Discours 1970 78

78 Amis étudiants, cet Evangile est vôtre : voulez-vous en être les porteurs avec vos chefs religieux, avec vos éducateurs, avec tous les chrétiens engagés, afin de bâtir sur cette terre, qui en est si avide et si digne, une société fraternelle ?

Voilà notre message : Dieu est lumière (
1Jn 1,5), Jésus-Christ est « la lumière du monde », qui le suit ne marche pas dans les ténèbres (cf. Jn Jn 8,12).

Que Dieu vous bénisse, qu'il illumine vos esprits pour la découverte de la vérité ; qu'il réchauffe vos coeurs pour l'exercice de la charité !






28 novembre



SALUT A LA CATHEDRALE





Paul VI à Djakarta.



Chers fils et chères filles,



Nous n'aurions pas satisfait à notre désir de rencontrer les grands peuples de l'Asie si Nous n'avions inscrit cette étape à Djakarta, capitale de l'Indonésie. Nous avons été heureux de saluer à notre arrivée à l'aéroport le peuple indonésien. Nous voulons Nous adresser plus spécialement à vous, chers fils et chères filles, dans cette cathédrale qui est votre temple de prières. C'est dans cette montée commune de nos âmes pour une action de grâces à Dieu que nous sommes rassemblés, animés par une même foi, une même volonté de porter aux hommes la Bonne Nouvelle du salut.

Nous sommes venu de loin. Vous savez que notre souci est celui de toutes les églises et que, de Rome, notre pensée, soutenue par la prière, ne cesse d'aller avec affection vers chacun de nos frères dans la foi. Aujourd'hui, la joie Nous est donnée de nous adresser à vous, nos frères dans l'Episcopat, et aussi à vous, prêtres, religieux et religieuses, qui représentez d'une manière privilégiée cette mission de l'évangélisation confiée à tout disciple du Christ (cf. Lumen Gentium LG 17). Nous connaissons votre amour de Jésus-Christ et de son Eglise ; Nous apprécions votre zèle pour l'Evangile ; Nous vous disons notre espoir de voir la vérité du salut s'étendre encore plus dans cette Asie, à laquelle elle est également destinée, car l'Evangile doit être prêché à toute créature (cf. Mc Mc 16,16). Que le Seigneur soutienne votre courage, qu'il accroisse sans cesse votre charité !

Vous, les prêtres, appréciez la grandeur de votre sacerdoce, qui vous configure au Christ, prêtre suprême et éternel (cf. He He 5,1-10). Comme lui, passez en faisant le bien, pressés par son amour (2Co 5,14), annonçant la Parole, sanctifiant vos fidèles et présentant à Dieu les besoins et les prières de tous (cf. He He 5,1-10).

Vous, religieux et religieuses, vivez dans la foi et dans la joie votre donation de vous-mêmes pour le bien de toute l'Eglise. Que Dieu vous fortifie pour travailler, chacun selon ses forces et selon la forme de sa propre vocation, pour enraciner et renforcer le règne du Christ dans les âmes et le répandre à tous (cf. Lumen Gentium LG 44).

Nous saluons avec une paternelle affection le peuple chrétien. Vous êtes, à la face du monde, le vivant témoignage de l'universalité du message évangélique : l'Eglise, qui a la mission de le diffuser, n'est liée ni à une race ni à une culture : chaque peuple y trouve les principes de son élévation, car l'Eglise, dans l'accomplissement de sa mission, concourt et stimule l'oeuvre civilisatrice (Gaudium et Spes, GS 58,3 et 4).

79 Que Dieu vous comble de sa grâce ! De tout coeur, Nous vous accordons notre paternelle bénédiction apostolique.

Semoga tuhan selalu melindungi saudara. Saudara sekalian ! (Dieu vous protège tous et toujours !).






29 novembre



MESSAGE MISSIONNAIRE





Paul VI à Pago Pago.



Chers fils et chères filles,



Me voici au milieu de vous. Je viens de loin, de Rome où sont les tombes des grands apôtres Pierre et Paul et de tant d'autres saints et martyrs, et je vous apporte leur bénédiction.

