A la Rote 1939-2009 7400

1974 Le juge et sa fonction sacrée

31/1/1974

MONSEIGNEUR LE DOYEN,
Encore une fois, nous avons la plaisir de vous recevoir officiellement, à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle année judiciaire - qui en fait est déjà ouverte depuis quelque temps - de notre tribunal de la Rote, en même temps que l'éminent collège des prélats auditeurs qui le composent et des officiers qui y collaborent, entourés du corps illustre des avocats et des procureurs qui exercent leurs fonctions auprès de lui. A la satisfaction que cette rencontre nous procure s'ajoute celle que nous apportée les nobles et belles paroles par lesquelles vous avez voulu, Monseigneur, nous présenter ce tribunal, en soulignant, plutôt que son activité et les questions graves, complexes et pressantes qui, aujourd'hui, intéressent l'activité judiciaire canonique, l'esprit dans lequel s'exerce ce ministère car c'est bien d'un ministère qu'il s'agit, - avec le souci de la perfection, la conscience des difficultés, l'attente de la révision de la législation qui est annoncée, ce qui rend l'administration de la justice provisoirement plus ardue et plus méritoire.
C'est cet esprit qui, aujourd'hui, retiendra notre attention, ou plutôt nos éloges et nos encouragements, voulant, d'une part, vous dire combien nous est agréable l'expression de ces sentiments et de ces résolutions, et, d'autre part, exalter la personne de celui qui consacre sa vie à la magistrature, plus encore que de considérer les problèmes objectifs de sa profession.

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Le caractère sacré de la fonction de juge.

Qu'il nous suffise en cette occasion de faire ces considérations préalables sur la personne du juge, dans l'intention de rendre hommage au caractère sacré de celui qui en possède l'autorité et en exerce, plus encore que la fonction, la mission, car nous ne pouvons pas, à propos de l'exercice de votre activité, ne pas faire référence à son caractère religieux. Toutes ces choses, vous les connaissez et votre conscience en est profondément et intiment pénétrée. Mais il n'est jamais inutile d'en reparler alors que, d'une part, l'origine et la nature de ce caractère sacré touchent les frontières du divin et donc du transcendant et du mystérieux, et que, d'autre part, la mentalité d'aujourd'hui tend à réduire le domaine du droit à des dimensions purement rationalistes, et l'exercice de l'autorité judiciaire à des tâches purement professionnelles et à une activité profane comme les autres
Votre mission est sacrée, et c'est pourquoi nous vous la confions en vertu de notre autorité apostolique. C'est de l'investiture donnée en vertu de notre autorité sacerdotale et pontificale que découle vote fonction de juges, c'est-à- dire de maîtres, de gardiens, d'interprètes, d'agents de la loi divine et humaine qui gouverne l'Eglise, c'est-à-dire le Peuple de Dieu. L'autorité et la dignité du juge ecclésiastique sont si grandes que, ainsi que chacun se le rappelle, dès les débuts de la législation constitutionnelle de l'Eglise, Saint Paul rappelle solennellement l'existence et l'action du " saint ", c'est-à-dire du membre de la communauté chrétienne appelé à participer à l'autorité même du Christ et de l'apôtre 1Co 5,4 pour juger un membre indigne de la communauté chrétienne, et même pour un jour s'élever jusqu'à juger avec le Christ, auquel le Père a confié tout jugement Jn 5,22 Jn 5,27, même sur les anges 1Co 6,3. Le juge ecclésiastique doit avoir conscience de cette très haute dignité qui l'associe au pouvoir du Christ, juge suprême. Il doit la méditer, s'en pénétrer toujours de nouveau, ainsi que tout ministre " intendant des mystères de Dieu " 1Co 4,1 2Co 6,4 est exhorté à le faire pour alimenter sa spiritualité sacerdotale. Et cela non pas par vaine ambition, mais par respect pour le caractère divin du pouvoir qui lui est confié, en faisant humblement retour sur lui-même pour trouver la force d'être à la hauteur de la redoutable grandeur de sa mission surhumaine.
D'ailleurs, au cours de l'histoire de la civilisation, le sens sacré de la fonction de juge était toujours présent chez ceux qui exerçaient cette fonction ou chez ceux qui en ont parlé avec sagesse. Ainsi, dans cette citation bien connue d'ULPIEN, rappelée par notre vénéré prédécesseur le Pape Pie XII dans un mémorable discours sur la profession du juge, à propos de la jurisprudence, laquelle a d'importantes incidences religieuses pour ceux qui la pratiquent: " la connaissance des choses divines et humaines, la science du juste et de l'injuste" (Discorsi, XI, 261). Et pour corroborer ce sens religieux qui doit imprégner la conscience du magistrat, nous pouvons faire appel au témoignage d'un illustre juriste civil italien, qui est mort il n'y a pas longtemps, Piero CALAMANDREI: " Je suis chaque jour davantage convaincu qu'entre le rite judiciaire et le rite religieux il y a des parentés historiques beaucoup plus étroites que ne l'indique l'emploi du même mot... .A l'origine, la sentence était un acte surhumain, le jugement de Dieu; la défense était une prière. " Et encore: " Il fut un temps où, venant des universités, affluaient vers la magistrature les juges les meilleurs, non pas parce qu'ils espéraient gagner beaucoup d'argent, mais à cause de la haute considération dont jouissait la magistrature dans l'opinion publique, et surtout de l'attrait qu'a toujours exercé sur certains esprits religieux l'austère intimité de cette fonction où le fait de juger les autres implique à tout instant le devoir d'examiner sa propre conscience. " (Elogio, p. 249, 251).

