Homélies St Jean-Paul II 1019


VOYAGE APOSTOLIQUE DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II

EN AZERBAÏDJAN ET EN BULGARIE

1020
23 mai 2002, Messe au Palais des Sports de Bakou (Azerbaïdjan)


Jeudi 23 mai 2002



1. «Honneur à vous qui avez la foi !» (1 P 2, 7).

Oui, chers Frères et Soeurs de la communauté catholique de Bakou, et vous tous qui venez des communautés catholiques des pays voisins, «honneur à vous qui avez la foi !» Je salue également les chrétiens de l’Église orthodoxe qui se sont unis à nous en ce moment solennel de prière, avec leur Évêque Alexander. À eux aussi j’adresse le salut de l’Apôtre Pierre aux premiers chrétiens : «Honneur à vous qui avez la foi !»

L’Église universelle rend honneur à ceux qui ont su se maintenir fidèles aux engagements découlant de leur Baptême. Je m’adresse en particulier à ceux qui habitent de façon stable dans ce pays et qui ont connu le drame de la persécution marxiste, supportant les conséquences de leur adhésion fidèle au Christ. Chers Frères et Soeurs, vous avez vu votre religion tournée en dérision, comme une simple superstition, comme une tentative de fuir les responsabilités de l’engagement dans l’histoire. C’est pourquoi vous avez été considérés comme des citoyens de seconde classe et vous avez été humiliés et marginalisés de multiples manières.

2. «Honneur à vous qui avez la foi !» Honneur à vos ancêtres, à vos pères et mères, qui ont cultivé en vous le germe de la foi et qui l’ont arrosé de prière, lui permettant ainsi de croître et de porter du fruit. Honneur à toi aussi, je veux le dire encore une fois, sainte Église orthodoxe qui as ouvert tes portes aux fidèles catholiques restés sans bergerie et sans pasteurs. Que le Seigneur récompense ta générosité !

J’adresse un salut particulier au Supérieur de la «missio sui iuris» et à la communauté salésienne qui oeuvre avec lui à la pastorale des catholiques. Chers Frères et Soeurs, vous êtes la preuve vivante que la foi en Dieu opère des prodiges. Peu nombreux, appartenant à différents groupes ethniques, dispersés sur un vaste territoire, vous avez été gardés tous ensemble dans l’unité par le Bon Pasteur.

3. «Je suis le Bon Pasteur; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent», dit le Seigneur dans le passage de l’Évangile que nous avons entendu proclamer. Vraiment, Seigneur Jésus, tu connaissais tes brebis, même quand elles étaient persécutées et obligées de se cacher. Tu les connaissais et tu étais à côté d’elles pour les soutenir quand, découragées par le dur isolement physique et moral, elles étaient tentées de se disperser.

Pour leur part, tes brebis n’ont pas cessé de te connaître et de te reconnaître, d’éprouver le réconfort de ta présence, de te suivre malgré les aspérités du chemin. Quel merveilleux échange ! Tu avais livré ta vie pour elles, et elles livraient leur vie pour toi, en priant pour que leur foi ne défaille pas. Et de même que tu as repris vie, de même la communauté des survivants, recouvrant la liberté, a redécouvert la joie de se rassembler pour célébrer sa foi dans ta maison, d’où monte de nouveau maintenant vers le ciel, tel un parfum d’encens, la prière de louange et d’action de grâce.

4. Chers Frères et Soeurs, fils très aimés de l’Église catholique, aujourd’hui le Pape est avec vous. Lui aussi connaît vos souffrances, et il vous a tous portés dans son coeur durant les années de votre pèlerinage dans le désert de la persécution. Aujourd’hui, il est venu participer à votre joie pour la liberté retrouvée; il est venu vous soutenir sur votre route qui a pour but ultime la terre promise du ciel, où le Seigneur de la vie essuiera toute larme : «La mort n’existera plus; et il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse; car la première création aura disparu» (
Ap 21,4).

Soutenus par cette certitude, vous sentez que c’est maintenant un temps de joie, un temps d’espérance. Nous en trouvons un signe et une manifestation dans la première pierre de la future église paroissiale, que je bénirais à la fin de la Messe. Le Pape vous apporte la salutation et l’estime de toute l’Église catholique.Aujourd’hui, tous les yeux sont tournés vers toi, «petit troupeau» (Lc 12,32). Sois sans crainte ! Ouvre ton coeur, et mets ton espérance dans le Seigneur. Tu fais déjà l’expérience de la résurrection, comme si tu anticipais la rencontre définitive avec le Christ glorieux.

