Thérèse EJ, Poésies 4600

Note d'introduction à la POESIE N 46

« - A MON ANGE GARDIEN - »

- DATE: janvier 1897. - COMPOSEE: spontanément, et dédiée plus tard à soeur
Marie-Philomène de Jésus. - PUBLICATION: HA 98; trois vers corrigés. - MELODIE: Par les chants les plus magnifiques.

Le ton de ferveur calme du poème est caractéristique de la dernière époque, moins visionnaire, moins baignée de consolation sensible. Les thèmes esquissés sont nombreux, avec au centre la strophe 3 où Thérèse se considère, semble-t-il, comme passée dans un autre monde.
Après ces couplets marqués par l'humilité, le ton glorieux débouche tout à coup dans une finale presque exultante, à la manière des psaumes avec ces « A toi... A moi... A moi... Avec.. Avec... » en début de vers, et les syllabes riches: « Royaume, Gloire, Richesse, Roi des rois, ciboire, Croix », souvent à la rime. Le terme de la petite voie peut demeurer caché, c'est dans la « patx » que Thérèse y tend, en redisant cette litanie de gloire où se concentrent en quelques vers quantité de biens éternels, de « joies qui dureront toujours ».

Note 1. L'ange gardien est le compagnon de Thérèse sur la « petite voie ». Cette scène familière n'est pas sans rappeler l'enfance de Thérèse, quand son père la guidait par la main (cf. MSA 18,1r; PN 8, str. 6 ).

Note 2. Comparer avec MSA 38,2v /39r .

Note 3. L'humilité prend une tonalité et des développements nouveaux chez Thérèse à partir de l'été 1896 et surtout en 1897 sous le régime de « l'épreuve de la foi ».

Note 4. C'est la première fois que Thérèse désigne les « pécheurs » comme ses « frères »; prélude à « la table des pécheurs » du MSC 6,1r . Voir aussi PN 54,4 PN 54,7 et strophe 20 .

Note d'introduction à la POESIE N 47

« - A THEOPHANE VENARD - »

- DATE: 2 févricr 1897. - COMPOSITION spontanée. - PUBLICATION: HA 98 . dix vers corrigés. - MELODIE: Les adieux du martyr.

« Mon âme ressemble à la sienne », dira Thérèse à ses soeurs (DE, p. 422) et elle leur remettra, pour souvenir d'adieu (LT 245), une brève anthologie des lettres de ce « petit saint », missionnaire martyr au Tonkin, dont le P. Roulland lui avait signalé la biographie. Dès le 21 novembre 1896, elle avait copié dans son « carnet scripturaire » trois pages d'extraits de ces lettres (cf. « Ecrits divers » EDV 4).
Pour « chanter » son bienheureux ami, Thérèse retrouve les accents que lui inspirait naguère sa « sainte de prédilection », Sainte Cécile. Des chants et des fleurs, mais aussi la souffrance et le martyre, l'apostolat vigoureux, « le Glaive et le Feu », ce sont là des thèmes qui l'inspirent.
Le 19 mars, en envoyant le poème au P. Roulland (cf. LT 221), elle attire son attention sur l'avant-dernière strophe. Elle dévoile ainsi son projet missionnaire: rejoindre, si sa santé ne s'y oppose, la récente fondation d'Hanoï. Espoir déraisonnable, mais le désir missionnaire ne cesse de grandir en son coeur et, en ces mêmes semaines, sa confiance s'affermit de « revenir sur la terre » pour y travailler sans répit « jusqu à la fin du monde » (CJ 17.7).
A l'infirmerie, le portrait de Théophane Vénard ne la quittera plus et l'assistera dans l'épreuve (CJ 10.8.1; 10.8.3; 19.8.5; 20.8.13; 6.9).

Note 1. Comme Thérèse, Théophane écrivait des poésies.

Note 2. Citation d'une lettre du 20/1/1861; cf LT 245+.

Note 3. Réponse authentique au bourreau, un cynique petit bossu, qui demanda au jeune homme « ce qu'il lui donnerait pour être exécuté habilement et promptement ». Et la tête ne tomba qu'au cinquième coup de sabre.

Note 4. Autre citation de Théophane.

Note 5. Le vocabulaire guerrier annonce Mes Armes, la prochaine poésie.

Note 6. Cf. CJ 16.8.3.

Note d'introduction à la POESIE N 48

« - MES ARMES - »

- DATE: 25 mars 1897. - COMPOSEEE POUR: Soeur Marie de l'Eucharistie, pour sa profession. - PUBLICATION: HA 98; trois vers corrigés. - MELODIE: Chant du départ des Missionnaires, « Partez, hérauts de la bonne nouvelle ».

