Homélies St Jean-Paul II 29603

29 juin 2003: Solennité des Sts Pierre et Paul

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Dimanche 29 juin 2003



1. "Le Seigneur, lui, m'a assisté et m'a rempli de force" (
2Tm 4,17).

C'est ainsi que saint Paul décrit à Timothée l'expérience vécue au cours de l'emprisonnement à Rome. Toutefois, ces paroles peuvent se référer à toute l'histoire missionnaire de l'Apôtre des nations, ainsi qu'à celle de saint Pierre. Dans la liturgie d'aujourd'hui, cela est attesté par le passage des Actes des Apôtres, qui présente la libération prodigieuse de Pierre de la prison d'Hérode et d'une probable condamnation à mort.

La première et la deuxième lecture, mettent donc en lumière le dessein providentiel de Dieu pour ces deux Apôtres. Ce sera le Seigneur lui-même qui les conduira à l'accomplissement de leur mission, un accomplissement qui aura lieu précisément ici, à Rome, où les deux élus donneront leur vie pour Lui, en fécondant l'Eglise par leur sang.

2. "Et ils sont devenus les amis de Dieu" (Antienne de début). Amis de Dieu! Le terme "amis" est plus que jamais éloquent, si l'on pense qu'il sortit de la bouche de Jésus au cours de la dernière Cène: "Je ne vous appelle plus serviteurs - dit-il - ... mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître" (Jn 15,15).

Pierre et Paul sont des "amis de Dieu" à un titre particulier, car ils ont bu la coupe du Seigneur. Jésus a changé leur nom, au moment où il les a appelés à son service: à Simon, il a donné celui de Céphas, c'est-à-dire "roc", d'où Pierre; à Saul, le nom de Paul, qui signifie "petit". La Préface d'aujourd'hui les place en parallèle: "Pierre, qui le premier confessa la foi dans le Christ, / Paul, qui illumina les profondeurs du mystère; / le pêcheur de Galilée, / qui constitua la première communauté avec les justes d'Israël, / le maître et le docteur, qui annonça le salut à toutes les nations".

3. "Béni soit le Seigneur qui libère ses amis" (Psaume responsorial). Si nous pensons à la vocation et à l'histoire personnelle des deux Apôtres Pierre et Paul, nous remarquons comment la charge apostolique et missionnaire a été proportionnelle à la profondeur de leur conversion. Eprouvés par l'expérience amère de la misère humaine, ils ont été libérés par le Seigneur.

Grâce à l'humiliation du reniement et aux larmes abondantes qui le purifièrent intérieurement, Simon devint Pierre, c'est-à-dire le "roc": affermi par la force de l'Esprit, il déclara par trois fois son amour à Jésus, recevant le mandat d'en paître le troupeau (cf. Jn 21,15-17).

L'expérience de Saul fut analogue: ce Seigneur, qu'il persécutait (cf. Ac Ac 9,5), "l'appela par sa grâce" (cf. Ga 1,15) en le foudroyant sur la route de Damas. Il le libéra ainsi de ses préjugés, en le transformant radicalement, et il en fit "un instrument élu" pour apporter son nom à toutes les nations (cf. Ac Ac 9,15).

Tous deux devinrent de cette façon des "amis du Seigneur".

4. Très chers et vénérés confrères Archevêques métropolitains, venus pour recevoir le Pallium, vos histoires sont toutes différentes, mais vous avez tous été comptés par le Seigneur au nombre de ses "amis".

Alors que je m'apprête à vous remettre ce symbole liturgique traditionnel, que vous porterez lors des célébrations solennelles en signe de communion avec le Siège apostolique, je vous invite à toujours le considérer comme la mémoire de l'amitié sublime du Christ, que nous avons l'honneur et la joie de partager. Au nom du Seigneur, devenez, à votre tour, des "amis" de tous ceux que Dieu vous a confiés.

Vos Sièges épiscopaux se trouvent dans diverses régions de la terre: en imitant le Bon Pasteur, soyez vigilants et attentifs pour chacune de vos communautés. Apportez-leur également mon salut cordial, en même temps que l'assurance que le Pape prie pour tous, et en particulier pour ceux qui sont soumis à de dures épreuves et qui rencontrent de grandes difficultés.