1021 5. Église qui vis en Azerbaïdjan, je voudrais aujourd’hui te laisser comme consigne ce que nous avons demandé dans la prière d’ouverture de l’Eucharistie de ce jour. Tu dois te sentir «un peuple qui se rassemble de toutes les nations de la terre dans l’unité d’un même esprit».

Votre communauté, chers Frères et Soeurs, manifeste symboliquement cette universalité, elle qui est composée de personnes de diverses provenances, certaines ayant un passé et une perspective de stabilité, d’autres étant de passage vers d’autres terres. Nous ne formons tous qu’un seul peuple, animé par un seul Esprit. Là où est célébrée l’Eucharistie, là est présente l’Église, «une, sainte, catholique et apostolique».

Il me semble en ce moment que la colonnade du Bernin, ces bras qui, de la Basilique Saint-Pierre de Rome, s’élancent pour embrasser le monde, arrive en esprit jusqu’à nous pour te serrer sur le coeur du Christ et de son Église, toi aussi, petite communauté catholique de l’Azerbaïdjan. Dans cette étreinte, le coeur de toute l’Église bat d’émotion et d’amour pour toi. Avec elle et en elle bat le coeur du Pape, qui est venu jusqu’ici pour te dire qu’il t’aime et qu’il ne t’a jamais oubliée.

6. Sois fidèle à ta mission ! Tu l’as été dans l’épreuve, quand tu portais dans les larmes la semence à jeter. Sois-le maintenant dans la joie tandis que tu te prépares à rapporter les gerbes (cf. Ps
Ps 125,6). Ta mission est de conserver la foi et d’en témoigner par une vie qui soit une prophétie, pour que le monde croie. Puissent tes frères et tes soeurs de ce pays, en te regardant, voir combien tu croies, combien tu espères, combien tu aimes ! Tel sera pour toi la façon de montrer la présence du Ressuscité. Que ton témoignage, qui ne peut pas compter sur les ressources des médias, s’impose par la force de la grâce du Christ, levain invisible mais capable de faire lever toute la pâte.

Partage les joies et les espoirs de l’humanité qui vit à côté de toi et avec toi : tu en fais partie, et avec elle tu dois espérer et travailler pour des lendemains qui soient meilleurs pour tous. Tout en gardant la prudence, aie le courage de la nouveauté ! Cette terre, elle aussi, a besoin de nouveauté ! Non pas la nouveauté qui n’apporte qu’incertitude et précarité, non ! Mais une nouveauté qui redonne à tous, en particulier aux jeunes, l’envie de vivre et de lutter pour un monde plus juste et plus solidaire.

7. Regarde-les, ces jeunes ! Ils sont exposés à se laisser prendre par le mirage de l’oisiveté démotivée, de la richesse facile et malhonnête. Mais ils sont aussi en mesure de vibrer pour un idéal et de risquer l’héroïsme du sacrifice pour faire triompher la justice et oeuvrer à l’affermissement de la liberté et de la paix. Il faut leur apprendre à n’avoir pas peur d’oser. Il faut leur ouvrir la lumineuse perspective de la foi, de l’amitié du Christ. Il n’y a pas de hardiesse dans le bien qui ne trouve compréhension dans le Christ, lui qui est éternellement jeune !

Église qui pries, qui espères et qui aimes sur cette terre de l’Azerbaïdjan, le Pape invoque sur toi la Bénédiction du Seigneur. Porte-la à tes pauvres, à tes malades, à ceux qui souffrent. Porte-la à tous comme une grâce et un amour contagieux. N’oublie jamais que tu es appelée à être levain et âme, car le Seigneur est avec toi et qu’il te précède sur la route.

Amen!



26 mai 2002, Messe avec Béatifications sur la Place centrale à Plovdiv

Plovdiv - Place centrale, dimanche 26 mai 2002



1. «À toi louange et gloire pour les siècles sans fin !»

1022 C'est ce que nous venons de chanter dans le psaume responsorial. Notre assemblée, chers Frères et Soeurs, se réunit aujourd'hui, jour du Seigneur, pour célébrer la grandeur et la sainteté de notre Dieu, et pour professer la foi de l'Église.

