Homélies St Jean-Paul II 832

JUBILÉ DES JEUNES


17 août 2000, Messe pour les jeunes du Forum International


Castel Gandolfo, Jeudi 17 août 2000,


1. "Avant même de te former au sein maternel, je t'ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré" (Jr 1,5). La Parole adressée par Dieu au prophète Jérémie nous touche personnellement. Elle évoque le dessein que Dieu a sur chacun de nous. Il nous connaît individuellement parce que de l'éternité, il nous a choisis et aimés, confiant à chacun de nous une vocation spécifique au sein du dessein général du salut.

Chers jeunes du Forum international, je suis heureux de vous accueillir, ainsi que le Cardinal James Francis Stafford, Président du Conseil pontifical pour les Laïcs et ses collaborateurs. Je vous salue avec affection.

Vous vous sentez à juste titre interpellés en première personne par les paroles du prophète. Un grand nombre d'entre vous, en effet, ont déjà une responsabilité dans leur Eglise locale et un grand nombre seront appelés à en assumer une. Il est donc important que vous apportiez avec vous la richesse de l'expérience humaine, spirituelle et ecclésiale de ce Forum. Vous êtes envoyés pour annoncer aux autres les paroles de vie que vous avez reçues: elles agiront et s'enracineront en vous d'autant plus si vous les partagez avec les autres.

Chers jeunes, ne doutez pas de l'amour de Dieu pour vous! Il vous réserve une place dans son coeur et une mission dans le monde. Il s'agit de sentiments qu'a ressentis avant vous Jérémie: "Ah, Seigneur Yahvé, vraiment, je ne sais pas parler, car je suis un enfant!" (Jr 1,6). La tâche semble immense, car elle assume les dimensions de la société et du monde. Mais n'oubliez pas que, lorsqu'il appelle, le Seigneur donne également la force et la grâce nécessaires pour répondre à l'appel.

N'ayez pas peur d'assumer vos responsabilités: l'Eglise a besoin de vous, elle a besoin de votre engagement et de votre générosité; le Pape a besoin de vous et, au début de ce nouveau millénaire, il vous demande d'apporter l'Evangile sur les routes du monde.


2. Dans le Psaume responsorial, nous avons entendu une question qui résonne avec une actualité particulière dans le monde corrompu d'aujourd'hui: "Comment, jeune, garder pur son chemin?" (Ps 118 [117], 9). Nous avons également entendu la réponse, simple et incisive: "A observer ta parole" (ibid.). Il faut donc demander le goût de la Parole de Dieu et la joie de pouvoir témoigner de quelque chose qui est plus grand que nous: "Dans la voie de ton témoignage, j'ai ma joie" (Ps 118 [117], 14).

833 La joie naît également de la conscience qu'un nombre incalculable de personnes dans le monde accueillent comme nous les "ordres du Seigneur" et les utilisent dans leur vie. Combien de richesse dans l'universalité de l'Eglise, dans sa "catholicité"! Combien de diversité selon les pays, les rites, les spiritualités, les associations, les mouvements et communautés, combien de beauté, et dans le même temps, quelle communion profonde dans les valeurs communes et dans l'attachement commun à la personne de Jésus, le Seigneur!

Vous avez perçu, en vivant et en priant ensemble, que la diversité de vos façons d'accueillir et d'exprimer la foi ne vous séparent pas les uns des autres et ne vous met pas en concurrence. Elle n'est qu'une manifestation de la richesse de ce don unique et extraordinaire qu'est la révélation, dont le monde a tant besoin.


3. Dans l'Evangile que nous venons d'écouter, le Ressuscité pose à Pierre la question qui déterminera toute son existence: "Simon, fils de Jean, m'aimes-tu?" (
Jn 21,16). Jésus ne lui demande pas quels sont ses talents, ses dons, ses compétences. Il ne demande pas non plus à celui qui peu de temps auparavant l'avait trahi, s'il lui sera désormais fidèle, s'il ne faillira plus. Il lui demande la seule chose qui compte: la seule qui puisse constituer un fondement à un appel: m'aimes-tu?

Aujourd'hui, le Christ pose la même question à chacun de vous: m'aimes-tu? Il ne vous demande pas de savoir parler à la foule, de savoir diriger une organisation, de savoir administrer un patrimoine. Il vous demande de l'aimer. Tout le reste viendra naturellement. En effet, placer ses pas sur ceux de Jésus ne se traduit pas immédiatement en choses à faire ou à dire, mais avant tout dans le fait d'aimer, de demeurer avec lui, de l'accueillir totalement dans sa vie.

Aujourd'hui, répondez avec sincérité à la question de Jésus. Certains pourront dire avec Pierre: "Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime" (Jn 21,16). D'autres diront: "Seigneur, tu sais comme je voudrais t'aimer, enseigne-moi à t'aimer pour pouvoir te suivre". L'important est de rester sur la route, de continuer le chemin sans perdre de vue l'objectif, jusqu'au jour où vous pourrez dire de tout votre coeur: "Tu sais que je t'aime".


4. Chers jeunes, aimez le Christ, aimez l'Eglise! Aimez le Christ comme il vous aime. Aimez l'Eglise comme le Christ l'aime.

Et n'oubliez pas que l'amour véritable ne pose pas de conditions, ne calcule pas, ne récrimine pas, mais aime simplement. Comment pourriez-vous, en effet, être responsables d'un héritage que vous n'acceptez qu'à moitié? Comment participer à la construction de quelque chose que l'on n'aime pas de tout son coeur?

Que la communion au corps et au sang du Seigneur aide chacun à croître dans l'amour pour Jésus et pour son Corps qui est l'Eglise.



20 août 2000, Clôture des Journées mondiales de la Jeunesse à TOR VERGATA

Dimanche 20 août 2000

1 . «Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jn 6,68).

834 Chers jeunes des quinzièmes Journées mondiales de la Jeunesse ! Ces paroles de Pierre, dans le dialogue avec le Christ à la fin du discours sur le «pain de vie», nous touchent personnellement. Ces jours-ci, nous avons médité sur l'affirmation de Jean : «Le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous» (Jn 1,14). L'évangéliste nous a reportés au grand mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, le Fils qui nous a été donné par Marie «lorsque les temps furent accomplis» (Ga 4,4).

En son nom, une fois encore je vous salue tous avec affection. Je salue et je remercie le Cardinal Camillo Ruini, mon Vicaire général pour le diocèse de Rome, Président de la Conférence épiscopale italienne, pour les paroles qu'il a bien voulu m'adresser au début de cette messe; je salue aussi le Cardinal James Francis Stafford, Président du Conseil pontifical pour les Laïcs, et les nombreux Cardinaux, Évêques et prêtres réunis ici; je salue de même avec déférence et gratitude Monsieur le Président de la République et le Chef du Gouvernement italien, ainsi que toutes les autres Autorités civiles et religieuses qui nous honorent de leur présence.

1 . Nous sommes arrivés au sommet des Journées mondiales de la Jeunesse. Hier soir, chers jeunes, nous avons confirmé notre foi en Jésus Christ, le Fils de Dieu que le Père a envoyé, comme nous l'a rappelé la première lecture d'aujourd'hui, pour «porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté,... consoler tous ceux qui pleurent» (Is 61,1-2).

Par la célébration eucharistique d'aujourd'hui, Jésus nous introduit dans la connaissance d'un aspect particulier de son mystère. Nous avons écouté dans l'Évangile un passage du discours qu'il a prononcé dans la synagogue de Capharnaüm, après le miracle de la multiplication des pains. Dans ce discours, Jésus se révèle comme le vrai pain de la vie, le pain descendu du ciel pour donner la vie au monde (cf. Jn 6,51). C'est un discours que les auditeurs ne comprennent pas. La perspective dans laquelle ils se situent est trop matérielle pour pouvoir saisir la véritable intention du Christ. Ils raisonnent dans une perspective charnelle, qui «n'est capable de rien» (Jn 6,63). Jésus, au contraire ouvre son discours sur les horizons sans limites de l'esprit : «Les paroles que je vous ai dites - insiste-t-il - sont esprit et elles sont vie» (ibid.).

Mais les auditeurs y sont insensibles : «Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter !» (Jn 6,60). Ils s’estiment personnes de bon sens, avec les pieds sur terre. C’est pourquoi ils hochent la tête et, tout en gromelant, ils s'en vont les uns après les autres. La foule du début se réduit progressivement. À la fin, il reste seulement le petit groupe restreint des disciples les plus fidèles. Mais sur «le pain de la vie», Jésus n'est pas disposé à transiger. Il est plutôt prêt à s'exposer à l'abandon même des plus intimes : «Voulez-vous partir, vous aussi ?» (Jn 6,67).

1 . «Vous aussi ?» La question du Christ enjambe les siècles et parvient jusqu'à nous, elle nous interpelle personnellement et sollicite une décision. Quelle est notre réponse ? Chers jeunes, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous nous reconnaissons dans l'affirmation de l'Apôtre Pierre : «Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jn 6,68).

Des paroles, il en résonne beaucoup autour de vous, mais seul le Christ a des paroles qui résistent à l'usure du temps et qui demeurent pour l'éternité. La période actuelle de votre vie vous impose des choix décisifs : la spécialisation dans les études, l'orientation dans le travail, l'engagement même à assumer dans la société et dans l'Église. Il est important de se rendre compte que, parmi les nombreuses questions qui se présentent à votre esprit, celles qui sont décisives ne concernent pas le «quoi». La question de fond est «qui» : vers «qui» aller, «qui» suivre, «à qui» confier sa vie.

Vous pensez à votre choix affectif, et j'imagine que vous êtes bien d’accord : ce qui compte vraiment dans la vie c'est la personne avec laquelle on décide de la partager. Mais attention ! Toute personne humaine est inévitablement limitée : même dans le mariage le plus réussi, on ne peut pas ne pas prendre en compte une certaine dose de déception. Eh bien, chers amis, n'y a-t-il pas en cela la confirmation de ce que nous avons entendu de l'Apôtre Pierre ? Tout être humain en vient tôt ou tard à s'écrier avec lui : «Vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle». Seul Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu et le Fils de Marie, le Verbe éternel du Père né il y a deux mille ans à Bethléem de Juda, est en mesure de satisfaire les aspirations les plus profondes du coeur humain.

Dans la question de Pierre : «Vers qui pourrions-nous aller ?», il y a déjà la réponse concernant le chemin à parcourir. C'est le chemin qui conduit au Christ. Et le divin Maître peut être rejoint personnellement : en effet, il est présent sur l'autel dans la réalité de son corps et de son sang. Dans le sacrifice eucharistique, nous pouvons entrer en contact, de façon mystérieuse mais réelle, avec sa personne, puisant à la source inépuisable de sa vie de Ressuscité.

1 . Telle est la merveilleuse vérité, chers amis : le Verbe, qui s'est fait chair il y a deux mille ans, est présent aujourd'hui dans l'Eucharistie. C’est pourquoi l'année du grand Jubilé, au cours de laquelle nous célébrons le mystère de l'Incarnation, ne pouvait pas ne pas être aussi une année «intensément eucharistique» (cf. Lettre apostolique Tertio millennio adveniente TMA 55).

L'Eucharistie est le sacrement de la présence du Christ qui se donne à nous parce qu'il nous aime. Il aime chacun de nous de façon personnelle et unique dans la vie concrète de chaque jour : dans la famille, parmi les amis, dans les études et au travail, dans le repos et dans les distractions. Il nous aime quand il remplit de fraîcheur les journées de notre existence et aussi quand, à l'heure de la souffrance, il permet que l'épreuve s'abatte sur nous : en effet, même à travers les épreuves les plus dures, il nous fait entendre sa voix.

835 Oui, chers amis, le Christ nous aime et il nous aime toujours ! Il nous aime même lorsque nous le décevons, quand nous ne correspondons pas à ses attentes à notre égard. Il ne nous ferme jamais les bras de sa miséricorde. Comment ne pas être reconnaissant envers ce Dieu qui nous a rachetés en allant jusqu'à la folie de la Croix ? Envers ce Dieu qui s'est mis de notre côté et qui y est demeuré jusqu'au bout ?

1 . Célébrer l'Eucharistie «en mangeant sa chair et en buvant son sang» signifie accepter la logique de la croix et du service. Cela signifie donc témoigner de sa propre disponibilité à se sacrifier pour les autres, comme il l'a fait lui-même.

Notre société a un immense besoin de ce témoignage, les jeunes en ont besoin plus que jamais, eux qui sont souvent tentés par les mirages d'une vie facile et confortable, par la drogue et l'hédonisme, pour se trouver ensuite dans la spirale du désespoir, du non-sens, de la violence. Il est urgent de changer de route en direction du Christ, qui est aussi la direction de la justice, de la solidarité, de l'engagement pour une société et un avenir dignes de l'homme.

Telle est notre Eucharistie, telle est la réponse que le Christ attend de nous, de vous, les jeunes, en conclusion de votre Jubilé. Jésus n'aime pas les demi-mesures, et il n'hésite pas à nous bousculer avec sa question : «Voulez-vous partir, vous aussi ?» Avec Pierre, devant le Christ, Pain de vie, nous aussi, aujourd'hui, nous voulons redire : «Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle» (
Jn 6,68).

1 . Chers amis, en rentrant dans vos pays, mettez l'Eucharistie au centre de votre vie personnelle et communautaire : aimez-la, adorez-la, célébrez-la, surtout le dimanche, jour du Seigneur. Vivez l'Eucharistie en témoignant de l'amour de Dieu pour les hommes.

Chers amis, je vous confie ce qui est le plus grand don que Dieu nous ait fait, à nous pèlerins sur les routes du temps, mais portant dans le coeur la soif de l'éternité. Puissiez-vous avoir toujours, dans chaque communauté, un prêtre qui célèbre l'Eucharistie ! C’est pourquoi je demande au Seigneur que fleurissent parmi vous de nombreuses et saintes vocations au sacerdoce. L'Église a besoin d’hommes qui célèbrent aujourd'hui, avec un coeur pur, le sacrifice eucharistique. Le monde a besoin de ne pas être privé de la présence douce et libératrice de Jésus vivant dans l'Eucharistie !

Soyez vous-mêmes des témoins fervents de la présence du Christ sur nos autels. Que l'Eucharistie façonne votre vie, la vie des familles que vous formerez ! Qu'elle oriente tous vos choix de vie ! Que l'Eucharistie, présence vivante et réelle de l'amour trinitaire de Dieu, vous inspire des idéaux de solidarité et vous fasse vivre en communion avec vos frères disséminés en tous lieux de la planète !

Que de la participation à l'Eucharistie, en particulier, jaillisse une nouvelle floraison de vocations à la vie religieuse, afin d’assurer dans l'Église la présence de forces fraîches et généreuses pour la grande tâche de la nouvelle évangélisation ! Si l'un ou l'une de vous, chers garçons et filles, entend l'appel du Seigneur à se donner totalement à lui pour l'aimer «d’un coeur sans partage» (cf. 1Co 7,34), qu'il ne se laisse pas arrêter par le doute ou par la peur ! Qu'il dise avec courage son «oui» sans réserve, en se confiant à Celui qui est fidèle en toutes ses promesses ! N'a-t-il pas promis, à ceux qui ont tout laissé pour lui, le centuple ici-bas et ensuite la vie éternelle (cf. Mc Mc 10,29-30) ?

1 . Au terme des ces Journées mondiales, en vous regardant, en regardant vos jeunes visages, votre enthousiasme sincère, je veux exprimer, du fond du coeur, un profond merci à Dieu pour le don de la jeunesse, qui par vous demeure dans l'Église et dans le monde.

Merci à Dieu pour le chemin des Journées mondiales de la Jeunesse ! Merci à Dieu pour les nombreux jeunes qui se sont engagés tout au long de ces seize années ! Ce sont des jeunes qui maintenant, devenus adultes, continuent à vivre dans la foi là où ils habitent et ils travaillent. Je suis sûr que vous aussi, chers amis, vous serez à la hauteur de ceux qui vous ont précédés. Vous porterez l'annonce du Christ dans le nouveau millénaire. En rentrant chez vous, ne vous dispersez pas. Confirmez et approfondissez votre adhésion à la communauté chrétienne à laquelle vous appartenez. De Rome, de la Ville de Pierre et de Paul, le Pape vous accompagne avec affection et, paraphrasant une expression de sainte Catherine de Sienne, il vous dit : «Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde entier !» (cf. Lettre 368).

Je regarde avec confiance cette nouvelle humanité qui se prépare par vous, je regarde cette Église sans cesse rajeunie par l'Esprit du Christ et qui aujourd'hui se réjouit de vos résolutions et de votre engagement. Je regarde vers l'avenir et je fais miennes les paroles d'une prière ancienne, qui chante à la fois le don de Jésus, de l'Eucharistie et de l'Église :

836 «Nous te rendons grâce, notre Père,
pour la vie et la connaissance
que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur.
À toi la gloire pour les siècles !

Comme ce pain rompu,
qui était dispersé sur les montagnes et les collines,
a été rassemblé pour ne plus faire qu'un,
ainsi que ton Église soit rassemblée
des extrémités de la terre dans ton Royaume...

C'est toi, Maître tout-puissant,
qui as créé l'univers,
837 pour la gloire de ton Nom,
qui as donné aux hommes nourriture et boisson
pour qu'ils en jouissent,
afin qu'ils te rendent grâce.

Mais nous, tu nous as gratifiés d'une nourriture
et d'une boisson spirituelles
et de la vie éternelle, par ton Serviteur...
À toi la gloire pour les siècles !» (Didachè 9, 3-4; 10, 3-4).

Amen.

3 septembre 2000, Béatifications de Pie IX, Jean XXIII, Tommaso Reggio, Guillaume-JosephChaminade, Columba Marmion

Dimanche 3 septembre 2000
838
1. Dans le contexte de l'Année jubilaire, c'est avec une joie profonde que j'ai déclaré bienheureux deux Pontifes, Pie IX et Jean XXIII, et trois autres serviteurs de l'Evangile, dans le ministère et dans la vie consacrée: l'Archevêque de Gênes, Tommaso Reggio, le prêtre diocésain, Guillaume-Joseph Chaminade, le moine bénédictin, Columba Marmion.


Cinq personnalités différentes, ayant chacune son caractère et sa mission, mais toutes rassemblées par l'aspiration à la sainteté. C'est précisément leur sainteté que nous reconnaissons aujourd'hui: une sainteté qui est une relation profonde et bouleversante avec Dieu, construite et vécue dans l'engagement quotidien d'adhésion à sa volonté. La sainteté vit dans l'histoire et aucun saint n'échappe aux limites et aux conditionnements propres à notre humanité. En béatifiant l'un de ses fils, l'Eglise ne célèbre pas les choix historiques particuliers qu'il a pris, mais elle l'indique plutôt comme devant être imité et vénéré pour ses vertus, comme une louange à la grâce divine qui resplendit en celles-ci.


J'adresse un salut respectueux aux délégations officielles d'Italie, de France, d'Irlande, de Belgique, de Turquie, de Bulgarie, rassemblées ici en cette circonstance solennelle. Je salue également les parents des nouveaux bienheureux, ainsi que les cardinaux, les évêques, les autorités civiles et religieuses qui ont voulu pendre part à cette célébration. Enfin, je vous salue tous, chers frères et soeurs, qui êtes venus en grand nombre pour rendre hommage aux serviteurs de Dieu que l'Eglise inscrit aujourd'hui dans l'Album des bienheureux.


2. En écoutant les paroles de l'acclamation à l'Evangile: "Seigneur, guide-nous sur le droit chemin", notre pen-sée s'est tournée spontanément vers la vie humaine et religieuse du Pape Pie IX, Giovanni Maria Mastai Ferretti. Face aux événements tourmentés de son temps, il fut un exemple d'adhésion inconditionnée au dépôt immuable des vérités révélées. Fidèle en toute circonstance aux engagements de son ministère, il sut toujours accorder la primauté absolue à Dieu et aux valeurs spirituelles. Son très long pontificat ne fut vraiment pas facile et il dut beaucoup souffrir en accomplissant sa mission au service de l'Evangile. Il fut profondément aimé, mais également haï et calomnié.

Mais ce fut précisément au milieu de ces contradictions que brilla plus vivement la lumière de ses vertus: des épreuves prolongées renforcèrent sa confiance dans la Providence divine, dont il ne douta jamais de la domination souveraine sur l'histoire humaine. C'est de là que naissait la profonde sérénité de Pie IX, même face aux incompréhensions et aux attaques de tant de personnes hostiles. Il aimait dire à ceux qui étaient proches de lui: "Dans les choses humaines, il faut se contenter de faire du mieux que l'on peut et pour le reste, s'abandonner à la Providence, qui palliera aux défauts et aux insuffisances de l'homme".

Soutenu par cette conviction intérieure, il lança le Concile oecuménique Vatican I, qui éclaircit avec une autorité magistérielle certaines questions alors débattues, confirmant l'harmonie entre la foi et la raison. Dans les moments d'épreuve, Pie IX trouva un soutien en Marie, pour laquelle il éprouvait une grande dévotion. En proclamant le dogme de l'Immaculée Conception, il rappela à tous que dans les tempêtes de l'existence humaine, la lumière du Christ brille dans la Vierge, plus forte que le péché et la mort.