Ce n'est ni le goût des voyages ni un intérêt quelconque qui m'ont attiré chez vous : je viens parce que nous sommes tous frères ; ou bien parce que vous êtes mes fils et mes filles et qu'il convient qu'en tant que père de famille, de cette famille qu'est l'Eglise Catholique, je montre à chacun qu'il a droit à une égale affection. Savez-vous ce que veut dire « Eglise Catholique » ? Cela signifie qu'elle est pour l'univers entier, qu'elle est pour tous, qu'elle n'est étrangère nulle part : chaque homme, quelle que soit sa nation, sa race, son âge ou son instruction, a place chez elle.

Comment puis-je vous dire une chose si étonnante ? Parce que c'est ainsi que l'a voulu Jésus-Christ, le premier-né de tous les hommes. Il est le fils de Dieu, notre Père du ciel, et en même temps le fils de Marie, notre soeur par la race humaine. C'est lui qui nous sauve, c'est lui notre maître. C'est lui qui m'a envoyé, comme Il a envoyé vos missionnaires.

C'est de la part de Jésus-Christ, que ces hommes et ces femmes de Dieu sont venus dans vos îles: ils vous ont enseigné la même doctrine que celle que je vous porte ; ils étaient poussés par la même affection que la mienne.

L'oeuvre missionnaire, au nom de laquelle je me trouve parmi vous, qui a commencé le jour de la Pentecôte, se poursuit encore de nos jours. Elle est toujours nécessaire et toujours urgente. Il reste dans le monde beaucoup d'hommes qui n'ont pas trouvé la vérité ; la semence que Dieu a mise dans leurs coeurs n'a pas trouvé, faute de quelqu'un pour le leur enseigner, le terrain où pousser et s'épanouir totalement.

Aussi ai-je une faveur à vous demander, et c'est celle-ci : envoyons ensemble un message, c'est-à-dire une lettre, une invitation, à tous les catholiques du monde entier, pour dire qu'il y a encore beaucoup d'hommes, beaucoup de peuples, qui n'ont pas encore reçu de missionnaires ou qui en ont reçu trop peu. Et disons qu'il faut envoyer en ces endroits, et dans toutes les îles, et dans toutes les parties de la terre qui ne connaissent pas encore Jésus-Christ, de nouveaux missionnaires, hommes et femmes. Pour prêcher l'Evangile, pour baptiser tous ceux qui veulent se faire chrétiens. Et pour instruire les populations, pour faire l'école aux enfants, pour enseigner à la jeunesse ce qui est beau et ce qui est bon, pour le travail et pour donner à votre vie le moyen de croître et se développer ; et pour annoncer à tous qu'il faut respecter chaque être humain, pour apprendre aux hommes à bien vivre, dans la justice et dans la paix, et leur rappeler qui est Jésus Ressuscité, et comment nous devons aimer Dieu et aimer tous les hommes.

80 Vous plaît-elle, cette proposition ?

Je vous présente cette feuille, sur laquelle est écrit le message missionnaire. Nous la signerons tous. Ce sera le message catholique envoyé par les missions de Samoa en faveur des missions du monde entier. Le monde entier vous écoutera.

Nous Paul VI, — avec la communauté catholique — de l'Ile d'Upolu groupée autour de son Evêque, Pio Taofinu'u, et son clergé, — avec nos collaborateurs, les Cardinaux Eugène Tisserant et Agnelo Rossi, les Archevêques Giovanni Benelli, Agostino Casaroli et Sergio Pignedoli, l'Evêque Jacques Martin, — Nous lançons un appel qui veut être comme un cri à toute l'Eglise dispersée aux quatre horizons, de cette terre privilégiée, perdue dans l'immensité de l'Océan Pacifique, mais déjà ouverte de longue date au Message évangélique ; — En réponse aux accents angoissés des âmes avides de lumière qui nous interpellent : « Passe chez nous et viens à notre aide » (cf. Ac
Ac 16,9) — Saisis de pitié pour la foule qui a faim du pain de la Parole et du pain de l'Eucharistie et qui n'a personne pour les lui dispenser ; — Remplis d'admiration devant la richesse que Dieu a mis au coeur des hommes et les promesses merveilleuses de moisson évangélique, — Nous renouvelons l'invitation adressée, depuis le fond des âges, par Dieu aux âmes généreuses : « Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai » (cf. Gn Gn 12,1).