Une poésie nerveuse, guerrière, tendue, jetée sur le papier comme on livre bataille. Une Thérèse sûre d'elle comme de Dieu, dans le creuset de l'épreuve comme Jeanne d'Arc sur son bûcher. Elle sait qu'elle est reine, elle est la Reine qui combat, fourbit ses armes pour triompher, avec pour premier souci l'efficacité.
La citation de saint Paul en épigraphe (empruntée à la règle du Carmel) introduit directement à cet « adoubement du chevalier » - l'audacieuse juxtaposition de deux versets indépendants du Cantique des cantiques donne l'image d'une Reine formidable dans sa toute- puissance, « terrible comme une armée rangée en bataille, semblable à un choeur de musique dans un camp d'armée ». Il faut un véritable regard poétique pour forger ainsi une citation aussi éclatante, hermétique et antithétique, comme source d'inspiration propre à soulever une profession religieuse, et à brosser une allégorie complète des voeux, sujet ingrat par excellence pour un poème.
La destinataire, c'est Marie Guérin, à la fois « petit ange » et « femme forte » (LT 178), « petit enfant » et « guerrier vaillant » (PN 36), mais aussi, en transparence, soeur Geneviève, frustrée l'année précédente (cf. PN 27), et toujours enflammée par « les idées de chevalerie ».
Mais pour Thérèse, il s'agit de bien autre chose que d'un roman de chevalerie, méme si le langage allégorique risque de donner le change (cf. LT 224); c'est dans « le vrai de la vie » (cf. MSA 31,2v ), et bientôt de la mort, qu'elle livre bataille. « En souriant » (comme son ami Théophane), « en chantant » (comme une épouse aimante), elle lutte jusqu'à la limite de ses forces, avant de tomber « les armes à la main » (noter la puissance de cette finale).

Note 1. On remarquera le vocabulaire très paulinien de cette poésie, inspirée par Ephésiens 6, même si les allégories diffèrent: chez Paul, « la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, le Zèle à propager l'Evangile pour chaussures, le bouclier de la Foi, le casque du Salut et le glaive de l'Esprit »; chez Thérèse, « l'armure », ce sont les « voeux sacrés: la Pauvreté, lance et casque; le glaive de la Chasteté; la cuirasse de l'Obéissance; le bouclier de mon coeur ».

Note 2. Cf. PN 26,9.

Note 3. Cf. RP 7,1r .

Note 4. Le glaive comporte pour Thérèse un arrière-plan
biblique, à la fois Mt 10,34 et Ep 6,17; cf. PN 47,5 et PRI 17.

Note 5. Cf. RP 7,3r .

Note 6. Thérèse retrouve un instant (1-4) le ton des poètes romantiques (Vigny, Lamartine, Hugo) qui affectionnent les dialogues fantastiques à travers les espaces infinis... Avec l'antithèse « lumière/nuit », l'épreuve de la foi apparaît dans toute son intensité; cet enracinement existentiel du poème donne son caractère d'authentique bravoure à ce qui aurait pu sembler littérature et bravade.

Note 7. Après le choc de l'affrontement, la détente. La douceur de la féminité reprend ses droits, à l'enseigne de sainte Cécile (« la Vierge », avec mention de la lyre; cf. PN 3).

Note 8. Cette mort au champ d'honneur aurait plu à Thérèse d'Avila: « Les défenseurs de l'Eglise (...) peuvent mourir; être vaincus, jamais » (Chemin de la Perfection, chap. III).

Note d'introduction à la POESIE N 49

« -A NOTRE-DAME DU PERPETUEL SECOURS - »

- DATE: mars 1897. - COMPOSEE POUR: Soeur Marie de la Trinité, à sa demande. - PUBLICATION: inédit en HA; pour la première fois dans une revue des rédemptoristes «Le Perpétuel Secours» Haguenau, janvier 1934. - MELODIE: pas d'indication.

Toute enfant, Marie-Louise Castel se sent attirée par l'image byzantine de Notre Dame du Perpétuel Secours. Dans le regard mystérieux de la Vierge, elle trouve le miroir de sa conscience enfantine: sourire pour sa sagesse, tristesse pour sa méchanceté. Secourue par la Vierge en 1894 pour son entrée à Lisieux, en 1897 elle demande la force de mener sa vie d'immolation pour les prêtres à Celle qui, selon l'interprétation courante du tableau miraculeux, rassure et fortifie l'Enfant Jésus effrayé par la vision des instruments de sa Passion. Thérèse rassemble en quelques vers faciles les pensées de Marie de la Trinité pendant sa retraite.