La descente du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte marque le couronnement du cycle des événements par lesquels Dieu, en des étapes historiques successives, est venu à la rencontre des hommes et leur a offert le don du salut. La liturgie nous invite aujourd'hui à remonter à la source suprême de ce don : Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, la Très Sainte Trinité.

2. L'Ancien Testament souligne l'unité de Dieu. Dans la première lecture, nous avons entendu Dieu proclamer devant Moïse: «Yahvé, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d'amour et de fidélité» (
Ex 34,6). Pour sa part, Moïse avertit son peuple : «Écoute, Israël: le Seigneur notre Dieu est l'Unique» (Dt 6,4).

Le Nouveau Testament nous révèle que le Dieu unique est Père, Fils et Saint-Esprit : une seule nature divine en trois personnes, parfaitement égales et réellement distinctes. Jésus les nomme expressément, en donnant aux Apôtres l'ordre de baptiser «au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Mt 28,19).

Tout le Nouveau Testament est une annonce continuelle et explicite de ce mystère, que l'Église, gardienne fidèle de la Parole de Dieu, a toujours proclamée, expliquée, défendue. C'est pourquoi aujourd'hui aussi nous disons au Dieu Très-Haut et Tout-Puissant, Père, Fils et Saint-Esprit : «À toi louange et gloire pour les siècles sans fin !»

3. En souhaitant à tous, avec l'Apôtre Paul, «la grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion de l'Esprit Saint» (2Co 13,13), je vous salue d'abord avec affection, chers Frères et Soeurs, fils de l'Église catholique qui êtes venus avec vos évêques des diocèses de Sofia-Plovdiv et de Nicopoli, ainsi que de l'exarchat apostolique pour les fidèles de rite byzantin-slave. Je remercie le Pasteur de l'Église particulière où nous sommes, Mgr Gheorghi Jovev, pour les paroles de bienvenue qu'il m'a adressées et j'étends mon salut cordial à mes frères dans l'épiscopat, Mgr Christo Proykov, Exarque apostolique et Président de la Conférence épiscopale, et Mgr Petko Christov, Évêque de Nicopoli. Je salue également les Cardinaux et les Évêques venus des pays voisins pour partager ce jour de fête avec l'Église qui est en Bulgarie.

Je tiens à adresser un salut particulier à Son Éminence Arsenij, Métropolite orthodoxe de Plovdiv, qui dans sa grande délicatesse a voulu prendre part à la célébration de cette Sainte Liturgie, et je le remercie vivement des paroles cordiales qu'il m'a adressées au début de la célébration. Avec lui, je salue dans le Seigneur tous les fidèles de l'Église orthodoxe de Bulgarie qui s'unissent à nous. Leur présence ici est un témoignage apprécié de fraternité, qui nous fait pressentir dans l'espérance la joie de la pleine unité, quand il nous sera donné de célébrer ensemble le Sacrifice eucharistique, mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur.

Je désire aussi adresser une pensée respectueuse aux fidèles de l'Islam, qui adorent eux aussi, même si c'est de manière différente, le Dieu Unique et Tout-Puissant.

Enfin, je salue les Autorités civiles qui nous honorent de leur présence et je les remercie pour leur contribution efficace à la réalisation de mon voyage en Bulgarie.

4. Dieu, Un et Trine, est présent dans son peuple, l'Église. Nous recevons le Baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; c'est en ce même nom que sont conférés les autres sacrements. En particulier, la Messe, «centre de toute la vie chrétienne», est marquée par le rappel des personnes divines : le Père, à qui s'adresse l'offrande, le Fils, prêtre et victime du sacrifice, l'Esprit Saint, invoqué pour transformer le pain et le vin en corps et sang du Christ, et pour faire des participants un seul corps et un seul esprit.

La vie du chrétien est entièrement orientée vers ce mystère. De notre réponse fidèle à l'amour du Père, du Fils et de l'Esprit Saint dépend la réussite de notre marche ici-bas.

1023 Les trois prêtres assomptionnistes que j'ai eu la joie d'inscrire aujourd'hui parmi les Bienheureux étaient bien pénétrés de cette vérité: la cause pour laquelle les Pères Kamen Vitchev, Pavel Djidjov et Josaphat Chichkov n'ont pas hésité à donner leur vie, c'est la foi en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, c'est l'amour pour le Christ, Fils de Dieu fait homme, auquel ils se sont donnés sans réserve pour le service de son Église.

