Presbyterorum Ordinis 2 15

II. Exigences spirituelles particulières dans la vie du prêtre *

15 Parmi les vertus qui sont tout particulièrement exigées par le ministère des prêtres *, il faut mentionner cette disposition d’âme qui leur permet d’être toujours prêts à rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de celui qui les a envoyés 27. En effet, l’oeuvre divine, pour l’accomplissement de laquelle le Saint-Esprit les a appelés 28, dépasse toutes les forces humaines et toute sagesse humaine ; « Dieu a choisi ce qu’il y a de faible dans le monde, pour confondre ce qui est fort » (1Co 1,27). Conscient de sa propre faiblesse, le véritable ministre du Christ travaille dans l’humilité, vérifie ce qui est agréable à Dieu 29, et, enchaîné pour ainsi dire par l’Esprit30, il se laisse conduire en tout par la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés ; cette volonté, il peut la découvrir et la suivre dans les situations de la vie quotidienne, en se mettant humblement au service de tous ceux qui lui ont été confiés par Dieu, à travers la charge qui lui a été assignée et à travers les multiples événements de sa vie.

Mais comme le ministère sacerdotal est le ministère de l’Église elle-même, il ne peut être exercé que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. La charité pastorale pousse donc les prêtres * à ce que, agissant dans le cadre de cette communion, ils mettent, par obéissance, leur volonté propre au service de Dieu et des frères, en accueillant et en exécutant, dans un esprit de foi, ce qui est ordonné ou recommandé par le Souverain Pontife et par leur évêque propre, ainsi que par leurs autres supérieurs. Volontiers ils dépenseront tout et se dépenseront eux-mêmes tout entiers 31 dans toutes les charges qui leur sont confiées, fussent-elles humbles et pauvres. De cette façon, ils maintiennent et renforcent la nécessaire unité avec leurs frères dans le ministère, surtout avec ceux que Dieu a établis comme dirigeants visibles de son Église et, de cette façon aussi, ils travaillent à l’édification du Corps du Christ, qui grandit grâce à « toutes sortes de jointures à son service32 ». Cette obéissance qui conduit à une maturité plus grande dans l’exercice de la liberté des enfants de Dieu exige, par sa nature même, que les prêtres *, alors que, dans l’accomplissement de leurs tâches et sous la poussée de la charité, ils cherchent prudemment des voies nouvelles en vue de l’accroissement du bien de l’Église, proposent leurs projets avec confiance et soulignent les besoins du troupeau qui leur est confié, en se montrant toujours prêts à se soumettre au jugement de ceux qui exercent une fonction importante de direction dans le gouvernement de l’Église.

Par cette humilité et par cette obéissance responsable et volontaire les prêtres * se modèlent sur le Christ, ayant en eux les mêmes sentiments que ceux du Christ Jésus qui « s’est dépouillé lui-même en prenant la forme de serviteur [...] en se faisant obéissant jusqu’à la mort » (Ph 2,7-8) et par son obéissance a vaincu et racheté la désobéissance d’Adam, selon le témoignage de l’Apôtre : « Par la désobéissance d’un seul homme, la multitude a été constituée pécheresse ; de même, par l’obéissance d’un seul, la multitude sera constituée juste » (Rm 5,19).

27 Cf. Jn 4, 34 ; 5, 30 ; 6, 38.
28 Cf. Ac 13, 2.
29 Cf. Ep 5, 10.
30 Cf. Ac 20, 22.
31 Cf. 2 Co 12, 15.
32 Cf. Ep 4, 11-16.


16 La continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume des cieux, recommandée par le Christ Seigneur 33, et volontiers acceptée et observée de façon louable par un grand nombre de fidèles au cours des temps et même encore de nos jours, a toujours été tenue en grande estime par l'Église, spécialement pour la vie sacerdotale. Elle est en effet un signe et un stimulant de la charité pastorale, et une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde34. Certes, elle n’est pas exigée par la nature même du sacerdoce, comme cela ressort de la pratique de l’Église primitive 35 et de la tradition des Églises orientales dans lesquelles, à part ceux qui, avec tous les évêques, choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat, il y a aussi des prêtres * d’un très grand mérite qui sont mariés ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n’a nullement l’intention de modifier la discipline différente, qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales ; il exhorte, de façon affectueuse, tous ceux qui, étant mariés, ont été ordonnés prêtres *, à persévérer dans leur sainte vocation et à continuer à vouer pleinement et généreusement leur vie au troupeau qui leur a été confié36.

Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. En effet, la mission du prêtre est vouée tout entière au service de l’humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde et qui tire son origine « non pas du sang, ni d’un vouloir charnel, mais de Dieu » (
Jn 1,13). Par la virginité ou le célibat gardés à cause du Royaume des cieux 37, les prêtres * sont consacrés au Christ d’une manière nouvelle et éminente, s’attachent plus facilement à lui sans que leur coeur soit partagé 38, s’adonnent plus librement en lui et par lui au service de Dieu et des hommes, se mettent avec plus de disponibilité au service de son Royaume et de son oeuvre de régénération surnaturelle, et deviennent plus aptes à accueillir plus largement la paternité dans le Christ. De cette façon, ils confessent devant les hommes qu’ils veulent s’adonner sans réserve à la tâche qui leur est confiée, et qui est de fiancer les fidèles à l’époux unique et de les présenter au Christ comme une vierge pure 39, et ils évoquent les noces mystérieuses qui, instituées par Dieu, et destinées à se manifester pleinement dans les temps à venir, sont celles par lesquelles l’Église aura comme unique époux le Christ40. De plus, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari 41.

Pour ces raisons fondées dans le mystère du Christ et sa mission, le célibat qui d’abord avait été recommandé aux prêtres fut ensuite imposé par une loi dans l’Église latine à tous ceux qui se présentent aux ordres sacrés. Ce saint Concile approuve et confirme de nouveau cette législation en ce qui concerne les candidats qui se destinent au presbytérat, et dans l’Esprit il exprime sa confiance que le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, est accordé avec générosité par le Père, pourvu que ceux qui participent au sacerdoce du Christ par le sacrement de l’ordre, et avec eux l’Église tout entière, le demandent humblement et instamment. Le saint Concile exhorte également tous les prêtres * qui, se fiant à la grâce de Dieu, ont accepté le célibat dans une décision libre, en suivant l’exemple du Christ, à s’y attacher de toute leur âme et de tout leur coeur et à persévérer fidèlement dans cet état en reconnaissant la grandeur de ce don que le Père leur a accordé et que le Seigneur exalte si ouvertement 42 , et en ayant devant les yeux les grands mystères signifiés et réalisés par le célibat. Plus, dans le monde actuel, une parfaite continence est jugée impossible par bien des hommes, plus grandes doivent être l’humilité et la persévérance avec lesquelles les prêtres * demanderont, en union avec l’Église, la grâce de la fidélité, qui n’est jamais refusée à ceux qui la demandent, en ayant recours, en même temps, à tous les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Ils n’omettront pas de suivre les règles qui ont été éprouvées par l’expérience de l’Église, surtout celles de l’ascèse, et qui ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui. Le saint Concile prie donc non seulement les prêtres, mais aussi tous les fidèles, d’avoir à coeur ce don précieux du célibat sacerdotal, et de demander tous ensemble à Dieu de l’accorder toujours avec abondance à son Église.

33 Cf. Mt 19, 12.
34 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, 21 nov. 1964, n. 42, AAS 57 (1965), p. 47-49 (voir p. 136).
35 Cf. 1 Tm 3, 2-5 ; Tt 1, 6.
36 Cf. Pie XI, encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935, AAS 28 (1936), p. 28.
37 Cf. Mt 19, 12.
38 Cf. 1 Co 7, 32-34.
39 Cf. 2 Co il, 2.
40 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, 21 nov. 1964, n. 42 et 44, AAS 57 (1965), p. 47-49 et 50-51 (voir p. 883-884 et 885-886) ; décret Perfectae caritatis sur l’adaptation et la rénovation de la vie religieuse, 28 oct. 1965, n. 12 (voir p. 254).
41 Cf. Lc 20, 35-36 ; Pie XI, encycl. Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935, AAS 28 (1936), p. 24-28 ; Pie XII, encycl. Sacra Virginitas, 25 mars 1954, AAS 46 (1954), p. 169-172.
42 Cf. Mt 19, 11.