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Le relativisme d'aujourd'hui

Cette évocation d'écrits sur la fonction du juge devrait ici s'accompagner de l'apologie de l'intégrité morale extrême avec laquelle votre fonction doit être exercée dans tous ses actes et tous ses aspects. Mais nous sommes dispensé de le faire par l'estime que nous avons pour vos personnes et pour le tribunal de la S. Rote tout entier. Nos louanges et nos exhortations ne font qu'appuyer le témoignage que vous donnez, également sur cet aspect essentiel de votre activité qui suppose de nombreuses vertus professionnelles spécifiques et qui impose, intérieurement et extérieurement, un style de sévérité, de désintéressement, de forte et patiente magnanimité, auquel votre sensibilité chrétienne ajoute une humble mais rayonnante splendeur.
Vous vous efforcez toujours d'incarner l'idéal du juge catholique et nous nous réjouissons du prestige particulier - de la crédibilité, dirait-on aujourd'hui - qui en découle pour l'Eglise et la Curie romaine. Cette ligne de conduite spirituelle et morale qui caractérise vos personnes et votre tribunal ne résolvent pas, nous le savons bien, les problèmes anciens et nouveaux de votre noble mais délicate et complexe activité judiciaire. Elle les rend même souvent plus complexes et plus vifs. Tel est le cas aujourd'hui, par exemple, pour le problème psychologique des rapports entre la conscience et la loi, pour le problème sociologique des rapports entre la loi en vigueur et l'évolution de la société, ou pour le problème historique des rapports entre le droit établi, et le droit à établir.
Mais formés comme vous l'êtes à l'école de la loi, c'est- à- dire du devoir, de l'ordre en fonction des principes généraux du droit, du bien public et du dynamisme juridique dans le sens du bien commun, vous ne trouvez pas ces problèmes insolubles. D'une part, vous vous rappelez certaines valeurs absolues de l'obligation morale, comme la crainte de Dieu et l'amour évangélique, le respect de la vérité, la dignité de la vie et de la personne humaine, l'inviolabilité de la conscience bien formée, la paix entre les hommes, etc. Et d'autre part, vous avez présente à l'esprit l'excessive facilité avec laquelle l'homme d'aujourd'hui, qui revendique si fièrement sa liberté, se laisse tenter et parfois contaminer par un relativisme systématique qui le porte à choisir les situations les plus faciles, la démagogie, la mode, la passion, l'hédonisme, l'égoïsme. Il en arrive ainsi intérieurement à rejeter la " majesté de la loi " et, intérieurement, presque sans s'en rendre compte, à substituer le caprice de la conscience psychologique à l'impératif de la conscience morale.
Vous qui êtes juges des actes des autres, et non juges de la loi, laquelle vous est seulement confiée pour que vous l'appliquiez d'une façon raisonnable et normale, vous saurez conserver sagement à la loi - loi de l'Eglise, pensez-y toujours - le respect bienfaisant et substantiel qui lui est dû, en tempérant, lorsque et comme cela est possible, son éventuelle gravité excessive par le sens pastoral humain qui est propre au juge exerçant un ministère chrétien.