Le Père Josaphat Chichkov affirmait : «Nous cherchons à faire le mieux possible tout ce qu'on attend de nous pour pouvoir nous sanctifier»; et il ajoutait : «L'essentiel est d'aller jusqu'à Dieu, en vivant pour lui, tout le reste n'est qu'accessoire». Quelques mois avant l'infâme procès qui les condamna à mort, en même temps que l'Évêque Bossilkov, comme s'il entrevoyait ce qui les attendait, le Père Kamen Vitchev écrivait à son Supérieur provincial : «Obtenez-nous par la prière la grâce d'être fidèles au Christ et à l'Église dans notre vie quotidienne, afin d'être dignes de lui rendre témoignage quand viendra le moment». Et le Père Pavel Djidjov disait : «Nous attendons notre tour : que la volonté de Dieu soit faite !»

5. En pensant aux trois nouveaux Bienheureux, je tiens à rendre hommage à la mémoire des autres confesseurs de la foi, fils de l'Église orthodoxe, qui ont subi le martyre sous le même régime communiste. Ce tribut de fidélité au Christ a uni les deux communautés ecclésiales en Bulgarie jusqu'au témoignage suprême. «Cela ne saurait manquer d'avoir un caractère oecuménique marqué. L'oecuménisme des saints, des martyrs, est peut-être celui qui convainc le plus. La voix de la communio sanctorum est plus forte que celle des fauteurs de division» (Tertio millennio adveniente
TMA 37).

En effet comment la communion qui se réalise «en ce que nous considérons tous comme le sommet de la vie de la grâce, la martyria jusqu'à la mort» (Ut unum sint UUS 84), pourrait-elle ne pas être déjà parfaite ? N'est-elle pas cette «communion la plus vraie avec le Christ qui répand son sang et qui, dans ce sacrifice, rend proches ceux qui jadis étaient loin (cf. Ep 2,13)» (ibid.) ?

6. La courageuse cohérence de vie des Pères Josaphat, Kamen et Pavel face à la souffrance et à la prison a été reconnue par leurs anciens élèves - catholiques, orthodoxes, juifs, musulmans -, par leurs paroissiens, par leurs confrères religieux et leurs compagnons de peine. En raison de leur dynamisme, de leur fidélité à l'Évangile, de leur service désintéressé de la nation, ils se présentent comme des modèles pour les chrétiens d'aujourd'hui, spécialement pour les jeunes de Bulgarie qui cherchent à donner un sens à leur vie et qui veulent suivre le Christ dans la vie laïque, dans la vie religieuse ou dans le sacerdoce.

Puisse le dévouement tout particulier avec lequel les nouveaux Bienheureux ont accompagné les candidats au presbytérat être pour tous un stimulant : j'exhorte l'Église locale qui est en Bulgarie à envisager sérieusement la possibilité de fonder de nouveau un séminaire, dans lequel les jeunes, à travers une solide formation humaine, intellectuelle et spirituelle, pourront se préparer au sacerdoce ministériel pour le service de Dieu et de leurs frères.

7. Le mystère de la Trinité nous révèle l'amour qui est en Dieu, l'amour qui est Dieu lui-même, l'amour avec lequel Dieu aime tous les hommes. «Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle» (Jn 3,16). Pour sa part, le Fils crucifié et ressuscité a envoyé l'Esprit Saint au nom du Père, pour qu'il nourrisse dans le coeur des croyants le désir et l'attente de l'éternité.

Cette attente, les nouveaux Bienheureux l'ont vécue activement, eux qui jouissent maintenant de la contemplation apaisante de la Très Sainte Trinité. Nous nous confions à leur intercession en priant avec la Liturgie byzantine (Sexte: oraison finale):

«Dieu éternel, qui vis dans une lumière inaccessible...
protège-nous, nous qui avons mis en toi notre espérance,
comble-nous de ta grâce divine et adorable.
1024 Car c'est à toi, Père, Fils et Esprit Saint,
qu'appartiennent le règne, la majesté, la puissance et la gloire
maintenant et toujours pour les siècles des siècles.

Amen».



30 mai 2002, Solennité du Corpus Domini


1. "Lauda, Sion, Salvatorem, lauda ducem et pastorem in hymnis et canticis": "Loue, Sion, le sauveur, ton guide, ton pasteur par des hymnes et des cantiques".