— A vous, évêques de la Sainte Eglise Catholique, qui, en vertu de la collégialité de l'épiscopat, partagez la sollicitude pour le bien de toute l'Eglise, (cf. Lumen gentium, LG 23) étendez votre ardeur apostolique à la sainte cause de la diffusion de l'Eglise dans le monde entier; (cf. Enc. Fidei Donuni) — A vous, prêtres, dont la foi aspire à se communiquer sur de plus larges espaces, venez porter le feu de votre zèle à ceux dont la simplicité de vie a sauvegardé la sensibilité aux valeurs de l'esprit ; — A vous, religieux et religieuses, dont la vie est toute tournée vers l'imitation du Seigneur, rejoignez les vaillantes générations des missionnaires qui, depuis des siècles, se sont faits, à sa suite, les messagers de la foi, de la paix et du progrès, en annonçant le Christ, le Maître, le Modèle, le Libérateur, le Sauveur (cf. Ad Gentes, AGD 8).

— A vous, jeunes gens et jeunes filles, dont l'âme assoiffée de vérité, de justice et d'amour, cherche de nobles causes à défendre dans l'effort et le désintéressement, nous disons : entendez l'appel à devenir les hérauts de la Bonne Nouvelle du Salut; venez, riches de votre foi et de votre enthousiasme juvénile, apprendre aux hommes qu'il est un Dieu qui les aime, qui les attend, qui les veut près de Lui comme des fils groupés autour du chef de famille, venez soigner les corps, éclairer les intelligences, enseigner à vivre mieux et à croître en humanité, édifier l'Eglise pour la plus grande gloire de Dieu.

— Vous qui êtes riches, offrez du bien dont Dieu vous confie la gérance, pour que vive l'apôtre et prospèrent ses initiatives pastorales ; — Vous qui êtes pauvres, offrez votre lutte et votre sueur pour le pain quotidien ; afin qu'à tous ce pain soit partagé ; — Vous qui souffrez, vous qui pleurez et êtes persécutés, offrez votre souffrance pour que croisse le corps du Christ dans la justice et l'espérance (cf. Co 1, 24).

A toute la chrétienté catholique, Nous disons : « Elargis l'espace de ta tente, déploie les tentures sans contrainte » (cf. Is Is 54,2). A un monde en marche vers son unité, fournissez l'aliment de l'indispensable harmonie ! Car si la recherche en commun de la vérité rapproche les hommes, seule la rencontre des coeurs cimente leur unité. De ce corps géant et mystique qu'est l'Eglise en formation, soyez les constructeurs dans l'Esprit de Jésus-Christ !

Il dépend de vous que demain la paix et la fraternité dissipent les ombres de mort. Dieu a besoin de vous pour qu'autour du Christ-Sauveur, monte et se lie à l'unisson (cf. Ep Ep 2,21) l'hymne au Créateur, Dieu et Père de tous (cf. Ep Ep 4,6).

Frères et soeurs inconnus, écoutez notre voix !

Et la grâce du Seigneur soit avec vous ! Amen !






1° décembre



AUX EVEQUES REUNIS EN CONFERENCE EPISCOPALE





81 Paul VI en Australie.



Ce n'est pas seulement pour vous parler que Nous sommes venus parmi vous, mais aussi et spécialement pour vous écouter. Et Nous vous avons écoutés volontiers, portant particulièrement notre attention sur les conclusions de votre assemblée. Nous nous ferons un agréable devoir de Nous rappeler vos discours et de réfléchir sur vos discussions et délibérations, enregistrant pour Nous et pour l'Eglise entière votre expérience et votre sagesse, tant dans le domaine de la doctrine qu'en celui du gouvernement pastoral de l'Eglise ; et c'est pourquoi Nous Nous abstenons pour le moment de commenter les thèmes que vous avez traités au cours de cette réunion.