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A propos d'une déclaration sur la législation canonique du mariage.

Nos paroles voudraient affermir en vous la conscience de la mission que l'Eglise vous a confiée, et donc la confiance en sa législation, d'une part parce qu'elle est dictée par des critères supérieurs d'origine théologique, et d'autre part parce qu'elle a été éprouvée par une tradition multiséculaire enracinée dans une profonde et authentique science de l'homme et orientée vers son salut surnaturel.
Oui, ayez confiance dans la législation de l'Eglise.
A ce propos au terme de cette simple allocution, nous ne pouvons pas cacher la surprise que nous n'avons pas été le seul à éprouver, devant l'écho parvenu jusqu'à nous de certaines expressions d'une critique excessive dans ses formes et dépourvue de tout fondement dans sa substance, au sujet de l'actuelle législation canonique sur le mariage, prononcées par une personne de grande autorité, en un endroit et en une circonstance on ne peut plus dignes d'un langage plus respectueux et plus objectif. (1)
(1) Nous lisons dans la Croix du 2 Février: " sans le nommer le Pape a blâmé le professeur Pietro Agostino d'Avack, ancien recteur de l'Université de Rome, qui avait critiqué sévèrement, la semaine dernière, les lois ecclésiastiques actuelles concernant le mariage... M. d'Avack, avocat à la Rote et président de l'Association internationale de droit canon, avait qualifié devant le tribunal de Rome " d'anachronique et grotesque " la conception canonique du mariage fondée, selon lui, sur une idée " patriarcale " de la famille. Il proposait de lui substituer l'engagement à une " communauté de vie et d'amour ".
Vous savez de quoi il s'agit et nous n'en dirons qu'un mot pour que vous, experts et intéressés à la question, vous sachiez que nous ne pouvons pas partager certains jugements qui ont été portés sur la discipline en vigueur de l'Eglise, en une matière si importante. Il est vrai que les expressions négatives de ce discours ont été suivies d'expressions positives dont nous prenons acte avec une reconnaissance loyale. Mais il nous semble que les valeurs affirmées dans cette seconde partie, plutôt que de confirmer les premières, les rectifient, de sorte que le jugement qui en résulte sur la loi canonique du mariage actuellement en vigueur mérite encore confiance parce qu'elle interprète et protège les lois sacrées et fondamentales pour l'homme, pour le mariage, pour la famille, pour la société, même si conformément à l'enseignement du récent concile, ces lois, nous l'espérons, seront bientôt formulées dans une législation plus complète et plus moderne.
Poursuivez donc avec confiance votre sage et méritoire activité, avec notre Bénédiction apostolique.


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1974 Révision du Code de Droit Canon Oriental

18/3/1974

DISCOURS A LA COMMISSION POUR LA REVISION DU CODE DE DROIT CANON ORIENTAL

Lors de la célébration solennelle inaugurant les travaux de la Commission pour la révision du Code de droit canon oriental, Paul VI prononce un discours en latin où il rappelle la tradition des Eglises d'Orient et l'importance de la réforme du Droit canon, qui doit favoriser l'union des Eglises.

Quand Nous voyons réunis en Notre présence Nos Vénérables Frères les patriarches qui président aux Eglises orientales, les métropolites et les hiérarchies les plus élevées des Communautés orientales, unis en une communion parfaite avec ce Siège apostolique, comment pourrions-Nous ne pas ressentir une joie intense face à ce spectacle nouveau et magnifique d'unité catholique dans la diversité!