Il y a quelques instants, nous avons chanté, avec foi et dévotion, ces paroles de la Séquence traditionnelle, qui fait partie de la liturgie du Corpus Domini.

C'est aujourd'hui une fête solennelle, une fête au cours de laquelle nous revivons la première Cène Sacrée. A travers un acte public et solennel, nous glorifions et nous adorons le Pain et le Vin qui sont devenus le Corps véritable et le Sang véritable du Rédempteur. "Ce qui apparaît est un signe" - souligne la séquence -, mais "il cache sous son mystère des réalités sublimes".

2. "Le pain vivant qui donne la vie: tel est le thème de ton chant, objet de la louange".
Nous célébrons aujourd'hui une fête solennelle, qui exprime la surprise émerveillée du Peuple de Dieu: une surprise pleine de reconnaissance pour le don de l'Eucharistie. Dans le sacrement de l'Autel, Jésus a voulu perpétuer sa présence vivante parmi nous, sous la forme même sous laquelle il apparut aux Apôtres au Cénacle. Il nous laisse ce qu'il a accompli lors de la dernière Cène, et nous le renouvelons fidèlement.

Selon des habitudes locales traditionnelles, la solennité du Corpus Domini apparaît comme étant constituée par deux moments: la Messe, lors de laquelle s'accomplit l'offrande du sacrifice, et la procession, qui manifeste publiquement l'adoration du Très Saint Sacrement.


1025 3. "Obéissant à son commandement, nous consacrons le pain et le vin, ostie de salut". C'est tout d'abord le mémorial de la Pâque du Christ qui se renouvelle.

Les jours, les années, les siècles passent, mais le geste très saint dans lequel Jésus a condensé tout son Evangile d'amour ne passe pas. Il ne cesse pas de s'offrir lui-même, Agneau immolé et ressuscité, pour le salut du monde. Avec ce mémorial, l'Eglise répond au commandement de la Parole de Dieu, que nous avons également entendu aujourd'hui dans la première Lecture: "Souviens-toi!... n'oublie pas!" (
Dt 8,2 Dt 8,14).

L'Eucharistie est notre Mémoire vivante! L'Eucharistie, comme le rappelle le Concile, "contient tout le trésor spirituel de l'Eglise, c'est-à-dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création" (Presbyterorum ordinis PO 5).

C'est à l'Eucharistie, "source et sommet de toute l'évangélisation" (ibid.), que notre Eglise de Rome doit elle aussi puiser quotidiennement sa force et son élan pour son action missionnaire et pour toute forme de témoignage chrétien dans la cité des hommes.

4. "Bon pasteur, pain véritable, ô Jésus, aie pitié de nous: nourris-nous et défends-nous".

Toi, le Bon Pasteur, tu traverseras dans quelques instants les rues de notre ville. Lors de cette fête, chaque ville, les métropoles comme les plus petits villages du monde, deviennent spirituellement la ville de Sion, la Jérusalem qui loue le Sauveur: le nouveau Peuple de Dieu, rassemblé à partir de chaque nation et nourri de l'unique Pain de vie.

Ce peuple a besoin de l'Eucharistie. En effet, c'est l'Eucharistie qui rend l'Eglise missionnaire. Mais cela serait-il possible sans les prêtres, qui renouvellent le mystère eucharistique?

Voilà pourquoi, en ce jour solennel, je vous invite à prier pour le succès du Congrès ecclésial diocésain, qui se tiendra dans la Basilique Saint-Jean à partir de lundi prochain, et qui accordera une attention particulière au thème des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée.

Jeunes romains! Je vous répète les paroles que j'ai déjà adressées, au cours de la Journée mondiale de la Jeunesse de l'An 2000, aux jeunes réunis à "Tor Vergata": "Si l'un ou l'une d'entre vous [...] entend l'appel du Seigneur à se donner totalement à lui pour l'aimer "d'un coeur sans partage" (cf. 1Co 7,34), qu'il ne se laisse pas arrêter par le doute ou la peur! Qu'il dise avec courage son "oui" sans réserve, en se confiant à Celui qui est fidèle en toutes ses promesses!" (Homélie, n. 6; cf. ORLF n. 34 du 22 août 2000).


