1965 Mysterium Fidei 55


Sur le culte d'adoration dû au sacrement de l'Eucharistie

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L'Eglise Catholique fait profession de rendre ce culte d'adoration au Sacrement de l'Eucharistie non seulement durant la Messe mais aussi en dehors de sa célébration; elle conserve avec le plus grand soin les hosties consacrées et les présente aux fidèles pour qu'ils les vénèrent avec solennité.

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Cette vénération est attestée par de nombreux documents très anciens de l'Eglise. En effet les Pasteurs de l'Eglise exhortaient toujours les fidèles à garder avec un soin extrême l'Eucharistie qu'ils emportaient chez eux. " C'est en vérité le Corps du Christ que les fidèles ont à manger ", remarquait saint Hippolyte. (Trad. Apost.)

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On sait que les fidèles se jugeaient coupables, et avec raison, comme le dit Origène, si, devenus dépositaires du corps du Seigneur, et tout en l'entourant de précautions et d'un respect extrêmes, ils en laissaient par mégarde tomber une parcelle.(In Exod. Fragm. ; PG 12,391)

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La sévérité avec laquelle les Pasteurs réprouvaient les manques de respect, Novatien en apporte le témoignage non suspect: il tient pour condamnable celui qui "sortant de la célébration dominicale et ayant l'Eucharistie sur lui, selon l'usage... n'a pas emporté immédiatement dans sa maison le Corps sacré du Seigneur " mais s'est empressé d'aller au spectacle. (De spectaculis, CSEL III p.8)

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Saint Cyrille d'Alexandrie va jusqu'à rejeter comme une absurdité l'opinion de ceux qui prétendaient que l'Eucharistie ne contribue plus aucunement à nous sanctifier s'il s'agit d'un reste d'hostie datant de la veille : "Le Christ n'est pas sujet à altération, dit-il, et son Corps sacré ne change pas, mais en lui subsistent toujours la force, la puissance, la grâce qui vivifie". (Epist. Ad Calosyrium ; PG 76,1075)

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On ne peut oublier non plus que dans l'antiquité les fidèles, soit qu'ils fussent exposés à la violence des persécutions, soit que par amour de la vie monastique ils vécussent dans la solitude, avaient coutume de se nourrir de l'Eucharistie même quotidiennement, prenant la Sainte Communion de leurs propres mains, si le prêtre ou le diacre faisait défaut. (St Basile Ep 93 ; PG 32,483-486)

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Ceci soit dit non pour qu'on modifie la manière de garder l'Eucharistie et de recevoir la Sainte Communion, telle qu'elle est établie suivant les lois de l'Eglise en vigueur aujourd'hui, mais pour nous féliciter de voir la foi de l'Eglise rester toujours la même.

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De cette foi unique est née également la Fête-Dieu; elle fut célébrée la première fois au diocèse de Liège, spécialement sous l'influence de la Servante de Dieu, la Bienheureuse julienne de Mont Cornillon, et Notre Prédécesseur Urbain IV l'étendit à l'Eglise universelle. De cette foi tirent leur origine beaucoup d'autres institutions de piété eucharistique qui, sous l'inspiration de la grâce divine, sont toujours allées se multipliant et par lesquelles l'Eglise Catholique s'efforce, comme à l'envi, soit de rendre hommage au Christ soit de le remercier pour un don si grand, soit d'implorer sa miséricorde.




Exhortation à promouvoir le culte eucharistique

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Aussi, Vénérables Frères, cette foi qui ne tend qu'à rester fidèle à la parole du Christ et des Apôtres, bannissant toute opinion erronée et nuisible, Nous vous prions de la garder pure et intacte dans le peuple confié à vos soins et à votre vigilance. Veuillez promouvoir, sans épargner paroles et efforts, le culte eucharistique, vers lequel en définitive doivent converger toutes les autres formes de piété.

