré les épreuves et les peines de la vie, à travers lesquelles il nous est donné de nous purifier, pour être trouvés prêts à son retour (cf. 1P 1,3-9).


3. Pour l'accueillir au-delà de la mort, pour l'accompagner à la pleine communion avec Dieu, j'ai à coeur de penser que le Père Paolo Dezza a rencontré trois visages plus que jamais aimés et attendus: Marie, Pierre et Ignace, auxquels la Providence a voulu lier son itinéraire spirituel.

En 1928, il fut ordonné prêtre lors de la fête de l'Annonciation du Seigneur, unissant presque son "Fiat" à celui de la Vierge, pour se rendre disponible à la grâce de l'Esprit Saint. Et véritablement, dans l'intense et multiple activité du Père Dezza, et plus encore dans les nombreuses vertus de son âme chrétienne, religieuse et sacerdotale, apparaîssent de manière unique la fécondité de la grâce et le fruit d'une persévérante et généreuse réponse à l'initiative divine.


4. Mais si nous cherchons un point d'unité, dans lequel résumer toute sa vie et sa spiritualité, c'est le Cardinal défunt qui nous le fournit avec une grande clarté. Dans l'homélie pour le soixantième anniversaire de son ordination sacerdotale, il a dit que l'expression du Père de Guibert "Servir le Christ dans la personne de son Vicaire" lui avait toujours été particulièrement chère, car il lui semblait revoir en elle "la note déterminante de ma vocation à la Compagnie et la note dominante de toute ma vie religieuse et sacerdotale dans la Compagnie".

En cette circonstance, il rappela la "trace profonde" laissée en lui, âgé de presque treize ans, par la participation à une audience du Pape saint Pie X; et il expliqua comment la fidélité et la dévotion au Pape, dans laquelle il voyait les Jésuites exceller, avaient été déterminantes pour sa vocation. Son attachement au Pape s'accrut au cours de toutes ses années de formation, au point que, à peine ordonné prêtre, il voulut venir à Rome pour célébrer la Messe dans la chapelle Clémentine, auprès de la tombe de l'Apôtre Pierre.


5. Destiné presque immédiatement à l'Université pontificale grégorienne, dont il fut de 1941 à 1951 le Recteur très estimé, il eut des contacts toujours plus étroits avec les Pontifes. "Ces contacts - affirme-t-il - me firent toujours mieux comprendre la signification et la valeur de ce lien spécial qui unit la Compagnie au Pape, ils me montrèrent le grand service qu'en vertu de ce lien la Compagnie est en mesure de rendre à l'Eglise et, en conséquence, la reconnaissance et la bienveillance particulière des Papes envers la Compagnie".

Mon vénéré prédécesseur Paul VI, au cours d'années très difficiles pour l'Eglise et pour la Compagnie de Jésus, trouva chez le Père Dezza le serviteur du Christ, le Jésuite authentique, l'homme spirituel dans le sage conseil duquel avoir confiance, face aux difficultés de la très haute mission. Moi-même lui ai confié une charge particulière pour la Compagnie de Jésus, à une époque importante de son histoire.

Servir le Christ dans la personne de son Vicaire: l'idéal de saint Ignace a été la norme à laquelle le défunt Cardinal a inspiré toute sa vie de façon fidèle et attentive, intelligente et prudente, généreuse et désintéressée. Il n'ignorait pas les faiblesses existant dans l'Eglise et dans ses hommes, mais avec un dévouement attentif, riche d'amour et de foi, il contribua à en alléger les effets, agissant pour le renouveau authentique de l'Eglise elle-même.


6. Tout cela, qui fut pour lui l'objet d'un engagement constant devant Dieu, est aujourd'hui pour nous un motif d'action de grâce rempli d'émotion. Nous sommes animés par l'espérance confiante que le Seigneur a déjà introduit notre Frère bien-aimé dans la plénitude de sa joie éternelle, à laquelle il aspirait avec un désir intense, en particulier au cours de la dernière période de sa vie. Prions pour la réalisation de ce voeu, en offrant le sacrifice de l'autel, et en invoquant pour lui l'intercession maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie.

Consacré prêtre sous le signe de l'Annonciation, le très cher Père Paolo Dezza s'est éteint sous le regard plein d'espérance de la Vierge de l'Avent. Puisse-t-elle l'aider à vivre ce "Noël au Ciel", pour y célébrer, avec les anges et les saints, son Jubilé.
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24 décembre 1999, Messe de Minuit pour l'ouverture de l'Année Sainte



1. “Hodie natus est nobis Salvator mundi” (Psaume responsorial)

Depuis vingt siècles, du coeur de l’Eglise retentit cette joyeuse annonce. En cette sainte nuit, l’Ange nous la répète, à nous, hommes et femmes de la fin du millénaire: “Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une grande joie : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David” (cf.
Lc 2,10-11). Durant le temps de l’Avent, nous nous sommes préparés à accueillir ces paroles réconfortantes : en elles s’actualise l’“aujourd’hui” de notre rédemption.