3. "Tu es bon et prêt au pardon" (Antienne d'ouverture). Nous contemplons aujourd'hui dans la gloire du Seigneur un autre Pontife, Jean XXIII, le Pape qui frappa le monde par son comportement affable, duquel transparaissait sa singulière bonté d'âme. Les desseins divins ont voulu que cette béatification rassemble deux Papes ayant vécu dans des contextes historiques très différents, mais liés, au-delà des apparences, par de nombreuses ressemblances sur le plan humain et spirituel. On connaît la profonde vénération que le Pape Jean XXIII avait pour Pie IX, dont il souhaitait la béatification. Au cours d'une retraite spirituelle, en 1959, il écrivait dans son Journal: "Je pense toujours à Pie IX de sainte et glorieuse mémoire, et l'imitant dans ses sacrifices je voudrais être digne d'en célébrer la canonisation" (Journal de l'Ame, Ed. San Paolo, 2000, p. 560).

Le Pape Jean a laissé dans le souvenir de tous l'image d'un visage souriant et de deux bras ouverts pour embrasser le monde entier. Combien de personnes ont été conquises par la simplicité de son âme, liée à une vaste expérience des hommes et des choses! Le souffle de nouveauté qu'il apporta ne concernait pas la doctrine, mais plutôt la façon de l'exposer; sa façon de parler et d'agir possédait un style nouveau, l'attitude de sympathie avec laquelle il approchait les personnes communes et les puissants de la terre était nouvelle. Ce fut dans cet esprit qu'il lança le Concile oecuménique Vatican II, avec lequel il ouvrit une nouvelle page de l'histoire de l'Eglise: les chrétiens se sentirent appelés à annoncer l'Evangile avec un courage renouvelé et une plus grande attention aux "signes" des temps. Le Concile fut véritablement une intuition prophétique de ce Pontife âgé qui inaugura, au milieu de nombreuses difficultés, une saison d'espérance pour les chrétiens et pour l'humanité.

Lors des derniers moments de son existence terrestre, il confia son testament à l'Eglise: "Ce qui compte le plus dans la vie est Jésus-Christ béni, sa Sainte Eglise, son Evangile, la vérité et la bonté". Nous voulons aujourd'hui accueillir nous aussi ce testament, alors que nous rendons gloire à Dieu pour nous l'avoir donné comme Pasteur.


4. "Mettez la parole en pratique. Ne soyez pas seulement des auditeurs" (
Jc 1,22). L'existence et l'apostolat de Tommaso Reggio, prêtre et journaliste, devenus par la suite Evêque de Vintimille et enfin Archevêque de Gênes, fait penser à ces paroles. Ce fut un homme de foi et de culture et, en tant que Pasteur, il sut être un guide attentif de ses fidèles en chaque circonstance. Sensible aux multiples souffrances et à la pauvreté de son peuple, il prit la responsabilité de fournir une aide appropriée dans toutes les situations de besoin. C'est précisément dans cette perspective qu'il créa la Famille religieuse des Soeurs de Sainte Marthe, en leur confiant la tâche de prêter leur aide aux pasteurs de l'Eglise, en particulier dans le domaine caritatif et éducatif.

Son message peut être résumé en deux mots: vérité et charité. La vérité, tout d'abord, qui signifie une écoute attentive de la Parole de Dieu et un élan courageux pour défendre et diffuser les enseignements de l'Evangile. Puis, la charité, qui pousse à aimer Dieu et, par amour de lui, à embrasser chacun, car nous sommes frères dans le Christ. Si Tommaso Reggio manifesta une préférence dans ses choix, ce fut pour ceux qui se trouvaient en difficulté et qui souffraient. Voilà pourquoi il est proposé aujourd'hui comme modèle aux évêques, aux prêtres et aux laïcs, ainsi qu'à ceux qui font partie de sa famille spirituelle.


839 5. La béatification, durant l'année jubilaire, de Guillaume-Joseph Chaminade, fondateur des marianistes, rappelle aux fidèles qu'il leur appartient d'inventer sans cesse des manières nouvelles d'être témoins de la foi, notamment pour rejoindre ceux qui sont loin de l'Eglise et qui n'ont pas les moyens habituels de connaître le Christ. Guillaume-Joseph Chaminade invite chaque chrétien à s'enraciner dans son Baptême, qui le conforme au Seigneur Jésus et lui communique l'Esprit Saint.

L'amour du Père Chaminade pour le Christ, qui s'inscrit dans la spiritualité de l'Ecole française, le pousse à poursuivre inlassablement son oeuvre par des fondations de familles spirituelles, dans une période troublée de l'histoire religieuse de France. Son attachement filial à Marie l'a maintenu dans la paix intérieure en toute circonstance, l'aidant à faire la volonté du Christ. Son souci de l'éducation humaine, morale et religieuse est pour toute l'Eglise un appel à une attention renouvelée pour la jeunesse, qui a besoin tout à la fois d'éducateurs et de témoins pour se tourner vers le Seigneur et prendre sa part dans la mission de l'Eglise.


6. Aujourd'hui, l'Ordre bénédictin se réjouit de la béatification d'un de ses plus illustres fils, Dom Columba Marmion, moine et Abbé de Maredsous. Dom Marmion nous a légué un authentique trésor d'enseignement spirituel pour l'Eglise de notre temps. Dans ses écrits, il enseigne un chemin de sainteté, simple et pourtant exigeant, pour tous les fidèles, que Dieu par amour a destinés à être ses fils adoptifs dans le Christ Jésus (cf.
Ep 1,5). Jésus-Christ, notre Rédempteur et source de toute grâce, est le centre de notre vie spirituelle, notre modèle de sainteté.

Avant d'entrer dans l'Ordre bénédictin, Columba Marmion consacra quelques années au soin pastoral des âmes en tant que prêtre de son archidiocèse natal de Dublin. Tout au long de sa vie, le bienheureux Columba fut un directeur spirituel hors pair, prenant un soin particulier de la vie intérieure des prêtres et des religieux. A un jeune homme se préparant à l'ordination, il écrivit un jour: "La meilleure des préparations à l'ordination est de vivre chaque jour dans l'amour, partout où l'obéissance et la Providence nous placent" (Lettre, 27 décembre 1915). Puisse une vaste redécouverte des écrits spirituels du bienheureux Columba Marmion aider les prêtres, les religieux et les laïcs à croître dans l'union avec le Christ et lui apporter un témoignage fidèle à travers l'amour ardent de Dieu et le service généreux à leurs frères et soeurs.


7. Nous demandons avec confiance aux nouveaux bienheureux Pie IX, Jean XXIII, Tommaso Reggio, Guillaume-Joseph Chaminade et Columba Marmion de nous aider à vivre de façon toujours plus conforme à l'Esprit du Christ. Que leur amour pour Dieu et pour leurs frères soit une lumière pour nos pas en cette aube du troisième millénaire!



10 septembre 2000, Jubilé des Universités

Dimanche 10 septembre 2000



1. "Il a bien fait toutes choses: il fait entendre les sourds et parler les muets" (Mc 7,37).

Dans le climat jubilaire de cette célébration, nous sommes avant tout invités à nous unir à l'émerveillement et à la louange de ceux qui assistèrent au miracle qui vient d'être entendu dans le texte évangélique. Comme tant d'autres épisodes de guérison, il atteste la venue, dans la personne de Jésus, du Royaume de Dieu. Dans le Christ se réalisent les promesses messianiques énoncées par le prophète Isaïe: "Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les oreilles des sourds s'ouvriront" (Is 35,5-6). En Lui s'est inauguré, pour toute l'humanité, l'an de grâce du Seigneur (cf. Lc 4,17-21).

Cette année de grâce à travers les temps, marque désormais toute l'histoire et est principe de résurrection et de vie, qui touche non seulement l'humanité, mais également toute la création (cf. Rm 8,19-22).

Nous sommes ici pour faire une expérience renouvelée de cette année de grâce, à l'occasion de ce jubilé des Universités, qui vous rassemble, éminents recteurs, professeurs, administrateurs et aumôniers, réunis de divers pays et vous, très chers étudiants, provenant du monde entier.
840 A chacun de vous, j'adresse mon salut cordial. Je remercie de leur présence les cardinaux et évêques concélébrants. Je salue également le Ministre italien des Universités et les autres représentants des Autorités réunis ici.


2. "Ephatha, ouvre toi!" (
Mc 7,34). La parole, prononcée par Jésus lors de la guérison du sourd-muet, résonne aujourd'hui pour nous; il s'agit d'une parole suggestive, d'une profonde intensité symbolique, qui nous appelle à nous ouvrir à l'écoute et au témoignage.

Le sourd-muet dont parle l'Evangile n'évoque-t-il pas la situation de celui qui ne réussit pas à instaurer un dialogue qui donne un véritable sens à l'existence? D'une certaine façon, il fait penser à l'homme qui s'enferme dans une supposée autonomie, dans laquelle il finit par être isolé de Dieu et souvent également du prochain. Jésus s'adresse à cet homme pour lui restituer la capacité de s'ouvrir à l'Autre et aux autres, dans une attitude de confiance et d'amour gratuit. Il lui offre l'extraordinaire opportunité de rencontrer Dieu, qui est amour et qui se laisse connaître par celui qui l'aime. Il lui offre le salut.

Oui, le Christ ouvre l'homme à la connaissance de Dieu et de lui-même. Il l'ouvre à la vérité, Lui qui est la vérité (cf. Jn 14,6), en le touchant intérieurement et en guérissant ainsi "de l'intérieur" chacune de ses facultés.

Pour vous, très chers frères et soeurs engagés dans le domaine de la recherche et de l'étude, cette parole constitue un appel à ouvrir l'esprit à la vérité qui rend libres! Dans le même temps, la Parole du Christ vous appelle à devenir les intermédiaires, auprès d'innombrables jeunes, de ce "Ephatha", qui ouvre l'esprit à l'accueil de chaque aspect de la vérité dans les divers domaines du savoir. Vu sous cet angle, votre engagement quotidien vous place à la suite du Christ sur la route du service aux frères dans la vérité de l'amour.

Le Christ est celui qui "a fait bien toutes choses" (Mc 7,37). Il est le modèle vers lequel se tourner constamment pour faire de son activité académique un service efficace à l'aspiration humaine d'une connaissance toujours plus pleine de la vérité.


3. "Dites aux coeurs défaillants: "Soyez forts, ne craignez pas; voici votre Dieu [...] C'est Lui qui vient vous sauver"" (Is 35,4).

Dans ces paroles d'Isaïe s'inscrit bien également votre mission, très chers hommes d'Université. Vous êtes engagés chaque jour à annoncer, défendre et diffuser la vérité. Souvent, il s'agit de vérités concernant les réalités les plus diverses du cosmos et de l'histoire. A l'inverse des domaines de la théologie et de la philosophie, le discours ne concerne pas toujours directement le problème du sens ultime de la vie et le rapport avec Dieu. Mais cela demeure toutefois l'horizon le plus vaste de toute pensée. Même dans les recherches sur les aspects de la vie qui semblent totalement éloignés de la foi, se cache un désir de vérité et de sens qui dépasse le particulier et le nécessaire.
Lorsque l'homme n'est pas spirituellement "sourd-muet", chaque parcours de la pensée, de la science et de l'expérience lui apporte également un reflet du Créateur et suscite un désir de Lui souvent caché et peut-être même réprimé, mais insurmontable. Saint Augustin l'avait bien compris, lui qui s'exclamait: "Tu nous as fait pour toi, ô Seigneur, et notre coeur n'aura de paix que lorsqu'il reposera en Toi" (Conf. 1, 1).

Votre vocation de chercheurs et de professeurs qui ont ouvert leur coeur au Christ est celle de vivre et de témoigner de façon efficace de cette relation entre les savoirs individuels et ce savoir "suprême" qui concerne Dieu, et dans un certain sens coïncide avec Lui, avec son Verbe fait homme et avec l'esprit de vérité qui lui a été donné. L'Université devient ainsi, à travers votre contribution, le lieu de l'Ephatha, où le Christ, se servant de vous, continue à accomplir le miracle d'ouvrir les oreilles et les lèvres, suscitant une nouvelle écoute et une véritable communication.

La liberté de la recherche n'a pas à craindre de cette rencontre avec le Christ. Le dialogue et le respect des personnes n'est pas non plus menacé par celle-ci car la vérité chrétienne, de par sa nature, doit être proposée et jamais imposée, et a comme point ferme le profond respect de l'"autel de la conscience" (Redemptoris missio RMi 39 cf. Redemptor hominis, RH 12; Conc. oecum. Vat. II. , Dignitatis humanae DH 3).


841 4. Notre époque est une époque de profondes mutations, qui concernent également le monde universitaire. Le caractère humaniste de la culture apparaît parfois marginal, tandis que s'accentue la tendance à réduire l'horizon de la connaissance à ce qui est mesurable et à négliger toute question concernant la signification ultime de la réalité. On peut se demander quel homme prépare aujourd'hui l'Université.

Face au défi d'un nouvel Humanisme qui soit authentique et intégral, l'Université a besoin de personnes attentives à la Parole de l'unique Maître, elle a besoin de professionnels qualifiés et de témoins crédibles du Christ. Mission certes difficile, qui requiert un engagement constant, qui se nourrit de prière et d'étude, et qui s'exprime dans la normalité du quotidien.

La pastorale universitaire vient soutenir cette mission, et apporte dans le même temps un soin spirituel des personnes et une action efficace d'animation culturelle dans laquelle la lumière de l'Evangile oriente et humanise les parcours de la recherche, de l'étude et de la didactique.

Le centre d'une telle action pastorale sont les aumôneries universitaires, où professeurs, étudiants et personnel trouvent un soutien et une aide pour leur vie chrétienne. Placées comme des lieux significatifs dans le contexte de l'Université, elles alimentent l'engagement de chacun dans les formes et des façons que suggère le milieu universitaire: il s'agit de lieux de l'esprit, d'ateliers de vertu chrétienne, de maisons accueillantes et ouvertes, de centres vivants et stimulants d'animation chrétienne de la culture, dans le dialogue respectueux et franc, dans la proposition claire et motivée (cf.
1P 3,15), dans le témoignage qui interroge et convainc.


5. Très chers amis, c'est pour moi une grande joie de célébrer aujourd'hui avec vous le jubilé des Universités. Votre présence nombreuse et qualifiée constitue un signe éloquent de la fécondité culturelle de la foi.

En fixant le regard sur le mystère du Verbe incarné (cf. Bulle Incarnationis mysterium, n. 1), l'homme se retrouve lui-même (cf. Gaudium et spes GS 22). Il fait également l'expérience d'une joie intime, qui s'exprime dans le même style intérieur de l'étude et de l'enseignement. La science dépasse ainsi les limites qui la réduisent à un simple processus fonctionnel et pragmatique, pour retrouver sa dignité de recherche au service de l'homme dans sa pleine vérité, illuminée et orientée par l'Evangile.

Très chers professeurs et étudiants, telle est votre vocation: faire de l'Université un milieu dans lequel on cultive le savoir, le lieu où la personne trouve la possibilité de faire des projets, la sagesse, l'impulsion au service qualifié de la société.

Je confie votre chemin à Marie, Sedes Sapientiae, dont je vous remets aujourd'hui l'image, afin qu'elle soit accueillie comme maîtresse et pèlerin dans les villes universitaires du monde. Que celle-ci, qui soutint par sa prière les Apôtres à l'aube de l'évangélisation, vous aide également à animer d'esprit chrétien le monde universitaire.



17 septembre 2000, Jubilé du troisième âge

Dimanche 17 septembre 2000


1. "Mais pour vous, qui suis-je?" (Mc 8,29). C'est la question que le Christ pose à ses disciples, après les avoir interrogé sur l'opinion commune de la population. Il approfondit ainsi le dialogue avec les disciples, en les obligeant presque à donner une réponse plus directe et personnelle. Pierre répond au nom de tous, avec promptitude et une foi claire: "Tu es le Christ!" (Mc 8,29).

842 Le dialogue de Jésus avec les Apôtres retentit aujourd'hui sur cette place, à l'occasion du Jubilé du Troisième âge, et il incite à approfondir la signification de l'événement que nous célébrons. En l'Année jubilaire, qui nous rappelle les deux mille ans de la naissance du Christ, l'Eglise tout entière élève au Seigneur d'une façon toute particulière "une grande prière de louange et d'action de grâce surtout pour le don de l'Incarnation du Fils de Dieu et de la Rédemption qu'Il a accomplie" (cf. Tertio millennio adveniente TMA 32).

"Mais pour vous, qui suis-je?". Face à cette question qui continue à nous interpeller, nous sommes ici pour faire nôtre la réponse de Pierre, en reconnaissant dans le Christ le Verbe fait chair, le Seigneur de notre vie.


2. Très chers frères et soeurs, venus en pèlerinage à Rome pour votre Jubilé! Je vous souhaite une cordiale bienvenue, heureux de célébrer avec vous ce moment singulier de grâce et de communion ecclésiale.

Je vous salue tous avec affection. J'adresse une pensée particulière au Cardinal James Francis Stafford et à tous mes frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce ici présents. J'envoie un souvenir affectueux à tous les évêques et les prêtres âgés du monde entier, ainsi qu'à ceux qui, dans la vie religieuse ou laïque, ont dépensé leurs énergies dans l'accomplissement des devoirs de leur état. Merci de l'exemple que vous offrez d'amour, de dévouement et de fidélité à la vocation reçue!

Je désire exprimer ma satisfaction à ceux qui ont affronté des difficultés et des obstacles pour ne pas manquer ce rendez-vous. Dans le même temps, toutefois, ma pensée s'adresse également à toutes les persones âgées, seules ou malades, qui n'ont pas pu se déplacer de chez elles, mais qui sont spirituellement unies à nous et qui suivent cette célébration à la radio et à la télévision. J'assure de ma cordiale proximité et de mon souvenir dans la prière celles qui se trouvent dans des situations précaires ou de difficulté particulière.


3. Le Jubilé du Troisième âge, que nous célébrons aujourd'hui, revêt une importance particulière si l'on considère la présence croissante des personnes âgées dans la société actuelle. Célébrer le Jubilé signifie tout d'abord recueillir le message du Christ pour ces personnes, mais dans le même temps s'enrichir du message d'expérience et de sagesse dont elles sont les détentrices en cette saison particulière de leur vie. Pour un grand nombre d'entre elles le Troisième âge constitue la période propice pour réorganiser leur vie, en faisant fructifier l'expérience et les capacités acquises.

En réalité - comme j'ai eu l'occasion de le souligner dans la Lettre aux personnes âgées (cf. n. 13) - même un âge avancé représente un temps de grâce, qui invite à s'unir avec un amour plus intense au mystère salvifique du Christ et à participer plus profondément à son projet de salut. Chères personnes âgées, l'Eglise vous regarde avec amour et confiance, s'engageant pour favoriser la réalisation d'un contexte humain, social et spirituel au sein duquel chaque personne peut vivre pleinement et dignement cette étape importante de sa propre vie.

Précisément au cours de ces journées, le Conseil pontifical pour les Laïcs a voulu offrir une contribution à cet aspect de la pastorale en promouvant une réflexion sur le thème: "Le don d'une longue vie: responsabilité et espérance". J'ai vivement apprécié cette initiative et je souhaite que ce symposium stimule chez les familles, chez le personnel religieux et laïc des maisons qui accueillent les personnes âgées et chez tous les agents au service du troisième âge, le désir de contribuer activement au renouvellement d'un engagement social et pastoral spécifique. En effet, on peut encore beaucoup faire pour prendre une plus grande conscience des exigences des personnes âgées, pour les aider à exprimer au mieux leurs capacités, pour faciliter leur insertion active dans la vie de l'Eglise, en particulier pour faire en sorte que leur dignité de personne soit toujours respectée et valorisée.


4. Les lectures de ce dimanche, qui nous invitent à approfondir la façon dont s'est accompli le dessein salvifique de Dieu, mettent en lumière tout cela. Nous avons écouté, dans le livre du prophète Isaïe, la description du Serviteur qui souffre, qui est le portrait d'une personne qui se met totalement à la disposition de Dieu. "Le Seigneur Yahvé m'a ouvert l'oreille, et moi je n'ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé" (Is 50,5). Le serviteur de Yahvé accepte la mission qui lui est confiée, même si elle est difficile et remplie d'obstacles: la confiance qu'il place en Dieu lui donne la force et les ressources nécessaires pour la réaliser, en restant fort face à l'adversité.

Le mystère de souffrance et de rédemption annoncé par la figure du Serviteur de Yahvé s'est pleinement réalisé dans le Christ. Comme nous l'avons entendu dans l'Evangile d'aujourd'hui, Jésus commença à enseigner aux Apôtres que "le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir" (Mc 8,31). A première vue, cette perspective apparaît humainement difficile à accepter, comme on le voit également dans la réaction immédiate de Pierre et des Apôtres (cf. Mc Mc 8,32-35). Et comment pourrait-il en être autrement? La souffrance ne peut que faire peur! Mais précisément dans la souffrance rédemptrice du Christ se trouve la vraie réponse au défi de la douleur, qui pèse tant sur notre condition humaine. En effet, le Christ a pris sur lui nos souffrances et s'est chargé de nos douleurs, en les plaçant, grâce à sa Croix et à sa Résurrection, sous une lumière nouvelle d'espérance et de vie.