5. La joie de la fête d'aujourd'hui est rendue plus intense par la présence de la délégation envoyée également cette année par Sa Sainteté Bartholomaios I, Patriarche oecuménique. Elle est guidée par mon vénéré Frère l'Archevêque d'Amérique, Dimitrios. Je vous souhaite la bienvenue, chers et vénérés frères! Je vous salue au nom du Seigneur et je vous demande de transmettre mon baiser de paix à mon bien-aimé frère dans le Christ, le Patriarche Bartholomaios.

L'échange réciproque des délégations, pour la fête de saint André, à Constantinople, et pour celle des saints Pierre et Paul, à Rome, est devenue, au fil du temps, un signe éloquent de notre engagement visant à la pleine unité.

Le Seigneur, qui connaît nos faiblesses et nos hésitations, nous promet son aide pour surmonter les obstacles qui empêchent la concélébration de l'unique Eucharistie. C'est pourquoi, vénérés frères, vous accueillir et vous avoir à mes côtés au cours de cette rencontre liturgique rend l'espérance plus solide et donne une forme concrète à cette aspiration qui nous pousse vers la pleine communion.

6. "Avec divers dons, ils ont édifiés l'unique Eglise" (Préface). Cette affirmation, qui se réfère aux Apôtres Pierre et Paul, semble précisément mettre en évidence l'engagement de rechercher l'unité par tous les moyens possibles, en répondant à l'invitation, plusieurs fois répétée par Jésus au Cénacle, "ut unum sint!".

En tant qu'Evêque de Rome et Successeur de Pierre, je renouvelle aujourd'hui, dans le cadre suggestif de cette fête, ma pleine disponibilité à me mettre au service de la communion entre tous les disciples du Christ. Très chers frères et soeurs, aidez-moi par le soutien incessant de votre prière. Invoquez pour moi l'intercession céleste de Marie, Mère de l'Eglise, et des saints Apôtres Pierre et Paul.

Que Dieu nous accorde d'accomplir la mission qu'il nous a confiée, en pleine fidélité jusqu'au dernier jour, afin de former dans le lien de sa charité un seul coeur et une seule âme (cf. Oraison après la Communion). Amen!



VOYAGE APOSTOLIQUE EN SLOVAQUIE


12 septembre 2003: Messe sur la Place du Soulèvement National de Banská Bystrica

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Banská Bystrica
Vendredi 12 septembre 2003



1. "Mon coeur exulte dans le Seigneur" (Psaume responsorial). C'est avec une joie intime et une profonde reconnaissance envers Dieu que je me trouve aujourd'hui sur cette place avec vous, chers frères et soeurs, pour célébrer la mémoire du Saint Nom de Marie.

Le lieu où nous nous trouvons est particulièrement significatif dans l'histoire de votre ville: en effet, celui-ci rappelle le respect et la dévotion de vos pères envers le Seigneur tout-puissant et la Très Sainte Vierge, mais également la tentative de profaner ce précieux héritage, perpétrée par un régime obscur au cours d'années récentes. La statue de la Vierge Marie est le témoin silencieux de tout cela.

Je vous salue tous de grand coeur: en premier lieu votre Evêque, Mgr Rudolf Baláz, que je remercie des paroles cordiales avec lesquelles il m'a accueilli, et l'Evêque auxiliaire, Mgr Tomás Gális. Je salue également les Cardinaux, les Evêques, les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes, ainsi que les laïcs qui, dans divers domaines, représentent les forces vives de cette Eglise diocésaine, et enfin tous ceux qui sont venus des diocèses et des pays voisins.

Mon salut s'adresse également avec un cordial respect à Monsieur le Président de la République et aux Autorités civiles et militaires présentes. Je remercie chacun de l'aide précieuse qu'il a apportée à la préparation de ma visite.

2. "Je suis la servante du Seigneur!" (
Lc 1,38), dit Marie dans le passage évangélique que nous venons d'écouter. Elle s'adresse à l'Ange Gabriel, qui lui communique l'appel de Dieu à devenir la mère de son Fils. L'Incarnation du Verbe constitue le point décisif du "projet" manifesté par Dieu dès le début de l'histoire humaine, après le premier péché. Il veut transmettre aux hommes sa vie elle-même, en les appelant à devenir ses fils. Il s'agit d'un appel qui attend la réponse de chacun. Dieu n'impose pas le salut; il le propose comme initiative d'amour, à laquelle il faut répondre par un libre choix, motivé lui aussi par l'amour.

Le dialogue entre l'Ange et Marie, entre le ciel et la terre est, dans ce sens, exemplaire: nous voulons en tirer quelques indications pour nous.