Note d'introduction à la POESIE N 50

« - A JEANNE D'ARC - »

- DATE: mai (?) 1897. - COMPOSEE spontanément. - PUBLICATION: Poésies 1979. - MELODIE: pas d'indication.

L'année de sa mort, Thérèse revient à Jeanne d'Arc (qui l'accompagne depuis l'enfance), comme pour s'identifier à elle au seuil de sa propre passion. A l'infirmerie, elle se référera souvent à l'héroïne.
Ce n'est pas dans la victoire et la gloire que Jeanne s'accomplit, mais dans le « cachot » et la « trahison » , où elle-même s'identifie à Jésus. Et Lui, par sa mort, donne à toute souffrance « son charme ». Thérèse se trouve pareillement « au fond d'un noir cachot, chargée de lourdes chaînes » par l'épreuve de la foi; elle boit à « la coupe amère du Bien-Aimé » par la maladie. A nous aussi, elle apparaît « plus brillante et plus belle dans sa sombre prison ». La « trahison » même ne lui a pas été épargnée. Jeanne d'Arc vient d'être victime d'une nouvelle félonie, et c'est elle-même, Thérèse, qui a prêté ses traits à la Prisonnière ainsi bafouée par Leo Taxil le 19 avril (cf. RP 7+).
Il est des souffrances d'une nature telle qu'on doit les vivre seul: écrit au crayon sur un papier bleu, ce poème excellent et dense dans sa simplicité, avec ce grand mouvement de la gloire à l'amertume et à la mort, remontant jusqu'à l'« amour » qui transfigure, est resté ignoré jusqu à ces récentes années.

Note 1. S'il est difficile d'appliquer ces vv. 3-4 à Thérèse (elle, si entourée dans sa maladie), on notera d'une part son attention à laisser ignorer qu'elle est dans un « cachot » (ou tunnel), d'autre part cet aveu voilé de CJ 11.7.1 et 6.8.1: « Il n'y a personne qui me connaisse » (Ps 141, 5 (Ps 142,5).

Note d'introduction à la POESIE N 51

« - UNE ROSE EFFEUILLEE - »

- DATE: 19 mai 1897. - COMPOSEE POUR: Mère Henriette, du Carmel de Paris, à sa demande. - PUBLICATION: HA 98 (La rose effeuillée); cinq vers corrigés. - MELODIE: Le fil de la Vierge, ou bien La rose mousse.

Peu de mystiques sans doute sont allés aussi loin que Thérèse, minée par la maladie, à bout de force et qui offre son « rien » en se jetant sous les pas de Jésus, dans un acte de pur et total amour. Ainsi la découvre-t-on ici: elle ne demande rien, elle s'abandonne, elle est presque déjà au-delà de la mort, on dirait presque au-delà de l'amour.
En mai, Thérèse n'est plus en mesure de participer à la liturgie florale des novices (cf. PN 34). Elle renonce aux actes de communauté l'un après l'autre. Une tâche suprême lui reste désormais: « Je dois mourir ». Mourir en se dissolvant au fil des jours, telle une « rose » qui « s'effeuille ». Dans l'oblativité la plus absolue: « sans partage, sans recherche, sans regret », sans mise en scène (« sans art »). Sa générosité n'a d'égale que sa délicatesse: que sa vie ainsi « prodiguée » soit seulement douceur sous le « petit pied » de Jésus enfant, sous les « derniers pas » de l'Homme de douleurs. Le symbole, aujourd'hui apparemment usé, de la rose effeuillée surgit ici dans sa pathétique beauté, dans l'authenticité du vécu.
Thérèse ne rêve même plus de se donner à Jésus, mais de s'effeuiller sous ses pas, de mourir en se dissolvant. Elle développe cette idée dans les strophes 3 et 4 jusqu'à un point où elle n'était pas encore allée: « La rose en son éclat peut embellir ta fête, mais la rose effeuillée simplement on la jette (noter la force de ce mot en fin de vers) au gré du vent » (c'est-à-dire nulle part, n'importe où). La rose effeuillée se donne « pour n'être plus », ce qui est le comble de l'abandon; on n'y fait même pas attention (4, 1), ce n'est qu'un « débris ». Thérèse « l'a compris »: elle a « prodigué sa vie, son avenir », elle est « à jamais flétrie - Je dois mourir ». Ainsi, elle donne la preuve ultime de son amour, sans savoir ce que Jésus en fera. Elle n'est plus qu'une rose effeuillée, c'est-a-dire rien.
Thérèse répond à une demande d'une carmélite de Paris, ancienne prieure, qui, entendant dire merveille de ses talents poétiques, la met quelque peu au défi: « S'il est vrai que cette petite soeur est une perle (...) qu'elle m'envoie donc une de ses poésies, et je verrai cela par moi-même », proposant même, selon Marie de la Trinité, le thême de la rose effeuillée.
« Mère Henriette en fut très contente (...) trouvant seulement qu'il manquait un dernier couplet expliquant qu'à la mort, le bon Dieu recueillerait ces pétales pour en reformer une belle rose, qui brillerait toute l'éternité. » Méprise complète: pour Thérèse, « aimer, c'est se donner » sans espoir de retour, et elle répliqua: « Que la bonne Mère fasse elle-même ce couplet comme elle l'entend, pour moi je ne suis pas du tout inspirée pour le faire. Mon désir est d'être effeuillée à tout jamais, pour réjouir le bon Dieu. Un point c'est tout. »