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Que sous votre impulsion les fidèles connaissent toujours davantage ce que dit saint Augustin et en fassent l'expérience "Qui veut vivre, il a où vivre et de quoi vivre; qu'il approche, qu'il croie, qu'il s'incorpore, afin d'être vivifié. Qu'il ne renonce jamais à l'union des membres entre eux, qu'il ne soit pas non plus un membre corrompu, digne d'être retranché, ni un membre difforme qui fasse honte; qu'il soit un membre beau, habile, sain; qu'il adhère au corps, qu'il vive de Dieu et pour Dieu; qu'il travaille maintenant sur terre afin de pouvoir ensuite régner dans le ciel ". (In Io. Tract. 26, 13 ; PL 35,1613)

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Que chaque jour, comme c'est à souhaiter, les fidèles en grand nombre prennent une part active au Sacrifice de la Messe, se nourrissant de la Sainte Communion avec un coeur pur et saint, et qu'ils rendent grâces au Christ Notre Seigneur pour un si grand bienfait. Qu'ils se rappellent ces paroles: "Le désir de Jésus-Christ et de l'Eglise de voir tous les fidèles s'approcher tous les jours de la Sainte Table a surtout cet objet: que tous les fidèles, unis à Dieu par l'effet du Sacrement, y puisent la force pour surmonter les passions, pour se purifier des fautes légères quotidiennes et pour éviter les péchés graves, auxquels est sujette la faiblesse humaine ".
DS 3368 Qu'au cours de la journée les fidèles ne négligent point de rendre visite au Saint Sacrement, qui doit être conservé en un endroit très digne des églises, avec le plus d'honneur possible, selon les lois liturgiques. Car la visite est une marque de gratitude, un geste d'amour et un devoir de reconnaissance envers le Christ Notre-Seigneur présent en ce lieu.

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Chacun comprend que la divine Eucharistie confère au peuple chrétien une dignité incomparable. Car non seulement durant l'oblation du Sacrifice et quand se fait le Sacrement, mais encore après, tant que l'Eucharistie est gardée dans les églises et oratoires, le Christ est vraiment l'Emmanuel, le " Dieu avec nous ". Car jour et nuit, il est au milieu de nous et habite avec nous, plein de grâce et de vérité ;
Jn 1,14 il restaure les moeurs, nourrit les vertus, console les affligés, fortifie les faibles et invite instamment à l'imiter tous ceux qui s'approchent de lui, afin qu'à son exemple ils apprennent la douceur et l'humilité de coeur, qu'ils sachent chercher non leurs propres intérêts mais ceux de Dieu. Ainsi quiconque aborde le vénérable Sacrement avec une dévotion particulière et tâche d'aimer d'un coeur généreux le Christ qui nous aime infiniment, éprouve et comprend à fond, non sans joie intime ni sans fruit, le prix de la vie cachée avec le Christ en Dieu Col 3,3 il sait d'expérience combien cela en vaut la peine de s'entretenir avec le Christ; rien de plus doux sur la terre, rien de plus apte à faire avancer dans les voies de la sainteté.

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Vous le savez bien aussi, Vénérables Frères, l'Eucharistie est gardée dans les églises et les oratoires comme centre spirituel de la communauté religieuse et paroissiale, et encore de l'Eglise universelle et de l'humanité entière, parce que sous le voile des saintes espèces elle contient le Christ, Chef invisible de l'Eglise, Rédempteur du monde, centre de tous les coeurs, " par qui tout existe et nous-mêmes par lui "
1Co 8,6

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Par suite le culte eucharistique porte avec force les âmes à développer l'amour "de société", (St Augustin De gen. Ad litt. XI, 15,20 ; PL 34,437) en vertu duquel nous préférons le bien commun au bien particulier, faisons nôtre la cause de la communauté, de la paroisse, de l'Eglise universelle, et étendons la charité au monde entier, sachant que partout il v a des membres du Christ.

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Puisque, Vénérables Frères, le Sacrement de l'Eucharistie est signe et cause de l'unité du Corps - Mystique, et qu'en ceux qui lui vouent une vénération plus fervente il suscite un esprit ecclésial plus actif, ne cessez de persuader vos fidèles de faire leur, quand ils s'approchent de ce mystère, la cause de l'Eglise, de prier Dieu sans cesse et de s'offrir eux-mêmes à Dieu en sacrifice agréable pour la paix et l'unité de l'Eglise. Cela afin que tous les fils de l'Eglise soient un et qu'ils aient les mêmes dispositions; qu'il n'y ait point de divisions entre eux mais qu'ils soient parfaitement unis dans un même esprit et un même sentiment, comme le veut l'Apôtre ;
1Co 1,10 et que tous ceux qui ne se trouvent point encore attachés en pleine communion à l'Eglise Catholique mais séparés d'elle jusqu'à un certain point tout en portant avec fierté le nom de chrétiens, arrivent le plus tôt possible, avec l'aide de la grâce divine, à jouir avec nous de cette unité de foi et de communion que le Christ voulut comme caractère distinctif de ses disciples.