Nous ne voulons pas, toutefois, Nous priver du plaisir ni Nous dispenser du devoir de vous adresser, en une occasion aussi particulière et favorable, un mot fraternel, en revenant sur le thème de l'unité dans l'Eglise et de l'Eglise. Cette rencontre même est une célébration aussi bien de cette note extérieure et distinctive de l'Eglise du Christ, que de la propriété intérieure et mystérieuse de cette même Eglise que le Christ, de toute évidence et selon la plus haute manifestation de sa volonté « ut sint unum» (
Jn 17,11-21), a fondée dans l'unité.

Ensemble, réfléchissons un moment sur l'unité de l'Eglise. Nous ferons bien de remarquer combien la pensée théologique s'est intéressée à ce thème durant les siècles : depuis les expressions inoubliables et prophétiques de la Didaché (cf. IX, 4 ; X, 5) et des lettres de saint Ignace d'Antioche (cf. Philad. 4 ; Ep 2 Smyr Ep 1,2 etc. ), jusqu'au traité de saint Cyprien (de catholicae Ecclesiae unitate), à la pensée de saint Ambroise (cf. Ep Ep 11,4 PL Ep 16,218), de saint Augustin spécialement, de saint Léon ; et aux grands théologiens médiévaux (cf. S. th. III, 8), à ceux de la Renaissance (cf. Cajetan, Bellarmin, Suarez...), pour en arriver aux modernes (cf. J. Adam Moehler surtout, ainsi que Newman, Scheeben, Perrone, Clérissac, Congar, Hamer, le cardinal Journet dans sa grande synthèse sur L'Eglise du Verbe incarné) et finalement aux théologiens postconciliaires (parmi bien d'autres, cf. Philips, etc.). Nous n'oublierons pas la grande encyclique Mystici Corporis, du pape Pie XII, et nous aurons toujours présents à l'esprit les documents du Concile Vatican II, en particulier les deux Constitutions Lumen gentium et Gaudium et spes, dans lesquelles est exprimée d'une manière incomparable la conscience doctrinale de l'Eglise sur elle-même et sur sa position historique et concrète dans le monde contemporain.

Nous Nous permettons de vous rappeler ce grand fait culturel de l'Eglise contemporaine à cause de son importance primordiale dans la vie ecclésiale, à cause aussi de l'obligation qui en découle pour nous, évêques, témoins de la foi et pasteurs du peuple de Dieu, d'assumer une position sûre quant à la doctrine concernant l'Eglise, et spécialement quant à l'unité, qui doit donner au visage de l'Eglise son reflet divin, le sceau de son authenticité, son caractère symboliquement exemplaire même pour le monde contemporain, qui cherche son unification temporelle dans une civilisation pacifique.

A vous, vénérés Frères, d'accueillir cette claire recommandation, et d'approfondir une étude aussi attirante, aussi vaste, aussi complexe, que celle qui concerne notre Eglise catholique bien-aimée, pour laquelle le Christ versa son sang (cf. Ep Ep 5,25).

A Nous, au contraire, de mentionner rapidement deux aspects de cette communion intime de l'Eglise au-dedans d'elle-même.

Le premier aspect de cette communion, la première unité, c'est celle de la foi. L'unité dans la foi est nécessaire et fondamentale, vous le savez. Nous ne pouvons transiger sur cette exigence. Pour différentes que soient les conditions subjectives du croyant, nous ne pouvons admettre l'incertitude, le doute, l'équivoque au sujet de tout ce que la Révélation nous a communiqué sur Dieu Père tout puissant, Créateur de toute chose, Principe immanent de tout ce qui existe, Etre transcendant et ineffable, digne d'une adoration et d'un amour sans limites de notre part à nous qui avons l'indescriptible chance d'avoir été élevés du rang de créatures à celui de fils. De même, nous ne pouvons hésiter à reconnaître en Jésus-Christ le Verbe fait homme, le Maître des vérités suprêmes sur les destins humains, le Sauveur, offert en sacrifice et ressuscité, de l'humanité, et qui rassemble toutes choses en lui-même (cf. Ep Ep 1,10), qui, par sa croix, attire à lui toute l'humanité (Jn 12,32) et fait des hommes fidèles son unique corps mystique (cf. Ep Ep 4,5). Nous ne pouvons douter de l'Esprit Saint, qui donne la vie et qui rend témoignage de lui-même en nos coeurs (cf. Jn Jn 15,26 Jn 16,16 Rm 8,16 etc. ), et qui donne à l'Eglise des ministres qualifiés pour témoigner de manière décisive des vérités religieuses (cf. 2Co 10,5-6). Nous ne pouvons faire abstraction du grand fait qui émane du Christ, sa continuation, son corps social et historique, visible et mystique, son Eglise, signe et instrument du salut de l'humanité, ni oublier les paroles incisives de saint Augustin à ce sujet : « il n'est rien que le chrétien doive craindre autant que d'être séparé du corps du Christ » (In Io. Tr. 27, 6 ; PL 35, 16-18). En un mot, le « Credo », notre Credo est pour nous inaliénable. Il est notre vie.