Note 1. Le sentiment de la Beauté est très vif chez Thérèse (cinquante-six emplois du mot dans les écrits; vingt-huit fois cette beauté est celle de Jésus). Beauté suprême en PN 24,31 PN 28,2 RP 2,1r et RP 2,8r; RP 4,3r .

Note d'introduction à la POESIE N 52

« - L'ABANDON EST LE FRUIT DELICIEUX DE L'AMOUR - »

- DATE: 31 mai 1897. - COMPOSEE POUR: Soeur Thérèse de Saint-Augustin, à sa demande. - PUBLICATI0N: HA 98 (L'abandon); trois vers corrigés. - MELODIE: Si j'étais grande dame.

Une chanson, mais qui va au-delà d'elle-même, une chanson pour passer « l'orage » (str. 2) et se donner du coeur, mais calme, ferme, « en paix » (le mot revient quatre fois). L'assurance des quatre dernières strophes n'est pas feinte: c'est le véritable « abandon au-delà des consolations sensibles. Moins frémissant, plus avare de confidences qu'Une Rose effeuillée, ce poème est aussi personnel.
Aussi vertueuse que rigide, la dédicataire avait fait « le voeu d'abandon au bon plaisir de Dieu », non sans en escompter « quelque supériorité dans la perfection ». Pour Thérèse, l'abandon n'est pas « l'ouvrage de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » Reconnaissant en elle cet abandon total face à la mort, elle en fera hommage à son unique auteur: « Maintenant j'y suis; le bon Dieu m'y a mis, il m'a prise dans ses bras et m'a posée là (CJ 7.7 3).

Note 1. Belle image d'un arbre à la Chagall dont « la racine se trouve dans les cieux » Le symbole de l'arbre est rare chez Thérèse (ici, unique emploi dans les Poésies, et en LT 137, l'arbre de Zachée).

Note 2. Ce fruit est l'antithèse de celui de la Genèse (3, 6): on peut y toucher sans crainte (Gn 3,3) et en manger: il apporte, non le désordre du péché et la mort, mais « un océan de paix » et le bonheur dès cette vie. Gn 3,3-6

Note 3. Dans ces str. 7-9, on retrouve le ton, les couleurs de PN 3, Sainte Cécile (vv. 29-32), « la sainte de l'abandon ».

Note 4. Thérèse « attend en paix », mais une attente qui n'a rien de paresseux: la fugue soudaine de « l'alouette » (str. 16), dans une ascension verticale qui crève « l'épais brouillard » (MSC 5,2v ) le dit assez. Elle évoque irrésistiblement l'acte anagogique enseigné par Jean de la Croix: pour l'âme qu'assaille la tentation, le meilleur est de s'envoler en Dieu, d'un bond... Thérèse vole même « plus haut que l'alouette »: le regard peut suivre l'oiseau dans le ciel, mais on ne peut voir voler l'âme de la carmélite jusqu'aux confins de cette Terre promise où l'Arbre de vie plonge ses racines.