5. Chers frères et soeurs, chers amis âgés! Dans un monde comme le nôtre, dans lequel la force et la puissance sont souvent élevées au rang de mythe, vous avez la mission de témoigner des valeurs qui comptent vraiment au-delà des apparences, et qui restent pour toujours parce qu'elles sont inscrites dans le coeur de chaque être humain et garanties par la Parole de Dieu.

843 Précisément en tant que personnes du troisième âge, vous avez une contribution spécifique à offrir pour le développement d'une authentique "culture de la vie" - vous avez, nous avons, car moi aussi j'appartiens à votre génération -, en témoignant que chaque moment de l'existence est un don de Dieu et chaque saison de la vie humaine possède ses richesses spécifiques à mettre à la disposition de tous.

Vous même vous pouvez faire l'expérience de la façon dont le temps qui passe sans le souci de nombreuses activités peut favoriser une réflexion plus approfondie et un dialogue plus constant avec Dieu dans la prière. Votre maturité vous pousse en outre à partage avec les plus jeunes la sagesse acquise avec l'expérience, en les soutenant dans la difficulté de grandir et en leur consacrant du temps et de l'attention au moment où ils s'ouvrent à l'avenir et cherchent leur voie dans la vie. Vous pouvez accomplir pour eux une tâche vraiment précieuse.

Très chers frères et soeurs! L'Eglise vous considère avec une grande estime et confiance. L'Eglise a besoin de vous! Mais la société civile a également besoin de vous! C'est ce que j'ai dit il y a un mois aux jeunes et que je vous dis aujourd'hui, personnes âgées, que je nous dis à nous, personnes âgées! L'Eglise a besoin de nous! Mais la société civile en a également besoin! Sachez employer généreusement le temps que vous avez à disposition et les talents que Dieu vous a accordés en vous ouvrant à l'assistance et au soutien à l'égard des autres. Contribuez à annoncer l'Evangile en tant que catéchistes, animateurs de la liturgie, témoins de vie chrétienne. Consacrez du temps et de l'énergie à la prière, à la lecture de la Parole de Dieu et à la réflexion sur celle-ci.


6. "Moi, c'est par les oeuvres que je te montrerai ma foi" (
Jc 2,17). Avec ces paroles l'Apôtre Jacques nous a invités à ne pas avoir peur d'exprimer ouvertement et avec courage dans la vie quotidienne la foi en Christ, en particulier à travers les oeuvres de charité et de solidarité envers ceux qui sont dans le besoin (cf. vv. 15-16).

Je rends aujourd'hui grâce au Seigneur pour les nombreux frères qui témoignent de cette foi active dans le service quotidien aux personnes âgées, mais également pour les nombreuses personnes âgées qui, dans les limites de leurs possibilités, continuent encore à se prodiguer pour les autres.

Au cours de cette joyeuse célébration du Jubilé du Troisième âge vous voulez renouveler votre profession de foi dans le Christ, unique sauveur de l'homme, et votre adhésion à l'Eglise, en vous engageant à une vie vécue à l'enseigne de l'amour.

Ensemble, nous voulons aujourd'hui rendre grâce pour le don de l'Incarnation du Fils de Dieu et de la Rédemp-tion qu'il a accomplie. Nous poursuivons le pèlerinage de notre expérience quotidienne dans la certitude que l'histoire humaine dans son ensemble et la vie personnelle de chacun font partie d'un plan divin, sur lequel le mystère de la résurrection du Christ apporte sa lumière.

Nous prions Marie, Vierge en pèlerinage dans la foi et notre Mère céleste, de nous accompagner sur la route de la vie et de nous aider à prononcer, comme Elle, notre "oui" à la volonté de Dieu, en chantant ensemble avec Elle notre Magnificat avec confiance et le coeur empli de la joie éternelle.

24 septembre 2000, Clôture du XXème Congrès Mariologique-Marial International

Dimanche 24 septembre 2000


Très chers frères et soeurs,

844 1. "Prenant un petit enfant, il le plaça au milieu d'eux" (Mc 9,36). Ce geste singulier de Jésus, rappelé par l'Evangile qui vient d'être proclamé, se situe immédiatement après le conseil avec lequel le Maître avait exhorté les disciples à désirer non pas le primat du pouvoir, mais celui du service. Un enseignement qui dut piquer au vif les Douze, qui avaient à peine "discuté entre eux qui était le plus grand" (Mc 9,34). On dirait que le Maître ressentait le besoin d'illustrer un enseignement aussi exigeant grâce à l'éloquence d'un geste riche de tendresse. A un enfant, qui - selon les paramètres de l'époque - ne comptait pour rien, il donna un baiser et s'identifia presque avec lui: "Quiconque accueille un enfant comme celui-ci à cause de mon nom, c'est moi qu'il accueille" (Mc 9,37).

Dans cette Eucharistie, qui conclut le XXème Congrès mariologique-marial international et le Jubilé mondial des sanctuaires mariaux, j'ai plaisir à prendre précisément comme perspective de réflexion cette singulière icône évangélique. Dans celle-ci apparaît, avant même un enseignement moral, une indication christologique et, indirectement, une indication mariale.

Dans le baiser à l'enfant, le Christ révèle tout d'abord la délicatesse de son coeur, capable de toutes les nuances de la sensibilité et de l'affection. Il y a tout d'abord la tendresse du Père, qui depuis l'éternité, dans l'Esprit Saint, l'aime et voit dans son visage humain le "Fils bien-aimé" qui a toute sa faveur (cf. Mc Mc 1,11 Mc 9,7). Il y a ensuite la tendresse toute féminine et maternelle dont l'a entouré Marie au cours des longues années passées dans la maison de Nazareth. La tradition chrétienne, en particulier au Moyen-âge, s'est souvent arrêtée pour contempler la Vierge qui embrasse l'enfant Jésus. Aelred de Rievaulx, par exemple, s'adresse affectueusement à Marie en l'invitant à embrasser le Fils qu'elle a retrouvé dans le temple après trois jours (cf. Lc 2,40-50): "Serre, très douce Dame, serre Celui que tu aimes, jette-toi à son cou, prends-le dans tes bras et embrasse-le, et compense les trois jours de son absence par de multiples délices" (De Iesu puero duodenni 8: Sch 60, p. 64).


2. "Si quelqu'un veut être le premier, il sera le dernier de tous et le serviteur de tous" (Mc 9,35). Dans l'icône du baiser donné à l'enfant apparaît toute la vigueur de ce principe qui, dans la personne de Jésus, et ensuite également en Marie, trouve sa réalisation exemplaire.

Personne ne peut dire comme Jésus qu'il est le "premier". En effet, il est "le premier et le dernier", "l'alpha et l'omega" (cf. Ap 22,13), le rayonnement de la gloire du Père (cf. He He 1,3). A lui, dans la résurrection, a été donné "le Nom qui est au-dessus de tout nom" (Ph 2,9). Mais il s'est également montré, dans la Passion, "le dernier de tous" et, en tant que "serviteur de tous", il n'a pas hésité à laver les pieds de ses disciples (cf. Jn 13,14).

Comme Marie le suit de près dans cette abaissement! Elle, qui a reçu la mission de la maternité divine et les privilèges exceptionnels qui la plaçent au-dessus de toute créature, se sent tout d'abord la Servante du Seigneur (Lc 1,38-48), et elle se consacre totalement au service du Fils divin. Elle devient également, avec une prompte disponibilité, la "servante" de ses frères, comme certains épisodes évangéliques - de la Visitation aux noces de Cana - nous le font bien voir.


3. C'est pourquoi, le principe énoncé par Jésus dans l'Evangile, illumine également la grandeur de Marie. Son "primat" est enraciné dans son humilité. C'est précisément dans cette humilité qu'elle a été rejointe par Dieu, qui l'a comblée de ses faveurs en en faisant la "kecharitomene", la pleine de grâce (Lc 1,28). Elle même confesse dans le Magnificat: "Il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante [...] le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses" (Lc 1,48-49).

Au cours du Congrès mariologique qui vient de se dérouler, vous avez tourné votre regard sur les "grandes choses" accomplies en Marie, en considérant sa dimension la plus intérieure et profonde, celle de sa relation très particulière avec la Trinité. Si Marie est la Théotokos, la Mère du Fils unique de Dieu, comment s'étonner qu'elle jouisse d'une relation tout à fait unique avec le Père et l'Esprit Saint?

Cette relation ne la dispensa certes pas, au cours de sa vie terrestre, des fatigues de la condition humaine: Marie vécut pleinement la réalité quotidienne de tant d'humbles familles de son temps, elle connut la pauvreté, la douleur, la fuite, l'exil, l'incompréhension. Sa grandeur spirituelle ne l'éloigne donc pas de nous: Elle a parcouru notre route et a été solidaire avec nous dans le "pèlerinage de la foi" (Lumen gentium LG 58). Mais sur ce chemin intérieur, Marie cultiva une fidélité absolue au dessein de Dieu. C'est précisément dans l'abîme de cette fidélité que s'enracine également l'abîme de grandeur qui la rend "plus humble et plus élevée que toute créature" (Dante, Par XXXIII, 2).
4. Marie apparaît tout d'abord à notre regard comme la "fille bien-aimée" (Lumen gentium LG 53) du Père. Si nous avons tous été appelés par Dieu "à être ses enfants adoptifs par l'oeuvre de Jésus-Christ" (cf. Ep 1,5), "fils dans le Fils", cela vaut à un titre particulier pour elle, qui a le privilège de pouvoir répéter avec une pleine vérité humaine la parole prononcée par Dieu le Père sur Jésus: "Tu es mon Fils" (cf. Lc 3,22 Lc 2,48). Pour sa tâche maternelle, elle a été dotée d'une sainteté exceptionnelle, dans laquelle repose le regard du Père.

Avec la seconde personne de la Trinité, le Verbe fait chair, Marie possède une relation unique, étant directement concernée par le mystère de l'Incarnation. Elle est la Mère, et, comme telle, le Christ l'honore et l'aime. Dans le même temps, Elle le reconnaît comme son Dieu et Seigneur, devenant une disciple au coeur attentif et fidèle (cf. Lc 2,19 Lc 2,51) et sa compagne généreuse (Lumen gentium LG 61) dans l'oeuvre de la Rédemption. Dans le Verbe incarné et en Marie, la distance infinie entre le Créateur et la créature est devenue proximité suprême; ils sont l'espace saint des noces mystérieuses de la nature divine avec la nature humaine, le lieu où la Trinité se manifeste pour la première fois et où Marie représente l'humanité nouvelle, prête à reprendre, dans un amour obéissant, le dialogue de l'alliance.


845 5. Que dire ensuite de son rapport avec l'Esprit Saint? Marie est le "sanctuaire" très pur, dans lequel Il habite. La tradition chrétienne trouve en Marie le prototype de la réponse docile à la motion intérieure de l'Esprit, le modèle du plein accueil de ses dons. L'Esprit soutient sa foi, en renforce l'espérance, ravive la flamme de son amour. L'Esprit rend sa virginité féconde et inspire son cantique de joie. L'Esprit illumine sa méditation sur la Parole, ouvrant progressivement son intelligence à la compréhension de la mission du Fils. C'est encore l'Esprit qui soutient son âme éplorée sur le Calvaire et qui la prépare, dans l'attente priante du Cénacle, à recevoir la pleine effusion des dons de la Pentecôte.


6. Très chers frères et soeurs! Face à ce à ce mystère de grâce, on voit bien à quel point les deux événements que cette célébration eucharistique conclut sont en harmonie avec l'année jubilaire: le Congrès mariologique-marial international et le Jubilé mondial des sanctuaires mariaux. Ne célébrons-nous pas, en effet, les deux mille ans de la naissance du Christ? Il est donc naturel que le Jubilé du Fils soit également le Jubilé de la Mère!"

C'est pourquoi il faut souhaiter que, parmi les fruits de cette année de grâce, à côté de celui d'un amour plus fort pour le Christ, se trouve également celui d'une piété mariale renouvelée. Oui, Marie doit être profondément aimée et honorée, mais avec une dévotion qui, pour être authentique:

- doit être fondée sur l'Ecriture et sur la Tradition, en valorisant tout d'abord la liturgie et en tirant de celle-ci une orientation sûre pour les manifestations les plus spontanées de la religiosité populaire;

- doit s'exprimer dans l'effort d'imiter la Toute Sainte, sur un chemin de perfectionnement personnel;

- doit être loin de toute forme de superstition et de vaine crédulité, en accueillant, dans le juste sens, en harmonie avec le discernement ecclésial, les manifestations extraordinaires avec lesquelles la Bienheureuse Vierge Marie aime souvent se manifester pour le bien du Peuple de Dieu;

- doit être capable de toujours remonter à la source de la grandeur de Marie, en devenant un perpétuel Magnificat de louange au Père, au Fils et à l'Esprit Saint.


7. Très chers frères et soeurs! "Celui qui accueille l'un de ces plus petits en mon nom, c'est moi qu'il accueille", nous a dit Jésus dans l'Evangile. A fortiori on pourrait dire: "Celui qui accueille ma Mère, c'est moi qu'il accueille". Et Marie, pour sa part, accueillie avec un amour filial, nous indique encore une fois le Fils, comme elle fit lors des noces de Cana: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (
Jn 2,5).

Voilà, très chers amis, la consigne de la célébration jubilaire d'aujourd'hui, qui unit dans une unique louange le Christ et sa Mère très sainte. Je souhaite que chacun de vous en reçoive d'abondants fruits spirituels et soit encouragé à un authentique renouvellement de vie. Ad Iesum per Mariam!

Amen.



28 septembre 2000, Messe de suffrage pour les Souverains Pontifes Paul VI et Jean Paul Ier

846 Jeudi 28 septembre 2000


1. "Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées" (
Lc 12,35).

Souvent, dans l'Evangile, le Christ invite les disciples à la vigilance. Il s'agit même d'un véritable ordre: veillez! Soyez prêts! Celui-ci retentit aujourd'hui pour nous, vénérés frères, au cours de cette célébration, qui nous voit réunis autour de l'autel du Seigneur pour offrir son sacrifice en faveur des âmes élues des Souverains Pontifes Paul VI et Jean-Paul Ier. Et il est émouvant, en ce moment, de penser à eux et de les imaginer ainsi, tous deux les "reins ceints et [...] les lampes allumées", prêts, grâce à leurs vertus personnelles et à leur ministère, pour la rencontre définitive avec le Seigneur.

Pour le Pape Luciani, en particulier, s'est vérifiée à la lettre la béatitude de celui que le patron trouve en train de veiller, "qu'il vienne à la deuxième ou à la troisième veille" (Lc 12,38). Et qu'il ait été vigilant, dans sa sollicitude pour toute l'Eglise, est attesté par l'impression profonde qu'il a laissée dans le coeur des fidèles, en dépit de la brève durée de son pontificat.


2. Cette année, la traditionnelle célébration à l'intention de mes vénérés prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul I acquiert, en vertu du temps de grâce jubilaire, une signification particulière ainsi qu'une efficacité spirituelle supplémentaire.

Cette efficacité, à vrai dire, ne touche pas seulement les âmes des frères défunts, mais nous tous réunis ici en prière. Si, en effet, il nous est permis d'offrir des intentions en leur faveur, eux, au-delà du seuil de la mort, nous invitent à méditer sur l'objectif ultime du pèlerinage terrestre.


3. "Qui nous séparera de l'amour du Christ?" (Rm 8,35). C'est l'Apôtre Paul qui nous pose la question. Nous connaissons la réponse: le péché sépare l'homme de Dieu, mais le mystère de l'incarnation, de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ a rétabli l'alliance perdue. Rien ni personne ne pourra jamais plus nous séparer de l'amour de Dieu le Père, révélé et réalisé dans le Christ Jésus, dans la puissance de l'Esprit Saint. La mort elle-même, privée du poison du péché, ne fait plus peur: pour celui qui croit, elle devient un rêve, qui est le prélude au repos éternel, dans la terre promise.

Le Livre de la Sagesse nous a rappelé que "le juste, même s'il meurt avant l'âge, trouve le repos", car, "devenu agréable à Dieu, il a été aimé" (Sg 4,7 Sg 4,10). Quel grand amour a réservé le Père pour les vénérables Pontifes Paul VI et Jean-Paul Ier! Il les a appelés à la foi, au sacerdoce, à l'épiscopat, au Ministère pétrinien. Il les a enrichis d'innombrables dons de sagesse et de vertu. Et nous, tandis que nous prions Dieu pour eux, confiants que "la grâce et la miséricorde sont pour ses élus" (Sg 4,15), nous lui rendons grâce pour les avoir donnés à l'Eglise, qui a été édifiée et continue d'être édifiée par leur témoignage et leur service.


4. "Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant" (Ps 42-43 [41-42], 3a). Cette soif, que le Pape Montini et le Pape Luciani ont ressentie intensément, sera étanchée lorsque "nous irons et nous verrons la face de Dieu" (cf. Ps Ps 42-43 [41-42], 3b).

Deux Pontifes romains ont depuis peu été ajoutés au nombre des esprits bienheureux qui contemplent déjà la gloire divine: Pie IX et Jean XXIII. Nous confions aujourd'hui notre prière d'intention à leur intercession particulière, afin que, dans la liturgie du Ciel, Paul VI et Jean-Paul I avancent "vers la maison de Dieu, parmi les cris de joie, l'action de grâces, la rumeur de la fête" (Ps 42-43 [41-42], 5).

Que la Bienheureuse Vierge Marie, auprès du Trône du Très-Haut, les accueille, afin que, dans sa beauté immaculée, ils puissent admirer, enfin parfaite, celle de l'Eglise, qu'ils ont aimée et servie sur terre.



847 1er octobre 2000, Canonisations de Augustin Tchao et 119 Compagnons martyrs en Chine, María Josefa del Corazón de Jesús Sancho de Guerra, Katharine Mary Drexel, Josephine Bakhita

Dimanche 1er octobre 2000


1. "Ta parole est vérité: consacre-nous dans ton amour" (Chant à l'Evangile: cf.
Jn 17,17). Cette invocation, écho de la prière que le Christ adresse au Père après la Dernière Cène, semble s'élever de la foule des saints et des bienheureux, que l'Esprit de Dieu, de génération en génération, suscite dans l'Eglise.

Aujourd'hui, deux mille ans après le début de la Rédemption, nous faisons nôtres ces paroles, tandis que nous avons devant nous comme modèles de sainteté Agostino Zhao Rong et ses 119 compagnons, martyrs en Chine, Maria Josepha du Coeur de Jésus Sancho de Guerra, Katharine Mary Drexel et Giuseppina Bakhita. Dieu le Père les a "consacrés dans son amour", réalisant la demande du Fils qui, pour lui donner un peuple saint, a ouvert les bras sur la croix et, en mourant, a détruit la mort et proclamé la résurrection (cf. Prière eucharistique, II, Préface).

A vous tous, chers frères et soeurs, réunis ici en grand nombre pour exprimer votre piété envers ces témoins lumineux de l'Evangile, j'adresse un salut cordial.


2. "Les préceptes du Seigneur apportent la joie" (Ps. resp.). Ces paroles du Psaume responsorial reflètent bien l'expérience d'Agostino Zhao Rong et de ses 119 compagnons, Martyrs en Chine. Les témoignages qui nous sont parvenus laissent entrevoir chez eux un état d'âme empreint d'une profonde sérénité et joie.

L'Eglise est aujourd'hui reconnaissante au Seigneur, qui la bénit et l'inonde de lumière à travers la splendeur de la sainteté de ces fils et filles de la Chine. L'Année Sainte n'est-elle pas le moment le plus opportun pour faire resplendir leur témoignage héroïque? La jeune Anna Wang, âgée de 14 ans, résiste aux menaces du bourreau qui la somme d'apostasier, et, se préparant à être décapité, le visage lumineux, déclare: "La porte du Ciel est ouverte à tous" et murmure trois fois de suite "Jésus". A ceux qui viennent de lui couper le bras droit et qui se préparent à l'écorcher vif, Chi Zhuzi, âgé de 18 ans, crie avec courage: "Chaque morceau de ma chair, chaque goutte de mon sang vous répéteront que je suis chrétien".

Les 85 autres Chinois, hommes et femmes de tout âge et de toute condition, prêtres, religieux et laïcs, ont témoigné d'une conviction et d'une joie semblables en scellant leur fidélité indéfectible au Christ et à l'Eglise à travers le don de la vie. Cela est survenu au cours de divers siècles et en des temps complexes et difficiles de l'histoire de Chine. La célébration présente n'est pas le lieu opportun pour émettre des jugements sur ces périodes de l'histoire: on pourra et on devra le faire en une autre occasion. Aujourd'hui, à travers cette proclamation solennelle de sainteté, l'Eglise entend uniquement reconnaître que ces martyrs sont un exemple de courage et de cohérence pour nous tous et font honneur au noble peuple chinois.

Parmi cette foule de martyrs resplendissent également 33 missionnaires, hommes et femmes, qui quittèrent leur terre et tentèrent de s'introduire dans la réalité chinoise, en assumant avec amour ses caractéristiques, désirent annoncer le Christ et servir ce peuple. Leurs tombes sont là-bas, représentant presque un signe de leur appartenance définitive à la Chine, que, même dans leurs limites humaines, ils ont sincèrement aimée, dépensant pour elle toutes leurs énergies. "Nous n'avons jamais fait de mal à personne - répond l'Evêque Francesco Fogolla au gouverneur qui s'apprête à le frapper avec son épée - au contraire, nous avons fait du bien à de nombreuses personnes".