Rome, centre de l'unité

Ici, près de la tombe du Prince des Apôtres, les Eglises d'Orient et d'Occident se sont réunies pour contempler, comme saint Ignace d'Antioche, la famille de Dieu qui se rassemble pour le banquet mystique, réunie autour de l'Eglise de Rome qui "préside à la charité" et dont le ministère a pour objet de "présider dans la capitale des Romains" (St Ignace d'Antioche Ad Romanos prologue)
C'est pourquoi le ministère de cette Eglise de Rome, "source de l'unité sacerdotale" (St Cyprien Epist. 59, 14, 13), a pour mission de porter aide à ses frères partout où la charité l'exige, cette même charité qui, en communion avec le Christ, gouverna l'Eglise de Syrie lorsque son vieil évêque se fût laissé joyeusement conduire au martyre (St Ignace d'Antioche Ad Romanos 9, 1). Cela ne signifie ni domination, ni souveraineté, mais primauté dans le service, dans le témoignage de sollicitude, dans l'offre d'assistance, dans la profession d'une foi inchangée tout cela en union avec les successeurs des Apôtres.
C'est pourquoi saint Ephrem, le célèbre diacre d'Edesse dont on a commémoré récemment le seizième centenaire de la mort, chantait, avec des accents lyriques "O toi bienheureux (Simon- Pierre), qui fus la tête et la langue du corps de tes frères! Ce corps était formé par les disciples, et les fils de Zébédée étaient ses deux yeux! Comme ils étaient heureux, ceux qui demandèrent chacun un trône au Maître, après qu'ils eurent vu son trône à lui! Mais la révélation du Père, ce fut Simon qui la reçut, lui qui est le roc inébranlable (Hymni de Virginitate XV, 7).
Aujourd'hui, uni à vous dans la profession de la seule foi au Christ, Nous sommes comblé de la joie du Christ ressuscité. Et en union avec vous, Vénérables Frères et fils bien-aimés, Nous proclamons, pour le monde et pour les temps à venir, cette foi dans toute sa plénitude.
En montrant l'admirable unité de sa structure, la Sainte Eglise, notre Mère, manifeste clairement la volonté du Christ et, en même temps, montre le chemin sûr qui conduit à la contemplation de la gloire du Père.

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Les glorieuses Eglises d'Orient

Lorsque Nous vous voyons ici, chers et Vénérables Frères, il Nous plaît de vous répéter les paroles qui font résonner l'antique voix de la Didascalie des Apôtres: "Vous (évêques), constitués pour votre peuple, vous êtes prêtres, prophètes, rois, (...) intermédiaires entre Dieu et les fidèles. Vous êtes les hérauts et les prédicateurs. (...) Et vous, laïcs, Eglise élue de Dieu, Eglise catholique, écoutez et honorez les évêques comme vous honorez Dieu, parce qu'ils sont là pour vous, à la place du Dieu tout-puissant" (VIII, 25, 7).
Aujourd'hui. en cette époque d'aspiration effrénée à la liberté et à la nouveauté, où ce qui appartenait au passé n'est plus jugé digne d'intérêt. Nous constatons avec satisfaction que les illustres Eglises d'Orient conservent fidèlement les traditions des Pères ce sont des traditions qui font partie du patrimoine commun de l'Eglise de Dieu tout entière. C'est pourquoi Notre prédécesseur Agapet 1er, écrivant sur cette matière à Pierre, évêque de Jérusalem, l'exhortait à conserver intactes ces traditions, disant: "Nous avons certainement, bien-aimé Frère, en raison de la charité qui nous unit, désiré trouver tous les prêtres du Seigneur irréprochables dans leur conformité aux traditions apostoliques, sans qu'il en soit un seul qui ait dévié des canons ecclésiastiques, par crainte ou par intérêt" (Fontes Codificationis Orientalis Série III, vol. I, p. 430).
Et c'est avec raison que les Pères du septième Concile ocuménique estimèrent opportun de déclarer: "Nous chérissons et gardons dans le coeur les canons sacrés, nous réjouissant comme celui qui a trouvé un riche trésor...; c'est-à-dire tout ce qui a été proclamé, au son des trompettes du Saint- Esprit, par les vénérables et glorieux Apôtres, comme tout ce qui a été promulgué par les six saints Conciles ocuméniques et par les Synodes locaux pour expliquer ces décrets; et enfin tout ce qui a été montré comme émanant de nos saints Pères. En effet, éclairés par le seul et même Esprit, ils ont indiqué ce qui convient".
Nous lisons ce qui précède dans le premier canon du Concile précité, où se trouve condensée la Tradition que les Eglises orientales ont pour la plupart toujours eue et continuent à avoir en partage, même s'il s'est révélé quelques différences dues à des circonstances diverses.

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Fidélité au patrimoine sacré...