17 Par des relations amicales et fraternelles entre eux et avec les autres hommes, les prêtres * peuvent apprendre à cultiver les valeurs humaines et à apprécier des biens créés comme dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant toujours savoir que, selon la parole de notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde 43. Usant donc de ce monde comme s’ils n’en usaient pas 44, ils parviendront à cette liberté, qui, les libérant de tout souci désordonné, les rendra dociles pour l’écoute de la voix de Dieu dans la vie quotidienne. A partir de cette liberté et de cette docilité se développe le discernement spirituel qui permet de trouver l’attitude juste à l’égard du monde et des biens terrestres.

Cette attitude est d’une grande importance pour les prêtres *, parce que la mission de l’Église s’accomplit au sein du monde et que les biens créés sont absolument nécessaires au progrès personnel de l’homme. Les prêtres seront donc reconnaissants pour tout ce que le Père céleste leur donne pour mener correctement leur vie. Mais ils doivent juger à la lumière de la foi tout ce qu’ils rencontrent, afin d’en arriver à un bon usage des biens correspondant à la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui pourrait nuire à leur mission.

En effet, les prêtres, dont à la vérité le Seigneur est la « part et l’héritage » (
Nb 18,20), doivent faire usage des biens temporels aux seules fins auxquelles l’enseignement du Christ Seigneur et les dispositions de l’Église permettent de les destiner.

Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront, selon leur nature et suivant les directives des lois ecclésiastiques, dans la mesure du possible avec l’aide de laïcs experts, et ils les utiliseront toujours pour des objectifs pour la poursuite desquels il est permis à l’Église de posséder des biens temporels, à savoir pour organiser le culte divin, pour assurer au clergé une honnête subsistance, pour exercer les activités d’apostolat sacré ou de charité, surtout à l’égard des pauvres 45. Les biens qu’ils acquièrent à l’occasion de l’exercice d’une fonction ecclésiastique, étant saufs des droits particuliers 46, les prêtres *, tout comme les évêques, les utiliseront en premier lieu pour une honnête subsistance et pour l’accomplissement des devoirs de leur état ; et ils voudront bien employer ce qui restera pour le bien de l’Église ou l’affecter aux oeuvres de charité. Ils ne doivent pas considérer une fonction d’Église comme source de bénéfice, ni utiliser les revenus qui en proviennent pour augmenter leur patrimoine personnel47. C’est pourquoi les prêtres, loin d’attacher leur coeur aux richesses48, éviteront toujours toute espèce de cupidité et se garderont soigneusement de toute apparence d’activité commerciale.

Bien plus, ils sont invités à embrasser la pauvreté volontaire, par laquelle ils se modèlent sur le Christ et sont de façon plus manifeste rendus plus disponibles au ministère sacré. Car le Christ s’est fait pauvre pour nous, alors qu’il était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté49. Les apôtres, de leur côté, ont témoigné par leur exemple qu’il faut donner gratuitement ce que Dieu donne gratuitement50, et ils ont su tout aussi bien être à l’aise et souffrir du dénuement51. Une certaine mise en commun des biens, à l’image de la communauté des biens dont on fait l’éloge dans l’histoire de l’Église primitive 52, prépare au mieux la voie à la charité pastorale ; par cette forme de vie les prêtres * peuvent, de façon louable, revenir à la pratique de l’esprit de pauvreté qui est recommandé par le Christ.

Conduits par l’Esprit du Seigneur, qui a oint le Sauveur et l’a envoyé évangéliser les pauvres 53, les prêtres * et les évêques éviteront tout ce qui pourrait, de quelque façon que ce soit, écarter les pauvres ; plus que les autres disciples du Christ, ils écarteront toute apparence de vanité dans ce qu’ils possèdent. Ils installeront leur logement de telle manière qu’il ne paraisse inaccessible à personne, et que jamais personne, même les plus humbles, n’appréhende d’y venir.