Dieu fait descendre le bonheur (en langue chinoise dans le texte).

3. Dans la première lecture ainsi que dans l'Evangile de la liturgie d'aujourd'hui, nous avons vu que l'Esprit souffle là où il le désire et que Dieu, en tout temps, élit des personnes pour manifester son amour aux hommes et qu'il suscite des institutions appelées à être des instruments privilégiés de son action. C'est ce qui est arrivé à sainte Maria Josepha du Coeur de Jésus Sancho Guerra, fondatrice des Servantes de Jésus de la Charité.

848 Dans la vie de la nouvelle sainte, première basque à être canonisée, se manifeste de façon particulière l'action de l'Esprit. Celui-ci la guida vers le service des malades et la prépara à être la Mère d'une nouvelle famille religieuse.

Sainte Maria Josepha vécut sa vocation comme une véritable apôtre dans le domaine de la santé, son service cherchant à conjuguer l'attention matérielle avec l'attention spirituelle, procurant par tous moyens le salut des âmes. Bien qu'elle fut malade lors des douze dernières années de sa vie, elle ne s'épargna aucun effort ni aucune souffrance, et se prodigua sans limites pour le service caritatif du malade dans un climat d'esprit contemplatif, en rappelant que "l'assistance ne consiste pas seulement à donner des médicaments et de la nourriture au malade, il existe un autre type d'assistance,... celle du coeur, en cherchant à s'adapter à la personne qui souffre".

Que l'exemple et l'intercession de sainte Maria Josepha du Coeur de Jésus aident le peuple basque à bannir pour toujours la violence, et qu'Euskadi devienne une terre bénie et un lieu de coexistence pacifique et fraternelle, où soient toujours respectés les droits de toutes les personnes et où le sang innocent ne soit jamais versé.


4. "C'est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours" (
Jc 5,3).
Dans la seconde Lecture de la Liturgie d'aujourd'hui, l'Apôtre Jacques réprimande les riches qui se reposent sur leur richesse et traitent les pauvres injustement. Mère Katharine Drexel est née dans l'aisance à Philadelphie, aux Etats-Unis. Mais ses parents lui ont enseigné que les possessions de sa famille n'étaient pas seulement pour eux mais devaient être partagées avec les moins chanceux. Devenue une jeune femme, elle fut profondément touchée par la pauvreté et les conditions désespérées qu'enduraient de nombreux natifs américains et afro-américains. Elle commença à consacrer sa fortune à l'oeuvre missionnaire et éducative parmi les membres les plus pauvres de la société. Plus tard, elle comprit que cela n'était pas suffisant. Avec un grand courage et une grande confiance dans la grâce de Dieu, elle choisit de donner entièrement non seulement sa fortune, mais toute sa vie au Seigneur.

A sa communauté religieuse, les Soeurs du Bienheureux Sacrement, elle enseigna une spiritualité fondée sur l'union de prière avec le Seigneur-Eucharistie et le service zélé aux pauvres et aux victimes des discriminations raciales. Son apostolat contribua à diffuser une conscience croissante du besoin de combattre toutes formes de racisme à travers l'éducation et les services sociaux. Katharine Drexel représente un excellent exemple de la charité concrète et de la solidarité généreuse avec les plus pauvres qui est depuis longtemps la marque distinctive des catholiques américains.

Puisse son exemple aider les jeunes en particulier à reconnaître que l'on ne peut pas trouver de plus grand trésor que de suivre le Christ avec un coeur sans partage et en utilisant généreusement les dons que nous avons reçus au service des autres et pour l'édification d'un monde plus juste et plus fraternel.


5. "La loi de Yahvé est parfaite, [...] sagesse du simple" (Ps 19 [18], 8).

Ces paroles tirées du Psaume responsorial d'aujourd'hui résonnent avec puissance dans la vie de Soeur Giuseppina Bakhita. Enlevée et vendue en esclavage à l'âge de 7 ans, elle endura de nombreuses souffrances entre les mains de maîtres cruels. Mais elle comprit que la vérité profonde est que Dieu, et non pas l'homme, est le véritable Maître de chaque être humain, de toute vie humaine. L'expérience devint une source de profonde sagesse pour cette humble fille d'Afrique.

Dans le monde d'aujourd'hui, d'innombrables femmes continuent d'être victimes de représailles, même dans les sociétés modernes développées. Chez sainte Giuseppina Bakhita, nous trouvons un brillant défenseur de la véritable émancipation. L'histoire de sa vie inspire non pas l'acceptation passive, mais la ferme résolution à oeuvrer de façon effective pour libérer les jeunes filles et les femmes de l'oppression et de la violence, et pour leur restituer leur dignité dans le plein exercice de leurs droits.

Mes pensées se tournent vers le pays de la nouvelle Sainte, qui est déchiré par une guerre cruelle depuis dix-sept ans, ne laissant entrevoir que peu de signes en vue d'une solution. Au nom de l'humanité qui souffre, j'en appelle une fois de plus à tous ceux qui sont en charge de responsabilités: ouvrez vos coeurs aux cris de millions de victimes innocentes et empruntez le chemin de la négociation. Avec la Communauté internationale, j'implore de ne pas continuer à ignorer l'immense tragédie humaine. J'invite toute l'Eglise à invoquer l'intercession de sainte Bakhita pour tous nos frères et soeurs persécutés et esclaves, en particulier en Afrique et dans son Soudan natal, afin qu'ils puissent connaître la réconciliation et la paix.

849 J'adresse enfin une parole de salut affectueux aux Filles de la Charité canossienne, qui se réjouissent aujourd'hui de voir élever leur Consoeur à la gloire des autels. Qu'elles sachent tirer de l'exemple de sainte Giuseppina Bakhita un élan renouvelé en vue d'un dévouement généreux au service de Dieu et de leur prochain.

6. Très chers frères et soeurs, encouragés par le temps de grâce jubilaire, renouvelons la disponibilité à nous laisser profondément purifier et sanctifier par l'Esprit. Nous sommes attirés sur cette voie également par la Sainte dont nous rappelons aujourd'hui la mémoire: Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. A elle, Patronne des missions, ainsi qu'aux nouveaux saints, confions aujourd'hui la mission de l'Eglise au début du troisième millénaire.

Que Marie, Reine de tous les Saints, soutienne le chemin des chrétiens et de tous ceux qui sont dociles à l'Esprit de Dieu, afin qu'en chaque partie du monde, se diffuse la lumière du Christ Sauveur.



8 octobre 2000, Jubilé des Evêques

Dimanche 8 octobre 2000


1. "Donne-nous, ô Dieu, la sagesse du coeur" (Psaume responsorial).

Aujourd'hui, la place Saint-Pierre est semblable à un grand cénacle: elle accueille, en effet, des Evêques de toutes les parties du monde, venus à Rome pour célébrer leur Jubilé. La mémoire de l'Apôtre Pierre, que nous rappelle sa tombe sous l'autel de la grande basilique vaticane, invite à revenir spirituellement au premier siège du Collège apostolique, à ce Cénacle de Jérusalem, où j'ai récemment eu la joie de célébrer l'Eucharistie, au cours de mon pèlerinage en Terre Sainte.

Un pont idéal, qui franchit les siècles et les continents, relie aujourd'hui le Cénacle à cette place, sur laquelle se sont donnés rendez-vous ceux qui, en l'Année Sainte 2000, sont les successeurs des ces premiers Apôtres du Christ. Très chers et vénérés frères, que parvienne à tous mon accolade cordiale, que j'étends avec la même affection à ceux qui n'ont pas pu venir mais qui, de leur Siège, sont spirituellement unis à nous.

Ensemble, faisons nôtre l'invocation du Psaume: "Donne-nous, ô Dieu, la sagesse du coeur". Dans cette "sapientia cordis" qui est don de Dieu, nous pouvons résumer le fruit de notre convocation jubilaire. Elle consiste à se conformer intérieurement au Christ, Sagesse du Père, à travers l'action de l'Esprit Saint. Pour obtenir ce don, indispensable au bon gouvernement de l'Eglise, nous, Pasteurs, nous devons être les premiers à passer à travers Lui, "porte des brebis" (
Jn 10,7). Nous devons l'imiter, Lui le "bon Pasteur" (Jn 10,11 Jn 10,14), pour qu'en nous écoutant, les fidèles l'écoutent, et qu'en nous suivant, ils le suivent, Lui, l'unique Sauveur, hier, aujourd'hui et à jamais.


2. Dieu donne la sagesse du coeur à travers sa Parole vivante, efficace, capable de mettre à nu le coeur de l'homme - comme nous l'a dit l'auteur de l'Epître aux Hébreux (cf. He He 4,12), dans le passage qui vient d'être proclamé. La Parole divine, après avoir été adressée "à maintes reprises, et sous maintes formes, jadis aux Pères par les prophètes" (He 1,1), a été envoyée ces temps derniers aux hommes en la personne même du Fils (He 1,2).

Nous, pasteurs, en vertu du munus docendi, nous sommes appelés à être des annonciateurs qualifiés de cette Parole: "Qui vous écoute m'écoute" (Lc 10,16). Il s'agit d'une tâche exaltante, mais également d'une grande responsabilité! Une parole vivante nous a été confiée: nous devons donc l'annoncer à travers la vie, avant de le faire par la bouche. C'est une parole qui coïncide avec la personne même du Christ, le "Verbe fait chair" (Jn 1,14): c'est donc le visage du Christ que nous devons montrer aux hommes; sa croix que nous devons annoncer, en le faisant avec la vigueur de Paul: "Je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié" (1Co 2,2).


850 3. "Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t'avons suivi" (Mc 10,28). Cette affirmation de Pierre exprime la radicalité du choix qui est demandé à l'apôtre. Une radicalité qui s'éclaircit à la lumière du dialogue exigeant qui se déroule entre Jésus et le jeune homme riche. Le Maître avait indiqué l'observance des commandements comme condition pour la vie éternelle. Face à son désir d'une perfection plus grande, il avait répondu par un regard d'amour et une proposition absolue: "Va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel" (Mc 10,21). Sur ces paroles du Christ tomba, comme si le ciel s'assombrissait à l'improviste, la tristesse du refus. Ce fut alors que Jésus prononça l'une de ses sentences les plus sévères: "Mes enfants, comme il est difficile d'entrer dans le Royaume de Dieu" (Mc 10,24). Une sentence que, face à l'étonnement des apôtres, il adoucit lui même, en se reposant sur la puissance de Dieu: "Tout est possible pour Dieu" (Mc 10,27).

L'intervention de Pierre devient l'expression de la grâce avec laquelle Dieu transforme l'homme et le rend capable d'un don total: "Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t'avons suivi" (Mc 10,28). C'est ainsi que l'on devient apôtre. Et c'est également ainsi que l'on fait l'expérience de la réalisation de la promesse du Christ à propos du "centuple": l'apôtre qui a tout quitté pour suivre le Christ vit déjà sur cette terre, malgré les épreuves inévitables, une existence accomplie et joyeuse.

Vénérés frères, comment ne pas exprimer, en ce moment, notre reconnaissance au Seigneur pour le don de la vocation, tout d'abord au sacerdoce, puis à sa plénitude dans l'épiscopat. En tournant notre regard en arrière sur les événements de notre vie, l'émotion envahit notre coeur en constatant les nombreuses façons dont le Seigneur nous a démontré son amour et sa miséricorde. Vraiment, "misericordias Domini in aeternum cantabo!" (Ps 89/88, 2).


4. L'Evêque, successeur des apôtres, est quelqu'un pour qui le Christ est tout. Avec Paul, il peut répéter chaque jour: "Pour moi, certes, la Vie c'est le Christ... " (Ph 1,21). C'est de cela qu'il doit témoigner à travers tout son comportement. Le Concile Vatican II enseigne: "Les évêques doivent accomplir leur charge apostolique comme témoins du Christ devant tous les hommes" (Décret Christus Dominus CD 11).

En parlant des évêques comme des témoins, je ne peux que rappeler, en cette solennelle célébration jubilaire, les nombreux Evêques qui, au cours de deux millénaires, ont rendu au Christ le témoignage suprême du martyre, en se conformant au modèle apostolique et en rendant l'Eglise féconde par l'effusion de leur propre sang.

Le vingtième siècle, en particulier, a été riche de ces témoins, dont j'ai eu la joie d'élever moi-même certains aux honneurs des autels. Il y a une semaine, j'ai inscrit dans l'Album des saints quatre Evêques martyrs en Chine: Gregorio Grassi, Antonino Fantosati, Francesco Fogolla et Luigi Versiglia. Parmi les bienheureux, nous vénérons Michaël Kozal, Antoni Julian Nowowiejski, Leon Wetmanski et Wladuslaw Goral, morts dans les camps de concentration nazis. On peut leur ajouter, Diego Ventaja Milán, Manuel Medina Olmos, Anselmo Polanco et Florentino Asensio Barrosco, tués pendant la guerre civile espagnole. Au cours du long hiver du totalitarisme communiste ont ensuite fleuri, en Europe orientale, les bienheureux martyrs Guglielmo Apor, hongrois, Vincenzo Eugenio Bossilkov, bulgare et Alojzije Stepinac, croate.

Il est à la fois beau et de notre devoir de rendre grâce à Dieu pour tous les Pasteurs sages et généreux qui, au cours des siècles, ont illustré l'Eglise à travers leurs enseignements et leurs exemples. Que de saints et de bienheureux Confesseurs se trouvent parmi les évêques! Je pense, par exemple, aux figures lumineuses de Charles Borromée et de François de Sales; je pense également aux Papes Pie IX et Jean XXIII, que j'ai récemment eu la joie de proclamer bienheureux.

Très chers confrères, "enveloppés que nous sommes d'une si grande nuée de témoins" (He 12,1), nous renouvelons notre réponse au don de Dieu, reçu lors de l'Ordination épiscopale. "Nous devons rejeter tout fardeau et le péché qui nous assiège, et courir avec constance l'épreuve qui nous est proposée, fixant les yeux sur le chef de notre foi, Jésus" (He 12,1-2), Pasteur des Pasteurs.


5. En considérant le mystère de l'Eglise et sa mission dans le monde contemporain, le Concile oecuménique Vatican II a ressenti le besoin de con-sacrer une attention spéciale à la charge pastorale des Evêques. Aujourd'hui, au seuil du troisième millénaire, le défi de la nouvelle évangélisation donne un relief supplémentaire au ministère épiscopal: le Pasteur est le premier respon-sable et animateur de la communauté ecclésiale, tant en ce qui concerne l'exigence de la communion que l'engagement missionnaire. Face au relativisme et au subjectivisme qui ont porté préjudice à tant de domaines de la culture contemporaine, les Evêques sont appelés à défendre et à promouvoir l'unité doctrinale de leurs fidèles. Attentifs à chaque situation où la foi est égarée ou ignorée, ils se prodiguent de toutes leurs force en faveur de l'évangélisation, en préparant dans ce but les prêtres, les religieux et les laïcs et en mettant à disposition les ressources nécessaires (cf. Christus Dominus CD 6).

Nous rappelant de l'enseignement conciliaire (cf. Ibid., n. 7), nous voulons aujourd'hui exprimer de cette place notre solidarité fraternelle aux Evêques qui sont l'objet de persécution, qui sont en prison ou qui sont empêchés dans l'exercice de leur ministère. Et, au nom du lien sacramentel, nous étendons avec affection le souvenir et la prière aux frères prêtres qui subissent les mêmes épreuves. L'Eglise leur est reconnaissante pour le bien inestimable que, grâce à leur prière et à leur sacrifice, ils apportent au Corps mystique.


6. "La douceur du Seigneur soit sur nous! Confirme l'ouvrage de nos mains!" (Ps 89,17)

851 Très chers frères dans l'épiscopat, au cours de notre Jubilé la bonté du Seigneur s'est posée sur nous avec abondance. La lumière et la force qui en émanent ne manqueront pas de renforcer l'"ouvrage de nos mains", c'est-à-dire le travail qui nous est confié dans le champ de Dieu qui est l'Eglise.

Nous soutenant et nous réconfortant, nous avons voulu souligner au cours de ces journées jubilaires la présence parmi nous de la Très Sainte Vierge Marie, notre Mère. Nous l'avons fait hier soir, en récitant ensemble le Rosaire; nous le faisons aujourd'hui, avec l'Acte de confiance que nous accomplirons au terme de la Messe. Il s'agit d'un acte que nous vivrons dans un esprit collégial, en sentant proches de nous les nombreux Evêques qui, de leurs Sièges respectifs, s'unissent à notre célébration en accomplissant ce même Acte avec leurs fidèles. Que l'image vénérée de la Madone de Fatima, que nous avons la joie d'accueillir parmi nous, nous aide à revivre l'expérience du premier Collège apostolique, rassemblé en prière au Cénacle avec Marie, la Mère de Jésus.

Reine des Apôtres, prie avec nous et pour nous, afin que l'Esprit Saint descende en abondance sur l'Eglise, et que celle-ci resplendisse toujours plus unie, sainte, catholique et apostolique. Amen.



8 octobre 2000, Acte de Confiance à Marie

Dimanche 8 octobre 2000
1 «Femme, voici ton fils» (Jn 19,26)!

Tandis qu’arrive à son terme l’Année jubilaire,
au cours de laquelle Toi, ô Mère, tu nous as offert à nouveau Jésus,
le fruit béni de ton sein très pur,
le Verbe fait chair, le Rédempteur du monde,
ces paroles: "Femme, voici ton fils !" se font pour nous
852 particulièrement douces,
paroles qui nous renvoient à Toi, te constituant notre Mère.
En te confiant l’Apôtre Jean,
et avec lui les fils de l’Église, et même tous les hommes,
le Christ, loin d’atténuer son rôle exclusif de Sauveur du monde,
le confirmait.
Tu es la splendeur qui n’ôte rien à la lumière du Christ,
car tu existes en Lui et par Lui.
En Toi, tout est "fiat": tu es l’Immaculée,
tu es transparence et plénitude de grâce.
Voici donc tes enfants rassemblés autour de Toi,
853 à l’aube du nouveau millénaire.
Aujourd’hui, par la voix du Successeur de Pierre,
à laquelle s’unit celle de nombreux Pasteurs
rassemblés ici de toutes les parties du monde,
l’Église cherche à se réfugier sous ta protection maternelle
et implore avec confiance ton intercession
face aux défis de l’avenir.

2 En cette année de grâce, de nombreuses personnes
ont vécu, et vivent actuellement,
la joie surabondante de la miséricorde
que le Père nous a donnée dans le Christ.
854 Dans les Églises particulières répandues à travers le monde,
et plus encore ici au centre de la chrétienté,
les catégories les plus diverses de personnes
ont accueilli ce don.
Ici même, l’enthousiasme des jeunes a retenti,
ici même, s’est élevé le cri implorant des malades.
Ici même, sont venus des prêtres et des religieux,
des artistes et des journalistes,
des travailleurs et des hommes de science,
des enfants et des adultes,
et tous ont reconnu dans ton Fils bien-aimé
855 le Verbe de Dieu, fait chair en ton sein.
Obtiens pour nous, ô Mère, par ton intercession,
que les fruits de cette Année ne soient pas perdus,
et que les germes de grâce se développent
jusqu’à la pleine mesure de la sainteté,
à laquelle nous sommes tous appelés.

3 Aujourd’hui, nous voulons te confier l’avenir qui nous attend,
te demandant de nous accompagner sur le chemin.
Nous sommes les hommes et les femmes d’une époque extraordinaire,
aussi exaltante que riche de contradictions.
Aujourd’hui, l’humanité possède des moyens de puissance inouïe:
856 elle peut faire de ce monde un jardin,
ou le réduire à un amas de cendres.
Elle a acquis des capacités extraordinaires d’intervention
sur les sources mêmes de la vie:
elle peut en user pour le bien, dans le cadre de la loi morale,
ou bien céder à l’orgueil aveugle
d’une science qui n’accepte pas de limite,
au point de bafouer le respect dû à tout être humain.
Aujourd’hui plus que jamais,
l’humanité est à une croisée de chemins.
Et, une fois encore, le salut est entièrement et seulement,
857 ô Vierge Sainte, dans ton Fils Jésus.

4 C’est pourquoi, ô Mère, comme l’Apôtre Jean,
nous voulons te recevoir chez nous (cf.
Jn 19,27),
pour que tu nous apprennes à nous conformer à ton Fils.
«Femme, voici tes fils!»
Nous sommes ici, devant toi,
pour confier à tes soins maternels
nous-mêmes, l’Église, le monde entier.
Implore pour nous ton Fils bien-aimé,
afin qu’il nous donne en abondance l’Esprit Saint,
l’Esprit de vérité qui est source de vie.
858 Accueille-le pour nous et avec nous,
comme au temps de la première communauté de Jérusalem,
rassemblée autour de toi le jour de la Pentecôte (cf. Ac
Ac 1,14).
Que l’Esprit ouvre les coeurs à la justice et à l’amour,
qu’il conduise les personnes et les nations à la compréhension réciproque
et à une ferme volonté de paix.
Nous te confions tous les hommes, à commencer par les plus faibles:
les enfants non encore venus au jour
et ceux qui sont nés dans des conditions de pauvreté et de souffrance,
les jeunes à la recherche de sens,
les personnes privées de travail
859 et celles qui sont éprouvées par la faim et la maladie.
Nous te confions les familles désagrégées,
les personnes âgées privées d’assistance
et tous ceux qui sont seuls et sans espérance.