Note d'introduction à la POESIE N 53

« - UN LYS AU MILIEU DES EPINES - »

- DATE: mai 1897. - COMPOSEE POUR: soeur Marie de la Trinité, à sa demande. - PUBLICATION: HA 98 (« Un lis au milieu des épines »); treize vers corrigés. - MELODIE: L'envers du ciel.
Malgré sa tonalité lamartinienne, ce poème d'une fermeté que confirme sa graphie, d'une étonnante énergie chez une telle malade, est très dépouillé, avec une frappe classique et une réduction notable des adjectifs.
C'est un « chant des miséricordes » que Thérèse prête à Marie de la Trinité. « Faible et sans vertus », le constat humblement accepté par celle-ci fait d'elle une candidate de choix pour l'oeuvre de « l'amour consumant et transformant » (LT 197). Pour Thérèse surtout, plus que jamais, il n'y a plus que l'amour (cf. LT 242, fin).
Une note d'espièglerie éclaire la strophe 3, évoquant les escapades de l'adolescente au milieu des attractions de Paris: vignette gracieuse et pittoresque, avec « l'agneau loin de la bergerie » qui « folâtre ignorant le danger », comme la chèvre de Monsieur Seguin... la Sainte Vierge en « bergère »... l'antithèse alpestre des « précipices » et du « sommet du Carmel »... le tout adoucissant par avance les « austères délices » des deux derniers vers.

Note 1. Le choix divin; cf. prologue du MSA 2,1r; PN 16,6 PN 25,8 PN 40,6.

Note 2. La tonalité de la Rose effeuillée. L'épreuve de la foi et l'affaiblissement dû à la maladie provoquent en Thérèse une reprise de conscience plus aiguë de son « petit néant ». Cf. Ms B (quatre fois) et LT 197; et surtout au printemps 1897: LT 226 LT 243 LT 261 et MSC 2,1r . De même à l'infirmerie: CJ 6.8.8; 7.8.4; 8.8.1; 13.8.1.

Note 3. Cf. PN 23,5. L'amitié avec Jésus, qui implique égalité de confiance et de tendresse a fleuri très tôt dans l'âme de Thérèse; cf. MSA 40,2v; LT 57 (deux fois), LT 74 LT 92 LT 109 LT 141 LT 157 LT 158 LT 169 MSB 4,2v; et en ce mois de mai, le «tendre ami » de LT 226. Dans les poésies: PN 15,5 et 9 ; 23,5 ; 40,6 .

Note 4. Des images éclatantes (str. 4, vv. 2, 4, 5, 6, 8) concourent à exalter la « virginité », dernier mot et couronnement du poème.

Note d'introduction à la POESIE N 54

« - POURQUOI JE T'AIME, O MARIE! - »

- DATE: mai 1897. - COMPOSITION spontanée (également demandée par soeur Marie du Sacré-Coeur). - PUBLICATION: HA 98; trente-neuf vers corrigés. - MELODIE: La plainte du mousse.

« J'ai encore quelque chose à faire avant de mourir », confie Thérèse à Céline: « J'ai toujours rêvé d'exprimer dans un chant à la Sainte Vierge tout ce que je pense d'elle » (PA, Rome, p. 268). En ce mois de mai, elle commence à pressentir la diffusion probable de ses écrits. Et elle considère ses « pensées » sur Marie comme partie intégrante de « l'oeuvre bien importante » qui se prépare (cf. CJ 1.8.2).
Plus que jamais, Thérèse ne peut « se nourrir que de la vérité » (CJ 5.8.4). Il faut qu'elle « voie les choses telles qu'elles sont » (CJ 21.7.4). Concernant la Vierge Marie, ce qui l'intéresse uniquement, c'est « sa vie réelle, pas sa vie supposée » (CJ 21.8.3). D'instinct, elle se tourne vers l'Evangile, son unique source d'inspiration désormais: « Ce livre-là me suffit » (CJ 15.5.3 et cf. LT 226). Elle nous renseigne même sur sa « méthode »: « L'Evangile m'apprend... et mon coeur me révèle » (str. 15).
Et son « coeur » lui fait « comprendre » par connaturalité le sens caché des faits, leur portée pour sa propre vie aujourd'hui et bientôt pour son éternité même. L'intelligence du coeur a été affinée chez elle ces derniers mois de mille manières, mais surtout en deux domaines: mystère de la souffrance, sous le laminoir de l'épreuve; étendue des exigences de la charité, à la faveur de vives lumières; le tout s'enveloppant de silence.
C'est dans la prière d'abord qu'il faut recevoir ce long poème, sorte d'hymne liturgique de deux cents alexandrins très réguliers, qui traduisent bien « l'objectivité » à laquelle s'astreint l'auteur. Mais une émotion contenue parcourt cependant ces strophes qui connaissent de grands moments (str. 8, 16, 22...). De belles images l'enrichissent (3, 7-8; 7, 5-6...); des formules lapidaires jaillissent (10, 4; 16, 4, qui est comme le Credo de Thérèse; et le célèbre 22, 3). Une strophe admirable conclut.
La « petite Thérèse » signe ces lignes d'une main défaillante: humble et bouleversant point final à toute son oeuvre poétique.