3. L'Ange présente les attentes de Dieu pour l'avenir de l'humanité, Marie répond en portant de façon responsable l'attention sur sa situation présente: elle est fiancée à Joseph, promise à lui comme épouse (cf. Lc 1,34). Marie ne soulève aucune objection en ce qui concerne l'avenir de Dieu, mais demande des explications en ce qui concerne le présent humain dans lequel elle est impliquée. A sa demande, Dieu répond en entrant en dialogue avec Elle. Il aime avoir à faire à des personnes responsables et libres.

Quelle leçon pouvons-nous tirer de tout cela? Marie nous montre le chemin vers une liberté ayant atteint sa maturité. A notre époque, il existe de nombreux chrétiens baptisés qui n'ont pas encore assumé leur foi de façon adulte et consciente. Ils se proclament chrétiens, mais ne réagissent pas avec une pleine responsabilité à la grâce reçue; ils ne savent pas encore ce qu'ils veulent et pourquoi ils le veulent.

Telle est la leçon à tirer aujourd'hui: il est urgent d'éduquer à la liberté. Il est urgent, en particulier, que dans les familles, les parents éduquent à la juste liberté leurs enfants, pour les préparer à apporter une réponse opportune à l'appel de Dieu. Les familles sont le vivier dans lequel se forment les petites plantes des nouvelles générations. C'est dans les familles que se forme l'avenir des nations.

Précisément dans cette perspective, je souhaite que le Synode diocésain, que vous vous apprêtez à célébrer, constitue une occasion privilégiée pour relancer la pastorale familiale et trouver des voies toujours nouvelles pour l'annonce de l'Evangile aux nouvelles générations de cette noble Terre slovaque.

4. "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1,38). Marie croit et pour cela, dit oui. Il s'agit d'une foi qui devient vie: elle devient engagement envers Dieu, qui la remplit de son être à travers la maternité divine, et engagement envers le prochain, qui attend son aide dans la personne de sa cousine Elisabeth (cf. Lc 1,39-56). Marie s'abandonne librement et consciemment à l'initiative de Dieu, qui réalisera en Elle ses "merveilles": mirabilia Dei.

Face à l'attitude de la Vierge, chacun de nous est invité à réfléchir: Dieu a un projet pour chacun; à chacun, Il adresse son "appel". Ce qui compte est de savoir reconnaître cet appel, de savoir l'accueillir, de savoir lui être fidèle.

5. Chers frères et soeurs, faisons place à Dieu! Dans la variété et la richesse des diverses vocations, chacun est appelé, à l'exemple de Marie, à accueillir Dieu dans sa vie et à parcourir avec Lui les routes du monde, en annonçant son Evangile et en témoignant de son amour.

Que cela soit l'engagement que nous prenons tous ensemble aujourd'hui, en le déposant avec confiance entre les mains maternelles de Marie. Que son intercession nous obtienne le don d'une foi forte, qui rende limpide l'horizon de l'existence et transparents l'esprit, l'âme et le coeur.

Je confie à la Vierge Marie votre diocèse de Banská Bystrica, votre Evêque, les prêtres, les religieux et les religieuses et chacun de vous. Amen!
***


Au terme de la Célébration eucharistique, avant de donner la Bénédiction finale, le Saint-Père a dit en slovaque:

Je vous remercie pour le beau chant, pour la liturgie et pour la place si bien décorée. Je vous remercie de tout coeur pour cette célébration commune de l'Eucharistie. Je vous bénis tous. La Slovaquie est, et restera toujours, fidèle au Christ et à l'Eglise. Je vous remercie pour votre témoignage. Je salue les jeunes, vous êtes l'avenir de Banská Bystrica.

Puis il a conclu en polonais:

Je désire saluer cordialement le Cardinal de Cracovie et les pèlerins de Pologne. Chers frères et soeurs, vous êtes venus à Banská Bystrica avec vos frères slovaques pour célébrer et glorifier le bon Dieu avec le Pape. Que la foi, l'espérance et l'amour qui nous ont réunis ici, unissent toujours nos actions pour le bien commun. Dieu nous bénisse.