5 Ô Mère, Toi qui connais les souffrances
et les espérances de l’Église et du monde,
assiste tes enfants dans les épreuves quotidiennes
que la vie réserve à chacun
et fais que, grâce aux efforts de tous,
les ténèbres ne l’emportent pas sur la lumière.
À toi, aurore du salut, nous confions
860 notre marche dans le nouveau millénaire,
afin que, sous ta conduite,
tous les hommes découvrent le Christ,
lumière du monde et unique Sauveur,
qui règne avec le Père et l’Esprit Saint
pour les siècles des siècles. Amen.

15 octobre 2000, Jubilé des Familles

Dimanche 15 octobre 2000


1. "Que nous bénisse le Seigneur, source de vie". Très chers frères et soeurs, l'invocation que nous avons répétée dans le Psaume responsorial synthétise bien la prière quotidienne de chaque famille chrétienne et, aujourd'hui, en cette célébration eucharistique jubilaire, elle exprime de façon efficace le sens de notre rencontre.

Vous êtes réunis ici non seulement en tant que personnes, mais en tant que familles. Vous êtes venus à Rome de toutes les parties du monde, en apportant avec vous la profonde conviction que la famille est un grand don de Dieu, un don originel, marqué par sa bénédiction.
Il en est en effet ainsi. Dès l'aube de la création, le regard bénissant de Dieu se posa sur la famille. Dieu créa l'homme et la femme à son image, et il leur donna une tâche spécifique pour le développement de la famille humaine: "Dieu les bénit et leur dit: "Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre"" (
Gn 1,28).

861 Très chères familles, votre Jubilé est un chant de louange pour cette bénédiction originelle. Elle s'est posée sur vous, époux chrétiens, lorsque, en célébrant votre mariage, vous vous êtes jurés un amour éternel devant Dieu. Aujourd'hui la recevront les huit couples venus de diverses parties du monde, pour célébrer leur mariage dans le cadre solennel de ce rite jubilaire.

Oui, que vous bénisse le Seigneur, source de la vie! Ouvrez-vous au flux toujours nouveau de cette bénédiction. Elle contient en elle une force créatrice, régénératrice, capable d'éliminer toute lassitude et d'assurer une fraîcheur éternelle à votre don.


2. Cette bénédiction originelle est liée à un dessein précis de Dieu, que sa parole vient de nous rappeler: "Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie" (
Gn 2,18). C'est ainsi que, dans le livre de la Genèse, l'auteur saint définit l'exigence fondamentale sur laquelle repose l'union sponsale d'un homme et d'une femme et, avec celle-ci, la vie de la famille qui en naît. Il s'agit d'une exigence de communion. L'être humain n'est pas fait pour la solitude, il possède en lui une vocation à la relation, enracinée dans sa nature spirituelle elle-même. En vertu de cette vocation, il croît dans la mesure où il entre en relation avec les autres, en se retrouvant pleinement "dans le don sincère de soi" (Gaudium et spes GS 24).

Les rapports purement fonctionnels ne suffisent pas à l'être humain. Il a besoin de rapports interpersonnels riches d'intériorité, de gratuité, d'oblation. Parmi ceux-ci, celui qui se déroule dans la famille est fondamental: dans les relations entre conjoints, ainsi qu'entre ces derniers et les enfants. Tout le vaste réseau des relations humaines naît et se régénère sans cesse à partir de cette relation à travers laquelle un homme et une femme se reconnaissent faits l'un pour l'autre, et décident d'unir leur existence dans un unique projet de vie: "C'est pourquoi l'homme quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair" (Gn 2,24).


3. Une seule chair! Comment ne pas saisir la force de cette expression? Le terme biblique "chair" n'évoque pas seulement le caractère physique de l'homme, mais son identité globale d'esprit et de corps. Ce que les conjoints accomplissent n'est pas seulement une rencontre corporelle, mais une véritable unité de leur personne. Une unité si profonde, qu'elle les rend d'une certaine manière, dans l'histoire, un reflet du "Nous" des Trois Personnes divines (cf. Lettre aux Familles LF 8).

On comprend alors l'enjeu important qui émerge du dialogue de Jésus avec les pharisiens dans l'Evangile de Marc, qui vient d'être proclamé. Pour les interlocuteurs de Jésus, il s'agissait d'un problème d'interprétation de la loi mosaïque, qui permettait la répudiation, suscitant des débats sur les raisons qui pouvaient le légitimer. Jésus dépasse totalement cette vision liée à la loi, en allant au coeur du dessein de Dieu. Dans la loi mosaïque, il voit une concession à la "sclérocardie", à la "dureté du coeur". Mais c'est précisément à cette dureté que Jésus ne se résigne pas. Et comment pourrait-il, Lui qui est précisément venu pour la faire disparaître et offrir à l'homme, à travers la rédemp-tion, la force de vaincre les résistances dues au péché? Il ne craint pas de reproposer le dessein originel: "Mais dès l'origine de la création, Il les fit homme et femme" (Mc 10,6).


4. Dès l'origine! Seul Lui, Jésus, connaît le Père "dès l'origine" et connaît également l'homme "dès l'origine". Il est à la fois le révélateur du Père et le révélateur de l'homme à l'homme (cf. Gaudium et spes GS 22). C'est pourquoi, sur ses traces, l'Eglise a la tâche de témoigner dans l'histoire de ce dessein originel, en en manifestant la vérité et le caractère réalisable.

En accomplissant cela, l'Eglise ne se cache pas les difficultés et les drames que l'expérience historique concrète enregistre dans la vie des familles. Mais elle sait également que la volonté de Dieu, accueillie et réalisée de tout son coeur, n'est pas une chaîne qui rend esclave, mais la condition d'une liberté véritable qui trouve sa plénitude dans l'amour. L'Eglise sait également - et l'expérience quotidienne le lui confirme - que lorsque ce dessein originel se ternit dans les consciences, la société subit des dommages incalculables.

Certes, les difficultés existent. Mais Jésus a pensé à doter les époux de moyens de grâce adéquats pour les surmonter. Par sa volonté, le mariage a acquis, chez les baptisés, la valeur et la force d'un signe sacramentel, qui en consolide les caractères et les prérogatives. En effet, dans le mariage sacramentel, les conjoints - comme le feront d'ici peu les jeunes couples dont je bénirai les noces - s'engagent à s'exprimer mutuellement et à témoigner au monde de l'amour fort et indissoluble avec lequel le Christ aime l'Eglise. C'est le "grand mystère" comme l'appelle l'Apôtre Paul (cf. Ep 5,32).


5. "Dieu vous bénisse, source de la vie!". La bénédiction de Dieu est à l'origine non seulement de la communion conjugale, mais également de l'ouverture à la vie responsable et généreuse. Les enfants sont véritablement le "printemps de la famille et de la société", comme le dit le thème de votre Jubilé. Le mariage trouve sa floraison dans les enfants: en eux se réalise le couronnement de ce partage total de vie ("totius vitae consortium": C. de D.C., can. 1055 1), qui fait des époux "une seule chair"; et cela aussi bien chez les enfants nés de la relation naturelle entre les conjoints, que ceux voulus à travers l'adoption. Les enfants ne sont pas un "accessoire" dans le projet d'une vie conjugale. Ils ne sont pas une "option", mais un "don très précieux" (Gaudium et spes GS 50), inscrit dans la structure même de l'union conjugale.

L'Eglise, comme on le sait, enseigne l'éthique du respect de cette structure fondamentale dans sa signification à la fois unitive et procréatrice. Dans tout cela, elle exprime le respect qui est dû au dessein de Dieu, traçant un cadre de relations entre les conjoints fondé sur l'acceptation réciproque sans réserve. Cela est, par ailleurs, en accord avec le droit des enfants qui est de naître et de grandir dans un contexte d'amour pleinement humain. En se conformant à la Parole de Dieu, la famille devient ainsi un laboratoire d'humanisation et de solidarité véritable.


862 6. Les parents et les enfants sont appelés à cette tâche, mais, comme je l'écrivais déjà en 1994, à l'occasion de l'année de la Famille, "le "nous" des parents, du mari et de la femme, se prolonge, à travers l'éducation, dans le "nous" de la famille, qui se greffe sur les générations précédentes et qui s'ouvre à un élargissement graduel" (Lettre aux Familles LF 16). Lorsque les rôles sont respectés, de sorte que le rapport entre les conjoints et celui entre les parents et les enfants se déroule de façon parfaite et sereine, il est naturel que pour la famille, les autres parents également, tels que les grands-parents, les oncles et les cousins acquièrent une signification et de l'importance. Souvent, dans ces relations marquées par une affection sincère et une assistance réciproque, la famille joue un rôle vraiment irremplaçable, car les personnes en difficulté, celles qui ne sont pas mariées, les veuves et les veufs, les orphelins, peuvent trouver un foyer chaleureux et d'accueil. La famille ne peut pas se fermer sur elle-même. La relation affectueuse avec les autres parents est un premier objectif de cette ouverture nécessaire, qui projette la famille vers la société tout entière.


7. Chères familles chrétiennes, accueillez donc avec confiance la grâce jubilaire, qui est abondamment répandue dans cette Eucharistie. Accueillez-la en prenant comme modèle la famille de Nazareth qui, bien qu'elle ait été appelée à une mission incomparable, suivit le même chemin que vous, entre les joies et les douleurs, entre la prière et le travail, entre les espoirs et les épreuves angoissantes, toujours enracinée dans l'adhésion à la volonté de Dieu. Que vos familles soient toujours davantage de véritables "églises domestiques", d'où s'élève chaque jour une louange à Dieu et rayonne sur la société un flux d'amour bénéfique et régénérant.

"Que nous bénisse le Seigneur, source de la vie!" Puisse ce Jubilé des Familles constituer, pour vous tous qui le vivez, un grand moment de grâce. Qu'il constitue également pour la société une invitation à réfléchir sur la signification et la valeur de ce grand don qu'est la famille, construite selon le coeur de Dieu.

Que Marie, "Reine de la famille", vous accompagne toujours de sa main maternelle.

20 octobre 2000, Début de l'Année Académique des Universités Ecclésiastiques

Vendredi 20 octobre 2000
1. "... à la louange de sa gloire" (Ep 1,11 Ep 1,14).

Cette expression de saint Paul, qui vient de retentir, nous offre la perspective et le sens de cette célébration, avec laquelle nous inaugurons l'Année académique des Universités ecclésiastiques romaines. Depuis le début, nous voulons tout offrir à Dieu et tout orienter vers sa gloire: l'enseignement, l'étude, la vie collégiale, le temps du travail et celui des loisirs, et, avant tout, la vie personnelle, la prière, l'ascèse, l'amitié. Ce soir, nous voulons placer tout notre être et toute notre action sur l'autel du Seigneur pour lui offrir ce sacrifice spirituel "à la louange de sa gloire".

Très chers frères et soeurs, à vous tous, réunis pour ce traditionnel rendez-vous, j'adresse mon salut cordial, en commençant par Mgr Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, qui préside cette Eucharistie. Avec lui, je salue les Recteurs des Universités, les membres du Corps académique, les respon-sables des Séminaires et des Collèges, dans lesquels vous, étudiants, trouvez un accueil et une aide sur votre chemin de formation.

Je souhaite une bienvenue particulière aux étudiants de première année, qui commencent cette année leurs études dans les Universités pontificales et les Instituts de Rome. Je voudrais que chacun prenne conscience du don que constitue la possibilité de perfectionner ses études à Rome, et se rende compte, dans le même temps, de la responsabilité liée à ce privilège: en effet, vous êtes appelés à approfondir votre formation en vue d'un service ecclésial qualifié. C'est pourquoi la Rome chrétienne vous accueille avec ses institutions culturelles, bien consciente de sa vocation universelle, fondée sur le témoignage des Apôtres et des Martyrs.


2. "Heureux le peuple dont Yahvé est le Dieu, la nation qu'il s'est choisie en héritage!" (Ps 33 [32], 12). Comment ne pas voir l'Eglise dans cette "nation" particulière, dont le Dieu est le Seigneur? Elle est le Peuple "rassemblé par l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint", selon la célèbre expression de saint Cyprien (De orat. Dom. 23: PL 4, 553).

863 Très chers amis, vous provenez de diverses nations de la terre. Vos visages forment en cette basilique une "mosaïque" magnifique, dans laquelle les différences sont appelées à s'harmoniser pour former une équipe, qui reçoit sa forme de l'unique Esprit du Christ. "C'est en lui que vous aussi - nous a dit saint Paul - après avoir entendu la Parole de vérité, l'Evangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d'un sceau par [...] l'Esprit Saint" (Ep 1,13).

Au début d'une nouvelle année d'études, il est important pour chacun de vous de retourner à ses racines et, à travers elles, de remonter au Christ, dans lequel ces diversités se composent en nous conduisant à être une seule chose. Il est beau de reconnaître et de professer notre identité d'Eglise, "nation dont Dieu est le Seigneur", peuple qu'Il s'est choisi parmi toutes les nations, afin qu'il soit dans le monde comme un "sacrement" de l'unité du genre humain. Ne perdez jamais ce sens profond du mystère de l'Eglise, à laquelle vous appartenez! En effet, celle-ci constitue le milieu vital de la véritable formation chrétienne; c'est en communion avec elle, que vous voulez remplir votre engagement à étudier.


3. "Méfiez-vous du levain - c'est-à-dire de l'hypocrisie - des Pharisiens" (Lc 12,1). Dans la page de l'Evangile qui vient d'être proclamée, Jésus met en garde les disciples contre les comportements hypocrites, ayant l'illusion de pouvoir cacher des choses mauvaises sous une apparence honnête. Le Seigneur nous rappelle que tout est destiné à voir la lumière, même les choses cachées et secrètes. En outre, il exhorte les siens, qu'il appelle "amis", à n'avoir peur de rien ni de personne, mais à ne craindre que Dieu, dans les mains duquel repose notre vie. Si l'invitation à craindre "Celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne" (Lc 12,4) suscite une crainte salutaire, immédiatement après, un réconfort provient de la description de Dieu qui prend soin de toute créature et à plus forte raison des hommes, très précieux à ses yeux.

Le thème de la transparence absolue de tout et de tous face à Dieu unifie les deux parties du passage évangélique d'aujourd'hui. Il s'agit d'un élément essentiel de cette relation filiale avec Dieu que le Christ a prêchée, accomplissant la révélation de l'Ancienne Alliance.

Comme pour Jésus, pour vous aussi, chers professeurs et chers étudiants des Universités ecclésiastiques, cela représente votre devoir prioritaire: connaître et faire connaître la véritable image de Dieu. "C'est qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ" (Jn 17,3): c'est en cela que consiste pour les hommes la vie éternelle, et dans ce but, le Fils de Dieu est venu dans le monde afin qu'ils "aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" (Jn 10,10).

Au début d'une nouvelle année d'études théologiques, ou tout au moins ecclésiastiques, cette page de l'Evangile de Luc nous aide à expliciter la référence fondamentale à la mission du Christ et au sens de son Incarnation: c'est de là que tire sa lumière et sa force également la mission de chacun de vous, dans la diversité des charismes et des ministères.


4. Très chers frères et soeurs! Je voudrais répéter aujourd'hui les paroles du Concile Vatican II dans la Déclaration Gravissimum educationis: "L'Eglise attend énormément de l'activité des facultés de sciences sacrées" (n. 11). C'est vrai, celle-ci compte beaucoup sur l'oeuvre qui s'accomplit quotidiennement dans chaque Université pontificale. En particulier, en tant qu'Evêque de Rome, je désire exprimer ma reconnaissance et ma gratitude pour le travail des Supérieurs, des professeurs, des responsables des Institutions ecclésiastiques de Rome. Très chers amis, votre esprit d'initiative, unie au haut niveau scientifique et à la fidélité solide au Magistère, manifeste votre amour pour le Christ et pour l'Eglise et également le véritable esprit missionnaire à travers lequel vous servez la Vérité.

A la veille de la Journée missionnaire mondiale, je suis heureux de souligner que le travail de ceux qui enseignent et étudient dans les Facultés ecclésiastiques n'est pas distinct, ni encore moins en opposition avec le travail de ceux qui oeuvrent, pour ainsi dire, "en première ligne". Nous sommes tous au service de la Vérité, qui est l'Evangile du Christ Seigneur. L'Evangile exige, de par sa nature, d'être annoncé, mais l'annonce suppose une connaissance solide et approfondie du message, pour que l'évangélisation soit un service efficace à Dieu, à la Vérité et à l'homme.

Très chers amis, que la Mère du Rédempteur, Siège de la Sagesse, veille sur vous et sur les engagements de cette année académique qui commence. Marie est l'image et le modèle de l'Eglise, qui accueille la Parole divine, la conserve avec amour, la met en pratique et la porte dans le monde. Que son assistance maternelle soit pour chacun de vous une source de motivation renouvelée et de soutien constant dans l'effort, afin que chacune de vos activités trouve toujours en Dieu son origine et son accomplissement, "à la louange de sa gloire".

Amen!



22 octobre 2000, Journée missionnaire mondiale

864 Dimanche 22 octobre 2000


1. "Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (
Mc 10,45).

Très chers frères et soeurs, ces paroles du Seigneur retentissent aujourd'hui, Journée missionnaire mondiale, comme une heureuse nouvelle pour toute l'humanité et comme un programme de vie pour l'Eglise et pour chaque chrétien. C'est ce qu'a rappelé, au début de la célébration, le Cardinal Jozef Tomko, Préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, en évoquant la présence ce matin sur cette place des délégués de 127 pays, qui ont participé au Congrès missionnaire mondial, et des chercheurs de diverses confessions réunis pour le Congrès missiologique international. Je remercie le Cardinal Tomko des voeux qu'il m'a adressés et de tout le travail qu'il accomplit, avec les membres de la Congrégation qu'il préside, au service de l'annonce de l'Evangile dans le monde.

"Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude". Ces paroles constituent la présentation que le Maître divin fait de lui-même. Jésus se définit lui-même comme celui qui est venu pour servir et qui, précisément dans le service et dans le don total de soi jusqu'à la croix, révèle l'amour du Père. Son visage de "serviteur" ne diminue pas sa grandeur divine, mais l'illumine d'une lumière nouvelle.

Jésus est le "grand prêtre souverain" (He 4,14), il est le Verbe qui "était au commencement avec Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut" (Jn 1,2). Jésus est le Seigneur, qui "de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave" (Ph 2,6-7); Jésus est le Sauveur, de qui "nous pouvons nous approcher avec une totale confiance". Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14,6), le pasteur qui a donné sa vie pour les brebis (Jn 10,11), le chef qui conduit à la vie (Ac 3,15).


2. L'engagement missionnaire jaillit comme un feu d'amour de la contemplation de Jésus et de la fascination qui émane de lui. Le chrétien qui a contemplé Jésus-Christ ne peut se sentir que frappé par sa splendeur (cf. Vita consecrata VC 14) et témoigner de sa foi dans le Christ unique Sauveur de l'homme. Quelle grande grâce est cette foi que nous avons reçue comme don d'en-haut, sans mérite de notre part! (cf. Redemptoris missio RMi 11).

Cette grâce devient à son tour source de responsabilité. C'est une grâce qui fait de nous des annonciateurs et des apôtres: c'est pourquoi je disais dans l'Encyclique Redemptoris missio que "la mission est un problème de foi, elle est précisément la mesure de notre foi en Jésus-Christ" (n. 11). Et également: "Le missionnaire, s'il n'est pas un contemplatif, ne peut annoncer le Christ d'une manière crédible" (n. 91).

C'est en tournant notre regard vers Jésus, le missionnaire du Père et grand prêtre, l'auteur et celui qui amène notre foi à sa perfection (cf. He He 3,1 He 12,2), que nous apprenons le sens et le style de la mission.


3. Il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour tous. Sur les traces du Christ, le don de soi à tous les hommes constitue un impératif fondamental pour l'Eglise et est, dans le même temps, une indication de méthode pour sa mission.

Se donner signifie tout d'abord reconnaître la valeur de l'autre et ses besoins. "L'attitude missionnaire commence toujours par un sentiment de profonde estime face à "ce qu'il y a en tout homme", pour ce que lui-même, au fond de son esprit, a élaboré au sujet des problèmes les plus profonds et les plus importants; il s'agit du respect pour tout ce que l'Esprit, qui "souffle où il veut", a opéré en lui" (Redemptor hominis RH 12).

Comme Jésus a révélé la solidarité de Dieu pour la personne humaine en assumant totalement sa condition, hormis le péché, ainsi, l'Eglise veut être solidaire des "joies et des espoirs, des tristesses et des angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent" (Gaudium et spes GS 1). Elle s'approche de la personne humaine avec la discrétion et le respect de celui qui a un service à accomplir et qui croit que le premier et le plus grand service est celui d'annoncer l'Evangile de Jésus, de faire connaître le Sauveur, celui qui a révélé le Père et qui, dans le même temps, a révélé l'homme à l'homme.