Note 1. Un verbe fort qui mérite d'autant plus l'attention que, laminée par l'épreuve, Thérèse « ne sait plus ce que c'est que les joies vives » (CJ 13.7.17); « La pensée de la béatitude éternelle fait à peine tressaillir mon coeur » (LT 254). Le verbe est employé quatorze fois dans les écrits (MSA 60,2v; MSB 3,1r; LT 74 LT 107 LT 134 LT 254 LT 258 LT 261, cinq fois dans les RP), ainsi qu'en CJ 17.7 et 20.8.4.

Note 2. Un constat de ressemblance dans la faiblesse qui a le don de toucher Thérèse; cf. par exemple PN 52,11. Sur l'expérience de la souffrance de Marie, cf. CJ 20.8.11.

Note 3. La belle image de « l'Humble et Douce Vallée », lit de « l'Océan de l'Amour », suggère bien cette plénitude de repos que Dieu demande et offre à la créature qui Le reçoit en elle.

Note 4. Un mystère de la Toute-Puissance s'accomplissant dans la petitesse de la créature, tel est le « trésor » commun à la Mère et à l'enfant. Elles ont reçu l'une et l'autre « l'ineffable trésor de la virginité » (3, 4), « terre natale de Jésus » (LT 122). Elles possèdent en elles « le Fils égal au Père » (4, 6), l'une par le mystère unique de l'Incarnation (str. 4), l'autre par l'inhabitation trinitaire (5, 1-2 renvoie à PN 17,2) et spécialement par la communion eucharistique (5, 7-8). Mère et enfant accueillent en elles « Jésus, (le) Doux Agneau » avec des dispositions identiques.

Note 5. Comme dans PN 24, le « coeur » tient une grande place dans ce poème; mentionné quatorze fois, il concerne dix fois Marie.

Note 6. Une image bien thérésienne, où le Magnificat est comparé à une roseraie qui « embaume » (toute la richesse de la rose et du parfum, chez Thérèse... ).

Note 7. Un sujet difficile, traité avec sobriété. Thérèse traduit en belles images l'expectative douloureuse de Joseph ou « l'éloquent silence » de la Vierge.

Note 8. « Se cacher » (13,7; 15,6; 16,7). «chercher »(14,4 et 7; 15,8): c'est le jeu austère que décrivent les vingt-quatre vers consacrés au « mystère du temple ». La méditation s'approfondit jusqu'à l'admirable protestation de patience de 16, 5-8, un sommet du poème, où l'on retrouve le dépouillement pathétique de la Rose effeuillée.

Note 9. Ces deux vers (1-2) développent l'intuition énoncée en 15, 7-8: c'est Jésus qui veut (deux fois) l'épreuve pour ceux qu'il aime le plus. Cette certitude constante chez Thérèse est affirmée plusieurs fois dans la correspondance; cf. entre bien d'autres LT 190.

Note 10. Cette joie dans la souffrance est bien attestée à cette époque de la vie de Thérèse; cf. MSC 7,1r; LT 253 PN 47,3; et dans les Derniers Entretiens. On mesurera le progrès accompli depuis janvier, en relisant PN 45 où la « Joie » est encore un acte de foi volontaire et, dirait-on, pas très gaie... Après avoir atteint le point extrême de l'abandon (Une Rose effeuillée), elle sera, à l'infirmerie, pleinement naturelle, d'une franche gaieté.

Note 11. Ce n'est pas seulement « la foi » qui « s'éteindras » pour elle comme pour tout le monde au dernier jour, mais « la nuit, l'angoisse du coeur »; cf. MSC 5,2v . Thérèse « consent » à une patience illimitée. Abandon héroïque qu'exprime l'image admirable de « la foi » (ce « flambeau lumineux » au coeur de la nuit, MSC 6,1r ) qui « s'éteint » quand se lève le « jour sans couchant » de la vision face à face.

Note 12. La « colline » où sont rassemblés « les pécheurs »: une précision que ne présente aucun des synoptiques, mais qui rejoint l'esprit du Ms C.

Note 13. Marie ne retient pas jalousement sa condition unique de « Mère de Jésus. Elle accepte une désappropriation du titre, en attendant la désappropriation effective quand Jean doit remplacer Jésus » (24, 2).