13 septembre 2003: Messe sur la Place Podrákoš à la périphérie de Rožnava

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Rožnava
Samedi 13 septembre 2003



1. "Je vous exhorte, mes frères, à mener une vie digne de la vocation que vous avez reçue" (cf.
Ep 4,1). L'invitation pressante de l'Apôtre Paul à la communauté chrétienne d'Ephèse revêt une signification particulière pour nous tous ici réunis. A chaque fidèle, dans la diversité des vocations et des charismes, est confiée la tâche d'être un disciple et un apôtre: un disciple, à l'écoute humble et docile de la parole qui sauve; un apôtre, à travers le témoignage passionné d'une vie modelée par l'Evangile.

Un proverbe slovaque dit: "Les paroles admonestent, les exemples entraînent". Oui, chers frères et soeurs, grande est la contribution que vous pourrez vous aussi apporter, par le "style" de votre vie chrétienne, à l'évangélisation du monde contemporain et à la construction d'une société plus juste et fraternelle. C'est pourquoi je vous dit avec l'Apôtre Paul: "Considérez votre appel" (1Co 1,26).

2. Je vous salue tous avec affection au nom du Seigneur, fils et filles de cette Eglise locale, à commencer par votre Evêque, Mgr Eduard Kojnok, que je remercie des paroles cordiales qu'il m'a adressées, ainsi que son coadjuteur, Mgr Vladimír Filo. Je donne une bénédiction aux Evêques présents et aux pèlerins venus des autres diocèses. Je salue les Autorités civiles et militaires, en particulier le Président de la République slovaque et le Président du Parlement. Je remercie chacun de l'accueil et de l'engagement dont il a fait preuve pour la préparation de ma visite.

En langue hongroise:

Je désire adresser une pensée particulière à la communauté de langue hongroise, si nombreuse dans cette région et partie intégrante de ce diocèse. Très chers frères et soeurs, fiers de vos traditions et fidèles à l'enseignement de vos pères, conservez la foi solide et l'espérance vivante, en tirant votre force de de l'attachement au Christ et à son Eglise. Votre présence est un enrichissement constant pour la terre slovaque et je sais que les pasteurs de cette Eglise locale ont soin d'aller à la rencontre de vos aspirations spirituelles, en préservant toujours l'unité ecclésiale, facteur de croissance humaine et spirituelle pour toute la société slovaque.

Le Pape reprenait en langue slovaque:

3. Très chers frères et soeurs, en venant de Bratislava et de Kosice, j'ai pu admirer les vastes étendues cultivées, témoins de votre travail et de vos efforts.J'ai pensé avec une sympathie pleine de reconnaissance à ceux qui sont engagés dans le domaine de l'agriculture et qui, à travers leur dévouement, apportent une contribution indispensable à la vie de la nation. Je les salue avec affection. Dans la parabole évangélique que nous venons d'entendre proclamer, Jésus lui-même s'est comparé au semeur, qui répand avec confiance les semences de sa parole dans le terrain des coeurs humains.

Le fruit ne dépend pas uniquement de la semence, mais également des diverses conditions du terrain, c'est-à-dire de chacun de nous. Ecoutons les explications que Jésus lui-même a données de la parabole. La semence dévorée par les oiseaux rappelle l'intervention du malin, qui apporte dans le coeur l'incompréhension de la voie de Dieu (cf. Mc Mc 8,33), qui est toujours la voie de la Croix.

La semence sans racine décrit la situation dans laquelle la Parole est acceptée de façon seulement extérieure, sans la profondeur d'adhésion au Christ et l'amour personnel pour Lui (cf. Col Col 2,7), qui seuls permettent de la conserver.

La semence étouffée renvoie aux préoccupations de la vie actuelle, à l'attraction exercée par le pouvoir, au bien-être, à l'orgueil.

4. La Parole ne porte pas automatiquement du fruit: tout en étant divine - et donc toute-puissante -, elle s'adapte aux conditions du terrain, ou mieux, elle accepte les réponses que le terrain donne, et qui peuvent également être négatives. Mystère de la condescendance de Dieu, qui va jusqu'à se remettre entièrement entre les mains des hommes! Car, au fond, la semence déposée dans les divers terrains est Jésus lui-même (cf. Jn 12,24).

La lecture de cette parabole et de l'explication donnée par Jésus à ses disciples suscite en nous une réflexion nécessaire. Chers frères et soeurs, nous sommes le terrain dans lequel le Seigneur dépose inlassablement la semence de sa Parole et de son amour. Avec quelles dispositions l'accueillons-nous? Combien savons-nous le faire fructifier?