865 4. L'Eglise désire annoncer Jésus, le Christ, fils de Marie, en suivant la voie que le Christ lui-même a empruntée: le service, la pauvreté, l'humilité, la croix. Elle doit donc résister avec force aux tentations que l'Evangile d'aujourd'hui nous laisse entrevoir dans le comportement des deux frères, qui voulaient s'asseoir "l'un à la droite et l'autre à la gauche" du Maître, mais également des autres disciples, qui ne se montrèrent pas insensibles à l'esprit de rivalité et de compétition. La parole du Christ trace une ligne de division nette entre l'esprit de domination et celui de service. Pour un disciple du Christ, être le premier signifie être le "serviteur de tous".

Il s'agit d'un renversement de valeurs qui ne se comprend qu'en tournant le regard vers le Fils de l'homme "objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance" (
Is 53,3). Ce sont les paroles que l'Esprit Saint fera comprendre à son Eglise en relation avec le mystère du Christ. Ce n'est qu'à la Pentecôte que les apôtres recevront la capacité de croire "dans la force de la faiblesse", qui se manifeste dans la Croix.

A présent, ma pensée se tourne vers les nombreux missionnaires qui, jour après jour, dans le silence et sans l'appui d'aucune puissance humaine, annoncent et, plus encore, témoignent de leur amour pour Jésus, très souvent jusqu'au don de leur vie, comme cela s'est produit également récemment. Quel spectacle s'ouvre aux yeux du coeur! Combien de frères et de soeurs dépensent généreusement leurs énergies aux avant-postes du Royaume de Dieu! Ce sont des évêques, des prêtres, des religieux, des religieuses, des laïcs, qui représentent le Christ vivant, qui le montrent de façon concrète comme Seigneur qui est venu non pour être servi, mais pour servir et donner la vie par amour du Père et des frères. Mes remerciements reconnaissants s'adressent à tous, ainsi qu'un encouragement chaleureux à persévérer avec confiance. Courage, frères et soeurs! Le Christ est avec vous.

Mais aux côtés de ceux qui rencontrent des difficultés en première ligne de la mission "ad gentes" doit se trouver tout le Peuple de Dieu, chacun apportant sa contribution, comme en ont eu l'intuition et le soulignent les fondateurs des Oeuvres pontificales missionnaires: tous peuvent et doivent participer à l'évangélisation, également les petits, également les malades, également les pauvres avec leur obole, précisément comme celle de la veuve indiquée par Jésus comme un exemple (cf. Lc 21,1-4). La mission est l'oeuvre de tout le Peuple de Dieu, chacun selon la vocation à laquelle il a été appelé par la Providence.


5. Les paroles de Jésus sur le service représentent également une prophétie d'un nouveau style de relations qu'il faut promouvoir non seulement dans la communauté chrétienne, mais également dans la société. Nous ne devons jamais perdre l'espérance de faire naître un monde plus fraternel. La concurrence sans règles, le désir de domination des autres à tout prix, la discrimination effectuée par ceux qui se croient supérieurs aux autres, la recherche effrénée de la richesse, sont à l'origine d'injustices, de violences et de guerres.

Les paroles de Jésus deviennent alors une invitation à invoquer la paix. La mission est l'annonce de Dieu qui est le Père, de Jésus qui est notre grand frère, de l'Esprit qui est amour. La mission est une collaboration, humble mais passionnée, au dessein de Dieu qui désire une humanité sauvée et réconciliée. Selon Dieu, au sommet de l'histoire de l'homme se trouve un projet de communion. La mission doit conduire vers ce projet.

A la Reine de la Paix, Reine des Missions et Etoile de l'évangélisation, nous demandons le don de la paix. Nous invoquons sa protection maternelle sur tous ceux qui collaborent généreusement à la diffusion du nom et du message de Jésus. Puisse-t-elle obtenir pour nous une foi si vive et si ardente qu'elle fera retentir avec une force renouvelée aux hommes de notre temps la proclamation de la vérité du Christ, unique Sauveur du monde.

Avant de conclure, je désire rappeler les paroles que j'ai prononcées il y a vingt-deux ans sur cette Place: "N'ayez pas peur! Ouvrez les portes au Christ!"



29 octobre 2000, Jubilé des sportifs

Dimanche 29 octobre 2000


1. "Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix? Courez donc de manière à le remporter" (1Co 9,24).

866 A Corinthe, où Paul avait apporté l'annonce de l'Evangile, se trouvait un stade très important, dans lequel se disputaient les "jeux isthmiques". C'est pourquoi l'Apôtre, de façon opportune, pour encourager les chrétiens de cette ville à s'engager à fond dans la "course" de la vie, fait référence aux compétitions d'athlétisme. Dans les courses du stade - dit-il - tous courent, même si un seul est le vainqueur: courez vous aussi... A travers la métaphore du sain esprit de compétition sportif, il met en lumière la valeur de la vie, en la comparant à une course vers un but non seulement terrestre et passager, mais éternel. Une course dans laquelle tous, et pas seulement un seul, peuvent être vainqueur.

Nous écoutons aujourd'hui ces paroles de l'Apôtre, rassemblés dans le Stade olympique de Rome, qui se transforme encore une fois en grand temple à ciel ouvert, comme à l'occasion du Jubilé international des sportifs, en 1984, Année Sainte de la Rédemption. Aujourd'hui comme alors, c'est le Christ, unique Rédempteur de l'homme, qui nous accueille et qui, à travers sa parole de salut, illumine notre chemin.

Très chers athlètes et sportifs de toutes les parties du monde, qui célébrez votre Jubilé, je vous adresse à tous mon salut chaleureux! Mon "merci" le plus cordial va aux responsables des Institutions sportives internationales et italiennes, et à tous ceux qui ont collaboré pour organiser ce rendez-vous singulier avec le monde du sport et avec ses diverses composantes.

Je remercie des paroles qu'il m'a adressées le Président du Comité olympique international, M. Juan Antonio Samaranch, et le Président du CONI, M. Giovanni Petrucci, ainsi que M. Antonio Rossi, médaille d'or à Sydney et à Atlanta, qui a interprété, très chers athlètes, vos sentiments à tous. Alors que je vous vois rassemblés en bel ordre dans ce stade, de nombreux souvenirs de ma vie liés à des expériences sportives, me reviennent à l'esprit. Chers amis, merci de votre présence et merci surtout de l'enthousiasme avec lequel vous vivez ce rendez-vous jubilaire.


2. Au cours de cette célébration le monde du sport s'unit, comme un choeur grandiose, pour exprimer à travers la prière, le chant, le jeu, le mouvement, un hymne de louange et d'action de grâce au Seigneur. C'est l'occasion propice pour rendre grâce à Dieu pour le don du sport, dans lequel l'homme exerce le corps, l'intelligence, la volonté, en reconnaissant dans ces capacités tout autant de dons de son Créateur.

Le sport revêt aujourd'hui une grande importance, car il peut favoriser chez les jeunes l'affirmation de valeurs importantes telles que la loyauté, la persévérance, l'amitié, le partage, la solidarité. C'est précisément pour ce motif que, ces dernières années, il s'est toujours davantage développé comme l'un des phénomènes typiques de la modernité, presque un "signe des temps" capable d'interpéter de nouvelles exigences et de nouvelles attentes de l'humanité. Le sport s'est diffusé dans tous les lieux du monde, dépassant la diversité de cultures et de nations.

La responsabilité des sportifs dans le monde est grande en ce qui concerne la dimension planétaire prise par cette activité. Ils sont appelés à faire du sport une occasion de rencontre et de dialogue, au-delà de toute barrière de langue, de race, de culture. En effet, le sport peut apporter une contribution valable à l'entente pacifique entre les peuples et contribuer à l'affirmation dans le monde de la nouvelle civilisation de l'amour.


2. Le grand Jubilé de l'An 2000 invite tous et chacun à un sérieux chemin de réflexion et de conversion. Le monde du sport peut-il s'abstenir de ce providentiel dynamisme spirituel? Non! Au contraire, l'importance que le sport revêt aujourd'hui invite précisément ceux qui y participent à saisir cette opportunité pour effectuer un examen de conscience. Il est important de remarquer et de promouvoir les nombreux aspects positifs du sport, mais il faut également se rendre compte des situations illicites auxquelles il peut conduire.

Les potentialités éducatives et spirituelles du sport doivent conduire les croyants et les hommes de bonne volonté à s'unir de façon ferme pour combattre tout aspect déviant qui pourrait s'y insérer, reconnaissant par là un phénomène contraire au plein développement de la personne et à sa joie de vivre. Tous les soins sont nécessaires pour protéger le corps humain de tout atteinte portée à son intégrité, de toute exploitation, de toute idôlatrie.

Il faut être disposés à demander pardon pour ce qui a été fait ou qui a été omis dans le monde du sport, en opposition avec les engagements pris lors du précédent Jubilé. Ceux-ci seront rappelés dans la "Charte du Sport", qui sera présentée dans un moment. Que cet examen de conscience puisse offrir à tous - dirigeants, techniciens et athlètes - l'occasion pour retrouver un nouvel élan créatif et dynamique, de façon à ce que le sport réponde, sans se dénaturer, aux exigences de notre temps: un sport qui protège les faibles et qui n'exclut personne, qui libère les jeunes des dangers de l'apathie et de l'indifférence, et qui suscite en eux un sain esprit de compétition; un sport qui soit un facteur d'émancipation pour les pays les plus pauvres et qui aide à effacer l'intolérance et à construire un monde plus fraternel et solidaire; un sport qui contribue à faire aimer la vie, qui éduque au sacrifice, au respect et à la responsabilité, en conduisant à la plein valorisation de chaque personne humaine.


5. "Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant" (
Ps 125,5). Le Psaume responsorial nous a rappelé que pour réussir dans la vie il faut persévérer dans l'effort. Ceux qui pratiquent un sport le savent bien: ce n'est qu'au prix d'entraînements difficiles que l'on obtient des résultats significatifs. C'est pourquoi le sportif est d'accord avec le Psalmiste lorsqu'il affirme que l'effort fourni en semant, trouve sa récompense dans la joie de la moisson: "Il s'en va, il s'en va en pleurant, il porte la semence; il s'en vient, il s'en vient en chantant, il rapporte ses gerbes" (Ps 125,6).

867 Au cours des récents Jeux olympiques de Sydney, nous avons admiré les performances de grands athlètes, qui, pour parvenir à ces résultats, se sont sacrifiés pendant des années, chaque jour. Telle est la logique du sport, en particulier du sport olympique; et telle est aussi la logique de la vie: sans sacrifices, on n'obtient pas de résultats importants, ni d'authentiques satisfactions.

L'Apôtre Paul nous l'a rappelé encore une fois: "Tout athlète se prive de tout; mais eux, c'est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable" (
1Co 9,25). Chaque chrétien est appelé à devenir un bon athlète du Christ, c'est-à-dire un témoin fidèle et courageux de son Evangile. Mais pour réussir en cela, il est nécessaire qu'il persévère dans la prière, qu'il s'entraîne à la vertu, qu'il suive en tout le divin Maître.

En effet, c'est Lui le véritable athlète de Dieu; le Christ est l'Homme "le plus fort" (cf. Mc Mc 1,7), qui pour nous a affronté et vaincu l'"adversaire", satan, avec la puissance de l'Esprit Saint, en inaugurant le Royaume de Dieu. Il nous enseigne que pour entrer dans la gloire il faut passer à travers la passion (cf. Lc 24,26 Lc 24,46), et il nous a précédé sur cette voie, pour que nous en suivions les traces.

Que le grand Jubilé nous aide à nous fortifier et à devenir plus robustes pour affronter les défis qui nous attendent en cette aube du troisième millénaire.


6. "Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!" (Mc 10,47).
Telles sont les paroles de l'aveugle de Jéricho au cours de l'épisode raconté dans la page de l'Evangile qui vient d'être proclamé. Elles peuvent également devenir les nôtres: "Fils de David, Jésus, aie pitié de moi!".

Nous tournons le regard vers Toi, ô Christ, qui offre à chaque homme la plénitude de la vie. Seigneur, tu guéris et fortifie celui qui, confiant en Toi, accueille ta volonté.

Aujourd'hui, dans le cadre du grand Jubilé de l'An 2000, sont ici rassemblés en esprit les sportifs du monde entier, tout d'abord pour renouveler leur propre foi en Toi, unique Sauveur de l'homme.

Même celui qui, comme l'athlète, est dans la plénitude de ses forces reconnaît que sans Toi, ô Christ, il est intérieurement comme un aveugle, c'est-à-dire incapable de connaître la pleine vérité, de comprendre le sens profond de la vie, en particulier face aux ténèbres du mal et de la mort. Même le plus grand champion, face aux questions fondamentales de l'existence, découvre qu'il est sans défense et qu'il a besoin de ta lumière pour vaincre les défis exigeants qu'un être humain est appelé à affronter.

Seigneur Jésus-Christ, aide ces athlètes à être tes amis et des témoins de ton amour. Aide-les à placer dans l'ascèse personnelle le même engagement qu'il mettent dans le sport; aide-les à réaliser une unité de corps et d'âme harmonieuse et cohérente.

Puissent-ils être, pour ceux qui les admirent, des modèles valables à imiter. Aide-les à être toujours des athlètes de l'esprit, pour obtenir ton prix inestimable: une couronne qui ne se fane pas et qui dure pour l'éternité. Amen!



868 1er novembre 2000, Solennité de la Toussaint

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LE 50ème ANNIVERSAIRE DE LA DÉFINITION DOGMATIQUE DE L’ASSOMPTION DE MARIE AU CIEL

Mercredi 1er novembre 2000


1. "Amen! Louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles. Amen!" (
Ap 7,12).

Dans une attitude de profonde adoration pour la Très Sainte Trinité, nous nous unissons à tous les saints qui célèbrent éternellement la liturgie céleste pour répéter avec eux l'action de grâce à notre Dieu, pour les merveilles qu'il a accomplies dans l'histoire du salut.
Louange et action de grâces à Dieu pour avoir suscité dans l'Eglise une multitude immense de saints, que personne ne peut compter (cf. Ap 7,9). Une multitude immense: non seulement les saints et les bienheureux que nous fêtons au cours de l'année liturgique, mais également les saints anonymes, que Lui seul connaît. Des mères et des pères de famille qui, en se dévouant quotidiennement à leur enfants, ont contribué de façon efficace à la croissance de l'Eglise et à l'édification de la société; des prêtres, des soeurs et des laïcs qui, comme des cierges allumés devant l'autel du Seigneur, se sont con-sumés dans le service envers leur prochain qui avait besoin d'aide matérielle et spirituelle; des missionnaires, hommes et femmes, qui ont tout quitté pour apporter l'annonce évangélique dans toutes les parties du monde. Et la liste pourrait se poursuivre encore.


2. Louange et action de grâces à Dieu, en particulier pour la plus sainte des créatures, Marie, aimée du Père, bénie à cause de Jésus, fruit de son sein, sanctifiée et devenue une créature nouvelle sous l'action de l'Esprit Saint. Modèle de sainteté pour avoir mis sa vie à la disposition du Très-Haut, Elle "brille déjà comme un signe d'espérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en pèlerinage" (Lumen gentium LG 68).

C'est précisément aujourd'hui le cinquantième anniversaire de l'acte solennel à travers lequel mon vénéré prédécesseur le Pape Pie XII, sur cette même place, définit le dogme de l'Assomption de Marie au ciel, corps et âme. Louons le Seigneur pour avoir glorifié sa mère, en l'associant à sa victoire sur le péché et sur la mort.

Aujourd'hui, ont voulu s'unir de façon particulière à notre louange les fidèles de Pompéi, qui sont venus nombreux en pèlerinage, conduits par l'Archevêque-Prélat du Sanctuaire, Mgr Francesco Saverio Toppi, et accompagnés par le Maire de la ville. Leur présence rappelle que ce fut précisément le bienheureux Bartolomeo Longo, fondateur de la nouvelle Pompéi, qui commença, en 1900, le mouvement qui promut la définition du dogme de l'Assomption.


3. La liturgie d'aujourd'hui parle entièrement de sainteté. Cependant, pour savoir quelle est la voie de la sainteté, nous devons monter avec les Apôtres sur le Mont des Béatitudes, nous approcher de Jésus et nous mettre à l'écoute des paroles de vie qui sortent de sa bouche. Aujourd'hui aussi, il répète pour nous:

Bienheureux ceux qui ont une âme de pauvres, car le Royaume des cieux est à eux! Le divin Maître proclame "bienheureux" et, nous pourrions dire, "canonise" tout d'abord ceux qui ont une âme de pauvres, c'est-à-dire ceux qui ont le coeur libre de tout préjugé et conditionnement, et qui sont donc totalement ouverts à la volonté divine. L'adhésion totale et confiante à Dieu suppose le dépouillement et un détachement cohérent de soi-même.

869 Bienheureux les affligés! C'est non seulement la béatitude de ceux qui souffrent pour les nombreuses difficultés liées à la condition humaine mortelle, mais également de ceux qui acceptent avec courage les souffrances dérivant de la profession sincère de la morale évangélique.
Bienheureux les coeurs purs! Ceux qui sont proclamés bienheureux sont ceux qui ne se contentent pas de pureté extérieure ou rituelle, mais qui recherchent la rectitude intérieure absolue qui exclut tout mensonge ou duplicité.

Bienheureux les affamés et assoiffés de la justice! La justice humaine est déjà un but très élevé, qui ennoblit l'âme de celui qui le poursuit, mais la pensée de Jésus va vers une justice plus grande encore qui se trouve dans la recherche de la volonté salvifique de Dieu: c'est surtout celui qui a faim et soif de cette justice qui est bienheureux. En effet, Jésus dit: "C'est en faisant la volonté de mon Père qu'on entrera dans le Royaume des cieux" (cf. Mt
Mt 7,21).

Bienheureux les miséricordieux! Bienheureux sont ceux qui vainquent la dureté de coeur et l'indifférence, pour reconnaître de façon concrète la primauté de l'amour plein de compassion, à l'exemple du bon Samaritain et, en dernière analyse, du Père "riche de miséricorde" (Ep 2,4).

Bienheureux les artisans de paix! La paix, synthèse des biens messianiques, est une tâche exigeante. Dans un monde qui présente de terribles antagonismes et tant d'obstacles, il faut promouvoir une coexistence fraternelle inspirée par l'amour et le partage, en surmontant les inimitiés et les oppositions. Bienheureux ceux qui s'engagent dans cette très noble entreprise!


4. Les saints ont pris ces paroles de Jésus au sérieux. Ils ont cru que le "bonheur" leur serait donné du fait qu'ils les traduisaient dans leur existence. Et ils ont fait l'expérience de leur vérité en étant confrontés quotidiennement aux faits: malgré les épreuves, les périodes sombres, les difficultés, les échecs, ils ont goûté ici bas la joie profonde de la communion avec le Christ. En Lui, ils ont découvert, présent dans le temps, le germe initial de la gloire future du Royaume de Dieu.

C'est ce que découvrit en particulier la Très Sainte Vierge Marie, qui vécut une communion unique avec le Verbe incarné, en se confiant sans réserve à son dessein salvifique. C'est pourquoi il lui fut donné d'écouter, à l'avance par rapport au "discours sur la montagne", la béatitude qui résume toutes les autres: "Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (Lc 1,45).


5. La profondeur de la foi de la Vierge dans la Parole de Dieu apparaît avec clarté dans le cantique du Magnificat: "Mon âme exalte le Seigneur / et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur / parce qu'il a jeté les yeux sur l'abaissement de sa servante" (Lc 1,46-48).

A travers ce chant, Marie montre ce qui a constitué le fondement de sa sainteté: sa profonde humilité. On peut se demander en quoi consistait cette humilité. Le "trouble" suscité en Elle par le salut de l'Ange: "Réjouis-toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi" (Lc 1,28), est très éloquent à ce propos. Face au mystère de la grâce, à l'expérience d'une présence particulière de Dieu qui a posé son regard sur elle, Marie éprouve une impulsion naturelle d'humilité (littéralement d'"abaissement"). C'est la réaction d'une personne qui a une pleine conscience de sa petitesse face à la grandeur de Dieu. Marie contemple dans la vérité sa personne, les autres, le monde.

La question suivante ne fut-elle pas un acte d'humilité: "Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme!" (Lc 1,34). Elle venait d'entendre qu'elle devait concevoir et donner le jour à un Enfant, qui aurait régné sur le trône de David en tant que Fils du Très-Haut. Elle ne comprit certainement pas pleinement le mystère de cette décision divine, mais elle comprit qu'elle signifiait un changement total dans la réalité de sa vie. Toutefois, elle ne demanda pas: En sera-t-il vraiment ainsi? Cela doit-il se produire? Elle dit simplement: Comment cela sera-t-il? Sans émettre de doutes ni de réserves, elle accepta l'intervention divine qui changeait son existence. Sa question exprimait l'humilité de la foi, la disponibilité à placer sa vie au service du mystère divin, tout en étant incapable de comprendre comment cela se serait produit.

Cette humilité de l'esprit, cette pleine soumission dans la foi s'exprima de façon particulière dans son "fiat": "Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1,38). Grâce à l'humilité de Marie put s'accomplir ce qu'Elle devait ensuite chanter dans le Magnificat: "Oui, désormais toutes les générations me diront bienheureuse, / car le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses / Saint est son nom" (Lc 1,48-49).