La fidélité à ce patrimoine sacré de la discipline ecclésiastique a fait que, malgré les multiples revers essuyés au cours des temps, même récents, les Eglises orientales ont su conserver intacte leur propre physionomie, certainement pour le plus grand profit des âmes.
Cette fidélité au même vénérable patrimoine de vos traditions - fidélité qui doit nécessairement continuer, car c'est d'elle que tire sa force le travail de révision du Droit canon oriental qui vous est demandé OE 5-6 - cette fidélité n'empêche d'aucune manière que le travail de révision contribue à l'élan souhaité et imprimé par le Concile ocuménique Vatican II à la vie chrétienne dans l'Eglise tout entière. En effet, comme l'objectif final de toute loi de l'Eglise est le salut des âmes, les normes ecclésiastiques ne sauraient valablement demeurer inertes, immobiles, comme des choses mortes; elles doivent au contraire tendre à un progrès constant du Peuple de Dieu et tâcher de satisfaire aux besoins toujours nouveaux qui s'y présentent. Aussi faut-il noter que la discipline canonique dont vous avez hérité est source de vie féconde, surtout si, en sauvegardant tout ce qui est essentiel et digne de respect, elle répond en même temps aux exigences de la vie actuelle et parvient à s'adapter aux situations réelles de chaque peuple, en évolution rapide et continue.
Il est évident qu'il faut beaucoup de prudence et de sagesse pour mener cette tâche à bien.

et nécessité du renouvellement

C'est en effet un travail qui exige d'éliminer des lois antérieures tout ce qui est devenu caduc, superflu, pour y substituer des lois nouvelles, avec l'unique préoccupation de rechercher moins la nouveauté qu'une amélioration réelle; un travail enfin qui, dans les innovations, s'efforcera - loin de le négliger - de tenir compte de l'enseignement du patrimoine traditionnel. Tout renouvellement doit témoigner de cohérence et de conformité avec la saine tradition, de manière que les normes nouvelles apparaissent, non pas comme un corps étranger inséré de force dans le contexte ecclésiastique, mais comme jaillissant naturellement des lois déjà existantes.
Nous-même, Nous avons tenu à énoncer ce principe au moment d'inaugurer la seconde session du Concile ocuménique Vatican II, lorsque Nous avons dit: "Le renouvellement que le Concile demande n'est ni un changement radical de la vie actuelle de l'Eglise ni une rupture avec ses traditions (...), mais un renouvellement qui rende hommage aux traditions elles-mêmes et leur restitue leur originalité et leur efficience, en supprimant ce qui est caduc et défectueux" (Disc ouverture 2e session Vatican II, 29.9.1963).
La composition et la forme de Notre Commission garantissent, autant qu'il est possible, son caractère oriental, car elle tient compte de la multiplicité des Eglises, et en même temps, elles démontrent clairement Notre désir que ce soient les Orientaux eux-mêmes qui aménagent leur propre Code. Ce Code conduira à cette charité en vertu de laquelle leurs Eglises seront, dans le monde moderne, de plus en plus capables de "s'épanouir et de remplir la charge qui leur incombe, avec une nouvelle vigueur apostolique" OE 1