5. Saint Jean Chrysostome, dont nous fêtons la mémoire liturgique, écrit: "J'ai avec moi sa Parole: celle-ci est mon bâton, ma sécurité... Elle est ma force et ma défense" (cf. Homélie avant l'exil, nn. 1-3: ).

Le Pape vous confie aujourd'hui à tous le trésor de cette Parole, en devenant à son tour le semeur confiant qui dépose dans le secret du coeur de chacun la "bonne nouvelle" du Royaume. Soyez le terrain fertile et bon qui, grâce à l'abondance de ses fruits, réconforte les attentes de l'Eglise et du monde.

"Les efforts des hommes sont inutiles s'ils ne sont pas bénis par Dieu", dit encore avec sagesse un autre de vos proverbes. J'invoque donc sur vous et sur votre engagement de vie chrétienne d'abondantes Bénédictions du Très Haut.

Soyez fidèles à Dieu, observez ses commandements. Défendez la vie et soyez fidèles à l'Eglise et à votre patrie, la Slovaquie.

Amen!



14 septembre 2003: Messe et béatification des martyrs Basile Hopko et Zdenka Schelingová sur la Place Petržalka à Bratislava

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Bratislava, Place Petržalka
Dimanche 14 septembre 2003



1. O Crux, ave spes unica! Salut, ô Croix, notre unique espérance!

Chers frères et soeurs, au cours de la célébration de cette liturgie du dimanche, nous sommes invités à regarder la Croix. Elle est le "lieu privilégié" dans lequel l'amour de Dieu se révèle et se manifeste à nous. L'Evêque Vasil' Hopko et Soeur Zdenka Schelingová, que j'ai eu aujourd'hui la joie d'inscrire dans l'album des Bienheureux, se sont tournés avec une foi inébranlable vers la Croix.

Sur la Croix se rencontrent la misère de l'homme et la miséricorde de Dieu. Adorer cette miséricorde infinie est pour l'homme la voie unique pour s'ouvrir au mystère que la Croix révèle.

La Croix est plantée en terre et semblerait plonger ses racines dans la malice humaine, mais elle est projetée vers le haut, comme un index pointé vers le ciel, un index qui indique la bonté de Dieu. Au moyen de la Croix du Christ le malin est défait, la mort est vaincue, la vie nous est transmise, l'espérance restituée, la lumière communiquée. O Crux, ave spes unica!

2. Au nom du Seigneur crucifié et ressuscité, je vous salue avec affection, vous tous ici réunis sur la Place Petrzalka: je te salue, cher frère Ján Sokol, Pasteur de cette Eglise de Bratislava-Trnava qui m'accueille aujourd'hui dans la joie, ainsi que tes auxiliaires et tous les Evêques de Slovaquie, en particulier le vénéré Cardinal Ján Chryzostom Korec. Je m'unis avec joie à l'action de grâce commune pour le dixième anniversaire de la constitution de votre Conférence épiscopale.

Je salue Messieurs les Cardinaux et les Evêques venus des pays voisins, avec les nombreux groupes de fidèles. Votre présence fraternelle manifeste de façon éloquente le lien de communion qui unit les diverses Eglises locales.

Je salue Monsieur le Président de la République et les autres Autorités civiles et militaires. Je remercie chacun d'avoir collaboré généreusement à la préparation de chaque aspect de mon voyage apostolique.

Enfin, avec des sentiments intenses, je te salue, bien-aimé peuple slovaque, ici présent, ou qui m'écoutes à travers la radio et la télévision. Je rends grâce à Dieu car tu as su conserver, notamment dans les moments difficiles, ta fidélité au Christ et à son Eglise. Et je t'exhorte: ne rougis jamais de l'Evangile! (cf.
Rm 1,16)! Conserve-le dans ton coeur comme le trésor le plus précieux auquel puiser la lumière et la force dans le pèlerinage quotidien de la vie.

3. "Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le fils de l'homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle" (Jn 3,14-15), dit Jésus. Que voyons-nous donc lorsque nous tournons le regard vers la Croix où Jésus est cloué (cf. Jn 19,37)? Nous contemplons le signe de l'amour infini de Dieu pour l'humanité.

O Crux, ave spes unica! Saint Paul en parle dans l'Epître aux Philippiens que nous venons d'écouter. Non seulement le Christ Jésus s'est fait homme, semblable en tout aux hommes, mais il a assumé la condition de serviteur, et s'est humilié ultérieurement en se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix (cf. Ph Ph 2,6-8).