5. "Ave, verum Corpus, natum de Maria Virgine".
"Nous t'adorons, ô vrai Corps né de la Vierge Marie".
1026 Nous t'adorons, notre saint Rédempteur, toi qui t'es incarné dans le sein très pur de la Vierge Marie. Dans quelques instants, la procession solennelle nous conduira au plus éminent temple marial d'Occident, la Basilique Sainte-Marie-Majeure. Nous te rendons grâce, Seigneur, de ta présence eucharistique dans le monde.

Tu as accepté de souffrir pour nous et sur la croix tu as manifesté jusqu'au bout ton amour pour l'humanité tout entière. Nous t'adorons, viatique quotidien de nous tous qui sommes pèlerins sur la terre!

"Toi qui sais tout et qui peux tout, qui nous nourris sur la terre, conduis tes frères à la table du ciel dans la gloire de tes saints".

Amen!



16 juin 2002, Canonisation de Pio de Pietrelcina

Dimanche 16 juin 2002


L'image évangélique du "joug"

1. "Oui, mon joug est aisé et mon fardeau léger" (
Mt 11,30).

Les paroles adressées par Jésus aux disciples, que nous venons d'entendre, nous aident à comprendre le coeur du message de cette célébration solennelle. Dans un certain sens, nous pouvons en effet les considérer comme une merveilleuse synthèse de l'existence tout entière de Padre Pio de Pietrelcina, aujourd'hui proclamé saint.

L'image évangélique du "joug" évoque les nombreuses épreuves que l'humble capucin de San Giovanni Rotondo dut affronter. Aujourd'hui, nous contemplons en lui combien le "joug" du Christ est doux et son fardeau vraiment léger lorsqu'on le porte avec un amour fidèle. La vie et la mission de Padre Pio témoignent que les difficultés et les douleurs, si elles sont acceptées avec amour, se transforment en un chemin privilégié de sainteté, qui s'ouvre sur des perspectives d'un plus grand bien, connu seulement par le Seigneur.

La "glorification dans la croix"

1027 2. "Pour moi, que jamais je ne me glorifie sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ" (Ga 6,14).

N'est-ce pas précisément la "glorification dans la croix" qui resplendit le plus chez Padre Pio? Comme la spiritualité de la Croix vécue par l'humble capucin de Pietrelcina est actuelle! Notre époque a besoin d'en redécouvrir la valeur pour ouvrir son coeur à l'espérance.

Au cours de toute son existence, il a cherché à se configurer toujours davantage au Crucifié, en ayant clairement conscience d'avoir été appelé à collaborer de façon particulière à l'oeuvre de la rédemption. Sans cette référence constante à la Croix on ne peut pas comprendre sa sainteté.
Dans le dessein de Dieu, la Croix constitue le véritable instrument de salut pour l'humanité tout entière et la voie explicitement proposée par le Seigneur à ceux qui veulent le suivre (cf. Mt Mt 16,24). Le saint Frère du Gargano l'avait bien compris, lui qui écrivait en la fête de l'Assomption en 1914: "Pour arriver à atteindre notre objectif ultime il faut suivre le divin Chef, qui ne désire conduire l'âme élue par d'autre voie que celle qu'il a parcourue; qui est celle, je le dis, de l'abnégation et de la Croix" (Epistolario II, p. 155).

Généreux dispensateur de la miséricorde divine

3. "Je suis Yahvé qui exerce la bonté" (Jr 9,23).

Padre Pio a été le généreux dispensateur de la miséricorde divine, étant disponible pour tous à travers l'accueil, la direction spirituelle et, en particulier, l'administration du sacrement de la Pénitence. J'ai eu moi-même le privilège, pendant ma jeunesse, de profiter de sa disponibilité envers les pénitents. Le ministère du confessionnal, qui constitue l'un des traits caractéristiques de son apostolat, attirait des foules innombrables de fidèles au couvent de San Giovanni Rotondo. Même lorsque ce singulier confesseur traitait les pèlerins avec une dureté apparente, ceux-ci, ayant pris conscience de la gravité de leur péché et sincèrement repentis, revenaient presque toujours en arrière afin de recevoir l'accolade de paix du pardon sacramentel.

Puisse son exemple inciter les prêtres à accomplir avec joie et assiduité ce ministère, si important aujourd'hui aussi, comme j'ai voulu le répéter dans la Lettre aux prêtres à l'occasion du dernier Jeudi saint.