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Les tâches de la Commission

D'autre part, en instituant cette Commission pour la révision du Code de droit canon oriental, Notre désir a été de satisfaire aux requêtes qui Nous ont été faites par de nombreux membres de la hiérarchie orientale, de même que par la Sacrée Congrégation pour les Eglises Orientales: à savoir que les parties du Code de droit canonique oriental déjà publiées, aussi bien que celles qui sont encore inédites, soient révisées en accord tant avec la pensée des Pères du Concile Vatican II qu'avec la Tradition orientale.
Ce double objectif, c'est-à-dire assurer la conformité du Code au Concile Vatican II et à la Tradition orientale, doit être mis en harmonie avec une troisième et très importante considération, qui vaut aussi bien pour la Commission pour la révision du Droit canon que pour la présente Commission. L'une et l'autre de ces Commissions ont été instituées pour établir un Code, pour l'ordonner judicieusement en y insérant les lois avec ordre, et non pour créer et instituer des lois, pour elles-mêmes, pour leur propre autorité. En effet, les normes n'existent que dans la mesure où elles concrétisent des principes, dont l'autorité découle des sources du Droit; par conséquent, ni les normes ni les principes ne sauraient être changés. En d'autres termes, les membres des Commissions ordonnent les lois, ils ne les créent pas ni ne les fabriquent.
En faisant cette mise au point, Nous n'entendons nullement rabaisser ou déconsidérer le travail confié à la Commission; Nous désirons simplement définir sa nature avec plus de précision. Il s'agit en effet d'un fécond ministère que l'Eglise a confié à la Commission; il doit être orienté directement au bien de l'Eglise et rester fidèlement soumis à l'autorité légitime. Quant à Nous, Nous avons pleinement confiance en votre aptitude à accomplir cette tâche, et Nous sommes certain, connaissant votre amour dévoué envers l'Eglise, que vous saurez réaliser un travail bien ordonné, tout complexe et difficile qu'il soit, qui contribuera à renforcer toujours plus l'union et l'harmonie des différentes Traditions, sans amoindrir toutefois les caractères propres à chaque Eglise.
Un Code bien ordonné et reçu de tous, qui puisse s'appliquer de façon utile aux actions de la vie quotidienne, constitue un témoignage authentique d'amour et de respect à l'égard de la loi ecclésiastique. Cela rendra également un important service à la société humaine, où nous constatons souvent une propension à miner l'observance des lois qui doivent être respectées de manière inéluctable, ainsi que l'exigent la vérité suprême du message évangélique et les traditions ecclésiastiques, dans leur pureté.

Les progrès dans l'unité des Eglises

Si l'on veut formuler un Code oriental parfaitement adapté. Il importe de ne jamais perdre de vue la mission particulière qui incombe aux catholiques orientaux, à savoir: "Favoriser l'unité de tous les chrétiens, et spécialement des chrétiens orientaux, selon les principes du décret de ce saint Concile sur l'ocuménisme" OE 24. Nous constatons avec la plus vive satisfaction que, sous l'impulsion de l'Esprit- Saint, se noue de plus en plus étroitement entre l'Eglise catholique et ses Soeurs orthodoxes le lien de la véritable unité, c'est-à-dire une communion ecclésiale déjà très avancée.
Preuves et témoignages en sont: le livre Tomos Agapes (Remis à Paul VI le 24.1.1972 par Mgr Meliton, métropolite de Chalcédoine), la visite à Rome, non seulement du patriarche ocuménique Athénagoras (26-28.10.1967), mais aussi de Leurs Saintetés le patriarche suprême catholicos des Arméniens, Vasken 1er de Etchmiadzine (9-12.5.1970), du catholicos Khoren 1er de Cilicie (9.5.1967), du patriarche Mar Ignatius Jacoub III d'Antioche (25-27.10.1971) et du pape Shenouda III d'Alexandrie (4-10.5.1973), accompagnés de membres des hiérarchies d'autres Eglises orthodoxes.
Nous sommes également au courant d'autres initiatives prises au cours de ces dernières années par les Eglises orthodoxes en vue d'établir, grâce à des efforts communs, des lois adaptées aux besoins de l'époque actuelle, protégeant toutefois intégralement les traditions particulières de chaque Eglise.
Il Nous est très agréable aussi de rappeler que Nous-même, de commun accord avec le regretté patriarche ocuménique Athénagoras, avons déjà donné Notre approbation à "tout effort de collaboration entre professeurs catholiques et orthodoxes dans le domaine de l'étude de l'histoire, des traditions des Eglises, de la patristique, de la liturgie, et d'une présentation de l'Evangile qui corresponde à la fois au message authentique du Seigneur et aux besoins et aux espérances du monde d'aujourd'hui" (Déclar. Commune Paul VI - Athénagoras 28.10.1967).
Nous sommes extrêmement heureux de ce que les experts de Droit oriental, aussi bien orthodoxes que catholiques, offrent actuellement un exemple lumineux d'un fécond travail en collaboration. C'est pourquoi Nous avons créé, en Notre Institut des études orientales, la faculté de Droit canon oriental, ouverte à toutes les Eglises, dans l'espoir de recueillir d'excellents fruits grâce à la collaboration avec d'autres Instituts.
Comme le dit en effet le Concile, les Eglises particulières diffèrent partiellement entre elles par ce qu'on appelle les rites, c'est-à-dire la liturgie, la discipline ecclésiastique et le patrimoine spirituel, mais elles sont également confiées au gouvernement pastoral du Pontife romain qui, par disposition divine, succède à saint Pierre dans la primauté sur l'Eglise universelle. Par conséquent, elles sont égales en dignité, et aucune d'entre elles ne l'emporte sur les autres en raison du rite. Elles jouissent des mêmes droits et sont tenues aux mêmes obligations, également en ce qui concerne la prédication de l'Evangile dans le monde entier sous la conduite du Pontife romain lequel, les portant toutes dans son coeur, peut dire à juste titre avec saint Paul: "Je me suis fait tout à tous" 1Co 9,22, pour qu'il soit clair qu'à Notre ministère incombe avant tout cette sollicitude que nous avons pour vous devant Dieu" 2Co 7,12.
Vénérables fils bien-aimés, que Notre-Seigneur Jésus- Christ - la Voie, la Vérité et la Vie - bénisse votre travail, et puissent les prières de la Très Sainte Vierge Marie et de tous les saints du paradis lui assurer un heureux succès, avec Notre paternelle et fraternelle Bénédiction apostolique.