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Ce désir de prier et de se consacrer à Dieu pour l'unité de l'Eglise, il intéresse surtout par convenance particulière les religieux et religieuses, puisqu'ils sont à titre spécial voués à l'adoration du Très Saint Sacrement, rassemblés autour de lui en vertu des engagements de leurs voeux.

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Mais ce souhait de l'unité de tous les chrétiens, le plus sacré et le plus ardent au coeur de l'Eglise, Nous voulons pour l'exprimer reprendre une fois de plus les paroles mêmes du concile de Trente, dans la conclusion de son décret sur la Sainte Eucharistie : "Pour finir, en son affection paternelle, le saint Concile avertit, prie et conjure par les entrailles de la miséricorde de Dieu,
Lc 1,78 ceux qui portent le nom de chrétiens, tous et chacun, de se retrouver et de ne faire enfin une bonne fois qu'un seul coeur dans ce signe de l'unité, dans ce lien de la charité, dans ce symbole de la concorde; que, se souvenant de la majesté si grande et de l'amour si admirable de notre Seigneur Jésus-Christ, qui a donné sa vie très chère pour prix de notre salut et qui nous a donné sa chair à manger Jn 6,48 ils croient et vénèrent les saints mystères de son corps et de son sang avec une foi constante et ferme, avec une ferveur de coeur, avec une piété et un respect qui leur permettent de recevoir fréquemment ce pain supersubstantiel. Mt 6,11 Qu'il soit vraiment la vie de leur âme et la santé perpétuelle de leur esprit, que, fortifiés par son énergie 1R 19,8 ils parviennent du cheminement de ce pèlerinage de misère à la patrie céleste, pour manger sans aucun voile le pain des Anges Ps 78,25 qu'ils mangent maintenant sous les voiles sacrés ". DS 1649

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Oh! que le Rédempteur si bon, qui à l'approche de sa mort demanda au Père que tous ceux qui croiraient en Lui ne fassent qu'un, comme Lui et le Père sont un,
Jn 17,20-21 daigne exaucer au plus tôt ce voeu qui est le Nôtre et celui de toute l'Eglise : que tous, d'une seule voix et d'une même foi, nous célébrions le mystère de l'Eucharistie et que, rendus participants du corps du Christ, nous ne formions qu'un seul corps 1Co 10,17 unifié par les mêmes liens par lesquels Lui- même voulut que son unité soit assurée.

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Et Nous Nous adressons avec une charité paternelle à ceux-là aussi qui appartiennent aux vénérables Eglises d'Orient, au sein desquelles brillèrent tant de Pères illustres, dont Nous avons pris plaisir à rappeler en cette lettre les témoignages touchant l'Eucharistie. Nous Nous sentons pleins de joie à voir votre foi envers l'Eucharistie - elle co´ncide avec la nôtre -, à entendre les prières liturgiques par lesquelles vous célébrez un si grand mystère, à admirer votre culte eucharistique et à lire vos théologiens qui exposent et défendent la doctrine concernant ce Sacrement si vénérable.

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Que la Bienheureuse Vierge Marie, de laquelle le Christ Notre- Seigneur a voulu recevoir cette chair qui est renfermée dans le Sacrement sous les apparences du pain et du vin, qui est offerte et mangée,
CIS 801 et tous les Saints et Saintes de Dieu, ceux-là spécialement qui eurent une dévotion plus ardente envers la divine Eucharistie, intercèdent près du Père des miséricordes, afin que la foi commune et le culte eucharistique alimentent et renforcent l'unité de communion entre tous les chrétiens. Notre âme est pénétrée des paroles du saint martyr Ignace, qui met en garde les fidèles de Philadelphie contre les dommages des déviations et des schismes et préconise comme remède l'Eucharistie : "Tâchez donc, dit-il, de pratiquer une seule Eucharistie; car une est la chair de Notre-Seigneur Jésus-Christ; il y a un seul calice dans l'unité de son sang, un seul autel, un seul évêque ... ".(Epist. Ad Philad. 4 ; PG 5,700) Forts de l'heureux espoir que le progrès du culte eucharistique apportera de nombreux bienfaits à l'Eglise et au monde entier, Nous vous accordons avec beaucoup d'affection la Bénédiction Apostolique, en gage des grâces du Ciel, à vous, Vénérables Frères, aux prêtres, aux religieux, à tous ceux qui vous prêtent leur concours, et à tous les fidèles confiés à vos soins.


Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la fête de saint Pie X, le 3 septembre 1965, en la troisième année de Notre Pontificat.

PAUL VI, Pape.

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