La source de la fécondité spirituelle

4. "Seigneur tu es mon unique bien".

Ainsi avons-nous chanté dans le Psaume responsorial. A travers ces paroles, le nouveau saint nous invite à placer Dieu au-dessus de tout, à le con-sidérer comme notre unique et plus grand bien.
1028 En effet, la raison ultime de l'efficacité apostolique de Padre Pio, la racine profonde de tant de fécondité spirituelle se trouve dans cette union intime et constante avec Dieu, dont les longues heures passées en prière et au confessionnal étaient le témoignage éloquent. Il aimait à répéter: "Je suis un pauvre frère qui prie", convaincu que "la prière est la meilleure arme que nous ayons, une clef qui ouvre le Coeur de Dieu". Cette caractéristique fondamentale de sa spiritualité se poursuit dans les "Groupes de prière" qu'il a fondés et qui offrent à l'Eglise et à la société la formidable contribution d'une prière incessante et confiante. Padre Pio unissait à la prière une intense activité caritative dont la plus belle expression est la "Casa Sollievo della Sofferenza". Prière et charité, voilà une synthèse plus que jamais concrète de l'enseignement de Padre Pio, qui est aujourd'hui reproposé à tous.

Enseigne-nous...

5. "Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre... de l'avoir révélé aux tout-petits" (
Mt 11,25).
Comme ces paroles de Jésus apparaissent appropriées lorsqu'on les applique à ta personne, humble et bien-aimé Padre Pio.

Nous te prions de nous enseigner à nous aussi l'humilité du coeur, afin de pouvoir être comptés au nombre des tout-petits de l'Evangile, auxquels le Père a promis de révéler les mystères de son Royaume.

Aide-nous à prier sans jamais nous lasser, assurés que Dieu connaît ce dont nous avons besoin, avant encore que nous le demandions

Obtiens pour nous d'avoir un regard de foi capable de reconnaître immédiatement chez les pauvres et les personnes qui souffrent le visage même de Jésus.

Soutiens-nous à l'heure du combat et de l'épreuve et, si nous chutons, fais en sorte que nous fassions l'expérience de la joie du sacrement du Pardon.

Communique-nous ta tendre dévotion à l'égard de Marie, Mère de Jésus et notre Mère.

Accompagne-nous dans le pèlerinage terrestre vers la patrie bienheureuse, où nous espérons parvenir nous aussi afin de contempler pour l'éternité la Gloire du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, Amen!



29 juin 2002, Solennité des Sts Pierre et Paul

1029 Samedi 29 juin 2002


1. "Jette ton manteau sur tes épaules et suis-moi" (
Ac 12,8).

C'est ainsi que l'ange s'adresse à Pierre, qui est détenu dans la prison de Jérusalem. Et Pierre, selon le récit du texte sacré, "sortit, et il le suivait" (Ac 12,9).

Par cette intervention extraordinaire, Dieu vient en aide à son apôtre afin qu'il puisse poursuivre sa mission. Une mission difficile, qui comporte un itinéraire complexe et exigeant. Une mission qui se conclura par le martyre précisément ici, à Rome, où la tombe de Pierre est aujourd'hui également la destination de constants pèlerinages de toutes les parties du monde.


2. "Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu?... Mais relève-toi, entre dans la ville, et l'on te dira ce que tu dois faire" (Ac 9,4-6).

Paul fut foudroyé par la grâce divine sur la route de Damas et, de persécuteur des chrétiens, il devint l'apôtre des nations. Ayant rencontré Jésus sur son chemin, il se voua sans réserves à la cause de l'Evangile.

A Paul également était impartie la lointaine destination de Rome, capitale de l'empire, où il devait prêcher avec Pierre, le Christ, unique Seigneur et Sauveur du monde. Pour la foi, il devait lui aussi, un jour, verser ici son propre sang, en associant pour toujours son nom à celui de Pierre dans l'histoire de la Rome chrétienne.


3. L'Eglise célèbre aujourd'hui avec joie la mémoire des deux saints. La "Pierre" et l'"Instrument élu" se sont rencontrés définitivement ici, à Rome. Ici, ils ont mené à bien leur ministère apostolique, le scellant par l'effusion de leur sang.