Note 14. Le voile retombe sur l'existence de Marie. Thérèse ne mentionne pas la descente de croix. Elle « voit.. regarde... entend... écoute... » ce que rapporte l'évangéliste, et ne va pas au-delà, dans l'imaginaire: elle omet donc les « mystères glorieux »; Jésus lui-même se réserve d'en être le chantre au ciel (cf. str. 24).

Note 15. Le sourire de la Vierge aux Buissonnets, le 13 mai 1883, cf. MSA 30,1r . Le 8 juillet, à sa descente à l'infirmerie, Thérèse y trouve la Vierge du Sourire pour l'accueillir: « Jamais elle ne m'a paru si belle » (DE, pp. 455s.). Une heure avant sa mort, elle la fixera encore longuement (DE, p. 383).

Note 16. Le poème revient sur lui-même, la boucle se referme avec le v. 5 qui répond à la strophe 1.

Note d'introduction à la POESIE SUPLEMENTAIRE N 1

Voir INTRODUCTION GENERALE AUX POESIES SUPPLEMENTAIRES finale de l'Intr. aux poésies

« - O DIEU CACHE - »

- DATE: 6 janvier 1895 ou 1896. - COMPOSEE POUR: la Communauté. - PUBLICATION: Poésies, 1979. - MELODIE: Joseph inconnu sur la terre.
Cet essai inachevé était sans doute destiné à une récréation de communauté, un soir d'Epiphanie. Amélioré et complété, il aurait pu soutenir la comparaison avec d'autres poésies de Thérèse. Quelques décasyllabes bien venus, telle image évocatrice (« ta sanglante auréole ») montrent déjà un certain métier. Pour cette raison, on pourrait intervertir l'année des deux compositions PS 1 et PS 2 . Toutefois les thèmes et surtout le mouvement profond s'apparentent à ceux des « Anges à la Crèche de Jésus » (RP 2, Noël 1894).

Note d'introduction pour la POESIE

SUPPLEMENTAIRE N 2

Voir INTRODUCTION GENERALE AUX POESIES SUPPLEMENTAIRES finale de l'Intr. aux poésies

« -- EN ORIENT -- »

- DATE: 6 janvier 1896 OU 1895. - COMPOSEE POUR: la Communauté. - PUBLICATION: Poésies, 1979.

Un autre essai inachevé, pour une fête d'Epiphanie. Les strophes courtes rappellent la fin de PN 28.

Note d'introduction pour la POESIE

;SUPPLEMENTAIRE N 3

Voir INTRODUCTION GENERALE AUX POESIES SUPPLEMENTAIRES finale de l'Intr. aux poésies

« - DEPUIS CINQUANTE ANS - »

- DATE: 15 janvier 1896 (?). - COMPOSEE POUR: Soeur Saint-Stanislas. - PUBLICATION: Poésies, 1979.

Des vers dont le niveau ne dépasse guère celui de PN 2. Qu'ils concernent l'anniversaire d'entrée de la doyenne du Carmel (6/4/1845) ou, comme il semble plus probable, celui de sa prise d'habit (15/1/1846), ils marquent de toute façon une régression. Leur seul mérite est d'évoquer la bonté de soeur Saint-Stanislas (cf. CG, p. 1172: « une bonté inépuisable »), qui lui attire l'affection unanime de la communauté. Dans quelques mois, pour le jubilé de profession (8/2/1897), Thérèse se rachètera en composant la petite pièce: Saint Stanislas Kostka (RP 8).

Note d'introduction pour la POESIE

SUPPLEMENTAIRE N 4

Voir INTRODUCTION GENERALE AUX POESIES SUPPLEMENTAIRES finale de l'Intr. aux poésies

« - LE CIEL EN EST LE PRIX - »

- DATE: juiliet 1896 (?). - COMPOSEE POUR: le noviciat. - PUBLICATION: Poésies, 1979. - MELODIE: cantique Le Ciel en est le prix.