870 A la profondeur de l'humilité correspond la grandeur du don. Le Tout-Puissant fit pour Elle de "grandes choses" (cf. Lc 1,49) et Elle sut les accepter avec gratitude et les transmettre à toutes les générations de croyants. Voilà le chemin vers le ciel suivi par Marie, Mère du Sauveur, qui a précédé sur cette voie tous les saints et les bienheureux de l'Eglise.


6. Bienheureuse es-tu, Marie, élevée au ciel corps et âme! Pie XII définit cette vérité "à la gloire de Dieu tout-puissant..., en l'honneur de son Fils, roi immortel des siècles et vainqueur du péché et de la mort, à la plus grande gloire de sa Mère, à la joie et réjouissance de toute l'Eglise" (Const. apos. Munificentissimus Deus, AAS 42 [1950], 770).

Et nous, nous exultons ô Marie élevée au ciel dans la contemplation de ta personne glorifiée et devenue, dans le Christ ressuscité, la collaboratrice de l'Esprit pour communiquer la vie divine aux hommes. En Toi, nous voyons l'objectif de la sainteté à laquelle Dieu appelle tous les membres de l'Eglise. Dans ta vie de foi, nous apercevons la claire indication du chemin vers la maturité spirituelle et la sainteté chrétienne.

Avec Toi et avec tous les saints, nous glorifions Dieu Trinité, qui soutient notre pèlerinage terrestre et vit et règne dans les siècles des siècles. Amen.



5 novembre 2000, Jubilé des Responsables de Gouvernements, des Parlementaires et des Hommes politiques

1. "Écoute, Israël !" (Dt 6,4).

La parole de Dieu, sous une forme solennelle et en même temps affectueuse, nous a invités il y a un instant à "écouter". À écouter "aujourd'hui", "maintenant"; et à le faire non pas tout seuls ou en privé, mais ensemble : "Écoute, Israël !"

Cet appel vous parvient ce matin de manière particulière, à vous, chers Responsables de Gouvernements, Parlementaires, Hommes politiques, Administrateurs, réunis à Rome pour célébrer votre jubilé. Je vous salue tous cordialement, avec une pensée spéciale pour les Chefs d'État présents parmi nous.

Dans la célébration liturgique s’actualise, ici et maintenant, l'événement de l'Alliance avec Dieu. Quelle réponse Dieu attend-il de nous ? L'indication reçue à l'instant dans la proclamation du texte biblique est péremptoire : il faut avant tout se mettre à l’écoute. Non pas une écoute passive et désengagée. Les israélites comprirent bien que Dieu attendait d'eux une réponse active et responsable. C’est pourquoi ils promirent à Moïse : "Tu nous répéteras ce que le Seigneur notre Dieu t'aura dit; nous l'écouterons et le mettrons en pratique" (Dt 5,27).

En prenant cet engagement, ils savaient qu'ils avaient à faire à un Dieu en qui ils pouvaient avoir confiance. Dieu aimait son peuple et voulait son bonheur. En échange, il demandait l'amour. Dans le "Shema Israël", que nous avons entendu dans la première lecture, conjointement à l’exigence de la foi dans le Dieu unique est exprimé le commandement fondamental, celui de l'amour pour Lui : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force" (Dt 6,5).

2. La relation de l'homme avec Dieu n'est pas une relation de peur, d'esclavage ou d'oppression; au contraire, c'est une relation de confiance sereine, qui jaillit d'un libre choix motivé par l'amour. L'amour que Dieu attend de son peuple est la réponse à l'amour fidèle et prévenant qu'il lui a manifesté le premier à travers les diverses étapes de l'histoire du salut.

871 C’est précisément pour cette raison que les commandements, avant d'être compris comme un code légal et un règlement juridique, ont été compris par le peuple élu comme un événement de grâce, comme un signe de son appartenance privilégiée au Seigneur. Il est significatif qu'Israël ne parle jamais de la Loi comme d'un fardeau, de quelque chose d'imposé, mais comme d'un don et d'une faveur : "Heureux sommes-nous, Israël ! - s'exclame le prophète - Car ce qui plaît à Dieu, nous le connaissons" (Ba 4,4).

Le peuple sait que le Décalogue est un engagement contraignant, mais aussi que c’est la condition pour la vie: voici, dit le Seigneur, je te propose la vie et la mort, c’est-à-dire le bien et le mal; je te prescris d’observer mes commandements, pour que tu aies la vie (cf. Dt Dt 30,15). Par sa loi, Dieu n’entend pas forcer la volonté de l’homme, mais au contraire le libérer de tout ce qui peut compromettre son authentique dignité et sa pleine réalisation.

3 J’ai voulu réfléchir avec vous, Responsables de Gouvernements, Parlementaires et Hommes politiques, sur le sens et sur la valeur de la Loi divine, car il s’agit d’une question qui vous touche de près. N’est-ce pas votre labeur quotidien que d’élaborer des lois justes, et de les faire accepter et appliquer ? En réalisant cela, vous êtes convaincus de rendre un service important à l’homme, à la société, à la liberté elle-même. Et cela à bon droit. En effet, la loi humaine, si elle est juste, n’est jamais contre la liberté, mais à son service. C’est ce que le sage païen avait déjà perçu lorsqu’il déclarait: “Legum servi sumus, ut liberi esse possimus” - “Nous sommes les esclaves des lois, pour pouvoir être libres” (Cicéron, De legibus, II, 13).

Cependant, la liberté à laquelle Cicéron fait référence se situe principalement au niveau des relations extérieures entre les citoyens. Comme telle, elle risque de se réduire à un équilibre convenable entre des intérêts respectifs, et à la rigueur entre des égoïsmes contradictoires. Au contraire, la liberté à laquelle fait appel la parole de Dieu s’enracine dans le coeur de l’homme, un coeur que Dieu peut libérer de l’égoïsme, le rendant capable de s’ouvrir à l’amour désintéressé.

Ce n’est pas par hasard que, dans la page évangélique que nous venons d’écouter, au scribe qui lui demande quel est le premier de tous les commandements, Jésus répond en citant le “Shema”: “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force” (Mc 12,30). L’accent est mis sur le “tout”: l’amour de Dieu ne peut qu’être “totalitaire”. Mais Dieu seul est en mesure de purifier le coeur de l’homme de l’égoïsme et de “le libérer” en vue de la pleine capacité d’aimer.

Un homme au coeur “rendu aussi bon” peut s’ouvrir à son frère et prendre soin de lui avec la même attention avec laquelle il se préoccupe de lui-même. C’est pourquoi Jésus ajoute: “Voici le second (commandement): Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Mc 12,31). Celui qui aime Dieu de tout son coeur et le reconnaît comme “Dieu unique”, et donc comme Père de tous, ne peut considérer ceux qu’il rencontre que comme des frères.

4. Aimer son prochain comme soi-même. Ces paroles trouvent certainement un écho dans vos coeurs, chers Responsables de Gouvernements, Parlementaires, Hommes politiques et Administrateurs. À l’occasion de votre jubilé, elles posent à chacun de vous une question essentielle: de quelle manière, dans votre service de l’État et des citoyens, qui requiert délicatesse et engagement, pouvez-vous appliquer ce commandement ? La réponse est claire: en vivant l’engagement politique comme un service. C’est une perspective lumineuse autant qu’exigeante! Elle ne peut en effet se réduire à une nouvelle affirmation générique de principes ou à une déclaration de bonnes intentions. Le service politique passe par un engagement précis et quotidien, qui exige une grande compétence dans l’accomplissement de son devoir et une moralité à toute épreuve dans la gestion désintéressée et transparente du pouvoir.

D’autre part, la cohérence personnelle de l’homme politique a besoin de s’exprimer aussi par une conception correcte de la vie sociale et politique, qu’il est appelé à servir. Dans cette perspective, un homme politique chrétien ne peut pas faire autrement que de se référer aux principes que la doctrine sociale de l’Église a développés au cours de l’histoire. Comme on le sait, ces principes ne constituent pas une “idéologie” et moins encore un “programme politique”, mais ils offrent les lignes de force d’une compréhension de l’homme et de la société à la lumière de la loi éthique universelle, qui est présente dans le coeur de l’homme et qui a été approfondie par la révélation évangélique (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 41). Il vous revient, chers Frères et Soeurs engagés dans la vie politique, de vous en faire des interprètes convaincus et actifs.

Certes, dans l’application de ces principes à la réalité politique complexe, il sera souvent inévitable de rencontrer des domaines, des problèmes et des circonstances qui peuvent légitimement donner lieu à des évaluations concrètes différentes. Mais en même temps, on ne peut justifier un pragmatisme qui, même en ce qui concerne les valeurs essentielles et fondatrices de la vie sociale, réduirait la politique à une pure médiation d’intérêts ou, pire encore, à une question de démagogie ou de calculs électoralistes. Si le droit ne peut pas et ne doit pas couvrir toute la sphère de la loi morale, il faut aussi rappeler qu’il ne peut aller “à l’encontre” de la loi morale.

5. Cela prend une importance particulière dans la période actuelle d’intenses transformations, qui voit apparaître une nouvelle dimension de la politique.Le déclin des idéologies s’accompagne d’une crise des formations politiques, qui pousse à entendre de manière renouvelée la représentation politique et le rôle des institutions. Il convient de redécouvrir le sens de la participation, en engageant davantage les citoyens dans la recherche de voies opportunes pour aller dans le sens d’une réalisation toujours plus satisfaisante du bien commun.

Dans un tel engagement, le chrétien se gardera de céder à la tentation de l’opposition violente, souvent source de grandes souffrances pour la communauté. Le dialogue reste l’instrument irremplaçable pour toute confrontation constructive, au sein même des États comme dans les relations internationales. Et qui pourrait assumer cette “charge” du dialogue mieux que l’homme politique chrétien qui, chaque jour, doit se confronter avec ce que le Christ a qualifié de “premier” des commandements, le commandement de l’amour ?

872 6. Chers Responsables de Gouvernements, Parlementaires, Hommes politiques, Administrateurs, nombreux et exigeants sont les devoirs qui attendent, au début du nouveau siècle et du nouveau millénaire, les responsables de la vie publique. C’est précisément en pensant à cela que, dans le cadre du grand Jubilé, j’ai voulu, comme vous le savez, vous offrir le soutien d’un Patron spécial: le saint martyr Thomas More.

Sa figure est vraiment exemplaire pour quiconque est appelé à servir l’homme et la société dans le cadre civil et politique. Le témoignage éloquent qu’il a rendu est on ne peut plus actuel dans un moment historique qui présente des défis cruciaux pour la conscience des responsables directs de la gestion des affaires publiques. Comme homme d’État, il s’est toujours mis au service de la personne, spécialement quand elle était faible et pauvre; les honneurs et les richesses n’eurent aucune prise sur lui, guidé qu’il était par un sens aigu de l’équité. Par-dessus tout, il ne s’abaissa jamais à des compromis avec sa conscience, allant jusqu’au sacrifice suprême plutôt que de ne pas en écouter la voix. Invoquez-le, suivez-le, imitez-le ! Son intercession ne manquera jamais de vous obtenir force, bonne humeur, patience et persévérance, même dans les situations les plus inextricables.

Ce souhait, nous voulons l’affermir avec la force du sacrifice eucharistique, dans lequel une fois encore le Christ se fait nourriture et orientation de notre vie. Que le Seigneur vous accorde d’être des hommes politiques selon son Coeur, émules de saint Thomas More, lui qui fut un courageux témoin du Christ et un serviteur parfaitement intègre de l’État.



10 novembre 2000, Célébration oecuménique présidée par Jean Paul II et par le Catholicos Karekin II

Vendredi 10 novembre 2000


"Je suis le bon pasteur; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis" (
Jn 10,11).

1. En 2001, l'Eglise arménienne célébrera le XVIIème centenaire du baptême de l'Arménie, fruit de l'oeuvre et du ministère de saint Grégoire l'Illuminateur. A l'image du Bon Pasteur, saint Grégoire donna sa vie pour ses brebis. En raison de sa foi dans le Christ, il passa de nombreuses années prisonnier au fond d'un puits obscur sur ordre du roi Tiridate. Ce n'est qu'après de cruelles souffrances que Grégoire fut finalement libéré pour apporter un témoignage public de sa vocation baptismale dans toute sa plénitude et proclamer l'Evangile aux hommes et aux femmes de son temps.

La vie de saint Grégoire fut le présage du chemin de l'Eglise arménienne au cours des siècles. Combien de fois fut-elle enfermée dans la grotte sombre de la persécution, de la violence et de l'oubli! Combien de fois ses fils dans l'obscurité de la prison, ont fait écho aux paroles du prophète Michée: "Mais moi, je regarde vers Yahvé, j'espère dans le Dieu qui me sauvera; mon Dieu m'entendra. Ne te réjouis pas à mon sujet, ô mon ennemi: si je suis tombée, je me relèverai; si je demeure dans les ténèbres, Yahvé est ma lumière" (7, 7-8). Et ce, non seulement dans le lointain passé, mais également au cours du XXème siècle qui a été l'un des siècles les plus tourmentés de l'histoire de l'Eglise arménienne, qui a souffert toutes sortes de terribles atrocités. Aujourd'hui, grâce à Dieu, il existe des signes évidents d'un nouveau printemps.


2. Au cours de la célébration d'aujourd'hui, je suis heureux de remettre à Votre Sainteté une relique de saint Grégoire l'Illuminateur, qui a été con-servée dans le couvent de Saint-Grégoire l'Arménien à Naples et qui y a été vénérée pendant de nombreux siècles. Elle sera placée dans la nouvelle cathédrale actuellement en construction à Erevan, comme symbole d'espérance et de la mission de l'Eglise qui est en Arménie après tant d'années d'oppression et de silence. Au coeur d'une ville en plein développement, un lieu dans lequel louer Dieu, entendre l'Ecriture Sainte et célébrer l'Eucharistie sera un facteur essentiel d'évangélisation. Je prie afin que l'Esprit Saint emplisse ce lieu saint de sa présence bienveillante, de sa lumière glorieuse et de sa grâce sanctifiante. Je souhaite que la nouvelle cathédrale puisse orner avec une beauté encore plus grande l'Epouse du Christ en Arménie, où le Peuple de Dieu a vécu pendant des siècles à l'ombre du Mont Ararat. A travers l'intercession de la Mère de Dieu et de saint Grégoire l'Illuminateur, que les fidèles arméniens trouvent un nouveau courage et une nouvelle confiance dans leur Cathédrale. De même, que les pèlerins provenant de tous lieux, ressentent la puissance de la lumière de Dieu qui émane de ce lieu saint, en poursuivant leur pèlerinage de foi.


3. Dans la Cathédrale d'Erevan, comme dans toutes les autres, il y aura l'autel de l'Eucharistie et le Siège du Patriarche. Le Siège et l'Autel parlent de la communion qui existe déjà entre nous. Comme l'a déclaré le Concile Vatican II: "Chacun sait avec quel amour les chrétiens orientaux célèbrent la sainte liturgie, surtout l'Eucharistie, source de vie pour l'Eglise et gage de la gloire céleste. Par là, les fidèles, unis à l'Evêque, trouvent accès auprès de Dieu le Père par son Fils, Verbe incarné, mort et glorifié, dans l'effusion de l'Esprit Saint". Les Pères conciliaires ont en outre affirmé que les Eglises orientales, "bien que séparées, ont de vrais sacrements, principalement en vertu de la succession apostolique: le sacerdoce et l'Eucharistie, qui les unissent intimement à nous" (Décret sur l'oecuménisme Unitatis redintegratio UR 15).

Tout au long de l'histoire, il y a eu de nombreux contacts entre l'Eglise catholique et l'Eglise apostolique arménienne, de même qu'il y a eu des tentatives pour rétablir la pleine communion. A présent, nous devons prier et oeuvrer avec ferveur afin qu'arrive bientôt le jour où nos Sièges et les Evêques seront en pleine communion une fois de plus, afin que l'on puisse célébrer ensemble, sur le même autel, l'Eucharistie, signe suprême et source d'unité dans le Christ. Jusqu'à l'aube de ce jour, chacune de nos célébrations eucharistiques souffrira de l'absence du frère qui n'est pas encore là.


873 4. Cher et vénérable Frère dans le Christ, saint Paul nous parle à travers les paroles que nous avons entendues dans les Actes des Apôtres: "Soyez attentifs à vous-mêmes, et à tout le troupeau dont l'Esprit Saint vous a établis gardiens pour paître l'Eglise de Dieu, qu'il s'est acquise par le sang de son propre fils" (20, 28). Nous avons une grande responsabilité. Le Christ a confié à notre soin pastoral ce qu'il a de plus précieux sur terre: "L'Eglise qu'il s'est acquise par son sang".

Je prie le Seigneur, à travers l'intercession de saint Grégoire l'Illuminateur, de diffuser une abondance de bénédictions sur vous, sur vos frères dans l'épiscopat et sur tous les pasteurs de l'Eglise apostolique arménienne. Que l'Esprit vous inspire et vous guide dans votre ministère pastoral à l'égard du peuple arménien, dans votre terre natale et dans le monde entier. A sa prière fraternelle, je confie mon ministère d'Evêque de Rome: puissé-je être capable d'exercer ce ministère toujours plus comme "un service d'amour reconnu par les uns et par les autres" (Lettre encyclique Ut unum sint
UUS 95), afin que tous soient enfin un (cf. Jn 17,21).


5. Permettez-moi de conclure par la fervente prière que j'ai élevée à la Mère de Dieu il y a treize ans, au cours de l'Année mariale, et qui jaillit aujourd'hui encore de mon coeur:

"Sainte Mère de Dieu, [...] tourne ton regard sur la terre d'Arménie, sur ses montagnes où vécurent d'immenses cohortes de moines saints et savants, sur ses églises, roches qui surgissent de la roche, pénétrées du rayonnement de la Sainte Trinité; sur ses croix de pierre, souvenir de ton Fils dont la passion se poursuit dans celle des martyrs; sur ses fils et ses filles [...] inspire les désirs et les espérances des jeunes afin qu'ils soient fiers de leurs origines. Fais que, partout où ils aillent, ils écoutent leur coeur arménien du fond duquel jaillira toujours une prière adressée à leur Seigneur et un frémissement d'abandon envers toi qui les couvre de ton manteau protecteur. O Vierge très douce, ô Mère du Christ et notre Mère, ô Marie" (Homélie lors de la divine Liturgie en rite arménien, LE 20 novembre 1987, ORLF n. 49 du 8 décembre 1987).
Amen.

12 novembre 2000, Jubilé du monde agricole

Dimanche 12 novembre 2000


1. "Yahvé garde à jamais la vérité" (Ps 146,6).

Très chers frères et soeurs, c'est précisément pour chanter cette fidélité au Seigneur, qui vient d'être évoquée par le Psaume responsorial, que vous êtes aujourd'hui réunis ici pour votre Jubilé. Je me réjouis de votre beau témoignage, qui vient d'être interprété et exprimé par Mgr Fernando Charrier, que je remercie de tout coeur. J'adresse également un salut respectueux aux personnalités qui ont voulu manifester leur adhésion, en venant représenter divers Etats et surtout des Organisations et des Organismes des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.

Ma pensée se tourne ensuite vers les dirigeants et les membres de la "Coldiretti" (Confédération italienne des Cultivateurs directs) et des autres organisations d'agriculteurs ici présents, ainsi que vers les membres de la fédération des boulangers, des coopératives agro-alimentaires et de l'Union forestière d'Italie. Très chers frères et soeurs, votre présence nombreuse nous fait vivement ressentir l'unité de la famille humaine et la dimension universelle de notre prière, adressée à l'unique Dieu, créateur de l'univers et fidèle à l'homme.


2. La fidélité de Dieu! Pour vous, hommes du monde agricole, elle constitue une expérience quotidienne, inlassablement répétée en observant la nature. Vous connaissez le langage de la terre et des semences, de l'herbe et des arbres, des fruits et des fleurs. Dans les paysages les plus divers, des montagnes arides aux plaines irriguées, sous les cieux les plus divers, ce langage possède un charme qui vous est très familier. Dans ce langage, vous voyez la fidélité de Dieu aux paroles qu'Il prononça le troisième jour de la création: "Que la terre verdisse de verdure: des herbes portant semence et des arbres fruitiers" (Gn 1,12).

874 Oui, le Seigneur est fidèle pour toujours. Et vous, experts de ce langage de fidélité - de ce langage antique et toujours nouveau - vous êtes naturellement les hommes de "l'action de grâce". Votre contact constant avec les merveilles des produits de la terre, vous les fait percevoir comme un don inépuisable de la Providence divine. C'est pourquoi votre journée annuelle est, par antonomase, la "journée d'action de grâce". De plus, elle acquiert cette année une valeur spirituelle plus élevée, en se greffant sur le Jubilé qui célèbre les deux mille ans de la naissance du Christ. Vous êtes venus rendre grâce pour les fruits de la terre, mais vous êtes tout d'abord venus reconnaître en Lui le Créateur et, en même temps, le plus beau fruit de notre terre, le "fruit" du sein de Marie, le sauveur de l'humanité et, dans un certain sens, du "cosmos" même. En effet, la création, comme le dit Paul, "gémit et souffre en travail d'enfantement", et nourrit l'espérance d'être libérée "de la servitude de la corruption" (Rm 8,21-22).