Fort de cette sécurité — que Nous, humble mais authentique successeur de Pierre, avons reçu mission de confirmer en vertu d'un pouvoir spécial venant du Christ Seigneur (Lc 22,32) —, Nous tournons notre regard vers la réalité humaine du catholicisme : celui-ci, par sa définition même, est fait pour tous, pour tous les peuples, pour toutes les nations, pour toute la terre. Comment ce catholicisme, aussi ferme et aussi jaloux de son unité, pourra-t-il embrasser tous les hommes, si différents entre eux ? Exige-t-il donc l'uniformité absolue dans toutes les manifestations de la vie ? N'y a-t-il qu'une seule manière pratique et historique d'interpréter la vraie et unique foi du Christ ?

Vous savez, Frères, combien est facile et claire la réponse à cette question troublante. Et cette réponse, l'Esprit Saint lui-même l'a donnée le jour de la Pentecôte, lorsque ceux qui avaient reçu l'effusion du Souffle et du Feu divin envoyé du ciel par le Christ, parlaient, comme enivrés, « chacun en sa propre langue » (Ac 2,6), bien qu'ils appartinssent à des races différentes. Cette réponse est encore donnée, amplement et à maintes reprises, par le récent Concile, spécialement dans le décret, désormais célèbre, Ad Gentes, dans lequel l'unité propre au catholicisme est mise en harmonie avec son apostolicité : cette dernière, loin d'étouffer ce qu'il y a de bon et d'original dans toute forme de culture humaine, accueille au contraire, respecte et valorise le génie de chaque peuple, et elle revêt de variété et de beauté l'unique vêtement sans couture (Jn 19,23) de l'Eglise du Christ (cf. Ps Ps 44,10 Ad Gentes, AGD 22, etc. ).

Faut-il donc, dira-t-on, admettre un « pluralisme » ? Oui, mais il faut bien s'entendre sur la signification de ce mot. Celle-ci ne saurait être en contradiction avec l'unité substantielle du christianisme (cf. Ep Ep 4,3-6). Vous savez les dangers qui se cachent dans le pluralisme lorsqu'il ne se limite pas aux formes contingentes de la vie religieuse mais ose autoriser des interprétations individuelles et arbitraires du dogme catholique, ou lorsqu'il érige en critère de vérité la mentalité populaire, ou encore fait abstraction, dans l'étude théologique, de la tradition authentique et du magistère responsable de l'Eglise.

82 Le deuxième aspect de la communion catholique est celui de la charité. Vous savez l'importance souveraine qu'a la charité dans tout le dessein divin de la religion catholique, et la place qu'elle tient dans le tissu conjonctif de l'unité ecclésiale. Nous devons en arriver à une charité plus consciente et plus active dans les divers aspects de la vie ecclésiale que le Concile a mis en relief : le Peuple de Dieu doit être éduqué toujours davantage à l'amour mutuel de chacun de ses membres ; la communauté entière de l'Eglise doit se sentir, grâce à la charité, unie, sans divisions, solidaire et, par conséquent, distincte en elle-même ; les rapports hiérarchiques, pastoraux — c'est évident —, collégiaux, ceux des diverses fonctions ministérielles, les rapports sociaux, domestiques, doivent tous être animés par un courant toujours efficace de charité, qui a pour effets directs le service (c'est-à-dire le sacrifice et le don de soi) et l'unité : l'Eglise est charité, l'Eglise est unité.