En cette heure, l’“aujourd’hui” résonne avec un accent particulier: ce n’est pas seulement le souvenir de la naissance du Rédempteur, c’est le début solennel du grand Jubilé. Nous nous associons spirituellement au singulier moment de l’histoire au cours duquel Dieu s’est fait homme, revêtant notre chair.

Oui, le Fils de Dieu, de même nature que le Père, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, né du Père avant tous les siècles, a pris chair de la Vierge Marie et a assumé notre nature humaine. Il est né dans le temps. Dieu est entré dans l’histoire. L’incomparable “aujourd’hui” éternel de Dieu s’est fait présence dans les réalités quotidiennes de l’homme.

2. “Hodie natus est nobis Salvator mundi” (cf. Lc 2,10-11)

Nous nous prosternons devant le Fils de Dieu. Nous nous unissons spirituellement à l’admiration étonnée de Marie et de Joseph. Adorant le Christ, né dans une grotte, nous faisons nôtre la foi pleine d’étonnement des bergers de ce temps-là; nous faisons l’expérience du même émerveillement et de la même joie.

Il est difficile de ne pas céder à l’éloquence de cet événement: nous restons dans l’enchantement. Nous sommes témoins de l’instant de l’amour qui unit l’éternel à l’histoire: l’“aujourd’hui” qui ouvre le temps du jubilé et de l’espérance, parce qu’“un fils nous a été donné; l’insigne du pouvoir est sur son épaule”, comme nous lisons dans le texte du prophète Isaïe (9, 5).

Aux pieds du Verbe incarné, nous déposons joies et appréhensions, larmes et espérances. C’est seulement dans le Christ, homme nouveau, que le mystère de l’homme trouve sa vraie lumière.

Avec l’Apôtre Paul, nous découvrons qu’à Bethléem “la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes” (Tt 2,11). C’est la raison pour laquelle, en cette nuit de Noël, sur toutes les parties de la terre et dans toutes les langues du monde, résonnent des chants de joie.

3. Cette nuit, devant nos yeux, s’accomplit ce que proclame l’Evangile: “Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui... obtiendra la vie éternelle” (Jn 3,16).

Son Fils unique!

749 Toi, ô Christ, tu es le Fils unique du Dieu vivant, né dans la grotte de Bethléem! Après deux mille ans, nous revivons ce mystère comme un événement absolument unique. Parmi tant de fils d’hommes, parmi tant d’enfants venus au monde durant tous les siècles, Toi seul es le Fils de Dieu: ta naissance a changé de manière ineffable le cours des événements humains.

Voilà la vérité qu’en cette nuit l’Eglise veut transmettre au troisième millénaire. Et vous tous, qui viendrez après nous, puissiez-vous accueillir cette vérité qui a totalement transformé l’histoire! Depuis la nuit de Bethléem, l’humanité a conscience que Dieu s’est fait Homme: il s’est fait Homme pour rendre l’homme participant de sa nature divine.

4. Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! Au seuil du troisième millénaire, l’Eglise Te salue, Fils de Dieu, qui es venu au monde pour vaincre la mort. Tu es venu illuminer la vie humaine par l’Évangile. L’Eglise Te salue et c’est avec Toi qu’elle veut entrer dans le troisième millénaire. Tu es notre espérance. Toi seul as les paroles de la vie éternelle.

Toi qui es venu au monde dans la nuit de Bethléem, reste avec nous!

Toi qui es le Chemin, la Vérité et la Vie, conduis-nous!

Toi qui viens du Père, conduis-nous à Lui dans l’Esprit Saint, sur le chemin que Toi seul connais et que Tu nous as révélé pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance.

Toi, ô Christ, Fils du Dieu vivant, sois pour nous la Porte!

Sois pour nous la vraie Porte, symbolisée par celle que nous avons ouverte en cette nuit solennelle.

Sois pour nous la Porte qui nous introduit dans le mystère du Père. Fais que personne ne soit exclu de ses bras de miséricorde et de paix!

“Hodie natus est nobis Salvator mundi”: le Christ est notre unique Sauveur! Tel est le message de Noël 1999: l’“aujourd’hui” de cette sainte Nuit ouvre le grand Jubilé.

Marie, aurore des temps nouveaux, sois auprès de nous, tandis qu’avec confiance nous accomplissons nos premiers pas dans l’année jubilaire. Amen !



750 25 décembre 1999, Homélie de Noël pour l'Ouverture de la Porte Sainte dans la basilique Saint-Jean-de-Latran


Homélies St Jean-Paul II 732