3. Le "gémissement" de la terre nous conduit en pensée à votre travail, très chers hommes et femmes de l'agriculture, un travail très important et rude, qui ne manque pourtant pas de difficultés. Dans le passage que nous avons écouté, tiré du Livre des Rois, on évoque précisément une situation typique de souffrance due à la sécheresse. Le prophète Elie, éprouvé par la faim et la soif, est le protagoniste et le bénéficiaire d'un miracle de la générosité. C'est une pauvre veuve qui le secourt, en partageant avec lui la dernière poignée de farine et les dernières gouttes de son huile; sa générosité ouvre le coeur de Dieu, au point que le prophète peut annoncer: "La farine de la jarre ne finira pas et l'outre de l'huile ne se videra pas, tant que le Seigneur ne fera pas pleuvoir sur la terre".

La culture du monde agricole est, depuis toujours, marquée par le sens du risque qui pèse sur les récoltes en raison des conditions atmosphériques imprévisibles. Mais, aujourd'hui, aux difficultés traditionnelles s'en ajoutent souvent d'autres dues à la négligence de l'homme. L'activité agricole de notre époque a dû se mesurer aux conséquences de l'industrialisation et du développement souvent désordonné des zones urbaines, ainsi qu'au phénomène de la pollution atmosphérique, du déséquilibre écologique, des décharges de déchets toxiques et de la déforestation. Le chrétien, tout en ayant confiance en l'aide de la Providence, doit prendre des initiatives responsables pour faire en sorte que la valeur de la terre soit respectée et promue. Il est nécessaire que le travail agricole soit toujours mieux organisé et soutenu par des aides sociales qui le récompensent largement de la fatigue qu'il comporte et de la très grande utilité qui le caractérise. Si le monde de la technique la plus sophistiquée ne se réconcilie pas avec le langage simple de la nature, dans un équilibre salutaire, la vie de l'homme courra des risques toujours plus grands, dont nous voyons dès à présent des signes inquiétants.


4. Très chers frères et soeurs, soyez donc reconnaissants au Seigneur, mais en même temps fiers de la tâche que votre travail vous confie. Oeuvrez de façon à résister aux tentations d'une productivité et d'un gain qui vont au détriment du respect de la nature. La terre a été confiée par Dieu à l'homme "pour la cultiver et la garder" (cf. Gn 2,15). Si l'on oublie ce principe, en devenant les tyrans et non pas les gardiens de la nature, celle-ci se rebellera tôt ou tard.
Mais vous comprenez bien, très chers amis, que ce principe d'ordre, qui vaut pour le travail agricole ainsi que pour tout autre secteur de l'activité humaine, s'enracine dans le coeur de l'homme. C'est donc précisément le coeur qui est le premier terrain à cultiver. Ce n'est pas par hasard que, lorsque Jésus veut expliquer l'oeuvre de la Parole de Dieu, il prend, avec la parabole du semeur, un exemple lumineux tiré du monde agricole. La Parole de Dieu est une semence destinée à porter des fruits abondants, mais malheureusement, elle tombe souvent dans un terrain peu adapté, où les cailloux, les mauvaises herbes et les épines - des expressions multiples de notre péché - l'empêchent de s'enraciner et de se développer (cf. Mt Mt 13,3-23 par.). C'est pourquoi un Père de l'Eglise, en s'adressant précisément à un agriculteur, lui adresse l'exhortation suivante: "Quand tu es donc dans le champ et que tu contemples tes terres, pense que tu es toi aussi un champ du Christ et prête également attention à toi, comme à ton champ. Cette même beauté que tu exiges que ton paysan donne à ton champ, donne-la toi aussi au Seigneur Dieu en cultivant ton coeur..." (Saint Paulin de Nole, Lettre 39, 3 ad Apro e Amanda).

C'est en fonction de cette "culture de l'esprit" que vous êtes ici aujourd'hui, pour célébrer le Jubilé. Présentez au Seigneur, avant même votre engagement professionnel, le travail quotidien de la purification de votre coeur: une oeuvre exigeante, que nous ne réussirons jamais à accomplir tout seuls. Notre force est le Christ, dont l'Epître aux Hébreux vient de nous rappeler que "à la fin des temps, il s'est manifesté pour abolir le péché par son sacrifice" (He 9,26).


5. Ce sacrifice, accompli une fois pour toutes sur le Golgotha, se réalise pour nous chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie. Là, le Christ devient présent, à travers son corps et son sang, pour devenir notre nourriture.

Comme cela doit être significatif pour vous, hommes du monde agricole, de contempler sur l'autel ce miracle, qui couronne et sublime les merveilles mêmes de la nature! N'est-ce pas un miracle quotidien qui s'accomplit, lors-qu'une semence devient un épi, et que de celui-ci, de nombreux grains de blé mûrissent pour être moulus et devenir du pain? N'est-ce pas un miracle de la nature la grappe de raisin qui pend des sarments de la vigne? Tout cela porte déjà mystérieusement le signe du Christ, car "tout fut par lui, et sans lui rien ne fut" (Jn 1,3). Mais l'événement de grâce, avec lequel la Parole et l'Esprit de Dieu rendent le pain et le vin, "fruit de la terre et du travail de l'homme", corps et sang du Rédempteur, est encore plus grand. La grâce jubilaire que vous êtes venus implorer n'est que surabondance de grâce eucharistique, force qui nous réconforte et nous guérit au plus profond, en nous greffant sur le Christ.


6. Face à cette grâce, l'attitude à prendre nous est suggérée par l'Evangile, à travers l'exemple de la pauvre veuve, qui ne met que de la petite monnaie dans le trésor, mais qui en réalité donne plus que tous, car elle ne donne pas ce qui lui est superflu, mais "tout ce qu'elle avait pour vivre" (Mc 12,44). Cette femme inconnue se met ainsi sur les traces de la veuve de Zarepta qui avait ouvert sa maison et sa table à Elie. Toutes deux sont soutenues par la confiance dans le Seigneur. Toutes deux tirent de la foi la force d'une charité héroïque.

Elles nous invitent à ouvrir notre célébration jubilaire sur les horizons de la charité, en prenant en considération tous les pauvres et les indigents du monde. Ce que nous aurons fait au plus petit de ceux-ci, nous l'aurons fait au Christ (cf. Mt Mt 25,40).

Et comment oublier que le monde du travail agricole connaît précisément des situations humaines qui nous interpellent profondément? Des peuples entiers, qui vivent surtout du travail agricole dans les régions les moins développées économiquement, doivent affronter des situations d'indigence. De vastes régions sont détruites par de fréquentes catastrophes naturelles. Et à ces malheurs s'ajoutent parfois les conséquences de guerres, qui provoquent non seulement des victimes, mais qui sèment la destruction, qui dépeuplent des territoires fertiles et les laissent parfois infestés de mines et de substances nocives.


875 7. Le Jubilé naquit en Israël comme un grand temps de réconciliation et de redistribution des biens. Accueillir aujourd'hui ce message ne peut certes pas signifier se limiter à une petite obole. Il faut contribuer à une culture de la solidarité qui, également sur le plan politique et économique, tant national qu'international, incite à des initiatives généreuses et concrètes en faveur des peuples les moins favorisés.

Nous voulons aujourd'hui nous rappeler de tous ces frères dans notre prière, en nous promettant de traduire notre amour pour eux en une solidarité active, pour que tous, sans exception, puissent jouir des fruits de la "terre, notre mère" et vivre une vie digne des fils de Dieu.

14 novembre 2000, Chapelle Papale à l'intention des Cardinaux et des Evêques décédés dans l'année
Mardi 14 novembre 2000


"Je sais que mon Défenseur est vivant" (cf. Jb
Jb 19,25).

1. Les paroles de l'auteur saint nous introduisent dans le climat de foi de la célébration d'aujourd'hui, qui nous voit réunis dans le souvenir ému des Cardinaux, des Archevêques et des Evêques défunts au cours de l'année qui touche à son terme. Notre geste est un geste de juste intention et de solidarité spirituelle envers nos frères qui ont fait du service à l'Evangile et à l'Eglise la mesure de leur existence. C'est pour eux que retentit aujourd'hui une fois de plus la promesse réconfortante du Seigneur: "Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera" (Jn 12,26). Celui qui s'est consacré fidèlement à la cause de l'Evangile trouvera en Dieu une récompense éternelle. Dans la logique du Christ, le service à la communauté des rachetés devient ainsi un motif de gloire et de vie sans fin. Celui qui, au cours de son pèlerinage terrestre, a dépensé toutes ses énergies pour le Royaume de Dieu, sera accueilli par Lui, le Vivant, qui a vaincu la mort et siège désormais à la droite du Père.


2. Tandis que nous nous unissons autour de l'Autel, sur lequel est présent le sacrifice qui proclame la victoire de la Vie sur la mort, de la grâce sur le péché, du Paradis sur l'enfer, notre pensée se tourne avec gratitude vers Dieu pour nous avoir donné ces frères, qu'Il a appelés à présent à lui. Je pense en particulier aux Membres du Collège cardinalice, morts au cours des derniers mois: les Cardinaux Paolo Dezza, Ignatius Kung Pin-Mei, Antony Padiyara, Bernardino Echeverría Ruiz, John Joseph O'Connor, Vincentas Sladkevicius, Paul Zoungrana, Augusto Vargas Alzamora, Vincenzo Fagiolo, Paul Gouyon, Egano Righi-Lambertini et Pietro Palazzini. Leur souvenir, uni à celui de tous les Archevêques et Evêques défunts, revient à notre mémoire: au cours de leur existence, ils ont annoncé l'Evangile, ont édifié l'Eglise, ont accordé les dons de grâce des sacrements, ont accompli le bien. Aujourd'hui, avec un coeur reconnaissant, nous les confions à la récompense généreuse du Seigneur pour les bonnes oeuvres et les exemples positifs qu'ils nous ont laissés. Nous les confions également à sa miséricorde infinie, en implorant pour eux le rachat de tout reste de faiblesse humaine.

Nos frères ont cru fermement dans le Christ et ils ont fait de cette foi le fondement de toute leur existence. La vie de l'homme ne peut, d'elle-même, s'approcher de la vision béatifique qui est un don réservé à celui qui croit. Voilà pourquoi le fidèle proclame avec une confiance sûre: "Je sais que mon Défenseur est vivant" (cf. Jb Jb 12,27). Nous savons qu'à la fin, le Christ, notre Sauveur, viendra nous accueillir et que nous serons avec Lui pour toujours.


3. Très chers frères et soeurs! Notre foi de chrétiens se fonde sur la parole du Christ, qui, dans l'Evangile qui vient d'être proclamé, affirme: "Celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m'a envoyé a la vie éternelle" (Jn 5,24). L'Eglise annonce inlassablement cette parole à chaque personne, afin que tous puissent s'ouvrir à la foi et avoir en héritage la béatitude éternelle.
Dans cette perspective, quelle importance revêt notre pèlerinage dans le monde! Il s'agit d'un temps, plus ou moins long, qui nous est offert pour connaître le Christ et pour croître dans la communion avec Lui. Celui qui croit dans le Fils de Dieu incarné vivra éternellement; celui qui l'aime ne doit pas craindre les difficultés; celui qui s'appuie sur Lui ne peut s'arrêter face à aucun obstacle. Le Christ est l'objectif fondamental de son existence. Il croit, se fie et se confie à Lui: il entre ainsi dans le secret de son amour, qui sauve et emplit le coeur de joie.

Quel trésor représente la foi et combien le devoir de l'annoncer à ceux qui en sont encore privés est urgent! Il faut que l'homme, assoiffé de vérité et d'amour, reçoive la parole qui explique, qui rassure, qui indique la vie. La parole qui guérit. Cette parole est le Verbe éternel qui est sorti du sein du Père pour nous donner la vie. C'est le Christ, notre Rédempteur, qu'au cours du grand Jubilé, nous contemplons en permanence. Ceux qui écouteront sa parole "vivront" (cf. Jn 5,25). Bienheureux ceux qui l'annoncent! Bienheureux ceux qui la servent et qui bâtissent leur vie sur elle!


876 4. Très chers frères et soeurs, la certitude que le Christ est notre Sauveur et qu'il est mort et ressuscité pour nous, nous réconforte et nous soutient, tandis que nous poursuivons notre pèlerinage vers la Patrie céleste. Au fil des jours et des saisons, retentit la Parole de Dieu: "Le Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais!" (He 13,8). Cette vérité nous a accompagnés tout au long de l'année jubilaire en rythmant notre itinéraire dans l'espérance. C'est la foi du Christ. C'est notre foi.

Nous voulons réaffirmer cette foi, tandis que nous élevons notre prière d'intention pour les Pasteurs que nous commémorons aujourd'hui. Il s'agit d'un souvenir empli d'affection et de gratitude, qui s'ouvre à la conscience rassurante qu'un jour, nous nous retrouverons avec eux pour louer éternellement le Seigneur de la miséricorde et de la vie.

Tandis que nous confions au Pasteur suprême nos frères dans le sacerdoce, qu'Il a appelés à lui, nous renouvelons notre adhésion au Christ, dans l'espoir qu'un jour, il nous soit donné à nous aussi d'entendre la voix réconfortante: Viens, serviteur bon et fidèle, prends part à la joie de ton Seigneur (cf. Mt Mt 25,21).


A Marie, Mère de l'Espérance, nous confions ces pieux fils, afin qu'elle les introduise dans le Royaume de la béatitude éternelle.

In Cristo, requiescant in pace! Amen.



19 novembre 2000, Jubilé des militaires et de la police

Dimanche 19 novembre 2000


1. "Et alors on verra le Fils de l'homme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire" (Mc 13,26).

En cet avant-dernier dimanche du temps ordinaire, la Liturgie nous parle de la seconde venue du Christ. Le Seigneur apparaîtra sur des nuées revêtu de gloire et de puissance. C'est le même Fils de l'homme, miséricordieux et plein de compassion, que les disciples ont connu au cours de son itinéraire terrestre. Lorsque le moment de sa manifestation glorieuse sera venu, Il viendra pour accomplir définitivement l'histoire humaine.

A travers le symbolisme de bouleversements cosmologiques, l'évangéliste Marc rappelle que Dieu prononcera, à travers le Fils, son Jugement sur les événement des hommes, en mettant fin à un univers corrompu par le mensonge et déchiré par la violence et l'injustice.


2. Qui mieux que vous, très chers militaires et membres des Forces de police, hommes et femmes, peut rendre témoignage à propos de la violence et des forces destructrices du mal présentes dans le monde? Vous luttez chaque jour contre celles-ci: vous êtes en effet appelés à défendre les faibles, à protéger les personnes honnêtes, à encourager la coexistence pacifique entre les peuples. A chacun de vous revient le rôle de sentinelle, qui regarde au loin pour prévenir le danger et promouvoir partout la justice et la paix.

877 Je vous salue tous avec une grande affection, très chers frères et soeurs, venus à Rome de nombreuses parties de la terre, pour célébrer votre Jubilé spécial. Vous êtes les représentants d'armées qui se sont affrontées au cours de l'histoire. Aujourd'hui, vous vous donez rendez-vous auprès de la tombe de Pierre pour célébrer le Christ "notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair sa haine" (Ep 2,14). A Lui, mystérieusement et réellement présent dans l'Eucharistie, vous êtes venus offrir vos intentions et votre engagement quotidien de constructeurs de paix.

A chacun de vous j'exprime ma plus vive satisfaction pour votre dévouement et votre généreux engagement. J'adresse tout d'abord ma pensée, avec une estime fraternelle, à Mgr José Manuel Estepa Llaurens, qui s'est fait l'interprète de vos sentiments communs. Mon salut s'étend aux très chers archevêques et évêques ordinaires militaires, que je félicite pour le dévouement avec lequel ils exercent leur soin pastoral à votre égard. Je salue également les aumôniers militaires, qui partagent généreusement les idéaux et la difficulté de votre rude activité quotidienne. Ma pensée respectueuse s'adresse également aux officiers des Forces armées, aux dirigeants des Forces de police, aux responsables des divers Organismes de sécurité, ainsi qu'aux Autorités civiles, qui ont voulu partager la joie et la grâce de cette célébration jubilaire solennelle.


3. Votre expérience quotidienne vous conduit à faire face à des situations difficiles et parfois dramatiques, qui mettent en danger la sécurité de l'homme. Cependant, l'Evangile nous réconforte en présentant la figure victorieuse du Christ juge de l'histoire. Par sa présence, Il illumine l'obscurité et même le désespoir de l'homme, et il offre à celui qui a confiance en Lui la certitude réconfortante de son assistance constante.

Dans l'Evangile qui vient d'être proclamé, nous avons entendu une référence significative au figuier, dont les branches, lorsqu'apparaissent les premiers bourgeons, annoncent la période du printemps désormais proche. A travers ces paroles, Jésus encourage les apôtres à ne pas se décourager face aux difficultés et aux incertitudes du présent. Il les exhorte plutôt à savoir attendre et à se préparer à l'accueillir lors-qu'il reviendra. Très chers frères et soeurs, vous aussi vous êtes aujourd'hui invités par la liturgie à savoir "scruter les signes des temps", selon une expression chère à mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean XXIII, récemment proclamé bienheureux.

Pour autant que les situations soient complexes et problématiques, ne perdez pas confiance. Le germe de l'espérance ne doit jamais mourir dans le coeur de l'homme. Au contraire, soyez toujours attentifs à percevoir et à encourager tout signe positif de renouvellement personnel et social. Soyez prêts à favoriser par tous les moyens l'édification courageuse de la justice et de la paix.


4. La paix est un droit fondamental de chaque homme, qui doit être sans cesse promu, en tenant compte du fait que "les hommes en tant que pécheurs sont et seront toujours sous la menace de la guerre jusqu'à la venue du Christ" (Lumen gentium LG 78). Parfois cette tâche, comme l'expérience récente l'a démontré, comporte des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur. J'entends ici faire référence à ce qu'on appelle l'"ingérence humanitaire", qui représente, après l'échec des efforts de la politique et des instruments de défense non-violents, la tentative extrême à laquelle on doit avoir recours pour arrêter la main de l'agresseur injuste.

Très chers amis, merci de votre courageuse oeuvre de pacification dans les pays détruits par des guerres absurdes; merci du secours que vous portez, malgré les risques, aux populations frappées par des catastrophes naturelles. Les missions humanitaires dans lesquelles vous vous êtes engagés au cours de ces dernières années sont véritablement nombreuses! En accomplissant votre devoir difficile, vous vous trouvez souvent exposés à des dangers et à de lourds sacrifices. Faites en sorte que chacune de vos interventions mette toujours en lumière votre vocation authentique de "serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples", qui "concourent [...] au maintien de la paix", selon la belle expression du Concile Vatican II (Gaudium et spes GS 79).

Soyez des hommes et des femmes de paix. Et pour pouvoir l'être pleinement, accueillez le Christ dans votre coeur, auteur et garant de la paix véritable. Il vous rendra capable de cette fermeté évangélique qui permet de vaincre les tentations insidieuses de la violence. Il vous aidera à placer la force au service des grandes valeurs de la vie, de la justice, du pardon, et de la liberté.


5. Je voudrais ici rendre hommage au grand nombre de vos amis qui ont payé de leur vie la fidélité à leur mission. Oubliant leur propre personne, ignorant le danger, ils ont rendu à la communauté un service sans prix. Et aujourd'hui, au cours de la célébration eucharistique, nous les confions au Seigneur avec gratitude et admiration.

Mais où ont-ils puisé la vigueur nécessaire pour accomplir jusqu'au bout leur tâche, si ce n'est dans la totale adhésion aux idéaux professés? Beaucoup d'entre eux ont cru dans le Christ et sa parole a illuminé leur existence et donné une valeur exemplaire à leur sacrifice. Ils ont fait de l'Evangile le code de leur comportement. Que l'exemple de ces camarades qui, en accomplissant fidèlement leur devoir, ont atteint les sommets de l'héroïsme et peut-être de la sainteté, constitue un encouragement pour vous.

Comme eux, tournez-vous vous aussi vers le Christ qui vous appelle également "à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité". Il vous appelle à être saints. Et pour pouvoir réaliser cette vocation, selon la célèbre expression de l'Apôtre Paul, "il vous faut endosser l'armure de Dieu [...] Tenez-vous debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse et pour chaussures le Zèle à propager l'Evangile de la paix; ayez toujours en main le bouclier de la foi [...] enfin recevez le casque du salut et le glaive de l'esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu" (Ep 6,13-17). Surtout "vivez dans la prière" (Ep 6,18).

878 Que Marie, la Virgo Fidelis, vous aide et vous soutienne dans votre activité difficile. Que votre coeur ne se trouble jamais; qu'il reste plutôt prêt, vigilant et solidement ancré à la promesse de Jésus, qui, dans l'Evangile d'aujourd'hui, nous a assurés de son aide et de sa protection: "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point" (Mc 13,31).

En invoquant le Christ, continuez à accomplir avec générosité votre devoir. Une multitude de personnes vous regardent et ont confiance en vous, dans l'espérance de pouvoir jouir d'une existence se déroulant dans la sérénité, l'ordre et la paix.



26 novembre 2000, Jubilé de l'Apostolat des Laïcs


Homélies St Jean-Paul II 832