43 Cf. Jn 17, 14-16.
44 Cf. 1 Co7, 31.
45 Concile d’Antioche, can. 25, Mansi 2, 1328 ; Décret de Gratien, c. 23, C. 12, q. 1, éd. Friedberg, I, p. 684-685.
46 Cette clause renvoie avant tout aux droits et coutumes en vigueur dans les Églises orientales.
47 Concile de Paris (829), can. 15, MGH, Legum sect. III, Concilia, t. 2, pars 6, 622 ; Concile de Trente, Sess. 25, De Reform. chap. 1.
48 Cf. Ps 62 (Vulg. 61), 11.
49 Cf. Ac 8, 18-25.
50 Cf. Ph 4, 12.
51 Cf. Ac 2, 42-47.
52 Cf. 2 Co 8, 9.
53 Cf. Lc 4, 18.


III. Moyens au service de la vie des prêtres *

18 Pour que dans toutes circonstances de la vie les prêtres * puissent mieux vivre leur union au Christ, ils disposent, outre l’exercice conscient de leur ministère, de moyens généraux et particuliers, nouveaux et anciens, que l’Esprit Saint n’a jamais cessé de susciter dans le Peuple de Dieu, et que l’Église recommande, et parfois même impose34, pour la sanctification de ses membres. Parmi tous les secours spirituels la place la plus importante revient aux actes par lesquels les fidèles se nourrissent de la Parole de Dieu à la double table de l’Écriture sainte et de l’Eucharistie35 : il n’échappe à personne combien importante est leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres *.

Les ministres de la grâce sacramentelle sont intimement unis au Christ Sauveur et Pasteur en recevant avec fruit les sacrements, spécialement en pratiquant fréquemment la pénitence sacramentelle, qui, préparée par l’examen de conscience quotidien, favorise tellement la nécessaire conversion du coeur à l’amour du Père des miséricordes. A la lumière de la foi nourrie par la lecture de l’Écriture, ils peuvent rechercher avec soin les signes de la volonté de Dieu et les impulsions de sa grâce dans les divers événements de la vie, et devenir ainsi de plus en plus dociles à la mission qu’ils ont assumée dans le Saint-Esprit. De cette docilité ils trouvent toujours un exemple admirable dans la bienheureuse Vierge Marie qui, sous la conduite de l’Esprit, s’est vouée tout entière au mystère de la rédemption des hommes 36 ; les prêtres* vénéreront et aimeront avec une dévotion et une piété filiales celle qui est la mère du Prêtre souverain et éternel, la reine des apôtres et le soutien de leur ministère.

Pour accomplir leur ministère en toute fidélité, les prêtres auront à coeur l’entretien quotidien avec le Christ Seigneur à l’occasion de la visite et du culte personnel de la très sainte Eucharistie ; ils s’adonneront volontiers à la retraite spirituelle et tiendront en grande estime la direction spirituelle. De bien des façons, spécialement par l’oraison mentale et les différentes formes de prières éprouvées qu’ils choisissent librement, les prêtres * recherchent et demandent instamment à Dieu le véritable esprit d’adoration par lequel, ensemble avec le peuple qui leur est confié, ils s’unissent intimement au Christ, médiateur de la Nouvelle Alliance, et ils peuvent ainsi crier, comme des fils adoptifs : « Abba, Père » (
Rm 8,15).

54 Cf. Code de droit canonique, can. 125 s.
55 Cf. Conc. Vat. II, décret Perfectae caritatis sur l’adaptation et la rénovation de la vie religieuse, 28 oct. 1965, n. 6 (voir plus haut p. 250). Const. dogm. Dei Verbum sur la révélation divine, 18 nov. 1965, n. 21 (voir plus haut p. 326).
56 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, 21 nov. 1964, n. 65, AAS 57 (1965), p. 64-65 (voir plus haut p. 160-162).