Le mystérieux itinéraire de foi et d'amour, qui conduisit Pierre et Paul de leur terre natale à Jérusalem, puis dans d'autres parties du monde et, enfin, à Rome, constitue dans un certain sens un modèle du parcours que chaque chrétien est appelé à accomplir pour témoigner du Christ dans le monde.

"Je cherche Yahvé, il me répond et de toutes mes frayeurs me délivre" (Ps 33,5). Comment ne pas apercevoir dans l'expérience de ces deux saints, que nous commémorons aujourd'hui, la réalisation de ces paroles du Psalmiste? L'Eglise est sans cesse mise à l'épreuve. Le message que les saints Apôtres Pierre et Paul lui font parvenir est clair et éloquent: par la grâce de Dieu, en chaque circonstance, il est possible à l'homme de devenir un signe éloquent de la puissance victorieuse de Dieu. C'est pourquoi il ne doit pas avoir peur. Celui qui a confiance en Dieu, libéré de toute peur, fait également l'expérience de la présence réconfortante de l'Esprit, en particulier, dans les moments d'épreuve et de douleur.


4. Chers et vénérés frères dans l'épiscopat! L'exemple de Pierre et de Paul nous interpelle en premier lieu, nous qui, à travers l'ordination épiscopale, avons été constitués les successeurs des Apôtres. Comme eux, nous sommes invités à parcourir un itinéraire de conversion et d'amour à l'égard du Christ. N'est-ce pas Lui qui nous a appelés? N'est-ce pas toujours Lui que nous devons annoncer avec cohérence et fidélité?

1030 Je m'adresse de façon particulière à vous, très chers Archevêques métropolitains, venus de nombreux pays du monde pour recevoir le Pallium du Successeur de Pierre. Je vous salue cordialement, ainsi que ceux qui vous ont accompagnés. Le lien particulier avec le Siège apostolique, que cette insigne liturgie représente, est une incitation à un engagement plus intense dans la recherche de la communion spirituelle et pastorale au bénéfice des fidèles, en promouvant en eux le sens de l'unité et de l'universalité de l'Eglise. Gardez fidèlement en vous, et dans les personnes qui vous sont confiées, cette sainteté de vie qui est un don surnaturel de la grâce du Seigneur.

Je salue en outre avec une affection spéciale la Délégation envoyée par le Patriarche de Constantinople Bartholomaios I, qui est ici guidée par le Métropolite Panteleimon. La visite traditionnelle des représentants du Patriarcat oecuménique pour la solennité des saints Pierre et Paul constitue un moment providentiel du chemin vers le rétablissement de la pleine communion entre nous. Au début du troisième millénaire, nous ressentons profondément le devoir de "repartir du Christ", fondement de notre foi commune et de notre mission. "Heri, hodie et in saecula" (
He 13,8), le Christ est le rocher solide sur lequel l'Eglise est construite.


5. "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!" (Mt 16,16). La profession de foi faite par Pierre à Césarée de Philippe, lorsque le maître demanda à ses disciples: "Mais pour vous qui suis-je?" (ibid., v. 15), prend une valeur et une signification tout à fait particulières pour nous qui formons la communauté ecclésiale de Rome. Le témoignage de Pierre et de Paul, scellé par le sacrifice extrême de la vie, rappelle à cette Eglise le devoir exigeant de "présider à la charité" (Ignace Ant. Ep. Rom., 1, 1).

Fidèles de mon diocèse bien-aimé, nous sommes toujours plus conscients de cette responsabilité qui est la nôtre. Persévérons dans la prière avec Marie, Reine des Apôtres.

En suivant l'exemple de nos glorieux patrons, et avec leur soutien constant, nous cherchons à répéter à chaque instant au Christ: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant! Tu es notre unique Rédempteur!" Rédempteur du monde!


Au terme de la célébration eucharistique, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Au terme de cette solennelle célébration, je désire vous remercier tous, chers frères et soeurs, qui à travers votre pieuse participation, avez honoré la mémoire des saints Pierre et Paul. J'adresse en particulier un salut cordial et reconnaissant à la Délégation de l'Eglise orthodoxe bulgare, guidée par le Métropolite Simeon. Ayant toujours à l'esprit ma récente visite en Bulgarie, j'invoque les bénédictions célestes sur les fidèles de cette chère nation.

Je présente tous mes voeux à ceux qui portent le nom de Pierre et Paul. Bonne fête à tous les Romains et aux pèlerins.



Homélies St Jean-Paul II 1019