Oui, "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3,16)! Nous admirons - émerveillés et reconnaissants - la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l'amour du Christ qui dépasse toute connaissance (cf. Ep 3,18-19)!

O Crux, ave spes unica!

4. C'est certainement la méditation de ce grand et admirable mystère qui a soutenu le bienheureux Evêque Vasil' Hopko et la bienheureuse Soeur Zdenka Schelingová, dans le choix de la vie consacrée et, en particulier, dans les souffrances endurées au cours de son terrible emprisonnement.
Tous deux resplendissent devant nous comme des exemples lumineux de fidélité dans les moments de persécution religieuse dure et sans pitié: Monseigneur Vasil' n'a jamais renié son attachement à l'Eglise catholique et au Pape; Soeur Zdenka n'a pas hésité à mettre en danger sa vie elle-même pour aider les ministres de Dieu.

Tous deux ont affronté un procès injuste et une condamnation inique, la torture, l'humiliation, la solitude, la mort. Ainsi, la Croix est devenue pour eux le chemin qui les a conduits à la vie, source de force et d'espérance, preuve d'amour pour Dieu et pour l'homme.

Crux, ave spes unica!

5. Dans le jardin de l'Eden, au pied de l'arbre, il y avait une femme Eve (cf. Gn 3). Séduite par le malin, elle s'approprie de ce qu'elle croit être la vie divine. Il s'agit au contraire d'un germe de mort qui s'insinue en elle (cf. Jc Jc 1,15 Rm 6,23).

Sur le Calvaire, au pied de l'arbre de la croix, il y avait une autre femme, Marie (cf. Jn 19,25-27). Docile au projet de Dieu, elle participe intimement à l'offre que le Fils fait de lui pour la vie du monde et, en recevant de Jésus l'apôtre Jean qui lui est confié, elle devient la Mère de tous les hommes.

C'est la Vierge des Douleurs que nous rappellerons demain dans la liturgie et que vous vénérez avec une tendre dévotion comme votre Patronne. Je lui confie le présent et l'avenir de l'Eglise et de la nation slovaque, afin qu'ils croissent sous la Croix du Christ et qu'ils sachent toujours en découvrir et en accueillir le message d'amour et de salut.

A travers le mystère de ta Croix et de ta résurrection, sauve-nous, ô Seigneur!

Amen.



27 septembre 2003, Messe en mémoire des Papes défunts Paul VI et Jean Paul Ier

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Basilique Vaticane
27 septembre 2003



1. "Car le Christ est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants" (
Rm 14,9).

Les paroles de l'Apôtre Paul, tirées de la Lettre aux Romains, rappellent le mystère central de notre foi: le Christ, mort et ressuscité, est la raison ultime de toute l'existence humaine.

Chaque dimanche, Jour du Seigneur, le peuple chrétien revit de façon particulière ce mystère de salut. Il l'approfondit toujours davantage. Epouse du Christ, l'Eglise proclame, avec joie et une espérance certaine, sa victoire sur le péché et sur la mort; elle avance dans les siècles en attendant son retour glorieux. Au coeur de chaque Messe, retentit l'exclamation: "Nous annonçons ta mort, Seigneur, nous proclamons ta résurrection dans l'attente de ta venue".

2. Nous célébrons aujourd'hui ce grand Mystère de la foi en mémoire particulière de mes vénérés prédécesseurs, le Pape Paul VI et le Pape Jean-Paul I. Ils ont tous les deux quitté ce monde il y a vingt-cinq ans, respectivement le 6 août et le 28 septembre 1978.

Ces derniers mois, à plusieurs reprises j'ai eu l'occasion de rappeler le Serviteur de Dieu Paul VI, qui, il y a quarante ans, recueillit du Bienheureux Jean XXIII l'héritage du Concile Vatican II. Avec sagesse et fermeté, il le mena à bien, en guidant le peuple chrétien au cours de la période complexe et difficile de l'après Concile.

J'ai parlé de Jean-Paul I le 26 août dernier, à l'occasion de l'anniversaire de son élection sur le Siège de Pierre.

Nous les rassemblons à présent dans la prière, alors que nous aimons imaginer qu'ils sont désormais entrés dans le "temps de Dieu"; en ce "huitième jour" que le "Seigneur a fait" (cf. Ps Ps 117,24), objectif et accomplissement de notre vie terrestre.