19 Au cours du rite sacré de l’ordination les prêtres * sont exhortés par l’évêque « à avoir la maturité dans la science » et à faire de leur enseignement « un remède spirituel pour le Peuple de Dieu 57 ». Mais la science du ministre sacré doit elle-même être sacrée, parce que, découlant d’une source sacrée, elle est ordonnée à une fin sacrée. Elle est puisée en premier lieu dans la lecture et la méditation de la sainte Ecriture5S, mais elle se nourrit aussi avec fruit de l’étude des saints Pères, des docteurs et d’autres sources de la Tradition. En outre, pour pouvoir donner des réponses appropriées aux questions soulevées par les hommes de notre temps, les prêtres * doivent bien connaître les documents du magistère, et surtout ceux des conciles et des Pontifes romains, et ils doivent consulter les auteurs théologiques les meilleurs et les plus éprouvés.

Comme de notre temps la culture humaine et même les sciences sacrées font des progrès toujours nouveaux, les prêtres * sont appelés à perfectionner, de façon appropriée et continuelle, leurs connaissances religieuses et humaines, et à se préparer ainsi à engager un dialogue plus opportun avec leurs contemporains.

Pour que les prêtres * puissent s’adonner plus facilement aux études et s’initient avec plus d’efficacité aux méthodes d’évangélisation et d’apostolat, on mettra tout son soin à leur fournir les moyens appropriés comme le sont l’organisation de cours ou de congrès en fonction des situations propres à chaque territoire, l’érection de centres destinés aux études pastorales, la constitution de bibliothèques, et une direction des études par des personnes qui en ont les aptitudes. En outre, les évêques, chacun pour sa part ou bien en union entre eux, chercheront à trouver les meilleures solutions pour que tous leurs prêtres *, à des moments déterminés, tout spécialement quelques années après leur ordination59, puissent suivre un cycle de formation, qui leur fournisse l’occasion d’acquérir des connaissances plus complètes au sujet des méthodes pastorales et de la science théologique, ainsi que d’affermir leur vie spirituelle et de partager avec leurs frères leurs expériences apostoliques60. Grâce à ces moyens et à d’autres qui y sont adaptés, on viendra en aide, avec un soin particulier, aux nouveaux curés et à ceux qui sont affectés à une activité pastorale nouvelle, ou qui sont envoyés dans un autre diocèse ou dans un autre pays.

Enfin les évêques veilleront à ce que certains prêtres s’adonnent à une étude approfondie des sciences sacrées pour que ne manquent jamais les maîtres aptes à former les clercs, pour que les autres prêtres et les fidèles soient aidés à acquérir les connaissances nécessaires, et pour que soit favorisé le sain progrès des sciences sacrées, absolument nécessaire à l’Église.

57 Pontifical romain, Ordination des prêtres.
58 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm., Dei Verbum sur la Révélation divine, 18 nov. 1965, n. 25 (voir plus haut p. 328).
59 Cet élément de formation est distinct de la formation pastorale intervenant aussitôt après l’ordination, dont parle le décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 22 (voir p. 284).
60 Cf. Conc. Vat. II, décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 16 (voir plus haut p. 222).


20 Voués au service de Dieu par l’accomplissement de la tâche qui leur est confiée, les prêtres * méritent de recevoir une juste rémunération, car « l’ouvrier mérite son salaire » (Lc 10,7)61 et «le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile » (1Co 9,14). C’est pourquoi, dans la mesure où une juste rémunération n’est pas assurée par d’autres voies, les fidèles eux-mêmes, pour le bien desquels les prêtres * exercent leurs activités, sont tenus par l’obligation, au sens propre du mot, de veiller à ce que l’on puisse procurer aux prêtres * les moyens nécessaires pour mener une vie digne et honnête. Les évêques, pour leur part, sont tenus de rappeler cette obligation aux fidèles et doivent prendre soin, chacun pour son diocèse ou, encore mieux, à plusieurs ensemble pour un même territoire, d’établir des règles en vue d’assurer comme il se doit une honnête subsistance à ceux qui s’acquittent, ou se sont acquittés, d’une fonction au service du Peuple de Dieu. La rémunération perçue par chacun, compte tenu de la nature de la fonction exercée et des circonstances de temps et de heu, sera fondamentalement la même pour tous ceux qui se trouvent dans la même situation ; elle sera adaptée à leur condition et leur donnera en outre la possibilité non seulement d’assurer comme il se doit la rémunération de ceux qui se dévouent au service des prêtres *, mais encore de secourir par eux-mêmes, d’une manière ou d’une autre, ceux qui sont dans le besoin, car, depuis les origines, ce ministère à l’égard des pauvres a toujours été en grand honneur dans l'Eglise. Par ailleurs, cette rémunération sera telle qu’elle permette aux prêtres * de prendre chaque année des vacances méritées, pendant une durée suffisante ; les évêques doivent veiller à ce que les prêtres puissent disposer de ce temps de vacances.