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1974 Place de la femme dans la société d'aujourd'hui


7/12/1974

Allocution au Congrès des Juristes Catholiques Italiens

(7 décembre 1974)

En recevant les participants au Congrès des juristes catholiques italiens, Paul VI leur adresse une allocution dans laquelle il énonce quelques principes fondamentaux à propos du thème de leurs travaux: "La place de la femme dans la société d'aujourd'hui ".

Votre présence ici, chers juristes catholiques d'Italie, au terme de votre Congrès sur "La femme dans la société italienne d'aujourd'hui", évoque en Nous de vieux et récents souvenirs, tant de votre Union que de vos personnes. C'est pourquoi Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue. Le thème que vous avez choisi est si important qu'il mériterait d'être développé d'une façon beaucoup plus large qu'il Nous est possible de le faire en ces brefs instants. Nous désirons cependant vous présenter quelques réflexions qui, sans être nouvelles pour vous, contribueront à une perspective globale et universelle de ce problème particulièrement actuel au seuil de l'Année mondiale de la femme organisée par les Nations Unies pour 1975.
Vous savez que l'Eglise, elle aussi, et elle surtout, est directement intéressée par les questions concernant la présence et le rôle de la femme dans la société d'aujourd'hui à tous les niveaux. C'est précisément pourquoi Nous avons institué une Commission spéciale pour l'étude des problèmes de la femme.

L'évolution liée au passage d'une société agricole à une société industrielle

Comme tous ceux qui observent les réalités actuelles, Nous ne pouvons pas ne pas voir le processus de transformation socioculturelle qui a entraîné notamment d'importants changements dans la position et le rôle de la femme. Le passage assez rapide d'une société surtout agricole à un nouveau type de société caractérisé par l'industrialisation, avec les phénomènes qui l'accompagnent - urbanisation, mobilité et instabilité de la population, transformation de la vie familiale et des relations sociales - a mis la femme elle aussi au centre d'une crise des institutions et des moeurs qui n'est encore pas résolue et dont les répercussions se sont fait sentir avant tout sur les rapports familiaux, sur la mission éducative, sur l'identité même de la femme en tant que telle et sur toute la façon qui lui est propre de s'insérer dans la vie sociale par le travail, les amitiés, l'action caritative et les loisirs. L'esprit religieux et, en conséquence, la pratique religieuse, s'en sont aussi ressentis. C'est pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui devant des phénomènes d'une grande portée spécialement l'égalité et l'émancipation croissante de la femme par rapport à l'homme; une nouvelle conception et une nouvelle interprétation de ses rôles d'épouse, de mère, de fille, de sour; son accession toujours plus large au travail professionnel, avec des spécialisations toujours plus poussées; sa tendance accentuée à préférer travailler en dehors de chez elle, ce qui ne va pas sans dommages pour les rapports conjugaux et surtout l'éducation des enfants, précocement émancipés de l'autorité des parents, et spécialement de la mère.
Il est clair que tout ne doit pas être considéré comme négatif dans ce nouvel état de choses. Dans ce contexte, peut- être pourra-t-il même être plus facile pour la femme d'aujourd'hui et de demain de déployer en plénitude toutes ses énergies. Les expériences erronées de ces dernières années pourront elles-mêmes être utiles si dans la société s'affirment les sains principes de la conscience universelle, pour parvenir à un nouvel équilibre dans la vie familiale et sociale.