Telle est, Nous semble-t-il, la vertu principale qu'exigé de l'Eglise catholique l'heure présente, si agitée dans le domaine spirituel qu'elle en arrive à insinuer la crainte de grands et ruineux bouleversements. L'Eglise sera ferme et forte si elle est en elle-même unie dans la foi et par la charité. Beaucoup se demandent ce que doit faire l'Eglise pour attirer à elle le monde hostile et incroyant : l'unité dans la foi et dans l'amour sera le témoignage qui agira d'une manière efficace sur le monde, comme Jésus nous l'a dit (
Jn 17,21).

Tel est, vénérables Frères, le message qu'au nom du Christ Nous vous laissons en souvenir de cette rencontre : « ut omnes unum sint ». Avec notre fraternelle Bénédiction Apostolique.





AU CORPS DIPLOMATIQUE*


Sydney, Australie

Mardi 1 décembre 1970




Messieurs,

La rencontre dont vous Nous fournissez l’occasion est toujours pour Nous l’une des joies de Nos voyages à travers le monde. En un instant, c’est presque la terre entière, en la personne de ses représentants les plus choisis, qui s’offre à Nos yeux. Nous présentons à vos personnes et à vos peuples respectifs Notre salut respectueux avec Nos voeux de prospérité.

Notre séjour en Australie tend déjà vers san fin et Nous Nous félicitons d’avoir voulu ce long déplacement pour mieux répondre à Notre charge apostolique, par laquelle Nous sommes investi du souci de toutes les Eglises. Dans un esprit de communion et de partage de responsabilité, Nous avons ici, comme l’autre jour à Manile, étudié avec les évêques de cette immense région du monde, cherchant ensemble comment porter aujourd’hui la parole éternelle de Dieu à l’homme contemporain. L’objectif de ce voyage est d’ordre spirituel, mais c’est avec joie que Nous prenons également contact avec les Gouvernements et les Autorités locales pour les assurer de Notre loyal dévouement et pour leur exprimer Notre reconnaissance de leur hospitalité si cordiale. Nous y puisons un grand encouragement à poursuivre Notre mission au service de tous les hommes et à répéter Notre appel aux croyants pour que, portés par le dynamisme de leur foi, ils travaillent, en fraternelle collaboration avec les hommes de bonne volonté, au renouvellement de l’ordre temporel (Cfr. Apostolicam actuositatem AA 5).

Votre mission, Messieurs, s’apparente de bien des manières à la Nôtre, parce que vous travaillez pour la cause de l’ordre international et du progrès pacifique des Peuples. Vous engageant dans cet effort général de concertation si nécessaire au monde d’aujourd’hui: concertation pour établir les conditions d’une paix juste; pour jeter les bases d’une société solidaire où le riche aide le pauvre, où le puissant soutient le faible.

Nous prions Dieu de vous aider dans cette fonction si éminente et si lourde de responsabilité, pour que, malgré lenteurs et tentations d’impatiences, grandisse chez les hommes la conscience qu’ils sont tous frères et fils du même Père qui est dans les Cieux. Avec ce voeu, Nous implorons sur vos personnes et vos pays respectifs l’abondance de la bénédiction divine.

*AAS 63 (1971), p.59.

83 Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII p.1316-1317.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.50 p.7, 8.




4 décembre



UN SEUL MOT : AMOUR





Paul VI à Hong-Kong



Fils et frères très chers,



C'est avec joie que Nous avons accepté la courtoise invitation que Nous a adressée votre Pasteur zélé, Notre frère l'évêque Hsu.