C’est à la fonction remplie par les ministres sacrés que doit être reconnue la première place. C’est pourquoi le système dit des « bénéfices » doit être abandonné, ou du moins être réformé de telle sorte que la part de « bénéfice », c’est-à-dire le droit aux revenus de la dotation attachée à la fonction, soit considérée comme secondaire, et que la priorité soit attribuée dans le droit à la fonction ecclésiastique elle-même, par quoi il faut comprendre dorénavant toute charge conférée de façon stable pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.

61 Cf. Mt 10, 10 ; 1 Co 9, 7 ; Tm 5, 18.


21 Il faut toujours avoir devant les yeux l’exemple des croyants de l’Église primitive à Jérusalem : « Entre eux tout était commun » (Ac 4,32) et « on distribuait à chacun selon ses besoins » (Ac 4,35). C’est en ce sens qu’il est de la plus haute convenance que, au moins dans les régions dans lesquelles la sustentation du clergé dépend, entièrement ou en grande partie, des dons des fidèles, soit fondée, pour la collecte des fonds offerts à cette fin, une institution diocésaine, administrée par l’évêque lui-même, assisté de prêtres délégués et, là où l’utilité le conseille, de laïcs experts en matière économique. On souhaite également que, dans la mesure du possible, on constitue, pour chaque diocèse ou pour chaque pays, un fonds commun, qui permette aux évêques de satisfaire à d’autres obligations envers les personnes qui sont au service de l’Église et de subvenir aux différents besoins du diocèse, qui permette aussi aux diocèses riches de secourir les diocèses pauvres, pour que le superflu des uns pourvoie au dénuement des autres 62. Ce fonds commun doit être constitué avant tout à partir des sommes provenant des offrandes des fidèles, mais également à partir d’autres ressources que le droit devra préciser.

En outre, dans les pays où la prévoyance sociale en faveur du clergé n’est pas encore correctement organisée, les conférences épiscopales, en tenant toujours compte des lois ecclésiastiques et civiles, veilleront à ce qu’il y ait, soit des institutions diocésaines, même fédérées entre elles, soit des institutions pour plusieurs diocèses en même temps, soit une association établie pour l’ensemble du territoire, grâce auxquelles, sous la vigilance de la hiérarchie, on peut assurer une prévoyance et une assistance médicales satisfaisantes, ainsi que l’entretien qu’on doit aux prêtres * pour les cas d’infirmité, d’invalidité ou de vieillesse. Les prêtres, poussés par l’esprit de solidarité avec leurs frères, soutiendront l'Institution créée, prenant ainsi part à leurs tribulations 63, et prendront en compte le fait que de cette façon ils sont libérés de l’angoisse au sujet de leur sort futur et qu’ils peuvent par conséquent pratiquer la pauvreté avec plus d’ardeur évangélique et se vouer entièrement au salut des âmes. Les responsables concernés s’appliqueront à obtenir que les institutions des différents pays s’unissent entre elles, pour acquérir par là une solidité plus grande et connaître une plus large diffusion.