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Voeux pour la situation de la femme dans la nouvelle société

Le vrai problème consiste précisément à reconnaître, respecter et, lorsque cela est nécessaire, retrouver les principes qui constituent des valeurs irremplaçables pour la culture d'un peuple évolué. Nous les rappellerons brièvement: d'abord la différence de fonctions, bien qu'ayant une même nature, de la femme par rapport à l'homme, d'où découle l'originalité de son être, de sa psychologie, de sa vocation humaine et chrétienne; sa dignité, qui ne doit pas être avilie, comme il arrive trop souvent, qu'il s'agisse des moeurs, du travail, de la promiscuité sans discrimination, de la publicité ou des spectacles; et Nous ajouterons: la primauté qui revient à la femme sur tout le domaine humain où se posent plus directement les problèmes de la vie, de la souffrance, de l'assistance, surtout dans la maternité.
De sorte que Nous pouvons résumer ainsi ces simples notes sur le développement de la situation de la femme dans la nouvelle société:
- Nous formulons volontiers le voeu que lui soit reconnue la plénitude des droits civils, comme à l'homme, s'il n'en est pas déjà ainsi;
- qu'il soit rendu réellement possible à la femme d'exercer les mêmes fonctions professionnelles, sociales et politiques que l'homme, selon ses capacités personnelles;
- que, loin d'être méconnues, soient honorées et protégées les prérogatives propres de la femme dans la vie conjugale, familiale, éducative et sociale;
- que soit rappelée et défendue la dignité de sa personne et de son état de célibataire, d'épouse ou de veuve, et que soit donnée à la femme l'assistance qui convient, spécialement lorsque le mari est absent, impotent, en prison, c'est-à-dire lorsqu'il n'est pas en mesure de remplir sa fonction dans la famille.

Marie, modèle d'une juste promotion de la femme

Tous ces principes et ces valeurs, s'ils sont respectés, assurent à la femme sa grandeur véritable, unique, inégalable. Ainsi que Nous l'avons dit en une autre occasion: "Pour Nous, la femme est le reflet d'une beauté qui la transcende, le signe d'une bonté qui Nous apparaît sans limites, elle est l'image de l'être humain idéal, tel que Dieu l'a conçu, à son image et à sa ressemblance. Pour Nous, la femme est une vision de pureté virginale, qui restaure les sentiments affectifs et moraux les plus élevés du coeur humain. Pour Nous, elle est dans la solitude de l'homme l'apparition de sa compagne qui sait le don suprême de l'amour, la valeur de la collaboration et de l'aide, la force de la fidélité et de la diligence, l'héroïsme habituel du sacrifice. Pour Nous, elle est la mère - inclinons-Nous -, la source mystérieuse de la vie humaine, où la nature reçoit encore le souffle de Dieu, créateur de l'âme immortelle. (...) Pour Nous, elle est l'humanité qui a la meilleure attitude devant l'attrait religieux, l'humanité qui, lorsqu'elle suit sagement cet attrait, s'élève et se sublime dans l'expression la plus authentique de la féminité; l'humanité qui, lorsqu'elle chante, prie, soupire ou pleure, semble converger naturellement vers une figure unique et suprême, immaculée et douloureuse, la femme privilégiée, bénie entre toutes les femmes, Marie, la Vierge Mère du Christ (Alloc 29.10.1966)
Bien au-delà des conditions et des problèmes d'ordre sociologique, Notre ministère apostolique propose à tous, sur le plan théologique et spirituel, comme point de référence pour résoudre aussi de nombreuses questions terrestres, familiales et sociales, cette créature à laquelle le Christ, son Fils, a donné à plusieurs reprises le nom significatif de "femme". Et il voudrait encourager la femme d'aujourd'hui à regarder vers ce modèle d'une juste promotion de la femme, resplendissante d'une beauté vraie et d'une sainteté sans tache, comme nous le rappelle la fête de demain.
C'est avec ces voeux, qui jaillissent de Notre coeur, que Nous vous donnons Notre bénédiction.


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A la Rote 1939-2009 7400