3. "Les préceptes du Seigneur donnent la joie". Ainsi avons-nous répété, il y a quelques instants, dans le Psaume responsorial. La fréquente invitation à la joie chrétienne de la part de Paul VI revient à l'esprit; une invitation qui, malgré de nombreuses difficultés, naissait de la conscience d'adhérer constamment à la volonté divine.

Je pense au sourire rassérénant du Pape Luciani, qui en un bref mois seulement conquit le monde. Ce sourire était le fruit d'un abandon docile entre les mains de la Providence céleste. Chez ces deux Souverains Pontifes se reflète la joie pacifiante de l'Eglise. Même lorsqu'elle est éprouvée par tant de souffrances, elle n'a pas peur; elle ne se referme pas sur elle-même, mais elle a confiance dans le Seigneur. Elle sait qu'elle est guidée par l'Esprit Saint, et c'est pourquoi elle se réjouit des signes de la miséricorde de Dieu; elle admire les merveilles que le Tout-Puissant accomplit chez les petits, les pauvres et chez ceux qui le craignent.

4. "Qui n'est pas contre nous est pour nous" (Mc 9,40). Voilà ce que dit Jésus dans le passage évangélique de ce dimanche, en faisant écho à la première Lecture, qui présente Moïse dans une attitude de profonde liberté intérieure, motivée par la confiance en Dieu (cf. Nb Nb 11,29).

Nous pouvons retrouver cette même attitude chez Paul VI et Jean-Paul I, qui ne cédèrent pas aux opinions du moment et aux visions liées à des intérêts contingents. Solidement ancrés dans la Vérité, ils n'hésitèrent pas à dialoguer avec tous les hommes de bonne volonté. Ils étaient intérieurement libres, car conscients que l'Esprit Saint "souffle là où il veut" (cf. Jn 3,8), en guidant de différentes façons le chemin de l'histoire du salut.

Au lendemain de son élection, en s'adressant aux journalistes, le Pape Luciani dit: "Vous devrez souvent présenter l'Eglise, parler de l'Eglise, vous devrez parfois commenter notre humble ministère; nous sommes certains que vous le ferez avec l'amour de la vérité...". Et il ajoutait avec une extrême finesse: "Nous vous demandons de vouloir contribuer vous aussi à sauvegarder dans la société d'aujourd'hui la profonde considération pour les choses de Dieu et pour le rapport mystérieux entre Dieu et chacun de nous, qui constitue la dimension sacrée de la réalité humaine" (Insegnamenti, p. 37).

5. "En effet, nul d'entre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même... dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur" (Rm 14,7-8). Saint Paul rappelle que la puissance du Christ est une source de liberté suprême; liberté à l'égard de son propre jugement et de celui des autres, car l'unique juge est le Seigneur, au tribunal duquel nous nous présenterons tous! (cf. Rm 14,10). Quelle grâce de pouvoir compter sur un tel juge! L'Apôtre remarque encore: Il "est mort, que dis-je? ressuscité, [et] est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous" (Rm 8,34). Quelle douce paix communique à notre coeur la certitude qu'Il est notre Rédempteur!

Mes vénérés prédécesseurs, illuminés par cette vérité, ont placé leur existence au service de l'Evangile.

Nous continuons à prier pour eux, soutenus par l'espérance qu'un jour nous pourrons nous aussi rencontrer le Juge miséricordieux dans la gloire du Paradis. Avec Marie, Mère miséricordieuse de l'Eglise et de l'humanité.

Ainsi soit-il!



5 octobre 2003, Messe et canonisation des Bienheureux: Daniel Comboni, Arnold Janssen et Josef Freinademetz

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Dimanche 5 octobre 2003



1. "Proclamez l'Evangile à toute la création" (
Mc 16,15). C'est avec ces paroles que le Ressuscité, avant l'Ascension, confia le mandat missionnaire universel aux Apôtres. Immédiatement après, il les assura que dans cette mission exigeante ils auraient pu compter sur son assistance constante (cf. Mc Mc 16,20).

Ces mêmes paroles ont retenti, de façon éloquente, au cours de la célébration d'aujourd'hui. Elles constituent le message que nous renouvellent ces trois nouveaux saints: Daniel Comboni, Évêque, Fondateur de la Congrégation des Missionnaires comboniens du Coeur de Jésus et des Soeurs missionnaires comboniennes Mères pies de la Négritude; Arnold Janssen, prêtre, Fondateur de la Société du Verbe divin, de la Congrégation des Soeurs missionnaires servantes de l'Esprit et de la Congrégation des Soeurs servantes de l'Esprit Saint de l'Adoration perpétuelle; Josef Freinademetz, prêtre, de la Société du Verbe divin.