Il Nous est agréable de saisir l'occasion du voyage apostolique, qui Nous a conduit en Asie et en Australie pour Nous rencontrer avec les Conférences Episcopales de ces régions, pour faire une brève visite au plus grand Diocèse chinois du monde. Nous sommes très heureux d'être parmi vous, chers fils et filles de Hong-Kong. Nous voulons vous remercier personnellement pour l'affection et le dévouement que vous avez manifestés au Saint-Siège de plusieurs et diverses manières ; Nous voulons vous féliciter pour les multiples réalisations de votre communauté catholique qui fonctionne si bien ; Nous voulons vous encourager à persévérer fermement dans la foi de votre Baptême et de votre Confirmation, et vous exhorter à un engagement de plus en plus grand dans la recherche des moyens les plus conformes pour rendre le message chrétien d'amour plus compréhensible dans le monde où vous vivez ; de cette manière vous contribuerez effectivement à démontrer à tous vos frères et soeurs la jeunesse éternelle et l'éternelle capacité rénovatrice de l'Evangile du Christ et leur donner ainsi une espérance pour construire dans l'amour une société plus fraternelle.

Nous sommes actuellement en prière.

Que chacun de nous prenne conscience du double rapport que cette prière, notre messe, établit pour nos âmes : nous sommes en rapport avec le Christ, et nous sommes en rapport avec nos frères les hommes.

Oui, nous qui sommes réunis ici au nom du Christ, nous sommes avec lui. Bien plus, lui est avec nous. Lui-même nous l'a affirmé : là où vous serez réunis en mon nom, a-t-il dit, je serai au milieu de vous (cf. Mt Mt 18,20). En outre, à notre humble personne est confié le ministère de le représenter, lui Jésus-Christ, Chef unique, mais maintenant invisible, de l'Eglise (cf. S. th. III, 8, 1), suprême « Pasteur et gardien » de nos âmes (cf. 1P 2,25) ; et Nous sommes heureux que notre rôle de Vicaire du Christ rende en ce moment plus vif le sens de sa présence au milieu de cette assemblée, plus efficace sa vertu divine, plus immédiate sa consolation spirituelle. Mais le rite que Nous célébrons sera tout à l'heure plus réaliste et plus mystique, lorsqu'il deviendra la cène-sacrifice, instituée par le Christ lui-même pour appeler et renouveler sacramentellement sa passion rédemptrice, et lorsque lui-même se donnera à nous comme nourriture de vie éternelle.

Frères, donnons tous ensemble à cette célébration toute la richesse de signification qu'elle contient ; apportons-lui, tous et chacun, notre adhésion la plus complète, et en perpétuel souvenir de ce moment heureux et extraordinaire accordons-lui notre profession de foi, humble, ferme, totale. Nous dirons dans quelques instants : mystère de foi !

84 Tel est le premier rapport dans lequel cette action liturgique doit nous établir de façon permanente : la foi ; cette foi qui est nôtre et que Nous vous annonçons et confirmons à tous.

Il est un second rapport, vous le savez, qui est établi, d'abord dans nos consciences, dans nos coeurs, puis dans notre vie extérieure, par la célébration que nous sommes en train d'accomplir.

L'Eucharistie est un signe, un lien d'unité (cf. S. th. III, 73, 2 et 3). Elle est un sacrement de communion. Au moment même où l'Eucharistie nous met en communion réelle avec le Christ, celui-ci nous met en communion spirituelle, mystique, morale et sociale avec tous ceux qui se nourrissent du même pain (cf.
1Co 10,17). C'est le sacrement de l'unité ecclésiale. C'est le principe suprême de cohésion de la communauté des fidèles. C'est le sacrement qui contient le corps réel du Christ et tend à produire le Corps mystique du Christ, qui est l'Eglise.

Arrêtons-nous ici et concluons : l'Eglise est donc un effet de l'action unitive de l'amour du Christ pour nous, et elle peut-être considérée elle-même comme un signe efficace, un sacrement d'unité et d'amour. Aimer est sa mission. Or, tandis que Nous disons ces paroles simples et sublimes, Nous avons autour de Nous — et Nous le sentons presque — tout le peuple chinois, en quelque lieu qu'il se trouve.

Pour la première fois dans l'histoire, l'humble apôtre du Christ que Nous sommes vient en cette terre de l'Extrême Orient ; et que dit-il ? et pourquoi vient-il ? Pour dire un seul mot : amour. Le Christ est aussi pour la Chine un Maître, un Pasteur, un Rédempteur qui aime. L'Eglise ne peut taire cette bonne parole : amour, qui restera.





Discours 1970 78