Copiés de la main de Thérèse, ces couplets humoristiques sont-ils de sa composition? C'est très douteux. Elle a pu y participer joyeusement, pendant une récréation de noviciat. Mais le branle a dû être donné par soeur Marie de l'Eucharistie, qui en serait l'auteur principal; n'écrivait-elle pas à sa mère (le 6 ou le 7/7/1896): «Je vais joindre à ma lettre si je le peux mon fameux cantique sur la vie des carmélites »?
Quoi qu'il en soit, Thérèse ne manque pas de canaliser la gaieté de son trio: Céline, Marie de la Trinité, Marie Guérin, pour les stimuler à une plus grande générosité.
On a essayé de rétablir un ordre logique, sinon chronologique, dans ces bouts rimés qui déroulent la journée d'une carmélite en 1896, dans un style revue d'étudiants. Voici évoqués avec bonne humeur: le lever matinal (str. 1); la pauvreté d'une cellule (2-4); l'habillage où, visiblement, « l'armure » (les instruments de pénitenee...) tient une grande place (5-9); le repas frugal (10-14); la récréation en commun (15-18); l'exercice de pénitence (19-20) transformé en exercice de comptabilité par cette jeunesse rieuse; le tout ordonné au combat apostolique (21), comme le voulait expressément sainte Thérèse d'Avila pour ses filles.
Nous rétablissons la première ligne à chaque couplet; seul le premier la comporte sur le manuscrit.

Note 1. Sorte de crécelle (pièce de métal sur une planche de bois) qu'on agitait sous les cloîtres et dans les dortoirs pour le réveil, à cinq heures moins un quart, en été.

Note 2. Objets proscrits par les Constitutions de sainte Thérèse d'Avila.

Note 3. Les instruments de pénitenee (« Croix, chaines et cilice ») On sait qu'en 1896, malgré son hémoptysie, Thérèse pratiquait généreusement ces pénitences surérogatoires, autant que le lui permettait sa prieure, Mère Marie de Gonzague; cf. DE, pp. 497-499; CG, pp. 883, 1189. Toutefois, dans ses poésies, elle chante d'autres « armes »: cf. PN 34 et PN 48, Mes Armes, composée précisément pour Marie de l'Eucharistie.

Note 4. Un mot totalement absent des écrits de Thérèse (mais non de sa vie religieuse); « jeûne » ne s'y rencontre qu'une fois (MSC 4,2v ). On jeûne alors du 14 septembre à Pâques et en de nombreuses occasions (Quatre-Temps, Vigiles des fêtes, etc.).

Note 5. Les lundi, mercredi, vendredi, à la fin du « silence » du soir (de 20 h à 21 h), les soeurs prenaient la discipline en commun, au choeur, mis alors dans l'obscurité; elles récitaient le Ps 50. Cela faisait en effet du « bruit »!

Note 6. Précision confirmée avec humour par soeur Geneviève, des années plus tard, à sa soeur Léonie: « J'ajouterai pour t'amuser qu'une fois au noviciat nous avions fait le calcul des coups de discipline que nous prenions par an, je vais t'en rendre compte. A raison de 300 coups par Miserere, ce qui est le minimum (Thérèse allait jusqu'à 370, même 400, je crois que c'est le maximum). A raison, dis-je, de 300 par Miserere, on en prend par an 66000 sans compter les disciplines de grâce ou de dévotion. Tu vois que nous sommes habituées et comme l'habitude est une seconde nature, nous n'avons pas grand mérite. Si tu veux nous imiter, tu verras que je dis vrai » (à soeur Françoise-Thérèse, 1/10/1909). Sur le même sujet, CSG 143-144 et 58: Thérèse s'appliquait à sourire pendant cet exercice.

Note d'introduction pour la POESIE

SUPPLEMENTAIRE N 5

Voir INTRODUCTION GENERALE AUX POESIES SUPPLEMENTAIRES finale de l'Intr. aux poésies

« - POUR UNE SAINTE-MARTHE - »

- DATE: 29 juillet 1896. - COMPOSEE POUR: les soeurs converses. - PUBLICATION: Poésies, 1979. - MELODIE: non indiquée.

Selon une vieille tradition de l'Ordre, la Sainte-Marthe est fêtée par des réjouissances en l'honneur des « soeurs du voile blanc » (converses). Une chanson figure au programme, ainsi que des cadeaux: de l'utile pour les besoins de la cuisine et autres emplois; de l'agréable que les soeurs offrent ensuite à leurs familles.
En 1895, Thérèse a composé et joué Jésus à Béthanie (RP 4). Cette année (1896), ce sont surtout les Guérin qui font les frais de la fête: cadeaux variés qui leur vaut une lettre de remerciements. Peut-être ont-ils donné les jouets: « bateau », « roquet », « cochon », « chat », que Thérèse présente aux destinataires en couplets amusants (qui comptent plus d'un vers faux). On peut penser que Thérèse et les trois novices choristes offraient chacune à leur tour les cadeaux destinés aux quatre soeurs du voile blanc.


Thérèse EJ, Poésies 4600