62 Cf. 2 Co 8, 14.


Conclusion et exhortation

22 Tout en considérant les joies de la vie sacerdotale, le saint Concile ne peut cependant pas passer sous silence les difficultés que les prêtres * endurent dans les circonstances actuelles. Il sait aussi combien grandes sont les transformations des conditions économiques et sociales et même de la situation en matière de moeurs, et combien profonds sont les bouleversements de la hiérarchie des valeurs dans l’évaluation des hommes ; aussi les ministres de l’Église, et parfois même les fidèles, se sentent-ils dans le monde comme étrangers à celui-ci, cherchant avec anxiété par quels moyens et paroles appropriés ils pourraient communiquer avec lui. Les nouveaux obstacles qui entravent la loi, l’apparente stérilité du travail accompli et la dure solitude qu’ils éprouvent parfois, peuvent leur faire courir le risque de se laisser aller au découragement.

Mais ce monde, tel qu’il est confié aujourd’hui à l’amour et au ministère des Pasteurs de l’Église, Dieu l’a aimé au point qu’il a donné pour lui son Fils unique 64. En réalité, ce monde, enserré dans les liens de nombreux péchés, mais doté aussi de riches possibilités, fournit à l’Église les pierres vivantes 65 qui sont intégrées à la construction pour devenir une demeure de Dieu dans l’Esprit 66. Le même Esprit Saint, tout en poussant l’Église à ouvrir des voies nouvelles pour aller à la rencontre du monde de ce temps, suggère aussi et encourage les adaptations du ministère sacerdotal qui conviennent.

Les prêtres * se souviendront que dans l’accomplissement de leurs activités ils ne sont jamais seuls, mais qu’ils peuvent s’appuyer sur la force toute-puissante de Dieu ; et dans leur foi au Christ, qui les a appelés à participer à son sacerdoce, ils s’adonneront en toute confiance à leur ministère, sachant que Dieu a la puissance d’augmenter en eux la charité67. Ils se souviendront qu’ils ont pour compagnons leurs frères dans le sacerdoce, bien plus, les fidèles du monde entier. En effet tous les prêtres * coopèrent à l’accomplissement du dessein de salut de Dieu, du mystère ou sacrement du Christ caché depuis les siècles en Dieu 68, qui ne se réalise que progressivement, par le concours harmonieux des divers ministères en vue de l’édification du Corps du Christ, jusqu’à ce qu’il atteigne la plénitude de sa taille. Comme tout cela est caché en Dieu avec le Christ69, c’est surtout la foi qui peut le percevoir. C’est dans la foi que doivent marcher les guides du Peuple de Dieu, en suivant l’exemple d’Abraham le fidèle, qui « dans la foi obéit à l’appel de partir pour un pays qu’il devait recevoir en héritage et il partit ne sachant où il allait » (
He 11,8). En réalité, le dispensateur des mystères de Dieu peut être comparé à un homme qui jette du grain en terre et dont le Seigneur dit : « Qu’il dorme ou se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et pousse, et il ne sait comment » (Mc 4,27). D’ailleurs, le Seigneur Jésus, en disant : « Gardez courage ! J’ai vaincu le monde » (Jn 16,33), n’a pas promis pour autant à l’Église la victoire complète dans ce monde. Mais le saint Concile se réjouit de ce que la terre, ensemencée par la semence de l’Évangile, produit aujourd’hui bien du fruit en de nombreux endroits, sous la conduite de l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers et qui a éveillé dans le coeur de beaucoup de prêtres et de fidèles un esprit vraiment missionnaire. Pour tout cela, le saint Concile, avec toute son affection, remercie les prêtres * du monde entier : « A celui qui a le pouvoir de tout faire, bien au-delà de ce que nous demandons ou comprenons, en vertu de la puissance qui agit en nous, à lui la gloire dans l’Église et dans le Christ Jésus » (Ep 3,20-21).

63 Cf. Ph 4, 14.
64 Cf. Jn 3, 16.
65 Cf. 1 P 2, 5.
66 Cf. Ep2, 22.
67 Cf. Pontifical romain, Ordination des prêtres.
68 Cf. Ep 3, 9.
69 Cf. Col 3, 3.





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