Leur existence met en évidence que l'annonce de l'Evangile "constitue le premier service que l'Eglise peut rendre à chaque homme et à l'humanité tout entière" (Redemptoris missio RMi 2). L'évangélisation, nous enseignent ces nouveaux saints, outre des interventions de promotion humaine, parfois même risquées, comme en témoigne l'expérience de tant de missionnaires, comporte toujours une annonce explicite du Christ. Voilà l'exemple et l'héritage précieux que les trois saints, élevés aujourd'hui aux honneurs des autels, laissent en particulier à leurs familles religieuses. La première tâche des Instituts missionnaires est la mission "ad gentes", qui ne doit passer après aucun autre engagement, même nécessaire, à caractère social et humanitaire.

2. "Tous les peuples verront la gloire du Seigneur". Le Psaume responsorial, que nous venons de chanter, souligne l'urgence de la mission "ad gentes", également à notre époque. Il y a besoin d'évangélisateurs ayant l'enthousiasme et la passion apostolique de l'Evêque Daniel Comboni, apôtre du Christ parmi les Africains. Il utilisa les ressources de sa riche personnalité et de sa solide spiritualité pour faire connaître et accueillir le Christ en Afrique, un continent qu'il aimait profondément.

Comment ne pas tourner le regard avec affection et inquiétude, aujourd'hui aussi, vers ces chères populations? Terre riche de ressources humaines et spirituelles, l'Afrique continue à être marquée par de nombreuses difficultés et problèmes. Puisse la Communauté internationale l'aider activement à construire un avenir d'espérance. Je confie mon appel à l'intercession de saint Daniel Comboni, éminent évangélisateur et protecteur du Continent noir.

3. "Les nations marcheront à ta lumière" (Is 60,3). L'image prophétique de la nouvelle Jérusalem, qui diffuse la lumière divine sur tous les peuples, illustre bien la vie et l'inlassable apostolat de saint Arnold Janssen. Son activité sacerdotale fut pleine de zèle pour diffuser la Parole de Dieu, en utilisant les nouveaux moyens de communication de masse, en particulier la presse.

Il ne perdit pas courage face aux obstacles. Il aimait répéter: "L'annonce de la Bonne Nouvelle est la première et principale expression de l'amour du prochain". A présent, du ciel, il aide sa Famille religieuse à poursuivre fidèlement dans le sillon qu'il a tracé, qui témoigne de la valeur permanente de la mission évangélisatrice de l'Eglise.

4. "Ils s'en allèrent prêcher en tout lieu" (Mc 16,20). C'est ainsi que l'évangéliste Marc conclut son Evangile. Il ajoute ensuite que le Seigneur ne cesse d'accompagner l'activité des Apôtres par la puissance de ses prodiges. A ces paroles de Jésus, font écho celles pleines de foi de saint Josef Freinademetz: "Je ne considère pas la vie missionnaire comme un sacrifice que j'offre à Dieu, mais comme la plus grande grâce que Dieu pouvait me donner". Avec la ténacité caractéristique des gens de la montagne, ce généreux "témoin de l'amour" fit don de sa personne aux populations chinoises du Shandong méridional. Il embrassa, par amour et avec amour, leurs conditions de vie, selon le conseil que lui-même donnait à ses missionnaires: "Le travail missionnaire est vain si l'on n'aime pas et que l'on n'est pas aimé". Modèle exemplaire d'inculturation évangélique, ce saint imita Jésus, qui a sauvé les hommes en partageant jusqu'au bout leur existence.

5. "Allez dans le monde entier". Les trois saints, que nous honorons avec joie aujourd'hui, rappellent la vocation missionnaire de chaque baptisé. Chaque chrétien est envoyé en mission mais pour être d'authentiques témoins du Christ, il faut constamment tendre à la sainteté (cf. Redemptoris missio RMi 90).

Très chers frères et soeurs, accueillons cette invitation qui nous vient de la suggestive célébration d'aujourd'hui. Que la Reine des Saints, Etoile de la nouvelle évangélisation, nous illumine du ciel. Nous nous adressons à Elle avec confiance, en particulier au cours de ce mois d'octobre, consacré au Rosaire et aux missions. Très Sainte Vierge Marie, Reine des Missions, prie pour nous!




Homélies St Jean-Paul II 29603